PENTECOTE III
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TROISIEME SERMON POUR LE JOUR DE LA PENTECOTE. De l’opération multiple du Saint-Esprit en nous.

1. L'Esprit-Saint, dont nous faisons aujourd'hui la fête, d'une manière toute particulière, plût au ciel que ce fût aussi avec une dévotion toute particulière, m'est témoin du bonheur avec lequel je vous ferais part de toutes les inspirations de la grâce d'en haut, si j'en recevais quelques unes, oui, il le sait, dis-je, cet Esprit qui vous a réunis, non-seulement dans une même cité, mais dans une même demeure, afin d'y descendre sur vous, et de se reposer sur vous, mes frères bien-aimés, qui avez le cœur humble, et écoutez ses paroles avec tremblement. C'est le même esprit qui a couvert la vierge Marie de son ombre, et fortifié les apôtres d'un côté, pour tempérer l'effet de l'arrivée de la divinité dans le sein de cette vierge, et de l'autre pour revêtir les apôtres de la vertu d'en haut, je veux dire de la plus ardente charité. C'est, en effet, la cuirasse dont se recouvrit le collège apostolique tout entier, comme un géant, qui se prépare à se venger des nations, et à châtier les peuples, à lier leurs rois en chargeant leurs pieds de chaînes, et les grands d'entre eux, en leur mettant les fers aux mains (Psal., CXLIX, 7 et 8), car ils étaient envoyés vers la maison du fort armé, pour le garrotter et s'emparer de tous ses meubles, il leur fallait donc une force plus grande que la sienne. Quelle mission n'aurait-ce point été pour leur faiblesse, de triompher de la mort, et de ne point laisser les portes de l'enfer prévaloir contre eux, s'ils n'avaient eu, vivante au fond de leur cœur, pour triompher par elle, une charité aussi forte que la mort même, un zèle aussi inflexible que l'enfer (Cant. VIII, 6) ? Or, c'est de ce zèle qu'ils faisaient preuve, quand on les prit pour des hommes ivres (Act. II, 13). Ils l'étaient, en effet, mais non du vin que pensaient ceux qui ne croyaient pas à leur parole. Oui,, dis je, ils étaient ivres, mais d'un vin nouveau, dont de vieilles outres étaient indignes, et que, d'ailleurs, elles n'auraient pu contenir. Ce vin, c'était celui que la vraie vigne avait laissé couler du haut du ciel, un vin capable de réjouir le mur de l'homme, non point de troubler son esprit; un vin qui fait germer les vierges, et ne force point les sages à apostasier le sagesse. C'était un vin nouveau pour les habitants de la terre, car, pour ceux du ciel, il se trouvait jadis en extrême abondance, non dans des outres de peaux, ou dans des vases de terre, mais dans des celliers à vin, dans des outres spirituelles. Il coulait à flot, dans les rues et les places de la sainte cité, où il répandait la joie du cœur, non la luxure de la chair, car les habitants de la terre et les enfants des hommes n'avaient point de vin de cette nature.

2. Ainsi, il avait au ciel un vin particulier que la terre ignorait mais la terre avait aussi un produit qui lui était propre, c'est la chair du Christ, dont elle était fière, et dont les cieux ambitionnaient la vue. Qui donc empêche qu'il ne se fasse un fidèle commerce entre le ciel et la terre, entre les auges et les apôtres, un échange de la chair du Christ entre les uns et les autres, en sorte que la terre possède l'Esprit-Saint, et le ciel, la chair du Christ , et que l'un et l'autre soient à jamais possédés en commun par la terre et par les cieux en même temps ? Jésus avait dit : « Si je ne m'en vais, le Paraclet ne viendra point à vous (Joann. XVI, 7.) » C'était dire : Si vous ne cédez l'objet de votre amour, vous n'aurez point celui de vos désirs; il vous est donc avantageux que je m'en aille et que je vous transporte de la terre au ciel, de la chair à l'esprit, car le Père est esprit, le Fils est esprit, et l'Esprit-Saint est esprit aussi. Enfin le Christ est un esprit devant .ans yeux. Or, le Père étant esprit cherche des adorateurs qui l'adorent en esprit et en vérité. Quant au Saint-Esprit, il semble avoir reçu le nom d'esprit par excellence, parce qu'il procède du. Père et du fils, et se trouve être le lien le plus ferme et le plus indissoluble de la Trinité, et celui de saint également en propre, parce qu'il est un don du Père et du Fils et qu'il sanctifie toute créature. Mais le Père n'en est pas moins aussi esprit et saint ; de même que le Fils est également saint et esprit, le Fils, dis-je, « de qui, en qui et par qui toutes choses sont (Rom. XI, 36), » selon le mot de l'Apôtre.

3. Il y a trois choses dans l'œuvre de ce monde qui doivent attirer nos pensées : qu'est ce que le monde, comment existe-t-il, et pourquoi a-t-il été fait? Dans la création des êtres éclate, d'une manière admirable, la puissance qui a créé tant et de si grandes choses, en si grand nombre et avec tant de magnificence. Dans la manière dont elles ont été faites, se montre une sagesse unique qui a placé les uns en haut, les autres en bas et d'autres encore au milieu. Si nous réfléchissons sur la fin pour lesquelles toutes ces choses ont été faites, nous trouvons, en elles toutes, la preuve d'une si utile bonté et d'une si bonne utilité, qu'il y a en elles de quoi accabler sous la multitude et la grandeur des bienfaits dont elles sont pleines pour nous, les plus ingrats des hommes. Dieu a donc montré sa puissance infinie, en faisant tout de rien, d'une sagesse égale, en ne faisant rien que de beau, et d'une bonté pareille à sa sagesse et à sa puissance, en ne créant rien que d'utile. Mais noua savons qu'il y eut, dès le commencement, et nous voyons tous les jours qu'il y en a beaucoup parmi les enfants des hommes, que les biens de l'ordre mystérieux et sensible de la nature tiennent courbés sous les jouissances sensuelles, bien des hommes, dis-je, qui se sont donnés tout entiers aux choses créées sans se demander jamais ni comment, ni pourquoi elles ont été créées. Comment les appellerons-nous, sinon hommes charnels ? Il y en a bien quelques-uns, je pense, et l'histoire nous apprend qu'il en a existé plusieurs dans ces dispositions-là, dont le goût unique et la suprême occupation sont de rechercher ce que Dieu a fait, et comment il l'a fait, d'une manière si exclusive, que non-seulement, pour la plupart, ils ont négligé de s'enquérir de l'utilité des choses, mais sont allés même jusqu'à les mépriser avec magnanimité, et à se contenter d'une nourriture à peine suffisante et vile. Ces gens-là se sont donné à eux-mêmes le titre de philosophes ; quant à moi, pour les appeler par leur véritable nom, je dirai que ce sont des hommes curieux et vains.

4. A ces deux espèces d'hommes en ont succédé de beaucoup plus sages qui, comptant pour peu de chose de savoir ce que Dieu a fait et comment il l'a fait, ont appliqué toute la sagacité de leur esprit à découvrir pour quelle fin il l'a fait, aussi ne leur a-t-il point échappé que tout ce que Dieu a fait, il l'a fait pour lui et pour les siens; non pas toutefois de la même manière pour lui que pour les siens. Quand nous disons qu'il a fait tout pour lui (Prov.), notre pensée se reporte à celui qui est l'origine et la source même des choses; et quand nous disons il a fart « tout pour les siens, » nous avons en vue les conséquences de ce qu il a fait. Il a donc fait toute chose pour lui, par nue bonté gratuite, et il a fait toutes choses pour ses élus, c'est-à-dire en vue de leur utilité, en sorte que dans le premier cas, nous avons la cause efficiente des êtres, et dans le second nous en trouvons la cause finale. Les Hommes spirituels sont donc ceux qui usent de ce monde comme s'ils n'en usaient pas, et qui cherchent Dieu dans la simplicité de leur âme, sans se mettre beaucoup en peine de savoir de quelle manière tourne la machine du monde. Ainsi les premiers sont pleins de volupté, les seconds de vanité et les troisièmes de vérité.

5. Je suis heureux, mes frères, que vous apparteniez à l'école de ces derniers, c'est-à-dire à l'école du Saint-Esprit, où vous apprendrez la bonté, la discipline et la science et où vous pourriez vous écrier : J'ai eu plus d'intelligence que tous ceux qui m'instruisaient (Psal. CXVIII, 99). Pourquoi cela? Est-ce parce que je me suis paré de vêtements de pourpre et de lin, parce que je me suis assis à des tables mieux servies que le reste des hommes? Est-ce parce que j'ai compris quelque chose aux arguties de Platon, aux artifices d'Aristote, ou parce que je me suis donné bien du mal pour les comprendre? Non, non, mais parce que « j'ai recherché vos commandements, ô mon Dieu (Ibid. 100). » Heureux celui qui repose sur ce lit nuptial du Saint-Esprit, pour comprendre ces trois sortes d'esprits dont le même serviteur de Dieu, dans son intelligence qui dépassait celle des vieillards, disait dans ses chants : « Seigneur ne me rejetez point de devant votre face, et ne retirez pas votre Saint-Esprit de moi : créez en moi, ô mon Dieu, un cœur pur, et rétablissez de nouveau un esprit droit au fond de mes entrailles ; rendez-moi la joie de votre salutaire assistance et affermissez-moi par la grâce de votre esprit principal (Psal. L, 11, 12 et 13.) » Par les mots esprit saint, il faut comprendre le Saint-Esprit lui-même. Le Prophète demande donc de ne pas être rejeté de sa face comme un être immonde, parce que cet esprit a horreur de ce qui est souillé et ne saurait habiter dans un corps sujet au péché. Celui qui par sa nature repousse le péché, ne peut pas ne point haïr tout ce lui est péché, et certainement on ne rencontrera jamais ensemble tant de pureté et tant d'impureté- sous le même toit. Aussi après avoir reçu le Saint-Esprit, par la justification sans laquelle nul ne saurait voir Dieu, on peut oser se présenter devant sa face comme étant net et pur de toute souillure, attendu qu'on se retient de toute espèce de maux quand on soumet toutes ses actions sinon toutes ses pensées au frein.

6. Comme toute pensée mauvaise et immonde nous éloigne de Dieu, nous demandons donc à Dieu de créer un cœur pur en nous, ce qui ne peut manquer d'arriver dès qu'un esprit droit s'est renouvelé dans nos entrailles. Quant à ce qui est de cet esprit droit dont parle le Prophète, il me semble qu'on peut parfaitement l'entendre de la personne du Fils, car c'est lui qui nous a dépouillés du vieil homme et revêtus de l'homme nouveau, lui aussi qui nous a renouvelés dans le fond même de notre âme (Eph. IV, 13), et comme dans le plus intime de nos entrailles, pour que nous n'ayons que des pensées droites et que nous marchions dans la nouveauté de l'esprit, non dans la vieillesse de la lettre (Rom. VII, 6). Car il nous a apporté du ciel la forme de la droiture qu'il a laissée sur la terre, mettant et mêlant ensemble la douceur à la droiture en toutes ses œuvres, ainsi que le même prophète l'avait prédit en disant : « Le Seigneur est plein de douceur et de droiture, et c'est pour cela qu'il donnera sa loi à ceux qui pèchent dans leur voie (Psal. XXIV, 8). » Ainsi donc lorsque notre corps est châtié par la sainteté des œuvres, et notre cœur purifié ou plutôt renouvelé par la rectitude des pensées, alors il nous rendra la joie du salut, en sorte que nous marchions à la lumière de sa face et que nous nous réjouissions tout le jour en son nom.

7. Alors que reste-t-il à faire, sinon à nous confirmer par l'esprit principal, c'est-à-dire par le Père? car c'est ce que nous devons entendre par ces mots, l'esprit principal. Non pas qu'il l'ait plus grand que le Fils et le Saint-Esprit, mais parce que seul il ne vient d'aucune autre personne, le Fils, au contraire, vient de lui, et le Saint-Esprit vient du Père et du Fils. Or, en quoi nous confirme-t-il, sinon dans la charité? Quel autre don est, en effet, plus digne de lui, plus véritablement paternel? « Qui donc, s'écrie l'Apôtre, nous séparera de l'amour de Jésus-Christ? Sera-ce l'affliction ou les épreuves, sera-ce la faim ou la nudité, les périls, la persécution ou la crainte de l'épée (Rom. VIII, 35) ? » Soyez certains, mes frères, que ni la mort, ni la vie, ni aucune des choses que l'Apôtre énumère avec autant d'entrain que d'audace, ne saurait nous séparer de la charité de Dieu qui est en Jésus-Christ. Est-ce que cela ne montre pas en tout point la force de cette proposition? Si vous savez conserver le vase fragile de votre chair en toute sainteté et en tout honneur, exempt de tous les mouvements de la concupiscence (I Thess. IV, 4), vous avez reçu le Saint-Esprit. Etes-vous dans l'intention de faire aux autres ce que vous voudriez qu'on vous fit, et de ne point leur faire ce que vous ne voudriez pas qu'ils vous fissent, vous avez reçu un esprit de droiture en ce qui concerne votre conduite envers le prochain. Car cette droiture est commandée en même temps par la loi naturelle, et par la loi révélée dans les Saintes Ecritures. Si vous persévérez fermement dans ces deux sortes de bien et dans tout ce qui s'y rattache, vous avez reçu l'esprit principal, celui seul que Dieu approuve. D'ailleurs, celui qui est l'être par excellence ne saurait avoir pour agréable, ce qui tantôt est, et tantôt n'est plus, et l'éternel ne peut se complaire dans tout ce qui est caduc. Si donc vous avez à cœur que Dieu établisse en vous sa demeure, n'ayez qu'une pensée, celle d'avoir pour vous un esprit, saint, pour le prochain un esprit droit, et pour celui qui est le prince et le vrai père des esprits, un esprit principal.

8. On peut bien dire en vérité que c'est un esprit multiple que celui qui se communique aux enfants des hommes de tant de manières différentes, qu'il n'est personne qui puisse se soustraire à sa chaleur bienfaisante. En effet, il se communique à nous pour l'usage, pour les miracles et pour le salut, pour l'aide, pour la consolation et pour la ferveur. Il se communique d'abord pour l'usage, en donnant aux bons et aux méchants, aux dignes et aux indignes, avec une grande abondance tous les bien communs de la vie, tellement que sur ce point il ne semble faire aucune distinction entre les uns et les autres, aussi faut-il être bien ingrat pour ne pas reconnaître dans ces biens les dons du Saint-Esprit. Pour le miracle, dans les merveilles, dans les prodiges et dans les différentes vertus qu'il opère par la main de qui il lui plaît. C'est lui qui a renouvelé les miracles des anciens temps, afin de nous faire croire aux merveilles des temps passés, par la vue de celles qui se produisent de nos jours. Mais comme le pouvoir des miracles est accordé quelquefois à certains hommes, sans qu'ils s'en servent pour leur propre salut, le Saint-Esprit se communique en troisième lieu à nous, pour le salut, lorsque nous nous convertissons au Seigneur notre Dieu de tout notre cœur. Il nous est donné pour l'aide, lorsqu'il vient au secours dé notre faiblesse dans toutes nos luttes; mais lorsqu'il rend témoignage à notre esprit, que nous sommes enfants de Dieu, il vient à nous pour la consolation; il se donne enfin pour la ferveur, lorsque dirigeant son souffle puissant dans le cœur des saints, il y allume le violent incendie de l'amour qui fait que nous nous glorifions non-seulement dans l'espérance des enfants de Dieu, mais même dans nos tribulations, recevant les avanies comme un honneur, les affronts comme une joie, les humiliations enfin comme une élévation. Nous avons tous reçu le Saint-Esprit pour le salut, si je ne me trompe, mais je ne pense pas qu'on puisse dire de même que nous l'avons tous reçu pour la ferveur. En effet, il y en a bien peu qui soient remplis de ce dernier esprit-là, et bien peu qui cherchent à l'avoir. Satisfaits dans les entraves où nous nous trouvons, nous ne faisons rien pour respirer en liberté, rien même pour aspirer à cette liberté. Prions donc, mes frères, que les jours de la Pentecôte, ces jours de détente et de joie, ces vrais jours de Jubilé s'accomplissent en nous. Puisse le Saint-Esprit nous retrouver toujours tous ensemble, unis de corps, unis également de cœur, et rassemblés dans le même lieu, en vertu de notre promesse de stabilité, à la louange et à la gloire de l'Epoux de l'Église, Notre-Seigneur Jésus-Christ qui est élevé par dessus tout, étant Dieu, et béni dans tous les siècles. Ainsi soit-il.

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