Avant-Propos
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AVANT-PROPOS

 

Pour des raisons que l'on imaginera sans peine, je m'étais d'abord promis de laisser presque entièrement de côté ce chapitre de Port-Royal qui a déjà occupé tant d'historiens. Je n'aurais gardé que Pascal et que Nicole, le premier pour le comparer au plus grand spirituel de cette époque, le P. Charles de Condren, le second, parce que dès le milieu du XVIIe siècle, il organise la campagne contre les mystiques. De nouvelles réflexions m'ont amené à changer d'avis. Ayant relu Sainte-Beuve, il m'a semblé que l'auteur du Port-Royal ne s'était pas placé au point de vue exclusivement religieux qui doit être le nôtre. Sa curiosité est plus littéraire ou morale que mystique, si l'on peut ainsi parler. Il a certes voulu peindre et discuter de grands chrétiens, ou plutôt le christianisme lui-même, mais le christianisme est avant tout pour lui un corps de doctrine, une règle des moeurs, au lieu qu'il est avant tout pour nous, dans nos présentes recherches, une religion, un « sublime commerce de l’âme avec Dieu », comme disait le P. Yves de Paris. Au fond, la prière proprement dite de Saint-Cyran, du grand Arnauld, de la Mère Angélique le touche peu. N'a-t-il pas dit lui-même :

 

II

 

« Dès que la prière commence, la critique littéraire expire (1) ». Ses contemporains ne soupçonnaient pas que ce qu'il y a de plus intime dans la vie chrétienne pat être un sujet d'étude. Sainte-Beuve, en leur racontant M. Hamon, M. de Saci, M. Duguet, faisait preuve d'une véritable hardiesse. Il ouvrait la voie. Si aujourd'hui la psychologie religieuse a le droit de se montrer moins timide, c'est à lui, plus qu'à tout autre Français peut-être, que nous le devons.

Méditée du point de vue que je viens de dire, l'histoire du jansénisme nous réserve quelques surprises. On s'aperçoit bientôt, par exemple, que ce mouvement religieux — considéré, dis-je, et uniquement comme un mouvement religieux — n'a pas eu d'abord l'importance et l'originalité que l'on croit. Il y eut là sans doute d'insignes dévots, et que je n'avais pas le droit de négliger ; mais leur vie intérieure rappelle d'assez près celle que menaient, vers le même temps, nombre de saintes personnes. Saint-Cyran n'est en somme qu'un Bérulle malade et un peu brouillon ; la Mère Agnès aurait fait une excellente visitandine ; Tillemont, un bénédictin. Je ne parle, bien entendu, que de la première génération. Pris en bloc, non seulement ils ne dépassent pas les autres groupements contemporains, l'école française, l'école du P. Lallemant, l'école franciscaine et le petit monde spirituel qui gravite autour de Jean de Dernières, mais encore ils n'apportent rien de nouveau. Ils ne paraissent pas plus austères que les oratoriens, que M. Olier, que les mystiques de la Compagnie de Jésus. Quant à leur prière, elle n'est pas encore janséniste dans l'ensemble, elle ne

 

(1) Nouveaux Lundis, I, p. 251

 

III

 

respire pas encore les dogmes terribles de l'Augustinus. Bref, c'est à peine s'ils forment une école particulière au sens rigoureux du mot.

Il est donc bien entendu que, dans les pages suivantes, je ne me donne pas le ridicule de refaire, après Sainte-Beuve, l'histoire extérieure, littéraire, morale ou politique de Port-Royal; je la suppose connue. Les aspects proprement théologiques du sujet ne m'arrêteront pas davantage. A quoi bon du reste ? Personne n'ignore quel est sur ce point l'enseignement catholique. Ce qui nous intéresse présentement et, je le répète. uniquement, c'est la religion personnelle du premier Port-Royal et des premiers jansénistes.

 

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