I D. DE NOVEMBRE IV
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QUATRIÈME SERMON POUR LE PREMIER DIMANCHE DE NOVEMBRE. Sur les paroles d'Isaïe.

1. Après avoir dit que « les séraphins se tenaient là debout, » le Prophète ajoute : « Ils avaient chacun six ailes (Isa. VI, 2). » Que veulent dire ces ailes, mes frères? Est-ce que, l'hiver étant passé, et le roi étant assis sur son trône, les séraphins eux-mêmes devront encore voler pour subvenir aux besoins des uns et des autres, pour délivrer les hommes des périls menaçants, leur venir en aide dans leurs peines, et les consoler dans leurs tribulations? Ah! loin de nous la pensée que dans le royaume de l'éternelle félicité, il y ait place encore, pour le besoin, pour les périls, pour les peines et pour les tribulations, et qu'il soit nécessaire d'y pourvoir. Mais alors, que signifient donc ces ailes ? J'aime à les voir demeurer debout en place, et je voudrais qu'ils restassent là sans cesse, je ne puis admettre qu'il en soit autrement, et que cette stabilité prenne fin. Et pourtant, bienheureux Isaïe, je sais que vous êtes un Prophète, et que vous êtes inspiré par Celui qui, dans l'abondance de sa bonté, excède non-seulement les mérites, mais même les vœux des hommes. Laissez-moi subsister cette heureuse stabilité; quant à ces ailes, si elles peuvent ajouter à leur félicité, je le veux bien. Je pense donc que de même que l'immortalité est figurée par la stabilité, ainsi le vol représente leurs transports de bonheur, et ne nous permet pas de les regarder comme étant dans une stabilité insensible et semblable à celle de la pierre. Mais, peut-être, me répondrez-vous que s'ils doivent avoir dés ailes, vous ne comprenez pas pourquoi il leur en faut en si grand nombre. Pourquoi en ont-ils tant? Ecoutons la réponse du Prophète : « Avec deux de leurs ailes, ils se voilaient la face avec deux autres, ils se couvraient les pieds, et les deus autres leur servaient à voler (Isa. VI, 2). » Il me semble voir dans ces mots, bien clairement, appliqué à leur vol, ce que j'ai dit de leur station. En effet, où les séraphins le dirigent-ils, sinon du côté de Celui pour qui ils sont consumés d'amour? Voyez la flamme, ne vous semble-t-il pas qu'elle vole et demeure, en même temps, à la même place? Ne soyez donc pas étonnés de voir les séraphins voler et demeurer, en même temps, en place.

2. Mais puisque j'ai dit où ils volent, il faut, pour répondre à votre pieuse curiosité, que je vous dise sur quelles ailes ils volent. Vous auriez plus de confiance, sans doute, dans le témoignage de celui qui les a vus, sa réponse serait pour vous plus certaine je vous dirai pourtant; que, selon moi, on peut voir dans ces deux ailes, la connaissance et la dévotion qui porte les séraphins vers Celui qui est placé au dessus d'eux. L'aile de la connaissance peut bien les élever, mais seule elle ne saurait suffire, car celui qui ne va que d'une aile ne tarde point à tomber, et, dans sa chute, il se brise, d'autant plus qu'il s'était élevé davantage. C'est ce que les philosophes de ce monde ont pu expérimenter par eux-mêmes. « En effet, ayant connu Dieu, ils ne l'ont point glorifié comme Dieu, mais ils se sont égarés dans leurs sains raisonnements, et leur cœur insensé a été rempli de ténèbres (Rom. I, 21). » Aussi, abandonnés à leur sens réprouvé, ils sont tombés dans les plus ignominieux désordres de la passion, tant il est vrai que « celui qui sait ce qui est bien et ne le fait point, est plus coupable que les autres (Jacob. IV, 17). » Mais, de son côté, le zèle sans la science tombe, d'autant plus lourdement qu'il se précipite avec plus d'ardeur, il va se heurter au but et tombe à la renverse. Mais si le zèle de la charité accompagne l'intelligence, si la dévotion marche de pair avec la connaissance, il est impossible qu'on ne vole en complète sécurité, et sans fin, attendu qu'on vole vers l'éternité même.

3. Pour ce qui est de la tête et des pieds que les séraphins recouvrent de leurs ailes, les Pères ont entendu les paroles du Prophète de différentes manières, pour la tête et les pieds de Dieu qui seraient voilés, en ce sens qu'on ne voit point ce qu'il fut avant la création du monde, ni ce qu'il sera quand le monde sera retombé dans le néant. Cette interprétation vient de ce que, dans le latin, il y a « sa tête et ses pieds. Notre traducteur prétend que, dans l'hébreu, le sens de la phrase est indéterminé, de telle façon qu'on peut également bien traduire en disant se couvrent la tête, ou lui couvrent la tête, en sorte que l'amphibologie du texte primitif permet également bien de dire que c'est la tête et les pieds de Dieu, ou leur tête à eux et leurs pieds, que les séraphins couvrent de leurs ailes. Cela posé, il y a lieu de s'étonner que ce Père ait préféré, des deux sens, celui qui paraît le moins acceptable, c'est-à-dire celui qui fait dire au Prophète que les séraphins volaient, et recouvraient en même temps de leurs ailes, la tête et les pieds de celui qui était assis, si ce n'est pas pour se ranger au sens d’Origène sur ce passage.

4. Mais si on veut entendre ces mots dès séraphins eux-mêmes, il faut vous les représenter la tête et les pieds couverts de leurs ailes, en sorte qu'il ne paraisse que le milieu de leur corps, et même incomplètement, à cause des ailes qui les portent dans leur vol. Je vois donc en quelque sorte mon corps, ma tête et mes pieds dans ce que dit l'Apôtre: « Ceux qu'il a connus dans sa prescience, il les a prédestinés à devenir semblables à l'image de son Fils, et ceux qu'il a ainsi prédestinés, il les a appelés; ceux qu'il a appelés, il les a justifiés, et ceux qu'il justifiés, il les a glorifiés (Rom. VIII, 29 et 30). » Ainsi, mon commencement est le fait de la grâce toute seule (a) et je n'ai rien à revendiquer en propre, ni dans le fait de ma prédestination, ni dans celui de ma vocation. Mais il n'en est pas ainsi de la justification elle-même, elle est bien l'œuvre de la grâce, mais de la grâce travaillant avec moi. Voyez-vous maintenant comment le milieu des corps des séraphins se montrent en vous? Quant à la consommation de la justification, elle est encore le fait de la grâce toute seule, et il n'y a là rien que je puisse me glorifier d'avoir fait, ni avec, ni dans la grâce, comme si j'avais aidé la grâce, ou coopéré avec elle. Le séraphin se voile donc la tête de deux de ses ailes, s'il reconnaît en toute vérité, et s'il confesse en toute humilité que la miséricorde de Dieu l'a seule prévenu. Il se voile les pieds avec; ses deux autres ailes aussi, s'il reconnaît que la miséricorde doit suivre ses œuvres, et s'il s'en montre reconnaissant. Or, s'il ne faut pas négliger de nous voiler ainsi la tête et les pieds, c'est surtout lorsque le juge sera assis sur son tribunal, éclairant les séraphins debout devant lui, d'une connaissance plus parfaite de la vérité, et les embrasant d'un plus ardent amour, qu'il faudra nous voiler de la sorte. Je prie sa miséricorde, dont je vous ai entretenus, de nous faire la grâce de nous placer, nous, les serviteurs indignes de son saint nom, parmi les séraphins; oui, c'est ce que je demande à cette miséricorde qui s'étend, de toute éternité sur les élus, en laissant voir dans leur milieu, si on peut parler ainsi, le libre arbitre, la grâce du mérite; en se réservant à elle seule leur principe et leur fin, en sorte qu'on peut dire que, pour nous, le Seigneur notre Dieu est en même temps l'Alpha et l'Oméga, et que nous avons deux raisons de nous écrier : « Non Seigneur, non, ne nous en donnez point la gloire, donnez-la tout entière à votre nom (Psal. CXIII, 11). » Ainsi soit-il.

a Ces paroles de Saint Bernard, se trouvent reproduites dans le recueil des Fleurs de Saint Bernard, livre V, chapitre XX.

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