Oct. INNOCENTS

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Vig. EPIPHANIE

IV  JANVIER. L'OCTAVE DES SAINTS INNOCENTS.

 

Nous terminons aujourd'hui les huit jours consacrés à honorer la mémoire des bienheureux Enfants de Bethléhem.  Grâces soient rendues à Dieu, qui nous les a donnés pour intercesseurs et pour modèles ! Leur nom ne paraîtra plus sur le Cycle, jusqu'au retour des solennités de la Naissance de l'Emmanuel : rendons-leur donc aujourd'hui un dernier hommage.

La sainte Eglise, qui, au jour de leur fête, a revêtu dans ses habits sacrés une couleur de deuil, par égard pour les douleurs de Rachel, reprend, dans ce jour de l'Octave, la pourpre des Martyrs, dont elle veut honorer ceux qui ont la gloire d'en être comme les prémices. Mais l'Eglise ne cesse pas pour cela de s'attendrir sur la désolation des mères qui ont vu égorger entre leurs bras les enfants qu'elles allaitaient. A l'Office des Matines, elle lit ce passage si dramatique d'un ancien Sermon attribué autrefois à saint Augustin :

« A peine le Seigneur est-il né, qu'un deuil commence, non au ciel, mais sur la terre. Les mères se lamentent, les Anges triomphent, les enfants sont enlevés. Un Dieu est né : il faut des victimes innocentes à Celui qui vient condamner la malice du monde. Il faut immoler

 

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des agneaux, puisque l'Agneau est venu qui ôte le péché et qui doit être crucifié. Mais les brebis, leurs mères, poussent de grands cris ; car elles perdent leurs agneaux, avant même qu'ils puissent faire entendre le bêlement. Cruel martyre ! le glaive est tiré, et sans motif ; la jalousie seule est en fureur, et Celui qui est né ne fait violence à personne.

« Mais considérons les mères se lamentant sur leurs agneaux. Une voix a retenti dans Rama, des pleurs et des hurlements : c'est qu'on leur enlève un  dépôt qu'elles n'ont pas seulement reçu, mais enfanté. La nature, qui se refusait à leur martyre, en face même du tyran, attestait assez sa puissance. La mère souillait et arrachait les cheveux de sa tête, parce qu'elle en avait perdu l'ornement dans son fils ! Que d'efforts pour  cacher cet enfant ! et l'enfant lui-même se trahissait. N'ayant pas encore appris à craindre, il ne savait pas retenir sa voix. La mère et le bourreau luttaient ensemble : celui-ci ci  arrachait l'enfant,  celle-là le retenait.  La mère criait au bourreau : Pourquoi sépares-tu de moi celui qui est sorti de moi ? Mon sein l'a enfanté: aura-t-il  donc en vain sucé mon lait ? Je le portais avec  tant de  précautions, celui que ta main cruelle enlève avec tant de violence ! A peine mes entrailles l'ont-elles produit, que tu l'écrases contre terre. »

« Une autre mère s'écriait, parce que le soldat se refusait à l'immoler avec son fils : Pourquoi me laisses-tu privée de mon enfant ? Si un crime a été commis, c'est moi qui en suis coupable : fais-moi mourir aussi, et délivre une pauvre mère. » Une autre disait : « Qui cherchez-vous ? Vous n'en voulez qu'à un seul,  et vous en tuez un grand nombre, sans pouvoir atteindre le seul que vous cherchez. » Une autre s'écriait: «Venez, oh! venez, Sauveur du monde : jusqu'à quand vous laisserez-vous chercher ? Vous ne craignez personne : que le soldat vous voie, et qu'il laisse la vie à nos enfants. «Ainsi se mêlaient les lamentations des mères ; et le sacrifice des enfants montait jusqu'au ciel. »

Parmi les enfants si cruellement immolés depuis l'âge de deux ans et au-dessous, quelques-uns durent appartenir aux bergers de Bethléhem qui étaient venus, à la voix de l'Ange, reconnaître et adorer le nouveau-né dans la crèche. Ces premiers adorateurs du Verbe incarné, après Marie et Joseph, offrirent ainsi le sacrifice de ce qu'ils avaient de plus cher au Seigneur qui les avait choisis. Ils savaient à quel Enfant leurs enfants étaient sacrifiés, et ils étaient saintement fiers de cette nouvelle distinction qui venait les chercher au milieu de leur peuple.

Cependant, Hérode, comme tous les politiques qui font la guerre au Christ et à son Eglise, était déçu dans ses projets. Son édit d,e carnage embrassait Bethléhem et tous ses alentours ; il enveloppait tous les enfants de cette contrée, depuis la naissance jusqu'à l'âge de deux ans ; et malgré cette atroce précaution, l'Enfant tant recherché échappait au glaive et fuyait en Egypte. Le coup était donc manqué comme toujours ; et de plus, contre le gré du tyran, l'Eglise du ciel ne tarderait pas à recevoir avec triomphe de nouveaux protecteurs pour celle delà terre.

Ce Roi des Juifs nouveau-né, que la jalousie d'Hérode poursuivait, n'était qu'un Enfant sans armées et sans soldats; Hérode cependant tremblait devant lui. Un  secret instinct lui révélait,

 

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comme à tous les tyrans de l'Eglise, que cette faiblesse apparente cachait une force victorieuse ; mais il se trompait, comme tous ses successeurs, en  essayant de lutter  avec  le glaive  contre la puissance de l'Esprit.  L'Enfant de  Bethléhem n'est pas encore arrivé au terme de son apparente faiblesse : il fuit devant la face d'un tyran ; plus tard, quand il sera un homme, il restera sous les coups de ses ennemis : on l'attachera à une croix infâme, entre deux larrons ; mais c'est précisément ce jour-là qu'un gouverneur romain proclamera, dans une inscription écrite de sa propre main : Celui-ci est le Roi des Juifs. Pilate donnera au Christ, d'une manière officielle, ce titre qui fait pâlir Hérode ; et malgré les sollicitations des ennemis du Sauveur, il s'écriera: Ce que j'ai écrit est écrit. Jésus, sur l'arbre de la croix, associera à son propre triomphe un des compagnons de son supplice ; aujourd'hui, dans son berceau, il appelle des enfants à partager sa gloire.

Glorifions une dernière fois cette troupe innocente, en réunissant encore les chants que la Liturgie a consacrés à leur louange. Nous donnerons d'abord ces trois Répons des Matines au Bréviaire Romain :

 

 

R/. Ceux-ci, qui sont  revêtus  de robes blanches, qui sont-ils ? D'où sont-ils venus? Et il me fut répondu : * Ce sont ceux qui sont venus ici à travers une grande tribulation ; ils ont lavé leurs robes, et les ont blanchies  dans le sang de l'Agneau.

 

V/. Je vis, sous l'autel de Dieu, les âmes de ceux qui avaient été tués pour le Verbe  de Dieu, et pour le témoignage qu'ils avaient à rendre. * Ce sont ceux.

 

R/. Ce sont ceux qui n'ont pas souillé leurs vêtements : * Ils marcheront avec moi, vêtus de blanc, parce qu'ils en sont dignes.

 

V/. Ce sont ceux qui ne se sont point souillés avec les femmes ; car ils sont vierges

* Ils marcheront.

 

R/. Ces saints chantaient  un cantique nouveau devant  le trône de Dieu et de l'Agneau : * Et la terre retentissait de leurs voix.

 

V/. Ils ont été achetés d'entre les hommes, pour être les prémices offertes à Dieu et à l'Agneau; et le mensonge ne s'est point trouvé dans leur bouche.*Et la terre.

 

Les deux Oraisons qui suivent sont empruntées au Sacramentaire Léonien :

 

ORAISON.

 

O Dieu,  grand dans les   grandes choses,  mais  qui opérez cependant, avec plus de gloire, vos merveilles dans les petites ; accordez-nous, s'il vous plaît, de nous réjouir dans la solennité de ceux qui, même sans parler, ont rendu témoignage à votre Fils, notre Seigneur.

ORAISON.

 

Faites, Seigneur, que vos fidèles, selon la parole de l'Apôtre, ne deviennent pas enfants par l'intelligence, mais qu'ils deviennent innocents en fait de malice, comme des enfants; en sorte qu'ils imitent, par la simplicité de l'âme, les martyrs de la présente solennité, s'ils ne peuvent les égaler en mérites. Par Jésus-Christ notre Seigneur.

 

L'Eglise  Gothique nous  donne cette  belle prière que nous empruntons au Bréviaire Mozarabe :

CAPITULA.

 

O Christ, ineffable lumière du monde, qui, encore dans le berceau, n'étant pas encore martyr, avez consacré, par la palme du martyre, la troupe des Innocents ; qui, lorsqu'ils ne parlaient pas encore, leur avez fait pousser des gémissements sous le glaive des soldats ; et qui, au moment de votre mort volontaire pour nous, avez retiré avec joie leurs âmes des profondeurs secrètes de la terre : inspirez-leur de prier sans relâche pour nous qui sommes faibles et petits, afin que nous, dont les prières ne sauraient nous purifier de nos péchés, nous en soyons lavés présentement et à jamais, par les supplications de ceux qui vous accompagnent de leurs hymnes et de leurs cantiques, partout où vous allez.

 

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La même Eglise, nous offre cette autre prière dans son  Missel,

 

ORAISON.

 

O Dieu ! dont la miséricorde s'adresse, avec empressement, à tout sexe et à tout âge, vous avez daigné montrer une affection et une tendresse paternelle aux Innocents, en ne permettant pas que la captivité de l'Egypte retînt ces enfants, ni que l'Evangile leur fût celé, leur faisant éviter les souillures du monde, comme à leurs pères, au moyen de la Loi, et les appelant par grâce dans votre royaume, avec les parfaits : afin que leur innocence, exempte de tout mal, devînt un exemple solennel ; accordez à nous, qui sommes vos serviteurs, que, purgés du virus du péché, affaiblis dans la concupiscence de la chair, nous conservions une volonté docile à vos enseignements. Que notre esprit ne soit ni rigide ni superbe; qu'il soit doux sans mollesse, innocent et prudent ; qu'il soit humble sans être faible ; afin que, par la maturité d'un jugement discret, il sache discerner ce qui vous plaît, et qu'il ne sache pas entreprendre ce qui vous offense. Enfin qu'il sache employer une salutaire tempérance, un conseil discret, au moyen desquels il puisse imiter la simplicité des enfants, revendiquer le courage des combattants. Amen.

 

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Le chantre des Mystères et des Martyrs, Prudence, à qui l'Eglise a emprunté les gracieuses strophes Salvete, flores Martyrum, célèbre l'immolation des enfants de Bethlehem, dans sa belle Hymne de l'Epiphanie, à laquelle la Liturgie Romaine a emprunté encore plusieurs de ses chants.

 

Le tyran soucieux a ouï dire que le Roi des rois vient de naître, celui qui doit régir Israël et occuper le trône de David.

 

A cette nouvelle, il s'écrie avec transport: « Un compétiteur nous presse; on nous détrône ; allez, soldats, prenez le fer, inondez de sang les berceaux.

 

« Tuez tout enfant mâle, cherchez jusque dans le sein des nourrices; que l'épée égorge le fils sur la poitrine même de la mère.

 

« Je soupçonne quelque fraude de la part des mères de Bethlehem ; je crains que quelqu'une ne soustraie son enfant du sexe mâle. »

 

Un bourreau, dans sa fureur, transperce du glaive ces petits Corps à peine nés a la vie ; il poursuit une vie toute nouvelle en eux.

 

Sur ces faibles membres, à peine le meurtrier trouve-t-il place aux blessures ; son épée dépasse en largeur la gorge même de ses victimes.

 

O spectacle barbare ! la tête des enfants, brisée contre la pierre, répand la cervelle blanche comme le lait, et les yeux sortent par l'horrible blessure.

 

Ailleurs l'enfant palpitant est précipité dans un gouffre profond ; son faible gosier dispute cruellement le passage à l'eau.

 

A quoi aura servi un tel forfait ? quelle utilité apporte ce crime à Hérode ? Seul le Christ échappe au massacre général.

 

Au milieu des flots du sang des enfants d'un même âge, le fruit de la Vierge évite seul les atteintes du fer qui désolait les mères.

 

Ainsi fut soustrait à l'édit insensé de l'impie Pharaon, Moïse, libérateur de son peuple et figure du  Christ.

 

 

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Nous terminerons par cette antique Prose de Notker, empruntée au recueil de Saint-Gall :

 

SEQUENCE.

 

Louange à vous, ô Christ ! Fils du Père très bon, Dieu de toute-puissance:

 

Vous que le brillant concert de ce peuple qui habite au delà des astres, célèbre avec joie dans les cieux ;

 

Vous que des troupes d'enfants chantent sur les sommets du firmament, dans des hymnes retentissantes.

 

Ce sont ceux qu'un impie, en haine de votre Nom, immola par une cruelle blessure :

 

Maintenant, dans les cieux, vous payez, ô Christ, leurs peines par la gloire, dans votre bonté ;

 

Usant de votre grâce, par laquelle toujours vous décorez les vôtres de splendides couronnes.

 

Par leurs prières sacrées, daignez, nous vous en prions, effacer les crimes de notre vie.

 

Et comme vous les associez à votre gloire, faites-les aussi participer pour nous à votre clémence.

 

Vous leur donnez la lumière de gloire éternelle : donnez-nous de triompher des choses terrestres ;

 

Qu'il nous soit donné d'obtenir pleinement, par des actions pures, l'effusion de votre grâce.

 

De tous ceux  qui s'empressent à la louange des Innocents, que nul ne devienne compagnon d'Hérode;

 

Mais que tous soient éternellement mêlés à leur troupe glorieuse, en votre présence, Seigneur ! Amen.

 

Nous vous quittons aujourd'hui, ô fleurs des Martyrs ! mais votre protection demeure sur nous. Dans tout le cours de cette année de la sainte Liturgie, vous veillerez sur nous, vous parlerez pour nous à l'Agneau dont vous êtes les fidèles amis. Nous plaçons sous votre garde les fruits que nos âmes ont produits pendant ces jours de grâce. Nous sommes devenus enfants avec Jésus ; nous recommençons avec lui notre vie : priez, afin que nous croissions comme lui en âge et en sagesse, devant Dieu et devant les hommes. Par votre suffrage, assurez notre persévérance ; et pour cela, maintenez en nous la simplicité chrétienne, qui est la vertu des enfants du Christ. Vous êtes innocents, et nous sommes coupables ; aimez-nous cependant d'un amour de frères. Vous fûtes moissonnés à l'aurore de la Loi de Grâce ; nous sommes les fils de ces derniers temps dans lesquels le monde envieilli a laissé refroidir la Charité. Tendez vers nous vos palmes victorieuses, souriez à nos combats; demandez que bientôt notre repentir obtienne cette couronne qui vous fut octroyée par une si divine largesse.

Enfants Martyrs ! souvenez-vous des jeunes générations qui s'élèvent aujourd'hui sur la terre. Dans cette gloire où vous êtes arrivés avant l'âge d'homme, vous ne sauriez oublier les petits enfants. Ces tendres rejetons de la race humaine dorment aussi dans leur innocence. La grâce du

 

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Baptême est entière en eux ; et leurs âmes pures réfléchissent comme un miroir la sainteté du Dieu qui les habite par sa grâce. Hélas ! de terribles périls les attendent, ces nouveau-nés ; beaucoup d'entre eux seront souillés ; leurs robes sans tache perdront bientôt, peut-être, cette blancheur dont elle resplendit. La corruption du cœur et de l'esprit les infectera ; et qui pourra les soustraire à d'affreuses influences ? La voix des mères retentit encore dans Rama ; Rachel chrétienne pleure ses fils immolés ; et rien ne peut la consoler de la perte de leurs âmes. Innocentes victimes du Christ ! priez pour les enfants. Obtenez-leur des temps meilleurs : qu'ils puissent un jour entrer dans la vie, sans avoir à redouter d'y rencontrer la mort dès le premier pas.

 

 

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