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LIVRE II. CRÉATION DU FIRMAMENT  (1).

 

CHAPITRE PREMIER. QUE SIGNIFIE LE FIRMAMENT AU MILIEU DES EAUX L'EAU PEUT-ELLE, D'APRÈS LES LOIS DE LA PHYSIQUE, SÉJOURNER AU-DESSUS DU CIEL ÉTOILÉ?

CHAPITRE II. L'AIR EST PLUS LÉGER QUE LA TERRE.

CHAPITRE III. LE FEU EST PLUS LÉGER QUE L'AIR.

CHAPITRE IV. DE L'OPINION SUIVANT LAQUELLE LE FIRMAMENT NE SERAIT QUE L'ATMOSPHÈRE

CHAPITRE V. L'EAU SUSPENDUE AU-DESSUS DU CIEL ÉTOILÉ.

CHAPITRE VI. FAUT-IL VOIR DANS LE PASSAGE : « ET DIEU FIT LE FIRMAMENT, » ETC. L'INTERVENTION DIRECTE  DU FILS?

CHAPITRE VII. CONTINUATION DU MÊME SUJET.

CHAPITRE VIII. POURQUOI L'EXPRESSION : « ET FECIT DEUS, » N'A-T-ELLE PAS ÉTÉ REPRODUITE APRÈS LA CRÉATION DE LA LUMIÈRE?

CHAPITRE IX. DE LA CONFIGURATION DU CIEL.

CHAPITRE X. DU MOUVEMENT DU CIEL.

CHAPITRE XI. QUE FAUT-IL ENTENDRE PAR L'ÉTAT INFORME DE LA TERRE (1)?

CHAPITRE XII. POURQUOI LA FORMULE « ET CELA SE FIT AINSI, » EST-ELLE EMPLOYÉE SPÉCIALEMENT POUR LES PLANTES ET LES ARBRES (1) ?

CHAPITRE XIII. POURQUOI LES LUMINAIRES N'ONT-ILS ÉTÉ FORMÉS QUE LE QUATRIÈME JOUR (1) ?

CHAPITRE XIV. COMMENT LES LUMINAIRES DU CIEL SERVENT-ILS A MARQUER LE TEMPS, LES JOURS, LES ANNÉES.

CHAPITRE XV. DE LA LUNE.

CHAPITRE XVI. DE LA LUMIÈRE RELATIVE DES ASTRES.

CHAPITRE XVII. RÉFUTATION DE L'ASTROLOGIE.

CHAPITRE XVIII. QU'IL EST DIFFICILE DE SAVOIR SI LES ASTRES SONT GOUVERNÉS ET ANIMÉS PAR DES ESPRITS.

 

 

 

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CHAPITRE PREMIER. QUE SIGNIFIE LE FIRMAMENT AU MILIEU DES EAUX L'EAU PEUT-ELLE, D'APRÈS LES LOIS DE LA PHYSIQUE, SÉJOURNER AU-DESSUS DU CIEL ÉTOILÉ?

 

1. « Dieu dit : que le firmament se fasse au milieu des eaux et qu'il sépare les eaux d'avec les eaux. Et cela se fit. Dieu fit donc le firmament et sépara les eaux qui sont au-dessous du firmament, d'avec les eaux qui étaient au-dessus. Et Dieu nomma le firmament ciel. Et Dieu vit que cette oeuvre était bonne. Et le soir arriva, et au matin se fit le second jour. » Il serait inutile de répéter ici le commentaire que j'ai fait tout à l'heure sur la parole créatrice, sur l'approbation donnée par Dieu à ses oeuvres, sur le matin et le soir : chaque fois que ces termes reparaissent, je prie le lecteur de se reporter aux explications précédentes. La question qui doit maintenant nous occuper est de savoir s'il s'agit ici du ciel, je veux dire de l'espace qui s'élève au-dessus de l'atmosphère, quelle qu'en soit la hauteur, et des régions où le soleil avec la lune et les étoiles furent placés le quatrième jour; ou si le firmament ne sert qu'à désigner l'atmosphère elle-même.

2. Plusieurs prétendent en effet que les eaux ne peuvent physiquement se tenir au-dessus du ciel étoilé, parce que selon les lois de la pesanteur, elles doivent couler sur la terre, ou s'élever sous forme de vapeur à quelque hauteur seulement dans l'atmosphère. Qu'on ne s'avise pas d'objecter à ces physiciens qu'en vertu de la puissance infinie de Dieu les eaux ont pu, malgré leur pesanteur, se répandre au-dessus des

 

1. Gen I, 6-19.

 

régions célestes où nous voyons maintenant les astres se mouvoir. Notre but est de chercher, d'après les livres saints, les lois.que Dieu a imposées à la nature, et non le miracle qu'il peut opérer par elle et en elle pour manifester sa puissance. Si par exception Dieu voulait que l'huile restât sous l'eau, le phénomène aurait lieu : nous n'en connaîtrions pas moins la propriété qui fait monter l'huile au-dessus de l'eau malgré l'obstacle qu'elle lui oppose. Examinons donc si le Créateur « qui a disposé tout avec nombre, poids et mesure (1), » loin d'assigner aux eaux un lit unique à la surface du globe, les a encore superposées à la voûte céleste, en dehors de notre atmosphère.

3. Ceux qui ne veulent pas admettre une pareille hypothèse, se fondent sur les lois de la pesanteur; à leurs yeux la voûte céleste n'est point une espèce de sol assez ferme pour soutenir le poids des eaux; une telle consistance n'appartient qu'à la terre et la distingue du ciel; les propriétés des éléments ne les distinguent pas moins que la place qu'ils occupent, ou plutôt, leur place est dans un juste rapport avec leurs propriétés : par exemple, l'eau ne peut être que sur la terre ; fût-elle sous terre, comme l'eau immobile ou courante des grottes et des cavernes, c'est encore le sol qui lui sert de base. Qu'un éboulement se produise, la terre ne reste pas à la surface de l'eau, mais descend jusqu'au fond et s'y fixe comme à sa place naturelle. Par conséquent, lorsqu'elle était au-dessus de l'eau, ce n'est pas l'eau qui la soutenait, mais la force de cohésion qui soutient aussi la voûte des cavernes.

4. On doit ici se garder d'une erreur que j'ai

 

1 Sag. XI, 21.

 

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recommandé d'éviter; elle consisterait à prendre le passage du Psalmiste : « Il a fondé la terre sur les eaux, » et à opposer, ce témoignage de l'Écriture aux théories des physiciens sur la pesanteur des corps. En effet comme ils n'admettent pas l'autorité des livres saints et qu'ils ignorent le véritable sens de ce passage, ils auraient plus de pente à s'en moquer qu'à renoncer aux vérités qu'ils tiennent du raisonnement on de l'expérience. Or, ce passage du Psalmiste peut fort bien s'entendre au sens figuré : le ciel et la terre sont souvent une métaphore dans le tangage de l’Église pour représenter l'état spirituel ou charnel des âmes. Par conséquent, le

Psalmiste, en parlant des cieux « que Dieu a créés dans l'intelligence (1), » aurait désigné la contemplation sans nuage de la vérité; la terre aurait été pour lui le symbole de la foi naïve des esprits simples, qui, sans se laisser égarer par de vaines théories, ont trouvé dans la prédication des prophètes et de l'Évangile un fondement devenu inébranlable par la grâce du Baptême : aussi ajoute-t-il : « il a fondé la terre sur l'eau. » Aime-t-on mieux expliquer ces paroles à la lettre? Elles rappellent naturellement les montagnes, les îles qui s'élèvent au-dessus du niveau de la mer, ou même les grottes dont la voûte est suspendue au-dessus des eaux. Ainsi d'après le sens littéral, ce passage ne peut signifier que l'eau, en vertu des lois de la nature, formait une base capable de porter la terre.

 

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CHAPITRE II. L'AIR EST PLUS LÉGER QUE LA TERRE.

 

5. L'air s'élève naturellement au-dessus de l'eau, quoiqu'il se répande à la surface de la terre par sa forcé d'expansion; c'est ce que l'expérience démontre. Enfoncez un vase dans l'eau, l'orifice renversé; il ne peut s'emplir, tant il est vrai que l'air a la propriété de se -tenir plus haut. Le vase semble vide, mais il est évidemment plein d'air : car, comme l'air ne peut plus s'échapper par l'orifice et que sa nature l'empêche de descendre sous la couche liquide, il se concentre, repousse l'eau et l'empêche de monter; mais si vous inclinez l'ouverture du vase, au lieu de l'enfoncer verticalement, l'air trouve une issue pour s'échapper et l'eau s'élève. Tenez le vase en l'air avec son entrée parfaitement libre, et versez-y de l'eau :l'air trouve un passage partout

 

1. Ps. CXXXV, 6, 5.

 

vous ne versez pas et fait un vide où l'eau pénètre; mais si le vase, sous une pression violente, perd sa position, et que l'eau s'y précipite de toutes parts, de façon à obstruer l'ouverture, l'air la divise pour regagner sa hauteur naturelle et lui laisse une place au fond: le bruit intermittent qu'on entend alors, vient des efforts de l'air pour s'échapper successivement, l'ouverture trop étroite né lui permettant pas de sortir tout d'un coup. Ainsi, l'air est-il obligé de monter au-dessus de l'eau? Il en perce les couches, et la fait jaillir en bulles légères par son impétuosité; il s'évapore bruyamment pour reprendre sa position naturelle et laisser l'eau retomber à la place que lui assigne sa pesanteur. Veut-on au contraire le forcer à passer d'un vase sous l'eau, en tenant l'orifice renversé? On aura moins de peine à le renfermer sous- l'eau de tous côtés qu'à en faire entrer la moindre goutte par l'orifice.

 

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CHAPITRE III. LE FEU EST PLUS LÉGER QUE L'AIR.

 

6. Quant au feu, son mouvement ascensionnel n'indique-t-il pas qu'il tend à s'élever au-dessus de l'air ? Tenez un flambeau renversé, la pointe de la flamme ne s'en dirige pas moins vers le ciel. Cependant, comme le feu s'éteint dans l'air quand il devient trop épais, et qu'il perd ses propriétés pour se confondre avec lui, il ne pourrait atteindre ,jusqu'aux dernières limites de l'atmosphère. De là vient qu'on nomme ciel le feu pur répandu au-delà de l'atmosphère; c'est là, selon quelque physiciens, la matière première des astres, qui ne seraient qu'une inclinaison de cette lumière ardente transformée en sphères solides comme nous les voyons aujourd’hui dans le ciel dans le ciel. Ils ajoutent que si l'air et l'eau sont au-dessus de la terre, c'est que leur pesanteur est moindre : de même que si l'air est suspendu sur l'eau ou sur la terre, c'est qu'il pèse moins que l'eau. Ils soutiennent donc qu'un peu d'air, en supposant qu'on prit l'introduire dans les hautes régions du ciel, en retomberait par son propre poids, jusqu'à ce qu'il rencontrât notre atmosphère; et ils concluent que l'eau ne pourrait à plus forte raison séjourner au-dessus des régions où brille le feu pur, puisque l'air, spécifiquement plus léger, ne saurait y rester en équilibre.

 

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CHAPITRE IV. DE L'OPINION SUIVANT LAQUELLE LE FIRMAMENT NE SERAIT QUE L'ATMOSPHÈRE

 

7. Cette objection a frappé un auteur, et il a cherché un moyen de démontrer que l'eau était suspendue au-dessus des cieux, afin de concilier l’Ecriture avec les lois de la physique. Il prouve d'abord, ce qui était facile, que l'air et le ciel sont des expressions synonymes, non-seulement dans le langage ordinaire où l'on dit sans cesse un ciel pur, un ciel chargé de nuages; mais encore dans le style de l'Ecriture, par exemple : « Voyez les oiseaux du ciel (1); » or, le ciel où volent les oiseaux ne peut être que l'air. En parlant dies nuages, le Seigneur dit lui-même : « Vous savez juger l'aspect du ciel (2). » Quant aux nuages, nous les voyons se former dans l'air qui nous avoisine, retomber le long des montagnes et souvent même rester au-dessous de leurs cimes. Ce point établi, il prétend que le firmament a été ainsi appelé, parce qu'il met comme une ligne de démarcation entre les vapeurs légères, sorties du sein des eaux, et les eaux plus denses qui coulent sur la terre. Les nuages, en effet, comme l'ont vérifié tous ceux qui les ont traversés dans les montagnes; ressemblent à un amas de gouttelettes très-déliées. Ces molécules viennent-elles à se condenser et à se réunir en une grosse goutte? L'air ne pouvant plus la soutenir t'abandonne à son propre poids et elle tombe sur la terre. Tel est le phénomène de la pluie. Par conséquent, dans l'air, placé entre les vapeurs dont les nuages sont formés et les eaux répandues sur la terre, il retrouve le ciel qui divise les eaux d'avec les eaux. Cette explication si exacte mérite, à mon sens, les plus grands éloges : elle n'est point contraire à la            foi et s'accorde avec l'expérience la plus facile à réaliser. Toutefois on petit penser aussi que la pesanteur n'empêche point l'eau de rester au-dessus du ciel, sous forme de vapeurs, puisqu'elle ne l'empêche pas, sous la même forme, d'être suspendue en l'air. Quoique plus lourd et par conséquent moins haut que le ciel, l'air est sac, aucun doute plus léger que l'eau, ce qui n'empêche pas les vapeurs de monter au-dessus. Il est donc possible qu'une masse liquide, réduite en vapeurs infiniment plus subtiles, s'étende par de-là le ciel, sans être forcée d'en descendre par les lois de la pesanteur.

 

1. Matt. VI,26. — 2. Ibid. XVI, 4.

 

Les philosophes eux-mêmes nous démontrent par un raisonnement très-rigoureux, que la matière est divisible à l'infini et qu'un raccourci d’atôme est susceptible encore de se diviser: car toute partie d'un corps est corps elle même, et tout corps est nécessairement divisible en deux. Par conséquent, si l'eau peut se réduire, comme le démontre en effet l'expérience, en gouttelettes, assez ténues pour s'élever au-dessus de l'air, quoiqu'il soit naturellement plus léger; pourquoi ne pourrait-elle, marré sa pesanteur relative, se répandre par de-là le ciel en gouttelettes plus déliées, en vapeurs plus légères?

 

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CHAPITRE V. L'EAU SUSPENDUE AU-DESSUS DU CIEL ÉTOILÉ.

 

9. Quelques auteurs chrétiens, voulant réfuter ceux qui s'appuient sur les lois de la pesanteur pour soutenir que l'eau ne peut rester en équilibre au-dessus du ciel étoilé, ont essayé de les mettre en contradiction avec leur propre système sur la température et les révolutions des astres. D'après ce système, en effet, la planète de Saturne est glacée et met trente ans à accomplir sa révolution sidérale : son élévation dans l'espace l'oblige à décrire un plus grand tour. Le soleil, au contraire, achève la même révolution en un an, et la lune en un mois; moins l'astre est élevé, plus sa rotation est rapide, afin qu'il y ait un rapport exact entre la durée du mouvement et sa hauteur relative dans l'espace. Ils se demandent donc par quel mystère la planète de Saturne est si froide, quand sa température devrait être d'autant plus élevée que sa rotation s'accomplit du haut de la voûte céleste. Voyez une roue tourner : le mouvement est plus lent au centre, plus rapide à la circonférence, afin que, malgré la différence ces rayons, tous les mouvements se combinent pour former un même tour. Or, plus la rotation est rapide, plus il se dégage de chaleur: la température de Saturne devrait donc être plutôt brûlante que froide. Car bien que Saturne ayant un vaste cercle à décrire, mette trente ans à achever sa révolution par son mouvement propre, il est soumis chaque jour au mouvement général et en sens contraire du ciel, dont une conversion produit un jour, au dire de ces physiciens : par conséquent, la partie du ciel où il tourne, étant animée d'un mouvement plus rapide, il devrait dégager plus de chaleur. D'où vient donc ce (160) mystère ? Du voisinage même des eaux suspendues au-dessus du ciel étoilé et dont ces physiciens contestent l'existence. Voilà sur quelles conjectures s'appuient nos auteurs pour combattre les physiciens qui; sans vouloir entendre parler d'eaux au-dessus du ciel, soutiennent néanmoins que la planète placée au sommet de la voûte céleste est glacée : ils les forcent ainsi à conclure que ces eaux existent, non plus sous forme de vapeurs légères, mais à l'état de glace. Quelque système qu'on adopte, l'existence des eaux au-dessus du ciel, sous quelque forme que l'on voudra, est un fait indubitable : l'autorité de l'Ecriture doit prévaloir sur les plus ingénieuses théories de l’esprit humain.

 

 

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CHAPITRE VI. FAUT-IL VOIR DANS LE PASSAGE : « ET DIEU FIT LE FIRMAMENT, » ETC. L'INTERVENTION DIRECTE  DU FILS?

 

 

10. On a remarqué, et cette réflexion, mérite, selon moi, d'être approfondie, qu'après cette parole immédiatement accomplie: « Que le firmament se fasse au milieu des eaux et qu'il sépare les eaux d'avec les eaux, » l'Ecriture ne se contente pas de dire : « Cela se fit, » mais qu'elle ajoute : « Et Dieu fit le firmament, et il sépara les eaux qui étaient au-dessus du firmament, d'avec les eaux qui étaient au-dessous. » On croit donc que la personne du Père est marquée dans le passage : « Et Dieu dit : Que le firmament se fasse au milieu des eaux, et qu'il sépare les eaux d'avec les eaux; ce qui fut fait; » et l'on pense que l'Ecriture avait pour but de faire entendre que le Fils avait accompli la parole du Père quand elle ajoute : « Et Dieu fit le firmament, » etc.

11. Mais, puisqu'il a déjà été écrit : « Et cela fut fait, » je demande par qui cela fut fait, Etait-ce par le Fils? A quoi bon alors cette espèce de pléonasme : « Et Dieu fit le firmament, etc? » Si au contraire on voit dans le passage : « Et cela fut fait, » l'acte du Père, il ne faut plus admettre que le Père parle et que le Fils exécute; il faudrait même en conclure que le Père agit indépendamment du Fils, et que le Fils reproduit les actes du Père par imitation, ce qui est contraire à la foi catholique. Aime-t-on mieux ne voir qu'une répétition de la même idée dans les deux passages : « Et cela se fit, » et « Dieu fit ainsi ? » Pourquoi ne pas identifier celui qui commande et celui qui exécute . Veut-on aussi en laissant de côté : « Et il fut fait « ainsi, » se borner à rapporter les deux autres passages, celui où Dieu commande et celui où il agit (fiat-fecit), et retrouver ici l'intervention du Père, là celle du Fils?

12. On peut encore se demander s'il ne faudrait pas voir dans l'expression fiat un ordre, pour ainsi dire, donné au Fils par le Père. Dans ce cas, pourquoi l'Ecriture n'a-t-elle pas pris soin de désigner la personne du Saint-Esprit? Est-ce qu'il faut reconnaître la Trinité dans le commandement, dans l'acte créateur, et dans l'approbation donnée à l'oeuvre ? Mais la Trinité forme une unité trop absolue pour que le Fils reçoive en quelque façon l'ordre d'agir, tandis que le Saint-Esprit approuve de lui-même et sans y être invité l'oeuvre accomplie. Quel ordre, en effet, le Père pourrait-il donner au Fils, c’est-à-dire, à son Verbe éternel, le Verbe du Père, le Fils unique en qui existe tout ce qui a été créé, même avant la création, le principe de la vie, en ce sens que tout ce qu'il a fait est en lui vie et vie créatrice, et en dehors de lui, vie contingente et créée? Les êtres qu'il a créés sont donc . en lui puisqu'il les gouverne et les contient, mais à un tout autre titre que l'Etre qui constitue son essence. Car la vie qui est en lui n'est autre chose que lui-même, parce qu'en tant que vie il est la lumière des hommes (1). Ainsi donc, rien ne pouvait être créé, soit avant les temps sans toutefois être coéternel au Créateur, soit à l'origine des temps ou à un moment quelconque de la durée, sans que le type de cette création, si l'on peut parler ainsi, n'eût dans le Verbe coéternel à Dieu une existence également éternelle : voilà pourquoi l'Ecriture, avant de raconter chaque création dans son ordre, remonte au Verbe de Dieu et débute par ces mots : « Dieu dit; » en effet, elle n'explique la création d'aucun être, sans en découvrir la cause dans le Verbe de Dieu.

13. Dieu n'a pas répété le Fiat de la création aussi souvent que nous lisons dans la Genèse: « Dieu dit. » Car Dieu n'a engendré qu'un Verbe unique, en qui il a tout exprimé universellement avant que les choses sortissent.du néant selon leur ordre particulier. Mais l'Ecrivain sacré, abaissant son langage à la portée des esprits les plus humbles, énumère successivement les diverses espèces d'êtres, et considère, successivement

 

1. Jean, I, 3,4.

 

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dans le Verbe de Dieu la cause éternelle de chaque création. Voilà pourquoi il répète la parole, quoiqu’elle n'ait point été répétée : «Dieu dit. » Supposons qu'il ait d'abord songé à s'exprimer ainsi : « Le firmament se fit au milieu « des eaux afin que les eaux fussent séparées « des eaux; » si on lui avait demandé comment cette oeuvre s'était accomplie, il aurait répondu avec raison que Dieu avait dit : « Que le firmament se fasse, » en d'autres termes, que la création du firmament était arrêtée dans son Verbe éternel. Il a donc débuté dans son récit par l'explication même dont il aurait pu le faire suivre, si on lui avait demandé la manière dont la création s'était accomplie.

14. Ainsi donc les expressions : « Dieu dit que telle oeuvre se fasse, » nous font entendre l'idée créatrice arrêtée dans le Verbe de Dieu. Les mots : « Cela fut fait, » nous révèlent que l'être créé se forma dans les limites fixées à son espèce par le Verbe de Dieu. Enfin les mots « Dieu vit que cette oeuvre était bonne, » nous montrent que, grâce à là charité de son Esprit, l'être créé lui plaisait; cette approbation n'indique pas qu'il ne connût son oeuvre et ne la trouvât agréable qu'en la voyant accomplie, mais qu'il voulait lui conserver l'existence en vertu de la même bonté qui l'avait engagé à la lui donner.

 

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CHAPITRE VII. CONTINUATION DU MÊME SUJET.

 

15. La question n'est pas encore épuisée : on peut encore se demander pourquoi, aux expressions qui indiquent en elles-mêmes l'accomplissement de l'ordre divin : « Et cela ce fit, » on ajoute ces paroles : « et Dieu fit » telle ou telle chose. Les mots, en effet, qui marquent le commandement et son exécution immédiate (fiat,  — factum est) révèlent assez clairement que Dieu parlé dans son Verbe et que son Verbe a réalisé sa parole : ils suffisent pour montrer la double personne du Père et du Fils. Si cette répétition n'a pour objet que de faire apparaître la personne du Fils, il faudra donc admettre que Dieu ne s'est pas servi de son Fils, le troisième jour, pour rassembler les eaux et découvrir la surface de la terre : car, l'Ecriture n'ajoute pas ici : « et Dieu rassembla les eaux. » Toutefois, dans cet endroit même, après avoir montré l'oeuvre divine accomplie, l’Ecriture redouble l'expression et ajoute : « Et l'eau qui est (161) sous le ciel se rassembla. » Et la lumière ? Le Fils n'a-t-il point concouru à sa création, parce que l'Ecriture n'a point employé cette double formule ? Car, n'aurait-on pu adopter aussi la formule suivante : Et Dieu dit que la lumière soit faite, et cela se fit; et Dieu fit la lumière, ou dire, comme pour le rassemblement des eaux : Et Dieu dit : que la lumière soit faite, et cela se fit; et Dieu vit que la lumière était bonne? Mais non : après avoir exprimé l'ordre divin, l'Ecriture ajoute simplement. « Et la lumière fut faite ; » puis elle raconte, sans aucune répétition, que Dieu approuva la lumière, la sépara d'avec les ténèbres et leur donna un nom.

 

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CHAPITRE VIII. POURQUOI L'EXPRESSION : « ET FECIT DEUS, » N'A-T-ELLE PAS ÉTÉ REPRODUITE APRÈS LA CRÉATION DE LA LUMIÈRE?

 

16. Que signifie donc cette répétition qui se reproduit à chaque création sauf à celle de la lumière? Cette omission n'aurait-elle pas pour but de démontrer que le premier jour, date de l'apparition de la lumière, manifesta, sous le nom même de lumière, la nature des êtres spirituels et intelligents, parmi lesquels il faut ranger les saints Anges et les Vertus? Si, en effet, l'Ecriture n'ajoute rien aux expressions : « Et la lumière fut faite, » la raison n'en est-elle pas que la créature intelligente, loin de connaître d'abord son moyen de perfectionnement et de l'atteindre ensuite, n'en prit conscience qu'au moment où elle se perfectionnait, en d'autres termes, qu'au moment où rayonnait en elle la vérité à laquelle elle s'unit ; tandis que, pour les créatures d'un ordre inférieur, l'existence. était connue comme possible dans l'esprit de la création raisonnable, avant de se réaliser sous une forme déterminée ? Par conséquent, la lumière doit apparaître sous deux points de vue: d'abord, dans le Verbe de Dieu, si l'on considère la cause de son existence, en d'autres termes, dans la sagesse coéternelle au Père; puis; en elle-même, si l'on considère sous quelle forme elle s'est réalisée. Dans le Verbe, la lumière n'est pas faite, mais engendrée; dans la nature, elle est faite, parce quelle a été tirée des éléments grossiers et primitifs. On voit maintenant pourquoi Dieu dit : (162) « Que la lumière soit faite, et. la lumière fut faite : » il faisait passer l'idée de son Verbe dans la réalité. Au point de vue de la sagesse engendrée, le ciel existait comme type dans le Verbe de Dieu : ce type fut ensuite reproduit dans la raison des Anges, d'après la sagesse qui avait été créée en eux : enfin le ciel devint une réalité, afin qu'il existât sous sa forme spéciale. On expliquerait de la même manière la séparation des eaux d'avec les eaux, la formation des arbres et des plantes, la naissance des animaux dans les eaux et sur la terre.

17. Les anges, en effet, n'ont pas seulement des sens, comme l'animal, pour considérer la nature -visible: à supposer qu'ils aient des sens, ils connaissent mieux l'univers, d'après les idées qu'ils découvrent dans le sein du Verbe de Dieu, qui les éclaire et leur communique la sagesse. Donc, de même que le type de la créature réside dans le Verbe de Dieu avant qu'elle reçoive l'existence; de même ce type se découvre d'abord à la créature intelligente dont la raison n'a pas été obscurcie parle péché : enfin le type se réalise. Pour concevoir les vues de la Sagesse les anges n'avaient pas besoin de s'expliquer, comme nous, les desseins invisibles de Dieu parle spectacle de ses ouvrages (1) : depuis qu'ils sont créés, ils contemplent le Verbe et son éternelle sainteté dans une extase ineffable; c'est de cette hauteur qu'ils regardent le monde et qu'à la lumière des idées qu'ils trouvent dans leur intelligence, ils approuvent le bien, et condamnent le mal.

18. On ne doit pas être surpris que Dieu ait révélé à ses saints anges, les premiers-nés de la lumière, le type de ses créations futures. Ils ne pouvaient connaître ses desseins qu'autant qu'il lui plaisait de leur en découvrir les mystères. « Car, qui connaît les pensées de Dieu, ou qui l'a aidé de ses conseils? Qui lui a donné quelque chose le premier pour en recevoir une récompense? Car, c'est de lui, par lui, et en lui que sont toutes choses (2). » C'est donc lui qui révélait aux anges la nature des êtres avant comme pendant leur création.

19. En résumé, la lumière, c'est-à-dire la créature raisonnable formée parla lumière éternelle, avait été faite la première : donc, les paroles que Dieu fait entendre pour créer les autres êtres, « dixit Deus: fiat, » nous révèlent que la pensée de l'Ecriture remonte à la conception éternelle du Verbe; l’expression, sic est factum, nous

 

1. Rom, I, 20. —2. Ibid. XI, 34-36.

 

apprend que la créature raisonnable fut initiée au plan de cette création et le reproduisit, pour ainsi dire, par le privilège qui lui fut donné de le connaître la première au sein du Verbe de Dieu; enfin la formule fecit, qui est une répétition de la précédente, nous fait entendre que la créature elle-même passa à l'existence sous sa forme spéciale. Quant au passage : vidit Deus quia bonum est, il révèle que Dieu, dans sa bonté, approuva son œuvre, afin de lui conserver l'existence qu'il avait bien voulu lui donner au moment où « l'Esprit-Saint était porté sur les eaux. »

 

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CHAPITRE IX. DE LA CONFIGURATION DU CIEL.

 

20. On agite assez souvent la question de savoir quelle est la configuration du ciel d'après nos Saints Livres. C'est un sujet sur lequel les savants ont accumulé des volumes et que les écrivains sacrés ont sagement négligé; tous les systèmes sont inutiles au bonheur, et ce qui est pis, dérobent un temps précieux qui devrait être consacré au salut. Que m'importe que le ciel soit une sphère qui enveloppe de toutes parts la terre immobile au centre du monde, ou un disque immense quine la recouvre que d'un côté? Toutefois, comme l'autorité de l'Ecriture est en jeu, et qu'il est à craindre que les esprits étrangers à la parole divine, rencontrant dans nos saints livres ou entendant dire aux chrétiens des choses qui semblent contredire les vérités scientifiques, n'en profitent pour repousser l'histoire, les dogmes, la morale de la religion; il faut répondre en peu de mots que les écrivains sacrés savaient fort bien la véritable configuration du ciel, mais que l'Esprit-Saint, qui parlait parleur bouche, n'a pas voulu découvrir aux hommes des connaissances inutiles à leur salut.

21. Mais, dira-t on, l'expression du Psalmiste « Il a étendu le ciel comme une peau (1), » ne dément-elle pas le système de la sphéricité du ciel? Eh bien! qu'elle le démente, s'il est faux: la vérité est dans la parole infaillible de Dieu plutôt que dans toutes les conjectures de la faible raison. Le système repose-t-il sur des preuves incontestables? Démontrons que l'expression du Psalmiste ne le contredit pas. A ce titre, en effet, elle contredirait un autre passage de l'Ecriture elle-même, où le ciel est comparé à une voûte (2) car, qu'y a-t-il de plus différents qu'une peau

 

1. Ps. CIII, 2. — 2. Is. XL, 22, sel. LXX.

 

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étendue et une voûte arrondie? Or, il faut bien trouver une explication qui accorde entre eux ces deux passages, il faut également montrer que les deux passages réunis ne contredisent pas l'opinion de la sphéricité du ciel, à condition toutefois qu'elle soit établie sur des raisons solides.

22. La comparaison du ciel avec une voûte, même au pied de la lettre, ne présente aucune, difficulté. On peut fort bien croire que l'Ecriture n'a voulu parler que de la configuration du ciel suspendu au-dessus de nos têtes. Donc, si le ciel n'est pas sphérique, il s'arrondit en voûte, dans l'espace où il couvre la terre ; s'il est sphérique, il s'arrondit en voûte dans tout l'espace. Quant 1 la comparaison du ciel avec une peau, elle est plus embarrassante: il faut en effet la concilier, non avec la sphéricité du ciel, qui n'est peut-être qu'une imagination, mais avec la voûte dont parle l'Ecriture. On trouvera au XIII livre de mes Confessions (1) l'explication allégorique de ce passage. Qu'il faille voir tel ou tel symbole dans cette manière d'étendre le ciel comme une peau, je vais, pour contenter ceux qui pèsent scrupuleusement le sens littéral, donner une explication matérielle et, je l'espère, à la portée de tous : car, puisqu'il y a sans doute un lien entre ces deux expressions, au sens figuré ; il faut examiner si, au sens littéral, elles n'admettent pas une interprétation commune. Eh bien ! le mot camera (voûte, plafond) s'entend d'une surface plane on concave ; or, une peau peut aussi bien s'étendre sur un plan horizontal que s'arrondir en sphère, témoin une vessie, une outre.

 

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CHAPITRE X. DU MOUVEMENT DU CIEL.

 

23. Le ciel est-il en mouvement ou immobile? c'est une question quelquefois débattue parmi nos frères eux-mêmes. S'il est en mouvement, disent-ils, comment expliquer le firmament? S'il est immobile, comment les astres,. attachés, dit-on, à sa voûte, tournent-ils d'orient en occident, en décrivant près du pôle nord un cercle d'un moindre rayon, de sorte que la rotation du ciel est celle d'une sphère, s'il existe un pôle à l'extrémité opposée, celle d'un disque, s'il n'y en a pas? Je leur réponds que c'est par les raisonnements les plus subtils et les plus contournés qu'on recherche ce qu'il peut y avoir de vrai ou de faux dans ces systèmes; que le temps me manquerait, pour

 

1. Confess, liv. XIII, ch. XV.

 

développer ces théories, et qu'il doit manquer ceux que nous désirons former pour accomplir leur salut et pour rendre tous les services nécessaires à la sainte Eglise. Qu'ils sachent seulement que le terme de firmament ne nous oblige point à regarder le ciel comme immobile : car ce terme peut fort bien signifier, non l'immobilité du ciel, mais la barrière solide, infranchissable, placée entre les eaux supérieures elles eaux inférieures. Serait-il démontré que le ciel est immobile? la révolution des astres ne nous obligerait pas à repousser la vérité de ce système. En effet, des philosophes qui ont consacré tout leur temps et toute leur subtilité à résoudre ces problèmes, ont découvert que, dans l'hypothèse de l'immobilité du ciel, le mouvement propre des astres suffirait à .expliquer tous les phénomènes que l'expérience rattache à leurs révolutions périodiques.

 

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CHAPITRE XI. QUE FAUT-IL ENTENDRE PAR L'ÉTAT INFORME DE LA TERRE (1)?

 

24. « Puis Dieu dit: que les eaux qui sont au-dessous des cieux se rassemblent en un lieu et que l'aride paraisse. Et il en fut ainsi. L'eau qui est sous le ciel se rassembla en un seul lieu et l'aride parut. « Et Dieu nomma l'aride, terre, l'amas des eaux, mers. Et Dieu vit que cela était bon. » Nous nous sommes longuement étendus sur cet ouvrage de Dieu, à propos d'une question qui s'y rattache intimement ? Il suffira donc ici de rappeler sommairement aux esprits trop élevés pour se préoccuper de l'époque où furent créées les propriétés spécifiques de la terre et de l'eau, que l'ouvrage de ce jour consiste simplement à séparer ces deux éléments dans les régions inférieures de l'espace. Veut-on au contraire se demander pourquoi la création de la lumière et du ciel a une date, tandis que celle de la terre; et de l'eau s'est accomplie en dehors des jours ou les a même précédés ? Semble-t-il surprenant que le commandement fiat ait présidé à la création de la lumière, tandis qu'il s'est fait entendre pour séparer la terre avec les eaux sans avoir présidé à leur création? On trouvera une explication sans danger pour la foi dans le passage où l'Ecriture, après avoir établi que « Dieu créa au commencement le ciel et la terre » ajoute, pour représenter la terre en cet état : « La terre était invisible

 

1. Gen. I, 9, 10. — 2. Ci-dessus, liv. I, ch. XII, XIII.

 

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et sans ordre. » Ces paroles, en effet; ne désignent que l'état informe de la matière, et l'Écriture a choisi le mot de terre comme étant plus ordinaire et moins obscur. Si cette explication est trop difficile à saisir, qu'on s'efforce au moins de séparer dans le temps la matière et ses modifications, comme l'Écriture les distingue dans son récit : qu'on se figure que Dieu a créé d'abord la matière, et au bout d'un certain temps, l'a enrichie de ses propriétés. Il est clair cependant que Dieu a tout créé à la fois, et qu'il a façonné la matière déjà formée, le mot terre ou eau ne servant dans l'Écriture qu'à désigner l'imperfection de la matière, comme je l'ai déjà remarqué à cause de son emploi fréquent. En effet la terre et l'eau, même sous leur forme actuelle, ont une tendance à se corrompre qui les. rapproche bien mieux de l'imperfection primitive que les corps célestes. Or, dans la période des six jours, on énumère les ouvrages tirés de cette matière informe, dont était déjà sorti le ciel, si            diffèrent de la terre; l'écrivain sacré n'a donc pas voulu, en prononçant le fiat, ranger parmi ces autres oeuvres de Dieu l'oeuvre qui restait à faire dans la région la plus basse de la nature; les éléments y gardaient une imperfection trop grossière, pour se prêter à une œuvre aussi parfaite que le ciel : ils ne pouvaient que recevoir une forme inférieure, moins constante et plus voisine de l'imperfection primitive. Les paroles: « Que les eaux se ras« semblent, que l'aride paraisse, » indiqueraient donc que la terre et l'eau reçurent alors ces formes si connues et qui nous permettent de les plier à tant d'usages : l'eau, sa fluidité; la terre, sa consistance. Aussi est-il écrit des eaux : « quelles se rassemblent, » et de la terre : « qu'elle se montre » : l'une est courante et fugitive, l'autre compacte et immobile.

 

 

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CHAPITRE XII. POURQUOI LA FORMULE « ET CELA SE FIT AINSI, » EST-ELLE EMPLOYÉE SPÉCIALEMENT POUR LES PLANTES ET LES ARBRES (1) ?

 

25. « Dieu dit: que la terre produise des plantes avec leurs semences, chacune selon son espèce ; des arbres fruitiers, produisant des fruits selon leur espèce, et qui aient en eux-mêmes leur semence sur la terre. Et cela se fit ainsi. La terre produisit donc des plantes avec leurs semences, chacune selon son espèce; des arbres fruitiers,

 

1. Gen, I, 11, 12, 18.

 

qui avaient leur semence en eux-mêmes, selon leur espèce, sur la terre. Et Dieu vit que cela était bon. Et le soir se fit, et au matin fut accompli le troisième jour. »Il faut,ici remarquer la mesure que l'éternel Ordonnateur met dans ses oeuvres. Les plantes et les arbres, ayant des propriétés fort distinctes de la terre et des eaux, et ne pouvant se ranger parmi ces éléments, reçoivent l'ordre spécial de sortir du sein de la terre; spécialement encore il est dit de ces productions « Et il en fut ainsi; et la terre produisit » etc. ; et Dieu approuva spécialement leur formation. Cependant, comme ils se rattachent à la terre par leur racines, Dieu a compris toutes les phases de cette création dans un même jour.

 

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CHAPITRE XIII. POURQUOI LES LUMINAIRES N'ONT-ILS ÉTÉ FORMÉS QUE LE QUATRIÈME JOUR (1) ?

 

26. « Et Dieu dit : qu'il y ait des luminaires dans le firmament, afin qu'ils brillent sur la terre, marquent le commencement du jour et de la nuit, et séparent le jour d'avec la nuit ; qu'ils  servent de signes pour distinguer les saisons, les jours et les années; qu'ils brillent dans le firmament, afin de luire sur la terre. Et cela se fit. Dieu fit donc deux grands luminaires, le plus grand, pour marquer le commencement du jour, le plus petit, pour marquer le commencement de la nuit. Il fit aussi les étoiles. Et Dieu les mit dans le firmament pour luire sur la terre, pour marquer le commencement du jour et de la nuit et pour diviser là lumière d'avec les ténèbres. Et Dieu vit que cela était bon. Et le soir se fit, et au matin fut accompli le quatrième jour. » La première question qui se présente ici est de savoir quelle est la raison d'un ordre où la création de la terre et des eaux, leur séparation, les , productions du sol précèdent l'apparition des astres dans le ciel. On ne saurait dire en effet que la succession des jours corresponde à la dignité des objets, et que la fin et le milieu y soient mis en relief. Sur une période de, sept jours, le quatrième forme le milieu, et on sait que le: septième ne fut marqué, par aucune création. Dira-t-on que la lumière du premier jour soit dans un juste rapport avec le repos du septième, et qu'on puisse former ainsi une série harmonieuse, où le commencement réponde à la fin, où le milieu se dégage et reluit de fa clarté du ciel? Mais

 

1. Gen. I, 14, 16, etc.

 

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si le premier jour a une grandeur qui le rapproche du septième, il faut bien que le second corresponde au sixième. Or, quel rapport y a-t-il entre le firmament et l'homme fait à l'image de Dieu? Serait-ce que le ciel s'étend dans la région supérieure du monde et que l'homme a reçu le privilège de régner sur la région inférieure ? Mais que dire des animaux et des bêtes produits par la terre, selon leur espèce, le sixième jour? Peut-il y avoir quelque rapport entre les animaux et le ciel ?

27. Voici peut-être l'explication de cet ordre. La créature intelligente ayant été formée au début, sous le nom de lumière, il était naturel que la nature physique, en d'autres termes, le monde visible fut formé. Cette création se fit en deux jours qui correspondent aux deux parties principales dont se compose l'univers, je veux dire le ciel et la terre, d'après cette analogie qui fait souvent désigner sous le nom de ciel et de terre les esprits et les corps. Ce globe fut le domaine assigné à la partie la plus bruyante et la plus grossière de l'air : il se condense en effet par les émanations de la terre; au contraire, la partie de l'air la plus paisible, celle que n'agitent jamais les vents ni les tempêtes, eut le ciel pour séjour. La création du monde physique achevée, à la place qui lui avait été assignée dans l'étendue, il fallait le remplir d'êtres organisés, capables de se transporter d'un lieu dans un autre. Les plantes et les arbres ne rentrent pas dans cette catégorie : ils tiennent à la terre parleurs racines, et quoique le mouvement qui les fait croître se passe en eux, ils n'en sont pas moins incapables de se mouvoir par un effort qui leur soit propre : ils se nourrissent et se développent aux lieux où ils sont enchaînés. Par conséquent ils ont un rapport plus étroit avec la terre qu'avec les êtres qui se meuvent sur la terré ou dans les eaux. Deux jours ont été consacrés à organiser la nature matérielle, je veux dire le :ciel et la terre: il faut que les trois jours suivants soient consacrés aux êtres visibles et animés de mouvement, qui sont créés sur ce théâtre. Le ciel ayant été formé le premier, doit le premier recevoir les corps destinés à l'occuper. C'est donc le quatrième jour que sont formés les astres, qui luisent sur la terre, et qui en portant la lumière dans les plus basses régions de l'univers, permettent de ne pas introduire ses habitants futurs dans un séjour ténébreux. Comme les faibles organes des êtres d'ici-bas se renouvèlent par le  passage du mouvement au repos, la révolution du soleil a établi entre l'alternative du jour et de la nuit et le passage du repos à la veille, une juste correspondance; la nuit, loin d'être sans beautés, a offert, dans le doux éclat de la lune et des étoiles, une consolation aux hommes que la nécessité force souvent à travailler la nuit; cette paisible lumière convient d'ailleurs aux animaux quine peuvent soutenir l'éclat du soleil.

 

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CHAPITRE XIV. COMMENT LES LUMINAIRES DU CIEL SERVENT-ILS A MARQUER LE TEMPS, LES JOURS, LES ANNÉES.

 

28. Le passage où l'Écriture dit que « les luminaires du ciel servent à donner des signes, à marquer les temps, les jours, les années, » offre une grande difficulté. Si le cours du temps n'a commencé que le quatrième jour, les trois jours qui précèdent se sont donc passés en dehors du temps? Qui peut comprendre comment ces trois jours se sont écoulés avant le cours régulier du temps, puisqu'il ne date que du quatrième jour ? Se sont-ils même écoulés? Le jour et la nuit ne servent-ils ici qu'à désigner, l'un, la substance avec ses qualités distinctives, l'autre, la substance sans ses modifications? La nuit, dis-j e, ne représenterait-elle que la matière encore informe dont les êtres devaient sortir avec leurs propriétés spéciales ? Même chez un être formé, la possibilité de changer implique l'imperfection du fond; or, cette imperfection ne se mesure ni par l'espace ni par le temps : elle n'implique ni distance ni antériorité. Serait-ce cette possibilité de changer, qui suppose celle d'être défectible, qu'on a appelée nuit même chez les créatures toutes formées, le changement étant possible chez les êtres, même quand ils ne changent pas ? Le soir et le matin, au lieu d'indiquer un écoulement et un retour périodique dans la durée, ne désigneraient-ils qu'une limite, celle où s'arrête le développement d'une substance et où recommence le développement d'une autre? Ne faut-il pas plutôt chercher dans un autre ordre d'idées le sens exact de ces mots ?

29. Comment pénétrer ce secret et définir ce que l'Écriture appelle signes, lorsqu'elle dit des astres : « qu'ils servent de signes? » Elle entend par là, non les conjectures d'un art insensé, mais les pronostics si utiles dans la vie humaine, les observations qui guident le pilote sur les mers, les prédictions du temps selon les diverses (166) saisons. Elle appelle, temps, non une durée quelconque, mais celle qui se règle sur le cours des astres et les mouvements périodiques du ciel. Supposons en effet qu'il ait existé un mouvement, soit physique soit intellectuel, antérieur à la disposition des astres dans le ciel, et que, par la pensée, ce mouvement ait été transporté de l'avenir dans le passé à travers le présent cet acte est impossible en dehors du temps; et comment prouver qu'un tel acte ne se soit produit qu'à dater de la création des astres? Quant aux divisions si connues du temps en heures, jours, années, elles ont nécessairement pour origine les mouvements des astres. En effet qu'entendons-nous par temps, par jours et par années? Le temps n'est pour nous que certaines divisions dans l'espace, marquées sur les cadrans ou sur la voûte du ciel; où le soleil s'élève de l'orient, atteint le méridien et s'abaisse vers l'occident; où on observe ensuite soit la lune soit une étoile monter à l'horizon .après le coucher du soleil, au point culminant de son cours marquer minuit, et se coucher, avec le lever du soleil, pour marquer le matin. Le jour mesure la révolution totale du soleil d'orient en occident. Quant à l'année, elle comprend la révolution circulaire qui ramène le soleil, non à l'orient, comme chaque jour, mais au même point du ciel par rapport aux autres astres : cette révolution s'achève en 365 jours 6 heures ou le quart d'un jour, celui, au bout de quatre ans, produit un jour intercalaire, appelé bissextile dans l'année Romaine, afin de faire concorder le calendrier avec la marche du soleil. On nomme aussi années des cycles plus longs et moins connus : une grande année commence au retour de tous les astres au même point du ciel. Si donc nous entendons dans ce sens le temps, les jours et les années, il est incontestable qu'ils sont déterminés par les mouvements des astres et des grands luminaires, car on ne saurait trop décider si dans ces paroles de l'Ecriture. : « Qu'ils servent de signes et marquent les temps, les jours et les années, » les jours et les années ont rapport au soleil, les temps et les signes, au reste des astres.

 

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CHAPITRE XV. DE LA LUNE.

 

30. Sous quelle forme a été créée la lune? Voilà une question qui a provoqué un flux de questions intarissable, et plût au ciel qu'on se fut borné à examiner sans chercher à convaincre! Les uns veulent, en effet, que la lune ait été créée dans son plein, par la raison qu'un ouvrage inachevé aurait été indigne de Dieu, en ce jour où il fit les astres, selon les termes de l'Ecriture. A ce compte, répondent les autres, il aurait fallu dire la nouvelle luné, et non la lune âgée de quatorze jours. Qu'est-ce que ce calendrier à rebours? Pour, moi je reste neutre; tout ce que j'affirme, c'est que Dieu a créé la lune sous une forme achevée, quelle qu'en ait été alors la phase. En effet Dieu crée à la fois le fond et la forme. Or quel que soit le développement qu'un être acquiert successivement, il en contient le principe au moins dans l'activité de sa nature. Trouverait-on qu'un arbre est incomplet, parce qu'il n'a l'hiver ni feuillage ni fruits? Dirait-on qu'il lui manque les germes essentiels, parce qu'il n'a encore rien produit? Non assurément: l'arbre, les germes même recèlent d'une manière invisible ce que le temps doit développer en eux. Cependant, si l'on se bornait à dire que Dieu a laissé une oeuvre imparfaite pour l'achever ensuite, cette pensée ne serait pas condamnable; elle ne choquerait qu'autant que l'on voudrait soutenir qu'une oeuvre inachevée de Dieu a reçu d'ailleurs sa perfection définitive.

31. On ne s'étonne pas que la terre, invisible, sans ordre, quand Dieu créa au commencement le ciel et la terre, apparaisse et s'organise le troisième jour; pourquoi donc entasser sur la lune comme un nuage de questions? J'ai dit, à propos de la terre, qu'entre la création du fond et de la forme il n'y avait eu aucun intervalle, et que cette distinction était faite pour la commodité du récit. Approuve-t-on cette pensée? Pourquoi alors ne pas voir de ses propres yeux, comme il est si facile de le faire, que la lune est un globe complet, d'une parfaite rotondité, même sous la forme d'un croissant, au commencement comme à la fin de son cours? Sa lumière vient-elle d'un feu qui s'augmente, brille dans toute sa force et diminue ? Ce n'est pas le luminaire, mais le feu qui subit ces alternatives. Conserve-t-elle une faible portion de son disque perpétuellement éclairée? Pendant qu'elle présente cette face à la terre, jusqu'au moment où s'achève sa conversion totale, ce qui a lieu au bout de 14 jours, elle s'accroît en apparence, en réalité elle est toujours dans son plein; seulement sa grandeur, vue de la terre, n'est pas toujours égale. Emprunte-t-elle (167) sa lumière au soleil? L'explication reste la même. Quand elle est le plus rapprochée du soleil, elle n'est éclairée qu'à une extrémité : le reste du globe, qui est tout entier en pleine lumière, n'est visible de la terre qu'au moment où l'astre est opposé à la terre et lui offre sa face lumineuse.

32. Toutefois il ne manque pas de savants pour soutenir que ce n'est pas la pleine lune qui leur fait croire que cet astre a été créé dans la phase du quatorzième jour, mais ces termes de l'Ecriture : « La lune fut créée pour marquer le commencement de la nuit; » en effet la lune n'apparaît au commencement de la nuit que lorsqu'elle est dans son plein; autrement, elle apparaît dans le jour à l'horizon, ou se lève à une heure d'autant plus avancée de la nuit que son croissant est plus petit. Mais si l'on entend que la lune est le principe, c'est-à-dire, la dominatrice des nuits, comme l'indique le terme grec arke  et plus clairement encore le passage où le Psalmiste s'écrie : « Que le soleil commande au jour, et la lune, à la nuit (1); » on n'est plus obligé de calculer l'âge de la lune ni de croire que la formation de cet astre suppose la première phase.

 

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CHAPITRE XVI. DE LA LUMIÈRE RELATIVE DES ASTRES.

 

33. On agite encore la question de savoir si les luminaires visibles du ciel, c'est-à-dire, le soleil, la lune et les étoiles, projettent une même quantité de lumière, et si leur clarté de plus en plus faible n'est qu'une illusion qui s'explique par leur éloignement relatif de la terre. Pour la lune en particulier, on ne doute pas qu'elle ne jette une clarté moins vive que le soleil, on croit même qu'elle lui emprunte sa lumière. Quant aux étoiles, on ne craint pas de soutenir qu'un grand nombre égalent ou surpassent même le soleil en grosseur et que leur distance seule les fait paraître plus petites. Peut-être devrait-il nous suffire de savoir que ces astres, quelle que soit leur nature, ont eu Dieu pour créateur. Cependant, rappelons-nous ces paroles infaillibles de l'Apôtre : « L'éclat du soleil n'est pas le même que celui de la lune et des étoiles : une étoile diffère d'une autre en clarté (2). » Les partisans de ce système peuvent objecter, sans contredire l'Apôtre, que les astres ont un éclat différent sans doute, mais à condition d'être vus de la terre

 

1. Ps. CXXXV, 8, 9. — 2. I Cor. XV, 41.

 

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ils peuvent faire observer que l'Apôtre cherchait une analogie pour expliquer la résurrection des corps, qui n'auront pas sans doute telle qualité visible, telle autre qualité intrinsèque ; qu'à ce titre, puisque les astres ont en eux-mêmes un éclat différent, il peut y en avoir de plus gros que le soleil. Cependant, c'est à eux d'expliquer comment, dans leur propre système, le soleil exerce une influence si prépondérante, qu'il arrête avec ses rayons et force à rétrograder les, étoiles les plus considérables et jusqu'à celles qu'ils honorent davantage : car si elles égalent ou surpassent le soleil en grosseur, il n'est pas vraisemblable qu'elles cèdent à l'influences de ses rayons. S'ils attribuent la supériorité aux constellations du Zodiaque ou au Chariot, qui sont en dehors de l'action du soleil, pourquoi décernent-ils un culte particulier à ces constellations? pourquoi en font-ils les reines du !zodiaque? C'est une contradiction : en effet bien qu'on puisse soutenir que le mouvement rétrograde ou peut-être le retard de ces constellations ne dépende pas du soleil, mais de causes moins connues, c'est au soleil qu'ils attribuent la principale influence dans les calculs insensés où ils s'égarent à la recherche des décrets du destin, comme on peut le vérifier dans leurs livres.

34. Mais qu'ils parlent du ciel comme il leur plaira : ils ne connaissent pas le Père qui règne dans les cieux. Pour nous, il n'y a ni utilité ni convenance à nous perdre dans des recherches profondes sur la distance ou la grandeur des astres, et à consacrer à de tels problèmes le temps que réclament des questions plus sérieuses et plus fécondes. Nous avons toute raison de croire, sur la foi de l'Ecriture, qu'il y a deux luminaires plus grands que les astres, sans qu'ils soient pourtant d'égale grandeur. Aussi l'Ecriture, après leur avoir décerné la prééminence, ajoute-t-elle : « Il fit le plus grand luminaire pour marquer le commencement du jour, le plus petit, pour marquer le commencement de la nuit. » On nous accordera bien sans doute, pour ne pas contredire le témoignage de nos yeux, que ces deux astres éclairent notre globe plus que tout les autres ensemble, que l'éclat du jour n'est dû qu'à la lumière du soleil, et que la nuit, malgré toutes les étoiles, serait bien mois brillante sans les rayons de la lune.

 

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CHAPITRE XVII. RÉFUTATION DE L'ASTROLOGIE.

 

35. Quand à l'art chimérique qui fait dépendre le destin des astres, à ces prédictions faites sur les prétendues lois de l'astronomie qu'on appelle les arrêts de la fatalité, la saine doctrine de l'Église les repousse avec mépris : cette opinion, en effet, a pour conséquence de supprimer le principe même de la prière et d'attribuer à Dieu, le créateur des astres, plutôt qu'à l'homme, l'auteur des crimes, l'aveuglement dans les actions le plus clairement condamnées par la conscience. D'ailleurs, notre âme n'est sous la sujétion d'aucun corps, même des corps célestes, par le privilège de sa nature : sur ce point, les astrologues peuvent écouter les leçons même de leurs philosophes. En outre, les corps suspendus au-dessus de la terre, n'ont pas des vertus supérieures à celles de la matière que ces hommes ont entre les mains. En voici une preuve: une multitude infinie de germes destinés à produire des corps de toute espèce, animaux, plantes, arbustes, se disséminent en un clin-d'oeil et il en naît également en un clin-d'oeil une foule d'êtres innombrables. Quelle prodigieuse variété de développements, de propriétés actives, et cela non-seulement en différents pays, mais dans la même contrée! Ils réussiraient plus vite à compter les étoiles qu'à analyser ces merveilles.

36. Qu'y a-t-il de plus insensé, de plus extravagant que de soutenir, malgré ces raisons qui les confondent, que la situation relative des astres influe seulement sur la destinée des hommes dont l'existence s'y rapporte? Eh bien! sur ce point même, ils sont confondus par l'exemple de deux frères jumeaux qui, malgré l'identité la plus parfaite dans la conjonction des astres, ont un sort différent, mènent une vie où le bonheur et l’infortune sont inégalement repartis, et meurent d'une façon toute contraire. Quoique la naissance de l'un ait précédé celle de l'autre, l'intervalle fut assez court pour échapper à tous les calculs d'un astrologue. Jacob tenant de sa main le talon de son frère, sorti le premier du sein maternel; on aurait dit qu'il n'y avait qu'un seul enfant qui se dédoubla (1). Assurément, le rapport de position, pour employer leur langage, ne pouvait être différent. Or pourrait-on rien imaginer de plus chimérique qu'un astrologue

 

1. Gen. XXV. 2.

 

qui, l'œil fixé sur cette position des astres, tirant le même horoscope, aurait prédit que l'un des deux frères serait chéri de sa mère, et l'autre, non? Sa prédiction en effet aural été fausse, si elle n'eût pas signalé cette antipathie ; et si elle l'eût signalée, quoique conforme à la vérité, elle n'aurait plus été faite selon les formules consacrées dans ces absurdes manuels. Si cette histoire les trouve incrédules, parce qu'elle est tirée de nos saints livres; peuvent-ils donc nier l'ordre naturel ? Puisqu'ils se prétendent infaillibles, une fois qu'ils ont trouvé l'heure précise de la conception, qu'ils ne dédaignent pas de jeter sur la conception de deux jumeaux ordinaires un regard tout humain.

34. Reconnaissons-le :s'ils rencontrent parfois la vérité, c'est par un impulsion mystérieuse que l'âme humaine reçoit à son insu. Et lorsque cette .connaissance doit séduire les hommes, elle est l'oeuvre des esprits tentateurs : car ils ont l'idée ce de qui arrive dans le monde, par l'effet de la pénétration d'une intelligence plus fine, d'une organisation plus subtile, d'une expérience consommée qu'ils doivent à une existence si longue, enfin par une révélation de l'avenir, que les saints anges leur font, sur l'ordre même de Dieu qui, dans les mystères de sa justice incorruptible, règle les destinées des hommes. Parfois ces esprits pervers font prédire, comme par une révélation surnaturelle, ce qu'ils ont dessein de faire. Tout bon chrétien doit donc se défier des astrologues, des devins, surtout quand ils disent vrai, de peur qu'ils ne séduisent l'âme et ne l'enveloppent dans le pacte impie que fait contracter tout commerce avec les démons.

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CHAPITRE XVIII. QU'IL EST DIFFICILE DE SAVOIR SI LES ASTRES SONT GOUVERNÉS ET ANIMÉS PAR DES ESPRITS.

 

38. On demande souvent si les luminaires du ciel ne sont que des corps, ou s'ils possèdent des esprits pour les diriger : dans ce dernier cas, on voudrait savoir si ces esprits leur communiquent la vie, comme le principe qui anime la matière dans les animaux, ou s'ils les gouvernent sans y être unis; par le seul fait de leur présence.

39. Au point oit nous sommes arrivés, cette question me semble insoluble : toutefois, j'espère que dans la suite fies explications que, je (169) donne sur l'Écriture, il se présentera quelque passage où je pourrai la traiter plus à propos, et, sans compromettre l’autorité des livres saints, arriver, non à une vérité invinciblement démontrée, mais à une hypothèse plausible. Gardons ici le juste tempérament que commande une piété sérieuse, et évitons d'admettre au hasard une opinion mal éclaircie, de peur qu'au moment où la vérité peut-être se montrera dans tout son jour, sans contredire toutefois les paroles de l'ancien ou du nouveau Testament, nous ne trouvions, dans l'attachement à notre erreur, un motif de la repousser. J'arrive donc au troisième livre de cet ouvrage.

 


 

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