AVANT-PROPOS
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AVANT-PROPOS

 

Mme de Sévigné écrivait à sa fille, le 5 juin 1680 : « J'ai apporté ici (aux Rochers) quantité de livres choisis ; je les ai rangés ce matin : on ne met pas la main sur un tel qu'il soit qu'on n'ait envie de le lire tout entier. Toute une tablette de dévotion! Bon Dieu, quel point de vue pour honorer notre religion! » Rien qu'une tablette! Quelque trente livres « choisis », au lieu des mille qui m'assiègent et dont les moins attrayants nous réservent peut-être une indication précieuse! Mais à cela près, ces lignes, qui limitent si exactement le « point de vue » où doit se fixer l'historien du sentiment religieux, pourraient servir d'épigraphe à mes gros volumes, à celui-ci notamment. Puis continuant la revue de ses tablettes « L'autre de morale; écrit-elle, l'autre de poésies et de nouvelles et de mémoires... Quand j'entre dans ce cabinet, je ne comprends pas pourquoi j'en sors: il serait digne de vous, ma fille. » Elle distingue, et nous avec elle, entre « religion » et « morale ». Qu'on ne demande donc pas au présent volume de satisfaire à des curiosités qui me sont pour le moment défendues. Ainsi, dans l'avant-dernier chapitre, content de définir la « mystique du mariage », telle qu'on l'enseignait alors à tous, je ne m'attarde pas à confesser, période par période, les ménages de ce temps-là. Pour la confession elle-même, elle ne m'appartiendrait également que par sa mystique, et celle-ci nous occupera plus tard, quand nous aurons à parler de la contrition dans le volume que je prépare sur le Pur Amour et la retraite des mystiques.

 

II

 

J'admets, d'ailleurs, comme une sorte d'axiome que ces livres, bien loin de rester religieusement stériles, se réalisaient plus ou moins dans la vie réelle. A propos d'une de ses nièces qui donnait du fil à retordre à ses gouvernantes, et dont elle demandait qu'on lui confiât l'éducation, Mme d'Albon, nièce elle-même de M. de Rancé, et visitandine à Riom, écrivait à l'abbé Favier, grand ami de la famille : « Elle ne fera pas ici de fort grands progrès dans la piété, car c'est un esprit qui... est d'une vivacité étonnante. Elle y apprendra au moins spéculativement certaines vérités sur la religion chrétienne et sur la vie religieuse, qui ne lui nuiront pas, et sur lesquelles elle pourra faire réflexion avec le temps. Car elle a tout-à-fait de l'esprit et ce n'est qu'un peu de jeunesse qui l'empêche de s'appliquer à elle-même les raisonnements qu'elle fait pour les autres (1) . » Rien ne se perd. La plupart de ces ouvrages ne sont « curieux », ne sont amusants - quand, par bonheur, ils le sont - que pour nous, chercheurs ou amateurs d'aujourd'hui. On ne les aurait pas tant achetés, lus, relus si, d'une manière ou d'une autre, on n'avait espéré s'entraîner par eux, à bien, à mieux vivre. Ils ont été pour des millions de chrétiens, des amis, des compagnons, des inspirateurs; « directeurs pour ceux qui n'en ont pas » comme porte un de nos titres, voire pour ceux qui en ont.

Comment ordonner et animer cette poussière? La synthèse où je me suis arrêté n'aura, j'espère, rien oublié d'essentiel, mais elle ne se flatte pas de tenir toutes les promesses du titre. Les excursus qui flanquent plusieurs des chapitres donneront une idée du détail infini que j'ai dû négliger sous peine de me noyer dans l'anecdote, et le lecteur avec moi, ou de bifurquer sur des lignes étrangères : l'histoire des moeurs, l'histoire de la théologie morale, l'histoire même de la direction (2).

Assez gros, déjà, tel qu'il se présente aujourd'hui, nous

 

(1) Élie Jaloustre, Un précepteur auvergnat de l'abbé de Rancé (Favier), Clermont, 1877, p. 29.

(2) Il est fort à désirer qu'on nous donne bientôt une histoire critique de la Théologie morale aux XVIIe et XVIIIe siècles, sur le modèle de la thèse si remarquable qu'a publiée récemment M. l'abbé Diebolt : La théologie morale catholique en Allemagne au temps du philosophisme et de la restauration, 1750-1850, Strasbourg, 1926.

 

III

 

avons allégé pourtant le présent volume de sa première partie qui paraîtra prochainement et qui aura pour titre : La Prière et les prières de l'ancien régime. Je suis tout confus d'encombrer ainsi le marché et de mettre à une si rude épreuve la bienveillance de mes lecteurs. Pour atténuer mes remords, je me hâte d'ajouter que ce prochain volume, tout hérissé de latin - un immense chapitre sur les hymnes gallicanes ; - et bourré, si l'on peut ainsi parler, de technicités, ne s'adresse qu'aux grands curieux. Aussi voudrais-je prier, d'ores et déjà - mais comment expliquer cela? - ceux de mes lecteurs fidèles à qui le latin est moins familier, ou qui ont moins de goût pour ces recherches un peu spéciales, les prier, dis je, de ne pas demander ce tome X à leur libraire.

 

 

 

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