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LE V JUILLET. SAINT ANTOINE-MARIE ZACCARIA, CONFESSEUR.Après Gaétan de Thienne, avant Ignace de Loyola, Antoine-Marie mérita d'être le père d'une de ces familles religieuses qui furent appelées en si grand nombre, au XVI° siècle, à réparer les ruines de la maison de Dieu. La Lombardie, épuisée,démoralisée parles guerres dont la possession du duché de Milan avait été l'enjeu, se reprit à croire, à espérer, à aimer, au spectacle des héroïques vertus de Zaccaria ; elle écouta ses prédications enflammées qui l'appelaient à la pénitence, à la méditation de la Passion du Sauveur, au culte plus assidu, à l'adoration plus solennelle de la très sainte Eucharistie (1). Ainsi fut-il en toute vérité le précurseur de saint Charles Borromée qui, dans la réforme du clergé, du peuple, des monastères du Milanais, n'eut pas d'auxiliaires plus précieux que ses fils et ses filles, les Clercs réguliers et les Angéliques de Saint-Paul. L'oratoire de l’éternelle Sagesse avait vu, à Milan, 1. Saint Antoine-Marie Zaccaria fut le premier qui exposa sans voiles la sainte Hostie à l'adoration des fidèles durant quarante heures, en souvenir du temps que le Seigneur demeura au tombeau ; on sait comment le pieux usage passa de Milan dans l'Eglise entière, et nous avons dit ailleurs l'application spéciale qui en fut faite à la sanctification des trois jours qui précèdent le Carême. 547 les débuts de la Congrégation nouvelle; l'église Saint-Barnabé, où elle s'établit peu après la mort de Zaccaria et qui garde aujourd'hui son corps, fit donner le nom de Barnabites à ces autres disciples du Docteur des nations. Ils devaient par la suite se répandre, non seulement dans toute l'Italie, mais en France, en Autriche, en Suède, et jusqu'en Chine et en Birmanie, s'adonnant aux missions, à l'enseignement de la jeunesse, à toutes les œuvres qui intéressent le culte divin et la sanctification des âmes. Quant au saint fondateur, dès l'année 1539, aux premières Vêpres de l'Octave des Apôtres, il s'envolait au ciel à trente-six ans, de la maison même où il était né, des bras de la pieuse mère qui l'avait élevé pour Dieu et qui le rejoignait peu après. Lorsque parurent au siècle suivant les célèbres décrets d'Urbain VIII, il manquait cinq années à la prescription centenaire qui eût permis de considérer comme acquis le culte rendu au bienheureux dès après sa mort; et comme, d'autre part, les témoins requis dans ces mêmes décrets pour la canonisation régulière des serviteurs de Dieu avaient disparu, la cause demeura en suspens : ce fut le Souverain Pontife Léon XIII qui, de nos jours, ayant d'abord (en 1890) réintégré le culte d'Antoine-Marie, l'inscrivit solennellement, quelques années plus tard, au nombre des Saints et étendit sa fête à toute l'Eglise. Voici la Légende qui lui fut consacrée : Antoine-Marie Zaccaria naquit à Crémone dans le Milanais. Issu de
noble famille, il fit présager dès
l'enfance quelle serait sa sainteté.
Carde bonne heure ,
brillèrent en lui les signes de vertus
éminentes : piété envers Dieu et la bienheureuse Vierge ; surtout
particulière compassion pour les pauvres, dont il cherchait les occasions de
soulager la misère, allant jusqu'à se
dépouiller de vêtements de prix dans ce but. Formé aux belles-lettres dans sa
ville natale, il étudia à Pavie la
philosophie, à Padoue la médecine, ne l'emportant
pas moins sur ses compagnons par la pénétration de ï'intelligence qu'il
l'emportait sur tous par l'intégrité de la vie. Rentré docteur en sa patrie,
Dieu lui fit comprendre que sa vocation était moins de soigner les corps que de guérir les âmes; il s'adonna
donc à l'acquisition des sciences sacrées, ne
cessant pas cependant de visiter les malades, d'enseigner aux enfants la
doctrine chrétienne, aux jeunes gens réunis par ses soins la piété, souvent même aux personnes plus âgées l'amendement de leurs mœurs. Ordonné
prêtre, on raconte que lorsqu'il célébra sa première Messe, il apparut, à la grande admiration du peuple,
entouré d'une troupe d'Anges dans une lumière céleste. Depuis lors, la
poursuite du salut des âmes, la lutte contre
les vices eurent toutes ses pensées. Objets aussi de ses sollicitudes
paternelles, les étrangers, les indigents, les affligés affluaient à sa maison,
devenue un asile de malheureux que réconfortait sa parole compatissante et
qu'aidaient ses aumônes ; aussi mérita-t-il de ses concitoyens les noms d'ange
et de père de la patrie. A Milan, faisant réflexion
qu'il serait possible de produire plus de fruits de salut s'il s'associait des
compagnons qui travailleraient comme lui à la vigne du Seigneur, il communiqua
cette pensée à Barthélémy Ferrari et Jacques Morigia, très nobles et très saints personnages, et jeta
les fondements d'une société de Clercs réguliers, à laquelle son amour pour
l'Apôtre des nations lui fit donner le nom de saint Paul. Approuvée par le
Souverain Pontife Clément VII et confirmée par Paul III, elle se répandit
bientôt en beaucoup de contrées. La société des religieuses dites Angéliques
eut aussi Antoine-Marie pour auteur et pour père. Lui
cependant avait si bas sentiment de lui-même, qu'on ne put aucunement ramener à
prendre le gouvernement de son Ordre. Si grande était sa patience, que les plus
redoutables tempêtes soulevées contre
les siens ne troublaient point son calme ; si grande sa charité, qu'il ne cessa
jamais d'enflammer par ses pieuses exhortations les religieux à l'amour de
Dieu, de rappeler les prêtres à la manière dévie clés Apôtres, de porter au
bien les pères de famille qu'il associait en confréries. Parfois même, portant
la Croix avec les siens par les rues et les places publiques, il ramenait les
âmes dévoyées dans la voie du salut par l'ardeur et la force de ses discours. On doit aussi savoir que ce
fut lui qui, dans son brûlant amour de Jésus crucifié, établit l'usage de
sonner la cloche chaque vendredi, à
trois heures, pour rappeler à tous le
mystère de la Croix. Sans cesse, dans ses écrits, comme sur ses lèvres, se retrouvait le très saint nom
de Jésus-Christ dont ce vrai disciple de
Paul portait les souffrances en son corps. L'ardeur dont il brûlait pour la sainte Eucharistie en fit l'apôtre du retour à
la pratique de la communion fréquente, et on lui attribue l'introduction de
l'adoration publique des Quarante Heures. Telles étaient les délicatesses de sa
pureté, qu'elles semblèrent, pour s'affirmer encore, rendre vie à son corps inanimé.
Extases, don des larmes, connaissance de l'avenir et du secret des cœurs,
puissance contre l'ennemi du genre humain, étaient venus de la part du ciel
relever ses vertus. Mais les grands travaux qu'il entreprenait partout l'avaient
épuisé ; à Guastalla, où on l'avait appelé comme
médiateur je paix, il fut pris d'une maladie grave. On le transporta à Crémone,
où, réconforté par une céleste apparition des Apôtres et prophétisant les
développements que sa Congrégation devait prendre, il mourut saintement, au
milieu des larmes de ses disciples, entre les bras de sa pieuse mère à laquelle
il prédit qu'elle ne tarderait pas à le suivre ; c'était le trois des nones de
juillet de l'année mil cinq cent trente-neuf; il avait trente-six ans. Le culte
public rendu aussitôt à un si grand personnage, pour sa sainteté et ses
nombreux miracles, fut approuvé et confirmé par le Souverain Pontife Léon XIII
qui, en l'année mil huit cent quatre-vingt-dix-sept, au jour de l'Ascension du
Seigneur, l'inscrivit solennellement aux fastes des Saints. En cette Octave des saints Apôtres, vous nous apparaissez, ô bienheureux, comme une pierre de grand prix rehaussant leur couronne. De la place d'honneur où mcoite ainsi vers vous l'hommage de l'Eglise, daignez bénir ceux qui comme vous poursuivent ici-bas l'œuvre apostolique, sans retour sur eux-mêmes, sans espoir qu'en Dieu, sans se lasser des perpétuels recommencements qu'imposent aux ouvriers du salut la sape et la mine de l'enfer. De notre temps comme de vos jours, les démolisseurs applaudissent au renversement prochain de la maison de Dieu; et tout semble, maintenant comme alors, justifier leur funeste espérance. De notre temps comme de vos jours cependant, l'enseignement des Apôtres, soutenu de l'exemple et de la prière des Saints, suffit à sauver la terre. Si plus que jamais le monde ne voit que folie dans la Croix et ceux qui la prêchent, plus que jamais elle demeure seule pourtant la vertu de Dieu (1). Derechef s'accomplit sous nos yeux l'oracle qui dit : Je perdrai la sagesse des sages, je condamnerai la prudence des prudents (2). Où sont à cette heure, en effet, les sages? où sont les doctes et les habiles (3) qui se promettaient d'adapter aux exigences de temps nouveaux la parole du salut? La première condition du triomphe qui ne manque jamais, dit l'Apôtre, aux fidèles du Christ Jésus (4), est de n'altérer point le Verbe de Dieu, de l'annoncer sous l'œil de Dieu tel que Dieu nous le donne (5), ne prétendant point le rendre acceptable pour ceux qui s'obstinent à périr (6). Disciple de Paul et son imitateur fidèle, ce fut la science du Christ apprise à son école qui, de médecin des corps, vous fit sauveur d'âmes ; ce fut 1. I Cor. I, 18. — 2. Ibid. 19. — 3. Ibid. 20.
— 4. II Cor. II, 14. — 5. Ibid.
17. — 6. Ibid. 15, 16. 553 l'amour, supérieur à toute science (1), qui jusque par delà le tombeau rendit féconde votre vie si courte et pourtant si remplie. Puisse Dieu, comme le demande par votre intercession l'Eglise (2), susciter au milieu de nous cet esprit réparateur et sauveur ; puissent, les premiers, vos fils et vos filles, rangés sous la bannière apostolique, faire honneur toujours au grand nom du Docteur des nations. 1. Eph. III, 19, — 2. Collecte de la fête. |