SERMON III
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SERMON III. Le baiser des pieds, de la main, de la bouche du Sauveur, etc.

1. Nous lisons aujourd'hui au livre de l'expérience : Faites un retour sur vous-mêmes, et que chacun examine sa propre conscience sur ce que nous avons à dire. Je voudrais bien savoir si jamais quelqu'un de vous a reçu la grâce de dire ces paroles du fond du cœur : « Qu'il me baise d'un baiser de sa bouche.» Car il n'appartient pas à tout le monde de le dire ainsi, mais celui-là seul peut le faire, qui a reçu une fois un baiser spirituel de la bouche de Jésus-Christ, sa propre expérience l'excite sans cesse, et le porte avec plus de passion encore à recommencer ce qu'il a déjà trouvé si doux. Pour moi, je crois qu'on ne peut savoir ce que c'est, quand on ne l'a pas éprouvé : car c'est une manne cachée, et il n'y a que celui qui en mange qui aura encore faim : c'est une fontaine scellée, à laquelle nul étranger ne participe, mais dont celui-là seul qui en boit aura encore soif. Écoutez celui qui l'avait éprouvé comme il l'a redemandé : « Rendez-moi, dit-il, la joie de votre Sauveur (Psal. L,14). » Qu'une âme donc qui me ressemble, une âme chargée de péchés, sujette aux passions de la chair, qui n'a point encore goûté les douceurs de l'Esprit-Saint, et n'a jamais éprouvé ce que c'est que des joies intérieures, n'aspire point à une grâce pareille.

2. Néanmoins, à celui-là je veux montrer dans le Sauveur un lieu qui lui convienne. Qu'il n'ait pas la témérité de s'élever jusqu'à la bouche de ce divin Époux : mais que, saisi d'une sainte frayeur, il se tienne prosterné avec moi aux pieds de ce Seigneur si sévère, et qu'il regarde la terre en tremblant avec le Publicain (Luc. XVIII, 13), sans oser non plus que lui regarder le Ciel, de peur que ses yeux accoutumés aux ténèbres, ne soient éblouis par une si vive lumière, qu'il ne soit accablé sous le poids de la gloire, et que, frappé des splendeurs extraordinaires de cette Majesté souveraine, il ne soit enveloppé de nouveau de ténèbres encore plus épaisses. Qui que vous soyez, si vous êtes pécheur, que cette partie du corps où la sainte pécheresse se dépouilla de ses péchés, et se revêtit de la sainteté, ne vous semble ni vil ni méprisable. C'est là que cette Éthiopienne changera de peau, et que, rétablie dans une nouvelle blancheur, elle répondait avec autant de confiance que de vérité à ceux qui lui faisaient des reproches . « Filles de Jérusalem, je suis noire, mais je suis belle (Cant. I, 4). » Si vous vous étonnez que cela ait pu se faire, et si vous me demandez comment elle a mérité une si grande faveur; apprenez-le en un mot. Elle pleura amèrement, et, tirant de longs soupirs du plus profond de son âme, elle poussa des sanglots salutaires, et vomit le fiel qui infestait son cœur. Le céleste Médecin la secourut promptement, parce que sa parole court avec vitesse (Psal. CXLVII, 15). La parole de Dieu n'est-elle point un breuvage : Elle en est un, en effet, mais un breuvage fort, actif, et qui pénètre les cœurs et les reins (Psal. VII, 10). « Enfin, elle est vive et efficace; elle est plus perçante qu'une épée à deux tranchants; elle va jusqu'à la division de l'âme et de l'esprit, jusqu'à la moëlle des os, et elle sonde les plus secrètes pensées (Heb. IV, 12). » A l'exemple donc de cette, bienheureuse pénitente, prosternez-vous aussi, vous qui êtes misérable, afin de ne plus l'être ; prosternez-vous en terre, embrassez ses pieds, apaisez-le en les baisant, arrosez-les de vos larmes, non pour les laver, mais pour vous laver vous-même, et pour devenir l'une de ces brebis tondues qui sortent du lavoir; et n'ayez pas l'assurance de lever vos yeux abattus de honte et de douleur, avant que vous entendiez aussi ces paroles : « Vos péchés vous sont remis (Luc. VII, 48) ; Levez-vous, levez-vous fille de Sion, qui êtes captive, levez-vous, et sortez de la poussière (Isa. LII, 2). »

3. Ayant ainsi commencé par baiser, les pieds, ne présumez pas aussitôt de vous élever au baiser de la bouche ; mais que le baiser de la main, vous serve comme d'un degré pour y arriver. En voici la raison. Quand Jésus lui-même me dirait : vos péchés vous sont remis, à quoi cela me servirait-il, si je ne cessais point de pécher ? Que me servirait-il d'avoir lavé mes pieds, si je les souille encore ? Je suis demeuré longtemps couché dans le bourbier des vices; mais si je viens à retomber, je serai sans doute en un état beaucoup plus déplorable qu'auparavant. Car je me souviens que celui qui m'a guéri, m'a dit : « Voilà que vous avez reçu la santé, allez et ne péchez plus, de peur qu'il ne vous arrive encore pire (Joan. V, 14). » Il faut que celui qui m'a donné la volonté de faire pénitence, me donne encore la force de m'abstenir de pécher, de peur que je ne vienne à retomber dans le crime, et que mon dernier état ne soit pire que le premier. Malheur à moi, lors même que je ferais pénitence, s'il vient aussitôt à retirer la main dont il me soutenait, lui sans qui je ne puis rien faire : non, dis-je, absolument rien, puisque sans lui je ne saurais ni me repentir ni m'abstenir du péché. J'entends le conseil que me donne le Sage, « de ne point demander deux fois la même grâce (Eccle. VII, 15). » L'Arrêt que le Juge prononce contre l'arbre qui ne porte point de bon fruit, m'épouvante (Matt. III, 8). J'avoue donc que je ne saurais être entièrement satisfait de la première grâce, par laquelle je me repens de mes fautes, si je n'en reçois une seconde, qui me fasse faire de dignes fruits de pénitence, et m'empêche de retourner à mon premier vomissement.

4. C'est donc ce qui me reste à demander et à obtenir, avant d'entreprendre de m'élever plus haut et de baiser un endroit plus sacré. Je ne veux pas m'élever si haut en si peu de temps, je veux ne m'avancer que peu à peu. Car autant l'impudence d'un pécheur déplaît à Dieu, autant la modestie d'un pénitent lui est agréable. Il y a loin, et il n'est même pas facile d'aller du, pied à la bouche, et il y aurait même de l'irrévérence à passer sitôt de l'un à l'autre. Quel excès de hardiesse, en effet! Encore tout souillé des ordures du péché, oser toucher à sa bouche sacrée ? Ce n'est que d'hier que vous êtes tirés de la boue, et vous aspireriez dès aujourd'hui à la majesté de son visage? Il faut auparavant que vous baisiez sa main, qu'elle essuie vos impuretés, et qu'elle vous relève Mais comment vous relèvera-t-elle? C'est en vous donnant sujet d'aspirer plus haut: qu'est-ce à dire ? c'est-à-dire en vous accordant la beauté de la continence, et les dignes fruits d'une pénitence sincère, qui sont les œuvres de piété. Ces grâces vous relèveront du fumier où vous êtes couché, et vous feront espérer de monter un peu plus haut : et après que vous aurez reçu ces dons, baisez-lui la main, c'est-à-dire, ne vous en attribuez point la gloire; mais donnez-la lui tout entière. Offrez-lui un double sacrifice de louanges, et parce qu'il vous a pardonné vos crimes, et parce qu'il vous a donné des vertus. Autrement, voyez comment vous pourrez vous défendre de ces paroles de l'Apôtre : « Qu'avez-vous que vous n'ayez reçu ? Et si vous l'avez reçu, pourquoi vous en glorifiez-vous comme si vous ne l'aviez point reçu (I Cor. IV, 7). »

5. Après que ces deux baisers vous auront donné une double preuve de la bonté divine, peut-être serez-vous plus hardi à entreprendre quelque chose de plus saint. Car, à mesure que vous croîtrez en grâce, votre confiance augmentera, vous aimerez d'un amour plus fervent, et vous frapperez à la porte avec plus d'assurance, pour obtenir ce dont vous sentirez le besoin ; or on ouvre à celui qui frappe. Et dans cette disposition, je crois qu'on ne vous refusera pas ce baiser, le plus excellent et le plus saint de tous, et qui enferme en soi des consolations et des douceurs ineffables. Voici donc la voie et l'ordre qu'on doit suivre. D'abord nous nous jetons aux pieds du Seigneur, et nous pleurons devant celui qui nous a faits, les fautes que nous avons commises. Ensuite nous cherchons cette main favorable qui nous relève et fortifie nos genoux défaillants. Enfin, après avoir obtenu ces deux premières grâces avec beaucoup de prières et de larmes, nous nous hasardons à nous élever jusqu'à cette bouche pleine de gloire et de majesté, je ne le dis qu'avec frayeur et tremblement, non-seulement pour la regarder, mais même pour la baiser, parce que le Christ notre Seigneur est l'esprit qui précède notre face. Et par ce saint baiser nous nous unissons étroitement à lui, et nous devenons, par un effet de sa bonté infinie, un même esprit avec lui.

6. C'est avec, raison Seigneur Jésus, oui, c'est avec raison que tous les mouvements de mon cœur tendent vers vous. Ma face vous a cherché; je chercherai, Seigneur, votre visage adorable. Car vous m'avez fait sentir votre miséricorde dès le matin, lorsqu'étant couché dans la poussière, et baisant les traces sacrées de vos pas, vous m'avez pardonné les désordres de ma vie passée. Puis, quand le jour à grandi, vous avez réjoui l'âme de votre serviteur, lorsque, par le baiser de votre main, vous lui avez aussi accordé la grâce de bien vivre. Et maintenant, que reste-t-il, Seigneur, sinon que, daignant m'admettre aussi au baiser de votre bouche divine, dans la plénitude de la lumière, et dans la ferveur de l'esprit, vous me combliez de joie par la jouissance de votre visage? Apprenez-moi, ô Seigneur très-doux et très-aimable, apprenez-moi où vous paissez, où vous vous reposez en plein midi. Mes frères, il fait bon ici pour nous, mais voici que la malice du jour nous en retire. Car ceux dont on vient de m'annoncer l'arrivée m'obligent d'interrompre plutôt que de finir un discours si agréable. Je vais donc aller moi-même au-devant de nos hôtes, afin de ne manquer à aucun devoir de la charité dont nous parlons, de peur qu'il ne nous arrive d'entendre de nous ces paroles; « Ils disent, et ne font, point (Matth. XXIII, 3). » Cependant, mes frères, priez Dieu qu'il ait agréable le sacrifice volontaire que ma bouche lui offre, afin qu'il serve pour votre édification, et que son saint nom en soit loué et glorifié.

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