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La règle de Saint Benoît

Icône Atelier Saint-André

 

Présentation par Chapitre ; Vie de Saint Benoît dans les Dialogues de Saint Grégoire le Grand

 

Table des Matières

AVANT-PROPOS

PROLOGUE Ci – commence la Table des chapitres de la Règle des monastères

CHAPITRE PREMIER

DES DIVERSES SORTES DE MOINES

CHAPITRE II

QUEL DOIT ÊTRE L'ABBÉ

CHAPITRE III

DE LA MANIERE DE PRENDRE CONSEIL DES FRÈRES

CHAPITRE IV

QUELS SONT LES INSTRUMENTS A PRATIQUER LES BONNES OEUVRES

CHAPITRE V

DES QUALITÉS DE L'OBEISSANCE

CHAPITRE VI

DE LA TACITURNITE OU ESPRIT DE SILENCE

CHAPITRE VII

DE L'HUMILITE

CHAPITRE VIII  

DES DIVINS OFFICES DE LA NUIT

CHAPITRE IX

COMBIEN IL FAUT DIRE DE PSAUMES AUX NOCTURNES

CHAPITRE X

COMMENT S'ACCOMPLIT LA LOUANGE DIVINE LES NUITS D'ÉTÉ

CHAPITRE XI

COMMENT ON CÉLÈBRE LES VIGILES DES DIMANCHES

CHAPITRE XII  

COMMENT SE CÉLÈBRE L'OFFICE SOLENNEL DES MATINES

CHAPITRE XII  

COMMENT CÉLÉBRER LES MATINES AUX JOURS ORDINAIRES

CHAPITRE XV

EN QUEL TEMPS IL FAUT DIRE L'ALLELUIA

CHAPITRE XIV

MANIERE DE CÉLÉBRER LES VIGILES AUX ANNIVERSAIRES DES SAINTS

CHAPITRE XVI  

DE LA DISTRIBUTION DE L'OFFICE DIVIN AU COURS DE LA JOURNEE

CHAPITRE XVII  

DES PSAUMES A RÉPARTIR EN CES MEMES HEURES

CHAPITRE XVIII  

EN QUEL ORDRE IL FAUT DIRE CES PSAUMES

CHAPITRE XIX

DE L'ATTITUDE A GARDER DURANT LA PSALMODIE

CHAPITRE XX

DE LA RÉVÉRENCE A OBSERVER DANS LA PRIERE

CHAPITRE XXI  

DES DOYENS DU MONASTÈRE

CHAPITRE XXII

COMMENT LES MOINES SE COMPORTENT AU DORTOIR

CHAPITRE XXIII  

DES FAUTES QUI ENTRAÎNENT L'EXCOMMUNICATION

CHAPITRE XXIV

QUELLE DOIT ÊTRE LA MESURE DE L'EXCOMMUNICATION

CHAPITRE XXV

DES COULPES GRIEVES

CHAPITRE XXVI  

DE CEUX QUI, SANS PERMISSION, ONT DES RAPPORTS AVEC LES EXCOMMUNIÉS  

CHAPITRE XXVII  

COMBIEN L'ABBÉ DOIT AVOIR DE SOLLICITUDE A L'ENDROIT DES EXCOMMUNIÉS 

CHAPITRE XXVIII

DE CEUX QUI, EN DEPIT DE CORRECTIONS MULTIPLIEES, REFUSENT DE S'AMENDER 

CHAPITRE XXIX

DOIT-ON RECEVOIR DERECHEF LES FRERES QUI AURAIENT QUITTE LE MONASTÈRE 

CHAPITRE XXX

DE QUELLE MANIERE SONT PUNIS LES PLUS JEUNES

CHAPITRE XXXI

QUEL DOIT ETRE LE CELLÉRIER DU MONASTÈRE

CHAPITRE XXXII

DES OUTILS ET AUTRES OBJETS DU MONASTÈRE

CHAPITRE XXXIII

SI LES MOINES GARDENT QUELQUE DROIT DE PROPRIÉTÉ

CHAPITRE XXXIV

SI TOUS DOIVENT RECEVOIR ÉGALEMENT LE NÉCESSAIRE

CHAPITRE XXXV

DES SEMAINIERS DE LA CUISINE

CHAPITRE XXXVI

DES MALADES

CHAPITRE XXXVII

DES VIEILLARDS ET DES EMFANTS

CHAPITRE XXXVIII

DU LECTEUR SEMAINIER

CHAPITRE XXXIX

DE LA MESURE DU MANGER

 

CHAPITRE XL

DE LA MESURE A GARDER DANS LE BOIRE

CHAPITRE XLI

DE L'HEURE DES REPAS

CHAPITRE XLII

QUE PERSONNE NE DOIT PARLER APRES COMPLIES

CHAPITRE XLIII

DE CEUX QUI ARRIVENT EN RETARD A L'OEUVRE DE DIEU OU A LA TABLE

CHAPITRE XLIV

COMMENT LES EXCOMMUNIÉS FONT SATISFACTION

CHAPITRE XLV.

DE CEUX QUI FONT DES FAUTES A L'ORATOIRE

CHAPITRE XLVI

DE CEUX QUI COMMETTENT QUELQUE AUTRE FAUTE.

CHAPITRE XLVII

DU SIGNAL À DONNER AUX HEURES DE L'OFFICE DIVIN

CHAPITRE XLVIII

DU TRAVAIL MANUEL DE CHAQUE JOUR

CHAPITRE XLIV

DE L'OBSERVANCE DU CARÊME

CHAPITRE LI

DES FRERES QUI VONT EN DES LIEUX PEU ELOIGNÉS

CHAPITRE L

DES FRÈRES QUI SONT AU TRAVAIL LOIN DE L'ORATOIRE OU QUI SONT EN VOYAGE 

CHAPITRE LII

DE L'ORATOIRE DU MONASTÈRE

CHAPITRE LIII

DE LA RÉCEPTION DES HOTES

 

CHAPITRE LIV.

UN MOINE PEUT-IL RECEVOIR DES LETTRES OU DES CADEAUX?

CHAPITRE LV

DU VESTIAIRE ET DE LA CHAUSSURE DES FRÈRES

CHAPITRE LVI

DE LA TABLE DE L'ABBÉ

CHAPITRE LVII

DES ARTISANS DU MONASTÈRE

CHAPITRE LVIII

DE LA MANIÈRE DE RECEVOIR LES FRÈRES EN RELIGION

CHAPITRE LIX

DES FILS DE NOBLES OU DE PAUVRES EN OBLATURE

CHAPITRE LX

DES PRÊTRES AUXQUELS LA PENSÉE VIENDRAIT DE SE FIXER AU MONASTÈRE

CHAPITRE LXI

DES MOINES ÉTRANGERS COMMENT LES RECEVOIR

CHAPITRE LXII

DES PRÊTRES DU MONASTÈRE.

CHAPITRE LXIII

DU RANG A GARDER DANS LA COMMUNAUTÉ

CHAPITRE LXIV

DE L'ÉTABLISSEMENT DE L'ABBÉ

CHAPITRE LXV.

DU PRÉPOSÉ DU MONASTÈRE.

CHAPITRE LXVI  

DES PORTIERS DU MONASTÈRE

CHAPITRE LVII

DES FRÈRES QU'ON ENVOIE AU-DEHORS

CHAPITRE LXVIII

SI L'ON ENJOINT A UN FRÈRE DES CHOSES IMPOSSIBLES

CHAPITRE LXIX

QUE LES MOINES N'ENTREPRENNENT POINT DE SE PROTEGER L'UN L'AUTRE

 

CHAPITRE LXX

QUE NUL N'AIT L'OUTRECUIDANCE DE CORRIGER A TOUT PROPOS

CHAPITRE LXXI

COMMENT LES FRÈRES S'OBÉISSENT MUTUELLEMENT

CHAPITRE LXXII

DU BON ZÈLE QUI DOIT ANIMER LES MOINES

CHAPITRE LXXIII

LA PRATIQUE DE LA VIE SAINTE N'EST PAS TOTALEMENT COMPRISE EN CETTE REGLE

Ci-finit la Règle.

Devant celui qui la met en pratique s'ouvriront les portes du Royaume éternel

 

  

Table des Matières

 

AVANT - PROPOS

           Quatorze siècles n'ont pas épuisé la sève de la sainte Règle, et sur la vénérable souche de l'institution bénédictine poussent d'époque en époque de nouveaux surgeons. Tous rivalisent de fidélité dans l'effort de prolonger l'expérience spirituelle du Père des moines d'Occident ; chacun, dans le rajeunissement d'un retour à la source vivifiante, met en évidence l'un ou l'autre des traits authentiques de celui "qui fut rempli de l'esprit de tous les justes". Aussi, dans la variété des observances locales et la richesse des œuvres de charité apostolique, les monastères de tous les temps sont-ils animés d'une flamme commune qui crée entre eux un lien familial : dans tous les groupements cénobitiques formés sous la Règle de saint Benoît, nous retrouvons avec joie : l'amour du Service du Seigneur accompli dans un esprit de louange désintéressée, l'estime de la science divine que nourrit la lecture de l'Ancien et du Nouveau Testament selon la tradition des Pères, le zèle à garder l'éloignement du monde, le soin humble et consciencieux apporté au travail intellectuel et manuel dans un harmonieux équilibre, le respect envers une autorité jalouse de maintenir avant tout l'affection fraternelle parmi les enfants de la maison de Dieu.

Réunis par la miséricorde de Dieu dans le Prieuré de la Suisse Romande, et encouragés à chercher l'union divine sans porter la lourde charge des œuvres extérieures, nous espérons, "per ducatum Evangelii" et sanctae Regulae, répondre à la grâce qui nous est faite, obtenir de Dieu la rémission de nos péchés et le salut éternel, contribuer enfin, par le rayonnement du Foyer monastique, à l'œuvre d'édification confiée à la sainte Eglise pour la rédemption d'un grand nombre. Ainsi soit-il.

Corbières, le 21 mars 1947

Table des Matières

 

Prologue

+

Au nom de

Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Ci-commence

le Prologue à la Règle

de notre excellent Père en Dieu

Saint Benoît

 

Ecoute, mon fils, les préceptes de ton Maître, prête-moi l'oreille de ton cœur : accueille les avis d'un tendre Père afin de les accomplir efficacement et de revenir par le labeur de l'obéissance a Celui dont t'éloignait la lâcheté de la désobéissance.

Cette divine exhortation je te l'adresse maintenant, à toi qui, renonçant à tes propres volontés pour militer sous le vrai Roi, le Christ Notre-Seigneur, prends en mains les armes puissantes et glorieuses de l'obéissance.

Mais au préalable quelque œuvre bonne que tu entreprennes demande-lui, par une très instante prière, qu'il lui plaise de la parfaire, de peur qu'après avoir daigné nous compter au nombre de ses fils, il ne doive un jour s'attrister de nos mauvaises actions. Oui, il nous faut en tout temps consacrer à son service les biens qu'il a mis en nous, de crainte qu'il n'en vienne, comme un père courroucé, à déshériter ses enfants, ou qu'en maître irrité de nos méfaits chose plus redoutable encore, il ne livre aux châtiments éternels les serviteurs vicieux qui auraient refusé de le suivre à la gloire.

Levons-nous une fois pour toutes aux accents de l'Ecriture qui nous stimule et nous dit : "Le moment est venu de sortir du sommeil." Et les yeux ouverts à la lumière de Dieu, comprenons enfin la portée de l'oracle divin qui chaque jour vient frapper nos oreilles " : Aujourd'hui, si vous entendez sa voix, gardez-vous d'endurcir vos cœurs." Et en un autre endroit " : Que celui qui a des oreilles pour entendre, écoute ce que l'Esprit dit aux Eglises." Et que dit-il ? "Venez, mes fils écoutez-moi : je vous enseignerai la crainte du Seigneur. Courez pendant que vous avez la lumière de la vie, de peur que les ténèbres de la mort ne vous surprennent."

Mais voici que le Seigneur, cherchant dans la foule des hommes un ouvrier de ses volontés, adresse à tous cet appel : "Quel est celui qui aime la vie et désire couler des jours heureux ?" Que si, docile à cette voix, tu réponds : "Eh bien, moi !" Dieu reprend aussitôt: "Si tu veux jouir de la vie véritable et éternelle, garde ta langue de la médisance, et que tes lèvres ne profèrent pas de paroles trompeuses : détourne-toi du mal et fais le bien ; cherche la paix, poursuis-la avec ardeur. Et lorsque vous aurez agi de la sorte, mes yeux Se reposeront sur vous, mes oreilles se prêteront à vos prières, et avant même que vous m'invoquiez, je vous dirai : "Me voici!" Est-il pour nous rien de plus doux, frères bien-aimés que cette parole du Seigneur qui nous invite ? Vous voyez que lui-même, dans sa bonté paternelle. nous montre la voie de la vie !

Que la foi soit donc la ceinture de nos reins, et que, sous la conduite de l'Evangile, la pratique des bonnes œuvres nous entraîne dans ses sentiers, afin que nous méritions de voir un jour Celui qui nous appelle à régner avec lui. Car si nous voulons dresser notre tente dans sa royale demeure, sachons bien qu'à moins d'y courir à force de bonnes œuvres nous n'y parviendrons jamais.

Dès lors, interrogeons le Seigneur en disant avec le Prophète : "Seigneur, qui habitera dans ton tabernacle ? Qui habitera sur ta montagne sainte ? L'ayant interrogé en ces termes, écoutons, mes frères, la réponse du Seigneur: il nous montre le chemin qui mène à ce tabernacle lorsqu'il dit : " Celui dont la conduite est sans tache et qui pratique la justice, celui qui dit la vérité du fond de son cœur, qui ne se sert point de sa langue pour tromper, qui ne cause de mal à personne et n'adresse pas de discours injurieux au prochain." C'est encore celui qui, s'il est sollicité au mal par le démon, le repousse, vomit ses suggestions, lui ferme la porte de son cœur, le réduit a néant, et saisissant les rejetons de la pensée diabolique les broie contre le Christ. Ce sont enfin ceux qui, éclairés par la crainte de Dieu ne conçoivent nul élèvement de leur bonne observance, mais qui, reconnaissant que tout ce qu'ils ont de bien vient de Dieu et ne peut procéder d'eux-mêmes, glorifient le Seigneur de ce qu'il opère en eux, et lui disent avec le Prophète : " Ce n'est pas a-nous, Seigneur, ce n'est pas à nous, mais c'est à votre Nom qu'il faut rendre gloire. "L'apôtre Paul ne s'est pas davantage attribué le moindre succès de sa prédication : "C'est par la grâce du Seigneur, disait-il, que je suis ce que je suis, et ailleurs : "Qui mérite louange, en rende gloire à Dieu."

Aussi le Seigneur dit-il dans l'Evangile : "Celui qui écoute mes paroles et les fait passer en actes, je le comparerai à l'homme sage qui a bâti sa maison sur la pierre : les fleuves ont débordé, les vents ont soufflé et se sont déchaînés contre cette maison, et elle ne s'est pas écroulée, parce qu'elle était fondée sur la pierre."

En somme, le Seigneur attend de jour en jour que nous rendions nos actions conformes à ses saintes ordonnances. Et c'est pour l'amendement de nos fautes qu'il nous prolonge comme une sorte de trêve les jours de la vie terrestre, selon la parole de l'Apôtre : "Ne comprends-tu donc pas que la patience de Dieu veut t'acheminer à la pénitence ?" Car le Seigneur, dans sa bonté, déclare : "Je ne veux pas la mort du pécheur, mais qu'il se convertisse et qu'il vive."

Nous avons demandé au Seigneur, mes frères, quelles sont les qualités requises pour habiter dans ses tabernacles : nous avons appris de lui à quelles conditions on peut y entrer ; maintenant le tout est de savoir si nous en remplirons les obligations.

Il s'agit donc de nous préparer, corps et âme, au combat spirituel, celui de l'obéissance aux divins préceptes. Et quand la nature en nous doit s'avouer inférieure à la tâche, supplions le Seigneur qu'il daigne nous prêter le secours de sa grâce. D'autre part, si nous voulons échapper aux peines de l'enfer et parvenir à la vie éternelle, il nous faut bien user du temps qui nous reste à passer sur terre, et tandis qu'il nous est loisible de nous acquitter de tous ces devoirs, nous ne saurions trop nous hâter d'accomplir à la lumière de la vie présente ce qui nous profitera pour l'éternité.

Dans cette vue nous allons fonder une école où l'on apprenne à servir le Seigneur. Et nous espérons l'établir sans y instituer rien de pénible, rien d'accablant. Encore peut-il s'y présenter quelque norme un tant soit peu sévère, pour la raison bien justifiée de l'amendement de nos vices et du maintien de la charité : garde-toi bien alors, saisi d'une belle peur, d'abandonner soudain la voie du salut : sache qu'on ne peut s'y engager que par la porte étroite. Mais à mesure que l'on progresse dans l'observance régulière et dans la foi, le cœur se dilate, et avec une inexprimable douceur d'amour on marche à grands pas clans la voie des préceptes de Dieu; et c'est ainsi que, sans nous écarter jamais de l'enseignement du Maître, persévérant jusqu'à la mort à pratiquer dans le monastère la doctrine qu'il nous a laissée, nous prenons dans la patience notre part des souffrances du Christ et méritons d'avoir part également à la gloire de son royaume. Amen. 

Table des Matières

 

Ci – commence la Table des chapitres de la Règle des monastères 

 

1. Des diverses sortes de moines.

2. Quel doit être l'abbé.

3. De la manière de réunir les frères en conseil.

4. Quelles sont les bonnes œuvres, instruments de l'art spirituel.

5. De l'esprit qui anime les disciples à l'obéissance.

6. De la taciturnité, ou de l'esprit et de la pratique du silence.

7. De l'humilité.

8. Des offices divins durant la nuit.

9. Combien il faut dire de psaumes aux heures nocturnes.

10. Comment se célèbre la Louange divine pendant les nuits d'été.

11. Comment on célèbre les Vigiles nocturnes le dimanche.

12. Comment se célèbre l'office solennel de Matines.

13.Comment célébrer les Matines aux jours ordinaires.

14. De quelle manière célébrer les vigiles aux anniversaires des Saints.

15. En quel temps il faut dire l'Alléluia.

16. De la distribution de l'Office divin au cours de la journée.

17. Du nombre des Psaumes à répartir en ces mêmes heures.

18. En quel ordre il faut dire ces Psaumes.

19. De l'attitude a garder durant la Psalmodie.

20. De la révérence à observer durant la prière.

21. Des doyens du monastère.

22. Comment les moines se comportent au dortoir.

23. De l'excommunication pour les coulpes.

24. Quelle doit être la mesure de l'excommunication.

25. Des coulpes grièves.

26. De ceux qui, sans l'ordre de l'abbé, ont des rapports avec les excommuniés.

27. Combien l'abbé doit avoir de patience à l'endroit des excommuniés.

28. De ceux qui, en dépit de corrections réitérées refuseraient de s'amender.

29. Si l'on doit derechef recevoir les frères qui auraient quitté le monastère.

30. De quelle façon seront punis les plus jeunes.

31. Quel doit être le cellérier du monastère.

32. Des outils et autres objets du monastère.

33. Si les moines ont le droit de posséder quelque chose en propre.

34. Si tous doivent recevoir également le nécessaire.

35. Des semainiers de la cuisine.

36. Des frères malades.

37. Des vieillards et des enfants.

38. Du lecteur semainier.

39. De la mesure du boulanger.

40. De la mesure du boire.

41. A quelle heure est fixée la réfection des frères.

42. Que personne ne doit parler après Complies.

43. De ceux qui arrivent en retard à l'œuvre de Dieu ou à la table.

44. Des excommuniés, comment ils doivent satisfaire.

45. De ceux qui font des fautes à l'oratoire.

46. De ceux qui commettent quelque autre faute.

47. Du signal à donner aux heures de l'Office divin.

48. Du travail manuel de chaque jour.

49. De l'observance du Carême.

50. Des frères qui sont au travail loin de l'oratoire ou qui sont en voyage.

51. Des frères qui vont en des lieux moins éloignés.

52. De l'oratoire du monastère.

53. De la réception des hôtes.

54. Si un moine peut recevoir des lettres ou des cadeaux.

55. Du vestiaire et de la chaussure des frères.

56. De la table de l'abbé.

57. Des artisans du monastère.

58. De la manière de recevoir les frères en religion.

59. Des fils de nobles ou de pauvres en oblature.

60. Des prêtres auxquels la pensée viendrait de se fixer au monastère.

61. Des moines étrangers comment les recevoir.

62. Des prêtres du monastère.

63. Du rang à garder dans la communauté.

64. De l'établissement de l'abbé.

65. Du prévôt ou prieur du monastère.

66. Des portiers du monastère.

67. Des frères qu'on envoie an dehors.

68. Si l'on enjoint à un frère des choses impossibles.  

69. Que dans le monastère on ne peut présumer de se protéger l'un l'autre.

70. Que nul ne s'arroge le droit de corriger à tout propos.

71. Comment les frères s'obéissent mutuellement.

72. Du bon zèle qui doit animer les moines.

73. Comme quoi toute l'observance de la justice n'est pas comprise dans cette Règle.  

 Table des Matières

 

Ci - commence le texte de la Règle.

Ce nom de Règle lui est donné parce qu'elle trace la ligne de conduite de ceux qui vivent dans l'obéissance

  

CHAPITRE PREMIER

 DES DIVERSES SORTES DE MOINES.

 

On compte quatre sortes de moines, la chose est reconnue.

La première est celle des Cénobites, à savoir des moines qui se constituent en une milice conventuelle sous une Règle et un Abbé.

La deuxième est celle des Anachorètes, c'est-à-dire Ermites. Ceux-ci n'en sont plus à la ferveur des débutants dans la vie religieuse déjà, une longue période de probation au monastère leur a appris, avec l'aide et les leçons de plusieurs, comment l'on tient tête au démon : aguerris, ils sortent alors des rangs serrés de leurs frères pour affronter le combat singulier du désert, et assurés de pouvoir se passer désormais de l'encouragement d'autrui, ils ne comptent plus que sur l'aide de Dieu et sur eux-mêmes dans la lutte qu'ils soutiendront à la seule force de leur bras et de leur poignet, contre les vices de la chair et des pensées.

Il existe une troisième catégorie de moines, de tout point détestable, celle des Sarabaïtes. Réfractaires à l'épreuve d'une formation régulière, rebelles aux leçons de l'expérience, au lieu de se purifier comme l'or dans la fournaise ils s'amollissent à la manière du plomb. Leurs œuvres témoignent qu'ils gardent leur foi au siècle, et qu'ils mentent à Dieu par leur tonsure. Ils s'enferment deux ou trois ensemble, ou même seuls, sans pasteur, dans leurs propres bercails, non dans ceux du Seigneur. Ils n'ont de loi que la satisfaction de leurs désirs. Tout ce qui leur vient à l'esprit, ce qui a leur préférence, ils le tiennent pour saint, et ce dont ils ne veulent pas, ils l'estiment illicite.

La quatrième espèce de moines est celle des Gyrovagues. Ceux-ci, toute leur vie durant, courent d'une province à l'autre. Ils se font héberger trois ou quatre jours dans les cellules d'autres religieux ; perpétuels vagabonds, ils ne se fixent nulle part, et ne s'asservissent qu'à leurs caprices et à l'appât de la bonne chère ; bref ils sont pires à tous égards que les Sarabaïtes. Une telle manière de vivre, tant des uns que des autres, est des plus misérables : mieux vaut se taire que d'en parler. Laissons-les donc de coté, et, avec l'aide de Dieu, venons-en à l'organisation de la race valeureuse des Cénobites. 

 

Table des Matières

 

 

CHAPITRE II 

QUEL DOIT ETRE L'ABBÉ. 

 

L'abbé, s'il est vraiment digne de gouverner son monastère, se souviendra sans cesse du nom qu'il porte, et s 'efforcera de réaliser dans ses actes sa qualité de supérieur. Car il est tenu dans la communauté pour le vicaire du Christ, il est désigné du même titre que lui, selon la parole de l'Apôtre : Vous avez reçu l'esprit d'enfants adoptifs : aussi, vous adressant à Dieu, l'appelez-vous : Abba, c'est-à-dire, Père. L'abbé ne doit donc rien enseigner, rien établir ni ordonner, qui s'éloigne des préceptes du Seigneur; mais que ses ordonnances et ses enseignements, tel un ferment de justice divine, se répandent dans le cœur de ses disciples.

L'abbé aura toujours devant les yeux le rigoureux jugement que Dieu lui fera subir sur deux points : l'usage de son autorité et l'obéissance qu'il exige de ses disciples : le pasteur, en effet, que l'abbé le sache bien, verra imputer à' sa charge tout mécompte relevé par le Père de famille dans ses ouailles. Il se présentera pareillement au jugement de Dieu, mais cette fois pour y être absous, Si, ayant affaire à un troupeau turbulent et indocile, il apporte tous ses soins. toute sa diligence pastorale a la guérison de leurs infirmités : dans ce cas, il pourra dire au Seigneur avec le Prophète : " Je n'ai point gardé secrète et pour moi seul votre justice : j'ai publié vos sentences de vérité et de salut ; mais eux, ils en ont fait fi, ils n'ont méprisé." Et à l'heure dernière, ces brebis intraitables auront pour châtiment la mort elle-même qui l'emportera enfin sur leur obstination.

Celui donc qui assume la charge d'abbé doit imposer à ses disciples une double formation : s'il enseigne par le langage toutes choses bonnes et saintes, il doit plus encore le faire par ses actions. Aux âmes ouvertes et compréhensives, qu'il intime de vive voix les commandements du Seigneur ; pour les natures grossières et les esprits bornés, c'est par ses œuvres qu'il leur représente ces mêmes préceptes divins. Qu'il prenne aussi grand soin de ne pas autoriser par sa conduite ce qu'il aurait condamné dans ses discours, de peur que tout en prêchant aux autres il n'encoure lui-même la réprobation. et que Dieu ne lui dise un jour : "Pécheur, comment oses-tu proclamer mes saintes lois, comment tes lèvres peuvent-elles proférer les règles de mon alliance ? alors que tu hais toute discipline et que, pour ton compte, tu rejettes mes paroles ?" Et encore : " Tu voyais la moindre paille dans l'œil de ton frère, mais tu n'apercevais pas la poutre dans le tien." Qu'il ne fasse point acception des personnes dans le monastère. Qu'aucun ne soit plus aimé de lui que les autres, excepté celui qui excellera davantage à ses yeux dans les bonnes œuvres et l'obéissance. L'homme de naissance libre ne sera pas préféré à celui qui vient de la condition servile, à moins qu'il n'y ait à cela quelque autre motif raisonnable. Si c'est le cas, si l'abbé estime que la justice le requiert, il établira au contraire des distinctions entre les moines, quel que soit leur rang social. Sinon. que chacun garde sa place, car tous, le serf autant que l'homme libre, nous ne sommes qu'un dans le Christ, nous portons également notre fardeau sous les enseignes d'un chef unique, et, auprès de Dieu, il n'y a pas acception de personnes. Les seules préférences qu'il nous marque, sont en effet à la mesure des bonnes œuvres et de l'humilité qu'il trouve en nous. L'abbé aura donc pour tous une égale affection, une même ligne de conduite à l'égard de tous, en tenant compte du mérite de chacun.

Dans le gouvernement des âmes, l'abbé doit toujours se conformer à la norme établie par l'Apôtre : "Adresse tour à tour les remontrances. les exhortations, les reproches." En d'autres termes, variant les procédés selon la diversité des circonstances, qu'il mêle les caresses aux menaces, qu'il sache allier la sévérité du maître à la tendre indulgence d'un père : il réprimandera sans ménagements les esprits impatients du joug et mal affermis dans la régularité ; l'exhortation au progrès dans la vertu, il la réserve à ceux qui sont toute obéissance, modestie et patience quant à ceux qui versent dans le laisser-aller et le mépris du devoir, ils méritent reproches et châtiments. Telle est notre recommandation. Et qu'il ne ferme pas les yeux sur les fautes qu'ils commettront dès qu'elles commencent à poindre, il usera d'autorité pour les retrancher jusqu'à la racine, se souvenant du danger dans lequel tomba Héli, le prêtre de Silo. Alors qu'une ou deux admonitions verbales suffisent pour redresser les natures délicates et capables d'intelligence, ceux qui sont au contraire mauvais, durs de cœur, orgueilleux ou désobéissants, il faut leur infliger le châtiment des verges ou d'autres peines corporelles, et dès le principe du mal exercer la répression. On sait qu'il est écrit : "L'insensé ne se corrige pas avec des paroles ", et ailleurs : "Frappe de verges ton fils et tu l'empêcheras d'aller à sa perte."

L'abbé doit avoir toujours conscience de sa mission, se rappeler sans cesse le nom qu'on lui donne, ne jamais oublier qu'à celui auquel on a confié davantage, on redemande davantage. Qu'il sache combien difficile et ardue est la tâche qu'il a entreprise de conduire des âmes et de se plier des tempéraments fort divers. Pour gagner l'un par des caresses, l'autre par des réprimandes, un troisième par la persuasion, il lui faut proportionner et adapter son action au caractère et au degré d'intelligence de chacun. Tel est le moyen pour lui de ne subir aucun détriment dans le bercail placé sous sa garde, et même de se réjouir de l'accroissement et du parfait état de son troupeau.

Avant tout, qu'il ne se dissimule pas le prix des âmes à lui commises, et qu'il n'accorde pas moins de sollicitude à leur salut qu'à l'administration des biens transitoires, terrestres et caducs : ce sont des âmes qu'il s'est chargé de conduire, - qu'il y songe sans cesse, des âmes dont il aura à rendre compte. Et qu'il n'allègue pas la modicité des ressources : qu'il se répète plutôt la parole de l'Ecriture : "Cherchez d'abord le royaume de Dieu et sa justice, et tout le reste vous sera donné par surcroît", et encore : "Rien ne manque à ceux qui Le craignent."

Qu'il soit donc persuadé qu'en assumant la conduite des âmes, il s'engage à répondre d'elles. Une chose certaine, c'est que le nombre même des frères rangés sous sa tutelle, est celui des âmes dont il sera justiciable sans exception au jour du jugement, en plus, cela va de soi, de ce qui regarde sa vie personnelle. Ainsi, la crainte constante de l'examen qu'un pasteur doit subir au sujet des brebis à lui confiées, le rendra non moins attentif à ses propres comptes que soucieux de répondre pour ceux d'autrui ; et dans la mesure où ses instructions procurent l'amendement du prochain, elles le disposent, lui aussi, à la correction de ses défauts.

 

Table des Matières

 

 

CHAPITRE III

DE LA MANIERE DE PRENDRE CONSEIL DES FRERES

 

Chaque fois qu'au monastère se présente une affaire importante à traiter, l'abbé convoquera la communauté tout entière et lui exposera la question. Il recueillera l'avis des frères, le considérera mûrement à part lui et fera ensuite ce qu'il jugera plus à propos. La raison qui nous porte à demander que tous les frères soient appelés à délibérer, c'est que souvent Dieu inspire aux plus jeunes les meilleures suggestions. Toutefois, que les frères donnent leur avis en toute humilité et soumission, loin de se laisser emporter jusqu'à défendre leur opinion sans retenue : c'est du jugement de l'abbé que relève vraiment la décision, et tous doivent adopter le parti qu'il aura jugé le plus expédient. Mais s'il sied au disciple d'obéir au maître, encore convient-il que lui-même ordonne toutes choses avec prévoyance et équité.

Aussi bien la Règle servira-t-elle de norme universelle dont nul ne pourrait s'écarter sans témérité : tous s'y rangeront au contraire. Dans la vie monastique, il est inadmissible que l'on suive les mouvements de la volonté propre, qu'on s'enhardisse au point de contester insolemment avec l'abbé, ou même que l'on ébruite ces dissentiments au dehors. Celui qui aurait cette audace sera soumis à la discipline régulière. De son côté, l'abbé doit se conduire en tout selon la crainte de Dieu et le respect de la Règle : qu'il soit bien persuadé que de toutes ses résolutions il rendra compte au tribunal d'un Dieu souverainement équitable.

Pour les affaires courantes et de moindre intérêt, il lui suffira de recourir au conseil des anciens. Il est écrit : Ne fais rien sans prendre conseil, et tu n'auras pas à t'en repentir."

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CHAPITRE IV 

QUELS SONT LES INSTRUMENTS A PRATIQUER LES BONNES OEUVRES.

 

Avant tout, aimer le Seigneur Dieu de tout cœur, de toute son âme, de toutes ses forces.

Ensuite le prochain comme soi-même.

Ensuite, ne point tuer.

Ne point commettre d'adultère.

Ne point dérober.

Ne point convoiter.

Ne point porter de faux témoignage

Honorer toute personne humaine.

Et ne pas infliger à autrui ce qu'on ne voudrait pas subir soi-même.

Faire abnégation de soi pour suivre le Christ.

Châtier son corps.

Ne point s'attacher aux jouissances

 

Aimer le jeûne.

Assister les pauvres.

Vêtir celui qui est nu.

Visiter les malades.

Ensevelir les morts.

Soulager ceux qui sont dans la tribulation

Consoler les affligés.

Rompre avec les manières du siècle.

Ne rien préférer à l'amour du Christ.

Ne pas se livrer à la colère.

Ne point s'attarder dans la rancune.

Ne pas entretenir de fausseté dans son cœur.

Ne pas donner le baiser de paix avec simulation.

Ne pas se départir de la charité.

Ne pas jurer, pour éviter le danger de parjure.

Proférer de bouche la vérité telle qu'on l'a dans le cœur.

Ne point rendre le mal pour le mal.

Ne faire d'injure à personne, ruais supporter avec patience celle qu'on nous fait.

Aimer ses ennemis.

Ne point rendre malédiction pour malédiction, mais plutôt bénir ceux qui nous maudissent.

Soutenir persécution pour la justice.

Ne pas être superbe.

Ni gorgé de vin.

Ni vorace.

Ni porté à la nonchalance.

Ni paresseux.

Ni murmurateur.

Ni enclin au dénigrement.

Mettre en Dieu son espérance.

Tout ce que l'on trouve de bon en soi, le rapporter non à soi, mais à Dieu ;

Quant au mal, reconnaître toujours qu'on en est l'auteur, et le mettre à son compte.

Craindre le jour du jugement.

Avoir grand'peur de l'enfer.

Désirer la vie éternelle de toute l'avidité de son âme.

Avoir toujours devant les yeux la mort qui nous guette.

Veiller à toute heure sur les actions de sa vie.

Entretenir la certitude qu'en tout lieu Dieu nous voit.

Briser contre la pierre qui est le Christ les pensées mauvaises à l'instant même où elles viennent à l'esprit, et s'en ouvrir à un ancien éclairé de Dieu.

Garder sa bouche de tout discours malsonnant ou dépravé.

Ne point se plaire à beaucoup parler.

Ne pas tenir de discours inutiles ou qui ne portent qu'à rire.

Ne pas se laisser entraîner au rire fréquent ou débridé.

Prêter volontiers l'oreille à de saintes lectures.

S'adonner souvent à l'oraison.

Pleurer et gémir sur ses fautes passées, en se les reprochant chaque jour devant Dieu dans la prière, et ne pas manquer de se purifier de ces mêmes souillures.

Ne pas accomplir les désirs de la chair. Haïr la volonté propre.

Obéir de tout point aux préceptes de l'abbé, même, ce qu'à Dieu ne plaise, s'il agissait autrement. Souvenons-nous de la parole de Notre-Seigneur : faites ce qu'ils disent, mais ce qu'ils font, gardez-vous de le faire.

Ne pas chercher à passer pour saint avant de l'être, mais le devenir d'abord, en sorte qu'il y ait quelque vérité à ce qu'on le dise.

Accomplir chaque jour d'une manière effective les préceptes de Dieu.

Aimer la chasteté.

Ne haïr qui que ce Soit.

Ne pas céder â la jalousie.

Réprimer le tourment de l'envie.

Avoir horreur de la dispute.

Fuir l'élèvement.

Vénérer les anciens.

Aimer les plus jeunes.

Prier pour ses ennemis dans l'amour du Christ.

Se remettre en paix, avant le coucher du soleil, avec celui dont nous éloigne la discorde.

Et ne désespérer jamais de la miséricorde de Dieu.

 

Voilà quels sont les instruments de l'art spirituel. En les employant jour et nuit, en accomplissant sans relâche le programme des œuvres divines, de manière à les remettre au jour du jugement entre les mains de Dieu, nous recevrons de lui la récompense que Lui-même a promise: "Nul œil n'a vu, nulle oreille n'a entendu, ce que Dieu a préparé pour ceux qui l'aiment." Quant à l'atelier où nous apportons tous nos soins ont œuvrer de la sorte, il n'est autre que le cloître monastique et la communauté où nous sommes stabilisés.

 

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CHAPITRE V

DES QUALITES DE L'OBEISSANCE.

 

Le premier pas dans la carrière de l'humilité est une obéissance pratiquée sans délai. Telle est la marque distinctive de ceux qui estiment ne rien posséder de plus cher que le Christ.

Que ce soit par fidélité à leurs engagements sacrés, par crainte de l'enfer ou espérance de la gloire éternelle, pour eux un ordre donné par le supérieur est pareil à un ordre divin, et dès qu'il leur a été signifié, ils ne pourraient souffrir d'en retarder l'exécution. C'est d'eux que le Seigneur a dit : " Au premier son de ma voix, mon serviteur a obéi", et il dit d'autre part à ceux qui ont mission d'enseigner : "Qui vous écoute, m'écoute."

On les voit, ces moines vertueux, mettre à l'instant de côté tout intérêt personnel, renoncer à leur propre volonté, quitter sur-le-champ l'occupation de leurs mains, laisser leur ouvrage inachevé ; on les voit voler sur la trace de l'obéissance, et passer si promptement à l'exécution de l'ordre entendu, que, sous la vive impulsion de la crainte de Dieu, il ne reste plus d'intervalle entre l'injonction du maître et les accomplissements du disciple ; les deux choses semblent n'en faire qu'une et s'effectuer au même moment, tant ils se sentent pressés de marcher à la vie éternelle, tant ils ont d'ardeur à se lancer dans la voie étroite dont le Seigneur a dit : " Etroite est la voie qui mène à la vie." Ainsi, loin de vivre à leur guise et de s'assujettir à la satisfaction de leurs désirs, marchant au contraire selon le gré et la volonté d'autrui, ils se retirent dans les monastères, où ils ne souhaitent rien de mieux que de se placer sous la conduite d'un Abbé. Telle est sans conteste la vraie façon d'imiter le Seigneur qui s'est donné en exemple lorsqu'il dit : " Je suis venu non pour faire ma volonté, mais pour accomplir la volonté de celui qui m'a envoyé. "

Au reste, cette ponctuelle obéissance ne sera agréable à Dieu et douce aux hommes, qu'autant que l'ordre donné s'exécute sans hésitation, ni lenteur, ni lâcheté, sans murmure, ni paroles de réplique : parce que l'obéissance qu'on rend aux supérieurs se réfère à Dieu. Il l'atteste lui-même : " Celui qui vous écoute, m'écoute." Il faut donc que les disciples s'en acquittent de bon cœur: " car le Seigneur aime celui qui donne avec joie ". Si au contraire le disciple obéit à regret, s'il murmure, je ne dis pas des lèvres, mais seulement dans son cœur, eut-il d'ailleurs accompli l'ordre enjoint, Dieu qui voit le murmure dans les replis de son cœur, n'en agréera pas l'exécution. Une telle manière de faire n'obtient nulle récompense. Elle encourt plutôt la peine due aux murmurateurs, à moins qu'on ne s'en corrige et n'en fasse satisfaction.

 

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CHAPITRE VI

DE LA TACITURNITE OU ESPRIT DE SILENCE

 

Suivons l'exemple du Prophète : " J'ai résolu, dit-il, de me tenir sur mes gardes, afin d'éviter les péchés de la langue. J'ai mis un frein à mes lèvres, je me rends muet, je m'efface, je me défends de parler même à bon escient. " Le Prophète montre par là que non seulement la peine due au péché nous interdit tout abus de langage, mais que le souci de nous taire doit nous porter parfois à renoncer à de bons entretiens.

Telle est donc l'importance du silence que, même pour deviser de choses utiles, saintes, édifiantes, on n'accordera que rarement licence de parler à ceux qui s'exercent à la vie parfaite. Il est écrit: " En bavardant, tu ne saurais éviter le péché," et ailleurs : "La mort et la vie sont en la puissance de la langue." Et, de fait, parler et instruire est le rôle du maître ; au disciple, il sied de se taire et d'écouter, et s'il doit s'enquérir de quoi que ce soit auprès du supérieur, qu'il le fasse avec humilité, soumission et respect.

Quant aux bouffonneries, aux paroles oiseuses, aux mots pour rire, nous les condamnons et frappons d'exclusion partout et à jamais. Rien n'autorise un religieux à ouvrir la bouche pour de tels propos.

 

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CHAPITRE VII

DE L'HUMILITE

 

La divine Ecriture, mes frères, proclame pour notre gouverne : "Quiconque s'élève sera humilié, et celui qui s'humilie sera glorifié." En tenant ce langage, elle nous montre que tout élèvement s'apparente à l'orgueil, et nécessite les précautions dont se munit le Prophète disant : "Seigneur, j'ai fui l'élèvement du cœur et les hautes ambitions ; je n'ai point marché dans des voies prétentieuses, ni vers le mirage d'une condition supérieure à la mienne. " Bien plus, il poursuit : " Si je n'entretiens de bas sentiments de moi-même, Si je m'estime plus que je ne dois, tu me traiteras dans ta justice comme l'enfant trop tôt sevré, qu'on arrache des bras de sa mère.

Voulons-nous, par conséquent, mes frères, atteindre au sommet de cette souveraine humilité, voulons-nous parvenir par une ascension rapide à ces hauteurs célestes où mène l'abaissement de la vie présente, il s'agit alors d'y monter par la gradation de nos œuvres, et de dresser vers le ciel cette même échelle où Jacob vit en songe monter et descendre les anges. Il est ici hors de doute que monter et descendre signifient pour nous que l'on s'abaisse en voulant s'élever, et qu'on s'élève en s'abaissant. Quant à cette échelle dressée, c'est proprement notre vie d'ici-bas, pour alitant que le Seigneur élève jusqu'aux cieux le cœur qui s'humilie. Convenons maintenant que les deux côtés de l'échelle figurent notre corps et notre âme : entre ces montants, Dieu a inséré, nous invitant à les gravir, les échelons successifs de l'art spirituel qui porte nom humilité.

Le premier degré d'humilité est que, par l'effet d'une constante attention à la crainte de Dieu, on échappe résolument à la légèreté d'esprit et qu'on se remémore tous les préceptes divins. Si l'on ne cesse, en effet, de retourner dans son esprit la menace de la géhenne où brûlent pour leurs péchés ceux qui méprisent Dieu, et la promesse de vie éternelle réservée à ceux qui le craignent, on saura se garder à toute heure des péchés et des vices, ceux des pensées, de la langue, des mains, des pieds, ceux de la volonté propre, ou encore des désirs de la chair. Que l'homme considère donc que Dieu le regarde à tout moment du haut du ciel ? en quelque lieu que nous soyons, nos actions sont à découvert sous les yeux de la Divinité et lui sont à tout instant rapportées par les anges. Le Prophète nous donne à entendre cette vérité, et témoigne à quel point nos plus secrètes pensées sont à nu devant Dieu, quand il dit : " Dieu scrute les reins et les cœurs," et de même : "Le Seigneur connaît les desseins des hommes " ; il dit encore : "Tu pénètres de loin mes pensées," et : "Tout ce qui s'agite en l'homme vient se déclarer devant Toi." Dès lors, pour exercer la vigilance sur ses pensées mauvaises, un frère avisé ne manquera pas de se redire au fond du cœur : Pour être sans tache devant Lui, il faut me bien garder de jamais l'offenser.

Quant à la volonté propre, nous trouvons dans l'Ecriture cette défense expresse de la suivre : "Détourne-toi de tes volontés. " Nous demandons d'ailleurs nous-mêmes à Dieu dans la Prière " que ce soit sa volonté qui s'accomplisse en nous. "On voit par là combien justifiée est la doctrine du renoncement à la volonté propre; car on évite ainsi l'écueil signalé dans l'Ecriture : " Il est des chemins qui aux yeux des hommes semblent droits, mais qui, au terme, vous plongent jusqu'au fond de l'enfer." Et nous serons bien inspirés d'envisager avec frayeur le sort de ceux qui se laissent aller à leurs penchants, et dont il est écrit " qu'ils s'y corrompent et y deviennent abominables à Dieu."

Enfin, pour maîtriser les désirs de la chair, recourons encore et toujours au sentiment de la présence de Dieu, et disons avec le Prophète : "Tous mes désirs, Seigneur, sont devant Toi." S'il faut ainsi nous garder du désir mauvais, c'est que la mort est postée sur le seuil même de l'accès au plaisir ; d'où le précepte de l'Ecriture : "Ne te laisse pas entraîner par tes convoitises."

En résumé, si les yeux du Seigneur observent sans cesse les bons et les méchants, si le Seigneur jette du haut du ciel ses regards sur les enfants des hommes pour discerner ceux qui se montrent attentifs à Le chercher, si enfin les anges établis sur nous font chaque jour, font nuit et jour, rapport à Dieu de nos actions, il nous faut prendre garde à tout instant, mes frères, comme dit le Prophète dans les psaumes, que Dieu ne nous voie à quelque moment enclins à pécher, abusant de sa grâce, de peur que, nous ayant épargnés aujourd'hui par grande indulgence et parce qu'il nous laisse le temps de nous amender et de nous tourner vers lui, il ne nous dise un jour : " Voilà ce que tu as fait, et je patientais."

Le second degré d'humilité consiste à se détacher assez de la volonté propre pour ne plus goûter la satisfaction d'en suivre les mouvements, et pour réaliser dans sa conduite ce que le Seigneur dit de lui-même : "Je ne suis pas venu faire ici-bas ma volonté, mais celle du Père qui m'a envoyé." L'Ecriture dit ailleurs : "Courir au plaisir c'est encourir la peine, et plier sous la loi c'est gagner la couronne."

Le troisième degré d'humilité est que, pour l'amour de Dieu, on se soumette au supérieur avec une obéissance sans réserve, à l'imitation du Seigneur qui, nous dit l'Apôtre, "s'est fait obéissant jusqu'à la mort."

Au quatrième degré d'humilité, s'il arrive que, dans cette voie d'obéissance, on soit en butte à toute sorte de difficultés, de traitements durs ou même injustes, alors, au lieu de protester, on met tout son cœur à embrasser la patience, et à tout supporter sans lâcher prise ni reculer d'un pas, car l'Ecriture dit : "Qui persévère jusqu'à la fin, celui-là sera sauvé." Et en un autre endroit : "Que ton cœur s'affermisse, et soutienne les délais du Seigneur. Elle montre encore que l'âme fidèle doit, pour le Seigneur, tout endurer et jusqu'aux pires contrariétés, quand elle fait ainsi parler ceux qui sont dans l'épreuve : " C'est à cause de Toi qu'à longueur de journée nous sommes exposés à la mort et traités comme menu bétail de boucherie." Inébranlables toutefois dans l'espérance de la rétribution divine, ils poursuivent avec joie : "Mais en toutes ces rencontres nous gardons l'avantage, pour l'amour de Celui qui nous a aimés." Ailleurs on lit encore dans l'Ecriture : "Tu nous as éprouvés, Seigneur, tu nous as fait passer par le feu, comme l'argent qu'on éprouve dans la fournaise ; tu nous as fait prendre au lacet, tu as accumulé les tribulations sur nos épaules." Et qu'il nous faille ainsi subir le joug d'un supérieur, la suite du texte le montre bien : "Tu as placé des hommes comme un poids sur nos têtes." De fait, c'est par la patience au milieu des contradictions et des injustices qu'on accomplira jusqu'au bout le précepte du Seigneur : frappé sur une joue, on tendra l'autre ; à qui ravit la tunique, on abandonne par surcroît le manteau ; angarié pour une corvée d'un mille, on en fera deux ; avec l'Apôtre Paul on supporte les faux frères, et à ceux qui maudissent, on adresse en retour des paroles de bénédiction.

Le cinquième degré d'humilité est de ne rien cacher à son Abbé des pensées mauvaises qui se présentent à l'esprit, ni des fautes commises dans le secret. L'Ecriture nous exhorte à pratiquer cette humble confession quand elle nous dit : "Expose devant Dieu ta conduite et espère en Lui," ou encore : " Confessez-vous au Seigneur, car il est bon, et sa miséricorde est éternelle." Le Roi Prophète dit aussi : " Je T'ai déclaré mon péché, et je n'ai pas celé mon iniquité ; j'ai dit : je prononcerai contre moi-même devant le Seigneur que j'ai offensé ; mais Ta bonté corrigera la malice de mon âme."

Le sixième degré d'humilité est qu'un moine trouve son contentement dans tout ce qu'il y a de plus commun et de moindre. Dans les tâches où on l'emploie, il se regarde comme un piètre ouvrier et un incapable. Avec le Prophète il se dit : Me voilà ramené à rien, et je ne sais rien ; Tu le vois, je suis traité comme une bête de somme ; mais je me tiens toujours avec Toi.

Le septième degré d'humilité est que le moine, non en protestations purement verbales, mais par un sentiment profond et une intime conviction du cœur, se reconnaisse comme le plus vil et le dernier de tous les êtres, et que s'abaissant jusqu'à terre il dise avec le Prophète : "Moi, je ne suis qu'un ver, et non un homme, la honte de l'humanité et le rebut du peuple. Je m'étais exalté, et me voici dans l'abjection et la confusion." Le Prophète dit encore : "Comme il est bon pour moi que Tu m'aies humilié ! par là j'ai appris à T'obéir."

Le huitième degré d'humilité est qu'un moine ne fasse rien qui ne soit conforme à la règle commune du monastère, ou encouragé par la tradition des anciens.

Le neuvième degré d'humilité est qu'un moine sache retenir sa langue et que, fidèle à la loi du silence, il attende pour parler qu'on l'interroge, d'autant que l'Ecriture témoigne qu' "à parler beaucoup, on ne peut manquer de pécher " ; et que "le bavard ne trouve pas le droit chemin sur la terre."

Le dixième degré d'humilité condamne l'habitude de rire à tout propos. Il est écrit : "Le rire bruyant trahit la sottise."

Le onzième degré d'humilité est que le moine, amené à parler, le fasse sans élever le ton ni badiner, avec une humble gravité, dans un langage sobre et sensé, et qu'il évite les éclats de voix. On dit en effet que "le sage, pour se faire connaître, n'a pas besoin de beaucoup de mots."

Au douzième degré, l'humilité dont le cœur du moine est rempli passe dans tout son extérieur, et se laisse apercevoir aux regards d'autrui.

A l'Œuvre de Dieu, à l'oratoire, dans le cloître, au jardin, sur les chemins, par les champs, en tout lieu, qu'il soit assis, en marche ou debout, on le voit toujours penchant la tête et fixant les yeux à terre, dans le grave sentiment de sa culpabilité et sous le poids de ses fautes, comme si, à cette heure même, il avait conscience d'affronter le redoutable jugement de Dieu. Dans son cœur il redit sans cesse les paroles que prononçait le publicain de l'Evangile, les yeux humblement baissés: "Seigneur, je ne suis pas digne, moi pécheur, de lever mes regards vers le ciel," et avec le Prophète il ajoute : "Je me tiens courbé et profondément humilié."

Lorsqu'enfin le moine a gravi tous ces échelons d'humilité, il atteint bien vite le sommet de la charité divine d'où est bannie la crainte. Tout ce qu'il ne pouvait accomplir au début sans l'appui de cette crainte, il se met à l'observer par amour, sans nul effort, et, pour ainsi dire, avec l'aisance de l'habitude acquise. Ce n'est plus la peur de l'enfer, c'est l'amour du Christ qui le meut, ainsi que l'entraînement au bien et le charme de la vertu. Cette œuvre de L'Esprit-Saint, daigne le Seigneur la montrer achevée en celui qui avec son concours travaille à se purifier des vices et des péchés.

 

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CHAPITRE VIII

DES DIVINS OFFICES DE LA NUIT

 

           En période d'hiver, c'est-à-dire des calendes de Novembre jusqu'à Pâques, on se lèvera à la huitième heure de la nuit. D'après cette évaluation, on aura reposé Un peu au-delà de minuit, et la digestion sera faite. Le temps de reste après les Vigiles, les Frères le consacreront, s'il en est besoin, à l'étude du Psautier ou des leçons.

De Pâques aux susdites calendes de Novembre, on ajustera cet horaire de telle sorte qu'après l'office des Vigiles, les Frères ayant eu quelques moments libres pour les nécessités naturelles, les Matines commencent sans tarder, car elles doivent se célébrer au point du jour.

 

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CHAPITRE IX 

COMBIEN IL FAUT DIRE DE PSAUMES AUX NOCTURNES

 

En hiver, c'est-à-dire pendant la période déterminée ci-dessus, on dira d'abord par trois fois le verset : Domine, labia mea aperies, et os meum annuntiabit laudem tuam. On y ajoutera le psaume troisième avec le Gloria. Ce psaume sera suivi du quatre-vingt-quatorzième avec son antienne, à moins qu'on ne le chante simplement au ralenti. Vient ensuite l'hymne ambrosienne, puis six psaumes avec antiennes.

Cela fait, et le verset dit, l'abbé donne la bénédiction. Tous s'assoient alors sur leurs bancs, tandis que, à tour de rôle, les frères lisent au lutrin trois leçons alternant avec autant de répons chantés : de ces répons les deux premiers se disent sans Gloria ; mais après la troisième leçon, celui qui chante termine par le Gloria, et à l'instant où il l'entonne, tous se lèvent de leurs sièges pour marquer l'honneur et la révérence dus à la Sainte Trinité. La lecture qu'il convient de faire aux Nocturnes est celle des ouvrages divinement inspirés, tant de l'Ancien que du Nouveau Testament, ainsi que les commentaires que nous en ont donné les plus renommés des Pères orthodoxes et catholiques. Après ces trois leçons et leurs répons, on reprend le chant des six autres psaumes avec l'Alleluia comme antienne. On y joindra une leçon tirée de l'Apôtre et récitée par cœur, puis le verset et la supplication en forme de litanie, c'est-à-dire Kyrie eleison, et par là s'achèvent les Vigiles de la nuit.

 

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CHAPITRE X

COMMENT S'ACCOMPLIT LA LOUANGE DIVINE LES NUITS D'ETE

 

De Pâques aux calendes de Novembre, on maintiendra exactement le nombre de psaumes déterminé ci-dessus ; la différence, c'est qu'en raison de la brièveté des nuits, on ne se servira pas du lectionnaire : les trois leçons seront remplacées par une seule, tirée de l'Ancien Testament, récitée par cœur et suivie d'un répons bref. Pour tout le reste, on l'accomplira comme il a été exposé précédemment.

Ainsi donc, en toute saison, il n'y aura pas moins de douze psaumes aux Vigiles nocturnes, sans compter le troisième et le quatre-vingt-quatorzième. 

 

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CHAPITRE XI 

COMMENT ON CELEBRE LES VIGILES DES DIMANCHES

 

Le dimanche, on se lèvera plus tôt qu'à l'ordinaire pour les Vigiles. Dans ces Vigiles, voici la mesure à observer : après le chant de six psaumes et du verset, selon les normes établies ci-dessus, tous s'assoient sur les bancs, en bonne ordonnance, chacun à son rang, pour entendre lire au lutrin, comme il a été dit, quatre leçons avec leurs répons ; au quatrième répons seulement, le chantre dira le Gloria, et aussitôt qu'il le commencera, tous se lèveront avec respect.

Ces leçons finies, on dira six autres psaumes de suite, avec leurs antiennes comme les précédents, puis le verset. Suivront alors quatre autres leçons avec leurs répons, selon l'ordre qui vient d'être indiqué. Après cela, trois cantiques tirés des Prophètes, fixés au choix de l'abbé. Ces cantiques sont psalmodiés avec l'antienne Alleluia. On y ajoute le verset, et l'abbé donne la bénédiction pour la lecture d'une autre série de quatre leçons empruntées au Nouveau Testament et disposées comme on l'a vu déjà.

Après le quatrième répons, l'abbé entonne l'hymne Te Deum laudamus, et quand elle est terminée, il lit l'évangile du jour que tous écoutent debout dans l'attitude du plus profond respect, répondant à la fin d'une seule voix : Amen. Et l'abbé poursuivant aussitôt entonne l'hymne Te decet laus, puis il donne la bénédiction et l'on commence les Matines.

Tel est l'ordre des Vigiles dominicales en toute saison, été comme hiver, et on doit le maintenir, sauf peut-être s'il arrive, ce qu'à Dieu ne plaise ! qu'on se lève trop tard, et qu'il faille retrancher quelque chose des leçons ou des répons. Ce serait là un désordre qu'on s'efforcera d'éviter ; s'il se produit toutefois, celui qui l'aurait occasionné par sa négligence en offrirait à Dieu, dans l'oratoire, une juste satisfaction.

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CHAPITRE XII 

COMMENT SE CELEBRE L'OFFICE SOLENNEL DES MATINES

 

Le dimanche, aux Matines, on dira d'abord sans antienne et d'un trait le psaume soixante-sixième. Viendront ensuite le cinquantième avec Alléluia, le cent dix-septième et le soixante-deuxième, les Bénédictions et les Laudes, une leçon de l'Apocalypse récitée par cœur et suivie d'un répons, puis l'ambrosien, le verset, le cantique de l'Evangile, et, pour finir, la litanie.

 

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CHAPITRE XII 

COMMENT CÉLÉBRER LES MATINES AUX JOURS ORDINAIRES

 

Les jours ordinaires, l'office des Matines se règle comme suit. D'abord, le psaume soixante-six sans antienne, mais un peu au ralenti, comme le dimanche, en sorte que tout le monde soit au chœur pour le psaume cinquante lequel se dit avec antienne. Suivent deux psaumes dont le choix est fixé par l'usage : ce sont, pour la seconde férie, les psaumes cinq et trente-cinq ; la troisième férie, quarante-deux et cinquante-six ; la quatrième férie, soixante-trois et soixante-quatre ; la cinquième férie, quatre-vingt-sept et quatre-vingt-neuf ; la sixième férie, soixante-quinze et quatre-vingt-onze ; le samedi, cent quarante-deux avec le cantique du Deutéronome, que l'on divise en deux Gloria. Chacune des féries de la semaine a également son cantique propre, tiré des Prophètes, selon la disposition de la psalmodie dans l'Eglise Romaine. Ensuite viennent les Laudes, puis une leçon de l'Apôtre récitée de mémoire, le répons, l'ambrosien, le verset, le cantique de l'Evangile, et on termine par la litanie.

On ne laissera jamais l'office de Matines ni celui de Vêpres s'achever sans que celui qui préside ne dise, en tout dernier lieu et de manière à être entendu de tous, l'Oraison dominicale, à cause des épines de scandale qui habituellement se produisent. En disant: "Pardonnez--nous, comme nous aussi nous pardonnons", les frères se lient par l'engagement réciproque inclus dans cette demande ; et ils peuvent ainsi se purifier des fautes de ce genre. Aux autres offices on dira à haute voix les derniers mots seulement, et tous s'uniront pour répondre : "Mais délivrez-nous du mal."

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CHAPITRE XIV

MANIERE DE CÉLEBRER LES VIGILES AUX ANNIVERSAIRES DES SAINTS

 

Aux fêtes des Saints et dans toutes les solennités, on célébrera l'Œuvre de Dieu comme nous l'avons réglé pour le dimanche, à l'exception des psaumes, antiennes et leçons, qui seront propres à ces jours de fête, tout en se distribuant selon la mesure prescrite ci-dessus.

  

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CHAPITRE XV 

EN QUEL TEMPS IL FAUT DIRE L'ALLELUIA 

 

A partir du saint jour de Pâques et jusqu'à la Pentecôte, on dira exclusivement l'Alleluia comme antienne pour les psaumes et on l'ajoutera à tous les répons. De la Pentecôte au début du Carême, on le dira toutes les nuits aux six derniers psaumes seulement des Nocturnes.

Tous les dimanches, en dehors du Carême, on dira avec Alleluia les Cantiques, les Matines, Prime, Tierce, Sexte et None. Mais les Vêpres auront des antiennes. Quant aux répons, c'est seulement de Pâques à la Pentecôte qu'ils seront accompagnés de l'AIleluia.

 

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 CHAPITRE XVI

DE LA DISTRIBUTION DE L'OFFICE DIVIN AU COURS DE LA JOURNEE

 

Comme l'a marqué le Prophète : "Sept fois le jour j'ai chanté Ta louange", il nous faut, pour atteindre le septénaire sacré du service divin, en accomplir la tâche aux Heures de Matines, Prime, Tierce, Sexte, None, Vêpres et Complies. C'est en effet à ces Heures diurnes que s'applique la parole du Prophète : "Sept fois le jour j ai chanté Tes louanges", puisque, concernant les Vigiles nocturnes, il dit en un autre endroit : "Je me levais au milieu de la nuit pour Te rendre grâces." Louons donc notre Créateur de ses jugements et de sa justice à tous ces moments de la journée, c'est-à-dire, à Matines, Prime, Tierce, Sexte, None, Vêpres, Complies, sans compter qu'au milieu de la nuit nous nous lèverons encore pour chanter ses louanges.

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CHAPITRE XVII

DES PSAUMES A RÉPARTIR EN CES MEMES HEURES

 

Maintenant que nous avons distribué la psalmodie des Nocturnes et des Matines, passons à celle des autres Heures.

A Prime, on dira trois psaumes, avec le Gloria à la fin de chacun des trois. Cette Heure a son hymne propre qui suit le verset Deus in adjutorium et précède les psaumes. Ces trois psaumes terminés, on récite une leçon, le verset, le Kyrie eleison, et les prières finales.

A Tierce, Sexte et None, l'œuvre de la Prière se célébrera de la même manière : le verset Deus, l'hymne propre à chaque Heure, trois psaumes, la leçon, le verset, le Kyrie eleison et les prières finales.

Si la communauté est nombreuse, on intercalera des antiennes ; sinon, on psalmodiera tout d'un trait.

L'office de Vêpres se compose de quatre psaumes avec antiennes. Après ces psaumes, on récite une leçon, puis un répons, l'ambrosien, le verset, le cantique de l'Evangile, la litanie, l'Oraison dominicale, enfin les prières de conclusion.

Aux Complies, on chante trois psaumes selon le mode direct, et sans antienne ; puis l'hymne propre à cette Heure, une leçon, le verset, le Kyrie eleison, et sur les prières de la bénédiction on donnera le congé.

 

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CHAPITRE XVIII

EN QUEL ORDRE IL FAUT DIRE CES PSAUMES

 

On dit d'abord le verset : Deus in adjutorium meum initende, Domine ad adjuvandum me festina, et le Gloria, puis l'hymne propre à chaque Heure.

A Prime, le dimanche, On dit quatre divisions du psaume cent dix-huit, et aux Heures suivantes, Tierce, Sexte et None, trois autres divisions du même psaume cent dix-huit.

A Prime de la seconde férie, on dit trois psaumes, le premier, le deuxième et le sixième ; et ainsi chaque jour jusqu'au dimanche, on dira à Prime trois psaumes de suite jusqu'au dix-neuvième, en prenant soin toutefois de partager en deux le neuvième et le dix-septième. Il résulte de là que les Vigiles du dimanche commencent toujours par le vingtième.

A Tierce, Sexte et None de la seconde férie, on emploiera les neuf divisions qui restent du psaume cent dix-huit, trois pour chacune de ces Heures.

Le psaume cent dix-huit se trouve ainsi distribué en deux jours, le dimanche et la seconde férie. A partir de la troisième férie, on psalmodiera aux heures de Tierce, Sexte et None, trois psaumes allant du cent dix-neuvième au cent vingt-septième, au total neuf psaumes, lesquels se répéteront aux mêmes Heures tous les jours jusqu'au dimanche, la disposition des hymnes, leçons, versets, restant d'ailleurs invariable toute la semaine, et chaque dimanche on recommencera cette série de psaumes par le cent dix-huitième.

A Vêpres, on chante tous les jours quatre psaumes, que l'on prendra en série depuis le cent neuvième jusqu'au cent quarante-septième, exception faite de ceux qui sont réservés pour d'autres Heures, savoir de cent dix-sept à cent vingt-sept, cent trente-trois et cent quarante-deux. Les autres psaumes de cette suite seront tous assignés aux Vêpres, mais comme il en est trois de moins, il faudra diviser les plus longs, savoir, les psaumes cent trente-huit, cent quarante-trois et cent quarante-quatre. Le cent seizième, qui est très court, s'ajoutera au cent quinzième.

La distribution des psaumes de Vêpres étant ainsi arrêtée, les autres éléments de l'Office, savoir les leçon, répons, hymne, verset, cantique, s'ordonnent de la manière établie ci-dessus.

A Complies, on répète chaque jour les mêmes psaumes : quatre, quatre-vingt-dix et cent trente-trois.

Telle est la répartition de la psalmodie au cours de la journée. Tout ce qui reste du psautier se distribue en parts égales dans les sept Vigiles nocturnes, en prenant soin de diviser les psaumes les plus longs, et d'en compter douze par nuit.

Cette distribution des psaumes peut ne pas être agréée de tout le monde. Si l'on en trouve une meilleure, qu'on en dispose autrement. Qu'il nous soit permis toutefois d'insister pour qu'on veille en tout état de cause à s'acquitter intégralement chaque semaine du chant du psautier de cent cinquante psaumes, et à en reprendre la série à partir des Vigiles du dimanche. Pour des moines, ce serait vraiment faire preuve de beaucoup de nonchalance dans le service qu'ils ont voué à Dieu, que de ne pas chanter, au cours de toute une semaine, le psautier complet avec les cantiques d'usage, alors que nous lisons de nos saints Pères qu'ils remplissaient vaillamment ce devoir en un seul jour. Nous qui n'avons pas une égale ferveur, sachons du moins mener à bonne fin la même tâche dans l'espace d'une semaine entière.

 

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CHAPITRE XIX

DE L'ATTITUDE A GARDER DURANT LA PSALMODIE 

 

Nous savons par la foi que Dieu est partout présent et qu'en tout lieu les yeux du Seigneur observent bons et méchants mais il n'est pas de moment où nous devions en avoir une plus ferme assurance, que lorsque nous assistons à l'Office Divin Aussi aurons-nous toujours en la mémoire la parole du Prophète : "Servez le Seigneur dans la crainte" et "Chantez les psaumes avec une fervente attention." "Je vous louerai, dit-il encore, en présence des Anges." Ne perdons jamais de vue avec qu'elle dignité il faut nous comporter en présence de Dieu et des Anges, et quand nous nous tenons debout à la psalmodie sachons mettre notre âme d'accord avec notre voix.

 

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 CHAPITRE XX 

DE LA REVERENCE A OBSERVER DANS LA PRIERE

 

Si, voulant solliciter quelque faveur des puissants de ce monde, nous n'osons les aborder qu'avec humilité et révérence, à combien plus forte raison, nous adressant au Seigneur Dieu, maître de l'Univers, devons-nous lui présenter nos supplications en toute humilité et conscience de notre intégrale appartenance à Lui. Ce n'est d'ailleurs pas en multipliant les formules, mais seulement par la pureté d'intention et les larmes de la componction qu'on est sûr d'être exaucé. L'oraison, dès lors, sera plutôt brève, afin de rester pure, à moins qu'un sentiment né de la grâce divine ne nous inspire de la prolonger. Toutefois, en communauté la prière sera toujours très courte, et, au signal du supérieur, tous se lèveront en même temps.

 

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CHAPITRE XXI

DES DOYENS DU MONASTERE

 

Si la communauté est assez nombreuse, on choisira quelques frères de bonne réputation et sainte vie pour les établir doyens. Chacun d'eux exercera la surveillance sur sa décanie, en toute conformité aux commandements de Dieu et aux préceptes de son abbé. L'abbé aura soin de n'élire que des frères auxquels il puisse avec sécurité confier une partie de sa charge. Ils ne seront donc pas choisis par ordre d'ancienneté, mais d'après le mérite de la vie et l'aptitude à instruire sagement les autres. S'il arrivait jamais qu'un de ces doyens, gonflé de son importance. s'exposât à de justes reproches, il subira une première, une deuxième et jusqu'à une troisième correction ; s'il refuse de s'amender, qu'on le destitue, et qu'on en désigne un autre capable de le remplacer. La même règle vaut pour le prieur.

 

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CHAPITRE XXII

COMMENT LES MOINES SE COMPORTENT AU DORTOIR

 

Chacun aura son lit à part. Une literie conforme à leur genre de vie sera mise à leur usage, comme en disposera l'abbé. Si possible, il n'y aura qu'un seul dortoir mais le grand nombre des frères peut obliger à les grouper par dix ou vingt reposant sous le contrôle des anciens. Dans ce même logis, une chandelle doit brûler sans interruption jusqu'au matin. Les frères dorment vêtus, ceints d'une courroie ou d'une corde, - mais sans garder au flanc leur couteau, qui risquerait de les blesser dans l'abandon du sommeil, - et ils seront ainsi toujours prêts, si bien qu'au signal du réveil, se levant sans retard, ils rivalisent d'empressement pour se rendre à l'Œuvre de Dieu, en toute gravité cependant et sans manquer à la modestie. Les lits des jeunes frères ne seront point rapprochés les uns des autres, mais répartis parmi ceux des anciens ; ainsi, au moment du réveil pour l'Œuvre de Dieu, les uns encourageront discrètement les autres à se lever, ne laissant point d'excuse à ceux qui ont le sommeil lourd.

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CHAPITRE XXIII 

DES FAUTES QUI ENTRAÎNENT L'EXCOMMUNICATION

 

Si un frère se montre opiniâtre, s'il s'entête dans la rébellion, l'arrogance, le murmure, s'il s'insurge contre un précepte quelconque de la sainte Règle ou des anciens, allant jusqu'à afficher son mépris, les supérieurs l'admonesteront en secret, suivant l'avis de Notre Seigneur, et renouvelleront au besoin cet avertissement. S'il refuse de s'amender, on le gourmandera en public, devant tout le monde. Si cela ne suffit pas à le corriger et qu'il comprenne toutefois la gravité de l'excommunication on le soumettra à cette peine. Quant aux réfractaires, il resterait à leur infliger les châtiments corporels.

 

 

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CHAPITRE XXIV 

QUELLE DOIT ÊTRE LA MESURE DE L'EXCOMMUNICATION 

 

Qu'il s'agisse d'excommunication ou de châtiment corporel, la peine doit toujours se proportionner à la nature des fautes. Le jugement à porter sur la malice des fautes est laissé à la discrétion de l'abbé. Disons toutefois que, pour des manquements de moindre gravité, on se bornera à exclure un frère de la participation à la table commune, mais ceci comporte un ensemble de mesures : à l'oratoire, il n'entonnera ni psaume, ni antienne, et ne lira pas de leçon, jusqu'à ce qu'il ait purgé sa peine. Il recevra sa nourriture à l'écart, et seulement après le repas des frères: quand ceux-ci, par exemple, dînent à la sixième heure, lui ne mangera qu'à la neuvième ; Si le repas de communauté est à l'heure de none, il prendra le sien à l'heure de vêpres, et cela, jusqu'à ce qu'il soit quitte de la punition dont la durée est évaluée en fonction de la coulpe.

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CHAPITRE XXV 

DES COULPES GRIEVES 

 

Quant au frère qui aurait à expier une faute plus grave, il sera banni à la fois de la table et de l'oratoire. Aucun des frères ne se mettra en rapport avec lui ni même lui adressera la parole. Il sera seul au travail qui lui est enjoint, et demeurera dans le deuil de la pénitence, méditant avec terreur la sentence prononcée par l'Apôtre : "Cet homme-là est livré à l'exténuation de la chair, afin que l'esprit soit sauve au jour du Seigneur." Il prendra son repas dans la solitude, en la mesure et à l'heure que l'abbé aura jugées bonnes pour lui. Ceux qui le rencontrent ne le salueront pas du Benedicite, et on ne bénira pas non plus la nourriture qu'on lui donne. 

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CHAPITRE XXVI

DE CEUX QUI, SANS PERMISSION, ONT DES RAPPORTS AVEC LES EXCOMMUNIES

 

Le frère qui serait assez présomptueux pour oser, sans l'autorisation de l'abbé, entrer en rapports avec un excommunié, soit pour un entretien personnel avec lui, soit pour lui transmettre un message, subira le même sort et tombera sous la même sentence d'excommunication.

 

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CHAPITRE XXVII 

COMBIEN L'ABBÉ DOIT AVOIR DE SOLLICITUDE A L'ENDROIT DES EXCOMMUNIES

 

L'abbé doit entourer de toute sa sollicitude les frères qui ont failli. Ce sont, en effet, " des malades qui ont besoin de médecin ; les bien portants peuvent s'en passer." Tel un médecin avisé, il recourra donc à toutes les ressources de l'art ; ainsi, il enverra, pour lui tenir compagnie, des "sympectes", c'est-à-dire des frères doués d'expérience et de tact, qui, sans qu'il y paraisse, sachent consoler ce frère chancelant et l'amener à une humble réparation : leurs encouragements l'empêcheront "de s'abîmer dans l'excès de la tristesse." De plus, comme l'ajoute l'Apôtre, ce sera le moment " de redoubler de charité à son égard," et d'unir tous les frères dans la prière pour son salut.

Il faut, en effet, que l'abbé fasse preuve d'une sollicitude extrême, qu'il mette en œuvre tout son savoir-faire, toute sa diligence, pour éviter qu'aucune des ouailles à lui confiées ne se perde. Il ne peut oublier que son rôle est de guérir les infirmes, non d'exercer sa domination sur un troupeau robuste. Et c'est pour lui inspirer une juste crainte, que Dieu lui adresse par le Prophète ces paroles lourdes de menaces : "Ce qui était gras et de belle apparence, vous l'accapariez, et vous rejetiez ce qui était chétif". Qu'il suive plutôt l'exemple émouvant du Bon Pasteur : abandonnant dans les hauts pâturages les quatre-vingt-dix-neuf brebis, il s'en fut à la recherche de l'unique égarée, et eut si grande compassion de sa faiblesse qu'il daigna la charger sur ses épaules sacrées et la reporter ainsi au bercail.

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CHAPITRE XXVIII

DE CEUX QUI, EN DEPIT DE CORRECTIONS MULTIPLIEES, REFUSENT DE S'AMENDER

 

Si un frère, souvent repris pour quelque faute et même frappé d'excommunication refuse de s'amender, on lui infligera une correction plus sévère, et on en veillera à lui appliquer le châtiment du fouet. Il se peut qu'il ne se rende pas encore, ou même, hélas ! qu'emporté par l'orgueil, il tente de justifier sa conduite. Alors, l'abbé agira une fois de plus en sage médecin : après les fomentations calmantes, le baume des exhortations, les médicaments des divines Ecritures, après un suprême recours au cautère de l'excommunication, et la scarification des verges. Si pour finir il constate que toute son industrie ne prévaut nullement sur le mal, qu'il emploie un dernier remède, plus efficace que tout autre, son intercession personnelle et celle de tous les frères, afin que le Seigneur, à qui tout est possible, rende la santé à ce frère malade. Si cependant cette dernière tentative n'amène pas la guérison, alors, mais alors seulement, l'abbé se servira du fer tranchant et l'expulsera, comme dit l'Apôtre : "Chassez ce pervers du milieu de vous ; " ou encore : " Si l'infidèle veut s'en aller, qu'il parte, " de peur qu'une brebis infectée ne contamine, à elle seule, le troupeau tout entier.

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CHAPITRE XXIX 

DOIT-ON RECEVOIR DERECHEF LES FRERES QUI AURAIENT QUITTE LE MONASTÈRE

 

Si un frère a eu le tort de sortir du monastère et qu'il demande à y rentrer, il devra tout d'abord promettre de s'amender du vice qui a provoqué son départ, et il sera reçu au dernier rang. On pourra s'assurer par là de son humilité. S'il part de nouveau, on le recevra encore, et même une troisième fois. Après quoi il est entendu qu'il se verra refuser toute possibilité de retour.

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CHAPITRE XXX

 DE QUELLE MANIERE SONT PUNIS LES PLUS JEUNES

 

Les différences d'âge et d'intelligence conditionnent des mesures spéciales. Les enfants, les jeunes gens, les esprits bornés sont peu aptes à comprendre la portée de la peine d'excommunication: aussi, lorsqu'ils tombent en faute, on leur infligera des jeûnes sévères, ou on les fustigera d'importance ; c'est le moyen de leur garantir la santé de l'âme.

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CHAPITRE XXXI

QUEL DOIT ETRE LE CELLERIER DU MONASTERE

 

Comme cellérier du monastère, on choisira dans la communauté un frère judicieux, mûr de caractère, sobre dans le boire et le manger, qui ne soit ni altier, ni turbulent, un homme incapable de nuire, ni trop lent ni trop prompt à la dépense, mais s'inspirant toujours de la crainte de Dieu, tel, en un mot, qu'il puisse tenir lieu de Père pour toute la famille monastique.

Sa compétence s'étend sur toutes choses, sans s'écarter jamais des ordres de l'abbé, ni manquer d'accomplir ce qui est commandé.

Il ne contristera point les frères. Et si l'un d'eux vient à lui demander ce qui n'est pas raisonnable, qu'il s'abstienne de procédés rebutants et blessants, et représente avec humilité qu'à une requête mal fondée on ne peut raisonnablement satisfaire.

Il veillera sur son âme et gardera toujours à la mémoire cette exhortation de l'Apôtre : " Celui qui aura bien rempli son ministère, méritera de monter au degré supérieur. "

Les malades, les enfants, les hôtes, les pauvres, autant de gens qui relèvent de sa particulière sollicitude. Il peut être certain qu'au jour du jugement compte lui sera demandé de la manière dont il aura traité chacun.

Tous les ustensiles et, dans l'ensemble, tous les biens du monastère, il doit les considérer comme il ferait des vases sacrés de l'autel. Il n'est si petite chose qui ne mérite ses soins. Sans donner dans l'avarice, sans se livrer non plus à une prodigalité ruineuse pour le monastère, il gardera la mesure en toutes choses, et s'en tiendra aux ordres de l'abbé.

Sa première vertu est de rester humble. S'il n'a pas de quoi fournir ce qu'on lui demande, il donnera du moins en réponse une bonne parole, selon l'Ecriture, " une parole bienveillante est encore le plus apprécié des dons. " Il prendra soin de tout ce que lui confiera l'abbé, sans se mêler de ce qui échappe à sa responsabilité. En servant aux frères la portion déterminée, il n'aura pas l'humeur chagrine et ne les fera pas attendre, de peur de leur donner sujet de scandale, se souvenant du châtiment dont le Seigneur menace quiconque aura scandalisé l'un des petits. Si la communauté est nombreuse, on lui donnera des assistants pour le soulager et lui faciliter le paisible accomplissement des devoirs de sa charge. Il faut observer l'horaire convenu tant pour distribuer que pour demander ce qui répond aux besoins de chacun, en sorte que personne ne soit troublé ni contristé dans la maison de Dieu.

 

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CHAPITRE XXXII

DES OUTILS ET AUTRES OBJETS DU MONASTÈRE

 

Tout ce que possède le monastère en fait d'outils, de vêtements, d'objets de toutes sortes, l'abbé, avec prévoyance, en assignera l'entretien et le rangement à autant de frères qu'il faudra, des frères dont la conduite et le caractère lui donnent entière sécurité. De tous ces biens l'abbé tiendra un inventaire, en sorte que, les frères se succédant tour à tour dans les charges qu'il leur confie, il contrôle ce qu'il reçoit de l'un et ce qu'il remet à l'autre. Si quelqu'un traite avec malpropreté ou négligence les choses qui sont à l'usage du monastère, il sera réprimandé ; s'il ne se corrige, il se verra appliquer les pénalités de règle.

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CHAPITRE XXXIII  

SI LES MOINES GARDENT QUELQUE DROIT DE PROPRIÉTÉ

 

L'un des principaux désordres à retrancher du monastère et à extirper jusqu'à la racine est l'esprit de propriété. Nul n'aura donc la hardiesse de donner ou de recevoir quoi que ce soit sans l'autorisation de l'abbé. Un moine ne saurait détenir en propre un objet quelconque, non pas même un livre, ni des tablettes, ni une écritoire, bref ; absolument rien, puisqu'il ne peut même plus disposer librement ni de son corps, ni de sa volonté, et qu'il attend du seul père de la communauté qu'il pourvoie à toutes ses nécessités. Ainsi donc, il n'est jamais licite de s'attribuer quelque chose qu'on ne tienne de la main de l'abbé ou de sa permission. Tout doit être commun à tous, selon l'Ecriture, et nul n'aura la témérité de faire sienne chose quelconque, pas même en paroles.

Si l'on surprend quelqu'un qui s'adonne à ce vice détestable, on l'avertira une fois ou deux; s'il ne s'amende, il subira une mordante correction.

 

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CHAPITRE XXXIV  

SI TOUS DOIVENT RECEVOIR ÉGALEMENT LE NÉCESSAIRE 

 

"On distribuait les parts de chacun selon les besoins de chacun." L'Ecriture indique par là ce qu'il convient de faire. Cela ne signifie nullement qu'il y ait acception de personne, Dieu nous en préserve ! Mais qu'on ait égard aux infirmités : celui à qui peu suffit, qu'il rende grâces à Dieu et ne soit pas chagrin ; et celui à qui il faut davantage, s'humiliera de sa faiblesse, loin de se prévaloir des ménagements qu'on a pour lui. De la sorte, tous les membres vivront en bonne intelligence. Surtout, qu'on ne voie jamais éclater le vice du murmure, sous quelque prétexte que ce soit, ni dans la moindre parole, ni par une manifestation quelconque. Tout frère surpris dans cette faute sera soumis à un châtiment très sévère.

 

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CHAPITRE XXXV

DES SEMAINIERS DE LA CUISINE

 

Les frères doivent se servir les uns les autres à tour de rôle. Aucun, dès lors, ne sera dispensé de ce service de la cuisine, excepté ceux qui ont mauvaise santé ou qui vaquent à d'importantes et urgentes occupations, car c'est la source d'un grand mérite et d'un accroissement de charité. Les faibles recevront des aides : on leur épargne ainsi l'accablement ; et, du reste, il convient de façon générale que les frères en charge soient secondés, d'après l'état de la communauté et la situation du lieu. Dans les grandes communautés, le cellérier est dispensé de la cuisine, et ceux-là pareillement qui vaquent, disions-nous, à des tâches absorbantes. Les autres feront leur service tour à tour dans le sentiment d'une charité mutuelle.

Le samedi, en sortant de semaine, le cuisinier fera les nettoyages. Il lavera les linges dont les frères s 'essuient les mains et les pieds. Avec le frère qui entre en fonction, celui qui sort de semaine lavera aussi les pieds de chacun. Il remettra, propres et en bon état, entre les mains du cellérier, les ustensiles de son office, et le cellérier les confiera à celui qui entre en semaine, prenant note de ce qu'il donne comme de ce qu'il reçoit.

Une heure avant la réfection commune, les semainiers recevront chacun, en sus de la portion ordinaire, un coup à boire et du pain, afin qu'au moment du repas ils puissent servir leurs frères sans excès de fatigue et qu'ils n'aient pas sujet de murmurer. Toutefois, les jours de solennités, il leur faudra différer jusqu'après la Messe.

Les semainiers qui entrent en charge ou qui en sortent, se mettent à genoux devant tous à l'oratoire, le dimanche à l'issue des Matines, demandant que l'on prie pour eux. Celui qui sort de semaine dit le verset : Benedictus es, Domine Deus, qui adjuvisti me et consolatus es me. Quand il l'a dit trois fois. il reçoit la bénédiction, et celui qui entre en semaine lui succède en disant : Deus in adjutorium meum intende Domine, ad ajuvandum me festina. Et le chœur ayant aussi répété ce verset par trois fois, le semainier recevra la bénédiction et entrera en fonction. 

 

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CHAPITRE XXXVI

DES MALADES

 

Le soin des malades passe avant tout : de toutes les tâches c'est la plus urgente. Qu'on se dévoue à leur service comme on ferait pour le Christ en personne, car il a dit : " J'ai été malade, et vous m'avez assisté " ; et encore : "Je tiens pour fait à moi-même ce que vous avez fait au moindre de ceux-ci." De leur côté, les malades doivent comprendre que c'est pour honorer Dieu qu'on s'emploie à leur service et ils éviteront de contrister par d'importunes exigences les frères qui les soignent. Seraient-ils d'ailleurs incommodes, qu'on devrait encore les supporter avec patience, et ne voir là que l'occasion d'une récompense plus abondante. L'abbé aura donc un extrême souci d'empêcher qu'ils ne souffrent d'aucune négligence.

On destinera à ces frères malades un logis spécialement approprié, avec un infirmier qui craigne Dieu, qui soit diligent et soigneux. On offrira aux malades l'usage des bains autant de fois qu'il sera expédient, mais à ceux qui se portent bien, surtout dans le jeune âge, on l'accordera plus rarement. On pourra même permettre a ceux qui sont très débilités de manger de la viande afin de se refaire ; mais lorsqu'ils auront repris des forces, ils reviendront comme tout le monde à l'abstinence accoutumée. Encore une fois, l'abbé apportera toute sa sollicitude à prévenir, de la part des cellériers et infirmiers, la moindre négligence dans le traitement des malades, car il est le premier responsable des manquements de ses disciples.

 

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CHAPITRE XXXVII 

DES VIEILLARDS ET DES EMFANTS

 

Un sentiment naturel d'humanité nous porte à l'indulgence envers ces deux âges, la vieillesse et l'enfance. Il est bon pourtant que l'autorité de la Règle intervienne en leur faveur. On aura donc toujours égard à leur faiblesse, et on ne maintiendra aucunement pour eux les restrictions alimentaires du régime commun. Mais on usera envers eux d'une affectueuse condescendance et ils pourront devancer l'heure régulière des repas.

 

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CHAPITRE XXXVIII 

DU LECTEUR SEMAINIER

 

La lecture ne doit jamais faire défaut pendant les repas, et il ne s'agit pas que le premier venu s' empare du livre et se propose séance tenante pour faire cette lecture, mais qu'un frère entre le dimanche en fonction pour la semaine entière. Il débutera en sollicitant pour lui les prières de tous, après la messe et la communion du dimanche, afin que Dieu le préserve de se laisser gagner par une vaine prétention. A cet effet, tous reprendront trois fois après lui le verset Domine, labia mea aperies, et os meum annuntiabit laudem tuam. Il recevra alors la bénédiction qui l'introduit dans cet office de lecteur.

A table on gardera un silence si profond que l'on n'y entende aucun chuchotement, aucune autre voix que celle du lecteur. Le service doit s'effectuer de telle sorte que les uns et les autres pourvoient aux besoins de chacun dans le boire et le manger, et que nul n'ait sujet de demander lui-même quoi que ce soit. Si toutefois c'était nécessaire, on attirera plutôt l'attention par un signe qu'en formulant une réclamation. Personne n'aura non plus la hardiesse au réfectoire de poser des questions à propos de la lecture ou sur quelque autre matière, car ce serait une occasion de désordre. Il peut arriver cependant que le supérieur juge opportun de prononcer quelques paroles instructives, mais il sera bref.

Le lecteur de semaine, avant de commencer sa lecture, recevra le mixte, soit en raison de la sainte communion qui précède, soit pour s'épargner la fatigue d'un jeûne prolongé. Il prendra ensuite son repas en même temps que les semainiers de la cuisine et les serviteurs de table.

Les frères ne sont pas tous lecteurs ou chantres à tour de rôle. mais ceux-là seuls dont la lecture est profitable à ceux qui les écoutent. 

 

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CHAPITRE XXXIX 

DE LA MESURE DU MANGER

 

A notre avis, pour la réfection quotidienne aussi bien à sexte qu'à none, deux mets cuits doivent suffire à toutes les tables, et répondre aux besoins divers, en sorte que si parfois on ne pouvait manger de l'un, on trouverait dans l'autre de quoi se refaire. Deux mets cuits peuvent donc satisfaire la variété des appétits mais si l'on a à sa disposition des fruits ou des pousses de légumineuses on les ajoutera en troisième lieu. Une livre de pain à bon poids suffira comme portion quotidienne soit qu'on prenne un seul repas, soit qu'il y ait dîner et souper, et dans ce dernier cas, le cellérier réservera un tiers de cette même livre pour le souper. S'il arrive que les frères aient un surcroît de travail, libre à l'abbé d'ajouter à l'ordinaire ce qu'il jugera expédient sans d'ailleurs favoriser jamais la gloutonnerie ni donner à un moine l'occasion d'être pris d'indigestion. Rien n'est plus contraire à la condition chrétienne que l'excès dans le manger comme le dit Notre-Seigneur : "Prenez garde que vos cœurs ne s'abrutissent par des excès de table."

Pour les enfants d'âge encore tendre, on n'observera pas la mesure fixée pour les grandes personnes : leur portion sera moindre, de manière à éviter tout gaspillage.

La chair des quadrupèdes est un aliment dont tous doivent généralement s'abstenir, mais il y a exception pour les malades très affaiblis.

 

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CHAPITRE XL

 DE LA MESURE A GARDER DANS LE BOIRE

 

"Chacun a reçu de Dieu un dont qui lui est propre, en sorte que la disposition de l'un n'est pas celle de l'autre." Et c'est pourquoi nous avons un certain scrupule à fixer par des règlements le vivre d'autrui. Toutefois, considérant les exigences des santés délicates, nous accorderons une hémine de vin à chacun comme portion suffisante pour la journée. Mais les frères auxquels Dieu donnerait d'en supporter la privation, peuvent être assurés d'en recevoir la récompense. Au contraire, Si les nécessités du climat, si un travail exceptionnel ou les chaleurs estivales réclament un supplément, le supérieur en jugera et décidera : surtout, qu'il soit prudent et n'accorde pas le vin à volonté, de peur qu'on ne soit gagné par l'ivresse. Sans doute lisons-nous que le vin n'est nullement fait pour les moines, mais il n'est guère possible de les en persuader dans les temps où nous vivons. Convenons du moins de n'en pas boire à satiété, mais de rester en deçà, car le vin fait déraisonner même les sages.

Là où les conditions du pays demandent qu'on renonce à se procurer la mesure fixée plus haut, parce que le vin est rare ou qu'il n'y en a pas du tout, ceux qui habitent cette région devront bénir Dieu et se bien garder de murmurer. C'est vraiment notre suprême recommandation, qu'on se tienne franc de tout murmure. 

 

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CHAPITRE XLI 

DE L'HEURE DES REPAS

 

De la sainte Pâque à la Pentecôte, les frères prendront leur réfection à sexte et souperont le soir.

A partir de la Pentecôte et durant tout l'été, sauf quand les moines eux-mêmes doivent travailler aux champs et subir l'accablement des chaleurs excessives, on jeûnera jusqu'à none la quatrième et la sixième férie. Les autres jours, on dînera à sexte, et on maintiendra cet horaire du repas à sexte tant que dureront les gros travaux agricoles ou les fortes chaleurs d'été : l'appréciation en est laissée à la prévoyance de l'abbé. Car c'est à lui qu'il incombe de ménager toutes choses et de les disposer Si bien que le salut des âmes ne soit point en péril et que les frères, en accomplissant leurs tâches, n'aient pas sujet de murmurer.

Depuis les ides de septembre jusqu'au début du Carême, le repas aura toujours lieu à l'heure de none. Pendant le Carême jusqu'à Pâques, ce sera seulement après Vêpres, et cet office de Vêpres se placera assez tôt pour qu'on n'ait pas besoin d'allumer les lampes au repas, et que tout se termine encore à la lumière naturelle. Il en est d'ailleurs ainsi tout le long de l'année, et l'heure du souper comme celle de la réfection unique doivent se régler de telle sorte que le repas s'achève à la clarté du jour.

 

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CHAPITRE XLII

 QUE PERSONNE NE DOIT PARLER APRES COMPLIES

 

Les moines doivent en tout temps s'appliquer au silence, mais d'une manière plus rigoureuse aux heures de la nuit. Et cela se pratiquera tout le long de l'année, soit que l'on jeûne, soit qu'on ne jeûne pas. Les jours où l'on dîne et soupe, les frères, se levant de table après le souper vont s'asseoir en un même lieu, et l'un d'eux lit les Conférences ou les Vies des Pères, ou quelque autre Ouvrage propre à édifier les auditeurs on omettra l'Heptateuque et le livre des Rois dont la lecture ne se ferait pas sans inconvénient dans la soirée pour les imaginations impressionnables. Cette partie de l'Ecriture peut se lire à d'autres moments. Pendant la période du Jeûne, c'est après avoir célébré les Vêpres, suivies seulement d'un court intervalle, que les frères se rendront à la lecture des Conférences dont nous venons de parler on lira quatre ou cinq feuillets plus ou moins - selon le temps disponible, - et, tandis qu'on fait cette lecture, la communauté se rassemblera au complet, certains pouvant avoir été retenus jusqu'alors dans les occupations qui leur sont assignées. Tous les frères une fois réunis prennent place pour les Complies, et au sortir de cet office nul n'aura désormais licence de parler de quoi que ce soit à n'importe qui. Celui qu'on découvrirait en train de violer cette règle du silence, serait soumis à un châtiment sévère. Il faut excepter les cas de nécessité, tels que l'arrivée des hôtes, ou si l'abbé a des ordres à donner. Mais alors même, on ne doit le faire qu'avec beaucoup de gravité et de retenue, et dans les termes d'une parfaite bienséance.

 

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CHAPITRE XLIII

 DE CEUX QUI ARRIVENT EN RETARD A L'OEUVRE DE DIEU OU A LA TABLE

 

Quand vient l'heure du service divin, on s'empresse d'y accourir au premier signal, abandonnant sur-le-champ toute occupation quelle qu'elle soit. On gardera cependant la gravité, on évitera de donner dans une précipitation grotesque. Rien, dans tous les cas, ne doit passer avant l'Œuvre de Dieu.

Si quelqu'un arrive aux Vigiles nocturnes après le Gloria du psaume quatre-vingt-quatorzième, que pour cette considération nous décidons de chanter au ralenti en prolongeant la mélodie, il ne prendra pas au chœur sa place accoutumée, mais se tiendra au dernier rang, ou à l'écart, en un endroit que l'abbé désignerait pour les négligents de son espèce, en sorte qu'il reste exposé aux regards de l'abbé lui-même et de toute l'assistance. L'Œuvre de Dieu s'achevant, il fera enfin satisfaction par une pénitence publique. La raison pour laquelle nous jugeons bon de reléguer les retardataires au dernier rang ou de les mettre à part et en évidence sous les yeux de tous, c'est que la honte même les porte à s'amender. Car s'ils demeuraient hors de l'oratoire, tel serait tenté de se recoucher et de reprendre un somme, tel autre irait à son gré s'asseoir au dehors, tel encore perdrait son temps à des sornettes, chacun donnant prise à l'esprit malin. Il vaut bien mieux qu'ils entrent au lieu de perdre tout l'office, et quant au reste, qu'ils s'amendent.

Aux Heures du jour, celui qui arriverait à l'Œuvre de Dieu après le verset, éventuellement après le Gloria du premier psaume qui aux Matines suit le verset, se placera en retrait du chœur, selon la règle établie ci-dessus ; et qu'il n'ait pas la présomption de prendre une part active à la psalmodie tant qu'il n'aura fait satisfaction, à moins peut-être que l'abbé ne l'y autorise par une exemption provisoire, et à la condition qu'il accomplisse ensuite sa pénitence.

Pour ce qui concerne le réfectoire, celui qui n'arrivera pas avant le verset, car il convient que tous soient réunis pour ce verset et la prière qu'il introduit, puis se mettent à table tous ensemble, celui donc qui par sa nonchalance ou par mauvaise habitude n'arrivera pas à temps, sera d'abord repris jusqu'à deux fois : si cet avertissement réitéré ne suffit pas à le corriger, on lui refusera de participer à la table commune : il mangera seul, séparé de la compagnie de ses frères, et il sera privé de sa portion de vin, jusqu'à ce qu'il ait fait satisfaction et se soit amendé. On infligera la même peine à celui qui s'absenterait du verset que l'on chante après le repas.

Personne ne peut de son propre chef se procurer nourriture ou boisson à toute heure, pas plus après qu'avant l'heure fixée. Mais quand le supérieur lui-même offre une exception à un frère et que celui-ci dédaigne de l'accepter si ce dernier vient à réclamer la chose refusée naguère ou quelque autre faveur, il ne se la verra pas accorder, avant qu'il n'ait fait amende honorable.

 

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CHAPITRE XLIV

COMMENT LES EXCOMMUNIES FONT SATISFACTION

 

Pour les manquements graves entraînant l'excommunication de l'oratoire et de la table, on fait satisfaction de la manière suivante. Devant la porte de l'oratoire, a chaque heure où l'on célèbre l'Office divin, le pénitent se prosterne sans mot dire, et se borne à rester étendu, visage contre terre, couché de tout son long aux pieds de ceux qui sortent de l'oratoire. Et il renouvelle cette prostration autant de fois que l'abbé l'estime nécessaire pour qu'il ait satisfait. Alors sur l'invitation de l'abbé, il se présente à lui, se jette à ses pieds, et pareillement à ceux de tous les frères, pour obtenir le secours de leurs prières. Enfin, sur l'ordre de l'abbé, il reprend place au chœur, mais au rang que l'abbé lui assigne, et encore ne peut-il se permettre d'entonner les psaumes, de réciter des leçons ni d'autres parties de l'office, avant qu'il n'en reçoive de l'abbé l'autorisation expresse. Et à toutes les Heures, au moment où l'on termine l'Office divin, il se prosterne sur le sol à l'endroit même ou il se trouve, et il pratique cette satisfaction jusqu'à ce que l'abbé intervienne de nouveau et le tienne quitte de la prolonger.

Ceux qui, pour des fautes légères, sont excommuniés seulement de la table commune, font leur satisfaction à l'oratoire, et ils l'accomplissent tout le temps que l'abbé a imposé ; après quoi, il leur donne sa bénédiction et prononce : "Cela suffit."

 

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CHAPITRE XLV

DE CEUX QUI FONT DES FAUTES A L'ORATOIRE

 

Si quelqu'un, récitant un psaume, un répons, une antienne, une leçon, vient à se tromper et ne s'humilie séance tenante sous les yeux de tous en faisant satisfaction. Il subira une correction plus sévère, pour n'avoir pas voulu réparer par un acte d'humilité Sa coupable négligence.

Quant aux enfants, pour des fautes de ce genre, ils seront étrillés.

 

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CHAPITRE XLVI

 DE CEUX QUI COMMETTENT QUELQUE AUTRE FAUTE

 

Si un frère, occupé dans l'un ou l'autre emploi tel que la cuisine, le cellier, le service de table, la boulangerie, le jardin, les ateliers, partout en somme où son activité s'exerce, commet la faute de briser ou de détériorer un objet, de causer ici ou là du désordre, et qu'il ne vienne aussitôt s'en accuser de lui-même et faire satisfaction auprès de l'abbé ou de la communauté, il sera soumis à une correction plus sévère, lorsque par une autre voie on apprendra ce qui s'est passé. Quand il s'agit au contraire d'un péché commis dans le secret de la conscience, ou ne doit s'en ouvrir qu'à l'abbé ou aux conseillers expérimentés de la vie spirituelle : à eux de se montrer capables de guérir les plaies du prochain comme leurs propres blessures, sans les découvrir jamais ni les divulguer.

 

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CHAPITRE XLVII 

DU SIGNAL A DONNER AUX HEURES DE L'OFFICE DIVIN

 

Le soin d'annoncer l'heure de l'Office divin, nuit et jour, incombe à l'abbé. S'il ne s'en acquitte personnellement, il en commettra la charge à un frère si diligent qu'on soit assuré d'accomplir tous les offices aux heures voulues.

L'intonation des psaumes et des antiennes revient, à tour de rôle, après l'abbé, à ceux qui auront été désignés pour cette fonction. Personne ne prendra sur soi de chanter ou de lire, s'il n'est capable de remplir cette tâche à l'édification des assistants. Il faut donc y apporter les dispositions d'humilité, de révérence, de crainte religieuse, et, de plus, y avoir été invité par l'abbé.

 

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CHAPITRE XLVIII

 DU TRAVAIL MANUEL DE CHAQUE JOUR

 

L'oisiveté est ennemie de l'âme : pour éviter ce danger, les frères s'occuperont à certains moments au travail des mains, et consacreront d'autres heures, également déterminées, à l'étude des choses divines. Et voici, à notre avis, comment peuvent se répartir l'une et l'autre tâche dans la journée.

De Pâques aux Calendes d'octobre, on part dès le matin, à l'issue de Prime, pour s'adonner jusqu'à la quatrième heure aux travaux nécessaires. Et de la quatrième à la sixième environ, on vaque à la lecture. Après Sexte, et le repas fini, on se lève de table pour aller s'étendre au dortoir et reposer dans le plus complet silence ; mais si quelqu'un préfère poursuivre sa lecture, libre à lui de le faire, à condition de ne pas déranger autrui. On avancera un peu l'heure de None, qui sera célébrée vers le milieu de la huitième heure, et l'on reprendra jusqu'à Vêpres les travaux imposés. Il peut arriver que les circonstances locales ou la pauvreté obligent les frères à se charger eux-mêmes de la récolte : qu'ils ne s'en affligent pas, car c'est encore être vraiment moine que de vivre du travail de ses mains, à l'exemple de nos Pères et des saints Apôtres. Cependant tout doit se faire avec mesure, par égard pour les faibles.

Des Calendes d'octobre au début du Carême, on s'applique à la lecture jusqu'à l'achèvement de la deuxième heure : on dit alors Tierce, puis, jusqu'à la neuvième heure, tous se rendent au travail qui leur est enjoint. Au premier signal de None, chacun quitte aussitôt son ouvrage et se tient prêt pour le moment où retentit le second signal. Après le repas les frères vaquent à leurs lectures ou apprennent les psaumes.

Au temps du Carême, ils se livrent à la lecture du matin jusqu'à la troisième heure pleine, puis au travail commandé jusqu'à la fin de la dixième heure. C'est en Carême que chacun reçoit de la bibliothèque un livre, qu'il est tenu de lire d'une manière suivie et jusqu'au bout. Ces livres seront par conséquent distribués dès le début du Carême.

Il est de première importance qu'un ou deux anciens aient mission de parcourir le monastère aux heures fixées pour la lecture, afin de voir s'il ne se rencontre pas çà et là un frère qui, ayant perdu le goût de l'étude, cherche, au lieu de s'y appliquer, une diversion dans la fainéantise et les bavardages, et lui, non content de nuire à son âme, entraîne encore les autres dans la dissipation. Si ce qu'à Dieu ne plaise, il se trouve un moine aussi peu consciencieux, on le réprimandera une première et une deuxième fois. S'il ne s'amende, on lui infligera une correction régulière assez forte pour que les autres redoutent de l'encourir.

Un frère ne doit pas se joindre à un autre aux heures indues.

Le dimanche tous vaqueront pareillement à la lecture, excepté ceux qui sont désignés pour des services particuliers. Si un frère était négligent et paresseux au point qu'il ne consente ni à lire ni à méditer, ou encore s'il en est incapable, on lui assignera un travail quelconque, pour qu'il ne reste pas inoccupé.

Les frères infirmes ou de complexion délicate seront employés à des tâches ou dans des métiers faciles ; ils échappent ainsi au désœuvrement, sans que l'accablement du travail les porte à se décourager, voire à se dérober. Il importe donc que l'abbé prenne leur faiblesse en considération.

  

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CHAPITRE XLIV

DE L'OBSERVANCE DU CARÊME

 

Le moine devrait sans doute mener en tout temps un genre de vie pareil à celui du Carême, mais bien peu en auraient la force. Nous insisterons toutefois pour que, au moins en cette époque de Carême, chacun veille à maintenir ses mœurs dans une exacte pureté, et tende à expier du même coup, en ces jours sacrés, les négligences de toute l'année. Afin d'y réussir parfaitement, nous nous préserverons de tout dérèglement, nous nous appliquerons à la prière accompagnée de larmes, à la lecture, à la componction du cœur, aux pratiques de l'abstinence. C'est pour nous le moment d'ajouter quelque austérité de saison an fardeau coutumier de nos devoirs : prières de surcroît, restrictions dans le boire et le manger ; en somme, que chacun se fasse un devoir d'offrir à Dieu, dans la joie du Saint-Esprit, quelque prélèvement de son choix sur la portion qui lui est mesurée : par exemple qu'il refuse à son corps un peu de nourriture, de boisson, de sommeil, qu'il retranche aussi quelque chose de sa propension à parler à plaisanter, et qu'il place toute l'ardeur de ses désirs spirituels dans l'attente joyeuse du saint jour Pâques. Cependant, ce qu'on offre personnellement à Dieu, sera d'abord proposé à l'abbé, pour être accompli avec son agrément et l'appui de sa prière. Ce qu'on entreprendrait sans la permission du père spirituel, serait imputé à présomption et vaine gloire, et ne mériterait nulle récompense. Que tout se fasse donc avec l'assentiment de l'abbé.  

 

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CHAPITRE L

DES FRÈRES QUI SONT AU TRAVAIL LOIN DE L'ORATOIRE OU QUI SONT EN VOYAGE

 

Les frères que leurs travaux retiennent trop loin de l'oratoire pour qu'ils s'y rendent à l'heure voulue, l'abbé jugeant que cet éloignement motive leur absence, accompliront, à l'endroit même de leur travail, l'Œuvre de Dieu avec les génuflexions et toutes les marques de la crainte religieuse.

D'une manière analogue, les frères partis en voyage n'omettront pas de dire l'Office aux heures régulières, mais ils les célébreront de leur mieux en particulier, sans manquer jamais de satisfaire à cette obligation du service sacré.

 

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CHAPITRE LI 

DES FRERES QUI VONT EN DES LIEUX PEU ELOIGNES

 

Les frères qui sortent pour traiter quelque affaire et s'attendent à rentrer le jour même au monastère, ne doivent pas se permettre de prendre leur repas chez les gens du dehors, si pressante qu'en soit l'invitation : il peut arriver toutefois que l'abbé les y autorise ; mais la contravention à cette règle entraînerait l'excommunication. 

 

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CHAPITRE LII 

DE L'ORATOIRE DU MONASTERE

 

L'oratoire sera ce qu'il doit être : un lieu prière, à l'exclusion de toute autre activité, l'on n'y déposera rien que de conforme à sa destination. L'Œuvre de Dieu étant achevée, que tous se retirent dans un profond silence, montrant ainsi leur respect de la Présence Divine, et si parfois un frère avait envie de revenir à la prière en son particulier, il ne sera pas dérangé par l'impudence d'autrui. Du reste, chaque fois qu'un frère désire s'y recueillir dans le secret de l'oraison, qu'il entre simplement et qu'il prie, non en élevant la voix, mais avec les larmes du cœur et la ferveur de l'esprit. Celui, par conséquent, qui ne s'adonnerait pas à cette œuvre silencieuse de la prière, ne sera pas autorisé, 1'Office divin terminé, à demeurer dans l'oratoire, comme il vient d'être dit, de peur que les autres n'en soient importunés.

 

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CHAPITRE LIII

 DE LA RÉCEPTION DES HOTES

 

Tous les hôtes qui se présentent seront reçus comme le Christ en personne, si bien qu'il puisse nous dire un jour : "J'ai demandé l'hospitalité, et vous m'avez accueilli." On aura pour tous les égards qui s'imposent, mais on en témoignera principalement aux gens de la maison de Dieu ainsi qu'aux voyageurs venus de loin.

Dès qu'on a connaissance de l'arrivée d'un hôte, le supérieur ou les frères vont au devant de lui, afin de lui rendre tous les bons offices de la charité. Au premier abord, on priera ensemble, de manière est se trouver en communion dans la paix, le baiser de paix ne devant s'échanger que si la prière, au préalable, a déjoué les " illusions diaboliques." Pour saluer les hôtes, tant à l'arrivée qu'au départ, on fera, en toute humilité, l'inclination de tête ou même la prostration jusqu'à terre, adorant en eux le Christ, puisqu'en eux c'est le Christ qu'on reçoit. Les hôtes accueillis au monastère sont donc invités d'abord à la prière ; puis le supérieur, ou le frère désigné par lui, prend place avec eux : on donne en leur présence lecture d'un passage de la Loi divine propre à les édifier, après quoi on les traite avec toute l'humanité possible. Le supérieur, s'il mange avec l'hôte peut rompre le jeûne, sauf les jours de grand jeûne qui n'admettent point de dispense ; mais les autres frères continuent à jeûner comme a l'accoutumée. L'abbé donnera à laver aux hôtes ; pour le lavement des pieds, il le pratiquera envers tous les hôtes, mais avec le concours de la communauté. Ce qu'ayant fait, on dira le verset : "Suscepimus, Deus, misericordiam tuam in medio templi tui."

On aura souci d'entourer des plus grandes attentions les pauvres et les voyageurs : car l'hospitalité qu'on leur offre s'adresse plus manifestement au Christ ; dans le cas des riches, la seule crainte de leur déplaire leur garantit assez de déférence.

L'abbé et les hôtes ont une même cuisine, indépendante de celle des frères : car les hôtes surviennent à des heures variables, et comme le monastère n'en désemplit guère, il ne faut pas que ce service désorganise la vie commune Tous les ans le soin de cette cuisine sera commis à deux frères capables de bien remplir cet office, et, s'il en est besoin, on leur procurera des aides qui leur ôtent tout sujet de récrimination. Si parfois, au contraire, ils sont désoccupés, qu'ils passent à un autre travail qu'on leur commandera. - Il ne s'agit d'ailleurs pas ici d'un cas particulier, mais dans tous les départements de la vie monastique la norme générale est qu'on assure à des auxiliaires à ceux qui en manquent, et que les frères en vacance d'emploi reçoivent d'autres obédiences.

Le logis destiné aux hôtes sera également confié à un frère dont l'âme est possédée par la crainte de Dieu. On y trouvera un nombre suffisant de lits garnis, marque du bon ordre qui règne dans la maison de Dieu, quand elle est administrée par des gens sages et prévoyants.

Nul frère, s'il n'en a reçu mission, ne se permettra d'aborder les hôtes ou de s'entretenir avec eux. Mais s'il en rencontre à l'improviste, il les saluera humblement de la manière qui a été dite, et après leur avoir demandé la bénédiction il passera son chemin, s'excusant de ne pouvoir sans permission parler plus longtemps avec un hôte.

 

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CHAPITRE LIV  

UN MOINE PEUT-IL RECEVOIR DES LETTRES OU DES CADEAUX?

 

Sous aucun prétexte le moine ne peut, sans l'autorisation de l'abbé, échanger avec qui que ce soit, parents, gens du monde, confrères, des lettres, des objets de dévotion, ou de menus cadeaux. Et quand ses parents prennent l'initiative de lui adresser quelque chose, il ne saurait se l'attribuer avant que l'abbé n'en ait été informé. Celui-ci, même après avoir permis de recevoir l'objet, restera libre d'en désigner le bénéficiaire, et le frère auquel il semblait destiné ne cédera pas à la tristesse, de peur de donner prise au diable. Quant à celui qui oserait enfreindre ces prescriptions, il encourra la punition régulière.

 

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CHAPITRE LV

 DU VESTIAIRE ET DE LA CHAUSSURE DES FRERES

 

Les frères porteront des vêtements adaptés à la diversité des climats et aux variations de la température car il en faut davantage dans les régions froides, et moins dans les pays chauds. Qu'on s'en remette pour cela à l'appréciation de l'abbé. Nous indiquerons toutefois ce qui nous parait suffire dans les endroits tempérés : chaque moine revêtira la tunique et la coule, coule d'étoffe épaisse en hiver, de drap lisse ou élimé en été ; en outre, un scapulaire de travail et, comme chaussure, des sandales et des caliges. De tous ces effets la couleur ou la qualité ne sont point pour les moines matière à discussion : on les prendra telles qu'elles se présentent dans le pays où l'on vit, et au meilleur marché possible.

L'abbé réglera la mesure des vêtements, prenant garde qu'ils ne soient point trop courts, mais proportionnés à la taille de ceux qui les portent. Le frère qui en reçoit de neufs doit toujours en même temps restituer les vieux et les déposer au vestiaire pour être donnés aux pauvres. Deux tuniques et deux coules suffisent au moine, pour se changer la nuit, comme aussi pour les laver : le surplus serait inutile, et, dès lors, il le faut supprimer. Les sandales aussi, et en général toutes les vieilles hardes, rentreront au dépôt quand on en retire du neuf. Ceux qui partent en voyage recevront du vestiaire des hauts-de-chausses, qu'ils y rapporteront au retour après les avoir lavés. Les coules et les tuniques livrées par le vestiaire aux frères qui se mettent en route seront un peu meilleures que celles qu'ils portent habituellement, et ils les rendront au retour.

Les lits auront pour toute garniture une paillasse, une saie, une couverture et un chevet. L'abbé fera fréquemment l'inspection de ces lits, dans la crainte qu'il ne s'y trouve quelque objet indûment approprié. Et celui chez qui l'on découvrirait la moindre chose qu'il n'eût reçue de l'abbé, serait soumis à une correction très sévère. Aussi, pour retrancher jusqu'à la racine ce vicieux esprit de propriété, l'abbé accordera largement le nécessaire, savoir : coule, tunique, sandales, caliges, ceinture, couteau, poinçon, aiguille, mouchoir, tablettes, afin d'enlever tout prétexte de nécessité. Mais il doit toujours tenir compte de cette instruction des Actes des Apôtres: "On donnait à chacun selon les besoins de chacun." Que l'abbé prenne donc en considération l'indigence des faibles, sans nul égard pour les fâcheuses dispositions des envieux, se souvenant, dans toutes ses décisions, que Dieu même lui rendra selon ses œuvres.

 

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CHAPITRE LVI 

DE LA TABLE DE L'ABBÉ

 

L'abbé prendra tous ses repas avec les hôtes en résidence ou de passage ; et quand il y en a trop peu, il ne tient qu'à lui d'inviter à sa table ceux des frères qu'il lui plaira, pourvu qu'il laisse toujours avec la communauté un ou deux anciens pour le maintien de la discipline.

 

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CHAPITRE LVII

DES ARTISANS DU MONASTÈRE 

 

 

S'il se trouve dans le monastère des artisans qualifiés, qu'ils exercent leur métier en toute humilité dès lors que l'abbé le permet. Que si l'un d'eux, infatué de son savoir-faire personnel, se prévaut des avantages qu'il s'imagine procurer au monastère, il sera, le prétentieux, relevé de son emploi, et désormais ne s'en mêlera plus, à moins que l'abbé, le voyant revenu à d'humbles sentiments, ne l'autorise à reprendre sa tâche.

S'il faut vendre quelque produit du travail des artisans, ceux qui seront chargés des transactions doivent se garder les mains nettes de toute fraude. Ils auront en la mémoire Ananie et Saphire : et la mort que ceux-ci éprouvèrent dans leur corps, ils craindront de la subir dans leur âme, eux et tous ceux qui trafiqueraient malhonnêtement des biens du monastère.

En fixant les prix, qu'on ne se laisse pas envahir par la passion du lucre : on cédera plutôt la marchandise à meilleur compte que ne font les séculiers, et en toutes choses on ne recherchera que la seule gloire de Dieu. 

 

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CHAPITRE LVIII

 DE LA MANIERE DE RECEVOIR LES FRÈRES EN RELIGION

 

Quelqu'un vient-il dans le but de mener la vie monastique, il ne faut pas s'empresser de l'y introduire, mais plutôt se conformer à l'avis de l'Apôtre " : Eprouvez ses dispositions, voyez si elles s'inspirent de Dieu." Lors donc que le nouveau venu persévère à frapper à la porte. Et que, devant les rebuffades et les difficultés qu'on oppose à son admission, il montre pendant quatre ou cinq jours autant de patience à les supporter que de persistance dans sa requête, ou lui donnera l'entrée et on le logera pour quelques jours à l'appartement des hôtes.

Après quoi, il passera dans le quartier où se groupent les novices pour l'étude, les repas et le sommeil, sous la conduite d'un ancien qui ait le don de gagner les cœurs et qui exerce sur eux la vigilance la plus attentive. Et cette sollicitude a pour objet de s'assurer que le novice cherche véritablement Dieu, et qu'il se montre généreux dans le service divin, dans l'obéissance et dans les épreuves. Qu'on ne manque pas de l'avertir de tous les durs travaux et aspérités de la voie qui mène à Dieu.

S'il témoigne d'une constante volonté de se stabiliser, deux mois déjà s'étant écoulés, on lui donnera une explication suivie de la Règle, en ajoutant ces mots : " Telle est la loi sous laquelle vous désirez combattre : si vous êtes disposé à l'observer, allez plus avant ; si vous ne vous en croyez pas capable, vous êtes libre de vous retirer." S'il tient bon, qu'on le ramène au susdit quartier des novices pour le soumettre derechef à tous les exercices de la patience.

Après un laps de six mois, on lui expose de nouveau la Règle, pour qu'il comprenne à quoi il s'engage. S'il demeure ferme, on lui lira une fois encore, au bout de quatre mois, ce texte de la Règle. Et si, en pleine maturité de conscience, il promet d'en garder tous les articles et d'accomplir tout ce qu'on lui ordonnera, il sera alors incorporé à la communauté, étant averti que l'autorité de la Règle inclut aussi, pour un profès, l'interdiction de quitter désormais le monastère et de secouer le joug de la vie régulière, qu'au terme de si longues réflexions il était à même de refuser ou d'accepter.

Le frère admis à la profession s'engagera publiquement dans l'oratoire à garder la stabilité, les mœurs monastiques et l'obéissance ; et si jamais il rompait ce pacte conclu en présence de Dieu et des Saints, il sentirait peser sur lui la réprobation de ce Dieu qu'il aurait bravé. Il rédigera cette promesse en forme de pétition au nom des Saints dont on possède les reliques, avec mention de la présence de l'abbé. Il écrira de sa propre main cette formule ; s'il ne sait les lettres, un autre à sa demande, l'écrira pour lui. Le novice appose sur la charte sa signature et la porte de ses propres mains sur l'autel. Après l'y avoir placée, il revient entonner le verset : Suscipe me, Domine, secundum eloquium tuum, et vivam ; et ne confundas me ab expectatione mea. Toute la communauté reprend par trois fois ce verset, ajoutant à la fin le Gloria Patri. Le nouveau profès se prosterne alors aux pieds de chacun des frères, leur demandant de prier pour lui, et, à dater de ce jour, il est traité comme membre de la communauté.

S'il a quelques biens, il lui faut, avant la profession, les distribuer aux pauvres, ou en faire donation au monastère en bonne et due forme, sans se rien réserver du tout ; il ne peut oublier, en effet, qu'à partir de ce jour il ne possède même plus la libre disposition de son propre corps. Aussi se voit-il sur-le-champ dépouiller des effets qu'il porte et revêtir des habits monastiques. Les vêtements qu'il vient de quitter seront portés an vestiaire et mis en dépôt, car il peut arriver, ce qu'à Dieu ne plaise ! que, le diable le poussant, il se laisse entraîner à déserter la vie religieuse : il faudrait alors, en le congédiant, lui enlever l'habit monastique, mais la cédule de pétition, retirée par l'abbé de dessus l'autel, ne lui sera pas rendue : elle restera aux archives du monastère.

 

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CHAPITRE LIX

DES FILS DE NOBLES OU DE PAUVRES EN OBLATURE

 

Parfois, des personnes de condition voulant offrir un fils à Dieu, le présentent au monastère : pour un enfant en bas âge, les parents rédigeront la formule de pétition dont nous avons parlé ci-dessus. On enveloppera tout ensemble l'oblation, la charte et la main de l'enfant dans le voile de l'offrande portée sur l'autel : tel est le rite d'oblature.

Quant à leurs biens, ils s'engageront, par le texte même de cette pétition et sous la foi du serment, à n'en jamais rien donner à l'enfant, ni directement ni indirectement, ni par eux-mêmes ni par personne interposée, pas plus qu'ils ne lui procureront jamais l'occasion d'y prétendre. Ils peuvent encore, s'ils préfèrent ne pas le déshériter et qu'ils désirent offrir au monastère une aumône en manière de reconnaissance, faire à la communauté donation de la part de patrimoine fixée par eux, en s'en réservant, s'il leur plaît, l'usufruit. Grâce à ces précautions, toutes les issues se ferment devant le jeune religieux, aucun vain mirage ne subsiste, qui risque de l'égarer et de le perdre. Sur ce danger - que Dieu éloigne! - l'expérience nous a beaucoup appris.

Les parents moins riches procéderont de la même façon. Ceux qui ne possèdent rien du tout, écriront, sans plus, la pétition et, selon le rite de l'oblation, voueront. à Dieu leur fils en présence de témoins.

 

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CHAPITRE LX

DES PRÊTRES AUXQUELS LA PENSÉE VIENDRAIT DE SE FIXER AU MONASTÈRE

 

Si un membre de l'ordre sacerdotal demande à être reçu dans la vie monastique, on ne s'empressera pas d'y consentir. Toutefois sur ses instances réitérées, pressantes, on l'acceptera mais il doit bien savoir qu'il sera tenu à l'observance intégrale de la Règle, sans qu'en on en relâche rien en sa faveur; pour lui aussi vaut cette parole: "Mon ami, qu'êtes-vous venu faire ici? " Il lui sera pourtant permis de prendre rang après l'abbé, de donner les bénédictions, de célébrer la messe, a condition que l'abbé l'y autorise sans quoi il n'entreprendra rien de semblable, se rappelant qu'il est soumis à la discipline commune, et qu'il doit plutôt donner à tous l'exemple de l'humilité. Et quand il y a des nominations à faire ou des charges à conférer sur le plan conventuel, il regardera comme sien le rang de son entrée au monastère, non celui qui par égard à la dignité sacerdotale lui a été concédé.

Pour les simples clercs amenés au monastère par le même désir de s'y agréger, on leur donnera un rang moyen; mais d'eux aussi on exigera la promesse d'observer la Règle et de garder la stabilité.

 

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CHAPITRE LXI 

DES MOINES ÉTRANGERS COMMENT LES RECEVOIR

 

Lorsqu'un moine étranger, venu des provinces lointaines désire séjourner au monastère en qualité d'hôte, et que, appréciant le genre de vie qu'il y trouve, il ne risque pas de déranger la communauté par ses exigences, mais s'accommode simplement de la vie telle qu'elle se présente, on le recevra aussi longtemps qu'il le voudra. Ce moine pourrait d'ailleurs fort à propos émettre avec modestie des observations justifiées ou quelque charitable remontrance, dont l'abbé examinera prudemment le bien fondé: ne serait-ce pas précisément pour cela que le Seigneur l'aurait précisément envoyé?

Il manifestera peut-être aussi l'intention de fixer sa stabilité: on ne s'opposera pas à un tel dessein d'autant que, pendant son séjour en qualité d'hôte, on a pu juger de ses dispositions; car si, dans le même temps on l'avait vu élever des prétentions ou trahir un tempérament fâcheux, il ne s'agirait pas de l'incorporer au monastère; au contraire, on lui dirait poliment de se retirer, de peur que sa misère ne corrompe les autres. Mais si sa conduite ne mérite pas qu'on l'éloigne, on n'attendra pas qu'il demande à être affilié à la communauté, on lui conseillera de s'y fixer, parce que son exemple sera instructif pour d'autres, et parce qu'en tout lieu on sert un même Seigneur, on milite sous un même Roi. Bien mieux, Si l'abbé l'en juge digne, il pourra l'établir un peu au-dessus du rang que lui assigne son entrée: ce qui ne vaut pas seulement pour les moines, mais aussi pour les prêtres et les clercs de différents ordres dont nous parlions plus haut: l'abbé peut les élever à un rang supérieur a celui de l'entrée, s'il reconnaît que leur conduite le mérite. Que l'abbé se garde toutefois d'admettre jamais à demeure un moine d'un monastère connu, sans le consentement de son abbé ou du moins sans lettres de recommandation, car il est écrit: " Ne fais pas à autrui ce que tu ne veux pas qu'on t'inflige à toi-même."

 

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CHAPITRE LXII 

DES PRÊTRES DU MONASTÈRE

 

Lorsqu'un abbé se propose de faire ordonner un prêtre ou un diacre pour le service de son monastère, il choisira parmi les siens un frère digne d'exercer les fonctions sacrées.

Mais le religieux appelé aux ordres se prémunira contre l'élèvement et l'orgueil. Il ne prétendra jamais qu'à ce que l'abbé lui confie, et s'estimera tenu de s'assujettir beaucoup plus que les autres à la discipline régulière: le sacerdoce n'est pas un prétexte pour exciper de l'obéissance à la Règle et à l'observance commune, mais une occasion, par une pratique de plus en plus fidèle, de s'avancer vers Dieu.

Il doit aussi garder toujours le rang qui correspond à son entrée au monastère, excepté celui des fonctions de l'autel, ou si encore si le suffrage de la communauté ou le choix spontané de l'abbé lui assignent en raison de ses mérites, un poste plus élevé: il lui reste alors à tenir compte des normes établies pour les doyens et les préposés. Possible qu'il s'y refuse: qu'il soit alors traité non en prêtre, mais en rebelle; et si des admonestations répétées ne le redressaient pas, on le dénoncerait en dernier recours par-devant l'évêque. Possible, hélas! qu'il demeure incorrigible, jusqu'à étaler imprudemment ses fautes, et devoir être expulsé du monastère; on n'en viendra toutefois à cette extrémité que s'il s'obstine au point de rejeter toute soumission et obéissance à la Règle.

 

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CHAPITRE LXIII

 DU RANG A GARDER DANS LA COMMUNAUTÉ

 

Les frères tiendront dans le monastère le rang qui revient à chacun selon la date d'entrée en religion, le mérite personnel, et les dispositions prises par l'abbé. Celui-ci évitera de jeter le désordre dans le troupeau qui lui est confié, et d'imposer des mesures arbitraires au nom d'un pouvoir absolu, mais il se souviendra toujours du compte qu'il doit rendre à Dieu de toutes ses ordonnances et de toutes ses actions.

C'est donc d'après le rang fixé par lui, ou d'après l'ordre d'ancienneté, que les frères iront au baiser de paix, se présenteront à la communion, entonneront les psaumes, prendront place au chœur. Et en aucun lieu l'âge ne créera une préséance ni un préjugé favorable, car Samuel et Daniel encore enfants out fait le procès a des vieillards. Ainsi donc, en dehors de ceux que l'abbé aurait, comme nous l'avons dit, élevés en dignité pour des motifs supérieurs, ou rabaissés pour des raisons fondées, tous les autres suivront l'ordre de leur entrée au monastère: celui, par exemple, qui serait arrivé à la deuxième heure du jour, quel que soit son âge ou sa condition. reconnaîtra pour son ancien celui qui sera entré à la première heure, ce qui n'empêche que les enfants restent d'une manière générale sous la conduite des adultes de tout rang.

Les jeunes doivent de la déférence à leurs anciens; les anciens entoureront d'affection leurs cadets. En s'adressant les uns aux autres nul ne se permettra d'appeler quelqu'un par son nom tout court, mais les anciens donneront aux plus jeunes le nom de "frères" et les jeunes appelleront les anciens nonni, ce qui équivaut à "Votre Révérence, Votre Paternité " ou " Mon Révérend Père." L'abbé. parce qu'il est regardé comme vicaire du Christ, recevra le titre de "Seigneur" et "Père Abbé", non point qu'il l'usurpe lui-même, mais on le lui attribuera pour l'honneur et l'amour du Christ. A lui d'y bien songer, et de montrer par ses exemple qu'il est digne de recevoir pareilles marques de vénération.

En quelque endroit que les frères se rencontrent, le plus jeune demande la bénédiction ait son aîné. Voit-il approcher un ancien, il se lève de son siège, prêt à lui céder la place, et il ne prend la liberté de se rasseoir que sur l'invitation de l'aîné, pour faire comme il est écrit: Prévenez-vous d'honneur les uns les autres.

Les enfants d'âge tendre ou dans l'adolescence gardent à l'oratoire et aux repas leur rang d'ancienneté, mais restent sous contrôle. Hors de là, où qu'ils soient, ils seront sous la tutelle et la surveillance d'autrui, jusqu'à ce qu'ils atteignent la maturité du discernement.

 

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CHAPITRE LXIV

 DE L'ÉTABLISSEMENT DE L'ABBÉ

 

On tiendra pour règle constante, dans la nomination de l'abbé, que celui-là soit établi qui aura été élu dans la crainte de Dieu par le consentement général de toute la communauté, ou par une partie seulement, fût-elle en petit nombre, pourvu que ses préférences s'appuient sur de solides raisons.

Ce qui doit fonder le choix de l'élu, quand bien même il occuperait le dernier rang dans le monastère, c'est le mérite de la vie personnelle et l'art consommé de conduire les âmes. Que si jamais, ce que Dieu ne veuille permettre, la communauté choisissait, même à l'unanimité, un complice de ses dérèglements, l'évêque du diocèse, les abbés et les fidèles chrétiens du voisinage, quand ces désordres deviendront quelque peu notoires, devront empêcher le complot des méchants de réussir, et ils pourvoiront eux-mêmes d'un digne administrateur la maison de Dieu; et ils peuvent être assurés que leur intervention sera largement récompensée, s'ils ont agi avec une intention pure et par le zèle de la gloire de Dieu; inversement, ils commettraient une faute en négligeant ce devoir.

Elevé à la dignité abbatiale, l'élu pensera continuellement aux lourdes responsabilités qu'il assume devant un Maître qui lui demandera compte de sa gestion : il doit être clair pour lui "qu'il importe plus de valoir que de prévaloir."

A cette fin, il lui faut être instruit des Saintes Ecritures, et savoir à quelle source puiser, comme de son propre fonds, pour tirer des documents anciens des leçons toujours nouvelles. Qu'il soit chaste sobre, indulgent, et fasse toujours prédominer la miséricorde sur la justice, en sorte qu'il obtienne à son tour un traitement pareil. Il haïra les vices, mais ne laissera pas d'aimer ses frères. Et quand il est obligé de les reprendre, il agit avec mesure selon la maxime : "Ne rien exagérer", de peur qu'à force de racler la rouille il ne brise le vase. Sa propre fragilité est toujours devant ses yeux, et il se souvient que le roseau fêlé, Dieu ne veut pas qu'on l'écrase. Nous n'entendons pas pour autant qu'il tolère la croissance des habitudes mauvaises, mais il les retranchera avec une habileté que la charité inspire, selon ce qu'il jugera expédient dans chaque cas particulier, comme nous l'avons déjà dit; en somme, qu'il ait plutôt 1'ambition d'être aimé que redouté.

Qu'il se garde d'être turbulent et d'humeur inquiète, emporté et opiniâtre, jaloux et soupçonneux : car, "en si grand dépit, nul répit." Dans les ordres qu'il donne. il se montrera prévoyant et circonspect ; qu'il s'agisse des choses de Dieu ou des choses temporelles. il fera preuve, en répartissant les tâches, de discernement et de modération, prenant exemple de la discrétion du patriarche Jacob qui disait : "Si j'exténue mes troupeaux en forçant leur allure, ils périront en un seul jour. Sur la foi de ce texte et d'autres témoignages de l'Ecriture, qu'il accepte de regarder la discrétion comme la mère des vertus et tempère si bien toutes choses que les vaillants aient loisir d'exercer leur bon zèle, sans que les faibles soient tentés de découragement. Suprême recommandation: qu'il observe jusqu'aux moindres prescriptions de la présente Règle et s'apprête en fidèle administrateur, à entendre un jour le Seigneur reconnaître ses mérites, comme il le fit pour le serviteur consciencieux qui avait distribué le vivre en temps voulu à ses compagnons de travail: "Je vous le dis en vérité", déclare le Sauveur, "le Maître le préposera à la gestion de tous ses biens."

 

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CHAPITRE LXV

DU PRÉ POSÉ DU MONASTÈRE

 

Il faut reconnaître que l'établissement d'un préposé dans les monastères donne assez souvent naissance à de graves scandales. Il est, en effet, de ces gens qui, enflés d'un détestable esprit de superbe, se prennent alors pour de seconds abbés, usurpent un pouvoir tyrannique, suscitent et entretiennent des dissentiments scandaleux à l'intérieur des communautés, surtout dans les maisons où le même évêque et les mêmes abbés qui instituent l'abbé pourvoient également à la désignation du préposé. Combien cela est absurde, il est aisé de le voir: car cette façon de le nommer lui fournit dès le principe matière à s'enorgueillir, et le pousse à se persuader qu'il est affranchi de l'autorité abbatiale, "puisque" se dira-t-il, toi aussi tu as été choisi par ceux-là mêmes de qui l'abbé détient ses pouvoirs. C'est une source de haines, de querelles, de médisances, de rivalités, de dissensions de désordres: l'abbé et le préposé, entraînés par leurs sentiments hostiles, versent dans un antagonisme inévitable qui leur devient fatal, tandis que leurs sujets, en épousant le parti de l'un ou de l'autre, vont également à leur perte. Jeter la communauté dans un tel péril est une faute imputable au premier chef à ceux qui ont ainsi renversé l'ordre normal des choses.

Aussi avons-nous constaté qu'il est expédient, pour la sauvegarde de la paix et de la charité, que l'abbé organise lui-même son monastère comme il l'entend, et, si faire se peut, que tous les services de la maison soient confiés aux doyens selon les dispositions prises par l'abbé, comme nous l'avons réglé plus haut; quand les charges se répartissent entre plusieurs, elles offrent moins de prise à l'ambition d'un seul. Toutefois, lorsque la situation de la maison le requiert ou que la communauté le souhaite pour de justes motifs et le demande humblement, l'abbé appréciera s'il est opportun de s'adjoindre un préposé, et, avec l'assentiment des plus religieux de ses frères, il fixera son choix sur celui qu'il voudra.

Ce préposé exécutera avec respect tout ce qui lui sera prescrit par son abbé, loin de se permettre quoi que ce soit contre sa volonté ou ses ordonnances: plus il est élevé au-dessus des autres, plus il doit se montrer attaché à l'observation de la Règle. S'il se révélait déréglé, séduit par l'élèvement et la superbe, convaincu de mépris pour la sainte Règle, on l'admonesterait oralement jusques à quatre fois; s'il ne s'amendait pas, on lui ferait subir le châtiment de la discipline régulière; serait-il malgré tout réfractaire, il ne resterait qu'à le faire déchoir de sa condition de préposé, pour le remplacer par un plus digne. Et si, par la suite, il ne se tenait pas tranquille et obéissant, on finirait par l'expulser du monastère. L'abbé se remettra toutefois devant les yeux le compte qu'il doit rendre â Dieu de toutes ses décisions: pensée propre à étouffer la flamme d'envie ou de jalousie qui pourrait s'allumer dans son âme.

 

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CHAPITRE LXVI

DES PORTIERS DU MONASTERE

 

A la porte du monastère se tiendra un frère avisé, d'âge avancé, capable de recevoir et de rapporter un message, et d'une maturité qui le réserve de rôder partout. Ce portier aura sa loge tout près de l'entrée, afin que les survenants trouvent toujours sur place quelqu'un avec qui traiter. Dès que retentit le heurtoir ou l'appel d'un pauvre, il dit de son côté: Deo gratias ou Benedicite, et il se hâte, dans l'ardeur de la charité, de donner une réponse toute empreinte de la mansuétude qui procède de la crainte de Dieu. Le portier, s'il a besoin d'aide, recevra l'assistance d'un frère plus jeune.

Au reste, le monastère si faire se peut, doit être pourvu de tous les aménagements nécessaires : l'eau, le moulin, le jardin, les ateliers, en sorte que les diverses activités s'exercent à l'intérieur de la clôture, et que les moines n'aient aucun prétexte â courir au dehors, car cela ne vaut rien du tout pour leurs âmes.

Nous ordonnons que cette Règle soit lue fréquemment en communauté, pour que nul ne puisse alléguer l'ignorance comme excuse.

 

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CHAPITRE LVII

DES FRERES QU'ON ENVOIE AU DEHORS

 

Les frères qui doivent se mettre en route se recommanderont aux prières de tous, ou du moins de l'abbé; et après la dernière oraison de l'office divin on fera mémoire de tous les absents.

Le jour même de leur retour, les frères qui rentrent de voyage se prosterneront sur le sol de l'oratoire, à toutes les heures canoniales, au moment où s'achève l'Œuvre de Dieu, et ils solliciteront ainsi la prière de tous, à cause des écarts auxquels on est exposé, lorsque, en cours de route, on se laisse surprendre à regarder ou écouter ce qui est répréhensible, ou qu'on se livre à de vains bavardages.

Nul n'aura non plus la sottise de rapporter à un autre tout ce qu'il a remarqué ou entendu raconter hors clôture: car c'est là l'occasion de beaucoup de misères. Celui qui aurait cette témérité serait soumis à la discipline régulière. On punira de même celui qui se permettrait de quitter l'enceinte du monastère, de partir pour quelque destination ou de prendre des initiatives, fussent-elles de peu d'importance, qui n'auraient pas l'approbation de l'abbé.

 

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CHAPITRE LXVIII 

SI L'ON ENJOINT A UN FRERE DES CHOSES IMPOSSIBLES

 

S'il arrive qu'on enjoigne à un frère des choses pénibles ou même impossibles, il commencera par accueillir en toute mansuétude et soumission l'ordre donné. Mais s'il voit que la charge qu'on lui impose surpasse la mesure de ses forces. il attendra patiemment le moment favorable de soumettre au supérieur les motifs pour lesquels il ne peut exécuter ses volontés, sans opposer d'ailleurs ni orgueil. ni résistance, ni contestation. Si toutefois, après avoir entendu ses raisons. Je supérieur persiste dans son propre sentiment et maintient l'ordre donné. l'inférieur doit croire que cette épreuve est pour son bien, et, puisant dans la charité la confiance que Dieu lui viendra en aide, qu'il prenne le parti d'obéir.

 

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CHAPITRE LXIX

QUE LES MOINES N'ENTREPRENNENT POINT DE SE PROTEGER L'UN L'AUTRE

 

Il faut prendre grand soin que nul dans le monastère et sous aucun prétexte n'ait l'audace d'en défendre un autre ou de l'entourer d'une sorte de tutelle, quand bien même ils seraient unis par les liens de la plus étroite parenté. En aucune manière les moines n'auront semblable hardiesse, car cela dégénérerait bien vite en graves scandales. Et si quelqu'un transgresse cette défense, qu'il soit châtié très sévèrement. 

 

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CHAPITRE LXX

QUE NUL N'AIT L'OUTRECUIDANCE DE CORRIGER A TOUT PROPOS

 

Il est interdit dans le monastère de s'attribuer prétendument un droit d'intervention. Aussi déclarons-nous que nul n'est autorisé à excommunier ou à châtier qui que ce soit, sans en avoir reçu pouvoir de l'abbé. S'il faut reprendre ceux qui commettent une faute, cela doit se faire en public, et de manière que tout le monde en retire la leçon. Il est vrai que pour les enfants jusqu'à l'âge de quinze ans, tous leurs aînés apporteront leurs soins et leur vigilance à les maintenir dans la discipline; encore la sanction doit-elle être appliquée avec beaucoup de mesure et de sagesse.

Au reste, quiconque aurait la témérité de sévir contre les adultes sans l'ordre de l'abbé, quiconque également se fâcherait sur les enfants d'une manière déraisonnable, on le soumettrait à la discipline régulière pour lui rappeler qu'il est écrit: "Ce que tu ne veux pas qu'on te fasse, tu ne dois pas te le permettre au détriment d'autrui."

 

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CHAPITRE: LXXI

 COMMENT LES FRÈRES S'OBÉISSENT MUTUELLEMENT

 

L'obéissance est un si grand bien qu'il ne suffit pas d'en rendre les devoirs à l'abbé il faut encore que les frères s'obéissent les uns aux autres, persuadés que telle est la voie les mènera jusqu'à Dieu. Sans parler donc des ordres de l'abbé ou des officiers préposés par lui, - car nous ne pourrions admettre qu'on fasse passer avant l'autorité de ceux-ci aucune ordonnance particulière, - tous se prêteront de grand cœur et en parfaite charité aux volontés de leurs anciens. Et s'il se rencontrait un frère porté à l'obstination, il faudrait l'en punir.

Lorsqu'un frère est repris de quelque manière pour une raison quelconque, fût-elle minime, par l'abbé ou par un des anciens, ou encore s'il s'aperçoit de quelque irritation ou d'une certaine émotion, même modérée, dans les dispositions d'un religieux plus ancien que lui, aussitôt, sans hésiter, il se prosternera à ses pieds pour faire satisfaction, et il restera ainsi jusqu'à ce que le supérieur, en le bénissant, lui montre que son émoi s'est apaisé. Celui qui mépriserait ce point de la Règle, subira un châtiment corporel, ou même, s'il persiste dans son opiniâtreté, se verra expulser du monastère.

 

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CHAPITRE LXXII

 DU BON ZELE QUI DOIT ANIMER LES MOINES

 

Il est un zèle amer, un faux zèle qui sépare de Dieu et conduit à l'enfer: il est, par contre, un saint zèle qui ne sépare que des vices et qui mène à Dieu ainsi qu'à la vie éternelle. Ce bon zèle, les moines doivent s'y exercer avec la plus ardente charité; ce qui revient à dire:

qu'ils s'honorent mutuellement de respectueuses prévenances; qu'ils supportent avec une inaltérable patience les infirmités physiques ou morales de leur prochain; qu'ils se rendent à l'envi une exacte obéissance; que nul ne recherche son propre avantage, mais plutôt ce qu'il juge profitable à autrui; qu'ils échangent entre eux d'honnêtes marques de charité fraternelle; que leur crainte de Dieu soit inspirée par l'amour; qu'ils portent à leur abbé une affection humble et sincère; qu'ils ne préfèrent absolument rien au Christ, lequel daigne nous conduire tous tant que nous sommes à la vie éternelle!

 

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CHAPITRE LXXIII

LA PRATIQUE DE LA VIE SAINTE N'EST PAS TOTALEMENT COMPRISE EN CETTE REGLE.

 

En composant la présente Règle, nous avons voulu faire connaître une observance monastique propre à nous garantir une certaine dignité de mœurs et à servir de point de départ pour la sanctification. Quant à presser la marche vers l'achèvement de la vie surnaturelle, chacun saura tirer de la doctrine des Pères les préceptes capables de le mener jusqu'au sommet de la perfection. Est-il, en effet, dans l'Ancien comme dans le Nouveau Testament, une seule page, une seule parole inspirée de Dieu qui n'enseigne les normes les plus exactes de la conduite à tenir ici-bas? Est-il un livre des saints Docteurs, nos pères dans la foi catholique, qui ne nous fasse entendre la manière de nous élever, par une voie droite et rapide, jusqu'à notre Créateur? Et les Conférences des Pères, et leurs Institutions et leurs Vies, sans parler de la Règle de notre Père Saint Basile, qu'y trouve-t-on, si ce n'est tout l'outillage des vertus proposées aux moines pour mener une vie sainte dans l'obéissance? Ah! quand on songe à quel point nous restons lâches, remplis de défauts et de négligences, il y a de quoi en rougir de confusion ! Pour toi, mon frère, qui te hâtes vers la patrie céleste, accomplis d'abord, avec l'aide du Christ, cette Règle que nous te présentons comme une initiation très modeste: un jour viendra où, sous la protection de Dieu, tu monteras plus haut et pourras atteindre les sommets de doctrine et de vertu que nous venons de mentionner.

 

 

Ci-finit la Règle.

Devant celui qui la met en pratique s'ouvriront les portes du Royaume éternel.

 © Abbaye saint Benoît de Port-Valais, rte de l’Eglise 38, 1897 Le Bouveret (VS), Suisse

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