PÉTILIEN III
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PÉTILIEN III

LIVRE TROISIÈME.

LA RÉPONSE DE PÉTILIEN.

Traduction de M. l'abbé BURLERAUX.

 

Saint Augustin y réfute une seconde lettre de Pétilien, écrite par ce dernier en réponse aux livres précédents. L'évêque d'Hippone prouve que son adversaire s'écarte du sujet débattu parce que toute réponse lui est impossible.

 

CHAPITRE PREMIER. BUT DE CE LIVRE.

CHAPITRE II. QUE PERSONNE N'ESPÈRE OU SE GLORIFIE DANS L'HOMME.

CHAPITRE III. LES DONATISTES JUGÉS PAR LE FAIT MÊME DE LEUR SCHISME.

CHAPITRE IV. ON DOIT RÉPRIMER LE MAL SANS ROMPRE L'UNITÉ.

CHAPITRE V. ON NE DOIT SUIVRE PERSONNE CONTRE L'UNITÉ DE JÉSUS-CHRIST.

CHAPITRE VI. LES INJURES NE SAURAIENT TROUBLER LA PAIX D'UN CHRÉTIEN.

CHAPITRE VII. BONHEUR DE SOUFFRIR POUR LA JUSTICE.

CHAPITRE VIII. LE SALUT NE NOUS VIENT QUE DE JÉSUS-CHRIST.

CHAPITRE IX. QUELS QUE SOIENT LES MINISTRES, LES FIDÈLES DOIVENT RESTER EN SÉCURITÉ.

CHAPITRE X. QUELLE QU'AIT ÉTÉ MA VIE, ELLE N'EST POINT ICI EN QUESTION.

CHAPITRE XI. HONTEUSE PARTIALITÉ DES DONATISTES DANS LES DISCUSSIONS.

CHAPITRE XII. LES ARMES POUR COMBATTRE LES COMBATS DU SEIGNEUR.

CHAPITRE XIII. L'AMOUR DES ENNEMIS.

CHAPITRE XIV. PÉTILIEN CONVAINCU DE NE POUVOIR RÉPONDRE.

CHAPITRE XV. DE QUI NOUS VIENT LA PURIFICATION OPÉRÉE DANS LE BAPTÊME.

CHAPITRE XVI. HONTEUX PROCÉDÉS EMPLOYÉS PAR PÉTILIEN.

CHAPITRE XVII. MÊME SUJET.

CHAPITRE XVIII. LES INJURES NE SONT PAS UNE RÉPONSE.

CHAPITRE XIX. QUESTION PRINCIPALE DANS TOUTE CETTE DISCUSSION.

CHAPITRE XX. PÉTILIEN RESTE SANS RÉPONDRE.

CHAPITRE XXI. PÉTILIEN SE JETTE DANS LES DIGRESSIONS LES PLUS ÉTRANGES.

CHAPITRE XXII. CHICANES DE MOTS SOULEVÉES PAR PÉTILIEN.

CHAPITRE XXIII. NOUS NE DEMANDONS A PÉTILIEN QU'UNE SEULE RÉPONSE.

CHAPITRE XXIV. PÉTILIEN ME JUSTIFIE EN CROYANT ME CONDAMNER.

CHAPITRE XXV. CALOMNIES DONT PÉTILIEN SE FAIT L'INVENTEUR OU L'INTERPRÈTE.

CHAPITRE XXVI. DANS L'IGNORANCE DE LA CULPABILITÉ DES MINISTRES LES SUJETS SONT-ILS INNOCENTS?

CHAPITRE XXVII. INCROYABLE ARROGANCE DONT FAIT PREUVE PÉTILIEN.

CHAPITRE XXVIII. LE SALUT NE NOUS VIENT QUE DE DIEU.

CHAPITRE XXIX. LES JUIFS INTERROGEANT LE PRÉCURSEUR DANS LE DÉSERT.

CHAPITRE XXX. L'HOMME PEUT-IL CONNAÎTRE SES SEMBLABLES ?

CHAPITRE XXXI. LES MINISTRES PERFIDES SONT NOMBREUX.

CHAPITRE XXXII. QUE PEUT-ON RECEVOIR D'UN MINISTRE INDIGNE?

CHAPITRE XXXIII. QUELQUES PASSAGES CITÉS PAR PÉTILIEN.

CHAPITRE XXXIV. QUEL QU'EN SOIT LE MINISTRE, LE BAPTÊME EST TOUJOURS LE BAPTÊME DE JÉSUS-CHRIST.

CHAPITRE XXXV. MÊME SUJET.

CHAPITRE XXXVI. LA FOI DE CEUX QUI CROIENT LEUR EST IMPUTÉE A JUSTICE.

CHAPITRE XXXVII. LA TOLÉRANCE DANS L'ÉGLISE N'ÉNERVE PAS LA DISCIPLINE.

CHAPITRE XXXVIII. SÉVÉRITÉ DE LA DISCIPLINE DE L'ÉGLISE.

CHAPITRE XXXIX. LES DONATISTES CONDAMNÉS PAR LEUR RÉCONCILIATION AVEC LES MAXIMIANISTES.

CHAPITRE XL. NULLITÉ DES SACREMENTS EN DEHORS DE LA CHARITÉ ET DE L'UNITÉ.

CHAPITRE XLI. POURQUOI PÉTILIEN N'A PAS VOULU RÉPONDRE A MA QUESTION.

CHAPITRE XLII. LA QUESTION TELLE QU'ELLE ÉTAIT POSÉE AU DÉBUT DE MA LETTRE.

CHAPITRE XLIII. MÊME SUJET.

CHAPITRE XLIV. LA PARABOLE DE L'ARBRE ET DU FRUIT S'APPLIQUE-T-ELLE AU MINISTRE ET AU SUJET?

CHAPITRE XLV. PÉTILIEN M'ATTRIBUE LES CONSÉQUENCES DE SA PROPRE DOCTRINE.

CHAPITRE XLVI. MAUVAISE FOI DONT PÉTILIEN FAIT PREUVE DANS SES RAISONNEMENTS.

CHAPITRE XLVII. QUE PÉTILIEN ACCEPTE LES CONCLUSIONS DE SES PRINCIPES.

CHAPITRE XLVIII. IL FAUT RENONCER AUX PRINCIPES QUAND ON REJETTE LES CONSÉQUENCES.

CHAPITRE XLIX. C'EST JÉSUS-CHRIST QUI LAVE ET SANCTIFIE.

CHAPITRE L. PÉTILIEN RÉDUIT AU SILENCE PAR LES TEXTES DE LA SAINTE ÉCRITURE.

CHAPITRE LI. PÉTILIEN VAINCU PAR UN PASSAGE DE SAINT PAUL.

CHAPITRE LII. PÉTILIEN CONDAMNÉ A FAIRE L'AVEU DE SON ERREUR.

CHAPITRE LIII. TOUT VIENT DE DIEU, CAR C'EST LUI QUI DONNE L'ACCROISSEMENT.

CHAPITRE LIV. CELUI QUI PLANTE ET CELUI QUI ARROSE NE SONT RIEN.

CHAPITRE LV. LES TRÉSORS DE JÉSUS-CHRIST SONT INDÉPENDANTS DE CEUX QUI LES DISTRIBUENT.

CHAPITRE LVI. COMPARAISON ENTRE L'ÉVANGILE ET LE BAPTÊME.

CHAPITRE LVII. PÉTILIEN RÉDUIT A UN HONTEUX SILENCE.

CHAPITRE LVIII. UN DILEMME ÉCRASANT.

CHAPITRE LIX. CONCLUSION.

 

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CHAPITRE PREMIER. BUT DE CE LIVRE.

 

1. Le plus tôt qu'il m'a été possible, j'ai lu, Pétiller, votre dernière lettre, et cette lecture m'a prouvé que vous n'avez rien de sérieux à alléguer contre l'Eglise catholique en faveur du Donatisme, et cependant qu'il vous est impossible de vous renfermer dans un prudent silence. Quel courroux vous a saisi, quelle tempête s'est déchaînée dans votre coeur lorsque vous est parvenue la réponse aussi claire que succincte que j'ai faite à la partie de votre lettre que j'avais entre les mains ! En effet, la vérité que nous défendons et à laquelle nous adhérons de toute notre âme vous a paru appuyée sur des fondements si solides, entourée d'un éclat si éblouissant, qu'il vous était désormais impossible de trouver le moindre argument à y opposer. Vous avez compris également que les nombreux lecteurs avaient les yeux fixés sur vous et se demandaient ce que vous alliez dire, ce que vous alliez faire, quel moyen vous alliez prendre pour vous soustraire aux terribles angoisses dans lesquelles vous jetait nécessairement l'évidence des oracles divins. Or, vous qui deviez; méprisant l'opinion des esprits légers, prendre en main généreusement la seule doctrine véritable et sûre, vous n'avez pas craint de réaliser dans votre personne cette parole de l'Ecriture : « Vous avez préféré la méchanceté à la bonté, et l'iniquité à la justice (1) ». De mon côté, si je voulais répondre aux injures par des injures, nous ne serions plus que deux grossiers interlocuteurs, de telle sorte que, parmi ceux qui liraient nos écrits, les uns, plus graves, les repousseraient avec mépris, les autres y chercheraient une pâture à leur besoin de scandales et de malveillance. Lorsque je réponds à quelqu'un par parole ou par écrit, lors même que je me verrais chargé d'accusations calomnieuses, je demande d'abord à Dieu la grâce d'étouffer en moi tout sentiment de rancune et d'indignation; et, m'inspirant des désirs légitimes de l'auditeur ou du lecteur, je m'attache, non pas à terrasser mon adversaire sous le poids d'injures plus grandes, mais à réfuter l'erreur et à montrer la vérité.

2. J'en appelle d'abord au bon sens de ceux qui ont lu vos lettres. Dans une question où il s'agit entre nous de la communion catholique ou de la secte de Donat, quel résultat pensez-vous atteindre en laissant de côté le sujet principal, pour vous répandre en outrages de toute sorte contre la vie privée de votre adversaire, comme si cet adversaire formait à lui seul tout le sujet de la discussion ? Avez-vous des idées si mauvaises, je ne dis pas des chrétiens, mais du genre humain lui-même, que vous ne croiriez pas possible de remettre votre ouvrage entre les mains d'hommes prudents, qui, jetant de côté toute question de personnes et de conduite personnelle, chercheraient uniquement ce qui peut être dit pour la vérité ou contre l'erreur? Vous auriez dû tenir compte du jugement de ces hommes et vous épargner leur blâme, si vous ne vouliez pas leur faire trouver dans vos injures une raison de conclure que votre cause est mauvaise et ne peut se défendre. Toutefois, à côté de ces hommes sages, il en est d'autres qui courent après le bruit et la chicane, et sont beaucoup plus touchés de l'habileté de vos injures que de la vérité de votre impuissance et de votre défaite.

Vous saviez sans doute un autre but encore, celui de m'occuper du soin de défendre ma propre personne et de négliger complètement le sujet en question. Par ce moyen, la vérité que vous craignez de mettre dans tout son jour serait restée profondément ensevelie dans les ténèbres, car toute l'attention se serait portée non pas sur les raisonnements en eux-mêmes, mais sur les injures que les combattants se seraient renvoyées. Dans une telle situation, je n'hésite pas à négliger ma propre

 

1. LI, 5.

 

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défense pour concentrer mes efforts sur le sujet principal à l'étude duquel toutes les injures possibles ne pourront m'arracher. J'élèverai la voix en faveur de la maison de mon Dieu, dont j'ai aimé la beauté; et, pour moi, je me tiendrai dans ma bassesse et dans mon néant. Car j'ai mieux aimé être humilié dans la maison de mon Dieu que d'habiter sous les tentes des hérétiques (1). Ce n'est donc pas précisément de vous, Pétilien, que je m'occuperai dans cette réplique, mais de ceux que vous croyiez effrayer par vos injures pour les jeter dans le schisme, comme si vraiment je n'avais eu d'autre but que de me faire des adeptes, au lieu de travailler à conduire les hommes à Dieu et moi-même avec eux.

 

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CHAPITRE II. QUE PERSONNE N'ESPÈRE OU SE GLORIFIE DANS L'HOMME.

 

3. Vous donc qui avez entendu toutes ces injures lancées contre moi par Pétilien, avec plus de colère que de prudence, veuillez vous montrer attentifs à mes paroles. Et d'abord j'emprunte à l'Apôtre ces paroles dont la vérité est assurément indépendante de ma propre personne, quelle qu'elle soit. Que les hommes nous regardent comme les ministres de Jésus-Christ et les dispensateurs des mystères de Dieu. Or, ce qui est à désirer dans les dispensateurs, c'est qu'ils soient trouvés fidèles. Pour moi, je me mets fort peu en peine d'être jugé par vous, ou par quelque homme que ce soit; et pourtant je ne me juge pas moi-même ». Quant aux paroles suivantes: « Ma conscience ne me reproche rien », je n'ose, sans doute, me les appliquer, et cependant je puis attester devant Dieu, que depuis mon baptême en Jésus-Christ, je n'ai à me reprocher aucun des crimes dont Pétilien accuse ma vie tout entière. « Pourtant je ne me crois pas en cela pleinement justifié. Mais c'est le Seigneur qui est mon Juge. C'est pourquoi ne jugez point avant le temps, jusqu'à ce que le Seigneur vienne, car il exposera à la lumière ce qui est caché dans les ténèbres, et il fera voir les pensées les plus secrètes des coeurs, et alors chacun recevra de Dieu la louange qui lui est due. Au reste, mes frères, j'ai proposé ces choses en ma personne et en celle d'Apollo à cause de vous, afin que vous apprissiez, par notre

 

1. Ps. LXXXIII, 11.

 

exemple, à n'avoir pas de vous d'autres sentiments que ceux que je viens de marquer, prenant garde de vous enfler d'orgueil les uns contre les autres pour autrui (1). Que personne donc ne mette sa gloire dans l'homme. Car toutes choses sont à vous, et vous êtes à Jésus-Christ, et Jésus-Chrit est à Dieu (2) ». Je répète : « Que personne ne mette sa gloire dans l'homme » ; je redis encore: « Que personne ne mette sa gloire dans l'homme ». Si vous remarquez en nous quelque chose de louable, rapportez-en la gloire à celui de qui nous vient tout don parfait, tout don excellent; car ce don nous est venu du Père des lumières en qui ne se trouve ni changement ni ombre de vicissitude (3). En effet, qu'avons-nous que nous ne l'ayons reçu; et si nous l'avons reçu, pourquoi nous en glorifier comme si nous ne l'avions pas reçu (4) ? Dans tout ce que vous voyez de bien en nous, soyez nos imitateurs comme nous le sommes de Jésus-Christ (5) ; mais si vous y soupçonnez, si vous y croyez, ou si vous apercevez quelque mal, n'oubliez pas cette recommandation du Sauveur, et gardez-vous de quitter l'Eglise à cause du mal qui peut s'y trouver: Faites ce que nous enseignons et ne faites pas ce que vous pensez ou ce que vous savez que nous faisons (6).

D'ailleurs je n'ai pas ici à me justifier à vos yeux, puisque sans m'occuper de ma propre personne j'ai entrepris d'aider puissamment à votre salut, en vous prouvant que personne ne doit se glorifier dans l'homme. En effet, malheur à celui qui place son espérance dans l'homme (7) ! Pourvu que nous observions ce précepte du Seigneur et des Apôtres, dussé-je faillir à la cause que je défends, comme le prétend mon adversaire, cette cause sera infailliblement victorieuse. En effet, restez inébranlablement attachés à l'avis que je vous donne, à l'exhortation que je vous adresse, en un mot à cette grande parole : Maudit soit celui qui place son espérance dans l'homme ! que personne ne mette sa gloire dans l'homme; et alors vous ne quitterez jamais l'aire du Seigneur, à cause de cette paille qui s'y trouve et qui disparaît sous le souffle de l'orgueil, ou sera rejetée à la purification suprême (8); vous ne fuirez pas la grande maison, à cause des vases qui y sont devenus des vases d'ignominie (9);

 

1. I Cor. IV, 1-6. — 2. Id. III, 21-23. — 3. Jacq. I, 17. — 4. I Cor. IV, 7. — 5. Id. 16. — . Matt. XXIII, 3. — 6. Jérém. XVII, 5. — 7. Matt. III, 12. — 8. II Tim, II, 20.

 

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vous ne sortirez pas des filets à cause des mauvais poissons dont la séparation se fera sur le rivage (1); vous n'abandonnerez pas les gras pâturages de l'unité, à cause des boucs que le souverain pasteur repoussera à sa gauche (2); vous ne commettrez pas le crime de vous séparer du bon grain, parce que vous y voyez mêlée de la zizanie; ce bon grain a pour chef le grain qui a été mortifié et multiplié et qui croîtra sur toute la face du monde jusqu'à la moisson. Le champ dont il est parlé, c'est le monde tout entier, et non pas seulement l'Afrique; la moisson, c'est la fin du monde (3), et non pas l’époque pendant laquelle a vécu Donat.

 

 

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CHAPITRE III. LES DONATISTES JUGÉS PAR LE FAIT MÊME DE LEUR SCHISME.

 

4. Vous reconnaissez assurément toutes ces comparaisons établies par l'Evangile pour nous prouver que personne ne doit placer sa gloire dans l'homme, que tous doivent s'abstenir de s'enfler d'orgueil pour l'un contre l'autre, de manière à établir une véritable séparation et à dire : « Pour moi j'appartiens à Paul ». Ce n'est pas Paul qui a été crucifié pour nous, ce n'est pas au nom de Paul et bien moins.encore au nom de Cécilianus ou de tout autre que vous avez été baptisés (4). Ainsi donc, tant que la paille est foulée avec le froment, tant que les mauvais poissons sont renfermés avec les bons dans les filets du Seigneur, sachez qu'avant l'époque de la purification suprême vous devez tolérer le mélange des méchants à cause des bons, plutôt que de violer la charité des bons à cause des méchants. Ce mélange, en effet, n'est point éternel, mais passager; il n'est point le mélange des esprits, mais le mélange des corps. Au moment de la séparation les anges ne se tromperont pas, quand il leur faudra séparer les méchants du milieu des justes, et les jeter .dans la fournaise ardente. Car le Seigneur connaît ceux qui sont à lui. Si donc celui qui invoque le nom du Seigneur ne peut pas pour un temps se séparer corporellement des pécheurs, qu'il s'en sépare spirituellement, c'est-à-dire par sa haine pour l'iniquité (5).

En effet, il est permis et même commandé de se séparer des pécheurs, dès cette vie, par

 

1. Matt. XIII, 47, 48. — 2. Id. XXV, 32, 33. — 3. Id. XIII, 34-40. — 4. I Cor. I, 12, 13. — 5. Il Tim. II, 19.

 

la conduite, les mœurs, le coeur et la volonté; il faut que celte séparation soit toujours observée. Quant à la séparation corporelle, attendons-la pour la fin du monde, avec confiance, force et résignation. C'est en vue de cette attente qu'il a été dit: « Attendez le Seigneur, agissez courageusement; que votre coeur s'affermisse, et attendez le Seigneur (1) ». Le suprême degré de la tolérance, au milieu des faux frères qui cherchent leurs propres intérêts et non ceux de Jésus-Christ, consiste à ne troubler par aucune dissension tumultueuse et téméraire la charité de ceux qui cherchent non pas leur propre gloire, mais la gloire de Jésus-Christ; il consiste à ne porter aucune atteinte orgueilleuse et criminelle à l'unité du filet du Seigneur, tant qu'il est employé à réunir des poissons de tout genre pour les conduire au rivage, c'est-à-dire à la fin du monde. Cette tolérance est d'autant plus méritoire que naturellement chacun se flatte d'être quelque chose, tandis qu'il n'est rien, et s'attribue le droit de prononcer lui-même sur la séparation à établir entre les différentes classes de chrétiens, ne consultant pour cela que son propre jugement ou le jugement de ceux qui affirment connaître très-pertinemment tels ou tels mauvais chrétiens comme indignes de participer aux sacrements de la religion. Et puis, s'il nous arrive de mettre ces personnages si bien renseignés en demeure de prouver juridiquement leurs accusations, ils restent sans preuve capable de convaincre l'Eglise répandue sur toute la terre, selon la promesse qui en a été faite.

Quand donc ils se séparent de ces prétendus criminels, ils ne font autre chose que renoncer à l'unité de cette Eglise. Au contraire, s'ils possédaient cette charité qui supporte tout, ne devraient-ils pas tolérer dans un peuple les fautes qu'ils connaissent, plutôt que de se séparer des justes répandus en grand nombre dans toutes les nations et nécessairement étrangers aux crimes qui peuvent se commettre sur telle ou telle partie de l'univers? Voilà pourquoi, avant toute discussion préalable d'une cause dans laquelle les documents les plus graves se réunissent pour les convaincre de calomnies à l'égard des innocents, il nous paraît- très-probable qu'ils ont pu imaginer ces crimes de traditeurs, puisqu'ils n'ont pas craint de pousser l'impiété jusqu'à se jeter

 

1. Ps. XXVI, 14.

 

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dans un schisme sacrilège. En effet, supposez que tout ce qu'ils disent des traditeurs fût réel, toujours est-il que, même alors, ils n'auraient pas dû rompre toute relation avec les chrétiens répandus sur toute la terre et devant nécessairement ignorer ce qu'à la rigueur ces Donatistes pouvaient connaître.

 

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CHAPITRE IV. ON DOIT RÉPRIMER LE MAL SANS ROMPRE L'UNITÉ.

 

5. Pourtant je suis loin de dire que l'on doive négliger la discipline ecclésiastique et permettre à chacun d'agir à son gré, sans avoir à craindre aucune répression, aucune vengeance médicinale, aucune douceur terrible, aucune sévérité charitable. Que deviendrait alors ce précepte de l'Apôtre : « Reprenez ceux qui sont déréglés, consolez ceux qui ont l'esprit abattu, supportez les faibles, soyez patients envers tous. Prenez garde que nul ne rende à un autre le mal pour le mal (1)? » Par ces dernières paroles : « Prenez a garde que nul ne rende à un autre le mal pour le mal », l'Apôtre prouve clairement que ce n'est pas rendre le mal pour le mal que de reprendre ceux qui sont déréglés, quoique leur dérèglement soit puni par la répression. Donc cette correction n'est pas un mal, tandis que la faute est un mal. Le fer employé pour sonder une plaie n'est pas le fer d'un ennemi, mais le fer d'un médecin dévoué. C'est là ce qui se fait dans l'Église; l'esprit de douceur intérieure s'enflamme du zèle de Dieu, pour empêcher que la vierge chaste, devenue l'épouse de Jésus-Christ, ne se laisse séduire, comme Eve, par l'astuce du serpent, et ne laisse dans quelques-uns de ses membres porter atteinte à cette chasteté dont Jésus-Christ est la source (2).

Toutefois les serviteurs du père de famille se gardent bien d'oublier le précepte de leur Maître, de s'enflammer d'une trop vive indignation contre la grande quantité de zizanie, de crainte qu'en voulant l'arracher avant la moisson, ils n'arrachent en même temps le bon grain. Tel serait le crime de ces Donatistes, lors même qu'ils parviendraient à prouver l'existence des crimes qu'ils ne cessent de reprocher aux traditeurs. En effet, non contents de rompre toute relation avec les pécheurs, ils se sont en même temps séparés

 

1. I Thess. V, 14, 15. — 2. II Cor. XI, 2, 3.

 

des bons chrétiens, répandus sur toute la terre et ignorant absolument l'existence de ces crimes allégués, sans aucune preuve, par nos adversaires. Présomption coupable et impie, sous l'influence de laquelle ils n'ont pas craint d'abuser de l'autorité qu'ils pouvaient avoir sur quelques-uns et de l'ignorance des autres, pour les entraîner tous dans leur schisme et les empêcher de comprendre que les crimes de tels ou tels chrétiens ne sont pas une raison de rompre l'unité de l'Église répandue sur toute la terre. En supposant donc qu'ils aient été certains de la réalité des crimes qui leur servaient de prétexte, toujours est-il qu'ils entraînaient dans une perte certaine ces ignorants pour lesquels Jésus-Christ est mort (1), et qui, se trouvant scandalisés par les péchés d'autrui, renonçaient pour eux-mêmes à ce bien de la paix qu'ils partageaient avec les justes. De leur côté, ces justes, soit parce qu'ils n'avaient aucune connaissance de ces crimes, soit parce qu'avant d'y croire ils exigeaient des preuves authentiques et formelles, soit parce qu'ils s'en rapportaient humblement à la décision des juges ecclésiastiques d'outre-mer devant lesquels la cause était pendante, ces justes, disons-nous, protestaient par leur conduite contre ces coupables insinuations du schisme et de l'hérésie.

 

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CHAPITRE V. ON NE DOIT SUIVRE PERSONNE CONTRE L'UNITÉ DE JÉSUS-CHRIST.

 

6. Vous donc, semence sacrée de notre unique mère l'Église catholique, restez soumis à Dieu, et, avec toute la vigilance possible, mettez-vous en garde contre la contagion du crime et de l'erreur. Quel que soit l'éclat de sa doctrine et de sa réputation, dût-il se flatter d'être une pierre précieuse, quiconque entreprend de vous entraîner à sa suite, doit soulever par cela même toutes vos défiances. Souvenez-vous alors que la femme forte, dont il nous est parlé dans les Proverbes, et dont toute l'ambition était de plaire à son époux, est de beaucoup plus précieuse que tous les diamants les plus riches. Que personne ne dise : Je suivrai celui-là, parce qu'il m'a fait chrétien; ou cet autre, parce qu'il m'a baptisé. Celui qui est quelque chose, ce n'est ni celui qui plante, ni celui qui arrose, mais

 

1. I Cor. VIII, 11.

 

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celui qui donne l'accroissement, c'est-à-dire Dieu seul (1). Or, Dieu est charité, et celui qui demeure dans la charité demeure en Dieu et Dieu demeure en lui (2). Par conséquent, on ne doit suivre contre l'unité de Jésus-Christ, ni celui qui prêche le nom de Jésus-Christ, ni celui qui administre le sacrement de Jésus-Christ. Que chacun éprouve ses propres oeuvres, et il cherchera sa gloire en lui-même et non pas dans les hommes; car chacun portera son propre fardeau (3), c'est-à-dire le fardeau du compte qu'il aura à rendre à Dieu, puisque nous n'aurons à rendre compte que de nous-mêmes. Gardons-nous donc de nous juger désormais les uns les autres (4). En effet, quant à ce qui regarde le fardeau d'une charité mutuelle, portez réciproquement votre fardeau en vous aidant les uns les autres, et c'est ainsi que vous accomplirez la loi de Jésus-Christ. Car celui qui se flatte d'être quelque chose, tandis qu'il n'est rien, se trompe lui-même (5). Supportons-nous donc réciproquement dans la charité, nous appliquant à conserver l'unité d'esprit dans le lien de la paix (6). Quiconque recueille en dehors de cette unité ne recueille pas avec Jésus-Christ; et quiconque ne recueille pas avec Jésus-Christ dissipe (7).

 

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CHAPITRE VI. LES INJURES NE SAURAIENT TROUBLER LA PAIX D'UN CHRÉTIEN.

 

7. Soit donc qu'il s'agisse de Jésus-Christ, ou de son Eglise, ou de tout ce qui concerne directement votre foi ou votre conduite, nous pouvons vous répéter ces paroles de l'Apôtre

« Quand un ange du ciel vous annoncerait un Evangile différent de celui qui est renfermé dans les saintes Ecritures, qu'il soit anathème ». J'omets à dessein la première partie du texte : « Quand nous vous annoncerions nous-mêmes », car il est loin de notre›usée d'oser nous comparer à ce grand Apôtre (8). Avec tous ceux que nous désirons gagner à Jésus-Christ, nous n'engageons de discussion que sur l'Evangile ou sur la sainte Eglise, si visiblement promise dans les saintes Lettres, et réalisant d'une manière si évidente, au milieu des dations, les promesses qui la concernent. Et pourtant, de la part de ceux que

 

1. I Cor. III, 7. — 2. I Jean, IV, l6. — 3. Gal. VI, 4, 5. — 4. Rom. XII, 12, 13. — 5. Gal. VI, 2, 3. — 6. Eph. IV, 2. — 7. Matt. XII, 30. — 8. Gal. I, 8.

 

nous désirons attirer sur le sein pacifique de l'Eglise, la seule récompense que nous obtenions, c'est la haine ta plus déclarée. On dirait vraiment que c'est nous qui les avons enchaînés à la secte dont la justification leur est devenue impossible; on dirait que c'est nous qui avons ordonné aux Prophètes et aux Apôtres de ne placer dans leurs livres aucun témoignage que les Donatistes pussent invoquer pour prouver qu'ils sont la véritable Eglise de Jésus-Christ. Pour nous, frères bien-aimés, malgré les accusations calomnieuses lancées contre nous par ceux que nous offensons en leur déroulant les oracles de la vérité, et en leur prouvant la vanité des principes sur lesquels ils appuient leur erreur, nous jouissons, vous le savez, de la consolation la plus douce et la plus abondante. En effet, dans tous les points sur lesquels ils m'accusent, si ma conscience ne rend pas témoignage contre moi devant ce Dieu qui reste inaccessible à tout regard humain, non-seulement je ne dois pas m'attrister, mais je dois bien plutôt surabonder de joie, parce qu'une grande récompense m'est réservée dans les cieux. Ce que je dois considérer, ce n'est point l'amertume, mais la fausseté de ce que j'entends; c'est la véracité de Celui au nom de qui je suis calomnié, et à la gloire duquel je répète : « Votre nom est pour moi un parfum d'une agréable odeur (1) ». Et en effet, ce parfum, que nos adversaires voudraient renfermer dans un petit coin de l'Afrique, n'exhale-t-il pas son agréable odeur au sein de toutes les nations? Pourquoi donc nous indigner en face des calomnies dont nous couvrent des hérétiques, quand nous voyons ces mêmes hérétiques s'attaquer à Jésus-Christ lui-même, porter atteinte à sa gloire et dénaturer indignement la prophétie relative à son ascension et à la diffusion du parfum exhalé par son nom : « O Dieu, élevez-vous au-dessus des cieux, et que votre gloire se répande sur toute la terre (2) ? »

 

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CHAPITRE VII. BONHEUR DE SOUFFRIR POUR LA JUSTICE.

 

8. Parce que nous ne cessons d'opposer les oracles divins aux vaines accusations de nos adversaires, ces ennemis de la gloire de Jésus-Christ ne cessent de nous charger d'opprobres. Qu'importent leurs outrages, puisque

 

1. Cant. I, 2. — 2. Ps. CVI, 12.

 

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c'est à nous que s'adressent ces paroles : « Bienheureux ceux qui souffrent persécution pour la justice, parce que le royaume des cieux leur appartient. Vous serez bienheureux lorsqu'ils vous persécuteront, qu'ils vous maudiront et que, par d'indignes mensonges, ils diront toute sorte de mal contre vous, à cause de moi ». Ces mots : « Pour la justice », et ces autres : « A cause de moi », ont absolument le même sens; car Jésus-Christ s'est fait notre sagesse, notre justice, notre sanctification et notre rédemption, afin que, selon la parole de l'Ecriture, « celui qui se glorifie, cherche uniquement sa gloire dans le Seigneur (1) ». Le Sauveur nous dit

« Réjouissez-vous et tressaillez d'allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux (2) » ; par conséquent, si je puis me rendre le témoignage que je suis persécuté « pour la justice et pour Jésus-Christ », quiconque s'attaque volontairement à ma réputation, ne fait malgré lui qu'ajouter un nouveau fleuron à ma couronne. Cette leçon que Jésus-Christ m'a donnée, il l'a confirmée par ses exemples. Recueillez les enseignements de la sainte Ecriture, et vous trouverez que Jésus-Christ est ressuscité d'entre les morts, qu'il est monté au ciel et qu'il est assis à la droite du Père. Recueillez ensuite les accusations de ses ennemis, et ils essaieront de vous faire croire que ses disciples sont venus au sépulcre et ont enlevé son corps. Si c'est ainsi que le Maître a été traité, nous, ses disciples, qui défendons sa maison, que pouvons-nous attendre de la part de ses ennemis? « S'ils donnent au père de famille le nom de Béelzébub, que ne diront-ils pas de ses Serviteurs (3) ? » Si donc nous souffrons avec Jésus-Christ, nous régnerons avec lui. Si l'oreille seule se trouve offensée par les accents de colère d'un calomniateur, tandis que la conscience même est déchirée par le remords d'un crime véritable, que m'importe donc que le monde tout entier me comble de louanges. Tous les concerts de louanges ne sauraient guérir une conscience mauvaise; de même les calomnies les plus atroces ne sauraient blesser une conscience bonne. Par cela même que vous avez placé toute votre espérance dans le Seigneur, cette espérance ne saurait être confondue, lors même que nous serions secrètement aussi criminels que notre

 

1. I Cor, I, 31. — 2. Matt. V, 10-12.  3. Id. X, 25.

 

ennemi voudrait le faire croire; et cela parce que ce n'est pas en nous que vous avez placé cette espérance, et que jamais nous ne vous avons demandé ce sacrifice. Quelque coupables que nous puissions être, vous êtes toujours en pleine sécurité, car vous avez appris à dire : « Espérant en Dieu je ne serai pas ébranlé (1) », « j'espérerai dans le Seigneur et ne craindrai pas ce que l'homme pourrait me faire (2) ». Quant à ceux qui s'efforcent de vous séduire en faisant ressortir à vos yeux les grandeurs terrestres de certains hommes orgueilleux, vous savez leur répondre Toute ma confiance est dans le Seigneur; « comment donc dites-vous à mon âme : Retirez-vous sur la montagne comme le passereau (3) ? »

 

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CHAPITRE VIII. LE SALUT NE NOUS VIENT QUE DE JÉSUS-CHRIST.

 

9. Vous donc qui vous plaisez à reconnaître en nous la vérité de Jésus-Christ, telle que nous la prêchons en tous temps et en tous lieux; vous qui aimez à entendre cette vérité malgré la faiblesse et l'impuissance de celui qui vous l'annonce; vous enfin qui nous entourez de respect et de bienveillance, vous goûtez une sécurité entière, sans vous préoccuper aucunement de ce que nous pouvons être, car toute votre espérance repose sur Celui que nous vous prêchons, par un effet de sa grande miséricorde. Bien plus, tous ceux d'entre vous qui ont reçu de nos mains le sacrement du saint baptême, goûtent la même joie et la même sécurité, car ce n'est pas en nous, mais en Jésus-Christ qu'ils ont été baptisés. Ce n'est donc pas nous, mais Jésus-Christ que vous avez revêtu; je ne vous ai pas demandé si c'était à moi, mais au Dieu vivant que vous vouliez vous convertir; si c'était en moi que vous croyiez, mais au Père, au Fils et au Saint-Esprit. Si votre réponse a été franche et sincère, vous avez reçu le salut, non point en dépouillant les souillures de la chair, mais en manifestant la sainteté de votre conscience (4). Celui qui vous a sauvés, ce n'est point votre frère, mais votre -Seigneur; ce n'est point votre- prédicateur, mais votre Juge. En effet, je ne puis trop protester contre l'erreur et la témérité de ces paroles de Pétilien : « C'est de la conscience du ministre » ; ou encore: « C'est de la conscience de celui qui

 

1.  Ps. XXV, 1. — 2. Id. LV, 12. — 3. Id. X, 2. — 4. I Pierre, III, 21.

 

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administre saintement, que dépend la purification de la conscience du sujet ». C'est Dieu seul qui est l'auteur de ce que nous donnons, voilà pourquoi le sacrement est toujours saint, lors même qu'il serait conféré par une conscience souillée. Que cette conscience soit sainte ou criminelle, ce n'est pas sur elle que le sujet doit fixer ses regards, mais uniquement sur le sacrement qu'il reçoit, sacrement toujours saint, et que l'on peut toujours recevoir en toute sécurité, quel que soit le ministre qui le confère. Si toutes les paroles sorties de la chaire de Moïse n'étaient pas toujours saintes, la Vérité nous dirait-elle : « Faites ce qu'ils vous disent? » Et si tous ceux qui annonçaient cette vérité, eussent tous été des saints, le Sauveur aurait-il ajouté : « Gardez-vous de faire ce qu'ils font, car ils disent et ne font pas (1)?» Ce n'est pas sur les épines que l'on recueille le raisin, parce que le raisin ne sort jamais des racines des épines; mais s'il arrive à la vigne de suspendre ses rameaux à des épines, on est loin de repousser avec horreur le raisin qui s'y forme; on se met en garde contre l'épine, mais on cueille le raisin.

 

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CHAPITRE IX. QUELS QUE SOIENT LES MINISTRES, LES FIDÈLES DOIVENT RESTER EN SÉCURITÉ.

 

10. Je répète ce principe et je tiens à le graver profondément dans vos esprits: quels que puissent être vos ministres, restez dans une entière sécurité, vous qui avez Dieu pour Père, et pour mère la sainte Eglise. Ici-bas les boucs paissent avec les brebis, mais ils ne se tiendront pas à la droite du souverain Juge. Ici-bas la paille est foulée avec le froment, mais elle n'entrera pas sur les greniers du Père de famille. Les mauvais poissons nagent avec les bons dans les filets du Seigneur, mais ils seront rejetés sur le rivage. Que personne ne se glorifie dans l'homme, cet homme fût-il bon; et que personne ne rejette les bienfaits de Dieu, ces bienfaits fussent-ils distribués par un pécheur.

 

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CHAPITRE X. QUELLE QU'AIT ÉTÉ MA VIE, ELLE N'EST POINT ICI EN QUESTION.

 

11. Frères bien-aimés et enfants dévoués

 

1. Matt. XXIII, 3.

 

de l'Eglise catholique, ces quelques réflexions pourraient suffire à la question qui nous occupe. Pourvu que vous en conserviez le souvenir avec une charité catholique, et que vous restiez un seul troupeau sous la direction d'un seul Pasteur, vous jouirez d'une entière sécurité, et je m'inquiète peu des outrages que l'ennemi peut lancer contre moi, qui préside vos assemblées et suis constitué le gardien du troupeau. L'unique faveur que j'implore, c'est d'avoir à élever la voix, non point pour ma propre défense, mais pour la défense de mon peuple. Pourtant si ma propre justification était nécessaire à la cause que je défends, je pourrais la présenter en quelques mots, c'est-à-dire que je retrancherais de ma vie toutes les années qui ont précédé min baptême; je tairais ces passions et ces erreurs que je désapprouve et condamne avec l'Eglise tout entière; car je ne voudrais pas qu'en cherchant à me justifier pendant cette époque, je puisse paraître plus désireux de procurer ma propre gloire, que la gloire de Celui qui par sa grâce m'a délivré de cet abîme de péché. Quand donc j'entends déverser le blâme sur cette première période de mon existence, quelque soit le sentiment qui dicte ces reproches, je ne suis pas assez ingrat pour m'en plaindre. Plus nos adversaires font ressortir la honte de ma conduite, plus je loue la munificence de mon médecin.

Pourquoi donc m'appliquerais-je à excuser tous ces maux passés et pardonnés, à l'occasion desquels Pétilien a émis plusieurs faussetés et passé sous silence plusieurs vérités? Quant aux années écoulées depuis mon baptême, puisque vous me connaissez, il serait superflu de vous parler de ce que savent tous les hommes; pour ceux qui ne me connaissent pas, je ne dois pas les supposer assez injustes pour donner à Pétilien la préférence sur vous dans tout ce qui peut concerner ma personne. En effet, si l'on ne doit pas croire aux louanges d'un ami, on ne doit pas croire davantage aux détractions d'un ennemi. Restent donc les oeuvres cachées et secrètes, qui ont pour unique témoin la conscience, ce sanctuaire toujours fermé aux regards scrutateurs de vos frères. Pétilien s'attaquant à une conscience qui lui est absolument inconnue, ne craint pas de m'accuser de manichéisme; pour moi, parlant de ma propre conscience, je proteste contre une telle (285) accusation. Voyez donc auquel des deux vous devez croire. Toutefois je répète que ma justification personnelle, toute courte et toute facile qu'elle puisse être, n'est nullement nécessaire dans une question qui roule, non point sur le mérite de tel ou tel homme, mais sur la vérité de la sainte Eglise. Pour vous, qui appartenez à la secte de Donat, j'aurais besoin de réfuter plus longuement les calomnies que vous avez lues à mon adresse dans les ouvrages de Pétilien, et que je ne me serais pas attirées, si votre malheureux état m'avait trouvé plein d'indifférence et de mépris; mais alors j'eusse prouvé que j'étais entièrement privé des entrailles de la charité chrétienne.

 

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CHAPITRE XI. HONTEUSE PARTIALITÉ DES DONATISTES DANS LES DISCUSSIONS.

 

12. Pourquoi donc nous étonner, lorsque je ramène avec la terre et la paille le grain chassé de l'aire du Seigneur, si j'ai à subir les injures d'une poussière en révolte ? Ou bien, lorsque je recherche avec tant de sollicitude les brebis égarées du troupeau du Seigneur, pourquoi nous étonner si je me vois déchiré par les épines de ces langues aiguës? Je vous en prie, dépouillez-vous un instant des préventions des partis, et prononcez équitablement entre Pétilien et moi. Je veux vous faire connaître la cause de l'Église ; Pétilien ne veut s'attacher qu'à la mienne. Dans quel but, si ce n'est parce que son audace ne va pas encore jusqu'à vous défendre de croire aux témoins que je ne cesse d'invoquer en faveur de l'Église, les Prophètes, les Apôtres et surtout Jésus-Christ, le Maître souverain des Prophètes et des Apôtres, et qu'au sujet des inculpations qu'il peut lancer contre moi, vous croyez facilement à la parole d'un homme contre son semblable; à la parole de votre évêque contre un évêque que vous ne connaissez pas? Supposé que je produise des témoins de ma vie, serais-je surpris si je l'entendais s'écrier qu'ils ne méritent aucune confiance ? serais-je surpris de vous voir embrasser son avis? Du moment que tel homme élèverait la voix en ma faveur, ne le regarderiez-vous pas comme un ennemi du parti de Donat, et par la même comme votre propre ennemi ? Tel est l'empire que Pétilien exerce sur vous; dès qu'il lance contre moi quelque calomnie, vous l'acclamez, vous applaudissez. La cause que je défends, il la trouvera caduque et fragile; mais c'est votre jugement qu'il invoque; pas n'est besoin pour lui de témoin ou de preuve ; la seule preuve que vous lui demandez, c'est de couvrir d'outrages celui que vous poursuivez vous-mêmes de toute votre haine. En présence des témoignages aussi nombreux qu'évidents empruntés à la sainte Écriture en faveur de l'Église catholique, il a compris que son silence obligé vous plongeait dates la tristesse; force lui fut donc de choisir un thème sur lequel chacune de ses paroles fût couverte de vos applaudissements, et à l'aide duquel il pût changer le rôle de vaincu en celui de vainqueur; il lui suffisait pour cela de formuler contre moi les accusations les plus atroces. Quoi qu'il en soit, dans la cause que je soutiens, il suffit que la victoire reste à l'Église que je défends, n'importe d'ailleurs ce que je puisse être dans mon humble personne.

 

 

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CHAPITRE XII. LES ARMES POUR COMBATTRE LES COMBATS DU SEIGNEUR.

 

13. J'appartiens à l'aire de Jésus-Christ, à titre de paille, si je suis pécheur, et à titre de bon grain, si je suis innocent. La langue de Pétilien n'a nullement pour fonction de purifier cette aire; par conséquent, toutes les accusations qu'il peut lancer contre cette paille, fussent-elles légitimes, ne sauraient porter aucun préjudice à la qualité des froments. D'un autre côté, toutes ses malédictions et toutes ses calomnies contre le froment ne servent qu'à éprouver sur la terre la foi de ce froment, et à rendre plus belle sa récompense dans le ciel. Les saints du Seigneur, ceux qui combattent saintement pour Dieu, n'ont pas à lutter précisément contre Pétilien, ni contre sa chair et son sang, mais contre les principautés, les puissances et les princes des ténèbres (1), comme sont tous les adversaires de la vérité, auxquels nous voudrions pouvoir dire : « Autrefois vous avez été ténèbres, et maintenant vous êtes lumière dans le Seigneur (2) ». Quand donc les serviteurs de Dieu réfutent toutes les injustes accusations lancées contre eux par leurs ennemis et destinées à leur faire une réputation mauvaise dans

 

1. Eph. VI, 12. — 2. Id. V, 12.

 

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l'esprit de tous les hommes malveillants et témérairement crédules, c'est bien la lutte qu'ils soutiennent, mais les armes dont ils se servent ne sont que les armes de gauche, suffisantes toutefois pour triompher du démon. En effet, lorsque dans la bonne réputation nous prouvons que nous ne cédons pas aux suggestions de l'orgueil, et lorsque dans la mauvaise renommée, nous prouvons que nous aimons réellement nos ennemis et nos calomniateurs, il est vrai de dire alors que nous triomphons du démon par les armes de la justice en combattant à droite et à gauche. Tel est le sens de ces paroles de l'Apôtre : « Par les armes de la justice, en combattant à droite et à gauche », car pour expliquer sa pensée il ajoute aussitôt : « Par la gloire et par l'ignominie, par l'infamie et par la bonne réputation (1) » ; parmi les armes de droite il place la gloire et la bonne réputation, et parmi les armes de gauche il énumère l'ignominie et l'infamie ou mauvaise réputation.

 

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CHAPITRE XIII. L'AMOUR DES ENNEMIS.

 

14. Si donc je suis le serviteur de Dieu et son soldat non réprouvé, quelque habileté que déploie Pétilien à me couvrir d'injures, dois-je me plaindre et murmurer, puisqu'il devient pour moi l'artisan très-habile des armes de gauche, avec lesquelles je remporterai la victoire? A l'aide de ces armes, et m'appuyant sur le secours de Dieu, je dois combattre et frapper cet adversaire contre lequel je lutte invisiblement, et qui, dans sa ruse et sa perversité, voudrait me faire haïr Pétilien et me rendre impossible l'accomplissement de ce précepte du Sauveur : « Aimez vos ennemis (2) ». Que ce malheur me soit épargné par la miséricorde de Celui qui m'a aimé, qui s'est livré pour moi, et qui, du haut de la croix, s'est écrié. « Mon Père, pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu'ils font (3) ». Puisse le divin Sauveur m'apprendre à dire toujours, en parlant de Pétilien et de tous mes autres adversaires : Seigneur, pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu'ils disent !

 

1. II Cor. VI, 7, 8. — 2. Luc, VI, 35. — 3. Id. XXIII, 31.

 

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CHAPITRE XIV. PÉTILIEN CONVAINCU DE NE POUVOIR RÉPONDRE.

 

15. Veuillez donc, c'est la seule grâce que je vous demande, vous dépouiller de tout parti pris, et vous montrer juges équitables entre Pétilien et moi. Alors je vous prouverai qu'il n'a pas réfuté mes arguments, et vous comprendrez que, se sentant dans l'erreur, il a dû sortir du sujet et, se retournant contre celui qui l'avait jeté dans l'impuissance de répondre, le couvrir d'outrages et d'injures. Supposé même que vous conserviez contre moi votre haine et votre parti pris, je n'hésite pas à dire que si vous daignez seulement lire avec quelque attention mes écrits et les siens, vous resterez tellement frappés de l'évidence des témoignages sur lesquels je m'appuie, que dans votre coeur vous reconnaîtrez la vérité de la cause que je défends.

16. Répondant à la première partie de sa lettre, la seule que j'eusse alors entre les mains, et passant sous silence des injures comme celles-ci : « Ils nous reprochent de baptiser deux fois, eux qui, dans un bain criminel, souillent leurs âmes au lieu de les baptiser », je me suis attaché à réfuter cette proposition : « Il faut voir la conscience de celui qui baptise, pour juger s'il peut purifier la conscience de celui qui est baptisé ». J'ai demandé qu'il me dise par qui le néophyte se trouve purifié, lorsque le ministre est un pécheur, mais un pécheur secret (4).

 

 

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CHAPITRE XV. DE QUI NOUS VIENT LA PURIFICATION OPÉRÉE DANS LE BAPTÊME.

 

17. Lisez maintenant la longue suite des injures qu'il m'adresse, pour épancher, sans doute, son orgueil et sa colère. Voyez s'il m'a répondu lorsque je lui demande de nous dire par qui le néophyte sera purifié lorsque, sans le savoir, il s'adressera pour le baptême à un ministre secrètement pécheur. Cherchez attentivement dans ses livres, parcourez toutes les pages, énumérez tous les paragraphes, étudiez tous les mots, nombrez toutes les syllabes. Veuillez me dire alors si vous avez trouvé qu'il ait répondu à ma question lorsque je le somme de nous dire par qui le néophyte sera purifié, quand, sans le savoir, il s'adresse pour le baptême à un ministre pécheur.

18. Il me reproche d'avoir retranché un mot à son texte et prétend qu'il a écrit : « Il faut voir la conscience de celui qui baptise

 

1. Livre I ch. I.

 

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saintement, pour juger s'il peut purifier la « conscience de celui qui est baptisé ». Cette observation, fût-elle méritée, et vous savez qu'elle ne l'est pas, serait encore parfaitement inutile, car elle ne répond nullement à ma question, et n'excuse nullement son silence. Je reprends donc ses propres paroles : « C'est d'après la conscience de celui qui baptise saintement que l'on peut voir si le sujet est purifié », et je lui demande de nous dire par qui le néophyte sera purifié, lorsque, sans le savoir, il s'adressera pour le baptême à un ministre pécheur ? Je vous demande, à vous, s'il a répondu à cette question. Pressez-le donc d'y répondre ; ne permettez pas qu'un tel sujet puisse rester sans éclaircissement : « Si c'est d'après la conscience de celui qui baptise saintement » ; vous voyez que je ne dis pas seulement : « De celui qui baptise », mais : « De celui qui baptise saintement » ; si donc « c'est d'après la conscience de celui qui baptise saintement que l'on voit si le sujet peut être purifié », par qui le néophyte sera-t-il purifié, lorsque, sans le savoir, il s'adresse pour le baptême à un ministre pécheur ?

 

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CHAPITRE XVI. HONTEUX PROCÉDÉS EMPLOYÉS PAR PÉTILIEN.

 

19. Qu'il vienne maintenant, la poitrine haletante et la gorge gonflée, m'accuser de n'être qu'un dialecticien; qu'il cite à la barre du peuple la dialectique elle-même comme n'étant que l'art de mentir, et qu'il déclame contre elle avec tout le vacarme et l'impétuosité d'un tribun. Qu'il jette tout ce qu'il veut à la face du pauvre peuple, pour étourdir les savants et tromper les ignorants. Qu'il me jette, comme un terme de mépris, le titre de rhéteur, à la façon de l'orateur Tertullus qui accusa saint Paul (1) ; qu'il conserve pour lui le titre d'avocat ; qu'il vante ses anciens triomphes dans le barreau, qu'il s'attribue le nom de Paraclet, et qu'il pousse le délire jusqu'à soutenir, non pas qu'il est présentement, mais qu'il a été l'homonyme du Saint-Esprit. Qu'il exagère à son gré les hontes du manichéisme pour se procurer le plaisir de les faire retomber sur moi. Qu'il déroule la suite des fautes commises par des condamnés que je ne connais pas ou que je connais ;

 

1. Act. XI, 1.

 

qu'il n'oublie pas surtout que l'un de mes amis a cru devoir un jour invoquer mon nom pour sa propre défense, ce qui prouve, aux yeux de Pétilien, en vertu de je ne sais quel droit nouveau, que je devais être moi-même le complice des crimes de cet ami. Qu'il lise, en tête de mes lettres, les titres que lui ou les siens ont cru devoir y placer, et qu'il se flatte ensuite d'y trouver matière suffisante à ma condamnation ; qu'il suffise à ses yeux d'avouer que l'on a donné simplement, et comme témoignage d'affection, des eulogies de pain, pour qu'aussitôt, avec un ridicule inouï, il lance l'anathème contre de telles turpitudes, tandis qu'il a de votre coeur des idées assez tristes pour croire qu'il lui est permis de donner à une femme des sortilèges d'amour, et cela aux grands applaudissements de son mari. Qu'il lui plaise d'invoquer contre moi ce que le futur consécrateur de mon épiscopat (1) avait écrit dans un accès de colère, quand je n'étais encore que simple prêtre, tandis qu'il me refuse tout droit d'invoquer en ma faveur le pardon qu'il demanda à tout un saint concile de ce qu'il avait fait contre moi ; c'est là de sa part toute la preuve qu'il puisse nous donner de sa mansuétude chrétienne ; c'est à ce point qu'il ignore ou qu'il oublie le précepte de l'Evangile, jusqu'à faire un crime à quelqu'un d'avoir pardonné généreusement tel ou tel de ses frères qui implorait humblement sa grâce.

 

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CHAPITRE XVII. MÊME SUJET.

 

20. Qu'il continue ses déclamations aussi nombreuses que futiles sur des matières qu'il ignore entièrement, ou sur lesquelles il abuse indignement de l'ignorance du plus grand nombre. S'appuyant sur la confession de je ne sais quelle femme, qui se disait catéchumène des Manichéens, et qui avait été religieuse dans l'Eglise catholique, qu'il dise, qu'il écrive tout ce qui peut lui plaire sur le baptême de ces Manichéens, ne sachant pas ou feignant d'ignorer que l'on peut porter le nom de catéchumène parmi les Manichéens, sans avoir pour cela aucun droit au saint baptême. En effet, ne donnent-ils pas le nom de catéchumènes, et même d'auditeurs à ceux qui ne peuvent observer ces préceptes plus élevés et plus par

 

1. Mégallus de Calame.

 

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parfaits qui forment le privilège spécial de ceux qu'ils honorent du titre d'élus? Sans m'arrêter pour savoir s'il est trompeur ou trompé, qu'il donne un libre cours à cette étonnante témérité q ui voudrait me faire passer pour un prêtre manichéen. Quant aux paroles du troisième livre de mes confessions, paroles si claires par elles-mêmes et d'une intelligence si facile aux lecteurs, je lui donne toute liberté de les interpréter à sa fantaisie.Enfin, qu'il m'accuse de piller ses paroles, parce qu'il m'est arrivé de retrancher deux mots de sa lettre, comme si vraiment la réintégration de ces deux mots devait lui assurer une victoire éclatante.

 

 

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CHAPITRE XVIII. LES INJURES NE SONT PAS UNE RÉPONSE.

 

21. Dans toutes ces circonstances, comme vous avez pu vous en convaincre par la simple lecture; il a laissé sa langue obéir aveuglément à l'impétuosité de son ambition; toutefois jamais il ne nous a dit par qui la conscience du néophyte peut être purifiée, lorsque, pour le baptême, il s'est adressé sans le savoir à un ministre pécheur. Pour moi, pendant et après ce grand tumulte, après ce terrible fracas de paroles, donnant à ma voix l'accent le plus lent et le plus doux, je lui demande de nouveau si c'est d'après la conscience de celui qui baptise saintement que l'on voit si le sujet peut être purifié, qu'il veuille bien nous dire par qui le néophyte sera purifié lorsqu'il s'est adressé, sans le savoir, à un ministre pécheur ? Dans toute sa lettre je ne trouve pas un seul mot de réponse à cette question.

 

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CHAPITRE XIX. QUESTION PRINCIPALE DANS TOUTE CETTE DISCUSSION.

 

22. Quelqu'un d'entre vous me dira peut-être : Dans toutes ces accusations qu'il lançait contre vous, Pétilien voulait vous couvrir de mépris, vous et ceux avec qui vous êtes en communion, afin que désormais vous perdiez tout ascendant auprès de ces derniers et auprès de tous ceux que vous tenteriez de ramener à votre communion. D'ailleurs, puisqu'il a cité les paroles de votre lettre, ne doit-on pas se demander s'il n'a pas alors répondu à votre question ? — Livrons-nous donc à cet examen, et voyons ce qu'il a pu écrire sur le passage discuté. Je passe sous silence le prélude dans lequel je voulais préparer l'esprit, du lecteur, sans citer les paroles plutôt injurieuses que sensées écrites tout d'abord par Pétilien ; voici comme je m'exprimais : « Il soutient que c'est d'après la conscience de celui qui baptise que l'on peut juger si la conscience du sujet a été purifiée. Qu'arriverait-il donc si la conscience du ministre restait cachée, et que par hasard elle fût souillée ? Comment alors le ministre pourrait-il purifier la conscience du sujet, si, comme l'affirme Pétilien, c'est d'après la conscience du ministre que l'on doit.juger de la purification du sujet? S'il disait que le sujet n'a pas à répondre des fautes secrètes du ministre, cette ignorance suffirait pour que la conscience du sujet ne fût pas souillée par les crimes du ministre. Pour le moment donc, qu'il nous suffise de savoir que le sujet ne saurait être souillé par les crimes du ministre, lorsque ces crimes lui sont entièrement inconnus ; mais enfin, cette conscience coupable peut-elle purifier ? Par qui donc le néophyte sera-t-il purifié lorsque, pour le baptême, il s'adresse sans le savoir à un ministre secrètement pécheur ? Je suis d'autant plus indécis sur ce point, que Pétilien n'a pas craint de dire: « Celui qui demande la foi à un homme perfide, ce n'est point la foi qu'il reçoit, mais une véritable culpabilité (1) ».

 

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CHAPITRE XX. PÉTILIEN RESTE SANS RÉPONDRE.

 

23. Pétilien a cité toutes ces paroles de ma lettre en promettant de les réfuter ; voyons s'il l'a fait, voyons -s'il a répondu. Tout d'abord je, m'empresse d'ajouter les deux mots qu'il m'accuse d'avoir retranchés: cette répétition, du reste, ne peut qu'abréger la discussion et la rendre de beaucoup plus facile. « Si c'est la conscience de celui qui administre saintement qui purifie la conscience du sujet »; et: « Si celui qui demande sciemment la foi à un ministre perfide en reçoit, non point la foi, mais une véritable culpabilité », qu'on nous dise ce qui purifie la conscience du sujet, lorsque ce dernier ignore les souillures de la conscience du

 

1. Ci-dessus, livre I, ch. I, n. 2, 3.

 

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ministre, ou que, sans le savoir, il demande la foi à un perfide? Je le demande de nouveau, d'où peut donc lui venir sa purification? Que Pétilien nous donne une réponse catégorique, sans s'écarter d'un côté ou de l'autre, et sans prétendre illusionner les simples. Après ces longs détours et ces nombreuses équivoques, au sein desquels il voulait nous égarer, qu'il nous dise enfin ce qui purifie la conscience du sujet, lorsque les souillures des ministres sont absolument secrètes, si « c'est par la conscience de celui qui administre saintement, que le sujet reçoit la purification, et si celui qui demande la foi à un ministre perfide reçoit de lui non point la foi, mais une véritable culpabilité ». En effet, malgré son ignorance, c'est bien à un homme perfide qu'il s'adresse, à un ministre qui, loin d'être saint, a la conscience souillée de crimes secrets; d'où peut-il donc tirer sa purification ? d'où peut-il recevoir la foi ? S'il n'y a ni purification ni réception de la foi, lorsque le ministre est un pécheur occulte ; pourquoi ne pas réitérer le baptême pour conférer la purification et la foi, dès que la conviction se trouve établie sur la culpabilité du ministre primitif ? Mais si, malgré la perfidie et la culpabilité de ce ministre, il y a purification et réception de la foi, de qui donc peut venir cette purification, de qui cette foi, lorsque d'ailleurs le ministre ne peut présenter cette sainteté de conscience, seule capable, selon lui, de produire la purification du sujet? Qu'il nous dise d'où viennent au sujet la purification et la foi, « si c'est la conscience du « saint ministre qui purifie la conscience du sujet » ; or, cela peut-il avoir lieu lorsque le ministre est souillé et perfide? Toutes ces questions sont restées absolument sans réponse.

 

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CHAPITRE XXI. PÉTILIEN SE JETTE DANS LES DIGRESSIONS LES PLUS ÉTRANGES.

 

24. Etreint de tous côtés par les difficultés de la cause qu'il défend, il tente contre moi un nébuleux et inutile effort, afin de couvrir de nuages le ciel pur de la vérité. En proie à la disette la plus profonde, il devient tout à coup riche, non pas en ce sens qu'il dise la vérité, mais parce que les outrages abondent sous sa plume sans qu'il ait besoin de les acheter. Mais ayez toujours devant les veux la question à laquelle il doit répondre en nous disant par qui la conscience du sujet peut être purifiée, lorsque celle du ministre est souillée secrètement; prenez garde que la tempête qu'il soulève m'arrache de vos mains cette question ; prenez garde de vous laisser emporter vous-mêmes par la violence et l'obscurité de l'orage provoqué par ses paroles, de telle sorte que vous en arriviez à ignorer entièrement toute issue pour sortir ou toute porte pour rentrer. Contemplez cet homme errant à l'aventure, parce qu'il ne peut se fixer au sujet qu'il avait entrepris de traiter. Entendez quel flux de paroles, au moment même où il n'a rien à dire. Il m'accuse « de tomber dans le piège et d'y rester; il me reproche de ne vouloir ni détruire, ni confirmer les   objections qu'il oppose ; de prendre l'incertain pour le certain, de ne pas permettre aux lecteurs de croire ce qui est vrai, et d'être cause que les mystères les plus profonds se trouvent de plus en plus ébranlés par des doutes et des soupçons de toute sorte ». Il m'accuse « d'avoir le génie damnable de l'académicien Carnéade». Il essaie même de nous rappeler les diverses opinions des Académiciens sur la fausseté des jugements du sens humain; et, sur ce point encore, il ignore absolument ce dont il parle, Il affirme que ces philosophes « assurent que la neige est noire quand elle est blanche; que l'argent est noir, qu'une tour paraît ronde ou cylindrique tandis qu'elle est carrée, qu'une rame est brisée dans l'eau tan« dis qu'elle est parfaitement droite ». Et ce qui provoque de sa part toutes ces excentricités, c'est parce qu'il a dit : « C'est d'après la conscience de celui qui administre sainte« ment que l'on peut juger de la purification du sujet » ; tandis que moi, je lui pose cette question : « Qu'adviendra-t-il, si la conscience du ministre se trouve souillée et entourée du secret le plus absolu ? » Telle est cette neige noire, cet argent noir, cette tour carrée paraissant ronde, cette rame droite et paraissant brisée dans l'eau ! En effet, n'ai-je pas dit une chose que l'on pourrait croire, et qui cependant pourrait ne pas être ; c'est que la conscience d'un ministre soit souillée et inconnue du sujet?

25. Et lui de s'écrier aussitôt : « Des si, des peut-être, qu'est-ce que cela? sinon cette hésitation incertaine et inconstante de tout (290) homme qui doute et dont votre poète a dit : Et si je reviens maintenant à ceux qui disent : Quoi donc, si le ciel tombait (1) ? » Ainsi donc, en disant : « Qu'arriverait-il, si la conscience du ministre n'était pas connue et qu'elle fût souillée ? » c'est absolument comme si j'avais dit: « Qu'arriverait-il, si le ciel tombait ? » Ne peut-il pas arriver que cette conscience soit inconnue, ou qu'elle soit dévoilée; quand le sujet du sacrement ignore les pensées ou les désirs d e cette conscience, n'est-elle pas absolument inconnue ? mais quand son péché est connu, la conscience elle-même n'est-elle point dévoilée ? Je me suis servi de ces expressions : « Et si peut-être elle était souillée », car il peut arriver qu'une conscience soit en même temps inconnue et pure, comme aussi il peut se faire qu'elle soit inconnue et souillée. De là ces expressions : « Qu'arriverait-il si, peut-être ? » Est-ce que cela revient à dire : « Qu'arriverait-il, si le ciel tombait? » Combien de fois des ministres n'ont-ils pas été contraints d'avouer que leur conscience était criminellement souillée, au moment même où ils conféraient le baptême à des néophytes de bonne foi? Plus tard, leurs crimes se dévoilèrent, ces indignes ministres furent dégradés, et cependant le ciel ne tomba pas! Que viennent faire ici Pilus et Furius, qui prirent parti pour l'injustice contre la justice ? Que fait ici l'athée Diagoras, qui nia l'existence de Dieu et accomplit ainsi dans sa personne cette parole du Prophète : « L'insensé a dit dans son coeur: « Il n'y a point de Dieu (2) » Que font ici tous ces personnages? Si Pétilien les nomme, n'estce point pour qu'ils interviennent en faveur d'un malheureux qui n'a rien à dire? En parlant sans aucun motif de ces personnages, il voudrait nous faire croire qu'il discute la question principale et qu'il a répondu, quand absolument il n'a donné aucune réponse.

 

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CHAPITRE XXII. CHICANES DE MOTS SOULEVÉES PAR PÉTILIEN.

 

26. Enfin, si ces quelques paroles : « Qu'arriverait-il si, peut-être », sont tellement intolérables, que, pour elles, il fallût réveiller de leur sommeil les Académiciens, et Carnéade, et Pilus, et Furius, et Diagoras; qu'il fallût invoquer la neige noire, la chute. du ciel et beaucoup d'autres absurdités

 

1. Térence, Heaut, act. 4, scène 3, v. 41. — 2. Ps. XII, 1.

 

semblables ; il est bien plus simple et plus facile de les effacer entièrement. Ne croyez pas, en effet, que ces paroles nous soient absolument indispensables pour formuler notre pensée. Il suffit pour cela de cette petite phrase relevée dans ma lettre par Pétilien lui-même « Par qui le néophyte peut-il être purifié, lorsque, sans le savoir, il demande le baptême à un ministre dont la conscience est souillée (1) ? » Il n'y a là ni si, ni peut-être. Qui peut donc l'empêcher de répondre ? Voyons si, dans les paroles suivantes, nous pourrions trouver cette réponse : « Malgré vos hésitations », dit-il, «je vous mets dans l'absolue nécessité de croire et dans l'impossibilité de vous échapper. Pourquoi recourir à de sots arguments pour jeter votre vie dans l'erreur? Pourquoi troubler la raison de la foi en lui opposant des choses déraisonnables? Ce seul mot me suffit pour vous enchaîner et vous convaincre». Ces paroles ne sont pas de moi, mais de Pétilien ; elles sont empruntées à sa lettre, à celle-là même à laquelle il m'accuse d'avoir retranché deux mots; j'ai replacé immédiatement ces deux mots, et ma proposition n'en est devenue que plus claire et plus facile, sauf à rester sans réponse. Voici ces deux mots : Saintement et sciemment; il s'agit donc de la conscience de celui qui administre saintement, et de celui non pas qui demande, mais qui demande sciemment la foi à un perfide. Assurément je n'avais pas retranché ces deux mots, car l'exemplaire que j'avais reçu ne les portait pas. Il est possible que cet exemplaire ait été altéré, mais, surtout, je ne serais pas étonné qu'à l'occasion de ce mot : exemplaire altéré, il soulevât contre moi les susceptibilités de l'Académie et prétendît qu'exemplaire altéré et neige noire sont à peu près des expressions synonymes. Ne pourrais-je pas lui répliquer à mon tour que ce n'est que par la suite qu'il a introduit ces deux mots dans son texte, afin de laisser croire que je les avais retranchés? Est-ce que, sans aucune intervention criminelle de ma part, ce manuscrit ne pouvait pas subir une aussi légère altération?

 

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CHAPITRE XXIII. NOUS NE DEMANDONS A PÉTILIEN QU'UNE SEULE RÉPONSE.

 

27. Et d'abord, lors même qu'il s'agirait

 

1. Ci-dessus, livre I, chap. II, n. 3.

 

291

 

d'un ministre qui confère saintement le baptême, j'aurais encore le droit de poser cette question qui le jette dans une cruelle perplexité; je pourrais lui dire: Si « c'est d'après la conscience de celui qui donne, ou de celui qui donne saintement, que l'on peut juger de la purification conférée au sujet », par qui donc le néophyte sera-t-il purifié, lorsque, sans le savoir, il s'adresse pour le baptême à un ministre pécheur? Quant à cette expression : « sciemment », qu'il veut ajouter au second texte, de manière que ces paroles: « Celui qui a demandé la foi à un ministre perfide », soient l'équivalent de celles-ci : « Celui qui sciemment a demandé la foi à un ministre perfide, ce n'est point la foi qu'il reçoit, mais une véritable culpabilité »; j'avoue que si je n'avais pas cru à l'absence de cette expression dans le texte, je me serais abstenu de certaines observations, qui, par le fait de cette parole, deviennent inutiles et auxquelles je renonce volontiers, car au lieu de m'aider elles entravaient plutôt le cours de l'évidence de mes raisonnements. Maintenant, libre de toute entrave, je pose cette simple et courte question : « Si c'est d'après la conscience de celui qui donne saintement que l'on peut juger de la purification conférée au sujet », et « si l'on reçoit non point la foi, mais une véritable culpabilité lorsque l'on demande là foi à un ministre perfide », par qui donc peut être purifié celui qui s'adresse à un ministre dont les souillures de la conscience lui sont inconnues; et de qui reçoit la véritable foi celui qui sans le savoir est baptisé par un ministre perfide ? Qu'il nous le dise, et la réponse à cette question éclaircira toutes les difficultés qu'il soulève à l'occasion du baptême ; qu'il nous le dise enfin, au lieu de consumer son temps à inventer contre nous toute sorte de calomnies.

 

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CHAPITRE XXIV. PÉTILIEN ME JUSTIFIE EN CROYANT ME CONDAMNER.

 

28. Soit donc qu'il me calomnie en m'accusant d'avoir retranché ces deux mots, soit qu'il triomphe de leur addition dans son texte, vous comprenez qu'il me reste toujours le droit évident de lui poser ma question. Ne sachant pas comment y répondre, et ne pouvant se renfermer dans son silence, il se jette avec acharnement contre ma propre personne; supposé donc qu'il eût véritablement embrassé là cause qui nous occupe, je dirais encore qu'en parlant de ma personne il néglige son sujet. Comme s'il s'agissait de moi, et non pas de la vérité de l'Eglise ou du baptême, il soutient « que j'ai établi mon argumentation sur la disparition de ces deux mots, comme si le seul moyen de tranquilliser ma conscience était l’ignorance même où j'étais des crimes de celui qui m'a souillé en me baptisant». S'il en était ainsi, l'addition du mot « sciemment » me procurerait un avantage que je ne trouvais pas dans sa disparition. En effet, si pour me défendre il me suffisait d'alléguer que la conscience du ministre de mon baptême m'était inconnue, je regarderais Pétilien comme mon meilleur avocat, car il ne dit pas: « Celui qui demandé la foi à un ministre perfide », mais : « Celui qui sciemment demande la foi à un ministre perfide, ce n'est pas la foi qu'il reçoit, mais une véritable culpabilité ». Il suivrait de là que j'ai dû recevoir non point la culpabilité, mais la foi, puisque je dirais : En demandant la foi à un ministre perfide je ne l'ai pas fait sciemment, car j'ignorais entièrement que sa conscience fût souillée. Voyez donc et comptez, si vous le pouvez, toutes les superfluités qu'il entasse autour de ce seul mot : « Je ne savais pas », mot qu'il voudrait me prêter, quand il est certain que je ne l'ai pas prononcé. Et pourquoi donc l'aurais-je dit, ce mot, puisqu'il ne s'agissait nullement de ma personne; et puisque rien n'indiquait extérieurement que celui qui m'a baptisé fût coupable, et par conséquent, je n'avais nul besoin, pour ma défense, de soutenir que sa conscience m'était absolument inconnue ?

 

 

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CHAPITRE XXV. CALOMNIES DONT PÉTILIEN SE FAIT L'INVENTEUR OU L'INTERPRÈTE.

 

29. Toutefois, pour se dispenser de répondre à ce que j'ai dit, Pétilien me prête des paroles que je n'ai pas prononcées; il se livre à des digressions de tout genre pour amuser ses lecteurs et leur faire oublier la question à laquelle ils pourraient le sommer de répondre. Sans cesse, il m'apostrophe en ces termes : « J'ai ignoré, dites-vous » ; il ne manque pas de répondre aussitôt : « Mais si vous ignoriez»; (292) et en même temps il veut me prouver que je n'avais pas le droit de dire : « J'ignorais ». Il cite Mensurius, Cécilianus, Macarius, Taurinus, Romanus, prétendant qu'ils ont commis contre l'Eglise des crimes que je ne puis ignorer, puisque je suis Africain et que je touche à la vieillesse. Or, j'apprends que Mensurius est mort dans l'unité catholique avant la formation de la secte des Donatistes. Quant à Cécilianus, traduit par eux au tribunal de Constantin, et jugé par des évêques délégués à cet effet par le même empereur, j'ai lu ce procès et j'ai trouvé qu'après une première et une seconde instance, Cécilianus a toujours entendu proclamer son innocence. Quant à Macarius, Taurinus et Romanus, tous les moyens judiciaires ou exécutifs employés par eux en faveur de l'unité et contre la fureur des Donatistes, ont toujours été parfaitement conformes à la teneur des lois, tandis que ces mêmes lois se sont retournées contre les Donatistes dans toutes les instances provoquées par eux au tribunal de l'empereur contre Cécilianus.

30. Parmi les futilités qu'il émet relativement à la cause qui nous occupe, nous trouvons celle-ci, d'après laquelle «j'aurais été frappé par sentence du proconsul Messianus et obligé de m'exiler de l'Afrique ». Cette calomnie qu'il a inventée lui-même ou qu'il a criminellement acceptée des lèvres de quelque autre inventeur malveillant, lui a fourni matière à une multitude d'autres mensonges qu'il a eu la témérité de débiter et d'écrire. Au contraire, je fus présenté à Milan au consul Bauton; et, en ma qualité de professeur d'éloquence, je lus en face d'une immense assemblée un discours que j'avais composé à la louange de ce consul, à l'occasion des calendes de.janvier. Après la mort du tyran Maxime, je terminai mon voyage et revins en Afrique. Or, ce n'est qu'après le consulat de Bauton, que le proconsul Messianus prêta l'oreille aux plaintes des Manichéens, comme le prouve la date même des Actes, mentionnée par Pétilien lui-même. S'il était besoin de dissiper les doutes ou l'opposition que ces faits peuvent laisser dans certains esprits, je pourrais invoquer le témoignage des hommes les plus distingués, contemporains de cette époque de ma vie.

 

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CHAPITRE XXVI. DANS L'IGNORANCE DE LA CULPABILITÉ DES MINISTRES LES SUJETS SONT-ILS INNOCENTS?

 

31. Mais pourquoi nous arrêter à ces futilités qui ne peuvent de part et d'autre que suspendre la solution de la cause débattue? Est-ce par ces discussions personnelles que nous apprendrons de qui le néophyte peut recevoir la purification de sa conscience, lorsqu'il ignore les crimes du ministre auquel il s'adresse; ou de qui il recevra la foi, lorsque, sans le savoir, il s'adresse à un ministre perfide? En s'engageant dans la réfutation de ma lettre, c'est bien là le sujet que Pétilien se proposait de traiter; pourquoi donc s'occupet-il de tout autre chose que de l'objet même de la discussion? Combien de fois ne répète-t-il pas : « Si vous ignoriez. », comme si jamais j'avais dit que j'ignorais l'état de conscience de celui qui m'a baptisé? Ne dirait-on pas que le seul but qu'il se proposait d'atteindre était de me prouver que je connaissais parfaitement les crimes de ceux qui me donnèrent le baptême et à la communion desquels je fus associé? Il comprenait donc fort bien que mon ignorance ne pouvait suffire à me rendre coupable. Ainsi donc, si j'ignorais ces crimes, comme il l'a répété si souvent, n'est-il pas de toute évidence que j'en étais innocent? Mais alors je demande de qui je pouvais recevoir la purification, puisque, ignorant les crimes du ministre, ces crimes ne pouvaient me porter aucun préjudice? De qui pouvais-je recevoir la foi, puisque, sans le savoir, j'étais baptisé par un ministre perfide? Ce n'est certes pas en vain qu'il a répété si souvent: « Si vous ignoriez », à moins qu'il n'eût pas voulu me laisser le droit de me croire innocent; toujours est-il qu'à ses yeux l'innocence n'était nullement compromise pour celui qui, sans le savoir, demandait la foi à un ministre perfide, ou se faisait baptiser par un ministre coupable dont il ignorait la conscience. Qu'il nous dise par qui ces néophytes de bonne foi sont lavés, de qui ils reçoivent la foi et non la culpabilité? Qu'il cesse de nous tromper et qu'il s'exprime clairement; qu'il cesse de tant parler pour ne rien dire, ou plutôt qu'en ne disant rien il parle beaucoup. Enfin, et cette idée qui me saisit tout à coup ne saurait être passée sous silence, si je suis coupable parce que je n'ai (293) pas ignoré, pour me servir de son propre langage; et si je n'ai pas ignoré parce que je suis africain, et déjà touchant la vieillesse; du moins doit-il avouer que les enfants des autres nations de l'univers ne sont pas coupables, puisqu'ils ne sont ni de votre pays ni de votre âge, et qu'ils n'ont pu savoir si les crimes que vous nous opposez ont été véritables ou supposés. Et pourtant si ces enfants tombent un jour en votre puissance, ils doivent s'attendre à être rebaptisés.

 

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CHAPITRE XXVII. INCROYABLE ARROGANCE DONT FAIT PREUVE PÉTILIEN.

 

32. Mais telle n'est point la question agitée. Quoique je sache que Pétilien se jette dans de nombreuses digressions pour se dispenser de répondre, je le somme de nouveau de répondre et de dire par qui est purifié celui qui ignore que la conscience de celui qui confère le sacrement soit souillée, et de qui reçoit la foi le néophyte qui, sans le savoir, est baptisé par un ministre perfide, si « quiconque demande sciemment la foi à un ministre perfide, en reçoit, non point la foi, mais une véritable culpabilité ». Passant donc sous silence les calomnies dont il nous couvre sans raison, redoublons d'attention pour vair si la suite de sa lettre nous offrira la réponse si souvent demandée. Remarquons d'abord avec quelle désinvolture il se propose d'aller et de revenir dans son sujet. « Mais », dit-il, « revenons à ce fantôme d'argument par lequel vous semblez dépeindre à vos propres yeux tout néophyte que vous baptisez. N'est-il pas naturel, en effet, que vous preniez l'image pour la réalité, vous qui ne voyez pas la vérité ? » C'est en ces termes que Pétilien annonce l'examen qu'il va faire de mes paroles. Il ajoute : « Voici », dites-vous, « un ministre perfide; sur le point de conférer le baptême, et le sujet ignore absolu« ment cette perfidie (1) ». Il ne rapporte qu'une partie de ma proposition et de ma question, et bientôt il m'interpelle en ces termes : « Ce sujet dont vous parlez, quel est-il et d'où vient-il ? Pourquoi feignez-vous de voir celui qui n'existe que dans votre imagination, au lieu de voir celui que vous devriez contempler et étudier avec soin? Mais parce qu'il

 

1. Liv. I, ch. II, n. 3.

 

m'est évident que vous ignorez l'ordre du sacrement, il me suffit de vous adresser cette courte parole; vous avez dû étudier celui qui vous a baptisé et être étudié par lui ». Qu'attendions-nous donc? Qu'il nous dit par qui est purifié celui qui ignore la conscience souillée du ministre, et de qui reçoit la foi et non pas la culpabilité celui qui, sans le savoir, reçoit le baptême d'un ministre perfide. Or, voici que nous l'entendons nous dire que le ministre du baptême doit être l'objet de l'examen le plus attentif de la part de celui qui lui demande la foi et non pas la culpabilité; nous l'entendons proclamer qu'il n'y a que la conscience de celui qui donne saintement qui puisse purifier la conscience du sujet. Quant à celui qui n'a pas fait cet examen, et s'est adressé à un ministre dont il ignorait la perfidie, par cela seul qu'il n'a pas examiné et qu'il n'a point connu la culpabilité du ministre, ce n'est point la foi qu'il peut recevoir, mais une véritable souillure. En vérité, je ne vois plus pourquoi il attachait une si grande importance à ce mot « sciemment »; pourquoi surtout il me faisait un crime si énorme de l'avoir retranché de son texte. Il ne voulait pas avoir dit : « Celui qui demande la foi à un ministre perfide, ce n'est point la foi qu'il obtient mais une véritable culpabilité » ; et par là même il laissait une certaine espérance à celui qui était dans l'ignorance. Mais si je lui demande de qui reçoit la foi celui qui, sans le savoir, est baptisé par un ministre perfide, il me répond que ce néophyte devait avant tout s'assurer de l'état de conscience de ce ministre, par conséquent il ne laisse pas même à ce malheureux le bénéfice de l'ignorance; et, pour savoir de quelle source peut lui venir la foi, il exige que le sujet place toute son espérance dans le ministre.

 

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CHAPITRE XXVIII. LE SALUT NE NOUS VIENT QUE DE DIEU.

 

33. C'est là ce que nous abhorrons en vous; c'est là ce que condamne la divine Ecriture, s'écriant en toute vérité : « Maudit soit celui qui place son espérance dans l'homme (1) ! ». Voilà ce que défend ouvertement la sainteté, l'humilité et la charité apostolique, proclamant par l'organe de saint Paul : « Que personne ne se glorifie dans l’homme (2) ». C'est

 

1. Jérém. XVII, 5. — 2. I Cor. III, 21.

 

294

 

ce qui nous attire ce redoublement impie d'outrages atroces et de vaines calomnies, sous le flot desquels on nous reproche de ne tenir aucun compte de l'homme et de détruire l'espérance de ceux à qui nous administrons la parole de Dieu et le sacrement de la régénération, conformément à la mission qui nous a été conférée. Nous répondons à nos adversaires : Jusques à quand vous reposerez-vous sur l'homme? La société catholique leur répond dans toute sa majesté : « Mon âme ne sera-t-elle pas soumise à Dieu? car c'est de lui que j'attends mon salut. Il est mon Dieu et mon protecteur, je ne lui échapperai pas (1) ». Quelle raison les Donatistes ont-ils eue de quitter la maison de Dieu ? N'est-ce point parce qu'ils ont feint de ne pouvoir supporter la présence de ces vases d'ignominie que l'on rencontrera toujours dans la maison du père de famille jusqu'à l'heure du jugement suprême? Et pourtant, si nous en croyons les actes publics et les faits les plus évidents, n'est-ce pas eux surtout qui furent ces vases d'ignominie dont ils voudraient calomnieusement faire retomber la honte sur leurs adversaires? A la vue de ces vases d'ignominie, et pour repousser jusqu'à la simple pensée de sortir de cette grande maison, qui est la seule du père de famille, le serviteur de Dieu, le vrai catholique, et celui qui cherche la foi et la demande sincèrement au baptême, celui-là redit cette parole que j'ai citée plus haut : « Mon âme ne sera-t-elle pas soumise à Dieu » ; « à Dieu », et non pas à l'homme : « Car c'est de lui que me vient le salut », et non pas de l'homme ? Et voici que Pétilien ne veut pas voir en Dieu le seul principe de justification et de purification pour le néophyte qui reçoit le baptême des mains d'un ministre dont il ignore la culpabilité; le seul principe de la foi pour celui qui, sans le savoir, est baptisé par un ministre perfide !  « Je vous adresse », dit-il, « cette courte parole : vous avez dû étudier celui qui vous baptisait et être étudié par lui ».

 

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CHAPITRE XXIX. LES JUIFS INTERROGEANT LE PRÉCURSEUR DANS LE DÉSERT.

 

34. Retenez cette observation, je vous prie je demande de qui vient la purification du

 

1. Ps. LXI, 2,3.

 

sujet, lorsque, sans le savoir, il est baptisé par un ministre coupable, si c'est d'après la conscience de celui qui baptise saintement que l'on peut juger de la justification de celui qui est baptisé. Je demande de qui vient la foi pour celui qui, sans le savoir, est baptisé par un ministre perfide, si quiconque demande sciemment la foi à un ministre perfide, reçoit non point la foi, mais une véritable culpabilité. A cette question Pétilien répond qu'il faut avant tout connaître et celui qui baptise et celui qui est baptisé. Pour prouver cette proposition, qui n'est ici d'aucune utilité, il cite l'exemple de saint Jean devenu l'objet d'une étude approfondie de la part de ces juifs qui lui demandaient ce qu'il disait de sa propre personne (1), tandis que lui-même s'était parfaitement rendu compte des qualités de ses interlocuteurs, puisqu'il les apostrophe en ces termes : « Race de vipères, qui donc vous a appris à fuir la colère future (2)? » Pourquoi cette observation? Quelle en est la portée pour la question que nous discutons? Appliquant au Précurseur une prophétie solennelle, le Seigneur lui avait rendu le témoignage d'une sainteté suréminente, soit au moment de sa conception, soit au moment de sa naissance. Les Juifs savaient déjà de lui qu'il était saint, seulement ils voulaient savoir de lui quel rang il s'attribuait parmi les saints, et s'il ne se croyait pas le Saint des saints, titre sublime qui n'appartient qu'à Jésus-Christ. Telle était la confiance que les Juifs avaient dans la parole de saint Jean, qu'ils croyaient sur-le-champ à la véracité de toutes ses paroles. Si donc cet exemple prouve que l'on doit faire une étude sérieuse de tout ministre du baptême, il prouve également que l'on doit croire ce dernier sur parole. Or, tout hypocrite, dont le Saint-Esprit a horreur (3), ne prétend-il pas que l'on doit avoir de sa personne la meilleure opinion possible, et n'agit-il pas en conséquence ? Quand donc vous lui demanderez ce qu'il est, et qu'il vous aura répondu qu'il est le fidèle dispensateur des mystères de Dieu, et qu'il ne porte dans sa conscience aucune souillure, devrez-vous terminer là votre examen, ou bien chercherez-vous à scruter plus attentivement ses moeurs et sa conduite ? Oui, sans doute ; et pourtant ce n'est pas là ce que firent ces juifs qui étaient venus demander à saint Jean

 

1. Jean, I, 22 — 2. Matt. III, 7. — 3. Sag. I, 5.

 

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dans le désert ce qu'il pensait de sa propre personne.

 

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CHAPITRE XXX. L'HOMME PEUT-IL CONNAÎTRE SES SEMBLABLES ?

 

35. Ce qui précède nous prouve clairement que l'exemple cité n'est absolument d'aucune importance pour le fait qui nous occupe. Mais cet examen demandé par Pétilien ne serait-il pas commandé dans ces paroles de l'Apôtre : « Ils doivent être éprouvés auparavant, puis a admis dans le ministère, s'ils ne se trouvent coupables d'aucun crime (1)? » Cette épreuve se fait avec soin de part et d'autre et par tous ; pourquoi donc, après le cours de cette dispensation ici-bas, se trouve-t-il un si grand nombre de réprouvés ? N'est-ce point parce que l'observateur humain le plus perspicace se trouve souvent en défaut, et parce qu'il n'arrive que trop souvent qu'après avoir été bon, l'homme change et devient mauvais? C'est là un double fait d'expérience qu'il n'est permis ni de révoquer en doute ni d'oublier. Pourquoi donc, joignant l'injure à la calomnie, Pétilien veut-il nous apprendre d'un seul mot que le sujet doit étudier le ministre, quand nous le prions de nous dire de qui vient la purification de la conscience, lorsque les crimes du ministre sont secrets: si c'est d'après la conscience de celui qui administre saintement, que l'on doit juger de la justification du sujet? « Parce que », dit-il, « je comprends que vous ignorez l'ordre du sacrement, je vous dis d'un seul mot que vous avez dû étudier votre ministre et être examiné par lui ». O Dieu, quelle réponse ! Il se voit pressé par cette multitude d'hommes qui, de tous les lieux, ont été baptisés par des ministres jugés d'abord justes et chastes, et plus tard accablés par l'irrésistible conviction de crimes et de désordres; et en vous disant d'un seul mot qu'il faut étudier le ministre, il se flatte d'échapper à la force de cette question par laquelle nous le prions de nous dire de qui vient la purification de la conscience, lorsqu'on ignore la culpabilité du ministre, si c'est d'après la conscience de celui qui administre saintement que l'on doit juger de la justification du sujet. Est-il un malheur plus grand que celui de ne pas accepter la vérité quand on en est tellement circonvenu qu'il est impossible de s'échapper?

 

1. I Tim. III, 10.

 

Nous demandons de qui vient la foi à celui qui, sans le savoir, est baptisé par un ministre perfide. Il répond : « On doit étudier le ministre du baptême ». Donc, puisque, sans aucune étude préalable, tel néophyte a, sans le savoir, demandé la foi à un ministre perfide, ce n'est pas la foi qu'il a reçue, mais une véritable culpabilité. Pourquoi dès lors ne pas réitérer le baptême à ceux dont on peut prouver qu'ils ont été baptisés par des ministres dont la culpabilité n'était pas alors connue, mais qui plus tard furent convaincus de crimes et de désordres ?

 

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CHAPITRE XXXI. LES MINISTRES PERFIDES SONT NOMBREUX.

 

36. « Qu'est devenue », dit-il, « l'addition que j'ai faite du mot sciemment ; car je n'ai pas dit : Celui qui demande la foi à un ministre perfide; mais: Celui qui sciemment demande la foi à un ministre perfide, ce n'est point la foi qu'il obtient, mais une véritable culpabilité ? » Par conséquent celui qui, sans le savoir, demande la foi à un ministre perfide, c'est bien la foi qu'il obtient et non pas la culpabilité ; et alors je demande d'où lui vient cette foi. Dans son embarras, Pétilien me répond : « Il a dû étudier le ministre ». Soit, il a dû le faire ; mais il ne l'a pas fait, ou il n'a pu le faire ; quel est donc son sort? A-t-il été purifié, oui ou non ? S'il l'a été, je demande d'où lui est venue cette purification ? Ce n'est assurément pas de la conscience souillée du ministre, dont pourtant il ignorait les crimes. Et s'il n'a pas été purifié, ordonnez donc qu'il le soit. Vous ne l'ordonnez pas ; donc il a été purifié. Seulement dites-nous d'où lui est venue cette purification. Dites-le-nous vous-mêmes, car pour lui il ne saurait le dire. Je propose une hypothèse à laquelle Pétilien ne saurait répondre : « Tel ministre du baptême est perfide ; mais le sujet ignore cette perfidie; que recevra-t-il donc? est-ce la foi, est-ce la culpabilité (1)? » Cette hypothèse nous suffit pour le moment ; répondez donc ou cherchez ce que lui-même pourra répondre. Pour toute réponse vous trouverez sur ses lèvres des injures et des calomnies. Avec l'accent d'un profond mépris il me reproche de n'avoir à lui a proposer que des a hypothèses, parce que je ne vois pas la

 

1. Ci-dessus, liv. I, ch. II, n. 2.

 

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vérité ». Reprenant donc mes paroles et retranchant la moitié de ma proposition, il ajoute: « Vous dites : Tel ministre du baptême est perfide, mais le sujet ignore cette perfidie ». Il continue : « Quel est-il donc et d'où vient-il ? » Ne dirait-on pas que de tels ministres il n'en est qu'un ou deux, tandis qu'il s'en trouve partout? Pourquoi me demander quel est ce ministre et d'où il vient? Qu'il regarde et il verra qu'il est fort peu d'Eglises, soit dans les villes, soit dans les campagnes, qui ne renferment des clercs convaincus de crimes et dégradés. Lorsqu'ils étaient inconnus, lorsqu'ils voulaient se faire passer pour bons quoiqu'ils fussent mauvais, pour chastes quoiqu'ils fussent adultères, n'étaient-ils pas des hypocrites pour lesquels l'Esprit-Saint ressentait une horreur profonde, selon la parole de l'Ecriture ? Eh bien ! le ministre perfide que je propose est sorti de la foule de ces hypocrites ; pourquoi donc me demander encore d'où il est sorti, pourquoi fermer les yeux sur cette foule si nombreuse, dont le bruit, soulevé uniquement par ceux qui ont pu être convaincus de crimes et déposés, suffirait seul pour faire sortir ces aveugles de leur illusion ?

 

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CHAPITRE XXXII. QUE PEUT-ON RECEVOIR D'UN MINISTRE INDIGNE?

 

37. Que signifient ces autres paroles que nous lisons dans sa lettre : « Quodvultdeus, convaincu parmi vous de deux adultères et déposé en conséquence, a-t-il été reçu parmi nous ? » Sans préjuger aucunement la cause de ce ministre, qui a pu se justifier ou faire croire à son innocence, je me contente de vous demander si c'est la foi ou la culpabilité que l'on reçoit de ceux de vos ministres dont l'indignité réelle n'est pas encore juridique? Ils ne donnent pas la foi, puisqu'ils n'ont pas cette conscience pure, seule capable de justifier le sujet. Ce n'est pas non plus la culpabilité, comme le prouve le mot que vous avez ajouté à votre texte : « Celui qui sciemment demande la foi à un ministre perfide, obtient, non pas la foi, mais une véritable culpabilité ». Or, en demandant le baptême à de tels ministres, les néophytes ne connaissaient pas l'état de leur conscience. Par conséquent, ils n'ont pu recevoir de ces ministres ni la foi, puisque ces ministres étaient indignes, ni la culpabilité,  puisqu'ils étaient dans l'ignorance; et dès lors ils sont restés sans foi et sans culpabilité. Ils ne sont donc pas du nombre de ces criminels. Mais ils ne sont pas non plus du nombre des fidèles, car s'ils n'ont pas reçu la culpabilité, ils n'ont pas non plus reçu la foi. Or, nous voyons que vous mettez au nombre des fidèles tous ceux qui ont été baptisés dans ces conditions, et personne de vous ne songe à invalider le baptême qu'ils ont reçu, vous le ratifiez sans hésitation. Ils ont donc reçu la foi, et pourtant ils n'ont pu la recevoir de ceux dont la conscience souillée ne pouvait purifier la conscience des sujets. De qui enfin cette foi leur est-elle venue? Telle est la question que je ne cesse de vous poser, en vous suppliant de nous donner la réponse.

 

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CHAPITRE XXXIII. QUELQUES PASSAGES CITÉS PAR PÉTILIEN.

 

38. Maintenant voyez Pétilien ; pour se dispenser de nous répondre, ou pour qu'on ne s'aperçoive pas que toute réponse lui est impossible, il donne libre cours à ses calomnies contre nous, multipliant les accusations, mais ne les appuyant d'aucune preuve. Si parfois il lui arrive de protester énergiquement en faveur de sa cause, il est promptement et facilement vaincu. Du moins je constate qu'il ne répond pas un seul mot à cette question que je lui adresse : « Si c'est d'après la conscience de celui qui administre saintement que l'on peut juger de la purification du sujet, par qui donc peut être purifié celui qui, sans le savoir, demande le baptême à un ministre coupable? » En citant lui-même ces paroles de ma lettre, il prouve que je l'interroge et qu'il ne répond rien. Après avoir formulé ses propositions, telles que je les ai rapportées en prouvant qu'il laissait ma question sans réponse, se sentant pris tout à coup de cruelles angoisses, il s'écrie que le ministre doit être étudié par le sujet, et le sujet par le ministre. Puis, supposant qu'il n'aurait que des auditeurs irréfléchis et ignorants, il essaie de trouver la preuve de sa thèse dans l'exemple du Précurseur. Il ajoute d'autres passages de la sainte Ecriture, sans rapport aucun avec la question débattue. Il cite cette parole de l'eunuque à saint Philippe : « Voici de l'eau; qui empêche que je sois baptisé (1) ? Car », dit-il,

 

1. Act. VIII, 36.

 

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« l'eunuque savait que les hommes perdus sont exclus du baptême ». Il fait remarquer que l'Apôtre ne se refusa point à le baptiser, car le passage lu par cet étranger prouvait qu'il croyait en Jésus-Christ; mais qu'il nous dise donc si le baptême a été refusé à Simon le Magicien? Il nous rappelle aussi que les Prophètes ont craint d'être trompés par un faux baptême ; de là ces paroles de Jérémie : « Eau menteuse, à laquelle on ne saurait donner sa confiance (1) » ; il voulait conclure de ces paroles que dans les rangs des ministres perfides l'eau est menteuse. Or, dans ce texte, Jérémie, et non pas Isaïe, parle des hommes menteurs, qu'il désigne, en termes figurés, par la comparaison de l'eau, comparaison reproduite également dans l'Apocalypse (2). David avait dit également : « L'huile du pécheur ne oindra pas ma tête » ; mais ces paroles s'appliquaient à ces flatteuses adulations qui remplissent d'orgueil la tête de celui qui laisse son orgueil se prendre à ces louanges ridicules. Tel est le sens naturel de ces paroles, tel qu'il est clairement indiqué par le contexte du psaume. En effet, voici ce que nous y lisons : « Le juste me reprendra dans sa miséricorde et me condamnera; quant à l'huile du pécheur, elle ne oindra pas ma tête (3) ». Peut-on demander plus de clarté, plus d'évidence? L'auteur demande que le juste le guérisse miséricordieusement de ses fautes en les lui reprochant avec sévérité, plutôt que de se laisser enfler d'orgueil par les onctueuses flatteries de l'adulateur.

 

 

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CHAPITRE XXXIV. QUEL QU'EN SOIT LE MINISTRE, LE BAPTÊME EST TOUJOURS LE BAPTÊME DE JÉSUS-CHRIST.

 

39. Pétilien nous rappelle l'avertissement donné par l'apôtre saint Jean de- ne pas croire à tout esprit, mais d'éprouver si les esprits sont de Dieu (4). Cette remarque a pour but évident de nous amener à séparer avant le temps le froment d'avec la paille, plutôt que de prévenir le froment de ne point se laisser tromper par la paille. Il faudrait conclure également que s'il arrivait à un esprit menteur de dire la vérité, on ne devrait pas croire à sa parole, parce que c'est la parole d'un esprit qui ne mérite que la réprobation. Une telle conclusion n'est assurément qu'une absurdité,

 

1. Jérém. XV, 18. — 2. Apoc. XVII,15. — 3. Ps. CXL, 5. — 4. I Jean, IV, 1.

 

car autrement il faudrait dire que saint Pierre a eu tort de s'écrier : « Vous êtes le Christ, Fils du Dieu vivant (1) », puisque cette profession de foi avait été précédemment formulée par les démons eux-mêmes (2). Or, comme le baptême de Jésus-Christ, administré par un juste ou par un pécheur, est toujours le baptême de Jésus-Christ, tout homme bon et fidèle doit éviter l'iniquité partout où il la rencontre, mais il ne doit pas condamner les sacrements de Dieu.

40. Dans tous ces textes précédemment cités, Pétilien, après avoir affirmé que c'est d'après la conscience de celui qui administre que l'on peut juger de la purification du sujet, se garde bien de nous dire par qui est purifié tout néophyte qui, sans le savoir, s'adresse, pour le baptême, à un ministre dont la conscience est souillée. L'un de ses collègues, évêque de Thubursicubure et nommé Cyprien, surpris avec une femme de mauvaise vie dans un lieu de prostitution, fut cité devant Primianus de Carthage et solennellement condamné. Avant d'être signalé et dégradé, cet indigne ministre baptisait et n'avait certes pas cette conscience d'un saint ministre, d'après laquelle seule on peut juger de la purification du sujet. Aujourd'hui la sentence est prononcée, et pourtant vous ne réitérez pas le baptême à tous ceux qu'il avait baptisés; de qui donc a pu leur venir la purification? Je n'aurais pas cru nécessaire de citer des noms propres, si Pétilien ne me demandait pas de nouveau : « Quel est cet indigne ministre et de quels rangs est-il sorti? » Pourquoi vos partisans n'ont-ils pas examiné ce ministre du baptême, comme le Précurseur l'aurait été parles Juifs, à en croire Pétilien? Ou bien l'ont-ils examiné comme il est possible à des hommes de connaître l'un de leurs frères, mais sans pouvoir lever le voile sous lequel il sut se cacher pendant longtemps?

 

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CHAPITRE XXXV. MÊME SUJET.

 

L'eau versée par cet évêque n'était-elle pas une eau menteuse, et l'huile d'un fornicateur ne peut-elle pas être regardée comme une huile de pécheur? Ou bien seriez-vous contraints de dire avec l'Église catholique et avec la vérité, que l'eau et l'huile sont l'eau et

 

1. Matt. XVI, 16. — 2. Id. VIII, 29; Marc, I, 24; Luc, VIII, 28.

 

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l'huile, non pas de celui qui confère le sacrement, mais de Celui au nom de qui ce sacrement est conféré? Pourquoi donc ceux qui recevaient le baptême des mains de ce ministre n'éprouvaient-ils pas l'esprit pour savoir s'il venait de Dieu ? L'Esprit-Saint fuyait-il l'hypocrisie dans la discipline (1)? Ou bien fuyait-il cet évêque, sans fuir cependant les sacrements qu'il administrait? Enfin, puisque vous ne jugez pas à propos de réitérer le baptême à ceux qui furent baptisés par cet évêque, vous jugez donc qu'ils ont été purifiés; et dès lors, perçant tous les nuages amoncelés sur cette question, voyez si, dans un seul passage de ses écrits, Pétilien, toujours appuyé sur ce principe que la conscience du ministre est la règle d'après laquelle on doit juger de la purification du sujet, répond à la question par laquelle nous le sommons de nous dire par qui sont purifiés tous ceux qui, sans le savoir, sont baptisés par des ministres coupables.

41. Au lieu de répondre à cette question tant de fois répétée, Pétilien prend tout à coup les grandes allures du langage et s'écrie « Les Prophètes et l'Apôtre ont toujours craint tout contact avec les pécheurs; de quel front osez-vous dire que pour ceux qui ont la foi véritable le baptême d'un pécheur reste saint et efficace ? » Ou moi ou tout autre catholique avons-nous jamais dit du baptême conféré ou reçu par un pécheur, qu'il est le baptême du pécheur? N'affirmons-nous pas, au contraire, qu'il est toujours et partout le sacrement de Celui au nom duquel il est conféré ? Notre adversaire s'attaque alors au traître Judas, décharge contre lui toute sa fureur et rassemble tous les témoignages prophétiques de tout temps fulminés contre lui. Ne dirait-on pas que l'impiété du traître Judas est pour lui un glaive invincible avec lequel il va frapper à mort cette Eglise de Jésus-Christ répandue sur toute la terre et qui seule, pour le moment, est en cause dans nos débats ? D'après cette prophétie relative à Judas il ne comprend donc pats qu'il est aussi impossible de douter de la divinité de cette Eglise de Jésus-Christ formée de toutes les nations, qu'il est impossible de douter que le Christ ait dû être trahi par l'un de ses disciples, puisque sur ces deux points les prophéties sont formelles.

 

1. sag. I, 5.

 

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CHAPITRE XXXVI. LA FOI DE CEUX QUI CROIENT LEUR EST IMPUTÉE A JUSTICE.

 

42. Nous avons reproché aux Donatistes de s'être mis en contradiction avec leurs propres principes en ratifiant le baptême conféré par ces mêmes Maximianistes qu'ils avaient anathématisés (1). Pétilien relève ce reproche, mais toutefois en ayant soin de substituer ses propres paroles à celles dont je m'étais servi pour poser la question. En effet, nous ne disons pas que le baptême des pécheurs doit produire en nous ses effets, puisque le baptême est toujours le baptême de Jésus-Christ et non pas le baptême, non-seulement des pécheurs, mais des hommes quels qu'ils soient. Voici ses paroles : « Vous affirmez obstinément », dit-il, « que le baptême des pécheurs doit produire en vous ses effets, « puisque nous-mêmes nous conservons le baptême donné par des coupables que nous avions condamnés ». Je le disais tout à l'heure, dès qu'il aborde cette question, Pétilien ne peut même plus conserver les apparences du combat. Où aller, par où s'échapper, par quelle issue sortir de gré ou par force? il l'ignore entièrement. Ecoutons-le: « Quoique dans le second livre je fasse ressortir la distance qui sépare ceux des nôtres et des vôtres que vous appelez innocents; toutefois, commencez d'abord par vous justifier des crimes de vos collègues et vous trouverez ainsi la raison des anathèmes que nous lançons contre eux ». Quel homme oserait jamais faire une semblable réponse, si ce n'est celui qui se pose en ennemi de la vérité, dont l'évidence l'écrase et le réduit au silence? Qu'il nous plaise de leur tenir un semblable langage et de leur dire : Commencez d'abord par vous justifier des crimes de vos collègues, et alors seulement opposez. nous les crimes de ceux que dans nos rangs vous regardez comme des pécheurs ; à l'aide de ce langage serions-nous tous vainqueurs, ou serions-nous tous vaincus

Celui qui a vaincu pour son Eglise et dans son Eglise, c'est celui qui proclame dans ses lettres que personne ne doit se glorifier dans l'homme, et que celui qui se glorifie doit se glorifier dans le Seigneur (2). Nous, du moins, qui disons après l'oracle de la vérité que

 

1. Ci-dessus, liv. II, ch. X, n. 11, 12. — 2. I Cor. III, 21; I, 31.

 

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l'homme de foi n'est point justifié par le ministre qui le baptise, mais par Celui dont il est écrit : « Lorsqu'un homme croit en Celui qui justifie le pécheur, sa foi lui est imputée à justice (1) » ; nous qui ne cherchons pas notre gloire dans l'homme, et qui avec la grâce ne voulons la trouver que dans le Seigneur, quelque chose peut-il troubler notre sécurité, lors même que l'on nous prouverait l'existence de certains crimes ou 'de certaines erreurs dans quelques-uns des membres de notre communion ? Qu'il y ait parmi nous des pécheurs secrets, ou connus seulement d'un petit nombre, ces pécheurs sont tolérés soit à cause des bons qui ne les connaissent pas, ou devant lesquels on n'a pas de preuves suffisantes à apporter, soit à cause du lien de la paix et de l'unité, soit enfin pour qu'on ne s'expose pas à arracher le bon grain avec la zizanie. De cette manière chacun d'eux porte le fardeau de sa propre malice, sans qu'il soit partagé par personne, si ce n'est par ceux qui applaudissent à l'iniquité. Nous ne craignons nullement que ceux qu'ils baptisent ne puissent être justifiés, car ces néophytes croient en Celui qui justifie les pécheurs; et cette foi leur est imputée à justice (2).

 

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CHAPITRE XXXVII. LA TOLÉRANCE DANS L'ÉGLISE N'ÉNERVE PAS LA DISCIPLINE.

 

43. Que Pétilien, ne sachant pas ce qu'il dit, soutienne que tel ministre convaincu par nous du crime des Sodomites ait d'abord été chassé de nos rangs et remplacé par un autre, puis réintégré dans notre collège ; ou bien qu'il affirme que ce même ministre se soit retiré parmi vous pour y faire pénitence ; ces faits, de quelque manière qu'on les envisage, ne préjugent absolument rien contre l'Eglise de Dieu, répandue sur toute la terre et destinée à croître dans le monde jusqu'à la moisson. Si dans son sein l'on rencontre réellement ces pécheurs que vous accusez, ces derniers ne sont pas en elle en qualité de bon grain, mais en qualité de paille; au contraire, si ceux que vous accusez sont réellement des justes, vos calomnies sont pour eux le creuset où s'éprouve l'or de leur conduite, tandis que vous-mêmes vous n'êtes plus que cette paille inutile destinée à être consumée

 

1. Rom. IV, 5. — 2. Ibid.

 

par le feu. Sachons toutefois que les péchés qui lui sont étrangers ne sauraient souiller cette Eglise, qui, selon les prophéties les plus certaines, va se dilatant sur toute la terre, et attendant la fin du monde comme le pêcheur aspire au rivage. Là du moins elle rejettera de son sein les mauvais poissons avec lesquels elle était confondue dans les filets du Seigneur, et dont elle ne devait pas se séparer, dût-elle souffrir innocemment tous les inconvénients de ce redoutable mélange.

Toutefois, malgré cette destinée de l'Eglise ici-bas, la discipline ecclésiastique n'est nullement négligée par les dispensateurs fermes, diligents et prudents des mystères de Jésus-Christ, toutes les fois qu'ils ont devant eux des crimes manifestes et constatés d'une manière irréfragable. Des documents sans nombre sont là pour attester que des évêques et des clercs de tout ordre, frappés de la dégradation ou de quelque autre punition infamante, se sont exilés ou réfugiés dans nos rangs et dans le sein d'autres hérésies, ou bravent dans leur pays natal la honte et la confusion publiques dont ils sont notoirement couverts. De tels ministres sont dispersés en si grand nombre sur la terre, que si Pétilien, étouffant quelque peu sa passion de calomnier, voulait jeter un coup d'oeil attentif sur ce triste spectacle, il cesserait à tout jamais cette injure aussi calomnieuse que ridicule : « Aucun d'entre vous n'est innocent, quoique personne n'y soit condamné comme coupable ».

 

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CHAPITRE XXXVIII. SÉVÉRITÉ DE LA DISCIPLINE DE L'ÉGLISE.

 

44. Je pourrais citer un grand nombre de ces ministres indignes jetés maintenant aux quatre coins de l'univers; quel peuple, en effet, ne présente pas dans ses rangs quelques-uns de ces ministres indignes contre lesquels l’Eglise catholique n'hésite pas à fulminer l'anathème? Qu'il me suffise de nommer Honorius de Milève, dont les scandales ont eu pour théâtre nos propres contrées. Quant à Splendonius, ce diacre condamné par l'Eglise catholique, rebaptisé par Honorius et élevé par lui au sacerdoce, nous avons reçu de nos frères la condamnation portée contre lui dans la Gaule; notre collègue Fortunat proposa même de donner publiquement lecture de cette pièce à Constantine, et enfin Pétilien (300) lui-même, assailli par les embûches que lui dressait ce malheureux, n'hésita pas à rompre avec lui toute relation. Qu'on demande à ce Splendonius s'il n'a jamais pu savoir comment l'Eglise catholique sait dégrader ses ministres scandaleux ? Je m'étonne donc de l'audace avec laquelle Pétilien osait formuler des paroles comme celles-ci : « Personne parmi vous n'est innocent, quoique personne n'y soit condamné comme coupable ». Si les pécheurs restent mêlés corporellement aux fidèles, ils sont toujours spirituellement séparés de l'Eglise catholique; et, soit que la faiblesse de notre condition nous empêche de les connaître, soit que l'évidence de leurs fautes attire sur eux les sévérités de la discipline, toujours ils portent leur propre fardeau. Tous ceux donc qui par ces ministres coupables sont baptisés du baptême de Jésus-Christ, doivent se tenir dans une entière sécurité, pourvu qu'ils ne participent à leurs crimes ni par l'imitation ni par le consentement ou l'approbation. En effet, fussent-ils baptisés par les ministres les plus saints, ces néophytes ne reçoivent de sanctification que de Celui qui justifie le pécheur. Ainsi donc, en croyant à Celui qui justifie le pécheur, la foi leur est imputée à justice.

 

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CHAPITRE XXXIX. LES DONATISTES CONDAMNÉS PAR LEUR RÉCONCILIATION AVEC LES MAXIMIANISTES.

 

45. Vienne ensuite la question des Maximianistes, condamnés en plein concile par trois cent dix évêques; écrasés dans ce même concile sous les accusations formulées par un si grand nombre de proconsuls, et renfermées dans une multitude d'actes municipaux; troublés enfin par l'ordre des juges et par la force armée et chassés des basiliques qu'ils occupaient. Quand donc nous vous demandons en vertu de quel principe ces mêmes Maximianistes et tous ceux qu'ils avaient baptisés en dehors de votre communion ont été reçus parmi vous et réintégrés dans tous les honneurs qu'ils possédaient sans que le baptême fût aucunement mis en cause, voles restez sans réponse. Ne vous sentez-vous pas vaincus par vos propres principes, principes faux, il est vrai, mais enfin principes d'après lesquels vous proclamez que dans la même communion des sacrements, les uns périssent par les crimes des autres, chacun subit la condition du ministre qui l'a baptisé; de telle sorte que le sujet serait coupable avec un ministre coupable et innocent avec un ministre innocent? Si de tels principes vous paraissent véritables, sans parler d'une multitude d'autres pécheurs, les Maximianistes ne suffisent-ils pas pour assurer votre perte ? car leurs crimes toujours vivants, et toujours reproduits par un trop.grand nombre d'imitateurs, ont été constatés, flétris et peut-être même exagérés dans celui de vos conciles qui a réuni le plus grand nombre d'évêques. Si donc les crimes des Maximianistes n'ont pas causé votre perte, votre doctrine n'est qu'une erreur, et vous êtes pris en flagrant délit de mensonge lorsque vous soutenez que l'univers entier a péri par le fait de certains crimes nullement prouvés et commis, dites-vous, par quelques africains. Concluons donc avec l'Apôtre : « Chacun porte son propre fardeau (1) » ; concluons aussi que le baptême de Jésus-Christ reste toujours le baptême de Jésus-Christ. Quant à la promesse faite par Pétilien de traiter dans un second livre cette question des Maximianistes, elle nous prouve clairement que cet auteur se fait du coeur humain une bien triste idée, puisqu'il suppose que nous ne comprenons pas qu'il soit dans l'impuissance de répondre.

 

 

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CHAPITRE XL. NULLITÉ DES SACREMENTS EN DEHORS DE LA CHARITÉ ET DE L'UNITÉ.

 

46. Si le baptême donné par Prétextat et par Félicianus dans la secte de Maximien est leur propre baptême, pourquoi donc l'avez-vous reçu comme baptême de Jésus-Christ dans tous ceux qu'ils avaient baptisés? Et si ce baptême, comme on n'en saurait douter, était véritablement le baptême de Jésus-Christ, mais un baptême sans effet, parce qu'ils l'avaient reçu dans le crime du schisme; quel effet pensez-vous qu'il ait pu produire dans ceux que vous avez recueillis avec ce seul baptême, à moins que vous n'admettiez que ce crime du schisme s'est trouvé effacé par le lien de la paix, de, telle sorte que, sans les obliger à recevoir un sacrement qu'ils possédaient, vous avez cru que ce sacrement jusque-là pour eux un titre de châtiment, allait

 

1. Gal. VI, 5.

 

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produire tous ses effets de sanctification? Ou bien, si ce précieux résultat n'a pas été produit dans votre communion, ce serait donc parce que toute réconciliation de schismatiques avec des schismatiques serait impuissante à le produire; sachez seulement qu'il est toujours produit dans la communion catholique, dans le sein de laquelle vous n'avez pas à recevoir le baptême, comme si ce sacrement ne vous avait pas été conféré, mais dans le sein de laquelle vous pouvez enfin recueillir les effets jusque-là suspendus de ce même sacrement. En dehors de la charité et de l'unité de Jésus-Christ les sacrements sont un titre, non point au salut, mais à la condamnation. Enfin, comme vous continuez à soutenir ce principe erroné : « Le baptême de Jésus-Christ a péri sur toute la terre par le fait du baptême de je ne sais quels traditeurs », il est de toute évidence que vous ne pouvez vous justifier d'avoir ratifié le baptême des Maximianistes.

47. Comprenez donc et n'oubliez jamais que Pétilien reste sans réponse sur la question même qu'il se proposait de traiter, et qu'il se voit réduit au plus honteux silence. Dès le début de ma lettre il signale tel passage qu'il promet de réfuter, et ce passage il l'oublie entièrement, il n'en dit plus rien, parce qu'il ne peut rien en dire, et je cherche, mais en vain, cette réfutation jusqu'à la fin de son volume. Deux mots qu'il m'accuse d'avoir retranchés de son texte lui fournissent l'occasion de jeter feu et flamme, mais il succombe aussitôt sous le poids de son invincibilité prétendue et reste forcément sans réponse devant cette simple question : « Si la conscience du sujet est purifiée par la conscience de celui qui administre saintement, par qui donc sera-t-elle purifiée lorsque, sans le savoir, le néophyte s'adresse à un ministre pécheur? Et si ce même néophyte reçoit, non point la foi, mais une véritable culpabilité lorsqu'il demande sciemment la foi à un ministre perfide, de qui recevra-t-il la foi et non point la culpabilité lorsque, sans le savoir, il est baptisé par un ministre perfide? » Malgré l'abondance et la longueur de ses écrits il est certain qu'il a toujours laissé cette question sans réponse.

48. Il préfère lancer l'outrage et la calomnie contre les monastères et les moines, me reprochant à moi-même d'avoir fondé un ordre de religieux. Pourtant il ignore entièrement le genre de vie que l'on mène dans ces maisons religieuses, ou plutôt il feint de ne rien savoir de ce qui est connu de l'univers tout entier. M'accusant d'avoir dit que le véritable ministre du baptême c'est Jésus-Christ, il emprunte à ma lettre certaines paroles pour prouver que c'est bien là ma doctrine, tandis que cette doctrine est aussi la vôtre, puis il se livre contre moi à tous les excès de la haine, pour me punir d'avoir émis,une semblable doctrine. Il affecte donc de ne pas savoir que mes enseignements sont les vôtres, que ma foi c'est la vôtre, comme je le prouverai tout à l'heure avec la dernière évidence. Puis il se jette dans de longs et inutiles développements pour essayer de montrer que, d'après nous, ce n'est point Jésus-Christ qui baptise, mais que le baptême est seulement conféré en son nom comme au nom du Père et du Saint-Esprit; et à cette occasion il dit de la Trinité tout ce qu'il veut ou tout ce qu'il peut, affirmant entre autres choses que « le Christ est le moyen terme de la Trinité ». De là il passe aux magiciens Simon et Barjésu, et trouve dans leurs noms un prétexte pour se livrer contre nous aux plus violents outrages. C'est ainsi qu'insensiblement il laisse de côté la cause d'Optat de Thamugade, pour s'épargner la honte de s'entendre dire que ni lui ni les siens n'ont pu se prononcer dans une cause de cette importance. Il n'oublie pas toutefois d'insinuer que ce malheureux s'est senti violenté par mes nombreuses suggestions.

 

 

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CHAPITRE XLI. POURQUOI PÉTILIEN N'A PAS VOULU RÉPONDRE A MA QUESTION.

 

49. Pétilien termine sa lettre en avertissant ses adeptes de se mettre en garde contre toutes les séductions que nous ne cessons de leur offrir; et, en même temps, il se prend d'une immense pitié à l'égard de nos fidèles, que nous ne cessons de corrompre et de pervertir. Si donc nous examinons sérieusement cette lettre dans laquelle il promettait de nous foudroyer, nous resterons évidemment convaincus de l'impuissance où il se trouvait de répondre à la question que nous lui avons posée. Il soutenait que la conscience du sujet est purifiée par la conscience du ministre, ou plutôt par la conscience de celui qui administre (302) saintement, car derrière ce mot il se croit invincible; je l'ai donc prié de nous dire par qui sera purifié celui qui, sans le savoir, s'adresse pour le baptême à un ministre dont la conscience est souillée. Sur ce point, il garde le silence. Nous ne devons donc pas nous étonner qu'un homme qui s'obstine à soutenir l’erreur et qui se sent accablé par l'évidence de la vérité, trouve plus commode de se lancer dans la voie des injures, que de marcher à la lumière de l'invincible vérité.

50. Maintenant donc, veuillez vous montrer attentifs, et je vous dévoilerai les motifs qui l'ont empêché de répondre, je mettrai en pleine lumière ce qu'il essayait de laisser dans les ténèbres. Nous lui demandions par qui peut être purifié celui qui, sans le savoir, s'adresse pour le baptême à un ministre dont la conscience est souillée; il pouvait très facilement répondre que cette purification est opérée par le Seigneur lui-même; il pouvait affirmer sans crainte que c'est Dieu qui purifie la conscience de celui qui, sans le savoir, est baptisé par un pécheur. Mais cet homme qui, d'après les principes de votre secte, avait été contraint de faire dépendre la purification du sujet de la conscience du ministre; cet homme qui avait dit : « C'est d'après la conscience de celui qui donne, ou de celui qui donne saintement, que l'on peut juger de la purification du sujet », cet homme a craint que le baptême ne parût donné dans de meilleures conditions par un pécheur occulte que par un ministre d'une sainteté connue. En effet, dans le premier cas, au lieu de venir de la conscience d'un saint ministre, la purification aurait été produite par la sainteté suréminente de Dieu lui-même. Effrayé de cette conséquence qui allait le convaincre d'absurdité, ou plutôt d'une véritable démence, et ne sachant quel parti lui resterait à prendre, il refusa de nous dire par qui le néophyte est purifié, lorsqu'il ignore la culpabilité du ministre; de là ce tumulte qu'il soulève pour faire oublier la question qui lui était posée et s'épargner une réponse qui scellerait irrévocablement sa honte et sa défaite. Il espérait sans doute que ma lettre ne serait jamais lue par des hommes sérieux, ou bien que, après avoir lu ma lettre, ils liraient également la sienne qu'il feignait de présenter comme une réponse adéquate.

 

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CHAPITRE XLII. LA QUESTION TELLE QU'ELLE ÉTAIT POSÉE AU DÉBUT DE MA LETTRE.

 

51. La question dont je parle a été catégoriquement posée dans ma lettre, et Pétilien n'en dit mot, quoique sa lettre eût été annoncée comme une réfutation de la mienne. Veuillez donc, je vous prie, jeter un regard attentif sur son oeuvre ; je sais que pour lui sont toutes vos faveurs, et pour moi votre haine; mais du moins, si vous le pouvez, Montrez-vous équitables. J'avais réfuté la première partie de sa lettre, la seule qui fût tombée entre mes mains. Or, il faisait tellement reposer toute l'espérance du sujet sur le ministre même du baptême, qu'il n'avait pas craint de dire : « Toute chose dépend de son origine et de sa racine, et ce qui n'a pas de tête n'est rien (1) ». Sur les lèvres de Pétilien ces paroles signifiaient évidemment que le néophyte qui demande le baptême ne peut trouver que dans le ministre auquel il s'adresse son origine, sa racine et sa tête. Voilà pourquoi je répondais : « Nous demandons si c'est la foi ou une souillure que reçoit le catéchumène, lorsque la perfidie de son ministre est secrète; et si ce ministre n'est point pour lui son origine, sa racine et son chef, nous demandons de qui il reçoit la foi. Quelle est l'origine d'où il sort? Quelle est la souche sur laquelle il germe? Quel est le chef dont il dépend ? Quand le sujet ignore la perfidie du ministre, est-ce Jésus. Christ qui donne la foi ? est-ce Jésus-Christ qui devient l'origine, la racine et le chef?» Ces mêmes paroles que je prononçais alors, je les redis en ce moment et je m'écrie de nouveau: « O témérité et orgueil de l'homme ! « pourquoi n'admettez-vous donc pas que ce soit toujours Jésus-Christ qui donne la foi en faisant le chrétien ? Pourquoi ne permettez-vous pas que Jésus-Christ soit toujours l'origine du chrétien, qu'il soit la racine sur laquelle il germe et la tête dont il dépend ? Quand la grâce spirituelle est départie aux croyants par un saint et fidèle ministre, ce n'est pas ce ministre qui donne la grâce, mais celui-là seul dont il est dit qu'il justifie le pécheur (2). Saint Paul était-il la tête et l'origine de ceux qu'il avait plantés?

 

1. Livre I, chap. IV n. 5 et suiv.; livre II, chap. V n. 10, 11,1. — 2. Rom. IV, 5.

 

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Apollo était-il la racine de ceux qu'il avait arrosés? N'est-ce pas plutôt celui qui leur avait donné l'accroissement? N'est-ce point Paul qui s'écrie : J'ai planté, Apollo a arrosé, mais Dieu a. donné l'accroissement; ainsi donc celui qui plante n'est rien, celui qui arrose n'est rien, mais celui qui est tout, c'est celui qui donne l'accroissement (1)? La véritable racine, ce n'était pas l'Apôtre, mais celui qui a dit: Je suis la vigne et vous êtes les rameaux (2). L'Apôtre pouvait-il donc aspirer à être la tête des chrétiens qu'il avait formés, lui qui ne cessait de répéter que nous ne formons tous qu'un seul corps en Jésus-Christ, et que Jésus-Christ est la tête de ce corps? Quel que soit donc le ministre, fidèle ou perfide, auquel on puisse s'adresser pour recevoir le baptême, que l'homme place toute son espérance en Jésus-Christ s'il ne veut pas entendre formuler contre lui cette redoutable parole : Maudit soit celui qui met dans l'homme toute son espérance (3) ».

 

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CHAPITRE XLIII. MÊME SUJET.

 

52. Ce langage, tel que je le formulais dans ma première lettre en réponse à Pétilien, me paraît aussi clair que bien fondé. Je le répète ici pour nous avertir et nous rappeler que nous ne devons nullement placer notre espérance dans l'homme, mais en Jésus-Christ, le Rédempteur et le Justificateur des hommes, même des pécheurs qui croient en lui, et pour qui la foi est imputée à justice. Croyons en lui, car lui seul nous justifie, quel que soit d'ailleurs le ministre du sacrement de baptême, fût-il saint ou fût-il du nombre de ces impies et de ces hypocrites que l'Esprit-Saint a en horreur. Après ces premières paroles j'ai essayé de montrer l'absurdité des conséquences qui découlent de la doctrine de Pétilien. Je disais donc et je dis encore : « Si vous admettez que le sujet ne reçoit la grâce spirituelle que dans la mesure dans laquelle le ministre la possède ; si vous soutenez que tout ministre, dont la bonté présente toutes les garanties extérieures, donne la foi par lui-même et devient ainsi l'origine, la racine et la tête du chrétien qu'il régénère; enfin, si vous affirmez que dans le cas assez fréquent où le ministre est lui-même perfide,

 

1. I Cor. VI, 6, 7. — 2. Jean, XV, 5. — 3. Ci-dessus, liv. I, ch. V, 6, 7

 

mais d'une perfidie réellement occulte, c'est alors Jésus-Christ qui donne la foi, qui devient l'origine, la racine et la tête du néophyte, n'ai-je pas le droit de conclure que le sort le plus heureux pour les catéchumènes, c'est de rencontrer comme ministres des hommes perfides, pourvu que leur perfidie reste entièrement ignorée ? Donnez-moi des ministres aussi bons que vous voudrez, Jésus-Christ ne sera-t-il pas incomparablement meilleur? et pourtant c'est lui qui deviendra notre chef, si le baptême nous est conféré par un ministre perfide, dont la perfidie soit occulte. Nous disons, nous, que toujours c'est Jésus-Christ qui justifie l'impie en le rendant chrétien; que c'est de Jésus-Christ que nous recevons la foi ; que Jésus-Christ est la source de toute régénération et la tête de l'Eglise. Si donc l'opinion des Donatistes est le comble de la démence, quelle valeur attacher à toutes ces déclarations dont l'éclat séduit le lecteur léger, qui ne sait pas pénétrer jusqu'au fond des choses et s'arrête au bruit extérieur (1) ? » Voilà ce que j'ai dit, voilà ce qui se trouve écrit dans ma lettre.

 

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CHAPITRE XLIV. LA PARABOLE DE L'ARBRE ET DU FRUIT S'APPLIQUE-T-ELLE AU MINISTRE ET AU SUJET?

 

53. J'avais lu dans la lettre de Pétilien les paroles suivantes: « S'il en est ainsi, mes frères, quelle perversité de prétendre justifier les autres, quand on est coupable soi-même ? Le Sauveur ne disait-il pas : L'arbre bon porte de bons fruits, et l'arbre mauvais porte de mauvais fruits; cueille-t-on des raisins sur les épines (2)? et encore: Tout homme bon tire le bien du trésor de son coeur, et tout homme mauvais tire le mal du trésor de son coeur (3) ». De telles paroles prouvent clairement que Pétilien assimile à l'arbre le ministre qui baptise, et au fruit le sujet baptisé. A cela je répondais : « Si le bon arbre c'est le bon ministre, de telle sorte que celui qu'il baptise soit le bon fruit, quiconque est baptisé par un mauvais ministre, dont le crime est occulte, ne saurait évidemment être bon, puisqu'il est produit par un arbre mauvais. Car autre chose est l'arbre bon, autre chose est l'arbre mauvais, son vice fût-il occulte ».

 

1. Ci-dessus, liv. I, ch. VI, n. 6, 7. — 2. Matt. VII, 17, 16. — 3. Id. XII, 35.

 

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Par ces paroles ne voulais je pas prouver ce que j'avais déjà dit plus haut, c'est-à-dire que l'arbre et son fruit ne désignent nullement le ministre et le sujet du baptême, mais bien l'homme lui-même et ses oeuvres ou sa conduite, car l'homme bon a une bonne vie et l'arbre mauvais une vie mauvaise ? Ne voulais-je pas en même temps montrer l'absurdité dans laquelle doivent tomber tous ceux qui soutiennent que tout homme est mauvais, par cela même qu'il est baptisé par un pécheur, fût-ce même par un pécheur occulte, absolument comme un fruit est mauvais quand il vient d'un arbre mauvais dont le vice est occulte ? A cette nouvelle observation Pétilien n'oppose aucune réponse.

 

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CHAPITRE XLV. PÉTILIEN M'ATTRIBUE LES CONSÉQUENCES DE SA PROPRE DOCTRINE.

 

54. Craignant que Pétilien ou quelqu'un d'entre vous ne vienne à dire que dans le cas où le ministre est un pécheur occulte, le sujet cesse d'être le fruit de ce ministre pécheur pour le devenir de Jésus-Christ lui-même, j'ai voulu faire ressortir l'absurdité d'une telle conclusion; et, répétant sous des termes différents l'idée que j'avais précédemment émise, je disais : «Quand l'arbre est secrètement mauvais, si celui qu'il baptise renaît, non pas de cet arbre, mais de Jésus-Christ, j'en conclus qu'il est de tout point préférable d'être baptisé par des pécheurs occultes, plutôt que par des ministres d'une sainteté manifeste (1) ». Pressé de tous côtés par des conclusions d'une telle rigueur, Pétilien passe sous silence les principes et entasse absurdités sur absurdités, en laissant croire qu'elles découlent de ma doctrine, tandis que tous mes raisonnements tendaient à lui montrer les fâcheuses conséquences de son erreur et à le convaincre de la nécessité d'y renoncer. Surprenant ainsi la bonne foi de ses auditeurs et de ses lecteurs, et se persuadant que mes écrits ne seraient jamais lus, il se livra contre moi aux attaques les plus violentes; comme si j'avais dit d'une manière absolue qu'il est à désirer pour tous d'être baptisés par des pécheurs occultes, puisque les ministres les plus saints ne sont rien en comparaison de Jésus-Christ, dont la sainteté est infinie et qui

 

1. Liv. I, ch. VII, VIII, n. 8, 9.

 

devient la tête de celui qui est baptisé quand le baptême lui est conféré par un pécheur occulte. De même il me fait dire que les catéchumènes baptisés par des pécheurs occultes sont plus saintement justifiés que ceux qui reçoivent le baptême des mains de ministres dont l'innocence est manifeste; tandis que si j'ai formulé cette absurdité grossière, c'était, uniquement pour montrer qu'elle est la conséquence logique et nécessaire de l'erreur par laquelle Pétilien et ses adeptes prétendent que le ministre est au sujet comme l'arbre est à son fruit, le bon fruit sortant du bon arbre, et le mauvais fruit du mauvais arbre. Nous leur demandions de nous dire de qui est le fruit, l'homme baptisé, quand il est baptisé par un pécheur occulte ; d'autant plus qu'ils n'osent pas lui réitérer le baptême, ils sont forcés d'avouer qu'il n'est pas le fruit de ce mauvais arbre, mais de l'arbre par excellence, qui est Jésus-Christ. Or, c'est de ce principe que découle nécessairement la conséquence mauvaise contre laquelle ils protestent, mais en vain. Car si le sujet est le fruit du ministre, lorsque ce ministre est bon; si ce ministre est un pécheur occulte, le sujet sanctifié ne doit plus être le fruit de ce ministre, ruais celui .de Jésus-Christ; d'où je conclus que ceux qui sont baptisés par des pécheurs occultes reçoivent une justification plus sainte et plus abondante que ceux qui sont baptisés par des ministres d'une sainteté manifeste.

 

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CHAPITRE XLVI. MAUVAISE FOI DONT PÉTILIEN FAIT PREUVE DANS SES RAISONNEMENTS.

 

55. Telles sont les conclusions que Pétilien ne craint pas de m'attribuer, comme si elles découlaient de mes principes; mais la violence même qu'il déploie contre moi prouve assez clairement l'erreur et la fausseté de prémisses qui entraînent à de telles conséquences. Par conséquent toutes les accusations qu'il lance à ce sujet contre moi se retournent directement contre lui, puisque ces principes sont bien ceux qu'il a formulés. Ne trouver d'autre issue que de m'attribuer des opinions dont il est lui-même l'auteur et l'apôtre, n'est-ce pas la preuve évidente qu'il se sentait réellement écrasé sous le poids de la vérité ? Je suppose que les adversaires auxquels l'Apôtre reprochait de ne point croire à la (305) résurrection des morts se fussent permis d'accuser le même Apôtre, parce qu'il aurait prononcé les propositions suivantes: « Ni Jésus-Christ non plus n'est ressuscité », la prédication des Apôtres est vaine, la foi des croyants est vaine, il s'est trouvé contre Dieu de faux témoins, pour assurer que Jésus-Christ est ressuscité ; quelle différence trouverait-on entre la conduite de ces adversaires de l'Apôtre et la conduite de Pétilien à mon égard? En effet, supposant qu'on ne pourrait lire mes écrits, et voulant à tout prix faire croire qu'il m'avait réfuté, il m'attribua les conclusions de sa propre doctrine. Mais, de même que dans l'hypothèse précédente il eût suffi de lire tout le passage de la lettre de l'Apôtre et d'énoncer les antécédents pour comprendre la conclusion et refouler contre ses adversaires leurs propres accusations; de même il suffit de reproduire ce qui dans ma lettre précède ces conclusions incriminées, pour les rejeter à l'instant même à la face de Pétilien, malgré ses véhémentes protestations.

56. Pour réfuter ceux qui niaient la résurrection des morts, l'Apôtre signale toutes les absurdités qui découlent de cette négation, afin que l'horreur de semblables conclusions leur découvre la fausseté de leur propre doctrine. Voici donc comme il s'exprime: « Si les morts ne ressuscitent point, Jésus-Christ n'est donc pas ressuscité. Et si Jésus-Christ n'est point ressuscité, notre prédication est vaine, et votre foi ne l'est pas moins. Nous serons même convaincus d'avoir joué le rôle de faux témoins à l'égard de Dieu, puisque nous avons rendu témoignage contre Dieu même, en affirmant qu'il a ressuscité Jésus-Christ, tandis qu'il ne l'a pas ressuscité, si les morts ne ressuscitent pas (1) ». Les adversaires de l’Apôtre n'auraient pas osé soutenir que Jésus-Christ n'est point ressuscité; ils auraient repoussé avec horreur les autres conclusions énoncées par saint Paul; par conséquent ils devaient voir et comprendre qu'il y avait crime et folie de leur part à prétendre que les morts ne ressusciteront pas. Retranchez de ce raisonnement la proposition qui lui sert de fondement: « Si les morts ne ressuscitent pas », il ne vous restera plus que les conclusions suivantes : « Jésus-Christ n'est pas ressuscité, notre prédication est vaine, votre foi l'est également », et le reste; toutes choses qui

 

1. I Cor. XV, 13-15.

 

sont autant d'erreurs et que l'on ne saurait attribuer à l'Apôtre. Au contraire, rétablissez le principe, dites d'abord : « Si les morts ne ressuscitent pas », et vous serez en droit de tirer les conclusions suivantes: « Jésus-Christ n'est donc pas lui-même ressuscité, notre prédication est vaine, votre foi l'est également », et le reste. Or, je dis que de la part de l'Apôtre il était sage et habile de tirer ces conclusions, car leur évidente absurdité ne pouvait être imputée qu'à ceux-là mêmes qui niaient la résurrection des morts.

De même dans ma lettre, effacez ce que je disais tout d'abord : « Si vous admettez que le sujet ne reçoit la grâce spirituelle que dans la mesure dans laquelle le ministre la possède; si vous soutenez que tout ministre dont la bonté présente toutes les garanties extérieures, donne la foi par lui-même et a devient ainsi l'origine, la racine et la tête du chrétien qu'il régénère; enfin si vous affirmez que dans le cas assez fréquent où le ministre est lui-même perfide, mais d'une perfidie réellement occulte, c'est alors Jésus-Christ qui donne la foi, c'est de lui que le baptisé tire son origine, c'est sur lui qu'il est enraciné, c'est lui qu'il se glorifie d'avoir pour chef ». Effacez de ma lettre toutes ces propositions et vous pourrez alors m'attribuer ces conclusions aussi ineptes qu'impies: « Le sort le plus heureux pour les catéchumènes, c'est de rencontrer comme ministres des hommes perfides, pourvu que leur perfidie reste entièrement ignorée. En effet, donnez-moi des ministres aussi bons que vous voudrez, Jésus-Christ n'est-il pas incomparablement meilleur? Et c'est lui qui deviendra notre tête, si le baptême nous est conféré par un ministre perfide, dont la perfidie soit occulte (1) ». Au contraire, rétablissez les prémisses tirées de votre propre doctrine, les conséquences qui en découlent, si absurdes fussent-elles, se retourneront, non point contre moi, mais contre vous. De même, effacez ce que j'ai dit ailleurs : « Si le bon arbre c'est le bon ministre, de telle sorte que celui qu'il baptise soit le bon fruit; quiconque est baptisé par un mauvais ministre dont le crime est occulte, reçoit, non pas de cet arbre, mais de Jésus-Christ » . Retranchez ces prémisses erronées qui ne sont autre chose que la doctrine même de votre secte et de

 

1. Liv. I, ch. VI, n. 7.

 

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Pétilien lui-même, et alors vous m'attribuerez cette absurde conclusion . « Il est plus saint et préférable d'être baptisé par des pécheurs occultes, plutôt que par des ministres d'une sainteté manifeste (1)». Au contraire, rétablissez les prémisses d'où découlent ces conséquences, et vous comprendrez qu'en formulant ces conclusions, j'ai voulu vous montrer l'absurdité de vos principes; vous resterez convaincus que c'est sur vous que retombe toute la responsabilité et des prémisses et des conséquences.

 

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CHAPITRE XLVII. QUE PÉTILIEN ACCEPTE LES CONCLUSIONS DE SES PRINCIPES.

 

57. En niant la résurrection des morts, les Sadducéens ne pouvaient échapper aux conclusions que l'Apôtre déroulait contre eux quand il disait: « Jésus-Christ n'est pas ressuscité lui-même», et le reste, à moins de changer de doctrine et de professer le dogme de la résurrection des morts. De même, si vous ne voulez pas que nous vous imputions les absurdités que j'ai signalées pour vous convaincre et pour vous prouver que c'est de votre part une erreur grossière de soutenir qu'il est plus saint et préférable d'être baptisé par des pécheurs occultes, plutôt que par des ministres d'une sainteté manifeste, changez de doctrine et gardez-vous de placer dans l'homme l'espérance de ceux qui demandent le baptême. Si c'est dans l'homme que vous placez cette espérance, je demande du moins qu'on ne retranche aucune de mes paroles et qu'on ne m'attribue pas des conclusions que je n'ai formulées que pour vous convaincre et pour vous corriger. Voyez sur quel principe je m'appuie pour tirer ces conséquences : Si vous placez l'espérance des catéchumènes dans le ministre qui doit leur conférer le baptême; si vous prétendez, comme l'écrit Pétilien, que l'homme ministre du baptême devient l'origine, la racine et la tête de celui qu'il baptise; si l'arbre bon c'est le bon ministre, et si le bon fruit c'est celui qui a été baptisé par ce bon arbre; ne nous forcez-vous pas à vous demander quelle est l'origine, la racine et la tête de celui qui est baptisé par un pécheur occulte, et de quel arbre il peut être le fruit? A cette question se rapporte naturellement cette autre à laquelle Pétilien

 

1. Liv. I, ch. VIII, n. 9.

 

n'a donné aucune réponse, comme je l'ai constaté à diverses reprises : par qui est justifié celui qui, sans le savoir, demande le baptême à un pécheur occulte? En effet, c'est bien le ministre lui-même que Pétilien regarde comme l'origine d'où commence, la racine qui produit, la tête d'où découle, la semence d'où germe, l'arbre sur lequel se développe la sanctification du catéchumène.

 

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CHAPITRE XLVIII. IL FAUT RENONCER AUX PRINCIPES QUAND ON REJETTE LES CONSÉQUENCES.

 

58. Quand nous demandons par qui peut être purifié celui que vous ne rebaptisez pas dans votre communion, quoiqu'il soit constant qu'il a été baptisé par un pécheur occulte, n'êtes-vous pas obligés de nous répondre que c'est par Dieu on par Jésus-Christ qui est notre Dieu béni dans tous les siècles (1), ou par le Saint Esprit qui lui aussi est Dieu, puisque la Trinité ne forme qu'un seul Dieu? Voilà pourquoi l'apôtre saint Pierre, après avoir dit à Ananie : «Vous avez osé mentir au Saint-Esprit », nous apprend aussitôt ce qu'est le Saint-Esprit : « Ce n'est pas aux hommes que vous avez menti, mais à Dieu (2) ». Je suppose donc que vous nous disiez que c'est par un ange qu'est purifié le catéchumène baptisé par un pécheur occulte, je vous ferais encore remarquer que tous les élus, après la résurrection, seront assimilés aux anges (3). Par conséquent celui qui est baptisé par un ange, reçoit une purification plus abondante qu'il ne pourrait en recevoir de la conscience humaine la plus parfaite. Mais alors pourquoi donc ne voulez-vous pas que nous vous disions : Si l'homme lui-même purifie quand il est bon, tandis que s'il est pécheur, ne fût-il que pécheur occulte, ce n'est plus lui qui purifie, mais c'est de Dieu ou d'un ange que vient cette purification, il suit qu'il est préférable d'être baptisé par un pécheur occulte, plutôt que de l'être par un ministre d'une sainteté manifeste ? Si cette conclusion vous révolte, comme, en effet, elle doit révolter toute intelligence droite, rejetez donc avec horreur le principe d'où elle découle; si le principe disparaît, les conséquences disparaîtront également.

 

1. Rom. IX, 5. — 2. Act. V, 3, 4. — 3. Matt. XIII, 30.

 

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CHAPITRE XLIX. C'EST JÉSUS-CHRIST QUI LAVE ET SANCTIFIE.

 

59. Ne dites donc plus : « C'est d'après la conscience de celui qui administre saintement que l'on peut juger de la purification du sujet » ; ne le dites plus, si vous ne voulez pas que l'on vous demande par qui le sujet peut être purifié, quand il est baptisé par un pécheur occulte. Et si vous nous répondez que cette purification a pour principe Dieu ou un ange, je comprends d'ailleurs que ce soit pour vous la seule réponse possible, je pourrai toujours vous couvrir de confusion, pour peu que je vous réplique : dans le baptême conféré par des pécheurs occultes, c'est Dieu ou un ange qui justifie, par conséquent cette justification est alors plus abondante qu'elle ne le serait si le baptême était donné par des ministres d'une sainteté manifeste, puisque malgré leur sainteté, ils ne sauraient être comparés ni à Dieu ni aux anges. Dites plutôt avec la vérité et avec l'Eglise catholique que, n'importe en soi le ministre du baptême, qu'il soit pécheur ou juste, ce n'est pas dans l'homme que l'on doit placer son espérance, mais dans celui-là seul qui justifie l'impie et qui sait faire en sorte que notre foi en lui nous soit imputée à justice (1). En disant que c'est Jésus-Christ qui baptise, nous ne parlons pas du ministère visible, comme le pense ou voudrait le penser Pétilien; nous parlons de la grâce occulte, de la puissance occulte qui réside dans le Saint-Esprit, selon cette parole du Précurseur : « Voilà celui qui baptise dans le Saint –Esprit (2) ». Quoi qu'en dise Pétilien, c'est toujours Jésus-Christ qui baptise, non point par un ministère corporel, mais par l'action invisible de sa majesté. En disant que c'est lui-même qui baptise, nous ne disons pas que c'est lui qui immerge dans l'eau et ondoie le corps des croyants; nous affirmons seulement que c'est lui qui purifie invisiblement et sanctifie toute son Eglise. En effet, nous devons croire de la foi la plus entière ces paroles de l'Apôtre : « Epoux, aimez vos épouses, comme Jésus-Christ aimé son Eglise, se livrant pour elle afin de la sanctifier et de la purifier dans le bain de l'eau par la parole (3)». C'est donc Jésus-Christ qui sanctifie, et il sanctifie dans le bain de l'eau par la parole; par conséquent, si les ministres agissent

 

1. Rom. IV, 5. — 2. Jean, I, 33. — 3. Eph. V, 25, 26.

 

corporellement, c'est Jésus-Christ seul qui lave et purifie. Que personne donc ne s'arroge une puissance qui n'appartient qu'à Dieu; quant à, l'espérance des hommes, pour être certaine elle doit s'appuyer sur celui qui ne peut faillir. De là ces paroles : « Maudit soit celui qui place son espérance dans l'homme (1)»; et: « Bienheureux celui qui a toute son espérance dans le Seigneur son Dieu (2) ». Tout dispensateur fidèle aura pour récompense la vie éternelle; quant au dispensateur infidèle, quelle que soit d'ailleurs son infidélité, elle ne saurait rendre inutiles les aliments que le Seigneur lui a confiés pour les distribuer à ses frères. Ecoutons le Sauveur: « Faites ce qu'ils vous disent, mais gardez-vous de faire ce qu'ils font (3) ». Cette parole s'applique aux dispensateurs infidèles et nous trace pour devoirs à leur égard de recevoir par eux les biens de Dieu, et de nous abstenir de tout ce qui pourrait nous rendre semblables à eux. .

 

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CHAPITRE L. PÉTILIEN RÉDUIT AU SILENCE PAR LES TEXTES DE LA SAINTE ÉCRITURE.

 

60. Si donc il est manifeste que Pétilien n'a pas répondu à ces premières paroles de ma lettre, et si les efforts qu'il a faits pour y répondre n'en prouvent que mieux l'impossibilité où il était de répondre, que dirons-nous de ces parties de mes écrits contre lesquelles il n'a même pas tenté une réfutation? Cependant ceux qui possèdent ses ouvrages et les miens, je les invite à en faire la comparaison, et ils verront que la doctrine que je défends est appuyée sur des principes inébranlables. Un seul mot suffira pour vous en convaincre. Rappelez à vos souvenirs les témoignages empruntés à la sainte Ecriture, ou bien relisez-les de nouveau, ceux qu'il a cités contre moi et ceux que j'ai cités contre vous. Il vous sera facile de comprendre que les passages qu'il a cités vous condamnent réellement, sans nous porter aucune atteinte, tandis que ceux que j'ai cités moi-même sont tellement formels et nécessaires que toute interprétation différente de la nôtre lui a été impossible. Nous allons en juger facilement en nous rappelant, soit certains textes de l'Evangile, soit surtout un passage de l'Apôtre.

61. Nous avons d'abord reçu de sa lettre le

 

1. Jérém. XVII, 5. — 2. Ps. XXXIX, 5. — 3. Matt. XXIII, 3.

 

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commencement jusqu'à ces paroles: « Voici l'ordre qui nous est intimé par le Seigneur : Lorsque les hommes vous persécuteront dans une ville, fuyez dans une autre; et si la persécution se renouvelle, cherchez encore un autre refuge (1) ». Nous avons réfuté cette première partie de sa lettre. Pétilien répliqua par une seconde lettre, que nous réfutons en ce moment, en prouvant qu'il n'a pas répondu à notre critique précédente. Dans sa première lettre il avait inséré contre nous ces passages de l'Écriture : « L'arbre bon porte de bons fruits, et l'arbre mauvais porte de mauvais fruits; cueille-t-on des raisins sur des épines (2) ? » Et encore : « Tout homme bon tire le bien du trésor de son coeur, et tout homme mauvais tire le mal du trésor de son coeur (3) ». Enfin : « Celui qui est baptisé par un mort ne tire aucun avantage de cette purification (4) ». Le but qu'il se proposait dans toutes ces citations, c'était de prouver que celui qui est baptisé devient semblable à celui par qui il est baptisé. De mon côté, j'ai prouvé que la véritable interprétation à donner à ces textes n'était pour sa thèse absolument d'aucun secours. Quant aux anathèmes rapportés par lui et lancés contre les pécheurs et les méchants, j'ai montré qu'ils ne s'appliquent nullement aux froments dispersés, selon la promesse, dans toutes les parties de l'univers; j'ai même fait observer que nous avons seuls le droit de relever ces anathèmes pour les lancer contre vous. Pour vous en convaincre, il suffit de rappeler vos souvenirs.

62. De mon côté, j'ai établi sur des textes formels l'autorité de l'Église catholique. Ainsi, pour ce qui regarde le baptême, j'ai soutenu que ce n'est point à l'homme que l'on doit attribuer ce qui, par la grâce de Dieu, nous régénère, nous purifie et nous justifie, et alors je citais les textes suivants : « C'est en Dieu que nous devons mettre notre confiance, et non pas dans l'homme (5); maudit soit celui qui place dans l'homme sa confiance (6) ; c'est du Seigneur que nous vient le salut (7) ; le salut qui vient de l'homme est vain (8); ce n'est ni celui qui plante, ni celui qui arrose qui est quelque chose, mais celui qui donne l'accroissement, c'est-à-dire Dieu seuls; pour

 

1. Matt. X, 23. — 2. Id. VII, 17, 16. — 3. Id. XII, 35. — 4. Eccli. XXXIV, 30. — 5. Ps CXVII, 8. — 6. Jérém. XVII, 5. — 7. Ps. III, 9. — 8. Id. LIX, 13. — 9. I Cor. III, 7.

 

l'homme qui croit en celui qui justifie le pécheur, sa foi lui est imputée à justice, (1) ». Quant à l'unité de cette Eglise qui est répandue sur toute la terre, et avec laquelle vous n'êtes pas en communion, je citais ces prophéties relatives à la personne de Jésus-Christ : « Il régnera depuis la mer jusqu'à la mer, et depuis le fleuve jusqu'aux extrémités de la terre (2) ; je vous donnerai les nations pour héritage, et pour empire jusqu'aux confins de la terre (3) ». Je soutenais ensuite que la promesse faite à Abraham n'avait d'application possible que dans la communion catholique « Toutes les nations seront bénies dans votre race (4) ». L'Apôtre nous apprend quelle est cette race, quand il nous dit : « Et dans votre race qui est Jésus-Christ (5) ». Il suit de là que c'est en Jésus-Christ que les Africains et tous les peuples enfantés par l'Église, obtiendront cette bénédiction solennelle annoncée depuis tant de siècles. J'ai prouvé que la paille doit rester mêlée au froment jusqu'à la purification dernière; c'est donc en vain que l'on voudrait trouver, dans des crimes prétendus une excuse à un schisme sacrilège par lequel on se sépare de l'unité et de la communion universelle. Pour empêcher que l'on ne trouvât dans les crimes de certains dispensateurs ou ministres infidèles un prétexte pour établir une division dans la société chrétienne, je citais ce témoignage : « Faites ce qu'ils vous disent, mais gardez-vous de faire ce qu'ils font, car ils disent et ne font pas (6) ». Tous ces témoignages, empruntés par moi à la sainte Écriture, Pétilien les passe sous silence et s'abstient entièrement de montrer quelle autre interprétation doit leur être donnée pour qu'ils cessent de nous favoriser en cessant de vous combattre. Je dois même ajouter que, par ces outrages tumultueux auxquels il se livre à notre égard, il n'avait d'autre but que de faire oublier mes raisonnements et mes preuves par celui qui, après avoir lu ma lettre, se livrerait à l'étude de la sienne.

 

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CHAPITRE LI. PÉTILIEN VAINCU PAR UN PASSAGE DE SAINT PAUL.

 

63. Les épîtres de saint Paul m'avaient fourni plusieurs arguments en faveur de ma doctrine ; Pétilien les revendique en faveur

 

1. Rom. IV, 5. — 2. Ps. LXXI, 8. — 3. Id. II, 8. — 4. Gen. XXI, 18. — 5. Gal. III, 16. — 7. Matt. XXIII, 3.

 

309

 

de la sienne, vous allez en juger. « L'apôtre saint Paul a, dites-vous, ce sont mes paroles que cite Pétilien, condamne ceux gui se flattaient d'appartenir à Paul, et s'écrie : « Est-ce que Paul a été crucifié pour vous? Est-ce que vous avez été baptisés au nom de Paul (1)? Si ces premiers chrétiens se trompaient en prétendant appartenir à Paul, et s'il leur fallait changer de dispositions sous peine de périr, quel espoir peut donc rester à ceux qui se disent du parti de Donat ? En a effet, ils ne craignent pas de soutenir que le baptisé n'a d'autre origine, d'autre racine et d'autre tête que celui dont il a reçu le baptême (2) ». Ces paroles et ce témoignage de l'Apôtre sont tirés de ma lettre et menacés d'une réfutation péremptoire. Vous allez voir comment il a tenu sa promesse. Voici comme il s'exprime : « Ce langage est futile, fat, puéril et tellement insensé qu'on ne voit même pas quelle relation il pourrait avoir avec notre foi. Vous auriez quelque raison de parler ainsi, si nous disions : Nous sommes baptisés au nom de Donat; ou bien Donat a été crucifié pour nous; ou encore : Nous sommes baptisés en notre propre nom. Mais comme ce langage n'a pu et ne saurait être le nôtre, puisque nous baptisons au nom de la Trinité, n'est-ce pas de votre part une véritable folie que de nous poser de semblables objections? Ou bien, si vous croyez que nous sommes baptisés au nom de Donat ou en notre nom propre, vous êtes victime d'une erreur grossière et vous avouez implicitement que les malheureux que vous baptisez vous les souillez au nom de Cécilianus ».

Telle est la réponse que me jette Pétilien, ne voyant pas sans doute, ou plutôt faisant grand bruit pour empêcher ses lecteurs de voir que sa réponse n'a réellement aucun rapport avec le sujet en question. N'est-il pas évident que le passage cité de l'Apôtre a ici d'autant plus d'importance que vous soutenez précisément que vous n'êtes pas baptisés au nom de Donat ; que Donat n'a pas été crucifié pour vous, ce qui ne vous empêche pas de vous séparer de la communion de l'Eglise catholique, pour appartenir à la secte de Donat? Ceux que l'apôtre saint Paul couvrait de ses reproches ne disaient pas noir plus qu'ils eussent été baptisés au nom de Paul,

 

1. I Cor. I, 13. — 2. Liv. I, ch. III, IV, n. 4, 5.

 

ou que Paul eût été crucifié pour eux, et cependant ils faisaient schisme pour le nom de Paul. Ces premiers chrétiens pour qui Jésus-Christ, et non point Paul, avait été crucifié, et qui avaient reçu le baptême au nom de Jésus-Christ et non point au nom de Paul, ne laissaient pas de dire : « J'appartiens à Paul » ; ce qui leur méritait cette apostrophe : « Est-ce que Paul a été crucifié pour vous ? est-ce que vous avez été baptisés au nom de Paul? » Ils devaient donc s'attacher uniquement à Celui qui avait été crucifié pour eux, et au nom de qui ils avaient été baptisés, au lieu de se diviser pour le nom de Paul. De même, puisque vous ne dites pas que vous ayez été baptisés au nom de Donat, ce qui ne vous empêche pas de vouloir appartenir à la secte de Donat, n'est-on pas en droit de vous dire : Est-ce que Donat a été crucifié pour vous? est-ce que vous avez été baptisés au nom de Donat ? Vous savez que Jésus-Christ a été crucifié pour vous ; vous savez que vous avez été baptisés au nom de Jésus-Christ, et cependant, pour le nom et pour la secte de Donat, vous vous obstinez dans votre révolte contre l'unité de Jésus-Christ qui a été crucifié pour vous et au nom de qui vous avez été baptisés.

 

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CHAPITRE LII. PÉTILIEN CONDAMNÉ A FAIRE L'AVEU DE SON ERREUR.

 

64. Pétilien, dans ses écrits, se proposait de prouver « que celui qui reçoit le baptême n'a d'autre origine, d'autre racine et d'autre tête que celui par qui il est baptisé v. Et pour vous convaincre que ce n'est pas là de ma part une accusation vaine, puérile et insensée, rappelez-vous ce qu'il enseignait dans cette première partie de sa lettre, à laquelle j'ai répondu, et vous verrez que j'ai cité textuellement ses propres paroles. « C'est », dit-il, « d'après la conscience de celui qui administre saintement, que l'on juge de la purification du sujet: car celui qui de propos délibéré demande la foi à un ministre perfide, ce n'est pas la foi qu'il obtient, mais une véritable culpabilité. » Supposant alors que nous lui demandions des preuves à l'appui de son assertion, il continue : « Toute chose dépend de son origine et de sa racine; et ce qui n'a pas de tête n'est rien ; enfin (310) personne ne peut convenablement régénérer, s'il n'a été régénéré par une bonne semence. Si donc il en est ainsi, mes frères, n'est-ce point le comble de la perversité de soutenir que celui qui reste souillé par ses a propres crimes puisse justifier tel ou tel de ses frères, quand le Sauveur a dit : L'arbre a bon porte de bons fruits ; cueille-t-on des raisins sur les épines ; et encore : Tout homme bon tire le bien du trésor de son coeur, et tout homme mauvais tire le mal du trésor de son coeur ; et encore : Celui qui est baptisé par un mort, ne tire aucun a profit de cette ablution ? »

Vous voyez qu'en citant ces différents passages, Pétilien, fidèle à son principe, d'après lequel quiconque demande la foi à un ministre perfide en obtient, non pas la foi, mais une véritable culpabilité, se proposait uniquement de nous prouver que la conscience de celui qui administre saintement est l'origine, la racine, la tête et la semence de celui qui reçoit le baptême. C'est la conscience du saint ministre, qui purifie la conscience du sujet ; celui qui sciemment demande la foi à un ministre perfide, obtient, non pas la foi, mais une véritable culpabilité; pour prouver cette double affirmation, Pétilien ajoute immédiatement : « Tout dépend de son origine et de sa racine ; ce qui n'a pas de tête n'est rien ; et pour être capable de régénérer, il faut d'abord avoir été régénéré d'une bonne semence ». C'est déjà clair, et cependant il craint encore que des esprits trop simples ne comprennent pas qu'il parle du ministre même du baptême ; de là les explications suivantes : « S'il en est ainsi, mes frères, n'est-ce pas le comble de la perversité de soutenir que celui qui reste souillé de ses propres crimes, puisse justifier tel ou tel de ses frères, quand le Sauveur a dit positivement. L'arbre bon porte de bons fruits ; cueille-t-on des raisins sur les épines ? » Ce n'est point assez encore, car il craint encore qu'aveuglé par la dureté de son coeur l'auditeur ou le lecteur ne comprenne pas qu'il s'agit uniquement du ministre du baptême. Aussi se gardera-t-il d'omettre ces autres passages dans lesquels il est question de l'homme lui-même : « Tout homme bon », dit-il, « tire le bien du trésor de son coeur, et tout homme mauvais tire le mal du trésor de son coeur ; et encore : « Celui qui est baptisé par un mort, n'obtient aucun profit de cette ablution ». Maintenant sa pensée est manifeste, il n'y a plus besoin ni d'interprète ni de commentateur ; il est hors de doute que l'homme baptisé n'a d'autre origine, d'autre racine et d'autre tête que celui par qui il a été baptisé. Et cependant, écrasé par la puissance de la vérité, et oubliant en quelque. sorte ce qu'il venait de dire, Pétilien dans le cours de cette même lettre avoue que Jésus-Christ est l'origine et la racine de ceux qui sont régénérés ; qu'il est la tête de l'Eglise, à l'exclusion de tous ceux qui sont établis les dispensateurs et les ministres du baptême. En effet, après avoir dit que les Apôtres baptisaient au nom de Jésus-Christ et faisaient de Jésus-Christ le fondement unique et nécessaire de tout l'édifice du christianisme ; supposant bien à tort que nous puissions nier cette vérité, il cherche à nous accabler en nous citant des témoignages et des exemples tirés de la sainte Écriture. « Maintenant », s'écrie-t-il, « que deviennent toutes ces questions vaines et frivoles avec lesquelles vous faisiez si grand bruit ; que deviennent ces apostrophes orgueilleuses et jalouses lancées par vous contre l'orgueil et la témérité des hommes, en ayant le soin d'y mêler Jésus-Christ, la défense de Jésus-Christ, les oracles de Jésus-Christ ? N'ai-je pas clairement établi que Jésus-Christ est l'origine du chrétien, la racine du chrétien, la tête du chrétien ? »

Devant ce langage il ne me reste plus qu'à rendre grâces à Jésus-Christ arrachant à cet homme un aveu d'une telle importance. Car par cet aveu ne reconnaît-il pas la fausseté de toutes ces assertions entassées au début de sa lettre, et tendant toutes à prouver que la conscience du sujet est purifiée par la conscience de celui qui administre saintement, et que celui qui sciemment demande la foi à un ministre perfide, en obtient, non pas la foi, mais une véritable culpabilité ? Pour jeter un plus vif éclat sur la puissance prétendue des ministres, il s'écriait : « Toute chose dépend de son origine et de sa racine, et ce qui n'a pas de tête n'est rien ». Plus tard il fait cet aveu auquel nous nous associons : « Il reste établi que Jésus-Christ est l'origine du chrétien, qu'il en est la tête, qu'il en est la racine » ; et par ces paroles il réfute directement ce qu'il avait dit précédemment (311) : « La conscience de celui qui administre saintement est l'origine, la racine et la tête de la conscience du sujet ». La vérité triomphe, et l'homme qui désire le baptême de Jésus-Christ ne doit pas placer son espérance dans l'homme ministre, mais s'approcher en toute sécurité de Jésus-Christ lui-même comme de l'origine qui ne change pas, de la racine que rien ne peut arracher, et de la tête que rien ne saurait abattre.

 

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CHAPITRE LIII. TOUT VIENT DE DIEU, CAR C'EST LUI QUI DONNE L'ACCROISSEMENT.        

 

65. Mais quel orgueil transpire dans le commentaire qu'il nous donne des paroles de l'Apôtre. « J'ai planté, dit saint Paul, Apollo a arrosé, mais Dieu a donné l'accroissement. N'était-ce pas nous dire : J'ai fait de tel homme un catéchumène en Jésus-Christ ; Apollo l'a baptisé et Dieu a confirmé ce que nous avions fait? » Pourquoi donc Pétilien ne nous donnait-il pas la suite de ce texte, comme je l'ai donnée moi-même, car à mes yeux elle en est le commentaire le plus naturel : « Celui qui plante n'est rien, celui qui arrose n'est rien, mais tout vient de Dieu qui donne l'accroissement (1) ? » Si Pétilien veut ne pas démentir l'aveu qu'il a fait précédemment, il comprendra que celui qui baptise n'est rien, mais que tout vient de Dieu qui donne l'accroissement. Ces mots : « J'ai planté, Apollo a arrosé », peuvent-ils donc signifier : « J'ai fait de tel homme un catéchumène en Jésus-Christ; Apollo l'a baptisé ? » Ne doit-il pas y avoir une autre interprétation plus vraie et plus logique ? D'après cette interprétation, celui qui fait un catéchumène n'est rien, celui qui baptise n'est rien, et tout nous vient de Dieu qui donne l'accroissement. Or, autre chose est de confirmer ce qu'un autre a fait, autre chose est de le faire soi-même. En effet, celui qui donne l'accroissement ne confirme ni l'arbre ni la vigne, il crée l'un et l'autre. Car c'est en vertu de cet accroissement que le bois planté produit et enfonce ses racines ; c'est en vertu de cet accroissement que la semence jetée dans la terre y germe et s'y développe. Mais pourquoi discuter plus longtemps ? Selon Pétilien lui-même, celui qui fait un

 

1. I Cor. III, 6, 7.

 

catéchumène n'est rien ; celui qui baptise n'est rien, et tout nous vient de Dieu qui donne l'accroissement. Mais quand donc Pétilien dira-t-il, de manière à ce que nous puissions le comprendre : Donat de Carthage n'est rien, Januarius n'est rien, Pétilien n'est rien ? Lorsqu'il étouffera cet orgueil secret qui inspire à l'homme de se croire quelque chose dans son néant, et de se séduire lui-même (1).

 

 

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CHAPITRE LIV. CELUI QUI PLANTE ET CELUI QUI ARROSE NE SONT RIEN.

 

66. Un peu plus loin, dans le but de plier à ses propres idées les paroles de l'Apôtre que nous lui avions opposées, il passe sous silence l'objection même que je lui adressais, et se livre à des développements dans lesquels son orgueil peut facilement se complaire. « Si je voulais », dit-il, « retourner contre vous le passage que vous nous opposez, ne me suffirait-il pas de vous citer ces paroles du même Apôtre : Qu'est donc Paul, et qu'est Apollo ? Ils sont les ministres de celui en qui vous avez cru (2). N'est-ce pas comme s'il nous eût dit à tous : Qu'est Donat de Carthage, qu'est Januarius, qu'est Pétilien ? Ne sont-ils pas les ministres de celui en qui vous avez cru ? » Je n'ai pas rappelé ce passage de l'Apôtre, mais j'ai cité celui-ci que Pétilien affecte d'oublier : « Celui qui plante n'est rien, celui qui arrose n'est rien, et tout nous vient de Dieu qui donne l'accroissement». Pétilien a voulu citer ce passage où l'Apôtre demande ce qu'est Paul et ce qu'est Apollo, et répond lui-même : « Ils sont les ministres de celui en qui vous avez cru ». Je conçois que l'orgueil des hérétiques ait pu jusqu'à un certain point supporter ce passage, mais il n'a pu supporter l'autre passage où, sans interroger, l'Apôtre affirme sans ambage qu'il n'est rien. Demanderai-je donc si un ministre de Jésus-Christ est quelque chose ? Quelqu'un peut-il en douter ? Mais alors comment restent vraies ces autres paroles : « Celui qui plante n'est rien, celui qui arrose n'est rien, et tout nous vient de Dieu qui donne l'accroissement ? » Pour concilier tout cela il suffit de dire que sous un rapport le ministre est quelque chose, tandis qu'il n'est rien sous un autre rapport. Il est quelque

 

1. Gal. VI, 3. — 2. I Cor. III, 4, 5.

 

312

 

chose pour administrer et dispenser la parole et les sacrements ; mais il n'est rien dans la purification et la justification. Car cette justification n'est accomplie dans l'homme intérieur que par Celui qui a créé l'homme tout entier, et qui en restant Dieu s'est fait homme; en un mot par Celui dont il est dit : « Il purifie leur coeur par la foi (1) » ; et « Pour l'homme qui croit en Celui qui justifie le pécheur, sa foi lui est imputée à justice (2) ». Pétilien a voulu mêler ce passage à mes paroles, mais dans sa lettre il s'est abstenu d'y faire la plus légère allusion.

 

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CHAPITRE LV. LES TRÉSORS DE JÉSUS-CHRIST SONT INDÉPENDANTS DE CEUX QUI LES DISTRIBUENT.

 

67. Ainsi donc si le ministre, c'est-à-dire le dispensateur de la parole et du sacrement évangéliques, se montre digne de sa vocation, il s'unit pleinement à l'Évangile ; mais s'il est mauvais, il n'en est pas moins le dispensateur de ce même Evangile. S'il est bon, sa volonté se met d'accord avec ses oeuvres ; et s'il est mauvais, c'est-à-dire s'il cherche son intérêt propre et non pas celui de Jésus-Christ, il n'agit plus que malgré lui, et en vue des autres avantages qu'il se propose. Écoutez cependant ce que dit l'Apôtre : « Si je le fais de bon coeur, j'en aurai la récompense ; mais si je ne le fais qu'à regret, je dispense seulement ce qui m'a été confié (3)». C'est comme s'il eût dit : Si étant bon j'annonce le bien, je parviens à la récompense ; mais si je suis mauvais, je me contente d'annoncer le bien. Est-ce qu'il a dit : Si je ne le fais qu'à regret; je ne suis plus dispensateur? Pierre et les autres Apôtres fidèles ont prêché de bon coeur ; Judas n'a prêché qu'à regret, et cependant il avait été envoyé et il a prêché avec les autres. Les autres Apôtres ont obtenu la récompense, Judas n'a jamais été que dispensateur. Tous ceux qui ont reçu l'Évangile par la prédication des Apôtres, ont pu obtenir la purification et la justification, non pas de celui qui plantait ou de celui qui arrosait, mais de Celui qui donne l'accroissement.

Nous ne disons pas sans doute que Judas n'a point baptisé, puisqu'il se trouvait avec ses collègues au moment où se passait ce que nous raconte l'Évangile : « Jésus ne baptisait

 

1. Act. XV, 9. — 2. Rom. IV, 5. — 3. I Cor. IX, 17.

 

pas, mais ses disciples baptisaient (1) ». Dira-t-on qu'il baptisait parce qu'il n'avait pas encore livré Jésus-Christ ? mais il tenait la bourse, il était déjà voleur, il portait ce que l'on Jetait dans cette bourse, en un mot, un tel gardien de l'argent de son maître ne pouvait être innocent, et cependant il a pu dispenser la grâce, sans aucun détriment pour ceux qui la recevaient (2). Ou bien supposé qu'il n'ait pas baptisé, vous avouerez du moins qu'il a prêché. Et si vous regardez ce ministère de la prédication comme étant de peu d'importance, que pensez-vous alors de l'apôtre saint Paul qui nous dit de lui-même: « Le Christ ne m'a pas envoyé pour baptiser, mais pour évangéliser (3)? » Il suivrait delà qu'Apollo, en conférant le baptême, l'eût emporté sur Paul, qui a planté en évangélisant ; et cependant, à l'égard des Corinthiens, saint Paul s'attribue le nom de père et refuse ce titre à ceux qui sont venus après lui. Voici ses paroles : « Quand vous auriez dix mille maîtres en Jésus-Christ, vous n'avez pas pour cela plusieurs pères, puisque c'est moi qui vous ai engendrés en Jésus-Christ par l'Évangile (4)». Il leur dit : « Je vous ai engendrés », et pourtant dans un autre endroit, s'adressant aux mêmes personnes, il s'écrie : « Je rends grâces à Dieu de n'avoir baptisé aucun d'entre vous, si ce n'est Crispus, Gaïus et la famille de Stéphane (5) ». il les avait donc engendrés, non point par lui-même, mais par l'Évangile: Enfin, supposé qu'il eût cherché sa propre gloire et non pas celle de Jésus-Christ; supposé qu'il eût agi contre sa volonté et sans espoir d'aucune récompense, il n'en eût pas moins dispensé les trésors du Seigneur ; et ces trésors n'eussent été ni mauvais ni inutiles pour ceux qui y participaient, lors même que le dispensateur eût été mauvais et criminel.

 

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CHAPITRE LVI. COMPARAISON ENTRE L'ÉVANGILE ET LE BAPTÊME.

 

68. Ce qui est vrai de l'Évangile doit l'être à plus forte raison du baptême, car le baptême est lié à l'Évangile d'une manière si étroite, que s'il est vrai de dire que sans le baptême on ne saurait parvenir au royaume des cieux, toujours est-il que la justice a

 

1. Jean, IV, 2. — 2. Id. XII, 6. — 3. I Cor. I, 17. — 4. Id. IV, 15. — 5. Id. I, 14.

 

313

 

besoin de s'ajouter au sacrement. Le Sauveur a dit : « Celui qui ne renaît pas de l'eau et du Saint-Esprit n'entrera pas dans le royaume des cieux (1) » ; mais il a dit également: « Si votre justice n'est pas plus abondante que celle des Scribes et des Pharisiens, vous n'entrerez pas dans le royaume des cieux (2) ». La forme du sacrement nous est donnée par le baptême, et la forme de la justice par l'Evangile. L'une de ces deux choses, séparée de l'autre, ne peut nous conduire au royaume des cieux. Remarquons cependant que, pour baptiser parfaitement, il suffit de la science la plus commune, tandis que pour évangéliser parfaitement, nous rencontrons des difficultés bien plus grandes et qui ne sont surmontées que par le plus petit nombre. Voilà pourquoi la mission confiée à Paul d'évangéliser, paraît généralement beaucoup plus grande que n'eût été la mission de baptiser; car tous peuvent baptiser, tandis que très-peu d'hommes peuvent évangéliser, et c'est parmi ces derniers que l'Apôtre tenait le premier rang. D'un autre côté, nous l'entendons plusieurs fois se servant de ces mots : « Mon  Evangile (3) », tandis qu'il ne dit jamais, mon baptême, ni le baptême de celui par qui ce sacrement a été conféré. Un seul baptême, celui conféré par saint Jean, a été appelé le baptême de Jean (4). Ç'a été là pour le Précurseur un privilège spécial à sa personne que le baptême figuratif qu'il conférait, fût appelé du nom de celui qui le donnait. Quant au baptême donné par les disciples de Jésus-Christ, il ne prit le nom d'aucun d'eux, afin qu'il fût bien constant qu'il était le baptême de celui dont il est écrit : « Jésus-Christ a aimé son Eglise, et il s'est livré à la mort pour elle, afin de la sanctifier, la purifiant dans le bain de l'eau par la parole (5) ». Si donc l'Evangile, quoique étant l'Evangile de Jésus-Christ, peut encore être regardé comme étant l'Evangile de celui qui l'annonce, et peut être annoncé par un mauvais dispensateur, sans aucun danger pour ceux qui l'écoutent ; à plus forte raison, tout catéchumène de bonne foi peut-il, sans craindre de s'approprier les crimes d'un mauvais ministre, recevoir de ce dernier ce baptême de Jésus-Christ, que les Apôtres ont conféré, sans qu'aucun d'eux osât l'appeler son propre baptême.

 

1. Jean, III, 5. — 2. Matt. V, 20. — 3. II Tim. II, 8. — 4. Act. XIX, 3. — 5. Eph. V, 25, 26.

 

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CHAPITRE LVII. PÉTILIEN RÉDUIT A UN HONTEUX SILENCE.

 

69. Sur chacun des passages empruntés par Pétilien à l'Ecriture, je me suis arrêté, et j'ai prouvé que ces passages n'étaient nullement à notre défaveur. Quant aux passages cités par moi, ou bien Pétilien ne les honore d'aucune réponse, ou bien ce qu'il en dit ne prouve qu'une seule chose, c'est qu'il ne peut se soustraire à la condamnation dont ils le frappent. Par conséquent, vous n'avez besoin ni de longues exhortations, ni d'avertissements multipliés pour voir quel parti vous devez prendre et quel parti vous devez éviter. Vaincu du côté des témoignages de la sainte Ecriture, Pétilien a-t-il pu du moins trouver sa revanche dans les documents relatifs au schisme dont nous nous occupons? Comparés aux oracles divins, ces documents ne peuvent avoir grande importance, et cependant, voyons quels arguments il a pu en tirer.

Il fait une charge à fond contre les traditeurs, et lance contre eux divers anathèmes tirés des saints livres; mais quant à prouver que ceux qu'il attaque sont réellement traditeurs, c'est précisément ce qu'il ne fait pas. De mon côté, je lui ai cité Sylvain de Cirté son prédécesseur, non pas immédiat, et qui, n'étant encore que sous-diacre, était convaincu par les actes municipaux d'avoir livré les manuscrits sacrés. Je m'attendais à un essai de réfutation de la part de Pétilien, mais il a gardé le plus profond silence. Cependant, vous devez comprendre que des motifs de toute sorte lui faisaient une véritable nécessité de venger sur ce point l'innocence de son prédécesseur, de son collègue, de celui dont il occupait la chaire ; car toute la cause en ce moment débattue ne se résume-t-elle pas à nos yeux dans le droit que vous vous attribuez de regarder comme traditeurs ceux qui ont succédé, dans l'unité de communion, à des traditeurs?

Je le répète, ce hardi Pétilien qui, pour le besoin de votre cause, est de taille à défendre le dernier des habitants de Rusiccadie, ou de Calamée, ou de toute autre ville, si je prouvais sur la foi des actes municipaux que ce malheureux est coupable de tradition, Pétilien garde un profond silence sur la personne de son prédécesseur. Pourquoi ce silence, si ce n'est parce que l'évidence des faits ne lui a (314) pas permis d'entasser des nuages et de tromper les esprits les plus grossiers et les plus somnolents? Et, en effet, que pouvait-il nous répondre? Que nous calomnions Sylvain? Mais nous lui donnons lecture des actes, nous lui citons les dates du fait et de la dénonciation qui en fut portée au tribunal du consul Zénophile. A ces preuves comment pourrait-il répliquer, écrasé comme il l'est par l'évidence qui proclame l'excellence de la cause catholique et la perversité de la vôtre? Qu'il me soit donc permis de rappeler les termes dont je me servais dans ma lettre, à laquelle il a fait une réplique que je réfute en ce moment; vous comprendrez alors qu'il fallait que mon raisonnement présentât au suprême degré les caractères de la victoire, pour que Pétilien ne prît y opposer que le plus honteux silence.

 

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CHAPITRE LVIII. UN DILEMME ÉCRASANT.

 

70. Pétilien avait cru pouvoir nous opposer ces paroles du Sauveur : « Ils viendront à vous sous l'extérieur de brebis, quand intérieurement ils ne sont que des loups ravisseurs ; vous les reconnaîtrez à leurs fruits ». Je répondais : « Considérons ces fruits », et j'ajoutais : «Vous nous opposez le crime des traditeurs; mais bien plutôt, c'est à nous de vous l'opposer à vous-mêmes. Sans m'arrêter à de nombreux détails, il me suffira de vous rappeler que, dans la ville même de Constantine et dès le début de votre schisme, vos ancêtres n'ont pas rougi de donner à Sylvain la consécration épiscopale. Or, les actes municipaux nous attestent que, n'étant encore que sous-diacre, Sylvain livra les manuscrits sacrés. En supposant donc que vous ayez quelques documents sérieux à nous fournir contre nos prédécesseurs, il y aura égalité parfaite de part et d'autre, et nous en conclurons, ou bien que tout est vrai, ou bien que tout est faux. Si tout est vrai des deux côtés, il est hors de doute que vous êtes coupables de schisme, puisque vous vous êtes séparés de la communion universelle, sous prétexte de protester contre des crimes dont votre secte elle-même s'est rendue coupable. Si tout est faux des deux côtés, il est également certain que vous êtes coupables de schisme, puisque, sous la fausse inculpation du crime de tradition, vous vous êtes souillés de l'horrible crime de séparation. Enfin, si nous avons des preuves et que vous n'en ayez aucune, ou si les nôtres, sont véridiques et les vôtres fausses, il n'y a plus à discuter, et le seul parti que vous ayez à prendre, c'est de vous renfermer dans un honteux silence.

Et si la sainte et véritable Eglise de Jésus-Christ venait à vous convaincre d'erreur, indépendamment de tous documents relatifs au crime de tradition, le seul parti possible pour vous ne serait-il pas d'aimer la paix, si toutefois vous en aviez la volonté; et si cette volonté vous manque, de vous condamner de nouveau au plus profond silence? Quelques preuves que vous puissiez apporter, je vous dirais toujours en tolite liberté et en toute vérité : Faites-les valoir aux yeux de l'Eglise catholique répandue sur toute la terre, car c'est là le seul moyen de montrer que vous appartenez à l'unité, et d'obtenir l'expulsion de ceux qui seront reconnus réellement coupables. Supposé que vous ayez tenté cet effort suprême, je suis parfaitement convaincu qu'il est resté sans résultat. C'est alors qu'ajoutant le crime à la honte de votre défaite, vous vous êtes sacrilègement séparés de ces innocents, qui ne pouvaient condamner des coupables sans être assurés de leur culpabilité. Et si vous n'avez pas même tenté cet effort, jugez alors par quel aveuglement horrible vous vous êtes séparés de ces froments de Jésus-Christ, doués sur toute la terre d'une miraculeuse fécondité, et sur lesquels vous avez obstinément fermé les yeux, pour les ouvrir uniquement sur le scandale que vous causaient quelques rares zizanies perdues sur le sol de l'Afrique (1) ». A ce raisonnement que j'emprunte à ma première lettre, Pétilien ne fit absolument aucune réponse. Pourtant, vous voyez vous-mêmes que ces quelques lignes renferment toute la cause débattue entre nous. Et qu'est-ce donc qu'il aurait pu dire, puisqu'il était vaincu d'avance, quelque parti qu'il eût pris ?

71. En effet, admettons un instant que nous produisons des documents contre vos traditeurs, et que vous-mêmes vous en produisez contre les nôtres. Quant à ce dernier point, je ne sais s'il est possible, car jusqu'aujourd’hui

 

1. Liv. I, ch. XXI, XXII, n. 23, 24.

 

315

 

nous ignorons que vous ayez produit un seul de ces documents; d'ailleurs, Pétilien n'aurait pas manqué de les mentionner dans ses lettres, lui qui s'est empressé de rappeler et de citer contre moi toutes les parties de ces actes qui ont quelque rapport au sujet que nous traitons. Quoi qu'il en soit, admettons que vous et moi nous produisons des documents ignorés jusqu'à ce jour. Ou bien, des deux côtés, ces documents sont vrais, ou bien ils sont faux, ou bien les nôtres sont vrais et les vôtres sont faux, ou les nôtres sont faux et les vôtres sont faux; je crois que ce sont là toutes les hypothèses possibles.

 

 

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CHAPITRE LIX. CONCLUSION.

 

Quelle que soit celle de ces quatre suppositions que l'on embrasse, la vérité reste du côté de l'Eglise catholique. En effet, supposé que tous ces documents soient vrais, il est certain qu'à l'occasion de certains traditeurs, tels qu'il s'en trouvait jusque dans vos rangs, vous ne deviez pas quitter la communion de l'Eglise universelle. Si tous ces documents sont faux, pouviez-vous, sans aucun crime de tradition, vous souiller de l'horrible crime du schisme? Si nos documents sont vrais et les vôtres faux, vous n'avez plus rien à répondre. Si les vôtres sont vrais et les nôtres faux, nous avons pu nous tromper avec l'univers sur l'iniquité de certains hommes, mais non pas sur la vérité de la foi. La race d'Abraham dispersée dans toutes les nations, n'a pas dû s'arrêter à de simples allégations de votre part; elle avait le droit d'exiger des preuves juridiques. Comment pouvons-nous savoir ce qu'ont fait ces hommes que vos ancêtres ont poursuivis de leurs accusations, dussent ces accusations être bien fondées, puisque ces accusations ont toujours été regardées comme calomnieuses, soit par les juges eux-mêmes, soit surtout par l'Eglise universelle, qui ne devait s'en rapporter qu'à la sentence des juges? Sans doute les crimes que les hommes comme tels ne peuvent connaître, n'en sont pas moins des crimes devant Dieu; cependant je n'admettrai jamais que l'on puisse condamner comme coupable un homme contre lequel on ne peut asseoir une conviction de culpabilité.

En quoi donc l'univers est-il coupable, s'il n'a pu connaître le crime de quelques africains, ce crime fût-il réel? Or, il n'a pu connaître ce crime, soit parce que personne ne le lui a démontré; soit surtout parce qu'en cas de délation, c'est à la prudence des juges qu'il devait s'en rapporter et lion point aux murmures d'adversaires furieux de leur défaite. Il faut donc savoir gré à Pétilien d'avoir su garder le silence sur une matière où nécessairement il se voyait vaincu. Je n'en dirai pas autant de beaucoup d'autres matières qui étaient pour lui également compromettantes, et sur lesquelles cependant il s'est plu à amonceler des nuages, à entasser des obscurités. Je ne le louerai pas surtout de m'avoir mis en cause, quand lui-même était hors de cause. Ce qu'il a dit de moi était ou absolument faux, ou n'était digne d'aucun reproche de sa part, ou ne s'appliquait nullement à ma personne.

Quoi qu'il en soit, je n'oublie pas que je vous ai établis juges entre Pétilien et moi; je vous demande donc si vous savez discerner entre le vrai et le faux, entre l'enflure et la réalité, entre le trouble et la tranquillité, entre la maladie et la santé, entre les oracles divins et les prétentions humaines, entre les preuves et les calomnies, entre des documents et des suppositions, entre l'étude d'une cause et le rejet de cette cause ? Si vous avez ce discernement, c'est bien; si vous ne l'avez pas, je le regrette, et pourtant je ne me repentirai jamais d'avoir pris en main vos propres intérêts, car si votre coeur ne veut point de la paix que nous vous offrons, cette paix nous reviendra.

 

Traduction de M. l'abbé BURLERAUX.

 

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