PROPRE DES SAINTS
LE 1er NOVEMBRE. LA FÊTE DE TOUS LES SAINTS.
Je vis une grande multitude que nul ne pouvait compter, de toute nation, de toute tribu, de
toute langue ; elle se tenait devant le trône, vêtue de robes blanches, des
palmes à la main ; de ses rangs s'élevait une acclamation puissante: Gloire à
notre Dieu (2) !
Le temps n'est plus ; c'est
l'humanité sauvée qui se découvre aux yeux du prophète de Pathmos. Vie militante
et misérable de cette terre (2), un jour donc tes angoisses auront leur terme.
Notre race longtemps perdue renforcera les chœurs des purs esprits que la
révolte de Satan affaiblit jadis ; s'unissant à la reconnaissance des rachetés
de l'Agneau, les Anges fidèles s'écrieront avec nous: Action de grâces,
honneur, puissance à notre Dieu pour jamais (3) !
Et ce sera la fin, comme dit
l'Apôtre (4): la fin de la mort et de la souffrance ; la fin de l'histoire et
de ses révolutions désormais expliquées. L'ancien ennemi, rejeté à l'abîme avec
ses partisans,
1. Apoc. VII, 9-10. — 2. Job. VII, 1. —
3. Apoc. VII, 11-14. — 4. I Cor. XV, 24.
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ne subsistera plus que pour
attester sa défaite éternelle. Le Fils de l'homme, libérateur du monde, aura
remis l'empire à Dieu son Père. Terme suprême de toute création, comme de toute
rédemption : Dieu sera tout en tous (1).
Bien avant le voyant de
l'Apocalypse, déjà Isaïe chantait : J'ai vu le Seigneur assis sur un trône
élevé et sublime ; les franges de son vêtement remplissaient au-dessous de lui
le temple, et les Séraphins criaient l'un à l'autre : Saint, Saint, Saint, le
Seigneur des armées ; toute la terre est pleine de sa gloire (2).
Les franges du vêtement divin
sont ici les élus, devenus l'ornement du Verbe, splendeur du Père (3). Car
depuis que, chef de notre humanité, le Verbe l'a épousée, cette épouse est sa
gloire, comme il est celle de Dieu (4). Elle-même cependant n'a d'autre parure
que les vertus des Saints (5) : parure éclatante, dont l'achèvement sera le
signal de la consommation des siècles. Cette fête est l'annonce toujours plus
instante des noces de l'éternité; elle nous donne à célébrer chaque année le
progrès des apprêts de l'Epouse (6).
Heureux les conviés aux noces
de l'Agneau (7) ! Heureux nous tous, à qui la robe nuptiale de la sainte
charité fut remise au baptême comme un titre au banquet des cieux !
Préparons-nous, comme notre Mère l'Eglise, à 1'ineffabte destinée que nous
réserve l'amour. C'est à ce but que tendent les labeurs d'ici-bas : travaux,
luttes, souffrances pour Dieu, relèvent d'inestimables joyaux le vêtement de la
grâce qui fait les élus. Bienheureux ceux qui pleurent (8) !
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Ils pleuraient, ceux que le Psalmiste
nous montre creusant avant nous Je sillon de leur carrière mortelle (1), et
dont la triomphante allégresse déborde sur nous, projetant à cette heure comme
un rayon de gloire anticipée sur la vallée des larmes. Sans attendre au
lendemain de la vie, la solennité commencée nous donne entrée pat la
bienheureuse espérance au séjour de lumière où nos pères ont suivi Jésus, le
divin avant-coureur (2). Quelles épreuves n'apparaîtraient légères, au
spectacle des éternelles félicités dans lesquelles s'épanouissent leurs épines
d'un jour ! Larmes versées sur les tombes qui s'ouvrent à chaque pas de cette
terre d'amertume, comment le bonheur des chers disparus ne mêlerait-il pas à
vos regrets la douceur du ciel ? Prêtons l'oreille aux chants de délivrance de
ceux dont la séparation momentanée attire ainsi nos pleurs ; petits ou
grands (3), cette fête est la leur, comme bientôt elle doit être la nôtre.
En cette saison où prévalent les frimas et la nuit, la nature, délaissant ses
derniers joyaux, semble elle-même préparer le monde à
son exode vers la patrie sans fin.
Chantons donc nous aussi, avec le
Psaume : « Je me suis réjoui de ce qui m'a été dit : Nous irons dans la maison
du Seigneur. Nos pieds ne sont encore qu'en tes parvis, mais nous voyons tes
accroissements qui ne cessent pas, Jérusalem, ville de paix, qui te construis dans la concorde et l'amour. L'ascension vers toi
des tribus saintes se poursuit dans la louange ; tes trônes encore inoccupés se
remplissent. Que tous les biens soient pour ceux qui t'aiment, ô Jérusalem ; que
la puissance et l'abondance règnent en
ton
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enceinte fortunée. A cause de mes
amis et de mes frères qui déjà sont tes habitants, j'ai mis en toi mes
complaisances ; à cause du Seigneur notre Dieu dont tu es le séjour, j'ai mis
en toi tout mon désir (1). »
AUX PREMIÈRES VÊPRES.
Les cloches ont retenti, non
moins joyeuses qu'aux plus beaux jours. Elles annoncent la grande solennité du
Cycle à son déclin, la fête qui marque l'empreinte de l'éternité sur les temps,
la prise de possession pour Dieu de l'année qui finit, joignant sa moisson
d'élus à celles de ses devancières. Aux triomphantes volées remplissant l'air
de leurs ondes harmonieuses, l'Eglise, qui depuis le matin jeûnait prosternée,
se relève le front dans la lumière : elle pénètre avec Jean les secrets des
cieux ; et les paroles du disciple bien-aimé, passant par ses lèvres, y
revêtent un accent d'enthousiasme incomparable Cette fête est vraiment pour
elle le triomphe de la Mère ; car la foule immense et bienheureuse, aperçue par
elle près du trône de l'Agneau, se compose des fils et des filles que seule,
comme étant l'unique (2), elle a donnés au Seigneur.
Ant. J’ai vu devant le trône une grande multitude, de
toutes grande multitude, de toutes
nations, que nul ne pouvait compter.
Psaume CIX. Dixit Dominus, page
43.
Près de ses fils glorifiés,
l'Eglise voit les Anges, nobles natures dont l'attitude devant Dieu, la
liturgie grandiose, l'adoration anéantie, ravissent
son cœur. Et elle en redit le spectacle à ceux des siens qui militent encore avec elle ici-bas.
2. Ant. Et autour du trône, debout se tenaient tous les Anges, et ils se prosternèrent devant le
trône, et ils adorèrent Dieu.
Psaume CX. Confitebor tibi Domine, page
44.
Mais l'hommage et les chants des
célestes Principautés, qui jamais ne s'interrompirent, ne sont plus seuls à
rendre au Très-Haut la gloire à lui due dans son temple éternel. Comme, dans un
chœur nombreux, une mère distingue entre toutes la voix de son enfant, l'Eglise
tressaille en entendant la race élue qu'elle a nourrie pour l'Epoux faire sa
partie dans le concert des cieux, et célébrer l'Agneau dont le sang fut le prix
de notre entrée bienheureuse au royaume de Dieu.
3. Ant.
Seigneur Dieu, vous nous avez rachetés en votre sang, de toute tribu, de toute
langue, de tout peuple, de toute nation, et vous avez fait de nous le royaume
de notre Dieu.
Psaume CXI. Beatus vir, page 45.
C'est la vraie joie, l'ineffable consolation
de ce jour. Aussi la grande exilée ne se tient pas d'adresser aux Saints un
appel brûlant à plus de zèle, s'il se peut
encore, pour louer le Seigneur Epoux : « Soyez heureux, vous tous, et le
célébrez ! » s'écrie-t-elle de la vallée des larmes, empruntant les paroles de
Tobie dans la terre de sa captivité (1).
4 Ant. Bénissez le Seigneur, vous
tous ses élus ; coulez des jours heureux, et chantez ses louanges.
Psaume CXII. Laudate pueri, page 46.
Louer Dieu sans trêve : part des
Saints, bon partage d'Israël en la vraie Sion (2) ! l'Eglise
en son transport ne se lasse point d'exalter cette part glorieuse, la meilleure
part, privilège de quelques-uns sur la terre, partage de tous dans la patrie.
5. Ant. Chanter, c’est le partage
de tous ses Saints, des enfants d'Israël, du peuple formant sa cour ; oui,
c'est la gloire de tous ses Saints.
Psaume CXVI
Toutes les nations, louez le
Seigneur ; tous les peuples, proclamez sa gloire.
Car sa miséricorde s'est
affermie sur nous, et la vérité du Seigneur demeure éternellement.
Nulle puissance ne saurait
amoindrir la gloire de la cité sainte, ou diminuer d'une unité le nombre de ses
fortunés habitants, tel que le fixèrent
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avant tous les âges les conseils du
Très-Haut. Si ce monde a trop mérité la colère, il ne finira pourtant qu'après
avoir donné au ciel le dernier des élus. C'est ce qu'exprime au vif le
Capitule, tiré de l'Apocalypse.
CAPITULE. (Apoc. VII.)
Moi Jean, je vis un autre
Ange qui montait à l'Orient ; il portait le signe du Dieu vivant, et il cria
d'une voix forte aux quatre Anges investis de la mission de frapper la terre et
la mer, disant : Ne frappez pas la terre et la mer, ni les arbres, jusqu'à ce
que nous ayons marqué au front les serviteurs de notre Dieu.
Rhaban-Maur,
abbé de Fulde et archevêque de Mayence, est l'auteur
présumé de l'Hymne qui suit. La « gent perfide » qu'on y demande à tous les
bienheureux de chasser loin des terres chrétiennes, c'était, au ixe siècle, la
race des Normands infidèles qui couvraient de sang et de ruines l'empire des
faibles successeurs de Charlemagne. L'éclatante conversion des farouches
destructeurs fut la réponse des Saints. Puissent-ils toujours exaucer de la
sorte l'Eglise, éclairer comme alors ceux qui l'attaquent sans la connaître,
faire d'eux ses plus fermes soutiens.
HYMNE.
Christ, soyez propice a vos indignes serviteurs ; implorant la clémence du Père,
la Vierge se fait leur avocate au tribunal de votre grâce.
Bienheureuses phalanges aux
neuf ordres distincts, écartez les maux du passé, ceux du présent, ceux de
l'avenir.
Prophètes et vous, Apôtres,
qui voyez la sincérité de nos pleurs, apaisez la
colère du Juge, obtenez le pardon pour nos crimes.
Martyrs à la pourpre
éclatante, Confesseurs à la blanche couronne, appelez-nous de l'exil dans la
patrie.
Chœur si chaste des Vierges,
vous aussi pour qui le désert fut le chemin des cieux, donnez-nous place au
bienheureux séjour.
Du pays des chrétiens,
chassez la nation perfide : qu'unique soit pour tous le bercail sous la
houlette de l'unique pasteur.
Soit gloire à Dieu le Père,
au Fils unique, au Saint-Esprit, dans les siècles éternels.
Amen
V/. Justes, réjouissez-vous dans le Seigneur et tressaillez.
R/. Glorifiez-vous en lui, vous
tous qui avez le cœur droit.
Tous les chœurs angéliques, tous
les ordres des Saints reçoivent, en l'Antienne de Magnificat, l'hommage de la
prière de l'Eglise, comme tous vont avec elle exalter la Reine de la terre et
des cieux reprenant pour tous son glorieux Cantique.
ANTIENNE DE Magnificat.
Anges, Archanges, Trônes et
Dominations, Principautés et Puissances, Vertus des cieux, Chérubins et
Séraphins, Patriarches et Prophètes, saints Docteurs de la loi, Apôtres, vous
tous, Martyrs du Christ, saints Confesseurs, Vierges du Seigneur, Anachorètes,
et tous les Saints, intercédez pour nous.
Le Cantique Magnificat, page 51.
ORAISON.
Dieu tout-puissant et
éternel, qui nous donnez de célébrer dans une seule solennité les mérites de
tous vos Saints ; nous vous en supplions : daignez octroyer à tant
d'intercesseurs priant ensemble pour nous l'objet de notre désir, une
miséricorde surabondante. Par Jésus-Christ.
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Lorsque Rome eut achevé la
conquête du monde, elle dédia le plus durable monument de sa puissance à tous
les dieux. Le Panthéon devait attester à jamais la reconnaissance de la cité
reine. Cependant conquise elle-même au Christ et investie par lui de l'empire
des âmes, son hommage se détourna des vaines idoles pour aller aux Martyrs,
qui, priant pour elle en mourant de sa main, l'avaient seuls faite éternelle.
Ce fut à eux et à leur reine, Marie, qu'au lendemain des invasions qui
l'avaient châtiée sans la perdre, elle consacra, cette fois pour toujours, le
Panthéon devenu chrétien.
« Levez-vous, Saints de Dieu ;
venez au lieu qui vous fut préparé (1). » Trois siècles durant, les catacombes
restèrent le rendez-vous des athlètes du Seigneur au sortir de l'arène. Rome
doit à ces vaillants un triomphe mieux mérité que ceux dont elle gratifia ses
grands hommes d'autrefois. En 312 pourtant, Rome, désarmée mais non encore
changée dans son cœur, n'était rien moins que disposée à saluer de ses
applaudissements les vainqueurs des dieux de l'Olympe et du Capitule. Tandis
que la Croix forçait ses remparts, la blanche légion ! demeura
cantonnée dans les retranchements des cimetières souterrains qui, comme autant
de travaux d'approche, bordaient toutes les routes conduisant à la ville des
Césars. Trois autres siècles étaient laissés à Rome pour satisfaire à la justice
de Dieu, et prendre conscience du salut que lui ménageait la miséricorde. En
609. le patient travail de la grâce était accompli.
Des lèvres de Boniface IV, Pontife suprême,
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descendait sur les cryptes sacrées
le signal attendu.
Heure solennelle, prélude de
celle que la trompette de l'Ange doit un jour annoncer par les sépulcres de
l'univers (1) ! C'est dans la majesté apostolique, c'est entouré d'un
peuple immense, que le successeur de Pierre, que l'héritier du crucifié de
Néron, se présente aux portes des catacombes. Ornés avec magnificence, vingt-huit
chars l'accompagnent, et il convie à y monter les Martyrs. L'antique voie
triomphale s'ouvre devant les Saints ; les fils des Quirites chantent à leur
honneur : « Votre sortie sera heureuse, votre marche toute de joie ; car voici
que tressaillent les monts, les collines fameuses, qui vous attendent en
allégresse (2). Paraissez, Saints de Dieu ; quittez vos postes de combat ;
entrez dans Rome, devenue la cité sainte; bénissez le peuple romain, qui vous
suit au temple de ses fausses divinités devenu votre église, pour y adorer avec
vous la majesté du Seigneur (3). »
Après six siècles de persécutions
et de ruines, le dernier mot restait donc aux Martyrs : mot de bénédiction,
signal de grâces pour la Babylone ivre naguère du sang chrétien (4). Mieux que
réhabilitée par l'accueil qu'elle faisait aux témoins du Christ, elle n'était
plus Rome seulement, mais la nouvelle Sion, la privilégiée du Seigneur.
L'encens qu'elle brûlait sous les pas des Saints, rappelait celui dont ils
avaient refusé l'hommage à ses dieux de mensonge; l'autel au pied duquel leur
sang avait coulé, était celui-là même où elle les invitait à prendre la place des usurpateurs
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enfuis à l'abîme. Bien inspirée
fut-elle, quand le temple édifié par Marcus Agrippa,
restauré par Sévère Auguste, étant devenu celui des saints Martyrs, elle crut
devoir maintenir à son fronton le nom des constructeurs primitifs et
l'appellation qu'ils lui avaient donnée ; l'insigne monument ne justifia son
titre qu'à dater de la mémorable journée où, sous sa voûte incomparable, image
du ciel, Rome chrétienne put appliquer aux hôtes nouveaux du Panthéon la parole
du Psaume : J'ai dit : c'est vous les dieux (1)! C'était le XIII mai,
qu'avait eu lieu la prise de possession triomphale.
Toute dédicace sur terre rappelle
à l'Eglise, ainsi qu'elle le dit elle-même, l'assemblée des Saints, pierres
vivantes de l'éternelle demeure que Dieu se construit aux cieux (2). On
s'étonnera d'autant moins que la Dédicace du Panthéon d'Agrippa, dans les
circonstances que nous avons rapportées, soit devenue la première origine de la
fête de ce jour (3). Son anniversaire, en ramenant la mémoire collective des
Martyrs, donnait satisfaction à l'Eglise qui, désireuse d'honorer annuellement
tous ses bienheureux fils morts pour le Seigneur, se vit de bonne heure réduite
par leur nombre à l'impuissance de célébrer chacun d'eux au jour de son
glorieux trépas. Or, au culte des Martyrs s'était joint pour elle, à l'âge de
la paix, celui des justes qui, l'arène sanglante désormais fermée, se
sanctifiaient chaque jour dans tous les héroïsmes offerts par ailleurs au
courage chrétien ; la pensée de les associer aux premiers dans une
solennité commune, qui suppléerait pour
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tous à la nécessité des omissions
individuelles, naquit comme spontanément de l'initiative que Boniface IV avait
prise.
En 732, dans la première moitié
de ce huitième siècle qui fut si grand pour l'Eglise, Grégoire III dédiait, à
Saint-Pierre du Vatican, un oratoire en l'honneur du Sauveur, de sa sainte
Mère, des saints Apôtres, de tous les saints Martyrs, Confesseurs, Justes
parfaits qui reposent par toute la terre (1).Une dédicace au vocable si
étendu n'implique pas de soi l'établissement de notre fête même de tous les
Saints par l'illustre Pontife ; il est à remarquer cependant qu'à dater de
cette époque, on commence à la rencontrer en diverses églises, et fixée dès
lors au premier jour de Novembre, comme en témoignent pour l'Angleterre le
Martyrologe du Vénérable Bède et le Pontifical d'Egbert d'York. Elle était loin
toutefois d'être universelle, lorsqu'en l'année 835, Louis le Débonnaire,
sollicité par Grégoire IV, et du consentement de tous les évêques de ses états,
fit de sa célébration une loi d'empire : loi sainte, portée aux
applaudissements de l'Eglise entière qui l'adopta comme sienne, dit Adon, avec
révérence et amour (2).
Il existait jusque-là, dans nos
contrées, une coutume attestée par les conciles d'Espagne et de Gaule dès le VI°
siècle (3), et qui consistait à sanctifier l'époque des calendes de Novembre
par trois jours de pénitence et de litanies, rappelant les Rogations qui
précèdent encore l'Ascension du Seigneur. Le jeûne de la Vigile de la Toussaint
est le seul souvenir qui nous reste maintenant de
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cette coutume de nos pères ;
conservant le triduum pénitentiel, et l'avançant de quelques jours, ils
en avaient fait une préparation de la fête elle-même : « Qu'entière soit notre
dévotion, recommandait un auteur du temps ; disposons-nous à cette solennité
très sainte par trois jours de jeûne, de prière et d'aumône (1). »
En s'étendant au monde entier, la
fête s'était complétée ; devenue l'égale des
plus augustes solennités, elle développait ses horizons jusqu'à
l'infini, embrassait toute sainteté incréée ou créée. Son objet n'était plus
Marie seulement et les Martyrs, ou. tous les justes
nés d'Adam, mais avec eux les neuf chœurs angéliques, mais pardessus tout la
Trinité sainte, Dieu tout en tous (2), Roi de ces rois qui sont les Saints (3), Dieu des dieux en
Sion (4). Ecoutons l'Eglise éveillant aujourd'hui ses fils : Le Roi
des rois, le Seigneur, venez, adorons-le, parce qu'il est la couronne de tous
les Saints (5). C'est l'invitation qu'en
cette même nuit le Seigneur
lui-même adressait à la chantre d'Helfta, Mechtilde, la
privilégiée du divin Cœur :
« Loue-moi de ce que je
suis la couronne de tous les Saints (6). » Et la
vierge voyait toute la beauté des élus et leur gloire s'alimenter au sang du
Christ, briller des vertus par lui pratiquées ; et répondant à l'appel divin, elle louait tant qu'elle
pouvait la très heureuse, la toujours adorable Trinité, de ce qu'elle daigne
être aux Saints leur diadème, leur admirable dignité (7). Dante lui aussi nous montre,
en l'empyrée, Béatrice se faisant sa couronne
du reflet des
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rayons éternels (1). Gloire au
Père, au Fils, au Saint-Esprit! ainsi tout d'une
voix, pour le sublime poète, chantait le Paradis. « Tout l'univers, dit-il, me
semblait un sourire (2). Le royaume d'allégresse, avec tout son peuple ancien
et nouveau, tourné vers un seul point, était tout regard, tout amour. O triple
lumière, qui scintillant en une seule étoile, rassasies à ce point leur vue,
regarde ici-bas à nos tempêtes (3) ! »
L'ancien Office de la fête offrit
jusqu'au XVI° siècle, en beaucoup d'Eglises, cette particularité qu'aux
Nocturnes la première Antienne, la première Bénédiction, la première Leçon et
le premier Répons étant de la Trinité, la deuxième série des mêmes pièces
liturgiques avait pour objet Notre-Dame, la troisième les Anges, la quatrième
les Patriarches et les Prophètes, la cinquième les Apôtres, la sixième les
Martyrs, la septième les Confesseurs, la huitième les Vierges, la neuvième tous
les Saints. En raison de cette disposition spéciale au jour, la première Leçon
revenait contre l'usage du reste de l'année au plus digne du Chœur, le premier
Répons était réservé aux premiers Chantres ; et ainsi arrivait-on, par une
progression descendante, jusqu'aux enfants, dont l'un donnait la Leçon des
Vierges, et cinq autres, vêtus de blanc, cierges à la main en mémoire des
vierges prudentes, exécutaient le huitième Répons devant l'autel de Notre-Dame
; la neuvième Leçon et le neuvième Répons revenaient à des prêtres. Toutes ou
presque toutes ces formules ont été successivement modifiées; mais
l'attribution des Répons actuels est toujours la même.
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On sera heureux de trouver ici
les Antiennes et Répons primitifs, auxquels se réfèrent les visions des Saints
de cet âge, quand ils nous montrent chaque ordre de bienheureux au ciel
s'unissant durant la nuit sacrée aux actions de grâces et prières de la terre
(1). Nous empruntons les textes qui suivent aux Bréviaires concordants
d'Aberdeen et de Salisbury.
ANTIENNES.
1. Ant.
Soyez-nous favorable, Dieu unique, tout-puissant, Père, Fils, Esprit-Saint.
2. Ant. Comme le lis
entre les épines, ainsi entre les autres est ma bien-aimée.
3. Ant.
Louons le Seigneur que louent les Anges, que Chérubins et Séraphins proclament
Saint, Saint, Saint, à l'envi.
4 Ant.
Entre les fils des femmes, il n'y en a point eu de plus grand que
Jean-Baptiste.
5. Ant. Soyez forts
dans la guerre, et combattez avec l'ancien serpent, et vous recevrez le royaume
éternel. Alléluia.
6. Ant.
Ce sont là les Saints qui, pour l'amour de Dieu, ont méprisé les menaces des
hommes ; saints Martyrs ils tressaillent avec les Anges dans le royaume éternel
; oh ! qu'elle est précieuse la mort des Saints qui
toujours se tiennent devant le Seigneur et ne sont point séparés les uns des
autres !
7. Ant.
Ceignez vos reins, tenez en mains des lampes allumées : soyez semblables à des
hommes qui attendent leur maître à son retour des noces.
8. Ant.
Saintes Vierges de Dieu, priez pour nous : puissions-nous mériter de recevoir
par vous le pardon de nos crimes.
9. Ant.
Louez notre Dieu, tous ses Saints et vous qui le craignez, petits et grands ;
car il règne notre Seigneur Dieu tout-puissant : réjouissons-nous et
tressaillons, rendons- lui gloire.
REPONS.
1. R/. A LA Trinité
souveraine, au Dieu simple, Père, Fils et Saint-Esprit : divinité unique,
gloire égale, coéternelle majesté ; * Tout l'univers obéit à ses lois.
V/. Qu'elle daigne nous
octroyer sa grâce la bienheureuse divinité du Père, du Fils, de l'Esprit
conjointement adoré. * Tout l'univers obéit à ses lois.
2. R/. Vous êtes heureuse, sainte
Vierge Marie ; vous êtes digne de toute louange ; * Car c'est de vous qu'est né
le Soleil de justice, le Christ notre Dieu.
V/. Priez pour le peuple,
intervenez pour les clercs, intercédez pour les femmes vouées à Dieu, que tous
ceux-là éprouvent votre secours qui célèbrent cette fête véritablement vôtre. *
Car c'est de vous.
3. R/. Seigneur saint, tous
les Anges vous célèbrent dans les hauteurs, et ils disent : * A vous
conviennent * Honneur et louange, Seigneur.
V/. Saint vous proclament
Chérubins et Séraphins, et tous les chœurs célestes chantent : * A vous
conviennent. Gloire au Père. * Honneur et louange.
4. R/. Entre les fils des
femmes, il n'y en a point eu de plus grand que Jean-Baptiste : Qui prépara la
voie du Seigneur au désert.
V/. Il y eut un homme envoyé
par Dieu, dont le nom était Jean. * Qui prépara.
5. R/. Voici les hommes
apostoliques, les familiers de Dieu ; ils se présentent : * Portant la lumière,
éclairant la patrie ; ils viennent donner
la paix aux nations et délivrer le
peuple du Seigneur,
V/. Ecoutez la prière des suppliants implorant le don de
la vie éternelle, vous qui portez en vos mains
les gerbes de vos œuvres justes et
vous présentez aujourd'hui dans
la joie. * Portant.
6. R/. O louable constance
des Martyrs ! ô charité inextinguible ! ô invincible patience ! sous les
coups des persécuteurs, elle semblait ne mériter que mépris : * Elle trouvera
louange et gloire et honneur, * Au temps de la récompense.
V/. Aussi implorons-nous
l'appui de leurs pieux mérites, à cette heure où les honore le Père qui est aux
deux. * Elle trouvera. Gloire au Père. * Au temps.
7. R/. Ceignez vos reins,
tenez en mains des lampes allumées : * Soyez semblables à des hommes qui
attendent leur maître à son retour des noces.
V/. Veillez donc ; car vous
ne savez à quelle heure votre Maître doit venir. * Soyez semblables.
8. R/. J'ai entendu une voix
venant du ciel : Venez, toutes, Vierges très sages ; * Tenez l'huile en vos
vases pour quand l'Epoux viendra.
V/. Au milieu de la nuit, un cri s'est élevé : Voici l'Epoux
! * Tenez l'huile.
9. R/. Seigneur, nous vous en
supplions, remettez-nous nos fautes ; et par l'intercession des Saints dont
nous célébrons la fête en ce jour, * Accordez-nous dévotion telle * Que nous
méritions d'être admis dans leurs rangs.
V/. Que leurs mérites soient
notre secours dans les difficultés provenant de nos crimes ; nos actes nous
accusent, puisse nous excuser leur prière ; et vous qui leur avez donné au ciel
la palme de victoire, ne nous refusez pas le pardon du péché. * Accordez-nous
Gloire au Père. * Que nous méritions.
Les Grecs honorent comme nous
dans une fête commune « tous les Saints de tous les pays de la terre, Asie,
Libye, Europe, Septentrion ou Midi
(1). » Mais tandis que l'Occident fixe aux derniers jours de l'année une
solennité qui représente, à ses yeux, la rentrée des fruits dans les celliers
du Père de famille, l'Orient la célèbre au Dimanche qui suit la Pentecôte, en
ce printemps de l'Eglise où, sous l'action des eaux jaillissantes de l'Esprit,
la sainteté fit partout germer ses fleurs (2). Il en était ainsi dès le IV°
siècle ; c'est en ce premier Dimanche après la Pentecôte, fête aujourd'hui de la Très Sainte
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Trinité pour nous Latins, que saint Jean Chrysostome
prononça son discours en l'honneur de « tous les saints Martyrs ayant souffert
dans le monde entier (1). »
On le sait : l'origine première
de la Toussaint fut de même en notre Occident cette commémoration générale des
Martyrs, que d'autres Eglises d'Orient placèrent au vendredi de l'Octave de
Pâques (2) ; heureuse pensée, qui associait la confession des témoins du Christ
au triomphe remporté sur la mort par Celui dont la confession divine, sous
Ponce Pilate (3), avait devant les bourreaux été leur exemple et leur force.
Ainsi faisait du reste primitivement Rome même, en rattachant à la première
quinzaine de mai sa mémoire solennelle des Martyrs ; ainsi fait-elle encore, en
réservant aux seuls Martyrs, conjointement avec les Apôtres, l'honneur d'un
Office spécial pour la durée du Temps pascal entier.
Nous emprunterons les quelques
traits qui suivent à l'Office grec du Dimanche de tous les Saints.
IN MAGNO VESPERTINO.
Les disciples du Seigneur,
instruments de l'Esprit, ont répandu par l'univers entier l'évangélique semence
d'où germèrent les Martyrs qui prient pour nos âmes.
Vous êtes le soutien de
l'Eglise, la perfection de l'Evangile, chœur divin des Martyrs ; en vous se justifient les paroles du Sauveur. Car les
portes de l'enfer, béantes contre l'Eglise, ont été par vous fermées ; votre
sang qui coulait a mis à sec les libations idolâtriques ; la plénitude des
croyants naquit de votre immolation. Admirés des Anges, le front ceint du
diadème, vous vous tenez devant Dieu : sans fin priez-le pour nos âmes.
Fidèles, venez tous ;
célébrons par des psaumes, des hymnes, des cantiques spirituels la solennelle
mémoire de tous les Saints : voici qu'elle vient à nous chargée des
plus riches dons. Crions donc, et disons:
Salut, assemblée des Prophètes qui
annonçâtes l'arrivée du Christ au monde, et vîtes comme présent ce qui était
loin encore. Salut, chœur des Apôtres, pêcheurs d'hommes qui sûtes
jeter le filet sur les nations. Salut, armée des Martyrs : rassemblés des
confins de la terre en l'unique foi,
vous avez pour elle subi affronts et tortures, vous avez brillamment triomphé dans
l'arène. Salut, ruche des Pères qui, le corps réduit par l'ascèse et mortifiant la chair
et ses passions, avez muni vos âmes des ailes du divin amour, l'emportant jusqu'au
ciel ; vous partagez maintenant l'allégresse des Anges, l'éternel bonheur est à vous. Mais, ô
Prophètes, ô Apôtres, ô Martyrs, ô Ascètes, priez avec instance Celui qui vous
a couronnés de nous sauver des ennemis invisibles ou visibles
Salut, Saints et Justes ; salut,
auguste chœur des Saintes. Près du Christ, intercédez pour le monde : qu' il donne au prince la victoire sur les barbares, et à
nos âmes sa grande miséricorde.
A TIERCE.
L'Hymne et les trois Psaumes dont
se compose l'Office de Tierce, se trouvent
ci-dessus, page 26.
Ant. Et autour du trône, debout se tenaient
tous les Anges, et ils se prosternèrent devant le trône, et ils adorèrent Dieu.
Le Capitule comme aux premières Vêpres, page 67.
R/. br.
RÉJOUISSEZ-VOUS dans le Seigneur, * Et tressaillez, ô justes. Réjouissez-vous.
V/. Glorifiez-vous en lui,
vous tous qui avez le cœur droit. * Et tressaillez.
Gloire au Père.
Réjouissez-vous.
V/. Que les justes
tressaillent devant Dieu.
R/. Qu'ils se complaisent
dans l'allégresse.
L'Oraison est la Collecte de la
Messe, page 86.
A LA MESSE.
Aux calendes de novembre, c'est
le même empressement qu'à la Noël pour assister au Sacrifice en l'honneur des
Saints, disent les anciens documents relatifs à ce jour d. Si générale que fût
la fête, et en raison même de son universalité, n'était-elle pas la joie
spéciale de tous, l'honneur aussi des familles chrétiennes ? Saintement fières
de ceux dont elles se transmettaient de générations en générations les vertus,
la gloire au ciel de ces ancêtres ignorés du monde les ennoblissait à leurs
yeux par-dessus toute illustration de la terre.
Mais la foi vive de ces temps
voyait encore en cette fête une occasion de réparer les négligences,
volontaires ou forcées, dont le culte des bienheureux inscrits au calendrier
public avait souffert au cours de l'année. Dans la bulle fameuse Transiturus de hoc mundo,
où il établit la fête du Corps du Seigneur, Urbain IV mentionne la part qu'eut
ce dernier motif à l'institution plus ancienne de la Toussaint ; et le Pontife
exprime l'espoir que la nouvelle solennité vaudra une
85
même compensation des distractions
et tiédeurs annuelles au divin Sacrement, où réside Celui qui est la couronne
de tous les Saints et leur gloire (1).
L'Antienne d'Introït rappelle
aujourd'hui celle de l'Assomption de Notre-Dame. Cette fête est bien la suite,
en effet, du triomphe de Marie : comme l'Ascension du Fils avait appelé
l'Assomption de la Mère, toutes deux réclamaient pour complément l'universelle
glorification des élus de cette race humaine qui donne au ciel sa Reine et son
Roi. Joie donc sur la terre, qui continue si grandement de donner son fruit (2)
! Joie parmi les Anges, qui voient se combler les vides de leurs choeurs !
Joie, dit le Verset, à tous les bienheureux, objet des chants de la terre et du
ciel !
INTROÏT.
Réjouissons-nous tous dans le
Seigneur, et faisons fête en l'honneur de tous les Saints ; de leur solennité
se réjouissent les Anges, et ils louent à l'envi le Fils de Dieu.
Ps. Justes, tressaillez dans le Seigneur ; la louange
convient aux cœurs droits. Gloire au Père. Réjouissons-nous.
Mais nous pécheurs, et toujours
exilés, c'est avant tout de la miséricorde que nous devons prendre souci en
toute circonstance, en toute fête. Ayons cependant bon espoir, aujourd'hui que tant
d'intercesseurs la demandent pour nous. Si la prière d'un habitant du ciel est
puissante, que n'obtiendra pas le ciel tout entier ?
COLLECTE.
Dieu tout-puissant et
éternel, qui nous donnez de célébrer dans une seule solennité les mérites de
tous vos Saints ; nous vous en supplions : daignez octroyer à tant
d'intercesseurs priant ensemble pour nous l'objet de notre désir, une miséricorde
surabondante. Par Jésus-Christ.
ÉPÎTRE.
Lecture du livre de l'Apocalypse du bienheureux Jean,
Apôtre. Chap. VII.
En ces jours-là, moi Jean, je vis un autre Ange qui montait
à l'Orient ; il portait le signe du Dieu vivant, et il cria d'une voix forte
aux quatre Anges investis de la mission de frapper la terre et la mer, disant:
Ne frappez pas la terre et la mer, ni les arbres, jusqu'à ce que nous ayons
marqué au front les serviteurs de notre Dieu. Et j'entendis le nombre de ceux
qui avaient été marqués ; ils étaient cent quarante-quatre mille, de toutes les
tribus des enfants d'Israël, à savoir : de la tribu de Juda, marqués douze
mille; de la tribu de Ruben, marqués douze mille ; de la tribu de Gad, marqués
douze mille ; de la tribu d'Aser, marqués douze mille; de la tribu de Nephthali, marqués douze mille ; de la tribu de Manassé,
marqués douze mille ; de la tribu de Siméon, marqués douze mille ; de la tribu
de Lévi, marqués douze mille ; de la tribu d'Issachar,
marqués douze mille ; de la tribu de Zabulon, marqués douze mille ; de la tribu
de Joseph, marqués douze mille ; de la tribu de Benjamin, marqués douze mille.
Ensuite, je vis une grande multitude que nul ne pouvait compter de toute
nation, de toute tribu, de tout peuple, de toute langue ; elle se tenait devant
le trône, et en présence de l'Agneau, vêtue de robes blanches, des palmes à la
main; de ses rangs s'élevait une acclamation puissante : Gloire à notre Dieu
qui est assis sur le trône, et à l'Agneau ! Et tous les Anges se tenaient
debout autour du trône, et des vieillards, et des quatre animaux ; et ils se
prosternèrent devant le trône, et ils adorèrent Dieu, disant : Amen ;
bénédiction, gloire, sagesse, action de grâces, honneur, puissance, force à
notre Dieu dans les siècles des siècles ! Amen.
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Une première fois, aux jours de
son premier avènement, l’Homme-Dieu, se servant pour
cela de César Auguste, avait dénombré la terre (1) : il convenait qu'au début
de la rédemption, fût relevé officiellement l'état du monde. Et maintenant,
l'heure a sonné d'un autre recensement, qui doit consigner au livre de vie le
résultat des opérations du salut.
« Pourquoi ce dénombrement du
monde au moment de la naissance du Seigneur, dit saint Grégoire en l'une des
Homélies de Noël, si ce n'est pour nous faire comprendre que dans la chair
apparaissait Celui qui devait enregistrer les élus dans l'éternité (2) ? » Mais
plusieurs s'étant soustraits par leur faute au bénéfice du premier recensement,
qui comprenait tous les hommes dans le rachat du Dieu Sauveur, il en fallait un
deuxième et définitif, qui retranchât de l'universalité du précédent les
coupables. Qu'ils soient rayés du livre des vivants ; leur place n'est point
avec les justes (3) : c'est la parole du Prophète-roi que rappelle au même
lieu le saint Pape.
Toute à l'allégresse cependant,
l'Eglise en ce jour ne considère que les élus ; comme c'est d'eux seuls qu'il
est question dans le relevé solennel où nous venons de voir aboutir les annales
de l'humanité. Eux seuls, par le fait, comptent devant Dieu; les réprouvés ne
sont que le déchet d'un monde où seule la sainteté répond aux avances du
Créateur, aux mises de l'amour infini. Sachons prêter nos âmes à la frappe
divine qui doit les conformer à l'effigie du Fils unique (4), et nous
marquer pour le trésor de
89
Dieu. Quiconque se dérobe à l'empreinte sacrée, n'évitera
point celle de la bête (1); au jour où les Anges arrêteront le règlement de
compte éternel, toute pièce non susceptible d'être portée à l'actif divin ira
d'elle-même à la fournaise, où brûleront sans fin les scories (2).
Vivons donc dans la crainte
recommandée au Graduel : non celle de l'esclave, qui n'appréhende que le
châtiment ; mais la crainte filiale qui redoute par-dessus tout de déplaire à
Celui de qui nous viennent tous les biens, dont la bonté mérite tout amour.
Sans rien perdre de leur béatitude, sans diminuer leur amour, les Puissances
angéliques (3) et tous les bienheureux se prosternent au ciel en un saint
tremblement, sous le regard de l'auguste et trois fois redoutable Majesté.
GRADUEL.
Craignez Dieu, tous ses
Saints ; car rien ne manque à ceux qui le craignent.
V/. Ceux qui cherchent le
Seigneur auront à jamais tous les biens.
Alléluia, alléluia.
V/. Venez à moi, vous tous
qui peinez et succombez sous le fardeau ; et je vous soulagerai. Alléluia.
ÉVANGILE.
La suite du saint Evangile selon saint Matthieu. Chap. V.
En ce temps-là, Jésus voyant la foule monta sur une montagne,
et lorsqu'il fut assis, ses disciples s'approchèrent de lui. Et ouvrant sa
bouche, il les enseignait, disant : Bienheureux les pauvres d'esprit, parce que
le royaume des cieux est à eux. Bienheureux les doux, parce qu'ils posséderont
la terre. Bienheureux ceux qui pleurent, parce qu'ils seront consolés.
Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice, parce qu'ils seront
rassasiés. Bienheureux les miséricordieux , parce
qu'ils obtiendront miséricorde. Bienheureux les purs de cœur, parce qu'ils
verront Dieu. Bienheureux les pacifiques, parce qu'ils seront appelés enfants
de Dieu. Bienheureux ceux qui souffrent persécution pour la justice, parce que
le royaume des cieux est à eux. Bienheureux êtes-vous quand on vous maudit,
quand on vous persécute, quand on dit faussement de vous toute sorte de mal, à
cause de moi : réjouissez-vous et tressaillez, parce que votre récompense est
grande dans les cieux.
Si proche du ciel est aujourd'hui
la terre, qu'une même pensée de félicité emplit les
cœurs. L'Ami, l'Epoux, le divin Frère des fils d'Adam revient lui-même
s'asseoir au milieu d'eux et parler de bonheur. Venez à moi, vous tous qui
peinez et souffrez, chantait tout à l'heure
91
le Verset de l'Alleluia,
cet écho fortuné de la patrie, qui pourtant nous rappelait notre exil. Et
aussitôt, en l'Evangile, est apparue la grâce et la bénignité de notre Dieu
Sauveur (1). Ecoutons-le nous enseigner les voies de la bienheureuse
espérance (2), les délices saintes, à la fois garantie, avant-goût, du
bonheur absolu des cieux.
Au Sinaï, Jéhovah, tenant le Juif
à distance, n'avait pour lui que préceptes et menaces de mort. Au sommet de
cette autre montagne où s'est assis le Fils de Dieu, combien différemment se
promulgue la loi d'amour ! Les huit Béatitudes ont pris en tête du Testament
nouveau la place qu'occupait, comme préface de l'ancien, le Décalogue gravé sur
la pierre.
Non qu'elles suppriment les
commandements; mais leur justice surabondante va plus loin que toutes
prescriptions. C'est de son Cœur que Jésus les produit, pour les imprimer,
mieux que sur le roc, au cœur de son peuple. Elles sont tout le portrait du
Fils de l'homme, le résumé de sa vie rédemptrice. Regardez donc, et agissez
selon le modèle qui se révèle à vous sur la montagne (3).
La pauvreté fut bien le
premier trait du Dieu de Bethléhem ; et qui donc
apparut plus doux que l'enfant de Marie? qui pleura
pour plus nobles causes, dans la crèche où déjà il expiait nos crimes apaisait
son Père ? Les affamés de justice, les miséricordieux, les purs
de cœur, les pacifiques : où trouveront-ils qu'en lui l'incomparable
exemplaire, jamais atteint, imitable toujours? Jusqu'à cette mort, qui fait de
lui l'auguste coryphée des persécutés pour la justice ! suprême béatitude d'ici-bas, en laquelle plus qu'en toutes
92
se complaît la Sagesse incarnée, y
revenant, la détaillant, pour finir avec elle aujourd'hui comme en un chant
d'extase !
L'Eglise n'eut point d'autre
idéal ; à la suite de l'Epoux, son histoire aux divers âges ne fut que l'écho
prolongé des Béatitudes. Comprenons, nous aussi ; pour la félicité de notre vie
sur terre, en attendant l'éternel bonheur, suivons le Seigneur et l'Eglise.
Les Béatitudes évangéliques
élèvent l'homme au-dessus des tourments, au-dessus même de la mort, qui
n'ébranle pas la paix des justes, mais la consomme. C'est ce que chante
l'Offertoire, dans ces lignes empruntées au livre de la Sagesse.
OFFERTOIRE.
Les âmes des justes sont dans
la main de Dieu, et les tourments des méchants ne les atteindront pas : aux
yeux des insensés, ils ont paru mourir ; mais ils sont dans la paix.
Comme l'exprime la Secrète, le Sacrifice
auquel il nous est donné de prendre part glorifie Dieu, honore les Saints, et
nous concilie la bonté suprême.
SECRÈTE.
Nous vous offrons les dons de
notre dévotion, Seigneur : puissent-ils vous agréer pour l'honneur qu'en
recueillent tous vos Saints ; puissent-ils nous devenir salutaires en votre
miséricorde. Par Jésus-Christ.
Echo de la lecture évangélique,
l'Antienne de Communion, ne pouvant énumérer à nouveau la série entière des
Béatitudes, rappelle les trois dernières, et, ce faisant, les rapproche toutes
avec raison du Sacrement divin où elles s'alimentent.
COMMUNION.
Bienheureux les purs de cœur,
parce qu'ils verront Dieu ; bienheureux les pacifiques, parce qu'ils seront
appelés enfants de Dieu ; bienheureux ceux qui souffrent persécution pour la
justice, parce que le royaume des cieux est à eux.
L'Eglise demande, en la
Postcommunion, que cette fête de tous les Saints ait comme résultat de porter
ses fils à les honorer toujours, pour toujours aussi bénéficier de leur crédit
près de Dieu.
POSTCOMMUNION.
Seigneur, exaucez notre
prière ; puissent les peuples fidèles placer leur joie toujours dans le culte
de tous les Saints, toujours aussi sentir la protection puissante de leur
intercession. Par Jésus-Christ.
A SEXTE.
L'Hymne et les trois Psaumes de l'Office de Sexte se
trouvent ci-dessus, page 32.
Ant. Seigneur Dieu, vous nous avez rachetés en votre sang,
de toute tribu, de toute langue, de tout peuple, de toute nation, et vous avez
fait de nous le royaume de notre Dieu.
CAPITULE. (Apoc. VII.)
Ensuite, je vis une grande
multitude que nul ne pouvait compter, de toute nation, de toute tribu, de tout
peuple, de toute langue ; elle se tenait devant le trône de Dieu, en présence
de l'Agneau, vêtue de robes blanches, des palmes à la main.
R/. br.
Que les justes tressaillent * Devant
Dieu. Que les justes.
V/. Qu'ils se complaisent
dans l'allégresse. * Devant.
Gloire au Père. Que les
justes.
V/. Les justes vivront à
jamais.
R/. Leur récompense est
auprès du Seigneur.
L'Oraison est la Collecte de la
Messe, page 86.
A NONE.
L’ Hymne et les Psaumes, ci-dessus,
page 37.
Ant. Chanter, c'est le partage de tous ses Saints, des
enfants d'Israël, du peuple formant sa cour ; oui, c'est la gloire de tous ses
Saints.
CAPITULE. (APOC. VII.)
Bénédiction, gloire, sagesse,
action de grâces, honneur, puissance, force à notre Dieu dans les siècles des
siècles ! Amen.
R/. br.
Les justes * Vivront à jamais. Les justes.
V/. Leur récompense est
auprès du Seigneur. * Ils vivront.
Gloire au Père. Les justes.
V/. Les Saints tressailliront
dans la gloire.
R/. Ils seront dans la joie
sur leurs couches d'honneur.
L'Oraison, page 86.
AUX SECONDES VÊPRES.
Les secondes Vêpres de la fête sont semblables aux premières,
pages 64-69, à l'exception du dernier Psaume, du Verset de l'Hymne et de
l'Antienne de Magnificat. Voici ce Psaume, qui met en la bouche des
Saints un sublime résumé de leur vie de foi et d'épreuves ici-bas, de
reconnaissance et de louange éternelle aux cieux.
PSAUME CXV.
J'ai cru: c'est pourquoi j'ai parlé, malgré
l'excès d'humiliation où j'étais réduit.
J'ai dit dans mon trouble :
Il n'est point d'homme qui ne soit trompeur.
Que rendrai-je au Seigneur
pour tous les biens qu'il a répandus sur moi?
Je prendrai le calice du
salut, et j'invoquerai le nom du Seigneur.
En présence de son peuple,
j'acquitterai mes vœux au Seigneur : aux yeux, du Seigneur, la mort de ses
Saints est précieuse.
O Seigneur ! je suis votre serviteur; oui, je le suis, et le fils de
votre servante.
Vous avez brisé mes liens ;
je vous offrirai un sacrifice de louange, et j'invoquerai le nom du Seigneur.
J'acquitterai mes vœux au
Seigneur, en présence de tout son peuple, dans les parvis de la maison du
Seigneur, au milieu de toi, ô Jérusalem !
V/. Les Saints tressailliront
dans la gloire.
R/. Ils seront dans la joie sur leurs couches d'honneur.
ANTIENNE DE Magnificat.
O que glorieux est le royaume
où avec le Christ se réjouissent tous les Saints, où,
vêtus de robes blanches, ils suivent l'Agneau partout où il va !
Un sentiment d'ineffable
complaisance, de désir résigné, respire en cette Antienne, qui clôt la solennité
des Saints. Mais la journée n'est pas terminée pour l'Eglise. A peine a-t-elle
salué ses glorieux fils, disparaissant dans leurs robes blanches à la suite de
l'Agneau, que l'innombrable foule des âmes souffrantes l'entoure aux portes des
cieux ; et elle ne songe plus qu'à leur prêter sa voix et son cœur. L'éclatante
parure qui lui rappelait le blanc vêtement des bienheureux fait place aux
couleurs du deuil ; les ornements, les fleurs de ses autels, ont disparu ;
l'orgue se tait ; le glas des cloches semble la plainte des trépassés. Aux
Vêpres de la Toussaint succèdent sans transition les Vêpres des morts (1).
LES VÊPRES DES MORTS.
Jamais éloquence ni science
n'atteindront la hauteur d'enseignement, la puissance de supplication qui règnent en l'Office des défunts. Seule l'Epouse connaît à ce
point les secrets de l'autre vie, le chemin du cœur de l'Epoux ; seule la Mère
peut prétendre au tact suprême qui lui permet, en allégeant à ceux qui l'ont
quittée leur purification douloureuse, de consoler ainsi les orphelins, les
isolés, laissés par eux en larmes sur la terre.
Dilexi
: le premier chant du purgatoire est un chant d'amour ; comme le dernier du
ciel en cette fête du souvenir fut CREDIDI, le Psaume rappelant la loi et les
épreuves passées des élus. Que parlions-nous de transition tout à l'heure? Lien
commun de l'âme souffrante et de l'âme bienheureuse, la charité est à toutes
deux leur dignité, leur inamissible trésor; mais tandis que la vision
remplaçant la foi ne laisse plus dans l'une que jouissance à l'amour, ce même
amour devient pour l'autre, en l'ombre où la retiennent ses fautes inexpiées,
la source d'inénarrables tourments. Toutefois c'en est fait des angoisser
d'ici-bas, des périls d'enfer ; confirmée sa grâce, l'âme ne pèche plus
; elle n'a que reconnaissance pour la miséricorde qui l'a sauvée, pour la
justice qui l'épure et la rend digne de Dieu. Tel est son état d'acquiescement
absolu, d'attente abandonnée, que l'Eglise l'appelle « un sommeil de paix » (1).
Ant. Je plairai au Seigneur
en la terre des vivants.
PSAUME CXIV.
J'ai aimé le Seigneur ; il
exaucera ma prière.
Déjà il m'a écouté; je
l'invoquerai sans trêve.
La mort et ses douleurs
m'environnaient ; j'étais assailli par les périls d'enfer.
L'angoisse et la tribulation
avaient fondu sur moi ; j'invoquai le nom du Seigneur :
O Seigneur, délivrez mon Ame!
Miséricordieux et juste est le Seigneur, bon est notre Dieu !
Le Seigneur garde les petits,
je me suis humilié, il m'a délivré.
Sois donc à ton repos, mon
âme; carie Seigneur a été bon pour toi.
Il a délivré mon âme de la
mort, mes yeux des pleurs sans fin, mes pieds de la chute éternelle
Je veux plaire au Seigneur en
la terre des vivants.
Au lieu de la doxologie
ordinaire, l'Eglise, à la fin de chaque Psaume, adresse à Dieu une prière
instante pour les trépassés :
Donnez-leur, Seigneur, le repos éternel ; Que luise pour
eux la lumière sans fin.
Ant. Je plairai au Seigneur en la terre des vivants.
Plaire à Dieu sans nulles réserves un jour ! Séparée
du corps qui l'alourdissait, la distrayait par mille futiles soins (1), l'âme
s'absorbe en cette aspiration unique, à la satisfaction de laquelle convergent
toutes ses énergies, tous les tourments dont elle remercie le ciel d'aider sa
faiblesse. Creuset béni où se consument les restes du péché, où si pleinement
se solde toute dette ! C'est de ses flammes secourables que, toute trace
disparue des anciennes souillures, effacées
toutes rides
100
déparent sa beauté native, elle
s'envolera vers l'Epoux, véritablement bienheureuse, sûre que les complaisances
du Bien-Aimé n'auront à souffrir en elle d'aucunes
restrictions.
Combien pourtant douloureusement son
exil se prolonge ! Si par la charité elle est en communion avec les
habitants des cieux, le feu qui la châtie ne diffère pas matériellement de celui
de l'abîme. Son séjour confine à celui des maudits ; elle doit porter ce
voisinage du Cédar infernal, des adversaires
de toute paix, des démons odieux qui poursuivirent sa vie mortelle de leurs
assauts et de leurs ruses, qui, au tribunal de Dieu, l'accusaient encore de
leurs bouches trompeuses. « De la porte de l'enfer, arrachez-la », va
bientôt supplier l'Eglise.
Ant. Hélas! Seigneur, il
que mon exil est long !
PSAUME CXIX.
Dans ma tribulation, j'ai
crié vers le Seigneur, et il m'a exaucé.
Délivrez-moi, Seigneur, des
lèvres méchantes et de la langue trompeuse.
Quel sera ton salaire? que te reviendra-t-il, langue de mensonge ?
Tu es semblable à la flèche
aiguë lancée par un bras puissant, aux charbons qui désolent par l'incendie.
Ant. Hélas ! que mon exil est
long! je suis au milieu des habitants de Cédar ; que l'exil
de mon âme dure longtemps !
Je suis demeuré pacifique
avec les ennemis de la paix, qui de mes paroles prenaient l'occasion d'injustes
accusations.
Donnez-leur, Seigneur, le
repos éternel ;
Que luise pour eux la lumière
sans fin.
Ant. Hélas ! Seigneur, que mon exil est long !
L'âme cependant ne défaille pas ;
levant ses yeux vers les montagnes, elle sait qu'elle peut compter sur
le Seigneur, qu'elle n'est abandonnée ni du ciel qui l'attend, ni de l'Eglise
dont elle est fille. Si près qu'il soit situé de la région des pleurs éternels,
le purgatoire, où s'embrassent la justice et la paix (1), n'est point
inaccessible aux Anges. Aux divines communications dont ces augustes messagers
lui apportent le réconfort, se joint l'écho de la prière des bienheureux, des
suffrages de la terre. L'âme est surabondamment assurée que le seul mal
digne de ce nom, que le péché ne saurait l'atteindre.
Ant. Le Seigneur vous garde de tout mal ; que le Seigneur
garde en tout votre âme.
PSAUME CXX.
J'ai levé mes yeux vers les montagnes
d'où viendra le secours.
Mon secours me vient du
Seigneur, qui a fait le ciel et la terre.
Qu'il ne laisse point
vaciller vos pas, qu'il ne s'endorme pas celui qui vous garde.
Non ; il ne s'endormira ni ne
s'assoupira celui qui garde Israël.
C'est lui, le Seigneur, qui
vous garde ; c'est lui, le Seigneur, qui est votre protection; il se tient à
votre droite
Ni le soleil ne vous nuira
durant le jour, ni la lune dans la nuit.
Le Seigneur vous garde de
tout mal ; que le Seigneur garde en tout votre âme.
Que le Seigneur garde votre
entrée, qu'il garde votre sortie, et maintenant, et toujours.
Donnez-leur, Seigneur, le
repos éternel ;
Que luise pour eux la lumière
sans fin.
Ant. Le Seigneur vous garde de tout mal ; que le Seigneur
garde en tout votre âme.
L'usage du peuple chrétien
consacre plus spécialement le Psaume CXXIX à la prière pour les morts ; cri de
détresse, mais aussi d'espérance.
Le dénuement des âmes au séjour
d'expiation est bien fait pour toucher nos cœurs. Sans être au ciel, en cessant
d'appartenir à la terre, elles ont perdu les privilèges qui, de par Dieu,
compensent pour nous le danger du voyage en ce monde de l'épreuve. Si parfaits
que soient tous leurs actes d'amour, d'espérance, de foi résignée, elles ne
méritent plus ; acceptées comme elles le sont, leurs inexprimables souffrances
nous vaudraient à nous la récompense de milliers de martyrs: il n'en doit rien
rester dans l'éternité à l'actif de ces âmes, rien que le fait d'un règlement
de compte apuré autrefois par sentence du juge.
Pas plus que mériter, elles ne
peuvent satisfaire comme nous à la justice par équivalences acceptées de Dieu
Plus radicale que celle du paralytique de Bethsaïda
(1) est leur impuissance à s'aider elles-mêmes; la piscine du salut est restée
sur terre, avec l'auguste Sacrifice, les Sacrements, l'usage des clefs
toutes-puissantes confiées à l'Eglise.
Or cependant l'Eglise, qui n'a
plus sur elles de juridiction, conserve à leur endroit toutes ses tendresses de
Mère ; et son crédit est grand toujours près de l'Epoux. Elle fait donc sienne
leur prière ; ouvrant le trésor qui lui vient de la surabondante rédemption
du Seigneur, elle offre de son fonds dotal à Celui-là même qui le lui a
constitué, en échange de la délivrance de ces âmes ou de l'allégement de leurs
peines : et ainsi arrive-t-il que, sans léser nuls droits, la miséricorde
entre et déborde en ces abîmes où régnait seule l'inexorable justice.
Ant. Seigneur, si
vous considérez nos iniquités ; Seigneur, qui soutiendra votre jugement ?
PSAUME CXXIX.
De l'abîme j'ai crié
vers vous, Seigneur; Seigneur, écoutez ma voix.
Que vos oreilles soient
attentives au cri de ma prière.
Seigneur, si vous considérez
nos iniquités ; Seigneur, qui soutiendra votre jugement?
Mais la miséricorde est en
vous; à cause de votre parole, je vous attends, Seigneur.
Mon âme se soutient par vos
oracles ; mon âme espère dans le Seigneur.
Du matin à la nuit, qu'Israël
espère dans le Seigneur.
Car dans le Seigneur est la
miséricorde, et sa rédemption est surabondante.
Et il rachètera Israël de
toutes ses iniquités.
Donnez-leur, Seigneur, le
repos éternel ;
Que luise pour eux la lumière
sans fin.
Ant. Seigneur, si vous considérez nos iniquités ;
Seigneur, qui soutiendra votre jugement?
Je vous louerai, car vous
m'avez exaucée. L'Eglise ne prie jamais en vain. Le dernier Psaume dit sa
reconnaissance, et celle des âmes que l'Office qui va finir aura tirées de
l'abîme ou
105
rapprochées des cieux. Grâce à lui,
plus d'une qui, ce matin encore, était retenue
captive, fait son entrée dans la lumière au crépuscule de cette touchante fête
delà Toussaint, dont s'accroissent ainsi au dernier moment les joies et la
gloire. Suivons du cœur et de la pensée les nouvelles élues ; en nous souriant,
en nous remerciant, nous leurs frères ou leurs fils, elles s'élèvent radieuses
de la région des ombres, et elles chantent : Seigneur, je vous glorifierai
en la présence des Anges ; j'adorerai donc en votre saint temple ! Non ;
le Seigneur ne méprise pas les œuvres de ses mains.
Ant. Seigneur, ne méprisez pas les œuvres de vos mains.
PSAUME CXXXVII.
Je vous louerai, Seigneur, de
tout mon cœur, parce que vous avez écouté les paroles de ma bouche.
Je chanterai votre gloire en
présence des Anges, j'adorerai dans votre saint temple, je louerai votre nom.
J'exalterai votre miséricorde
et votre vérité : oui ; vous avez rendu magnifique plus que tout votre saint
nom.
En quelque jour que je vous invoque,
exaucez-moi ; ainsi dilaterez-vous la vigueur de mon âme.
Soyez, Seigneur, célébré par
tous les rois de la terre : toutes les paroles qu'ils entendirent de votre
bouche, ils les ont vues réalisées.
Qu'ils chantent donc les
voies du Seigneur ; car grande est la gloire du Seigneur.
Car le Seigneur, si haut
qu'il soit, regarde les humbles ; mais il ne connaît que de loin les superbes.
Si je marche au milieu de la
tribulation, vous soutiendrez ma vie ; ainsi contre la colère de mes ennemis
avez-vous étendu votre droite ; ainsi m'avez-vous sauvé.
Le Seigneur sera mon vengeur
: Seigneur, votre miséricorde est à jamais ; ne méprisez pas les œuvres de vos
mains.
Donnez-leur, Seigneur, le
repos éternel ;
Que luise pour eux la lumière
sans fin.
Ant. Seigneur, ne méprisez pas les oeuvres de vos mains.
Et voici que du ciel, en effet,
nous arrive comme de la part des chères libérées une parole authentique de
bonheur (1).
V/. J’ai entendu une voix venant
du ciel, qui me disait :
R/. Bienheureux ceux qui meurent
dans le Seigneur.
Or toute cette admirable suite du
drame liturgique ainsi déroulé sous nos yeux, qu'est-elle autre chose que la
justification de la promesse du
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Sauveur (1) , rappelée en
l'Antienne qui suit par l'Eglise?
ANTIENNE DE Magnificat.
Tout ce que me
donne mon Père viendra a moi; et
celui qui vient à moi, je ne le repousserai point dehors.
Mais comme toute grâce de Jésus
nous vient en ce monde par Marie, par elle encore, au delà de cette vie
mortelle, s'opère toute délivrance et s'obtient tout bienfait. Où que s'étende
la rédemption du Fils, s'exerce l'empire de la Mère. Aussi les visions des
Saints nous la montrent véritablement Reine au purgatoire ; qu'elle s'y fasse
représenter bénignement par les Anges de sa cour, ou daigne elle-même,
pénétrant sous les sombres voûtes (2) comme l'aurore du jour éternel, y
répandre abondante la rosée du matin. Est-ce que la neige du Liban, dit
l'Esprit-Saint, manquera
jamais à la pierre du désert? et qui donc en empêchera
les fraîches eaux d’aller à la vallée (3) ? Comprenons donc le chant du
Magnificat à l'Office des défunts : il est l'hommage des âmes qui abordent les
cieux ; il est le doux espoir de celles qui demeurent encore au séjour
d'expiation.
CANTIQUE DE MARIE.
Mon âme glorifie le Seigneur
; Et mon esprit tressaille en Dieu mon Sauveur :
Car il a regardé la bassesse
de sa servante ; et pour cela, toutes les nations m'appelleront Bienheureuse.
Il a fait en moi de grandes
choses, celui qui est puissant et de qui le Nom est
saint ;
Et sa miséricorde s'étend de
génération en génération, sur ceux qui le craignent.
Il a opéré puissamment par
son bras, et dispersé ceux qui suivaient les orgueilleuses pensées de leur cœur.
Il a mis à bas de leur trône
les puissants, et il a élevé les humbles.
Il a rempli de biens ceux qui
avaient faim, et renvoyé vides ceux qui étaient riches. 11 a reçu en sa
protection Israël son serviteur, se souvenant de la miséricordieuse promesse
Qu'il fit autrefois à nos
pères, à Abraham et à sa postérité pour jamais.
Donnez-leur, Seigneur, le
repos éternel ;
Que luise pour eux la lumière
sans fin.
Ant. Tout ce que me donne mon Père viendra à moi ; et
celui qui vient à moi, je ne le repousserai point dehors.
Le Prêtre commence, toute l'assemblée à genoux, l'Oraison
Dominicale:
Notre Père.
Le reste se continue dans le
silence, jusqu'à cette conclusion que suivent les Versets et l'Oraison
terminant les Vêpres des morts:
V/. Et ne nous laissez pas succombera
la tentation.
R/. Mais délivrez-nous du
mal.
V/. De la porte de l'enfer,
R/. Seigneur, délivrez leurs
âmes.
V/. Qu'ils reposent en paix.
R/. Amen.
V/. Seigneur, exaucez ma
prière ;
R/. Et que mon cri parvienne
jusqu'à vous.
V/. Le Seigneur soit avec
vous.
R/. Et avec votre esprit.
ORAISON.
Dieu Créateur et Rédempteur
de tous les fidèles, accordez la remise de tous leurs péchés aux âmes de vos
serviteurs et de vos servantes, afin que soit acquise à leurs pieuses
supplications l'indulgence qu'ils ont toujours désirée. Vous qui vivez et
régnez avec Dieu le Père en l’unité du Saint-Esprit, Dieu vous-même, durant
tous les siècles des siècles.
R/. Amen.
V/. Donnez-leur, Seigneur, le
repos éternel ;
R/.Que luise pour eux la
lumière sans fin.
V/. Qu'ils reposent en paix.
R/. Amen.
Offrons à Notre-Dame la supplique
touchante que plusieurs Eglises lui adressèrent longtemps pour les morts Elle
date du XIV° siècle ; Jean IV de Langoueznou, Abbé de
Landevenec, son auteur, en puisa l'inspiration dans
sa tendre piété pour Marie.
PROSE.
A ceux qui souffrent en
purgatoire, que purifie la flamme ardente et qui subissent tourments si durs :
daigne votre compassion subvenir, ô Marie !
Fontaine ouverte à tous, où
s'effacent les péchés, vous secourez chacun, n'éconduisez personne : vers les
morts qui gémissent en leurs supplices sans trêve, étendez votre main, ô Marie
!
Vers vous pieusement
soupirent les trépassés, en leur désir de voir finir leurs maux, pour
contempler vos traits si doux et goûter près de vous les joies éternelles, ô
Marie !
Accourez, Mère, à leurs
gémissements ; ayez pour eux des entrailles de pitié : obtenez de Jésus que par
ses blessures il daigne les guérir, ô Marie !
Vous êtes de ceux qui crient
vers vous la véritable espérance : entendez les voix nombreuses qui vous
supplient d'apaiser votre Fils, d'en obtenir la récompense céleste pour leurs
amis et leurs frères, ô Marie !
Toute bonne, voyez aux pieds
du Juge couler nos larmes : puissent-elles par vous bientôt éteindre l'ardeur
de la flamme vengeresse qui les empêche de s'unir aux chœurs angélique, ô Marie
!
Et lorsque se fera le sévère
examen au terrible jugement de Dieu, implorez votre Fils qui sera notre Juge,
pour qu'avec les Saints soit notre partage, ô Marie !
Amen.
Cette journée est véritablement
grande et belle. La terre, placée entre Je purgatoire et le ciel, a rapproché
les deux. L'auguste mystère de la
communion des saints se révèle dans
son
112
ampleur. L'immense famille des fils
de Dieu nous apparaît, une par l'amour, distincte en ses trois états de
félicité, d'épreuve, d'expiation purifiante: expiation qui, comme l'épreuve,
n'aura qu'un temps; félicité qui durera toujours. C'est le digne couronnement
des enseignements du Cycle entier. Chacun des jours de l'Octave qui va suivre
accroîtra la lumière.
Cependant, toute âme se recueille
à cette heure dans le culte des plus chers, des plus nobles souvenirs. En
quittant la maison de Dieu, gardons pieusement à qui de droit notre pensée.
C'est la fête de nos morts bien-aimés. Prêtons l'oreille à leur voix qui, de
clochers en clochers, par tout le monde chrétien, se fait si suppliante et si
douce aux premières heures de cette nuit de novembre. Ce soir ou demain, nous leur devons la visite de la tombe où
reposent dans la paix leurs restes mortels. Prions pour eux; et aussi,
prions-les : ne craignons pas de leur parler toujours des intérêts qui leur
furent chers devant Dieu. Car Dieu les aime, et par une sorte de satisfaction
donnée à sa bonté, les écoute d'autant mieux pour
autrui, que sa justice les maintient dans un état d'impuissance plus absolue en
ce qui les concerne.