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APPENDICE : NOTES SUR LA MYSTIQUE (1)

 

A. — L'expérience mystique.

 

« Pour un observateur superficiel, écrit le R. P. Maréchal, l'état mystique est un protée aux formes multiples et variables, à peine reliées entre elles par je ne sais quel ton indécis de religiosité pathologique. Encore, parmi les manifestations de cet état, la vue un peu courte de pamphlétaires, de médecins grossement psychologues, ou de dévots moins éclairés, n'a-t-elle su discerner trop souvent que les phénomènes somatiques, les bizarreries pieuses et le gros merveilleux. Grâce à Dieu, l'accord semble fait, aujourd'hui, entre les chercheurs sérieux pour distinguer soigneusement, au sein du mysticisme, l'essentiel de l'accessoire. Et dans le tracé même, si délicat, de cette frontière, les auteurs de tendances les plus diverses viennent à se rencontrer à peu près...

«  Le P. Poulain (par exemple) dit des « états mystiques » que «leur vraie différence avec les recueillements de l'oraison

 

(1) Cf. A propos du sentiment de présence citez les profanes et chez les mystiques par 7. M.(aréchal) s. j. extrait de la Revue des questions scientifiques, 1908-1909, Louvain, 1909 ; Science empirique et psychologie religieuse, notes critiques, extrait des Recherches de science religieuse, 1912, n°1 , Paris s. d. ; Sur quelques traits distinctifs de la mystique chrétienne, Revue de philosophie, septembre-octobre lgia, pp. 416-488. (Ne possédant pas le tirage à part de ce dernier article, je cite d'après la pagination du recueil où il a paru.) Pour faire court, j'indiquerai dans les notes, le premier, le second, et le troisième de ces mémoires sous les rubriques, Maréchal I ; II ; III. Les vues du P. Maréchal se trouvent discutées par M. Pacheu. Les mystiques interprétés par les mystiques, Revue de Philosophie, mai-juillet 1913, pp. 616-66o, et, au contraire, très fidèlement reproduites dans les articles du R. P. L. de Grandmaison, La Religion personnelle, Etudes, février-mai, 1913. Quand je citerai en note et sine addito le R. P. de Grandmaison, je me référerai toujours au dernier article de cette précieuse série (Etudes, 5 mai 1913).

 

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ordinaire, c'est que, dans l'état mystique, Dieu ne se contente plus de nous aider à penser à lui et à nous souvenir de sa présence, mais qu'il nous donne de cette présence une connaissance intellectuelle expérimentale» (1). Voilà bien le phénomène mystique fondamental : le sentiment direct de la présence de Dieu, l'intuition de Dieu présent. Le reste : extase physique, suspension des sens, visions sensibles on imaginaires, paroles intérieures, lévitations, prodiges, claire-vue, etc.. sont de purs accessoires qui peuvent ou non accompagner l'état fondamental et dont la cause immédiate peut être diverse.

« Même départ judicieux chez M. Boutroux : « Le phénomène essentiel du mysticisme est ce qu'on appelle l'extase, un état, dans lequel toute communication étant rompue avec le monde extérieur, filme a le sentiment qu'elle communique aces un objet interne qui est l'être infini, Dieu (2) ».

« Tel est aussi le point de vue de William James. Ces phénomènes, écrit il — visions, automatisme verbal et graphomoteur, lévitation, stigmatisation, guérisons, etc..., — ces phénomènes que les mystiques ont souvent présentés (ou qu'on leur attribue) n'ont pas essentiellement de signification mystique, car ils peuvent naître sans la conscience d'une illumination quelconque, chez des personnes de tempérament peu mystique. La conscience d'une illumination est pour nous la marque essentielle des états mystiques (3) ».

« Il serait facile de multiplier ces citations, facile encore, plus instructif, mais, ici, trop long, d'en appeler au témoignage concordant des mystiques eux-mêmes. Nous sommes donc fondé (dans l'étude des états mystiques), à prendre comme centre de perspective le point culminant de ces états, c'est-à-dire le sentiment de la présence immédiate d'un être transcendant (4). »

Ici qu'on ne dise pas : eh ! que nous font ces êtres d'exception ? Laissons-les jouir seuls de leurs privilèges incommensurables, dont la seule description semble faire encore plus noire et plus étouffante la nuit à laquelle nous sommes

 

(1) Les grâces d'oraison, p. 66.

(2) La psychologie du mysticisme, Paris 1902, p. 6. Le R. P. Maréchal ne voudrait pas identifier l'état mystique avec l'extase définie en un sens aussi restreint. Il ajoute que « plusieurs mystiques prétendent réaliser la communication mystique sans rompre la communication avec le dehors ».

(3) The varieties of religious experience, London, 1904, p. 408, note 2.

(4) Maréchal I. pp. 72, 74.

 

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condamnés. Non, telle n'est pas l'attitude d'un esprit et d'un coeur bien faits. Si haute que nous paraisse l'expérience mystique, loin de nous déconcerter ou rebuter comme une chimère, elle nous séduit comme une promesse. Au lieu de mettre les mystiques hors de l'humanité, nous sommes tentés plutôt d'ouvrir la carrière mystique à l'humanité tout entière. Le dieu tombé qui se souvient des cieux n'est pas surpris que, dès ici-bas, l'élite de ses frères pénètre dans le paradis perdu. Si notre intelligence n'atteint pas directement et immédiatement l'Etre des êtres, elle le vise, elle l'affirme dès qu'elle commence d'agir. « Elle est, dit encore le P. Maréchal appuyé sur saint Thomas, elle est une activité orientée dans son fond le plus intime vers un terme bien défini, le seul qui puisse l'absorber complètement, vers l'Etre absolu,le Vrai absolu. L'Absolu a mis sa marque sur la tendance foncière de notre intelligence. » Elle aspire vers Dieu avant de l'avoir nommé, elle ne se reposera qu'en le possédant. Bref, elle ne peut se désintéresser des mystiques qu'en se reniant elle-même. Faut-il s'étonner qu'elle comprenne en quelque façon, qu'elle respecte, qu'elle jalouse les privilégiés dont les extases touchent « un instant le but qui provoque et oriente toutes ses démarches (1) ».

Je n'ai pas à démontrer scientifiquement la valeur du témoignage des mystiques (2). Pour ma part, leur seule histoire m'assure que dans l'ensemble ils ne peuvent être ni des simulateurs ni des visionnaires. En effet bien que nul d'entre eux ne soit jamais banal, tous néanmoins, ils traduisent, à leur façon, une même expérience. Ils ont beau ne pas se connaître, ils semblent toujours se copier les uns les autres. C'est là peut-être ce que leur histoire présente de plus émouvant. La différence de tant de témoins « ne fait que rendre plus frappant » l'accord de leurs témoignages ; « italiens, anglais, néerlandais, allemands, espagnols ou français ; moines ou séculiers ; théologiens ou simples ; contemporains de saint Bernard ou de Philippe II,... ;

 

(1) Maréchal, I, p. 68.

(2) Rejeter a priori, comme impossible, ce que les mystiques nous disent de leur communication extraordinaire avec Dieu, n'est pas, à proprement parler, hérétique — l’Eglise n'ayant rien défini sur ce point — mais téméraire, comme opposé à l'enseignement commun des docteurs. On sait du reste qu' « aucune garantie absolue n'est offerte (par les théologiens) du caractère surnaturel des états et révélations de tel ou tel mystique en particulier. L'approbation donnée par l'Église à quelques écrits de contemplatifs n'entraîne, comme l'a déclaré Benoit XIV, aucune garantis de ce genre ». Maréchal, II, p. 57.

 

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écrivains de race ou paysans presque illettrés ; à côté de particularités multiples... de grandes lignes se dégagent, toujours les mêmes. Des noeuds se forment, concentrant aux mêmes points la poussière subtile des observations psychologiques ; des façons de parler reviennent spontanément pour caractériser les étapes de l'ascension spirituelle. Sur l'essentiel,... il y a entente (1) ».

Quel est cet essentiel ; on nous l'a déjà dit en deux mots savants, mais le voici résumé par le R. P. de Grandmaison en quelques phrases précautionnées et ferventes.

1° Il existe des moments, courts et imprévisibles, durant lesquels l'homme a le sentiment d'entrer, non par un effort, mais par un appel, en contact immédiat, sans image, sans discours, mais non sans lumière, avec une Bonté infinie.

2° Cette perception quasi-expérimentale de Dieu, d'une intensité et d'une clarté très variables, cette expérience douloureuse et délicieuse — parfois, semble-t-il, les deux tout à la fois ! — est ineffable. Les approximations les moins déficientes sont celles qu'on tire des opérations des sens : goût, saveur, vue, toucher... Aucun terme ne sert pour rendre une impression aussi nouvelle, aussi spéciale, aussi puissante... Le fait reste pourtant sujet à des doutes, à des anxiétés... subséquentes; non quant à sa réalité, mais touchant l'interprétation qu'il faut lui donner et les causes qu'il convient de lui assigner. La sécurité complète renaît avec l'impression, et est alors absolue, pour laisser place ensuite à de nouvelles vicissitudes.

3° La connaissance qui en résulte n'est pas moins sui generis que la saveur même. Elle est communément générale, pauvre en éléments enseignés, en détails... C'est plutôt une assurance donnée, un rayon tombant sur une réalité vivante et l'éclairant en profondeur.

4° Nonobstant cette généralité, la connaissance mystique est habituellement d'une richesse affective, d'une force de pénétration et de rayonnement intérieur incomparables. A la sèche et banale connaissance abstractive se substitue une sorte d'évidence immédiate, indiscutable, imposée.

5° Ces caractères de la vie mystique justifient la langue employée d'instinct dans la plupart des écrits de ce genre... Comment rendre cette impression ? Sa force, son inattendu, son originalité, pousse les mystiques à recourir aux expressions

 

(1) Grandmaison, pp. 323, 324.

 

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les plus frappantes... S'agissant d'une connaissance unitive, ils prennent naturellement leurs termes de comparaison dans les unions humaines les plus étroites... ; s'agissant de perceptions directes, immédiates ou donnant l'impression d'être telles, les mystiques recourront aux métaphores tirées des opérations des sens... tout un organisme de sens spirituels semble ainsi à leur disposition... ; s'agissant enfin d'un acte extrême, ébranlant l'instrument humain jusqu'en son tréfonds, exigeant de lui une tension extraordinaire, les mystiques affectionneront les antithèses, les termes opposés, affrontés, contractés jusqu'à la contradiction. Cette outrance souligne et soulage leur impuissance à tout dire...

6° Un dernier trait et capital, met d'accord tous les mystiques chrétiens, bien que des descriptions inhabiles et incomplètes, et encore plus, une hagiographie ignorante aient pu suggérer parfois le contraire. C'est que le fond de l'état de « contemplation infuse » consiste dans le seul acte décrit plus haut... (c'est-à-dire) le contact savoureux et (à consulter l'impression de celui qui l'éprouve) sans intermédiaire, de l'Amour premier. Là où manque ce sentiment de présence immédiate, il n'y a pas, là où il existe, il y a contemplation mystique » L'expérience mystique sera donc toujours pour nous « la présentation active, non symbolique, de Dieu à l'âme, avec son corrélatif psychologique, l'intuition immédiate de Dieu par l’âme ». Immédiate autant que cela est possible ici-bas, cette expérience a plusieurs noms : on l'appelle, assez indifféremment : « contemplation »; « oraison » tout court ; « connaissance mystique » ; « union mystique » ou « union » tout court ; « extase », etc., etc. Nous employons ces divers noms, suivant les exigences ou du sujet, ou simplement de l'euphonie, mais assez communément nous prenons « extase ». Comme les autres, ce terme est équivoque. Qu'il soit donc bien entendu

 

(1) Grandmaison, pp. 324-328.

(2) Maréchal, III, p. 478. — Cf. la définition qu'a donnée M. Pacheu, « L'irruption dans la conscience personnelle d'une intervention étrangère qui s'avère divine par ses effets , (Rev. de Phil., mai-juillet 1913, p. 643) ; — ou celle de M. l'abbé De la Croix « une connaissance supérieure (?) de Dieu, avec un amour intense dans la volonté, l'un et l'autre infus, l'un et l'autre fruits spéciaux des dons du Saint-Esprit » (Ascétique et Mystique, Paris, 1912, p. 5o). — Pour les psychologues indépendants, M. Delacroix, par exemple, ils admettent la définition Maréchal, en la dépouillant de toutes ses connotations dogmatiques.

 

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que pour nous, « extase » et « intuition immédiate de Dieu » c'est même chose (1).

 

B. — Visions et révélations.

 

Malgré ce nom de « contemplation » qu'on lui donne souvent et qui prêterait à une méprise, il ne faut pas confondre l'expérience mystique proprement dite — la seule dont nous parlions ici — avec les visions, accompagnées ou non de paroles révélatrices, avec les voix de Jeanne d'Arc, par exemple, ou avec les apparitions de Lourdes. Ce sont là des faits mystiques, sans doute, mais qui diffèrent profondément de ceux qu'on vient de décrire. Sainte Thérèse a eu des visions, elle a eu des extases, et elle ;distingue formellement entre ces deux expériences. Cela, du reste, va de soi, puisque toute vision implique un intermédiaire, assez vivement perçu, entre l'âme et l'objet de la vision. Pas de vision sans images; pas de révélation qui n'offre à l'esprit des concepts nettement définis.

Bref, « les visions, de quelque nature qu'elles soient, n'expriment point l'essence du mysticisme, elles n'en sont que des épisodes voyants, secondaires et souvent discutables. Elles peuvent aider la vie mystique (ou surtout la vie dévote) par le réconfort ou le stimulant qu'elles apportent : mais lés plus éminents de leurs bénéficiaires sont unanimes à nous répéter avec saint Paul : « Aemulamini charismeta meliora ». Il existe une contemplation plus haute, qui n'est point aiguillée vers un produit, fût-il très noble de la sensibilité (ou vers un enrichissement de la connaissance), mais qui rejoint davantage la tendance foncière, intelligente et amoureuse de l'esprit vers Dieu » (3). Pour nous, simples historiens, nous n'avons pas à discuter les visions de nos mystiques. Si nous en rapportons quelques-unes, ce sera toujours d'un point de vue historique, psychologique ou littéraire. Tous les contemplatifs que nous

 

(1) En cela nous imitons saint François de Sales (cf. Oeuvres, V, p. 20, sqq.).

(2) Maréchal, III p. 441. Quant à la qualité de la plupart des visions ou révélations, voici le jugement du P. Poulain. « Pratiquement, pour les personnes qui ne sont pas arrivées à une haute sainteté, on peut, sans Imprudence, admettre que les trois quarts de leurs révélations sont des illusions » (loc. cit., p. 317). Du reste, il ne faut pas toujours prendre à la lettre les : « j'ai vu »; « il me fut montré », qui abondent dans la littérature mystique. « En beaucoup de cas, les auteurs n'ont prétendu décrire que leurs pieuses et plus ou moins vives imaginations » (Maréchal, III, p. 441).

 

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étudions, ayant vécu docilement dans la communion de I'Eglise, leurs confidences méritent notre respect : aux juges compétents de peser leurs écrits dans des balances plus rigoureuses.

 

 

C. — Les a-côté de la vie mystique.

 

« La contemplation, est précédée quelquefois, très souvent accompagnée ou suivie de phénomènes corporels et mentaux très perceptibles, plus frappants pour l'entourage, assurément plus extraordinaires que l'acte même de contempler. Certaines puissances humaines sont interdites et, pour un temps, suspendues. L'imagination, la mémoire, l'intelligence perdent de leur activité, entrent en silence et comme en sommeil : toute la vie se concentre sur le point d'union d'esprit à esprit. Mais loin, comme le vulgaire le croit, que ces phénomènes extatiques constituent l'essentiel de l'état mystique et appellent notre admiration, ils n'en sont que les concomitants, les suites, la rançon. Ils sont dus à la faiblesse, à l'imperfection, à l'insuffisante spiritualisation de l'instrument humain et ils diminuent avec les progrès de celles-ci. L'extase (et je restreins ce nom présentement aux phénomènes d'inhibition, d'insensibilité temporaire, d'immobilité et de contracture, de courbature subséquente, de soustraction partielle aux rots de la pesanteur, de paroles et gestes automatiques) n'est pas un honneur, ni une puissance ; elle est un tribut payé par les mystiques à la fragilité humaine. Aussi peut-elle être imitée, ou, pour mieux dire, produite par des causes de tout ordre. Il y a des défaillances naturelles, dues à la faiblesse ou à une haute concentration de la pensée, à des efforts excessifs pour s'unir à Dieu. Il y a des extases diaboliques, simulées, pathologiques, fruits morbides de la fraude, de l'hystérie, de l'ingestion même de certains poisons, comme la valériane »

On s'expliquera donc que pour notre part nous fassions peu de place à la description de ces phénomènes « somatiques », retenant seulement quelques faits particuliers qui, pour une raison ou pour une autre, nous auront paru d'un intérêt véritable.

 

(1) Grandmaison, pp. 328-329.

 

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D. — La connaissance mystique.

 

La connaissance mystique ne ressemble pas à nos connaissances doctrinales communes qui se forment par l'acquisition et l'élaboration successive d'un certain nombre de concepts et de jugements — les uns et les autres nettement définis — et qui par suite présente une matière « enseignable ». Connaissance véritable, puisque par elle notre intelligence s'assimile un objet spirituel, Dieu présent; mais non pas science, non pas théologie spéculative. Dieu n'agit pas, au centre de l'âme mystique, à la manière d'un maître, énonçant et expliquant une série de théorèmes. Invinciblement, c'est comme cela que nous le voyons, nous profanes, quand nous tâchons de réaliser la leçon mystique. En vérité, Dieu fait beaucoup mieux que parler à cette âme, il en habite, il en possède le centre, non pas seulement comme il réside au centre de tout, mais en permettant que cette présence soit directement expérimentée. Dans la connaissance commune, soit par exemple dans la récitation du Credo de Nicée, nous rassemblons, nous détaillons une série d'affirmations et de négations, sur chacune desquelles le théologien ou le catéchiste fait de longs discours. La connaissance mystique n'est pas ainsi, tâtonnante, précise, morcelée et progressive, mais soudaine, en bloc et tout d'une prise. Son objet — l'Infini pourtant ! — elle le saisit, l'étreint, l'enveloppe, comme un poing fermé emprisonne un être menu, ou, plutôt, elle est elle-même saisie, étreinte et enveloppée par cet objet, comme nous le sommes par l'air que nous respirons. Son objet est l'Etre des êtres. La prise du mystique est donc la plus magnifique de toutes les prises ; mais il tient la Vérité plutôt que des vérités, la Lumière plutôt que des lumières, une Présence plutôt qu'une doctrine. Vérité d'ailleurs, source de toutes les vérités ; Lumière, foyer de toutes les lumières ; Présence rayonnante de doctrine ; mais le mystique contemple directement la source et non ses ruisseaux, le foyer et non ses flammes, le soleil et non ses rayons. De cette contemplation, toute curiosité particulière est exclue nécessairement : elle oublie tout et ne peut pas se contempler elle-même. Connaissance « communément générale, pauvre en éléments enseignés, en détails » (1), ainsi parle le R. P. de Grandmaison, condamné,

 

(1) L. de Grandmaison, loc. cit., p. 325.

 

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comme nous tous, à des approximations décevantes. « Générale », employé d'ailleurs par saint Jean de la Croix, semble trop évoquer une connaissance abstraite. « Pauvre en éléments enseignés », ce n'est pas assez et c'est trop dire. Au sens exact de ces mots, il n'y a là ni éléments, ni enseignement. De ce point de vue, indigence pure, mais, en revanche, il y a là mieux que des éléments ou que des leçons : il y a Présence, pleine, totale, et en quelque façon, totalement possédée et contemplée; massive, oserai-je dire ; tout l'Etre divin, toute sa richesse ; il y a là tout le Credo, tous les traités des théologiens, mais vivants; il y a là, non pas des jugements morcelés, définis, égrenés les uns après les autres : patrem — omnipotentem — factorem..., mais Dieu lui-même.

Qu'en savons-nous ? De nous-mêmes, rien, mais nous acceptons docilement et nous tâchons d'expliquer les confidences des seuls expérimentateurs qui nous aient révélé cette mystérieuse façon de connaître. Le mystique, écrit le pseudo-Denys, est « élevé au rayon surnaturel de la ténèbre divine », au delà de « tout ce qui est sensible et intelligible ». a Si en voyant Dieu, écrit-il encore, on comprend ce que l'on voit, ce n'est pas Dieu que l'on a contemplé, mais quelqu'une des choses qui viennent de lui et que nous pouvons connaître » ; Et saint Jean de la Croix : « La contemplation ne donne qu'une connaissance générale et obscure au moyen de laquelle l'entendement ne parvient pas à connaître distinctement ce qui est présenté »

Ces remarques ne peuvent déconcerter que ceux, trop nombreux du reste, qui tiennent les ouvrages des mystiques pour divinement dictés et qui ne font qu'une différence assez nuageuse entre la contemplation de l'extatique et l'inspiration de l'auteur sacré. Inspirés? Mais quelle trace trouve-t-on dans leurs ouvrages d'une communication qui ait ajouté au trésor doctrinal de l'Eglise? Leur devons-nous, je ne dis pas, un seul dogme, mais quoi que ce soit qui dépasse ou bien l'enseignement théologique connu avant eux, ou bien les possibilités de la science chrétienne? Non pas certes que l'extase soit vide, ce qu'à Dieu ne plaise! « Dans l'espace d'un credo, dit sainte Thérèse, nous recevons, sans discourir, plus de lumière que nous ne pourrions en acquérir en bien des années, par toutes nos industries terrestres (2) ». Mais cette lumière surabondante

 

(1) Textes cités par Maréchal, I, pp. 97, 98, III 46o, 461.

(2) Oeuvres complètes de sainte Thérèse, traduct. nouvelle, Paris, 19o7, I, p. 16o.

 

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est supra-doctrinale, si l'on peut ainsi parler. François Xavier, au sortir de ses extases, s'écriait : o beata Trinitas ! Cela ne veut pas dire que l'extase lui ait communiqué des explications théologiques nouvelles sur le dogme. — Ce serait là révélation, d'ailleurs possible et non plus simplement extase. — Ce qu'il a reçu est bien plus sublime. Il s'est trouvé directement, immédiatement en présence du Dieu un en trois personnes. II n'en saura pas plus que n'en savent ou n'en pourront savoir les théologiens, mais ce que les derniers enseignent, le saint l'a expérimenté, réalisé. La connaissance réelle qu'il a eue de la Trinité — d'ailleurs toute d'esprit à esprit — ressemble, en quelque façon, à la connaissance sensible : même solidité et sécurité de prise, même ardente plénitude de contact, d'enveloppement, de pénétration. Ce n'est plus tout à fait la vision ordinaire, per speculum, in aenigmate, c'est déjà, pour quelques minutes, presque la vision du ciel.

Le mystique rendu à lui-même, non seulement pense, imagine, veut et sent comme nous tous, mais encore il garde, dans ces diverses activités qui seules nous le font connaître, ses tendances particulières, ses plis de naissance et de formation (1). Ainsi la vie mystique l'aide à devenir parfait, mais selon sa ligne propre et son humeur, atténuant mais n'effaçant pas tout à fait les tares anciennes. Saint Jérôme, contemplatif, resterait plus rude que François de Sales. Ceci est également vrai et présentement nous intéresse davantage, si nous l'appliquons aux facultés intellectuelles et littéraires, aux dons propres de l'écrivain. Tous les contemplatifs n'ont pas le génie de sainte Thérèse, la profondeur et la sûreté doctrinale de saint Thomas. Quantité de médiocres, parfaitement susceptibles de recevoir la grâce mystique, et qui, en fait l'ont reçue, s'ils se mettaient à écrire, nous ennuieraient toujours et nous choqueraient souvent. On semble croire que pourvu qu'ils se restreignent à raconter leurs expériences, ils sont dignes d'attention et l'on oublie qu'il faut à ce travail introspectif des qualités de clairvoyance et de souple finesse que la grâce mystique peut aviver sans doute niais qu'elle ne donne pas. Sur dix écrits de ce genre,

 

(1) D'où la relation constante et que souvent l'on néglige trop, entre littérature dévote et littérature mystique, la plupart des mystiques ayant été formés par des livres simplement dévots ; d'où l'intérêt que présente notre premier volume sur l'humanisme dévot, relativement à ceux qui suivent; d’où enfin, la place que nous réserverons à certaines écoles de haute métaphysique dévote (l'Oratoire; M. Olier).

 

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huit ne valent que très peu. Je veux, dit le P. Guilloré, qu'ils « ne soient pleins que de véritables lumières et de sentiments bien solides. Sachez qu'ordinairement l'on en dit plus sur le papier, pour la manière, qu'il ne s'en opère daine la conscience. Car l'on se plaît naturellement à bien dire tout ce qui nous regarde, et on l'exprime avec des termes si propres et des expressions si belles, que la chose paraît toute autre qu'elle ne se passe en effet dans l'âme ; car l'on ne manque pas de paroles mystérieuses pour dire ce qui, dans le fond, n'est pas si considérable ; et n'est-ce pas ainsi que des directeurs, jugeant d'une âme par ses écrits, en prennent souvent des pensées bien plus grandes que ne sont ses faveurs et ses opérations? » Quant aux considérations doctrinales qu'ils ajoutent à leur autobiographie, quant aux lumières des mystiques, elles valent, non pas ce que vaut leur extase, mais ce que valent leur génie et leur sainteté, car la sainteté, elle aussi, est lumineuse, et bien plus que l'extase.

En un mot, il ne faut pas oublier que les mystiques, en tant que mystiques, ne sauraient appartenir à l'Eglise enseignante. Leur « confuse » lumière, la seule qui leur appartienne en propre, n'est pas l'auréole des docteurs. On s'étonne parfois que l'autorité les juge et les condamne. Quoi de plus simple? De ce qui s'est passé au centre de leur âme, le Pape lui-même ne peut directement rien connaître. Mais, dès qu'ils ouvrent la bouche ou qu'ils prennent le plume, les voilà réduits à la condition et à la fortune des écrivains ordinaires : les voilà, non plus mystiques, mais théologiens, philosophes, poètes, bons ou mauvais, suivant le cas, dignes d'admiration, ou de pitié ou de censure. Qu'on se garde pourtant de les condamner trop vite. Qui les juge ridicules, trahit souvent sa propre misère et l'intime bassesse de cet « homme animal » qui n'entend rien aux choses de Dieu.

 

E. — Le Pur Amour.

 

L'expérience mystique, si elle est connaissance — au sen très particulier que nous avons dit — est aussi union, amour Non pas que l'on doive distinguer ontologiquement les divers aspects d'une seule réalité, merveilleusement simple. Cette

 

(1) Guilloré, Maximes spirituelles pour la conduite des âmes, livre VI, max. IX, ch. II.

 

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connaissance est amoureuse, et cet amour connaissant. Une seule activité perçoit immédiatement la présence divine et se donne à cette présence; la perçoit en se donnant, et se donne en la percevant. Que si du reste, et par impossible, l'un de ces deux aspects était plus nécessaire, plus essentiel que l'autre, ce serait l'amour (1).

Connaissance, amour, entendons-nous bien. Ce n'est plus : connaissance d'abord, comme dans la vie affective commune. Le pragmatisme n'est plus à craindre ici; l'adage scolastique nil volitum nisi praecognitum, ne s'applique plus, lorsqu'il s'agit de ce centre de l'âme, qui donne leur élan à toutes nos puissances, et qui est tout ensemble plus lucide que l'intelligence, plus libre que la volonté. A plus forte raison convient-il d'écarter le fantôme des suavités sensibles, des « consolations » qui accompagnent d'ordinaire les mouvements de l'amour humain et de la piété. L'union mystique peut bien rejaillir jusque sur les sentiments et même sur les sens que d'ailleurs, elle soumet parfois — les uns et les autres — à de terribles jeûnes ou à d'affreuses détresses ; mais son allégresse amoureuse n'est pas plus sensible que sa lumière n'est éclatante.

 

(1) Il y aurait là de belles précisions métaphysiques à établir dans le détail desquelles nous n'avons pas le droit d'entrer. On montrerait, par exemple, que de ces deux noms également impropres que l'on donne à l'expérience mystique, « union », « contemplation », celui-ci est le plus impropre, parce qu'en effet, si toutes nos facultés raisonnables ont une tendance mystique (le P. Maréchal l'a démontré pour l'intelligence) cette tendance est beaucoup plus directe, dans la volonté et rencontre moins d'empêchements. Toute union d'amour se noue, ou bien au centre de l'âme (union mystique), ou bien dans la zone la plus rapprochée de ce centre. Comme l'a dit Hugues de Saint-Victor, et après lui, nombre de scolastiques « plus diligitur quam intelligitur et intrat dilectio et appropinquat ubi scientia foris est » (Exposit. in hierarch. caelest. Dyon, 1. 7.) Il arrive maintefois « que la connaissance ayant produit l'amour sacré, l'amour ne s'arrêtant pas dans les bornes de la connaissance qui est l'entendement, passe outre et s'avance bien fort en deça d'icelle » (Oeuvres de saint François de Sales, IV, pp. 5a, 3z4, 315). Or, franchir ainsi les représentations intellectuelles pour s'unir à Dieu intimement et au delà des images, voilà qui nous montre l'activité amoureuse nécessairement en marche vers les profondeurs ou le centre de l'âme. Là est la zone de la volonté normale, toute voisine de la zone mystique, tandis que l'intelligence reste enchaînée aux confins du monde sensible, suspendue aux fenêtres des sens, où elle attend sa pâture d'images.

Que l'union se consomme au centre de l'âme, cela paraît tellement évident au contemplatif que, dans la description qu'il fait de ses états, il ne songe même pas à « situer » son amour extatique. On ne s'unit jamais qu'au centre de l'âme, ou, du moins, que tout près du centre . Comme il en va tout autrement pour les actes de l'intelligence, le mystique tient au contraire à spécifier que la connaissance extatique se produit, dans une région particulière, à la cime de l'esprit.

 

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L'extase ne délecte pas plus qu'elle n'enseigne, elle unit. Nous ne mettons pas en doute qu'elle soit fréquemment — normalement si l'on veut — escortée ou suivie de délices pieuses. Nous disons simplement que ces délices ne sont pas l'extase.

Cela est si vrai que, d'après les mystiques, « c'est une grâce particulière à l'âme qui aime (extatiquement) quand elle ne sent pas les feux de son amour... et quand elle doute même si elle a quelque amour. Car ainsi ni le sentiment, ni la vue, ni l'assurance n'y peut faire couler rien d'impur ». « Il arrivera quelquefois, nous dit-on encore, que votre coeur aimera en effet et qu'en même temps vous sentirez qu'il n'aime pas. N'en soyez point surpris ; ces deux choses s'accordent très bien ; cette disposition est fort superbe et fort corrompue, où le coeur humain repose dans son amour et non pas dans l'objet de son amour, et par un retour et une réflexion infidèle, appuie et se complaît dans le feu sacré qui le brûle, non pas dans celui qui l'a allumé : car c'est là justement pour éteindre cette flamme divine, et pour n'avoir plus qu'un feu bâtard, qu'échauffe et qu'allume après uniquement l'amour propre » (1). « Un retour », « une réflexion », les mouvements de ce genre peuvent être dangereux ou non, mais tous ils contrarient nécessairement l'amour extatique. Dès que nos facultés, je ne dis pas s'ajoutent ou s'ordonnent à cet amour, mais parviennent à exercer librement leurs activités réfléchissantes, l'extase leur quitte la place, si l'on peut ainsi parler, et s'évanouit.

Du reste il n'est pas besoin d'une grâce d'union mystique pour aimer Dieu d'un amour désintéressé. Beaucoup d'honnêtes gens s'imaginent que l'Église en condamnant les Maximes des saints, a, par là même, condamné le pur amour. Eh, pourquoi pas, du même coup, le Décalogue et l'Evangile? A proprement parler, « pur amour » est un pléonasme comme panacée universelle. Des actes d'amour désintéressé, mais, juste ciel, nous en faisons tous, quand nous aimons nos amis sans penser aux services que ceux-ci peuvent nous rendre. L'acte de charité, que l'Église fait réciter à tous les fidèles, est un acte de pur amour. Voici du reste quelques extraits du limpide catéchisme rédigé à ce sujet par le P. de Caussade :

 

D. Quel est l'amour de Dieu qu'on appelle désintéressé et de pure bienveillance ?

 

(1) Guilloré, Les progrès de la vie spirituelle (Lyon, 1687), pp. 525, 518.

 

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R. C’est celui par lequel on aime Dieu, pour l'amour de lui seul, sans retour à nous.

D. Quel est l'amour intéressé ?

R. C'est l'amour de l'espérance chrétienne, par lequel on aime Dieu par rapport à soi, comme notre souverain bien et devant faire notre souveraine béatitude.

D. Quelle était donc sur ce point l'erreur des nouveaux mystiques?

R. C'était de n'admettre cet amour pur que dans un certain état de leurs prétendus parfaits : or, il est dans l'état même des commençants. .

D. Mais, si cet amour est commun à tous, quelle différence y aura-t-il entre les justes et les parfaits (entre les mystiques et les non-mystiques) ?

R. C'est que ceux-ci aiment Dieu plus parfaitement, du même amour de pure bienveillance, puisqu'il n'y en a,pas de deux espèces.

D. Mais en quoi consiste la perfection de cet amour?

R. « C'est dans un exercice plus continu, plus habituel, plus dominant de la même charité commune à tous », dit M. de Meaux.

D. Quelle différence y aura-t-il donc entre l'amour et le pur amour?

R. Peint d'autre que dans le degré, puisque tout amour de charité est si essentiellement désintéressé qu'il n'y en peut avoir qui ne le soit pas, suivant les paroles de saint Paul: « la charité ne cherche point ses propres intérêts (1) ».

 

Ainsi nous rencontrons le pur amour aux deux pôles de la vie intérieure, dans la pratique des simples fidèles et dans l'union mystique. Mais alors, se demande-t-on, pourquoi les théologiens donnent-ils un air de mystère à des choses si simples ; pourquoi tant de combats, — la querelle du quiétisme par exemple — au sujet du pur amour ? C'est que, dans la vie déjà très haute qui s'achemine, sans le savoir, vers l'expérience mystique, cet n exercice plus continu, plus habituel, plus dominant de la charité commune n, ainsi que parle Bossuet, est soumis à une ascèse particulière, subtile, infiniment mystérieuse, qui choque l'observateur superficiel, intrigue et rebute quantité de directeurs, et réduit le contemplatif lui-même à une obscure détresse. Un des chapitres les plus longs et les plus délicats de la théologie mystique, a pour objet les étranges épreuves, par où se fait, en quelque façon, I'apprentissage de l'extase. Or, où vont toutes ces épreuves, sinon à la « purification » progressive de l'amour? Envers douloureux et ténébreux de la sublime grâce qu'elles communiquent et qu'elles voilent, elles dépouillent implacablement le futur contemplatif de toutes ses attaches-trop humaines, de tout ce qui faisait hier encore sa joie, sa force, parfois son orgueil : — délices de la prière ; facilités de la vertu ; elles délogent l'adversaire du pur amour, c'est-à-dire,

 

(1) P. de Caussade. Instructions spirituelles en forme de dialogues sur les divers états d'oraison, suivant la doctrine de M. Bossuet... Perpignan, 1741, pp. 128-13o. Voir sur cette question, mon Apologie pour Fénelon : La revanche du pur amour, pp. 433-477.

 

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dire, l'amour propre, de ses dernières retraites, mortifiant la volonté, aveuglant l'intelligence, réduisant le « petit filet de vie naturelle qu'on ne rompt presque jamais parce qu'il en coûte trop de renoncer, sans retour, à toute action propre de l'esprit ou du coeur » ; elles harcèlent de vingt autres façons leur victime et la vident peu à peu d'elle-même ou plutôt de ce qu'elle croit être son moi, la refoulant nue, désolée, épouvantée vers on ne sait quel précipice invisible — le néant, l'enfer peut-être — qui n'est en réalité que ce bienheureux centre de l'âme, où, les épreuves terminées, se consommera l'union mystique, s'achèvera le pur amour. Dans cette affreuse nuit, une lumière demeure : la certitude — oh! combattue, haletante, héroïque, elle aussi — la certitude non pas que l'extase, ni même que le ciel est au bout, mais qu'il faut se laisser faire par le cruel ouvrier qui déchire l'âme, s'abandonner à la volonté divine. Cet abandon — sur lequel les mystiques reviennent avec tant d'insistance — est le plus haut terme où parvienne le pur amour avant de devenir amour extatique. Abandon, terme équivoque lui aussi, qui peut signifier ou bien le « laissez-vous vivre » qui est la devise des quiétistes ou bien le « laissez-vous faire par Dieu » qui est la consigne des saints (2).

Est-il besoin d'ajouter que ni dans la pensée ni dans la pratique des vrais mystiques, l'école du pur amour et de l'abandon n'est une école de mollesse? Qu'a-t-il fallu pour rendre les âmes des contemplatifs, « si souples, si pliantes sous la main de Dieu », se demande le P. de Caussade et il répond : « Il a fallu pour cela que toutes leurs volontés, dans l'usage le plus saint des puissances, aient été cent fois contrariées, rompues, domptées et captivées sous la seule volonté de Dieu ; il a fallu qu'un grand vide de l'esprit, longtemps soutenu et à diverses reprises, ait presque entièrement étouffé leur activité naturelle; il a fallu que de longues et terribles impuissances de faire le moindre acte réfléchi, ou distinctement aperçu, les aient forcées à rechercher dans la seule partie supérieure de l'âme, les actes directs de leurs simples dispositions, et leur

 

(1) Caussade, op. cit., p. 387.

(2) « Pour mon état, écrit sainte Chantal, il me semble que je suis dans une simple attente de ce qu'il plaira à Dieu faire de moi. Je n'ai ni désirs, ni intentions; chose aucune ne tee tient que de vouloir laisser faire Dieu; encore je ne le vois pas, mais il me semble que cela est au fond de mon âme ». Oeuvres, t. III, p. 599.

 

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aient bien appris à savoir s'en contenter, quand il plaît à Dieu de réduire ainsi une âme à la plus grande pauvreté et nudité d'esprit. A l'égard de plusieurs autres, il leur a fallu passer par bien d'autres épreuves, par cent agonies intérieures... (c'est-à-dire), par des impressions de frayeur, semblables à celles d'un moribond, qui se sent, à diverses reprises, sur le point d'expirer... ; ce qui arrive ici, toutes les fois que par une grâce spéciale, mais sans lumière aperçue, ni sentiment connu, on est intérieurement pressé de s'abandonner à Dieu dans la plus profonde obscurité de la foi, où il ne reste, en apparence, nul appui intérieur pour soutenir cette âme agonisante, à la vue des abîmes affreux de ce terrible abandon ; car il semble, dans ces moments, qu'on va être précipité, englouti et perdu, je ne sais où, et même anéanti par je ne sais quelle main invisible : sentiment de terreur aussi effrayant alors, que celui d'un homme à qui, au milieu d'une vaste mer, on viendrait arracher des mains l'unique planche qui fait son soutien et sa dernière ressource » (1).

Cette forte page, où certes rien n'est littérature, et où se trouve ramassée la substance de mille témoignages, nous explique l'opposition instinctive que la vie mystique doit fatalement rencontrer chez une foule d'esprits, d'ailleurs excellents et très dévots. Pur amour, abandon, quiétude, passivité, cessation presque totale des actes communs de la pratique chrétienne, qu'est-ce autre chose, disent-ils, qu'une scandaleuse paresse, affublée de noms mystérieux qui en déguisent le venin et la rendent par là plus dangereusement séduisante ? Eh ! sans doute, l'illusion est ici à craindre, et l'exploitation hypocrite des choses saintes. Les faux mystiques, trouveront toujours un double profit de vanité et de mollesse, à faire parade de leur impuissance prétendue, soit à éviter le mal, soit à pratiquer

 

(1) Caussade, op. cit., pp. 392-393. Par là s'expliquent ces a suppositions impossibles » qui scandalisaient si fort Bossuet et qu'il ne permettait même aux vrais mystiques que très à contre-coeur. Nous n'avons pas à entrer ici dans ces profondeurs, mais ce qu'il faut bien remarquer, c'est que ces épreuves sont d'ordre mystique et de deux façons : 1° parce que Dieu, par elles, prépare l'âme à l'extase ; 2° parce qu'elles sont déjà, en quelque façon, la connaissance mystique, l'union mystique béatifiant obscurément, insensiblement la cime de l'âme, pendant que la surface active est soumise à cette agonie. Dieu, écrit Guilloré, « vous attire à cette nudité afin que vous soyez souffrant, mort et détaché en cet état. Voilà pour ce qui est de votre part (entendez la part de nos activités ordinaires, intelligence, etc.), tandis que, de son côté, il emplit l'âme et opère en elle des merveilles de grâces, hors de ses connaissances. » (Les Progrès, P. 437).

 

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le bien. Mais enfin ces extatiques de pure imagination ou de contrebande se trahissent à des signes qui ne trompent guère un observateur averti. La paresse de leur conduite habituelle juge et condamne la quiétude illusoire de leur oraison. Pour les vrais mystiques, leur obéissance à l'Église, leur zèle, leur mortification, leur sainteté en un mot les venge. Ceux que scandalise leur inertie apparente dans la prière ne songent pas qu'il n'est rien de plats actif que l'extase, rien de moins languissant que l'acte global de tout l'être s'unissant à Dieu. Quant aux facultés momentanément épuisées par une expérience qui attire à soi toutes les forces de l'âme, l'épreuve qui les humilie leur ménage aussi, pour le réveil, une expansion magnifique, un élan, des forces qu'on ne leur connaissait pas.

 

F. — Le quiétisme.

 

Ce quiétisme méprise et néglige les activités ordinaires de la vie chrétienne et morale — prières vocales ; méditations ; fréquentation des sacrements; dévotions ; pratique des vertus — auxquelles il prétend substituer un oisif abandon au mystique travail que la grâce opère dans certaines âmes de choix. Le parfait se trouverait élevé à un bienheureux état où la contemplation mystique est pour lui facile, constante, sinon tout à fait ininterrompue — ce qui serait d'une absurdité par trop criante. L'extase est son élément normal, quotidien. Partant de là, on applique logiquement à toutes les heures du jour ce que les mystiques ont affirmé des minutes de leur sublime expérience, à savoir que pendant l'activité intense et passagère du centre de l'âme, l'effort des facultés devient inutile et même mauvais. C'est donc, pour l'intelligence et la volonté un repos constant que ne doit pas troubler une dévotion trop précise aux attributs divins ou à la personne du Christ. Toute application à des objets définis offusquerait la divine obscurité de la contemplation. Nul souci du bien à faire ou du mal à éviter. L'extase suffit.

Lorsque l'on saisit, pour la première fois, l'ensemble de cette doctrine, on éprouve une sorte de stupeur qui se traduit de diverses façons, suivant les inclinations de chacun. « On est effrayé, s'écrie le P. Poulain, quand on voit qu'au XVIIe siècle, tant de sottises ont pu être admises et admirées

 

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par des théologiens et des gens d'esprit (1). » Effrayé, lui aussi, le P. de Caussade, mais pour une autre raison : « Si le soupçon de quiétisme était si déshonorant, se demande-t-il, sans doute que les gens de bien feraient conscience d'avoir de pareils soupçons sur le prochain et de les inspirer sans de fortes preuves. D'où vient donc qu'on en voit qui, sur quelques mots mal entendus d'un livre, d'une lettre, d'un discours s'écrient aussitôt, sans autre examen et sans scrupule : voilà le quiétisme ; c'est parler, c'est écrire en quiétiste (2)? ». II ne sait trop que répondre à cette question, et en vérité, à qui fera-t-on jamais croire -qu'une doctrine, encore plus niaise que scandaleuse ait été approuvée d'esprit et de coeur par de saints et savants personnages, par un Benoît de Canfeld qui a dirigé les âmes les plus hautes de son temps, par un Bernières, par un Fénelon ? Et cependant, il est certain que plusieurs mystiques n'ont pas toujours su prévenir les interprétations, ou ridicules ou dangereuses, que certains, parmi la foule dévote, seraient tentés quelquefois, souvent peut-être, de donner à leurs ouvrages. L'élite des bonnes âmes les entendait comme il fallait les entendre, mais, en dehors de ce petit nombre, combien de volontés molles et d'esprits faibles ! Si Nicole n'a rien compris au jésuite Guilloré, suspect lui aussi de quiétisme, telle femmelette, ignorante et vaniteuse, aura bien pu trouver dans les très beaux livres de ce maître, on ne sait quelle leçon d'illuminisme ou de paresse. Ainsi des autres écrivains. Pour justifier, si besoin était, la sévérité de l'Eglise à leur endroit, on n'a besoin, et, du reste, on n'a le droit de suspecter, ni leur intention, ni même leur pensée propre. A la vérité, le système tel que nous l'avons décrit, n'est qu'une synthèse d'exposition et de combat. Tel quel, nul chrétien sincère, que je sache, ne l'a jamais expressément enseigné. Mais les tendances que cette construction ramène à leurs principes dogmatiques; mais l'esprit du quiétisme, ont certainement infesté l'Europe catholique pendant le XVII° siècle tout entier. Dès avant la naissance de Bossuet, nos mystiques avaient déjà donné l'alarme, comme nous aurons souvent l'occasion de le rappeler. Que d'ailleurs très et trop souvent, la fureur des partis ait exploité l'accusation de quiétisme, pour perdre des innocents, j'en tombe certes d'accord, mais quoi qu'il en soit, le péril, n'étant pas imaginaire,

 

 

(1) Poulain, op. cit., p. 491.

(2) Caussade, op. cit., pp. 205-208.

 

 

imposait aux écrivains spirituels une réserve et des précautions que l'on n'a pas toujours observées (1).

 

G. — La vie mystique.

 

En nous condamnant, comme il le fallait, à isoler le phénomène proprement mystique du milieu vivant qui l'étreint de toutes parts, des expériences étrangères qui le croisent, des activités qu'il prolonge et qui le prolongent à leur tour, nous l'avons fatalement mutilé et même faussé. Ainsi de toutes les dissections anatomiques et des analyses morales, du distrait ,en soi de la Bruyère, de l'égoïste en soi des Maximes. Précisions nécessaires, mais dangereuses, lorsque l'on oublie que la véritable analyse se moque de l'analyse. Mais quoi, les termes barbares que nous employons — le mystique en tant que mystique — marquaient d'eux-mêmes l'inhumanité de notre besogne. Un mystique pur, un être dont les mouvements ne seraient que mystiques, n'exista jamais. IL convenait de rappeler énergiquement que la dévotion n'est pas l'extase et de distinguer l'élément nouveau, sui generis que l'extase ajoute à la dévotion : il convient de rappeler aussi que ces

 

(1) Le mal est venu, du moins en partie, de la terminologie mystique et notamment d'un mot néo-platonicien, popularisé, je le sais, par les orthodoxes, mais qu'il est permis de trouver fâcheux. « Passif » ou « passivité » prête à trop d'équivoques. Par là, si je les entends bien, les plus philosophes des mystiques, occupés à décrire leur expérience, veulent rappeler le caractère d' « infus », de « donné », que cette expérience présente. Mais bien qu'elle ne dépende aucunement de leur industrie — ou plutôt, parce qu'elle n'en dépend aucunement — il n'est rien de moins passif — au sens propre — que l'extase. L'énergie qui s'y déploie, moins elle est consciente, et plus elle a d'intensité. Certains contemplatifs pensent et disent que Dieu seul agit en eux. Il agit sans doute — eh ! dans quel de nus actes n'agit-il pas ? — mais en stimulant notre activité d'une façon plus, efficace, plus directe qu'il ne le fait pour les actes de la vie commune. D'un autre côté, je ne crois pas non plus qu'on puisse appeler passives les facultés que soit les approches de l'extase, soit l'extase même, tendent à rendre moins 'agissantes. Elles n'ont plus d'énergie que pour un acte d'abandon à la volonté divine qui les mortifie et vent les suspendre : mais cet abandon est héroïquement volontaire. Ceci n'est pas moins vrai de l'acte d'abandon pratiqué dans la vie commune. Et tout ce qui vient d'être dit au sujet du quiétisme, on n'a qu'à le répéter au sujet du panthéisme. Il faut ne rien comprendre à la vie mystique, pour craindre qu'un véritable mystique donne jamais contre cet écueil. Le mystique se réalise lui-même comme une personne distincte de l'univers et de Dieu, — avec une telle intensité que l'idée ne peut pas lui venir que cette distinction fasse doute pour qui que ce soit. D'où vient la libre hardiesse de certaines de leurs expressions.

 

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deux états, s'enrichissent l'un l'autre, se compénètrent et concourent au développement harmonieux d'une seule et même sainteté. Cet élément nouveau qui est l'expérience mystique, nous ne devons pas le considérer comme vivant d'une vie indépendante et parasitaire, ou le voir présent, dans l'organisme moral du mystique, comme une balle laissée dans les chairs, ou encore le comparer à ce fleuve fabuleux qui gardait indéfiniment ses eaux douces.

Et d'où viendrait cette séparation absolue? De Dieu lui-même, objet de la connaissance et terme de l'union mystique? Mais ce Dieu change-t-il pour être connu et possédé d'une manière plus intime? De l'âme? Mais n'est-elle pas toujours, soit avant, soit pendant l'extase, une seule et même créature merveilleusement simple? Et sans doute, usant et abusant d'une commode métaphore, nous avons distingué dans cette âme, un centre et une surface ; mais avons-nous dit qu'il fallait regarder ce centre comme un accumulateur d'électricité enfoui dans une cage de verre ? Non, tous les fluides spirituels qui animent la surface, partent de lui, reviennent à lui. Ajoutez à cela que si les théologiens ne savent pas expliquer comment la grâce mystique se greffe sur la grâce sanctifiante qui déjà déifie en quelque façon les simples dévots, ils tiennent tous que la première de ces grâces dépend de la seconde. Nouvelle raison pour ne pas creuser un abîme entre l'expérience mystique et la dévotion.

Et puis, qu'on nous dise exactement où finit la dévotion et où commence l'extase. Un moderne théologien, le P. Poulain, affirme, contre des autorités sans nombre, que l'oraison de sainte Chantal ou de l'auteur de l'Imitation, ne sont pas mystiques. Je veux qu'il en soit ainsi, mais force est bien de reconnaître, que de cette oraison déjà si haute à une autre plus sublime, la distance est vite franchie, et que le point de transition est imperceptible pour nous. S'il en est ainsi, qui ne voit que la dévotion s'oriente vers la mystique comme vers son épanouissement normal et par suite que de très intimes rapports relient ces deux états l'un à l'autre. On ne prétend pas que le premier de ces états exige le second au même titre que la grâce sanctifiante, dûment conservée, exige la vision béatifique, mais on dit, avec sainte Thérèse, que s'il arrivait qu'une âme saintement dévote n'obtînt pas cette couronne suprême, il y aurait là une dérogation aux lois mystiques (1). D'où vient

 

(1) Je résume ici les affirmations très intéressantes d'un jésuite espagnol, cité par l'abbé Jean de la Croix dans la précieuse brochure Ascétique et Mystique (Paris, 1912) p. 56, 57.

 

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que le dévot et le mystique, bien qu'ils ne parlent pas tout à fait le même langage, s'entendent admirablement l'un l'autre. Si l'un ne la pénètre pas aussi avant que l'autre, une seule réalité, plus une encore que diverse, les occupe également, à savoir Dieu lui-même ; une seule voie les conduit à cet unique objet, à savoir le détachement de soi, les exercices très sanctifiants du pur amour ; d'où vient que le même ouvrage, l'Imitation de Jésus-Christ ou le Traité de l’Amour de Dieu, paraîtra simplement dévot aux uns, proprement mystique aux autres.

La dévotion est la fleur : l'union mystique, le fruit : mais la fleur ne survit pas au fruit qui l'achève, tandis que la dévotion emprunte à l'union une vitalité nouvelle, qu'elle continue, l'union, qu'elle l'exploite, dirais-je, si le mot n'était pas si bas. Comme le plus humble de ces dons s'ordonne vers le plus sublime, le plus sublime s'ordonne aussi vers le plus humble. De l'expérience mystique, a pauvre en éléments enseignés », pauvre en actes, dérivent, dans l'intelligence pieuse, des lumières abondantes et précises ; dans la volonté, des forces nouvelles; dans la sensibilité, des tendresses imprévues. A ce foyer ténébreux, s'éclaire toute une littérature; de cette mort, germent les actes des saints. Et ce n'est pas tout, car cette dévotion ainsi renouvelée amènera ou provoquera à son tour une autre extase, et cette extase un nouvel épanouissement de dévotion, et ainsi de suite, aussi longtemps du moins que l'âme se montrera fidèle à la grâce.

S'il est du reste difficile de dire où elle commence, il ne l'est pas moins de dire où finit l'expérience mystique. En un sens très juste mais qu'il faut bien entendre, elle ne doit pas finir. Car enfin lorsque se desserre le mode particulier d'union à Dieu, l'union elle-même subsiste. Le mystique, revenu à lui-même, pense-t-on que Dieu le quitte ; et ces immolations, parfois, souvent, très crucifiantes où nous avons vu l'envers de l'extase, pense-t-on, qu'une fois consommées, elles soient perdues, comme si, dans le plan céleste, elles n'avaient eu d'autre fin que de procurer une transformation éphémère et inféconde?

Non, de telles grâces ne s'évanouissent pas de la sorte. Interrompues, suspendues, elles continuent leur rayonnement (1).

 

(1) « Depuis ce temps-là, écrit la V. M. Marie de l'Incarnation (Martin), mon âme est demeurée dans son centre qui est Dieu. Ce centre est en elle-même, et elle y est au-dessus de tout sentiment. C'est une chose si simple et si délicate que je ne la puis exprimer. On peut parler de tout, on peut lire, écrire, travailler, et faire tout ce qu'on veut, sans se distraire de cette occupation et sans cesser d'être uni à Dieu. » Vie de la V. M. Marie de l'Incarnation, par le P. de Charlevoix, p. 112.

 

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Intelligence, imagination, volonté, coeur, toutes les activités du mystique restent transfigurées par cette union mystérieuse qui s'est consommée en dehors d'elles et sans elles ; par cette inaction passagère qui les a guéries de leur fièvre naturelle, de leur avidité, de leur égoïsme et de leur inquiétude tumultueuse. Désormais les actes que produiront ces facultés seront, comme dit François de Sales, « coulés, filés, distillés par la pointe de l'esprit ». Là est la plus durable, la plus parfaite et la plus sûre des extases, celle a de l'oeuvre et de la vie », comme dit encore le même docteur, peu soucieux de nos abstractions et de nos géométries. « De sorte que lors, nous ne vivons pas seulement une vie civile, honnête et chrétienne, mais une vie surhumaine, spirituelle, dévote et extatique, c'est-à-dire une vie qui est, en toutes façons, hors et au-dessus de notre condition naturelle. »

 

Au lieu d'une bibliographie particulière épinglée à chaque volume, je donnerai plus tard la bibliographie générale des textes religieux — traités, biographies — de quelque importance qui ont été publiés chez nous pendant les trois derniers siècles. Quant à l'illustration du présent volume, elle n'a pas besoin de commentaires. Je dois à l'extrême obligeance de M. Levesque quelques-unes des meilleures pièces. La petite scène qui accompagne le portrait de Coton est celle-là même dont il est parlé au haut de la page 84. Il faut voir à la loupe le portrait de Duval : c'est tout un poème anti-gallican. Pour le groupe des premières carmélites, je reproduis une photographie qui m'a été aimablement communiquée par le Carmel de Blois et qui reproduit elle-même une ancienne peinture sur laquelle les détails nous manquent. Nous avions un très beau portrait de Madeleine de Saint-Joseph, mais la reproduction photographique n'a pu rendre que très imparfaitement la finesse de la gravure.

 

 

 

 

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