SERMON IV
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CÈNE

SERMON IV.

1. Plus on savoure dans la bouche le Verbe de Dieu, plus il doit causer de douceur dans le cœur. Et pénétrée de ce goût divin, l'âme entreprend d'ouvrir à tous ceux qui le désirent ce vase de parfum.. elle ne supporte pas de cacher plus longtemps ce trésor qui se multiplie .en se distribuant. C'est donc avec raison que nous nous réjouirons de partager les fruits des paroles divines, qu'avec la grâce de Dieu nous avons cueillis dans le Seigneur, à quiconque désirera les porter dans ses mains pour respirer les parfums qu'ils exhalent. Mais je prie mon lecteur de ne pas les mettre loin de l'affection de son cœur. Car il en sort une senteur très-suave qui guérit ceux qui ont le cœur contrit et qui ferme les cicatrices de leurs plaies. Cette odeur contient le premier de tous les parfums, parce qu'elle surpasse les exhalaisons du baume et tout ce qui est renfermé dans toutes les autres agréables senteurs. Cette odeur précieuse et divine, si vous rte cessez de la respirer de tout votre cœur, assurément vous ne périrez jamais, parce qu'elle est résurrection et vie. « Qui croit eu Jésus, fût-il mort, il vivra (Joan. XI, 25). » Cette odeur, suavité de tous les parfums, c'est le Seigneur Jésus: odeur bonne, très-suave, plus douce que le lait et que le miels plus agréable que la vertu, plus précieuse que for et les pierreries. Cette odeur est le Verbe dont nous allons parler, « le Verbe qui a été fait chair et a habité parmi nous (Joan. I, 14.) » Que de ce Verbe procèdent toujours mes paroles, et qu'elles ne rendent jamais d'autre son que le Seigneur Jésus, qui dit en parlant de lui-même. « A présent le Fils de l’homme est glorifié. »

2. Après la sortie de Judas, dont le Seigneur avait dit : « Vous n'êtes pas tous purs, » restèrent seulement ceux qui étaient purs, avec celui qui les avait purifiés, en quoi est indiquée la clarification de Jésus, qui consiste dans l'éternelle séparation des méchants d'avec les saints. Il en est ainsi, mais l'amour de Jésus-Christ réclame ici une autre exposition, exposition qui ne doit être ni écrite, ni lue sans larmes. Aux approches de la passion, aux approches de la mort qu'il devait subir pour le salut du monde, Jésus se réjouit, il tressaille, il est transporté d'allégresse et s'écrie : « A présent, le Fils de l'homme est clarifié. » O Seigneur Jésus, fils de l'homme, fils de la Vierge Marie, plein d'éclat, de douceur et de beauté, vie des saints et douceur des anges, comment êtes-vous glorifié, comment êtes-vous clarifié ? Est-ce que les liens, les coups des bourreaux, les opprobres des hommes et la dérision du peuple, les crachats, les clous, les soufflets, la couronne d'épines, le roseau pour sceptre, la croix, la lance, tous ses supplices ne vous attendent-ils pas? Ou bien est-ce qu'avoir les mains liées derrière le dos, et être amené garrotté devant le juge et exposé à la vue publique comme un malfaiteur, constitue votre clarification. Ou bien votre joie est-elle de monter sur le gibet de la croix, et de souffrir un supplice si cruel? Votre bonheur est-il de mourir pour le salut du genre humain ? Que dirons-nous à cela ? Que répondrons-nous, mes frères ? Ici la voix doit se taire, et les larmes parler; le discours s'arrêter et les pleurs crier. Jésus-Christ, notre Dieu, regardait comme rien, ou plutôt il prenait pour une joie, le trépas par lequel il nous délivre de la mort éternelle. Et quoique si près de son dernier moment, cependant il se disait clarifié, parce qu'en souffrant et en mourant de la sorte, il glorifiait ses fidèles.

3. O bon moine, ô bon chrétien, repassez vos mauvaises années dans l’amertume de votre âme. Placez d'un côté Jésus ainsi crucifié, et de l'autre vos péchés, et voyez ce que vous avez à faire dans cette position. Considérez l'agneau, contemplez le Christ, votre Seigneur, étendu sur la croix, souffrant si cruellement pour vous. Voyez les turpitudes de votre chair, les effusions mauvaises de votre âme. Répandez des larmes devant le crucifié; il est prêt à vous pardonner, lui qui, pour vous, a souffert de pareils supplices. « A présent le Fils de l'homme est clarifié. » Il est bien fils de l'homme, et non des hommes ; né sans germe humain, de la vierge pure et immaculée, dans le ciel, il est engendré du Père sans mère. Sa mère est vierge, son Père ignore la femme. Le fils de l'homme est grandement clarifié, parce que tout ce que le Fils de Dieu a eu par nature, le Fils de l'homme l'a eu par grâce. Dans ce Fils de l'homme, c'est-à-dire de la vierge Marie, Dieu est clarifié. En quoi? par la santé qu'il donne aux malades, par l'ouïe qu'il rend aux sourds, par la résurrection des morts, et parce qu'en toutes les œuvres qu'il opère, il accomplit toujours la volonté de son Père. Et Dieu l'a clarifié en lui-même, parce qu'il est un seul Dieu avec le Père, une même divinité, une même majesté, et cette glorification est de toute éternité. Aux approches de sa mort, en tant qu'homme, il demandait à son Père de la lui accorder lorsqu'il disait: « Père, glorifiez-moi ne vous de la clarté que j'ai eue avant que le monde fût. » La clarté qu'il avait comme Dieu, il la voulait avoir en tant qu'homme, afin que la nature humaine unie au Verbe, ce qui alors était passible mortel, devînt promptement impassible et immortel. C'est ce que veut dire ce mot : « Et de suite il le glorifiera.

4. Pour vous, chrétien, qui désirez avoir un héritage avec le Christ, souvenez-vous toujours de glorifier Dieu le Père, par des pensées pures, par des paroles saintes, par des actions réglées, dans toute votre conduite, afin que quiconque vous verra, glorifie Dieu et le bénisse, disant . Béni soit le Seigneur au ciel et sur la terre, qui opère de si heureux effets en ses serviteurs. Assurément si, avec le Christ, vous glorifiez le Père, avec le même Christ vous jouirez de l'héritage du Père. Je dis là de grandes choses. Que l'homme terrestre sorti de la terre, poussière tirée de la poussière, monte au ciel vers Jésus-Christ, et règne pour toujours avec lui, voilà qui dépasse la condition humaine. Qui a jamais entendu dire chose semblable ? Qui a jamais vu spectacle pareil ? Oui, c'est chose grande, trop grande, et bien que si grande, réellement grande et assurée. La Vérité elle-même a dit : « Père, je veux que là où je suis, là se trouve aussi mon serviteur (Joan. XVII, 24). » Pour vous, moine de saint Benoît, soyez en vérité un bon serviteur de Jésus-Christ, n'affectez pas disjointement d'être religieux, ne simulez pas la sainteté, ne perdez jamais l'humilité, observez l'obéissance jusqu'à la mort, et ainsi vous régnerez avec le Christ, qui, dans les passages suivants, a dit : « Mes petits enfants, je suis encore avec vous, pour peu de temps. Il les appelle petits enfants, parce que la solidité de la foi ne fortifiait pas encore pleinement leur âme tendre. Habitués à vivre de lait ils n'étaient pas aptes encore à manger le pain solide. Ils sont petits enfants, parce qu'ils sont petits, et comme petits en Jésus-Christ, ils prenaient pour nourriture du lait et non des aliments solides. Ils connaissaient le Sauveur selon l'humanité; mais plongés dans les ténèbres de leur esprit, ils croyaient en vacillant à la Divinité. Nous pouvons dire aussi, que Jésus-Christ leur donne ce titre à cause de la grandeur de son affection pour eux. C'est la coutume des parents de nourrir plus délicatement leurs petits enfants que les grands, et de les embrasser plus souvent. Et lorsque la mort vient les arracher de ce monde, ils déploient tout le fonds de leur tendresse à l'égard de ces petites créatures, ils les pressent dans leurs bras, ne cessent de les embrasser, pleurant plus en les perdant que s'ils les perdaient adultes. On peut regarder comme petits enfants ceux que lie la chaîne d'un invincible amour, alors que la tutelle des parents ne leur est plus d'aucune utilité. Alors ils portent dans leur pensée leurs petits enfants, à qui ils ont fait une place très-grande dans leur cœur. De même Notre-Seigneur appela ses disciples petits enfants, parce que, sur le point de revenir vers son Père, il les aimait d'une affection très-vive. Il chérissait extrêmement ceux, qu'il appelait déjà petits enfants.

5. Il dit : « Je suis avec vous pour peu de temps. » Cela veut dire : durant le peu de temps où je suis avec vous dans cette chair mortelle, vous pouvez jouir de ma présence. Mais je porterai l'instrument du supplice, bientôt je détruirai l'empire de la mort. Va bientôt venir une heure où je ne paraîtrai pas être un homme, je serai l'opprobre de toutes les créatures et le rebut du peuple. Alors vous me chercherez, vous désirerez me suivre ; mais saisis de la peur de mourir, n'étant point encore revêtus de la force d'en haut, vous ne pourrez donner votre vie pour moi, et c'est ce que signifient ces paroles « Vous ne pouvez actuellement me suivre où je vais. » En voici le sens : Je vais vers mon Père, mais j'y vais en passant par le trou d'une aiguille, par les angoisses de la passion, par les douleurs de la mort. Mais vous ne pouvez en ce moment me suivre, parce que, craintifs et tremblants, vous êtes comme des chevreaux dans le lait de leur mère, très-peu propres à être immolés. Viendra un temps et une heure où, toute crainte entièrement bannie, vous serez prêts à souffrir pour l'amour de moi, non-seulement le supplice de la croix, mais tout autre tourment encore plus cruel. « Mes petits enfants, je suis encore pour bien peu de temps avec vous. » O Seigneur Jésus, votre charité me contraint de revenir encore à ce peu de temps. Jésus, Jésus mon Seigneur et mon Dieu, vie de mon âme votre pécheresse, terme de mon pèlerinage, ce peu de temps seul fut amer pour vous. En ce court intervalle, vous devîntes l'opprobre des hommes et la dérision du peuple. Vous y avez été, répandu comme l'eau, et tous vos os ont été dispersés : pasteur, vous y avez été frappé, et vos brebis ont pris la fuite de tous côtés ; en ces instants si amers, le plus ravissant des enfants des hommes, vous avez paru sans apparence ni beauté : alors mon David, je veux dire mon Jésus, mon Seigneur, chantait dans l'instrument de sa chair, et disait : « Heloy, Heloy, Lamazabatani ? c'est-à-dire : Mon Dieu, mon Dieu; pourquoi m'avez-vous abandonné ! » Alors, ma souveraine, votre mère, Vierge sans corruption, Vierge sans tache, Vierge avant, Vierge après son enfantement, votre Mère, disons mieux, votre martyr, martyr non par le fer de bourreau, mais par la cruelle blessure de son cœur, quelles larmes amères elle répandait, quelle douleur cruelle elle ressentait ! Cela n'offre rien d'étonnant, elle vous voyait, vous son fils unique, tout son désir, étendu sur la croix, proche de la mort, plus que cela, rendre l'esprit après avoir courbé la tête. Ce moment, Seigneur Jésus, amer pour vous, amer pour votre très-douce Mère, plût à Dieu qu'il me fût aussi amer qu'il l'eût été, si j'avais été aux. pieds de la croix de mon Seigneur, comme si j'avais mérité de voir mourir sur là croix celui que je ne puis encore voir régnant avec son Père. Qu'il fut heureux ce moment, qu'il fut agréable, qu'il fut glorieux pour ce larron, qui entendit ces paroles de la bouche de son Maître ; « Aujourd'hui, tu seras avec moi, dans le paradis (Luc. XXIII, 43). » O parole ravissante et douce : « Aujourd'hui, tu seras avec moi dans le paradis ! » O Seigneur Jésus, quoi de plus doux, quoi de plus délicieux que d'être avec vous dans le paradis ! Rien, absolument rien, n'est préférable. Que dirai-je donc, que ferai-je, vivant encore dans l'ennui de ce pèlerinage, si éloigné du bonheur du paradis de mon Dieu ? O bon Jésus, soyez Jésus pour moi. O Sauveur, rappelez-vous ce que vous avez souffert et pourquoi vous avez souffert, et prenez pitié de moi. Que la bonté vous force à vaincre nos maux en les pardonnant, et comblant mes vceux, rassasiez-moi en me montrant votre face. Soyez ma joie, vous qui devez être ma récompense. Que dais tous les siècles ma gloire soit en vous, qui vivez et régnez avec le Père et le Saint-Esprit, etc. Amen.

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