JEAN DE SAHAGUN

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LE XII JUIN. SAINT  JEAN DE SAHAGUN, CONFESSEUR.

 

Le règne que les Apôtres ont pour mission d'établir dans le monde est le règne de la paix. C'était elle que les cieux promettaient à la terre en la glorieuse nuit qui nous donna l'Emmanuel ; et dans cette autre nuit qui vit les adieux du Seigneur, au banquet de la Cène, l'Homme-Dieu fonda le Testament nouveau sur le double legs qu'il fit à l'Eglise de son corps sacré et de cette paix que les anges avaient annoncée (1) : paix que le monde n'avait point connue jusque-là, disait le Sauveur ; paix toute sienne parce qu'elle procède de lui sans être lui-même, don substantiel et divin qui n'est autre que l'Esprit-Saint dans sa propre personne. Les jours de la Pentecôte ont répandu cette paix comme un levain sacré dans la race humaine. Hommes et peuples ont senti son intime influence. L'homme, en lutte avec le ciel et divisé contre lui-même, justement puni de son insoumission à Dieu par le triomphe des sens dans sa chair révoltée, a vu l'harmonie rentrer dans son être, et Dieu satisfait traiter en fils le rebelle obstiné des anciens jours. Les fils du Très-Haut formeront dans le monde un peuple nouveau, le peuple de Dieu,  reculant  ses confins jusqu'aux

 

1. JOHAN. XIV, 27.

 

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extrémités de la terre. Assis dans la beauté de la paix, selon l'expression du Prophète (1), il verra venir à lui tous les peuples, et attirera ici-bas les complaisances du ciel qui doit trouver en lui son image.

Autrefois sans cesse aux prises en d'atroces combats qui ne trouvaient fin qu'avec l'extermination du vaincu, les nations baptisées se reconnaîtront pour sœurs dans la filiation du Père qui est aux cieux. Sujettes fidèles du Roi pacifique, elles laisseront l'Esprit-Saint adoucir leurs mœurs ; et si la guerre, suite du péché, vient encore trop souvent rappeler au monde les désastreuses conséquences de la première chute, l'inévitable fléau connaîtra du moins désormais d'autres lois que la force. Le droit des gens, droit tout chrétien que n'admit point l'antiquité païenne, la foi des traités, l'arbitrage du vicaire de l'Homme-Dieu modérateur suprême de la conscience des rois, éloigneront les occasions de discordes sanglantes. En certains siècles, la paix de Dieu, la trêve de Dieu, mille industries de la Mère commune , restreindront les années et les jours où le glaive qui tue les corps aura licence de sortir du fourreau; s'il outrepasse les bornes posées, il sera brisé par la puissance du glaive spirituel, plus redoutable à tous les points de vue dans ces temps que le fer du guerrier. Telle apparaîtra la force de l'Evangile , qu'en nos temps mêmes d'universelle décroissance, le respect de l'ennemi désarmé s'imposera aux plus fougueux adversaires, et qu'après la bataille vainqueurs et vaincus, se retrouvant frères, prodigueront les mêmes soins du corps et de l'âme aux blessés des

 

1. ISAÏ.  XXXII,  18.

 

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deux camps : énergie persévérante du ferment surnaturel qui transforme progressivement l'humanité depuis dix-huit siècles, et agit à la fin sur ceux-là même qui continuent de nier sa puissance !

Or c'est un serviteur de cette conduite merveilleuse de la Providence, et l'un des plus glorieux, que nous fêtons en ce jour. La paix, fille du ciel, mêle ses reflets divins à l'auréole brillante qui rayonne sur son front. Noble enfant de la catholique Espagne, il prépara les grandeurs de sa patrie, non moins que ne le firent les héros des combats où le Maure succombait sans retour. Au moment où s'achevait la croisade huit fois séculaire qui chassa le Croissant du sol ibérique, lorsque les multiples royaumes de cette terre magnanime se rassemblaient dans l'unité d'un seul sceptre, l'humble ermite de Saint-Augustin fondait dans les cœurs cette unité puissante inaugurant déjà les gloires du XVI° siècle. Quand il parut, les rivalités qu'un faux point d'honneur excite trop facilement dans une nation armée, souillaient l'Espagne du sang de ses fils versé par des mains chrétiennes ; la discorde, abattue par ses mains désarmées, forme le piédestal où il reçoit maintenant les hommages de l'Eglise.

 

Lisons le récit liturgique consacré à cette vie précieuse pour les hommes et pour Dieu.

 

Jean naquit à Sahagun en Espagne, d'une famille noble ; ses parents, restés longtemps sans enfants, l'obtinrent de Dieu par leurs œuvres saintes et leurs prières. Il fournit dès son premier âge un remarquable indice de sa future sainteté ; car souvent d'un lieu élevé il adressait la parole aux autres enfants pour les exhorter à la vertu et au culte divin, et il s'employait à terminer leurs petits différends. Il fut confié, à Sahagun même , aux moines bénédictins de Saint-Facundus, pour être instruit des éléments des lettres. Durant ces études, son père ayant pris soin de lui faire conférer l'administration d'une paroisse en bénéfice, on ne put aucunement le faire résoudre à garder cette charge. Admis parmi les familiers de l'évêque de Burgos, sa remarquable intégrité le rendit cher au prélat qui le fit prêtre et chanoine, et le combla de nombreux bénéfices. Mais, laissant la cour épiscopale pour servir Dieu plus en paix , il renonça à tous ses revenus ecclésiastiques , et s'attacha à une chapelle où il célébrait tous les jours la Messe, et discourait fréquemment des choses de Dieu avec grande édification des auditeurs.

 

Il se rendit ensuite à Salamanque pour y poursuivre ses études , et fut reçu membre du célèbre collège de Saint-Barthélémy. Il prit soin d'exercer son ministère sacerdotal de telle sorte qu'en s'adonnant aux études, objet de  ses désirs, il n'en était pas moins assidu à la prédication. Etant tombé dans une grave maladie, il fit le vœu de se lier par une discipline plus étroite, et, pour l'accomplir, ayant donné d'abord à un pauvre presque nu le meilleur des deux seuls vêtements qu'il possédât, il se rendit au monastère de Saint-Augustin, très florissant alors par sa sévère observance. Admis dans cette maison, il y dépassait les plus avancés par son obéissance, son humilité, ses veilles et sa prière. On lui confia le soin du réfectoire, et il arriva qu'à son contact un baril de vin suffit abondamment à tous les religieux durant une année. Son noviciat terminé, il reprit par ordre du supérieur le ministère de la prédication. En ce temps-là Salamanque était tellement divisée par les factions , que toutes les lois divines et humaines s'y trouvaient confondues ; des meurtres avaient lieu presque à chaque heure ; les rues, les places publiques, les églises même, regorgeaient du sang de personnages de tout ordre et surtout des nobles.

 

Jean parvint à calmer les esprits par ses discours publics et ses entretiens privés, et il ramena la tranquillité dans la ville. Un seigneur qu'il avait offensé gravement en lui reprochant la cruauté qu'il déployait contre ses inférieurs, envoya deux cavaliers pour le tuer sur un chemin où il devait passer ; mais lorsqu'ils furent près de lui, ils se trouvèrent divinement saisis de stupeur et immobilisés, ainsi que leurs chevaux, jusqu'à ce que , se prosternant aux pieds du saint homme , ils eussent demandé grâce pour leur crime. Ce seigneur , également frappé lui-même d'une terreur soudaine, désespérait déjà de son salut, lorsque, ayant rappelé Jean et repentant de sa faute, il fut rendu à la santé. Des factieux qui poursuivaient le saint avec des bâtons, virent leurs bras se roidir , et les forces ne leur furent rendues qu'après qu'ils eurent demandé leur pardon. Pendant sa Messe, il avait l'habitude de voir présent notre Seigneur Jésus-Christ et de s'imbiber des célestes mystères à la source même de la divinité. Il lui arrivait fréquemment de pénétrer les secrets des cœurs et d'annoncer à l'avance des événements qu'il était impossible de prévoir. Il ressuscita la fille de son frère qui était morte âgée de sept ans. Enfin, ayant prédit le jour de sa propre mort , il reçut avec une extrême dévotion les sacrements de l'Eglise, et cessa de vivre.

 

De nombreux miracles firent éclater sa gloire après comme avant son trépas, et la preuve régulière en ayant été faite, Alexandre VIII le mit au nombre des Saints.

 

Vous méritiez, bienheureux Saint, d'apparaître au V ciel de l'Eglise en ces semaines qui relèvent immédiatement de la glorieuse Pentecôte. Longtemps à l'avance, Isaïe, contemplant le monde au lendemain de l'avènement du Paraclet, décrivait ainsi le spectacle offert à ses yeux prophétiques : « Qu'ils sont beaux sur les montagnes les pieds des messagers de la paix, des porteurs du salut disant à Sion : Ton Dieu va régner (1) ! » C'étaient les Apôtres, prenant pour Dieu possession du monde, qu'admirait ainsi le Prophète; mais leur mission, telle qu'il la définit dans son enthousiasme inspiré, ne fut-elle pas aussi la vôtre ? Le même Esprit qui les animait dirigea vos voies ; le Roi pacifique vit par vous son sceptre affermi dans une des plus illustres nations formant son empire. Au ciel où vous régnez avec lui, la paix qui fut l'objet de vos travaux est aujourd'hui votre récompense. Vous éprouvez la vérité de cette parole que le Maître avait dite en pensant à ceux qui vous ressemblent, à tous ceux qui, apôtres ou non, établissent du moins la paix dans la terre de leurs cœurs : « Bienheureux les pacifiques ; car ils seront appelés fils de Dieu (2) ! » Vous êtes entré en possession de l'héritage du Père ; le béatifiant repos de la Trinité sainte remplit votre âme, et s'épanche d'elle jusqu'à nos froides régions en ce jour.

Continuez à l'Espagne, votre patrie, le secours qui lui fut si précieux. Elle n'occupe plus dans la

 

1.  ISAI. LII, 7. — 2. Matth. V, 9.

 

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chrétienté cette place éminente qui fut la sienne après votre mort glorieuse. Persuadez-la que ce n'est  pas en prêtant l'oreille  toujours plus aux accents d'une fausse liberté, qu'elle retrouvera sa grandeur. Ce qui l'a faite dans le passé puissante et forte, peut toujours attirer sur elle les bénédictions de Celui par qui règnent les rois (1). Le dévouement au Christ fut sa gloire, l'attachement à la vérité son trésor. La vérité révélée met seule les hommes dans la vraie liberté (2) ; seule encore, elle peut garder indissolublement uni dans une nation le faisceau des intelligences et des volontés : lien puissant, qui assure la force d'un pays en dehors de ses frontières, et au dedans la paix. Apôtre de la paix, rappelez donc à votre peuple, apprenez à tous, que la fidélité absolue aux enseignements de l'Eglise est le seul terrain où des chrétiens puissent chercher et trouver la concorde.

 

1. Prov. VIII, 16. — 2. Johan. VIII, 32.

 

 

 

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