SERMON LXII
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SERMON LXII. Qu'est-ce pour une âme fidèle que demeurer dans les trous de la pierre et de se trouver dans les fentes des murailles. Il vaut mieux chercher la volonté de Dieu, que sonder sa gloire et sa majesté. Pureté du cœur qu'il faut avoir pour prêcher la vérité.

1. « Ma Colombe est dans les trous de la pierre, et dans les creux de la muraille (Cant. II , 13). » Ce n'est pas seulement dans les trous de la pierre que la colombe trouve un refuge assuré, c'est aussi dans les ouvertures de la muraille : Si nous prenons cette muraille, non pour des monceaux de pierre, mais pour l'assemblée des saints, voyons s'il n'entend point par ses ouvertures, les places qu'ont laissées vides les anges qui sont tombés du ciel par leur orgueil, et qui seront remplies par les hommes comme des ruines qui doivent être rebâties de pierres vivantes. Ce qui faisait dire à l'apôtre saint Pierre : « Vous approchant de la pierre vivante, soyez vous-mêmes des pierres vivantes, employées à des édifices spirituels (I Pet. II). » Je crois aussi qu'on peut dire avec quelque raison, que les anges qui vous gardent sont comme des murailles dans la vigne du Seigneur, je veux dire dans l'assemblée des prédestinés, puisque saint Paul dit: « Tous ces esprits bienheureux ne sont-ils pas les ministres de Dieu, envoyés pour servir ceux qui sont destinés à l'héritage des élus (Heb. I, 14) ?» Et le Prophète: «L'ange du Seigneur veillera à l'entour de ceux qui le craignent (Psal. XXXIII, 8). » Si cette explication vous agrée, le sens sera, que deux choses consolent l'Église dans le temps et, dans le lieu de son pèlerinage. Pour le passé, la mémoire de la passion de Jésus-Christ, et pour l'avenir, la pensée et l'espérance qu'elle sera reçue dans la société des saints. Elle regarde ces deux choses avec un plaisir qui ne la rassasie jamais, l'un et l'autre objet lui semblent infiniment doux, l'un et l'autre lui serviront de refuge et de consolation contre les afflictions et les douleurs, parce qu'elle ne tonnait pas seulement ce qu'elle doit espérer, mais encore de qui elle le doit espérer. Son attente est pleine de joie et de certitude, parce qu'elle est fondée sur la mort de Jésus-Christ. Pourquoi s'étonnerait-elle de la grandeur de la récompense, quand elle sait quel est le prix de sa rançon ? Qu'elle a de bonheur à considérer en esprit ces ouvertures saintes par lesquelles a coulé le sang sacré de son Sauveur ! Qu'elle a de satisfaction à repasser sans cesse en elle-même ces creux de la muraille, ces retraites et ces demeures, qui sont si différentes, et si nombreuses dans la maison du Père, et dans lesquelles il doit placer ses enfants selon la diversité de leurs mérites ! Et parce que maintenant elle ne peut pas encore y entrer en effet, elle y entre de la manière qu'il est possible, en esprit et par un continuel souvenir. Le temps arrivera un jour où elle relèvera ces ruines, habitera de corps et d'esprit dans ces ouvertures, et remplira par la multitude de ses enfants les places que les anciens habitants du ciel ont laissées vides, et alors on ne verra plus de trous dans ce mur céleste, il sera entier et parfait.

2. Ou, si vous l'aimez mieux, nous dirons que les âmes pieuses et zélées ne trouvent pas ces trous, mais les font. Comment cela, me direz-vous ? Par la force de leur pensée et de leurs désirs. Car cette muraille céleste cède aux désirs ardents de l'âme, comme des pierres molles cèdent au ciseau qui les taille ; elle cède à une contemplation pure, elle cède à une oraison fréquente. Car la prière du juste pénètre les cieux (Eccl. XXXV, 21). Ce n'est pas quelle fende les plaines de cet air matériel comme fait un oiseau avec ses ailes, ou qu'elle traverse, comme avec une épée, le haut du firmament. Il y a des cieux qui sont saints vivants et raisonnables, qui racontent la gloire de Dieu, qui daignent favorablement s'abaisser jusqu'à nous, lorsque nous les en prions, et qui, se laissant toucher par nos vœux, veulent, bien nous réunir comme dans leur sein, toutes les fois que nous y frappons à leur porte avec une intention droite et pure. Car on ouvre à celui qui frappe. Il est donc permis à chacun de nous, même durant le temps de cette vie mortelle, de se creuser des trous en telle partie qu'il lui plaira de cette muraille céleste, de visiter les patriarches et de saluer les prophètes, de se mêler aux collège des apôtres, de s'introduire dans le choeur des martyrs .On peut même, si on en. a dévotion, parcourir avec allégresse les demeures des bienheureuses vertus, depuis le moindre des anges jusqu'au plus grand des Chérubins et des Séraphins. Et si quelqu'un frappe avec persévérance jusqu'à la porte de ceux dans la compagnie desquels il se plaira davantage, comme l'esprit de Dieu souffle où il veut, ils lui ouvriront aussitôt, et, se faisant comme une ouverture dans ces montagnes, ou plutôt dans ces esprits célestes, qui se laisseront fléchir à ses prières, il reposera un peu parmi eux. La voix et le visage de quiconque agit de la sorte, sont toujours agréables à Dieu; le visage à cause de sa pureté, la voix à cause des louanges qu'il lui donne. Car il voit d'au œil favorable ceux qui confessent son nom et qui ont l'âme belle (Psal. XCV, 6). C'est pourquoi il dit à celui qui se montre tel : « Montrez-moi votre. visage, que votre voix retentisse à mes oreilles (Cant. II, 14). » La voix est l'admiration de l'âme en contemplation; c'est l'action de grâces. Dieu se plaît extrêmement dans les creux de cette muraille, d'où sort une voix d'action de grâces, une voix d'admiration et de louanges.

3. Heureuse l'âme qui a soin de se creuser souvent des retraites dans cette muraille; mais plus encore celle qui s'en creuse dans la pierre. On peut aussi s'en creuser dans la pierre, mais il faut pour cela une pureté bien plus grande, une application bien plus forte, et une sainteté bien plus éminente. (a) Mais qui possède tant de sublimes qualités !

a Dans plusieurs manuscrits, le mot « sainteté » manque : Toutefois il se trouve dans toutes les éditions même dans les plus anciennes.

C'est celui qui a dit: « Le Verbe était dès le commencement, et le Verbe était en Dieu. Ainsi des le commencement le Verbe était en Dieu (Joan. I, 1). » Ne vous semble-t-il pas qu'il s'est comme abîmé dans le sein du Verbe, et qu'il a puisé dans le plus profond de son cœur comme la moëlle sacrée de la sagesse ? Que dirai-je de celui qui tenait parmi les saints des discours si élevés et si pleins de sagesse, mais d'une sagesse si mystérieuse que nul des princes du monde n'a connue (I Cor. II, 6)? Aussi l'était-il allé chercher jusque dans le troisième ciel, après avoir percé les deux premiers par une pieuse et sainte curiosité. Et il ne nous l'a pas cachée, au contraire il a tâché de nous la découvrir le plus fidèlement et le plus clairement qu'il a . Il a ouï des paroles ineffables qu'il ne lui a pas été permis de divulguer aux hommes (II Cor. XII, 4), et dont il s'entretenait. seulement avec Dieu. Représentez-vous donc Dieu consolant ainsi la charité de saint Paul de la peine qu'elle ressent de ne pouvoir leur en faire part, et lui dire: Pourquoi vous tourmentez-vous de ce que les hommes ne sont pas capables d'entendre les choses que vous. avez comprises? « Que votre voix résonne à mes oreilles. » C'est-à-dire, s'il ne vous est pas permis de révéler aux mortels ce que vous pensez, consolez-vous au moins que votre voix soit admise à charmer les oreilles d'un Dieu. Voyez-vous comme cette âme sainte s'abaisse quelquefois à cause de la charité qu'elle a pour nous, et s'élève d'autres fois extraordinairement lorsqu'elle parle avec Dieu ? Voyez aussi si David n'est point lui-même cet homme sûr au sujet duquel il dit à Dieu comme s'il parlait d'un autre : « La pensée de l'homme vous louera, et les restes de sa pensée s'occuperont à célébrer des fêtes en votre honneur (Psal. LXXIII, 11). » Tout ce que le Prophète pouvait faire paraître de ses pensées par ses paroles ou par son exemple, il l'employait donc à rendre à Dieu des louanges publiques parmi les hommes, et ce qui en restait il le gardait pour lui et pour Dieu, et ils en faisaient ensemble des fêtes et des réjouissances particulières. C'est donc ce qu'il veut nous faire entendre par ce verset que je viens de citer, que de tout ce qu'il pouvait tirer du secret de la sagesse divine, par une recherche très-exacte et très-ardente, il en faisait part aux hommes du mieux qu'il lui était possible, par les instructions et les enseignements qu'il leur donnait; et que pour le reste, qui était au dessus de leur portée, il l'employait en particulier à chanter des hymnes de louanges à Dieu. Vous voyez par là qu'il ne se perd rien de la sainte contemplation, puisque ce qui ne peut servir à l'édification des peuples, sert à composer en l'honneur de Dieu des cantiques de louanges qui lui sont très agréables.

4. D'où il paraît clairement qu'il y a deux sortes de contemplations, l'une de l'état, du bonheur, de la gloire de la cité céleste, à laquelle est occupé ce grand nombre de citoyens du ciel, soit qu'ils agissent ou qu'ils se reposent. L'autre, de la majesté, de l'éternité et de la divinité du Roi de cette ville sainte. La première se fait dans la muraille, et la seconde dans la pierre. Mais plus il est difficile de creuser la pierre, plus ce qu'on en tire est agréable et savoureux. N'appréhendez point en ce cas la menace que l'Écriture fait à ceux qui veulent sonder la majesté du Très-Haut (Prov. XXV, 27) ; apportez seulement un œil pur et simple, et vous ne serez point accablé sous le poids de la gloire, au contraire vous serez admis à la pénétrer, à moins que vous ne cherchiez la vôtre plutôt que celle de Dieu. Car alors ce serait plutôt votre gloire qui vous accablerait , que celle de Dieu, car, penché vers la vôtre, vous ne pouvez pas lever vers la sienne votre tête appesantie par la cupidité. Mais si nous nous en dépouillons; nous pourrons avec assurance sonder la pierre, dans laquelle sont cachés des trésors de sagesse et de science. Si vous en doutez encore, écoutez la pierre même vous dire : a Ceux qui travaillent sur moi, ne pécheront point (Eccl. XXIV, 30). Qui me donnera des ailes de colombe pour m'envoler et me reposer (Psal. LIV, 7) ?» L'homme simple et pacifique trouve du repos, où le fourbe, le vain, et l'ambitieux, ne trouvent que de l'accablement. L'Église est une colombe, c'est pourquoi elle se repose. Elle est une colombe, parce qu'elle est innocente, et qu'elle gémit. Elle est, dis-je, une colombe parce qu'elle reçoit avec douceur le Verbe qui vient en elle. Et elle se repose dans le Verbe, c'est-à-dire, dans la pierre, car la pierre c'est le Verbe. L'Église donc demeure dans les trous de la pierre, d’où elle voit la gloire de son Époux, et néanmoins elle n'en est pas accablée, parce qu'elle ne l'usurpe pas. Elle n'est pas accablée, parce qu'elle ne sonde pas la majesté de Dieu, mais sa volonté. Il est vrai qu'elle ose bien quelquefois contempler sa majesté, mais c'est pour l'admirer, non pour la sonder, si quelquefois il lui arrive d'être ravie cri elle par extase, c'est que le doigt de Dieu est là qui daigne élever l'homme par sa bonté, ce n'est pas l'effet de la témérité de l'homme qui s'élève avec insolence jusque dans le sein de Dieu. Et quand l'Apôtre dit qu'il a été ravi, comme pour excuser sa hardiesse; quel est le téméraire qui oserait entreprendre par ses seules forces de monter jusqu'au sanctuaire terrible de cette haute majesté, et pénétrer dans ses mystères si redoutables,? Je crois donc que ceux qui sondent la majesté de Dieu, sont proprement ceux qui se précipitent sans aucune retenue dans le secret de sa grandeur, non pas ceux qu'il daigne lui-même y faire entrer par un ravissement d'extase. Aussi n'y a-t-il que les premiers qui soient accablés de sa gloire.

5. II est donc très-dangereux de sonder la majesté de Dieu, mais sonder sa volonté, c'est une chose aussi sùre que louable. En effet, pourquoi n'emploierais-je pas tout mon soin, à découvrir la volonté de celui à qui je dois obéir en tout? C'est une gloire bien agréable, que celle qui ne procède que de la contemplation de sa douceur, de la vue des richesses de sa bonté et de sa miséricorde. C'est cette gloire que nous avons vue, cette gloire du Fils unique du Père (Joan. I, 14), car toute la gloire qui a paru de cette façon, est l'effet d'une bienveillance toute paternelle. Cette gloire ne m'accablera point, quand je m'appliquerais de toutes mes forces à la contempler, au contraire, elle s'imprimera plutôt en moi. Car, lorsque nous voyons Dieu à découvert, nous sommes transformés, comme dit l'Apôtre, en une même image avec lui, et passons de clarté en clarté, comme conduits par l'esprit du Seigneur (II Cor. III, 18). Nous sommes transformés en lui, lorsque nous lui devenons conformes. Or, à Dieu ne plaise que l'homme présume lui être conforme par la gloire de la majesté, plutôt que par un assujettissement parfait à sa volonté. Ma gloire, c'est de pouvoir entendre de moi cette parole : J'ai trouvé un homme selon mon cœur. Le cœur de l'Époux est le cœur de son Père. Or, quel est le cœur de ce dernier : « Soyez, dit-il, miséricordieux comme l'est votre Père (Luc. VI, 36). » C'est cette forme-là, qu'il désire voir, lorqu'il dit à l'Église : « Montrez-moi votre visage (Cant. XXI, 14). » C'est une forme de piété et de mansuétude. Elle la lève avec toute confiance, vers la pierre à qui elle est semblable. « Approchez-vous de lui, dit le Prophète, et vous serez éclairés, et votre visage ne recevra point de confusion. (Psal. XXXIII, 5). » Comment une âme humble serait-elle confondue par. celui qui est si humble, une âme sainte par le Dieu de sainteté; une âme modeste par la douceur même? La face si pure de l'Épouse, sera-t-elle contraire à la pureté de la prière? Elle le sera si la vertu est contraire à la vertu, et la lumière, à la lumière.

6. Mais comme l'Église ne se peut pas approcher encore tout entière pour percer la pierre, car il n'appartient pas à tous ses enfants de pénétrer les secrets de la volonté de Dieu, ou de comprendre par eux-mêmes, la profondeur de ses conseils, l'Époux ne dit pas seulement qu'elle habite « dans les trous de la pierre, mais encore dans les ouvertures de la muraille. » Considérée dans ceux qui sont parfaits, et qui, par la pureté de leur conscience, et par la subtilité de leur intelligence, osent et peuvent sonder les secrets de la sagesse, elle habite dans les trous de la pierre. Considérée dans les autres, elle demeure dans les ouvertures de la muraille, c'est-à-dire ceux qui ne peuvent ou qui n'osent pas creuser par eux-mêmes dans la pierre, creusent dans la muraille, et se contentent de contempler en esprit la gloire des saints. S'il y en a qui ne puissent pas même arriver jusque là, elle leur propose Jésus-Christ, mais Jésus crucifié, afin que sans aucun travail de leur part, ils demeurent aussi dans les trous de la pierre qu'ils n'ont point creusée. Le Juif les a creusés, mais eux jouiront des travaux des infidèles, pour devenir fidèles. Ils n'ont point à craindre d'être rebutés puisqu'ils sont appelés à y entrer. « Entrez dans la pierre, dit Dieu à un de ses prophètes, cachez-vous dans une fosse creusée dans la terre, pour éviter la présence terrible du Seigneur et la gloire de sa majesté (Isa. II, 10). » L'âme qui est faible et paresseuse, et qui; selon le mot de l'Évangile, ne peut fouiller la terre, et a honte de mendier son pain (Luc. XVI, 3), voit devant elle une fosse dans la terre pour se cacher, jusqu'à ce qu'elle devienne plus forte et plus avancée, et qu'elle puisse elle-même se creuser des trous dans la pierre, pour entrer dans ce qu'il y a de plus intérieur dans le Verbe, grâce à la vigueur et à la pureté de son esprit.

7. Si par cette fosse nous entendons celui qui dit : « Ils ont creusé mes mains et mes pieds (Psal. XXI, 18); » il ne faut point douter, que l'âme blessée qui y demeure, ne recouvre promptement la santé. Car qu'y a-t-il de plus efficace pour guérir les plaies de la conscience, et pour purifier l'entendement, que la méditation assidue des plaies de Jésus-Christ? Mais jusqu'à ce qu'elle soit parfaitement purifiée et guérie, je ne vois pas comment on lui peut attribuer ces paroles : « Montrez-moi votre visage, que votre voix résonne à mes oreilles (Cant. II, 14). » Car, comment celle à qui on ordonne de se cacher, oserait-elle montrer son visage, ou élever la voix? « Cachez-vous, dit-il, dans une fosse (Isa. II, 10). » Pourquoi? parce qu'elle n'est plus belle, ni digne d'être vue. Et elle ne sera point digne d'être vue, tant qu'elle ne sera point capable de voir. Mais lorsque, par le séjour qu'elle fera dans cette fosse, elle aura tellement travaillé à la guérison de son œil intérieur, qu'elle puisse aussi contempler la gloire de Dieu à découvert, pour lors elle dira avec confiance ce qu'elle a vu, elle sera agréable à son Époux, par sa voix et par son visage. Le visage qui peut supporter les clartés du visage de Dieu, ne peut manquer de lui plaire. Car elle ne le pourrait pas, si elle n'était aussi toute claire et toute pure, et transformée dans l'image de la splendeur qu'elle contemple. Autrement, elle demeurerait tout éblouie, comme frappée par une lumière trop vive et trop éclatante. Aussi, lorsque pure, elle pourra regarder fixement la vérité dans toute sa pureté, l'Époux désirera voir son visage, et par conséquent entendre sa voix.

8. En effet, il montre assez combien la prédication de la vérité lui est agréable, quand elle est jointe à la pureté du cœur, lorsqu'il ajoute « Car votre voix est douce (Cant. II, 14), » et que la voix ne lui plait point lorsque le visage lui déplait, il le témoigne assez par ce qu'il dit aussitôt : « Et votre visage est beau : » Qu'est-ce que la beauté du visage intérieur, si non sa pureté? Elle lui a plu toute seule en plusieurs, sans la voix de la prédication: mais la voix de la prédication ne lui a jamais plu dans personne sans la pureté. La vérité ne se montre point aux impurs, la sagesse ne se confie point à eux. Comment donc pouvaient-ils parler de celle qu'ils n'ont point vue ? « Nous parlons, dit saint Jean, de ce que nous savons, et nous rendons témoignage de ce que nous avons vu (Joan. III). » Allez donc rendre témoignage de ce que vous n'avez point vu, et parler de ce que vous ne savez pas. Me demandez-vous qui est celui que j'appelle impur ? C'est celui qui recherche les louanges des hommes, qui trafique. de l'Évangile, qui prêche pour acquérir des richesses, qui regarde la piété comme un moyen de faire des profits, qui se met peu en peine de produire du fruit pourvu qu'on lui donne quelque chose. Ces personnes sont impures et ne peuvent voir la vérité, à cause de leur impureté, elles osent néanmoins en parler comme si elles l'avaient vue. Pourquoi tant vous hâter? Pourquoi ne point attendre la lumière ? Pourquoi entreprenez-vous des œuvres de lumière avant que la lumière paraisse ? C'est en vain que vous vous levez avant le jour. Le jour, c'est la pureté, le jour, c'est la charité qui ne cherche point ses propres intérêts. Il faut qu'il commence par luire, si vous voulez marcher sans le toucher. La vérité ne peut être vue par un œil superbe, il faut un œil pur pour la contempler. La vérité ne refuse pas de se montrer à un cœur pur, elle veut donc bien qu'il parte d'elle. « Mais Dieu dit au pécheur, pourquoi prêchez-vous mes ordonnances, pourquoi votre bouche ose-t-elle annoncer ma loi (Psal. XLIX, 16) ? » Plusieurs négligeant la pureté, ont parlé avant d'avoir vu, mais ils sont tombés dans des erreurs grossières, parce qu'ils ne connaissaient pas les choses dont-ils parlaient, et qu'ils avançaient témérairement, ou ils se sont ménagé la honte et le mépris parce qu'ils se sont ingérés à instruire les autres, sans s'être instruits eux-mêmes. Prions l'époux de l'Église, Jésus-Christ Notre-Seigneur, de nous préserver toujours de ce double mal, lui qui étant Dieu est élevé au dessus de toutes choses et béni dans tous les siècles. Ainsi soit-il.

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