LETTRE CLIV
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 LETTRE CLIV. (Année 414.)

 

Le vicaire d'Afrique exprime à saint Augustin ses sentiments de respectueuse admiration ; il avait reçu et tu les trois premiers livres de la Cité de Dieu.

 

MACÉDONIUS A SON VÉNÉRABLE SEIGNEUR ET CHER PÈRE AUGUSTIN, ÉVÊQUE.

 

1. Je suis merveilleusement frappé de votre sagesse , soit que je lise vos ouvrages, soit que je lise ce que vous avez bien voulu m'envoyer sur les intercessions en faveur des criminels. Je trouve dans vos ouvrages tant de pénétration, de science, de sainteté qu'il n'y a rien au delà; et tant de réserve dans votre lettre que si je ne faisais pas ce que vous demandez , je croirais presque que le seul coupable de l'affaire c'est moi, ô vénérable seigneur et cher Père. Car vous n'insistez point comme la plupart des gens de ce lieu , et vous n'arrachez pas de force ce que vous désirez; mais lorsque vous croyez devoir vous adresser à un juge accablé de tant de soins, vous exhortez avec une réserve qui vient en aide à vos paroles, et qui, auprès des gens de bien, est la plus puissante manière de vaincre les difficultés. C'est pourquoi je me suis hâté d'avoir égard à votre demande : je l'avais déjà fait espérer.

2. J'ai lu vos livres (1), car ce ne sont pas de ces oeuvres languissantes et froides qui souffrent qu'on les quitte ; ils se sont emparés de moi, m'ont enlevé à tout autre soin et m'ont si bien attaché à eux (puisse Dieu m'être ainsi favorable!), que je ne sais ce que je dois le plus y admirer, ou la perfection du sacerdoce, ou les dogmes de la philosophie, ou la pleine connaissance de l'histoire, ou l'agrément de l'éloquence; votre langage séduit si fortement les ignorants eux-mêmes qu'ils n'interrompent pas la lecture de vos livres avant de l'avoir achevée, et qu'après avoir fini ils recommencent encore. Vous avez prouvé à nos adversaires, impudemment opiniâtres, que dans ce qu'ils appellent les siècles heureux, il est arrivé de plus grands maux dont la cause est cachée dans l'obscurité des secrets de la nature, et que les fausses félicités de ces temps ont conduit, non point à la béatitude, mais aux abîmes ; vous avez montré que notre religion et les mystères du Dieu véritable, sans compter la vie éternelle promise aux hommes vertueux , adoucissent les inévitables amertumes de la vie présente. Vous vous êtes servi du puissant exemple d'un malheur récent (2); toutefois, malgré les fortes preuves que vous en tirez au profit de notre cause , j’aurais voulu, si t'eût été possible , qu'il ne vous eût pas servi (3). Mais cette calamité ayant donné lieu à tant de plaintes folles de la part de ceux qu'il fallait convaincre, il était devenu

 

1. Les trois premiers livres de la Cité de Dieu.

2. La chute de Rome.

3. On voit ici combien les âmes chrétiennes les meilleures avaient été émues et troublées de la prise de Rome par les Barbares.

 

nécessaire de tirer de cette catastrophe même des preuves de la vérité.

3. Voilà ce que j'ai pu vous répondre sous le, poids de tant d'occupations; elles sont vaines si on considère à quoi aboutissent les choses humaines, mais elles ont pourtant leur nécessité dans les jours mortels qui nous sont faits ici-bas. Sil m'est accordé du loisir et de la vie, je vous écrirai aussi d'Italie pour vous marquer tout ce que m'inspire un ouvrage d'une si grande science, Sans qui je puisse cependant payer jamais toute ma dette. Que le Dieu tout-puissant garde votre sainteté en santé et en joie durant une très-longue vie, ô désirable seigneur et cher Père.

 

 

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