LETTRE CCX
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LETTRE CCX. (Année 423.)

 

Félicité était la supérieure et Rustique le supérieur d'un monastère de femmes où était entrée la division; saint Augustin leur adresse d'utiles et de belles exhortations

 

AUGUSTIN ET CEUX QUI SONT AVEC LUI, A LEUR CHÈRE ET TRÈS-SAINTE MÈRE FÉLICITÉ , A LEUR FRÈRE RUSTIQUE ET AUX SOEURS QUI SONT AVEC EUX, SALUT DANS LE SEIGNEUR.

 

1. Le Seigneur est bon et sa miséricorde est partout répandue : elle nous console par votre charité dans ses entrailles. Il fait voir combien il aime ceux qui croient et espèrent en lui, qui l'aiment et s'aiment les uns les autres, et ce qu'il leur réserve dans l'avenir, alors surtout qu'il accorde en ce monde de grands biens aux gens sans foi et sans espérance, aux pervers, qu'il menace du feu éternel avec le démon s'ils persistent jusqu'à la fin dans une mauvaise volonté. « Il fait luire son soleil sur les bons et les méchants, et pleuvoir sur les justes et les injustes (1) ; » ces courtes paroles suffisent pour faire beaucoup penser. Qui peut compter tous les biens et les dons gratuits que les impies reçoivent en cette vie de ce Dieu qu'ils méprisent? Parmi ces biens il en est un véritablement grand, c'est l'avertissement qu'il leur donne en mêlant, comme un bon médecin , les tribulations aux douceurs de ce monde : par là il les invite à se dérober à la colère à venir, et, pendant qu'ils sont en chemin, c'est-à-dire dans cette vie, à se mettre bien avec la parole de Dieu dont ils se sont fait une ennemie en vivant mal. Qu'y a-t-il donc dans ce qui vient de Dieu aux hommes, qui ne soit un effet de sa miséricorde, puisque là

 

1. I Cor. XI, 31. — 2. Matt. V, 45.

 

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tribulation qu"il nous envoie devient elle même un bienfait? Car une chose heureuse est un don de celui qui console, une chose malheureuse un don de celui qui avertit; et si, comme je l'ai dit, il accorde cela aux méchants eux-mêmes, que prépare-t-il donc à ceux qui se soutiennent dans la grâce? Réjouissez-vous d'être mis de ce nombre par sa grâce, vous supportant les uns les autres avec charité, vous appliquant à garder l'unité de l'esprit dans le lien de la paix (1). Il y aura toujours quelque chose que vous devrez supporter entre vous , jusqu'à ce que le Seigneur vous ait purifiés au point que la mort, étant absorbée par la victoire, Dieu soit tout en tous (2).

2. On ne doit jamais aimer les dissensions; mais parfois, cependant, elles naissent de la charité ou lui servent d'épreuve. Trouve-t-on aisément quelqu'un qui veuille être repris ; où est le sage dont il est dit : « Reprends le sage et il t'aimera (3) ? » Faut-il pour cela ne rien dire à notre frère et le laisser tomber dans la mort lorsqu'il croit marcher en sûreté? Souvent il arrive que celui qui est repris s'afflige au moment même; il résiste, il conteste; mais ensuite il repasse en silence, avec lui, même, ce qu'il vient d'entendre, il le repasse quand il n'y a plus que Dieu et lui ; il ne craint plus de déplaire aux hommes en se corrigeant, mais il craint de déplaire à Dieu en ne se corrigeant pas; il ne retombera plus dans la faute qu'on lui a reprochée: et autant il haïra son péché, autant il aimera le frère qu'il sentira avoir été l'ennemi de son péché. Si celui qui est repris est du nombre de ceux dont il est dit : « Reprends l'insensé et il te haïra davantage (3), » ce n'est pas de son amour que naîtra la division, mais il exercera et il éprouvera l'amour du frère qui l'aura repris; celui-ci ne lui rendra pas haine pour haine : l'amour qui oblige de reprendre continue à subsister sans trouble, lors même qu'il ne rencontre que la haine. Si, au contraire, celui qui blâme vent rendre le mal pour le mal à l'homme que le correction irrite, il n'est pas digne de le reprendre, mais plutôt il mérite lui-même la correction. Faites cela pour qu'il n'y ait pas d'irritation parmi vous, ou pour qu'une prompte paix les éteigne au moment où elles éclatent. Occupez-vous bien plus de vous mettre d'accord que de vous reprendre les uns les autres. De même que le vinaigre infecte le

 

1. Eph. II, 2, 3. — 2. II Cor. XV, 28. — 3. Prov. IX, 8. — 4. Ibid.

 

vase s'il y reste longtemps, ainsi la colère infecte le coeur si elle y demeure plus d'un jour. Faites donc cela, et le Dieu de paix sera avec vous. Priez en même temps pour nous, afin que nous mettions en pratique ce que nous vous disons de bon.

 

 

 

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