Épilogue

VOICI LA SERVANTE DU SEIGNEUR
ECCE ANCILLA DOMINI
Après Jésus-Christ, et sans doute à la distance qu'il y a de l'infini au fini, il est une créature qui fut aussi la grande louange de gloire à la sainte Trinité; elle répondit pleinement à l'élection divine dont parle l'Apôtre: elle fut toujours pure, immaculée, irréprochable aux yeux du Dieu trois fois Saint...
Je vous salue, ô Marie!...

Il est une créature qui connut ce don de Dieu, qui n,en perdit par une parcelle; une créature qui fut si pure, si lumineuse qu'elle semble être la Lumière elle-même. Speculum justitiae, une créature dont la vie fut si simple, si perdue en Dieu que l'on ne peut presque rien en dire...
Vous êtes toute belle, ô Marie!

Elle se tenait si petite, si recueillie en face de Dieu dans le secret du temple, qu'elle attira les complaisances de la Trinité sainte. Le Père se penchant vers cette créature si belle, si ignorante de sa beauté, voulut qu'elle fût la Mère, dans le temps, ce Celui dont Il est le Père dans l'étenité.

Alors l'Esprit d'Amour qui préside à toutes les opérations de Dieu survint. La Vierge dit son fiat : Ecce Ancilla Domini, Voici la Servante du Seigneur, qu'il me soit fait selon votre parole, et le plus grand des mystères fut accompli. par la descente du Verbe en elle, Marie fut toujours la proie de Dieu.

Il me semble que l'attitude de la Vierge durant les mois qui s'écoulèrent entre l'Annonciation et la Nativité est le modèle des âmes intérieures, des êtres que Dieu a choisis pour vivre au-dedans, au fond de l'abîme sans fond.

Dans quelle paix, quel recueillement Marie se tendait et se prêtait à toutes choses! Comme celles qui étaient les plus banales étaient divinisées par elle; car, à travers tout, la Vierge restait l'adorante du Don de Dieu; cela ne l'empêchait pas de se dépenser au dehors lorsqu'il s'agissait d'exercer la charité.

La Vierge conservait toutes choses ces choses en son coeur. Toute son histoire peut se résumer en ces quelques mots; c'est en son coeur qu'elle vécût, et en une telle profondeur que le regard humain ne peut la suivre.

Quand je lis l'Évangile, je la vois passer si belle, si calme, si majestueuse, si recueillie au-dedans, avec le Verbe de Dieu! Comme Lui, sa prière fut toujours celle-ci : Ecce! Me voici! -Qui?- La Servante du Seigneur, la dernière des créatures, elle sa Mère!

Elle fut vraie en son humilité! C'est qu'elle fut toujours oublieuse, ignorante, délivrée d'elle-même; aussi pouvait-elle chanter: Le Tout-Puissant a fait en moi de grandes choses; désormais les générations m'appelleront bienheureuse.

Nul n'a pénétré le Mystère du Christ en sa profondeur, si ce n'est la Vierge. Comme tous les saints restent dans l'ombre, quand on regarde aux clartés de la Vierge! Le secret qu'elle gardait et repassait en son coeur est inénarrable : nulle langue n'a pu le révéler, nulle plume n'a pu le traduire.

Ô Marie, Ancilla Domini incomparable! Modèle de ceux qui adorent! Cette Mère de grâce va former mon âme, afin que sa petite enfant soit une image vivante, saisissante de son Premier-né, le Fils de l'Éternel, celui-là qui fut, si parfaitement, louange de la gloire de son Père.

Elle va former mon âme, afin que suivant l'exemple de ce Premier-né, Règle divine des adorateurs en Esprit et en Vérité, je puisse rentrer au-dedans de moi-même, y retrouver mon Dieu, la Trinité que j'adore!

Elle peut tout m'apprendre, elle peut m'apprendre à reproduire son Christ, ses joies, ses douleurs, ses gloires, ce Mystère de Dieu qu'il faut vivre totalement, sous peine de ne savoir adorer.

Elle a connu toutes ces joies, ces douleurs, ces gloires : elle est devenue la maîtresse des saints : c'est que chez elle tout se passa au-dedans! Elle avait appris du Verbe lui-même comment doivent croire, aimer, souffrir, adorer en un mot, ceux qu'Il a résolu d'associer au grand Oeuvre de la rédemption : ceux qu'Il a connus et prédestinés pour être conformes à son Christ, crucifié par amour.

Elle est là. au pied de la croix, debout dans la force et la vaillance; et voici mon Maître qui me dit: Ecce Mater tua. Il me la donna pour Mère! Et maintenant qu'Il est retourné au Père, qu'il m'a substituée à sa place sur la croix afin que je souffre en moi ce qui manque à sa Passion pour son Corps qui est l'Église, la Vierge est encore là pour m'apprendre à souffrir comme Lui; pour me faire entendre les derniers chants de son âme que nul autre qu'elle, sa Mère, n'a pu surprendre.

Quand j'aurai dit mon Consummatum est, c'est Marie, Porte du ciel, Janua Coeli, qui m'introduira dans les parvis éternels, me disant tout bas le mystérieuse parole: Laetatus sum...Je me suis réjouie...Nous allons à la maison du Seigneur.

Dans ce travail lent, ardu, mais aussi combien récompensé de la vie intérieure, de la vie au-dedans, c'est Marie qui me soutiendra : j'ai tant de confiance, je vivrai, je serai au sein de mes Trois; est-ce assez ravissant! C'est la Vierge, cet être tout lumineux, tout pur de la pureté de Dieu, qui me prendra par la main pour m'introduire dans le ciel, ce ciel si éblouissant, ciel de foi ici-bas, ciel de gloire là-haut!

Ô Marie, Vierge Immaculée, Mère très pure, tendez-moi la main
et élevez-moi à ces cieux où l'on adore, ainsi, ce Dieu qui vous a élue
pour devenir la Mère des vivants, de ceux qui vivent réellement, parce que,
morts à toutes choses et n'étant plus qu'à Dieu, ils ne sont plus qu'en Dieu.

Le sentiments qui remplissent ces pages, ô Marie ne sont pas encore les miens,
vous le savez et vous le voyez; j'ai essayé de découvrir ici quelque chose
de l'âme de votre fidèle servante, Élisabeth de la Trinité, dans l'espoir de deviner
ce qui devrait aussi remplir la pauvre mienne.

C'est en la fête de votre Présentation, ô Vase, d'élection,
au jour de votre Oblation au temple de Dieu, que cette héroïque chrétienne,
jeune professe du Carmel avait composé sa Prière; et elle,
plongée dans sa contemplation, désormais ininterrompue,
chantait: Ô mon Dieu, Trinité que j'adore!
Ne peut-on pas croire que c'est vous-même qui la lui aviez dictée?

Apprenez-moi, apprenez aux âmes pour lesquelles je l'ai méditée longtemps,
à genoux, le secret de la vivre; afin que chacune d'elles s'essaye à passer son pélerinage ici-bas,
abscondita in Deo, cachée en Dieu. Oh! quel programme! abscondita in Deo,
c'est la séparation de tout le terrestre,
c'est une ascension continuelle vers Lui!

Ver Lui! Ô Marie, Ancilla Domini, tenez ainsi mon regard tourné inlassablement vers mon Dieu.
Qu'il l'adore, qu'il s'unisse à Lui pour habiter en ce Dieu trois fois saint;
qu'il chante dans la vie, dans la mort, dans le temps
et dans l'éternité, l'hymne de gloire :

Saint, Saint, Saint, est le Seigneur Dieu!...
Ô mon Dieu, Trinité que j'adore...