PSAUME CXXVI
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DISCOURS SUR LE PSAUME CXXVI.

SERMON AU PEUPLE.

LA CITÉ DE DIEU.

 

Ce psaume convient à ceux qui marchent dans la vertu par la charité. Il est attribué par le titre à Salomon, qui fut Prophète et tomba néanmoins dans l’idolâtrie, parce que Salomon, qui signifie pacifique et qui bâtit un temple au Seigneur, est la figure du Christ qui est notre paix. et qui a réuni en lui-même, pierre angulaire, les deux murailles venant, l’une de la circoncision, l’autre de la gentilité; il forme ainsi la cité de Dieu ou l’Eglise, que nul autre que Dieu ne saurait bâtir ; qui a des gardiens dans les évêques, et qui est surtout gardée par Dieu, gardien d’Israël. Si nous voulons qu’il nous garde, comptons sur lui et non sur nous-mêmes, ce serait nous lever avant la lumière. Or, comme le disciple est moindre que le Maître, et que le Maître s’est assis ou abaissé, nous ne pouvons nous élever avec lui qu’après nous être assis dans la douleur, l’humilité par la mort, comme le Sauveur. Il dormit sur la croix, et de son côté entr’ouvert fut tirée l’Eglise, comme Eve du côté d’Adam. Nous ressusciterons tous, mais ceux-là ressusciteront avec lui qui sont ses amis, qui sont enfantés par l’Eglise au nombre des saints ; car il y a deux peuples dans l’Eglise, comme il y avait dans le sein de Rébecca deux jumeaux, dont l’un seulement était aimé de Dieu. Les fils de ceux qu’on a secoués sont ou les fils des Apôtres qui ont secoué leurs pareils, ou les Apôtres eux-mêmes issus des Prophètes que l’on a secoués pour en montrer les enseignements. Ils sont allés comme des flèches lancées par le Seigneur. L’homme qui les aime parlera sur la porte qui est Jésus-Christ, dont il cherche la gloire.

 

1. Parmi tous les psaumes qui ont pour titre : Cantique des degrés, celui-ci porte en plus : « de Salomon ». Il est en effet intitulé « Cantique des degrés de Salomon ». Ce titre, moins commun que les autres doit nous exciter à chercher pourquoi l’on ajoute « de Salomon ». Il n’est point nécessaire de répéter ce que signifie « cantique des degrés », nous l’avons dit plusieurs fois. C’est un homme qui monte, et dont la voix sur les ailes de la piété et de l’amour, s’élève à cette Jérusalem d’en haut, vers laquelle nous soupirons dans notre exil, et où nous retrouverons la joie quand, après cet exil, nous y serons retournés. C’est là que s’élève quiconque fait des progrès dans la vertu, de là que descendent ceux qui s’attiédissent. Renonce donc à y monter, à en descendre avec tes pieds; aimer Dieu, c’est monter; aimer le monde, c’est descendre. Ce sont donc là les chants de ceux qu’embrase l’amour, qu’embrasent les saints désirs. Ils brûlent d’amour ceux qui les chantent du coeur, et l’on retrouve cette flamme du coeur dans leurs moeurs, dans la sainteté de leur vie, dans leurs oeuvres conformes aux préceptes du Seigneur, dans le mépris des biens temporels, dans l’amour des biens éternels. Mais pourquoi ajouter « de Salomon? » c’est ce que je dois dire à votre charité, autant que le Seigneur m’en donnera la grâce.

2. Salomon était, selon le temps, fils de David : c’était un grand roi, et le Saint-Esprit se servit de lui pour donner de saints préceptes, de salutaires conseils, et beaucoup de ces figures mystérieuses, que renferment les saintes Ecritures. Car, ce même Salomon eut pour les femmes une passion déréglée, et fut réprouvé de Dieu; et il fut tellement victime de cette passion, que ces femmes l’amenèrent à sacrifier aux idoles, comme nous l’atteste l’Ecriture 1. Mais si sa chute effaçait tout ce qui a été dit par lui, on croirait que c’est lui qui l’a dit, et non point que Dieu l’a dicté par sa bouche. C’est donc par une sage inspiration de la divine miséricorde et de l’Esprit-Saint, que l’on attribue à Dieu tout ce qui a été dit de bien par Salomon, et à l’homme, le péché de l’homme. Pourquoi s’étonner que Salomon soit tombé au sein du peuple de Dieu? Adam n’est-il point tombé dans le paradis? L’ange qui s’est fait diable n’est-il point tombé du ciel? Ces exemples nous apprennent à ne mettre en aucun homme notre espérance, puisque ce même Salomon avait bâti au Seigneur un temple 2, qui nous montrait par avance, comme dans

 

1. III Rois, XI, 1.— 2. Id. VI, 1.

 

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un type, la figure de l’Eglise et le corps de Jésus-Christ. De là cette parole de l’Evangile : « Détruisez ce temple de Dieu, et je le rebâtirai en trois jours 1». Comme donc Salomon avait bâti un temple, voilà que se bâtit à lui-même un temple ce même Jésus-Christ, véritable Salomon, véritable roi de paix. Le nom de Salomon signifie en effet pacifique : or, celui-là est véritablement pacifique, dont l’Apôtre a dit : « C’est lui qui est notre paix, qui de deux peuples en a fait un ». Il est le véritable pacifique, celui qui a réuni en lui-même, comme en une pierre angulaire, les deux murailles venant de côté opposé, et le Peuple croyant qui venait de la circoncision, et le peuple croyant aussi qui venait des hommes incirconcis: c’est de ces deux peuples qu’il a fait une seule Eglise, dont il est la pierre angulaire 2, et dès lors le véritable pacifique. C’est lui qui est le vrai Salomon; et cet autre Salomon, fils de David et de Bethsabée 3, ce roi d’Israël, n’était que la figure du véritable pacifique, lorsqu’il bâtissait un temple au Seigneur. Et pour que ta pensée ne s’arrête point sur le Salomon qui éleva un temple, voilà que l’Ecriture te désigne un autre Salomon en commençant ainsi notre psaume : « Si le Seigneur ne bâtit lui-même une maison, c’est en vain que travaillent ceux qui la bâtissent ». C’est donc le Seigneur qui élève la maison, c’est Jésus-Christ Notre-Seigneur qui construit lui-même son temple. Beaucoup se fatiguent à bâtir, mais si le Seigneur ne construit, c’est en vain que travaillent ceux qui construisent. Quels sont ces travailleurs? Ceux qui prêchent dans l’Eglise la parole de Dieu, qui administrent les sacrements. Nous courons tous maintenant, nous travaillons tous, nous édifions tous : d’autres, avant nous, ont couru, ont travaillé, ont édifié ; mais, « si le Seigneur n’élève une maison, c’est en vain que travaillent ceux qui la construisent ». C’est pourquoi, à la vue des fidèles qui tombent, les Apôtres leur disent et surtout saint Paul e Vous observez les jours et les années, les mois et les temps ; je crains fort que je « n’aie travaillé en vain parmi vous 4». Comme il savait par expérience que c’est le Seigneur qui édifie à l’intérieur, il pleurait ces fidèles parce qu’il avait en vain travaillé

 

1. Jean, II, 19. — 2. Ephés. II, 14 - 22. — 3. II Rois, XII, 21. — 4. Gal. IV, 10, 11.

 

parmi eux. C’est donc nous qui parlons au dehors, c’est Dieu qui édifie au dedans. Nous voyons comme vous écoutez, mais Dieu qui seul voit les coeurs, connaît vos pensées. C’est lui qui édifie, lui qui avertit, lui qui effraie lui qui ouvre l’intelligence, lui qui applique notre esprit aux vérités de la foi ; et toutefois nous travaillons comme ouvriers; mais « si le Seigneurs, ne construit une maison, c’est en vain que travaillent ceux qui la bâtissent».

3. Cette maison de Dieu est aussi sa cité, car la maison de Dieu, c’est le peuple de Dieu ; la maison de Dieu, c’est le temple de Dieu, Et que dit l’Apôtre? « Le temple de Dieu est saint, et vous êtes ce temple 1 ». Tous les fidèles composent donc cette maison de Dieu, et non-seulement ceux qui sont aujourd’hui, mais ceux qui ont existé avant nous et qui sont morts, ceux qui viendront après nous, et qui doivent naître parmi les hommes jusqu’à la fin du monde: tous ces fidèles qui forment une multitude innombrable, et que Dieu seul peut compter, selon cette parole de l’Apôtre : « Le Seigneur connaît ceux qui lui appartiennent 2 » ; tous ces grains qui gémissent parmi la paille, et qui ne formeront qu’une seule masse, quand l’aire sera vannée 3; tous ces fidèles sanctifiés qui doivent échanger leur humanité pour devenir les égaux des anges, avec ces anges eux-mêmes, qui ne sont point exilés maintenant, mais qui attendent que nous revenions de notre exil, tous ensemble composent une seule maison de Dieu, une seule cité qui est Jérusalem. Elle a des gardiens: de même qu’elle a des hommes qui la bâtissent, qui s’efforcent de la construire, elle en a pour la garder. C’est en veillant sur elle que l’Apôtre a dit : « Je crains que, comme Eve fut séduite par les artifices du serpent, vos esprits de même ne se corrompent et ne dégénèrent de la chasteté qui est dans le Christ  4». Voilà un gardien qui veillait ; il veillait de tout son pouvoir sur ceux qui lui étaient confiés. Voilà ce que font les évêques, et c’est pour cela qu’ils occupent un lieu plus élevé, afin qu’ils aient l’intendance et comme la garde de leur peuple. Car ce que l’on appelle évêque, en grec, se traduit en latin par sentinelle, parce qu’il veille d’en haut. Il voit d’un

 

1. I Cor. III, 17. —  2.  II Tim. II, 19. — 3. Matth. III, 12. — 4. II Cor. XI, 3.

 

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lieu élevé. De même que le vigneron se bâtit un lieu élevé pour garder sa vigne, ainsi en est-il des évêques. Ils ont un lieu plus élevé, et c’est de cette élévation que nous aurons àrendre un compte sévère, si nous n’y sommes dans la disposition de nous abaisser à vos pieds par l’humilité, et de prier pour vous, afin que Dieu qui connaît vos esprits veuille bien vous garder lui-même. Car nous pouvons bien vous voir entrer et vous voir sortir, mais voir vos pensées nous est si peu possible que nous ne pouvons pas même voir ce que vous faites en vos maisons. Comment dônc sommes-nous vos gardiens? Autant que le peuvent être des hommes, autant que Dieu nous en a rendus capables. Mais parce que l’humaine faiblesse nous empêche de vous garder complètement, serez-vous donc sans gardiens? Loin de là ; car où est Celui dont il est dit : « Si le Seigneur ne garde la cité, inutilement veille celui qui la garde? » Nous nous fatiguons à veiller, et notre travail est vain, si celui qui voit vos pensées ne vous gerde lui-même. C’est lui qui vous garde pendant votre veille, lui qui vous garde encore pendant votre sommeil; lui qui dormit une fois sur la croix, et qui est ressuscité pour ne plus dormir. Soyez donc Israël ; puisqu’il ne dort point, qu’il ne sommeille point, celui qui garde Israël 1, Allons, mes frères! soyons Israël si nous voulons être gardés à l’ombre des ailes de Dieu. Nous vous gardons par le devoir de notre charge, mais nous voulons être gardés avec vous. Nous sommes pasteurs à votre égard, mais brebis avec vous sous le Pasteur suprême. De ce lieu élevé, nous sommes des maîtres à votre égard, mais des disciples avec vous à l’école de ce Maître unique et suprême.

4. Si nous voulons être sous la protection de celui qui s’est humilié pour nous, et qui a été élevé afin de veiller sur nous, soyons humbles à notre tour. Que nul n’ait de présomption, car nul n’a rien de bon qu’il ne l’ait reçu de celui qui seul est bon. Quiconque s’attribue à soi-même la sagesse, est un insensé. Qu’il s’humilie, afin que la sagesse vienne en lui et l’éclaire. Mais s’il se croit sage avant que la sagesse vienne en lui, il se lève avant la lumière et marche dans les ténèbres. Or, que lui dit-on dans notre psaume? « En vain vous vous levez avant l’aurore 2 ».

 

1. Ps. CXX, 4. — 2. Id. CXXV, 2.

 

Qu’est-ce à dire : « C’est chose vaine pour vous que vous lever avant l’aurore? » Vous lever avant que la lumière soit levée, c’est vous mettre dans la nécessité de demeurer dans la vanité, puisque vous serez dans les ténèbres. Voilà que s’est levé le Christ notre lumière et il vous est bon de vous lever avec le Christ, mais non avant le Christ. Quand se lève-t-on avant le Christ, sinon quand on veut se préférer au Christ? Et qui veut se préférer au Christ, sinon l’homme qui veut s’élever quand le Christ s’est humilié ? Qu’ils s’humilient donc maintenant, s’ils veulent s’élever où le Christ s’est élevé ? Car c’est ainsi qu’il parle à propos de ceux qui se sont attachés à lui par la foi, et dès lors à propos de nous, si nous croyons en lui avec un coeur pur : « Mon Père, je veux que ceux que vous m’avez donnés, soient avec moi où je suis moi-même 1 ». O don prodigieux ! grâce admirable ! inestimable promesse, mes frères ! Qui donc ne voudrait être avec le Christ, où est le Christ? Mais il est dans la gloire, et veux-tu donc être dans la gloire avec lui? Sois humble où il fut humble lui-même. C’est pour cela que la Lumière dit à ses disciples : « Le disciple n’est pas au-dessus du maître, ni le serviteur au-dessus de son seigneur 2». Ceux de ses disciples qui voulaient être plus que le maître des serviteurs, qui voulaient être plus que le seigneur, voulaient alors se lever avant la lumière. C’est pour eux que notre psaume a dit : « En vain vous lèverez-vous avant la lumière ». Tels étaient les fils de Zébédée qui, avant de s’humilier comme le Seigneur dans sa passion, choisissaient des places pour s’asseoir l’un à droite, l’autre à gauche. Ils voulaient s’élever avant la lumière, aussi marchaient-ils en vain. Le Seigneur, en les entendant, les rappela dans la voie de l’humilité, et leur dit : « Pouvez-vous boire le calice que je boirai 3? » Je suis venu pour m’humilier, voulez-vous être élevés avant moi? Suivez-moi par où je marche le premier. Car, si vous voulez marcher par une autre voie que la mienne, « c’est en vain que vous vous levez avant la lumière ». Pierre aussi se levait avant la lumière quand il voulait dissuader le Sauveur de souffrir pour nous. Il avait parlé de sa passion qui devait nous sauver, de son humiliation ; car c’est dans son humilité qu’il souffrit ; lorsqu’il

 

1. Jean, XVII, 24. —  2. Matth. X, 24. —  3. Id. XX, 21, 22.

 

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annonça ce qui allait arriver dans sa passion, Pierre tout effrayé, lui qui venait de l’appeler Fils de Dieu, craignit qu’il ne mourût et lui dit: « A Dieu ne plaise, Seigneur, il ne vous arrivera rien de semblable 1». Il voulait se lever avant la lumière, et donner des conseils à la lumière. Mais que fit le Seigneur ? Il le  contraignit à ne se lever qu’après la lumière : « Retire-toi ; arrière, Satan 2». Tu es Satan, parce que tu veux marcher devant moi; « retourne; arrière», c’est à moi de marcher le premier, et à toi de suivre. A toi d’aller où je vais, et non pas à toi de me faire aller où tu voudrais.

5. C’est donc à ceux qui voulaient se lever avant la lumière que notre psaume dit: « Inutile de vous lever avant la lumière ». Quand nous lèverons-nous? Quand vous aurez été humiliés. « Levez-vous après avoir été assis ». Se lever marque l’élévation, s’asseoir l’abaissement. Quelquefois s’asseoir signifie prendre une place d’honneur pour juger, et quelquefois s’humilier. Comment désigne-t-il une place d’honneur pour juger? « Vous serez assis sur douze trônes », dit le Sauveur, « pour juger les douze tribus d’Israël 3 ». Comment s’asseoir est-il un signe d’humilité? « A la sixième heure le Seigneur s’assit sur le puits 4». La fatigue chez le Seigneur était une faiblesse, la faiblesse de la force, la faiblesse de la sagesse; mais la faiblesse est l’humilité. Donc s’asseoir par faiblesse est pour lui un signe d’humilité. C’est parce qu’il s’est assis qu’il a été humble et qu’il nous a sauvés. Car « ce qui est faible en Dieu est plus fort que les hommes 5 ». De là cette parole d’un psaume: « Seigneur, vous savez quand je me suis assis et me suis relevé 6» C’est-à-dire, vous connaissez mon abaissement et mon exaltation. Pourquoi donc, ô fils de Zébédée, vouloir vous lever avant la lumière? Parlons ainsi et appelons-les par leur nom, ils ne s’en offenseront point. Car cette particularité de leur vie a été marquée, afin que les autres évitassent l’orgueil qui les gagnait quelque peu. Pourquoi donc vouloir vous lever avant la lumière? « C’est chose vaine pour vous ». Vous voulez être élevés avant d’avoir été humiliés? Mais votre Seigneur lui-même, qui est votre lumière, ne s’est élevé à la gloire que par les abaissements,

 

1. Matth. XV, 22.— 2. Id. XV, 23.—  3. Id. XIX, 28.— 4. Jean, IV ,6.— 5.  I Cor. I, 25.— 6. Ps. CXXXVIII, 2.

 

Ecoutez saint Paul qui nous dit : « Etant dans la nature de Dieu, il n’a pas cru qu’il y avait usurpation à se dire égal à Dieu ».

Pourquoi n’y avait-il point usurpation pour lui? Parce qu’il l’était par nature, et que sa naissance le faisait égal à celui qui l’engendrait. Mais qu’a-t-il fait? « Il s’est anéanti lui-même à cause de nous, prenant la forme de l’esclave, se rendant semblable aux hommes, et reconnu homme par tout ce qui a paru de lui». Il s’est donc humilié en se rendant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix. Voilà comme il s’est assis. Ecoute comme il s’élève : « C’est pourquoi Dieu l’a élevé, et lui a donné un nom au-dessus de tout nom ». Déjà vous vous hâtez d’accourir à ce nom glorieux. « Levez-vous » donc, mais

« quand vous vous serez assis ». Vous voulez vous lever, commencez par vous asseoir; et c’est en vous relevant de votre humiliation que vous arriverez au royaume. Ravir tout d’abord le royaume, c’est tomber avant le lever. « Pouvez vous boire le calice que je boirai moi-même », dit le Sauveur? « Nous le pouvons », répondent les disciples. Et le Sauveur : «Vous boirez à la vérité mon calice, mais une place à ma droite ou à ma gauche, il n’est pas en mon pouvoir de vous la donner, elle appartient à ceux à qui mon Père l’a préparée 2 ». Qu’est-ce à dire: « Il n’est pas en mon pouvoir de vous la donner ? » Il ne m’appartient pas de la donner à des orgueilleux; car voilà ce qu’ils étaient encore. Mais si vous voulez recevoir, ne soyez plus ce que vous êtes. « Elle est préparée pour d’autres »; soyez autres, et elle sera préparée pour vous. Comment: Soyez

autres ? Commencez par vous humilier, vous qui voulez être élevés. Ils comprirent que l’humilité leur serait avantageuse, et ils se corrigèrent. Ecoutons donc à notre tour ce que nous dit le psaume : « Levez-vous après vous être assis ».

6. Pour nous empêcher de croire que « s’asseoir » est pris ici dans un sens d’honneur, et nous persuader que cette expression n’a ici d’autre signification que l’abaissement; pour nous convaincre que ce n’est péint là une injonction de s’asseoir pour juger, ou pour être à table et se réjouir, ce qui fournirait une occasion d’orgueil, le Prophète nous montre qu’il s’agit d’humilité, quand il dit:

 

1. Philipp. II, 8-9. — 2. Matth. XX, 22, 23.

 

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 « Vous qui mangez un pain de douleur». Mais ceux-là mangent un pain de douleur, qui gémissent dans cet exil, qui sont dans la vallée des pleurs. Or, Dieu a fait des ascensions dans notre coeur. Où a-t-il disposé ses ascensions? « Dans notre cœur1 », dit le Psalmiste? Qui les a disposées? Dieu. C’est pourquoi ceux-là chantent les cantiques des degrés, qui ont des ascensions dans le coeur. Humilions-nous en cette vie et montons. Comment monter? Par le coeur. C’est le coeur qui monte, qui s’élève de la vallée des larmes. Oui, de la vallée des larmes, est-il dit. De même que les montagnes s’élèvent, les vallées s’abaissent; car ou appelle vallées les lieux bas de la terre, les collines sont des lieux plus élevés, moins toutefois que les montagnes, car on appelle ainsi les points les plus élevés de la terre. C’est peu encore ; le Prophète ne dit point: Elevez-vous d’une colline; ni : Elevez-vous d’une campagne; mais bien, du fond d’une vallée, pour exprimer quelque chose de plus bas encore qu’une campagne, Si donc c’est dans la vallée des larmes que tu manges un pain de douleur en disant : « Mes larmes sont pour moi un pain le jour et la nuit, pendant qu’on me dit tous les jours : Où est ton Dieu 2? » tu as raison de te lever, puisque tu as été assis.

7. Et comme si nous demandions : Quand nous lèverons nous? on nous commande maintenant de nous asseoir; car la résurrection sera pour nous comme elle a été pour le Seigneur. Quand vint celle du Seigneur? Regarde bien celui qui t’a précédé. Car si tu n’as les yeux sur lui ,c’est en vainque tu te lèves avant la lumière. Quand donc a-t-il été élevé? Après sa mort. De même donc, n’espère ton élévation qu’après ta mort, ne mets ton espérance qu’après la résurrection des morts, puisque le Christ est ressuscité et monté au ciel. Mais où donc a-t-il dormi? Sur la croix. Quand il dormait sur la croix, il était une figure, ou plutôt il accomplissait ce qui avait été figuré en Adam. Car ce fut quand Adam dormait que Dieu lui tira une côte dont il fit Eve 3 de même, pendant que le Seigneur dormait sur la croix, une lance lui ouvrit le côté 4, et il en découla les sacrements dont l‘Eglise est formée, Car l’Eglise est pour le Seigneur une épouse tirée de son côté, comme Eve fut tirée du côté d’Adam. Mais de même que la première ne

 

1. Ps. LXXXIII, 6,7.— 2. Id. XLI, 4. — 3. Gen. II, 21,22.— 4. Jean, XIX, 31.

 

fut tirée d’Adam que pendant son sommeil, la seconde ne fut tirée du flanc du Christ qu’après sa mort. Si donc il ne peut ressusciter sans avoir passé par la mort, voudrais-tu donc être élevé en gloire sinon après cette vie? Que ce psaume donc te donne une leçon, et comme si tu demandais: Quand ressusciterai-je? Sera ce avant de m’être assis? « Ce sera», nous dit-il, «quand il aura envoyé le sommeil à ses bien-aimés ». Dieu nous fera donc cette faveur quand ses bien-aimés, ou ceux du Christ, ressusciteront. Tous se lèveront en effet, mais tous ne se lèveront pas comme ses bien-aimés. Tous doivent ressusciter; maisque vous dit l’Apôtre? « Nous ressusciterons tous à la vérité, mais nous ne serons pas tous changés 1 ». Les uns ressuscitent pour le supplice , tandis que nous ressuscitons comme Notre-Seigneur est ressuscité, afin de suivre notre chef si nous sommes véritablement ses membres. Mais si nous sommes ses membres,nous sommes alors ses bien aimés, et alors nous aurons part à cette résurrection qui a d’abord paru dans le Fils de Dieu. La lumière s’est levée avant nous, et nous nous lèverons après elle ; car c’est vainement que nous nous lèverions avant le jour, que nous chercherions la grandeur avant la mort. puisque le Christ, notre lumière, n’a été qu’après sa mort glorifié dans sa chair. Etant donc devenus ses membres, et parmi ses membres, ceux qu’il aime, quand nous aurons pris notre sommeil, alors nous nous lèverons par la résurrection des morts. Lui seul est ressuscité pour ne plus mourir. Lazare ressuscita 2, mais pour mourir de nouveau ; la fille du chef de la synagogue ressuscita 3, mais pour mourir ; le fils de la veuve ressuscita 4, mais pour mourir ; le Christ est ressuscité pour ne plus mourir. Ecoute l’Apôtre : « Jésus-Christ ressuscitant d’entre les morts ne meurt plus, la mort n’a plus d’empire sur lui 5». Espère une semblable résurrection, et sois chrétien dans ce seul but, mais non pour le bonheur de cette vie. Car si tu es chrétien seulement pour le bonheur de cette vie, tandis que delui qui est ta lumière n’a point cherché ce bonheur, tu prétends te lever avant la lumière, et tu demeureras nécessairement dans les ténèbres. Change donc tes pensées, suis ta lumière; lève-toi, parce qu’elle s’est levée;

 

1. I Cor. XV, 51.— 2. Jean, XI, 41 . — 3. Matth. IX, 25.  — 4. Luc, VII, 15. — 5. Rom. VI, 19.

 

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mais assieds-toi d’abord, tu te lèveras ensuite, « quand le Seigneur aura donné le sommeil à ses bien-aimés ».

8. Comme si tu demandais à quel bien-aimé? « voilà », dit le Prophète, « que des enfants sont l’héritage du Seigneur, le fruit des entrailles aura sa récompense 1 ». Quand il dit « Le fruit des entrailles », il entend des fils enfantés avec douleur. Il est une femme en qui s’accomplit spirituellement ce qui est dit à Eve : « Tu enfanteras dans les gémissements 2 ». L’Eglise, qui est l’épouse du Christ, lui donne des enfants, et pour elle, enfanter, c’est enfanter dans la douleur. C’est pour cela que Eve a reçu le nom figuratif de « mère des vivants 3», Il était parmi les membres de celle qui enfante, celui qui disait « Mes petits enfants, que je mets au monde une seconde fois, jusqu’à ce que le Christ soit formé en vous 4 ». Mais ce n’est point en vain qu’elle enfante et qu’elle souffre, elle verra la lignée des saints à la résurrection, elle verra les justes répandus aujourd’hui dans l’univers entier. Elle les forme par ces gémissements, les enfante par ses douleurs; mais à la résurrection des morts on verra ces enfantements de l’Eglise, et il n’y aura plus ni douleurs ni gémissements. Et que dira-t-on alors? « Des enfants, tel est l’héritage du Seigneur, et la récompense sera pour le fruit des entrailles ». C’est le fruit qui aura la récompense, et non pas qui sera la récompense 5. Quelle est cette récompense? De ressusciter d’entre les morts. Quelle est cette récompense? De se lever après s’être assis. Quelle est cette récompense ? De goûter la joie après avoir mangé le pain de la douleur. Le fruit de quelles entrailles? De l’Eglise; c’est dans ces entrailles de l’Eglise que l’on voit ce qui arriva jadis en figure à Rébecca, deux jumeaux ou deux peuples en lutte 6. Le sein d’une seule mère renfermait deux frères qui se faisaient la guerre avant de naître : ils agitaient par leurs discordes imitestines les entrailles maternelles ; et leur mère gémissait et souffrait violence; mais en les mettant au monde, elle fit un discernement entre les jumeaux qu’elle avait portés. Ainsi, mes frères, en est-il aujourd’hui de l’Eglise qui est dans les gémissements pendant qu’elle enfante; elle porte dans son sein les bons et

 

1. Ps. CXXVI, 3.— 2. Gen. III, 16.— 3. Id. 20. — 4. Gal. IV, 19.— 5. Grec, tou karpou . — 6. Gen, XXV, 22, 23.

 

les méchants. Le fruit des entrailles, pour Rébecca, fut Jacob qu’elle aima. « J’ai aimé Jacob », dit le Seigneur, « et haï Esaü 1»

Tous deux étaient sortis du même sein : l’un mérite d’être aimé, l’autre d’être rejeté. C’est ainsi que le fruit sera pour les bien-aimés; que la récompense sera pour le fruit des entrailles.

9. « Comme les flèches dans la main d’un homme puissant, ainsi seront les enfants de Dieu qu’on aura secoués 2 ». D’où est venu en effet, mes frères, ce grand héritage? D’où est venue cette postérité si nombreuse, dont le psaume vient de nous dire : « Des enfants, c’est un héritage qui vient du Seigneur; la récompense sera pour le fruit des entrailles? »

Comme on lance des flèches, le Seigneur a lancé quelques hommes de sa main puissante, et ils sont allés au loin, et ont rempli toute la terre, où germent les saints en grand nombre. Tel est en effet l’héritage dont il est dit : « Demande-moi, et je te donnerai les nations de la terre pour ton héritage, et les confins de la terre pour ton empire 3 ».

Comment cette possession peut-elle s’étendre et s’accroître jusqu’aux confins de la terre? C’est que, « comme sont les flèches dans la main d’un puissant, tels sont les fils de ceux qu’on a lancés ». On lance des flèches avec un arc; plus est grande la force qui lance, et plus la flèche va loin. Or, quelle force est plus grande que celle de Dieu, lequel lance les flèches? C’est de son arc qu’il lance les Apôtres et il n’est pas demeuré un coin de terre où n’ait pénétré la flèche lancée par un tel bras, elle est arrivée aux derniers confins du monde. Elle n’a pas été plus avant, parce que l’homme n’était point au delà. Telle est en effet la force de Dieu, que s’il y avait au-delà du monde quelque endroit où sa flèche pût pénétrer, il y jetterait une flèche. Or, les fils de ceux qu’il a lancés ressemblent à leurs pères. Quelques auteurs qui ont expliqué les psaumes avant nous, se sont demandé, à propos de cette expression : Pourquoi dire les fils de ceux qu’on a lancés, ou que doit-on entendre par ces fils de ceux qu’on a lancés ; et plusieurs ont vu dans les fils de ceux qu’on a lances les fils des Apôtres, comme je viens de le dire.

10. Que votre charité veuille bien m’écouter encore un peu. On a demandé comment

 

1. Malach. I, 2, 3; Rom. IX, 13.— 2. Ps. CXXVI, 4.—. 3. Id. II, 8.

 

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les Apôtres sont des hommes secoués , et quelques-uns répondent qu’ils sont ainsi appelés, parce que le Seigneur leur fit cette injonction : « Si vous sortez d’une ville qui ne vous aura point écoutés, secouez la poussière de vos pieds 1 ». Mais, dit un autre, on aurait dû les appeler fils de ceux qui secouent, et non fils de ceux qui sont secoués. Car en leur disant: Secouez la poussière de vos pieds, le Seigneur nous montre que les Apôtres secouaient plus qu’ils n’étaient secoués. Celui qui a traité ce passage et parlé de la sorte, a mis trop de subtilité à le mettre en contradiction avec le mot de l’Evangile. Pour nous, en examinant, autant que le Seigneur nous en a donné la force, comment l’on peut dire qu’ils sont secoués ces hommes à qui le Seigneur a dit: « Secouez la poussière de vos pieds » ; nous croyons qu’on peut le faire sans absurdité. Bien qu’ils secouassent leurs pieds, ils se secouaient eux-mêmes. Voyez en effet : celui qui secoue, se secoue lui-même, ou bien secoue autre chose; s’il secoue autre chose, il fait l’action de secouer sans être lui-même secoué; qu’un autre le secoue, il est secoué sans secouer; mais qu’il vienne à se secouer lui-même, il secoue, puisqu’il en fait l’action sur lui-même; il est secoué, puisque lui-même se secoue. Mais qui donc, dira-t-on, a été secoué par les Apôtres? Eux-mêmes; puisqu’ils ont secoué la poussière de leurs pieds. Mais ce n’est point eux-mêmes qu’ils ont secoués, c’est la poussière, dira-t-on. C’est là une supercherie, Secouer quelque chose se dit en effet de deux manières: ou de l’objet secoué, ou de ce que l’on en a fait sortir. On dit en effet, secouer la poussière, et secouer un manteau. Voilà un homme qui tient son manteau, qui le secoue, et il en sort une poussière qu’il contenait. Que diras-tu de cette poussière? qu’on l’a secouée. Que diras-tu du manteau? qu’on l’a secoué. Si donc l’on désigne par l’expression secoué, et ce que l’on fait sortir d’un manteau en le secouant, et ce manteau d’où on le fait sortir, alors la poussière a été secouée, et les Apôtres ont été secoués. Pourquoi donc les fils des Apôtres ne s’appelleraient ils pas les fils de ceux qu’on a secoués?

11. Mais il est un autre sens que je ne dois point passer sous silence. Dieu a permis des passages obscurs, afin qu’ils donnent lieu à

 

1. Matth. X, 14.

 

plusieurs explications, afin que les hommes en soient plus instruits, puisqu’ils trouvent expliqué en plusieurs manières un passage obscur, qui ne l’eût été que d’une seule, s’il eût été clair. Nous disons que l’on secoue une chose pour en faire sortir ce qui

pourrait y être caché. Il y a une différence entre secouer une robe, afin d’en faire sortir la poussière, et secouer un sac pour en faire sortir ce qu’il renferme. Autant que je le puis, j’entends donc par les fils de ceux qui ont été secoués, les Apôtres eux-mêmes, qui sont les fils des Prophètes. Car les Prophètes tenaient renfermés bien des mystères, et ils ont été secoués, afin que tout ce qui était caché dans leurs écrits fût mis au grand jour. Ainsi, par exemple, voilà un Prophète qui a dit : « Le boeuf connaît son maître, l’âne l’étable de son Seigneur, et Israël ne m’a point connu 1 ». Je cite cette parole du Prophète, parce qu’elle me vient maintenant à l’esprit; il m’en viendrait une autre, que je la citerais également. Qu’un homme, entendant cette parole, arrête sa pensée sur l’âne, sur le boeuf, sur les animaux qu’il a sous les yeux; le voilà qui touche au dehors une écorce renfermant quelque mystère, tuais il ne sait ce qu’elle contient. L’âne et le boeuf ont un sens caché. Que dit-on à celui qui se prononcerait d’une manière trop hâtive? Attends, il y a là quelque mystère, secoue l’enveloppe; le Prophète s’en est servi pour voiler sa pensée; et il veut parler de tout autre âne, de tout autre boeuf. En effet, l’âne est ici la figure du peuple de Dieu, de la monture du Seigneur, portant ce Dieu qui le guide, afin qu’il ne s’égare pas en chemin; et le boeuf est celui dont l’Apôtre a dit : « Tu ne lieras point la bouche au boeuf qui foule le grain ». Dieu se met-il en peine des boeufs 2? a dit le même Apôtre. C’est pour nous que l’Ecriture parle ainsi. Quiconque, en effet, prêche la parole de Dieu, avertit, effraie, stimule; c’est là fouler le grain, faire dans l’Eglise comme le boeuf dans l’aire. Le boeuf venait du peuple juif, d’où sont sortis les Apôtres qui ont prêché l’Evangile : l’âne, du peuple incirconcis, ou des Gentils. Car il est venu pour porter le Seigneur; et si le Seigneur a voulu s’asseoir sur un âne qui n’avait porté nul autre homme, c’est parce que ni la loi ni les Prophètes n’avaient été envoyés aux Gentils. Donc parce

 

1. Isa, I, 3. — 2. I Cor. IX, 9, 10.

 

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que Notre-Seigneur Jésus-Christ a voulu être pour nous une nourriture, et qu’à sa naissance il fut mis dans une crèche : « Le boeuf connaît son maître, et l’âne l’étable de son possesseur ». Mais comment trouver un tel sens, sinon en secouant l’enveloppe? Si l’on n’agitait avec soin ces prophéties, pourrait-on en découvrir les mystères? Le Seigneur est donc venu pour secouer ces énigmes, pour nous en montrer le sens; il a secoué les Prophètes qui ont engendré les Apôtres; et parce que les Apôtres sont issus des Prophètes qui étaient secoués, oit les appelle fils de ceux que l’on a secoués. Placés comme des flèches dans la main d’un homme puissant, ils sont arrivés jusqu’aux confins de la terre. De là cette Parole à la fin des temps : « Des enfants, voilà l’héritage du Seigneur, la récompense sera pour le fruit des entrailles». Et comme cet héritage est recueilli de tous les confins de la terre, comme les enfants de ceux que l’on a secoués ressemblent à des flèches dans la main d’un homme puissant, les fils des Prophètes, ou les Apôtres, ont été comme des flèches dans la main de Dieu. S’il est puissant, il secoue avec force; s’il secoue avec force, il envoie jusqu’aux confins de la terre ceux qu’il lui plaît de lancer.

12. « Bienheureux l’homme qui, par eux, remplit ses désirs 1 ». Quel est, mes frères, cet homme qui remplit ainsi ses désirs ? Celui qui n’alune point le monde. Quiconque est absorbé par l’amour du monde, ne trouve aucune place pour la parole de ces prédicateurs. Répands ce qui t’absorbe, et tu deviendras capable de recevoir ce qui te manque. C’est-à-dire, est-ce la richesse que tu convoites? Tu ne pourras, par eux, remplir tes désirs. Tu veux les honneurs sur la terre, tu veux même ce que Dieu a donné aux bestiaux, c’est-à-dire le plaisir qui passe, la santé du corps, et autres biens semblables; par eux tu ne combleras point tes désirs. Mais si tu as des désirs, comme ceux du cerf altéré qui brame après l’eau des fontaines 2; si tu dis, toi aussi: « Mon âme aspire après les parvis du Seigneur, elle languit de désir 3»; ton désir sera comblé, non que ces mêmes saints puissent dès aujourd’hui rassasier ta soif, mais en suivant leurs traces, tu arriveras à celui qui a comblé leurs désirs.

13. « Il ne sera point confondu quand il

 

1. Ps. CXXVI, 5. — 2. Id. LI, 2. — 3. Id. LXXXIII, 3.

 

parlera à ses ennemis à la porte 1 ». Mes frères, parlons à la porte, c’est-à-dire, que tous comprennent nos paroles. Quiconque ne veut point parler à la porte, veut cacher sa parole, et souvent la veut cacher parce qu’elle est mauvaise. S’il a confiance dans ce qu’il dit, qu’il le dise à la porte; ainsi qu’il est écrit de la Sagesse : « Elle parle hardiment aux portes de la cité 2». Tant que des hommes innocents conservent la justice, ils ne craignent point de parler; c’est là parler à la porte, publiquement. Or, qui est-ce qui prêche à la porte? Celui qui prêche en Jésus-Christ, puisque le Christ est la porte par laquelle nous entrons dans la cité. Qu’on m’accuse de mensonge, s’il n’a pas dit : « Je suis l’entrée 3 ». Si donc il est l’entrée, il est la porte. Car l’entrée se dit d’une maison, et l’entrée d’une cité en est la porte, comme l’entrée d’une maison en est la porte. A moins peut-être que le mot porte ne soit impropre, et que l’on ne puisse pas appeler ville ce qui est appelé aussi une maison. Mais nous avons employé ces deux termes tout à l’heure : « Si le Seigneur ne construit une maison, c’est en vain que travaillent ceux qui la construisent » ; et pour que tu ne regardes pas cette maison comme peu importante, le Prophète ajoute: « Si le Seigneur ne garde une cité, c’est en vain que veilleront ses gardiens ». Donc la maison est encore la cité. Comme maison elle a donc une entrée; et une porte comme cité. Celui-là dès lors est la porte de la cité, qui est l’entrée de la maison. Donc, si le Christ est la porte de la cité, celui qui demeure ferme en Jésus-Christ, et qui ensuite parle aux hommes, n’a point à rougir; quant à l’homme qui parle contre le Christ, la porte lui est fermée. Quels sont les hommes qui prêchent contre le Christ? Ceux qui nient que le Tout-Puissant ait lancé ses flèches, et qu’elles soient arrivées jusqu’aux confins de la terre; et que l’héritage du Seigneur soit celui dont il est dit : « Demande-moi et je te donnerai les nations pour héritage, et les confins de la terre pour ta possession 4 ». Voilà ce qui a été prêché, entendu avant l’événement, et quand il est accompli on ne veut point le reconnaître. Ceux qui disputent contre le Christ sont hors de la porte, parce qu’ils recherchent les honneurs pour eux, non pour le Christ. Mais l’homme qui prêche à la porte

 

1. Ps. CXXVI, 5. — 2. Prov. VIII, 3. — 3. Jean, X, 9. —  4. Ps. II,  8.

 

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cherche la gloire du Christ, et non sa propre gloire ; aussi celui qui prêche à la porte dit-il : Gardez-vous de compter sur moi, car ce n’est point par moi, mais par la porte qu’il vous faut entrer. Quant à ceux qui veulent s’attirer la confiance des hommes, ils ne veulent point entrer par la porte, et rien d’étonnant dès lors que cette porte leur soit fermée, et qu’ils frappent en vain pour se la faire ouvrir. Renouvelez donc votre ferveur, mes frères, pour entendre demain le discours que je vous ai promis avec le secours de Dieu au sujet de l’Evangile qui parle de la colombe. Celui au nom duquel je vous l’ai promis, m’assistera de sa grâce, afin que je puisse m’acquitter. Mais. pour que je dégage ma parole d’une manière utile, et que je n’aie pas été téméraire, priez pour moi.

 

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