Jouarre CXX
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LETTRE CXX.  AUX RELIGIEUSES DE JOUARRE. A Meaux, ce 5 janvier 1701.

 

Il ne se peut rien ajouter, mes Filles, à la beauté de votre présent. Les témoignages de votre amitié si bien exprimés dans votre lettre, sont d'un ouvrage incomparablement au-dessus, puisqu'il est spirituel et immortel. L'illustre et digne abbesse qui a signé à votre tête, relève le prix d'un si riche présent, et fait souvenir d'une naissance que rien ne peut surpasser que sa vertu. N'oublions pas l'autre illustre abbesse, qui fait si bien voir, en continuant de se joindre à vous, qu'on ne peut jamais oublier Jouarre, et que les sociétés qu'on y contracte ont le caractère de l'éternité. Il ne me reste qu'à vous assurer, mes Filles, que si je souhaite avec impatience le renouvellement des belles saisons, ce n'est pas tant pour voir de nouveaux soleils, que pour contempler dans votre célèbre maison des vertus plus éclatantes que les soleils les plus beaux.

 

LETTRE CXXI.  A MADAME DU MANS. A  Meaux, ce 11 janvier 1701.

 

J'ai peine à croire qu'on ait dit crûment qu'on pèche en entendant la messe en péché mortel. Il y faudrait ajouter, ou avec la volonté actuelle, ou sans aucune volonté de se convertir, ou enfin sans sentiment, sans componction, ni avec un désir de l'exciter.

Quant à la confession, il est vrai que celles qui viennent à ce sacrement avec une présomption qui leur fait regarder l'absolution

 

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comme une chose qui leur est due, quelque indignes de celte grâce que les juge leur confesseur, et se rendent par ce moyen juges du juge donné de Dieu et choisi par elles, sont bien éloignées de la soumission que demande ce saint ministère. C'est contre de tels gens que se tiennent avec raison les discours que vous me marquez. Il est vrai qu'il faut parler avec circonspection, et prendre garde de faire craindre ni les sacrements ni la messe ; ce qui est le plus grand de tous les maux. Nous en dirons davantage quand nous nous verrons. Demeurez ferme dans les pratiques que je vous ai enseignées pour les sacrements et pour la prière : amour, confiance, crainte en même temps, voilà votre vie. Amen, amen. Notre-Seigneur soit avec vous.

 

LETTRE CXXII.  QUESTIONS DE MADAME DU MANS,  AVEC LES RÉPONSES DE BOSSUET.  Ce 27 mai 1701.

 

Je vous supplie, Monseigneur, de vouloir bien avoir la bonté de me répondre aux choses que je vais prendre la liberté de vous exposer.

Première demande. Quelles grâces recevrait, par la confession et l'absolution du prêtre, une personne qui s'approcherait du tribunal de la pénitence après avoir produit un véritable acte de douleur, qui par conséquent lui aurait obtenu le pardon de ses péchés, surtout lorsqu'elle n'est coupable que de péchés véniels.

Réponse. On reçoit avec ces dispositions augmentation de grâces, et force pour les conserver. On satisfait, lorsqu'on est coupable de péché mortel, à la condition de confesser ses péchés, sous laquelle on est remis en grâce. Il ne faut pas regarder cela comme une chose commune.

Seconde demande. Si l'on peut désirer sans aucune condition toutes les vertus dans les degrés les plus éminents, comme une charité parfaite, une humilité profonde, etc., ayant lu qu'on

 

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devait être contente du degré de vertu que Dieu nous accordait, et que l'on devait se réjouir que les autres fussent plus vertueux que nous.

Réponse. On le peut, sans jalousie pour celles qui recevront de plus grands dons.

Troisième demande. Je vous supplie aussi de vouloir m'écrire quelque chose sur Notre-Seigneur Jésus-Christ comme médiateur ; et si nous devons croire que toutes les grâces que nous avons reçues et recevrons dans le temps et dans l’éternité, nous sont accordées par ses mérites, même l'être et la vie que nous possédons; en un mot toutes les grâces spirituelles et temporelles, et la préservation des péchés où Dieu nous empêche de tomber.

Réponse. On reçoit par Jésus-Christ Dieu et Homme les biens même temporels, en tant qu'ils ont rapport au salut. Le reste est inutile à demander, et il suffit qu'on reçoive par lui le bon usage de l'être et de la vie, sans songer au reste.

Quatrième demande. Si c'est un mal que de dire les pénitences que les confesseurs imposent pour pénitences de confession.

Réponse. C'est un mal ordinairement, et sans raison particulière.

Cinquième demande. Si l'on peut accepter des pénitences extérieures imposées par le confesseur ou directeur, sans en rien communiquer à la supérieure, quoiqu'elle prétende et dise qu'on ne le peut sans sa permission, et que la règle porte qu'on ne fera rien sans le lui avoir communiqué : cela est marqué au chapitre qui traite du carême.

Réponse. Le confesseur en peut imposer avec discrétion, dont on ne doit aucun compte ; mais il faut prendre garde que ce soit avec discrétion.

Sixième demande. Si l'on peut payer l'intérêt de l'argent qu'on doit à des mineurs, quoiqu'il n'y ait point de contrat de constitution ni de sentence obtenue ; mais seulement les tuteurs disant qu'ils paient l'intérêt de l'argent qu'ils ont prêté ou qu'ils prêtent, et le demandant pour cette raison.

 

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Réponse. Cela ne se peut qu'en aliénant le fonds.

Septième demande. Si l'on peut faire changer une pénitence de confession, lorsque l'on n'est plus dans le sacrement, quand c'est le même confesseur qui l'a imposée à qui on le demande.

Réponse. Cela se peut, lorsque le confesseur juge qu'il y a des raisons suffisantes pour faire ce changement.

Huitième demande. Si une personne qui irait à un confesseur qui ne serait point approuvé, sans le savoir, serait obligée, l'apprenant dans la suite, de recommencer sa confession.

Réponse. Si on l'a fait de bonne foi, il faut demeurer sans scrupule et en repos.

Neuvième demande. Comment une personne qui ne craint rien tant que de mourir, peut satisfaire à cette obligation qu'un chrétien a de désirer la vie éternelle, et de souhaiter l'avènement de Notre-Seigneur Jésus-Christ ; et si ce souhait s'entend du jugement général ou du particulier, ou de tous les deux ensemble.

Réponse. En disant, comme a fait Notre-Seigneur : Non ma volonté, mais la vôtre. Toute l’Ecriture est pleine de ces souhaits, aussi bien que l'Oraison dominicale.

Dixième demande. Je vous supplie aussi, Monseigneur, de vouloir bien m'écrire un acte pour quand on reçoit Jésus-Christ comme viatique, et un autre pour unir notre agonie et notre mort à la sienne, afin que je les puisse ajouter à la préparation à la mort que vous avez eu la bonté de donner ici il y a plusieurs années.

Réponse. Je crois que vous êtes la résurrection à la vie. Je m'unis à vous, votre corps au mien, votre âme à la mienne, ma vie, mes souffrances et ma mort à votre vie, à vos souffrances, à votre agonie et à votre mort.

Onzième demande. Si l'on peut satisfaire à deux obligations à la fois, comme de dire un bréviaire durant la messe un jour de fête et dimanche, s'acquitter des pénitences de confession, etc.

Réponse. Je le crois, pourvu que ce soient des obligations de même ordre, et que l'extérieur se puisse observer.

 

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Douzième demande. Comme il m'arrive très-ordinairement lorsque j'assiste au chœur, que je crains d'offenser Dieu en n'en sortant pas pour donner ordre à des affaires qui me viennent successivement dans l'esprit, je vous supplie de me marquer si je puis malgré toutes ces craintes ne rien examiner, et demeurer constamment au chœur ; et quand même la force de mon inquiétude me ferait arrêter volontairement à réfléchir sur ce qui me trouble, si je dois plutôt y céder en sortant pour faire ce qui est le sujet de, ma peine, ou bien rester au chœur malgré tout cela, et ne rien recommencer de l'office que j'aurai dit avec ces distractions d'une manière, comme je vous l'explique, volontaire : et afin que vous jugiez de leur nature, je vous dirai que souvent cela regarde, des entrées d'ouvriers et gens de journées, que je ne sais pas dans le temps être nécessaires, et qui cependant se feront dans le temps que je serai au chœur, à moins que je ne donne des ordres contraires. Car il faut vous dire que Madame se repose, sur moi de la plus grande partie de tout ce qui se trouve à faire à Jouarre, et que par là je me trouve chargée d'une infinité d'affaires qui ne sont pas toujours peu importantes, et qui occupent si fort mon esprit, qui a une vivacité déraisonnable sur les choses temporelles comme sur les spirituelles, que cela me remplit en tout temps et me jette souvent dans des perplexités très-grandes : et voilà le sujet de mes peines durant que j'assiste au chœur, parce que je crains ou d'avoir mal fait par le passé, ou de mal faire même dans ce temps-là par des ordres que j'ai donnés, dont l'exécution ne pourrait se retarder qu'en en donnant promptement de contraires. Cependant je ne vois que trop que si j'écoutais une fois cela, il me faudrait sortir très-souvent du chœur, ou passer la plus grande partie, de l'office à examiner si les choses qui m'inquiètent le demandent ; ce qui me jetterait, comme vous voyez, dans de grands inconvénients, et me donnerait une conduite peu régulière, surtout dans la place où je suis. Je, vous supplie, Monseigneur, de me déterminer dans le parti que je dois prendre sur l'exposé que je vous fais.

Réponse. Ne vous embarrassez point des distractions que vous

 

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donnent les affaires : quand vous vous croirez obligée de quitter le chœur, ne recommencez point pour cela ce que vous aurez dit de l'office. On ne vous peut donner d'autre règle, sinon d'aller au plus pressé, et de quitter le chœur seulement quand la nécessité vous semblera le demander. N'ayez point de scrupule de ce que vous aurez fait bonnement. Prenez sur vous ce que vous pouvez pour donner à Madame le repos, la liberté d'esprit, et en un mot le soulagement dont elle a besoin.

Treizième demande. Voilà, Monseigneur, un commencement de mon peu de raison : mais il passe encore à bien d'autres sujets ; car, comme je me suis donné l'honneur de vous le dire, je n'en ai plus dans les choses les plus essentielles de la religion. Et pour en venir au détail, il faut que je vous dise que je doute presque de tout, non point tant d'un doute d'infidélité que d'un doute d'ignorance, ne sachant plus ce que je dois croire ni espérer, etc. Ce doute s'étend même sur mes péchés, ne sachant plus qu'en général que j'ai offensé Dieu bien des fois en ma vie. Mais d'une confession à l'autre, et même quand je veux en venir à des faits particuliers de ma vie passée, je ne sais plus d'aucun, tant du passé que du présent, si effectivement il y a du péché ; ce qui fait que je ne sais ce que c'est que regret d'avoir offensé Dieu.

Je suis tout de même au sujet de la reconnaissance si nécessaire à la piété. Les bienfaits généraux ne me touchent point par un doute qui se rencontre toujours, et qui me fait penser que n'étant pas assurée d'être du nombre des élus, les mystères que Notre-Seigneur a opérés, son incarnation, sa vie, ses sueurs, sa mort, en un mot, tout ce qu'il a fait pour le salut du genre humain n'est pas opéré pour moi, du moins quant à l'efficacité : et lorsque je veux en venir aux bienfaits particuliers, un doute universel se répand sur tout ; de sorte que je n'ose m'assurer d'aucune grâce spirituelle. Si je veux regarder une conduite du moins extérieurement régulière comme un sujet de ma reconnaissance, je pense que n'étant point assurée du motif qui me fait agir, ce n'est peut-être qu'un pur amour-propre qui en est le principe. Si je me regarde exempte de plusieurs péchés grossiers, je pense

 

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que je puis être capable d'un grand nombre de péchés spirituels, comme l'orgueil, etc. Enfin tous ces doutes tarissent en moi la reconnaissance.

Réponse. Vous n'avez pas besoin de tant raisonner : allez de moment à moment ; Dieu vous prêtera de la raison pour chaque chose, pourvu que vous modériez l'empressement. Tous les actes sont compris dans la foi, dans l'espérance et dans l'amour : la reconnaissance des grâces et bienfaits particuliers s'y trouve aussi. Tout cela ne manquera pas de revenir en son temps, pourvu, encore une fois, que vous modériez l'inquiétude.

Quatorzième demande. Lorsque je m'approche du Saint Sacrement de l'autel, une foule de doutes, aussi peu raisonnables que les précédents, me viennent devant et après la communion. D'entreprendre de vous les expliquer, ce serait chose d'une trop longue discussion. Les deux plus considérables sont que je pense toujours que l'hostie que je reçois n'est peut-être pas consacrée, ce qui m'empêche encore d'entrer dans les sentiments de reconnaissance que je dois avoir ; et de plus, que n'étant pas assurée d'avoir reçu le sacrement en état de grâce, je ne le dois pas peut-être regarder comme un bienfait, mais comme la punition de mes péchés précédents, puisqu'il y a des péchés qui sont la peine des péchés mêmes : et quand même j'espérerais l'avoir reçu en état de grâce, ne sachant point les dispositions avec lesquelles je l'ai reçu, je me trouve encore dans un autre doute touchant les grâces qui m'auront été communiquées ; ce qui me cause la même insensibilité au sujet de la reconnaissance.

Réponse. Mettez la foi et l'obéissance à la place de la raison ; passez outre sur ma parole, et rendez-moi cette obéissance.

Quinzième demande. Je vous avoue sincèrement que je ne trouve pas de remède au déraisonnement de mon esprit : mais du moins j'espère que lorsque vous l'aurez bien examiné, vos décisions feront mon repos, et votre raison suppléera à la mienne. Car je crains toujours d'approcher des sacrements dans l'état que je vous marque, et qui ne dure pas seulement lorsque je les reçois, mais qui dure toujours.

 

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Réponse. Votre obéissance vous sauvera.

Seizième demande. Voilà, Monseigneur, le plus grand sujet de mon inquiétude : car je ne serais pas si surprise de me trouver quelquefois dans des états embrouill. s; mais y être toujours, ne savoir ce que c'est que de goûter Dieu, que de le désirer, que de craindre ce qui est à craindre, et d'aimer ce qui doit être uniquement aimé : voilà ce qui m'accable.

Réponse. Dieu sait se faire goûter dans un intérieur où le sens ne pénètre pas.

Dix-septième demande. Voilà, Monseigneur, le grand sujet de ma peine, et de l'appréhension d'être tombée dans l'endurcissement du cœur. Il faut que je vous dise que ce qui l'augmente est que je me trouve entièrement insensible à l'offense de Dieu, si grande qu'elle puisse être; ce que j'expérimente lorsque j'apprends des choses que je ne puis douter être d'énormes péchés. De plus non-seulement j'aime la vie, mais à consulter mon inclination, mis à part les principes de religion, qui me font encore voir ce qu'il faut que je désire, je serais très-aise de ne mourir jamais. Enfin, Monseigneur, pour finir tout, je vous dirai que la seule chose qui me reste est de voir encore, par un principe de raison éclairée par la foi, ce que je dois craindre, ce que je dois désirer; mais cela se termine-là.

En voilà assez pour vous faire connaître combien je suis à plaindre, et pour vous exciter à vous souvenir devant Dieu de mes misères. Je vous supplie, Monseigneur, de me mettre à chaque article à quoi je m'en dois tenir sur l'exposé que je prends la liberté de vous faire, et de me déterminer absolument la conduite que je dois tenir malgré tout ce que je viens de vous marquer.

Réponse. Jésus-Christ est Propitiateur pour les péchés : il lui faut offrir le faible désir de les éviter.

Dix-huitième demande. A l'égard de M. de Saint-André, quoique j’aie pour lui une entière confiance, fondée sur le bon témoignage que vous m'en avez rendu et sur son propre mérite, je suis bien aise encore, -Monseigneur, de dépendre de lui, et de demeurer

 

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sous sa conduite par vos ordres précis. Ainsi je vous supplie de me donner encore en cela le mérite de l'obéissance. Je me suis donné l'honneur de vous dire que j'allais à confesse à lui lorsqu'il venait à Jouarre, et même c'est moi qui le supplie avec l'agrément de Madame d'y venir. Plusieurs personnes se servent aussi de lui, tant pour la confession que pour la conduite. Comme vous avez à présent nommé le révérend P. Thour ont pour extraordinaire, je vous supplie d'accorder cependant que celles qui voudront s'adresser à M. de Saint-André, tant pour la confession que pour la conduite, aient une fois pour toujours là-dessus votre approbation, dont nous ne nous servirons point qu'avec celle de Madame.

Réponse. Je vous mets avec connaissance sous sa conduite : ce que vous me ferez dire par lui de vos peines, trouvera son soulagement par mon ministère : je l'enverrai le plus souvent qu'il sera possible.

Dix-neuvième demande. Je vous supplie de me marquer aussi si l'on peut sans difficulté communier avant que d'entendre la messe, lorsque l'on en entend une dans la matinée, et si l'on est obligé absolument d'en entendre une le jour que l'on communie; ce que je vous demande particulièrement, parce que les troubles qui m'arrivent presque toujours lorsque je dois communier, me mettent hors d'état d'entendre la messe tranquillement; ce qui me fait prendre le parti d'assister à une messe avant ou après, et d'assister comme je peux à celle où je communie, en m'arrêtant à ces troubles.

Réponse. Il faut communier, autant qu'il se peut, à la messe que l'on a eu dessein d'entendre, et non pas avant sans besoin. Laissez aller les distractions leur train, sans vous y arrêter, ni vous fatiguer à les repousser.

Vingtième demande. Si l'on peut prendre des gens à la corvée, ayant trouvé des titres dans les archives, à ce que l'on m'a dit, qui les obligeaient à y venir trois jours chaque année.

Si l'on peut faire entrer les domestiques en dedans le monastère, pour les y faire travailler les jours de fêtes qui se trouvent

 

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dans le temps de la moisson, que l'on ne fêle plus à présent, et celles qui se trouvent dans d'autres saisons, que l'on ne fête plus, comme aussi les séculières à gages et les pensionnaires qui demeurent au-dedans.

Réponse. Usez de la liberté que l'on donne aux autres fidèles.

Vingt-unième demande. Si l'on peut faire de la pâtisserie les jours de fêtes et dimanches, quand cela n'est point cause que l'on perde beaucoup de la grand'messe, et que l'on assiste aussi à vêpres.

Si les jours qu'il est marqué que l'on ne travaillera point qu'après la messe, cela se doit entendre de la grande tant pour les séculières que pour les religieuses, ou bien si l'on peut travailler aussitôt la messe entendue, quelque matin qu'on la dise.

Réponse. Tout ce qui n'est point nécessaire doit être remis à un autre temps, pour peu qu'il détourne ces jours-là du service divin.

Régulièrement c'est de la grand'messe que s'entend la défense de travailler avant la messe, à moins que le travail ne presse beaucoup.

Vingt-deuxième demande. Si l'on peut dire en carême les psaumes graduels et pénitentiaux, le mardi et jeudi avant complies, cet office étant pour le lendemain, ou si l'on peut du moins les dire après complies.

Réponse. Cela est indifférent, et doit être réglé par les affaires qu'on a ou qu'on prévoit.

Vingt-troisième demande. Si l'on peut dire aussi l'office des Morts avant ou après vêpres, quand c'est pour le lendemain, comme le dimanche en carême pour le lundi ; et même avant quatre heures du soir, quand il se trouve quelque raison de commodité pour cela, quoiqu'on puisse le dire en un autre temps.

Réponse. Suivez à cet égard la même règle que je viens de vous donner sur l'autre article.

Vingt-quatrième demande. Si l'on peut dire aussi au chœur

 

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none avant neuf heures du matin, ut vêpres en carême avant dix heures, pour des raisons de commodité plutôt que de nécessité.

Réponse. La commodité, à des personnes fort occupées, tient souvent lieu de nécessité : mais il faut, autant qu'il est possible, ne point trop devancer les heures de l'office canonial; c'est là l'esprit de l'Eglise.

Vingt-cinquième demande. Si lorsque l'on fait l'office d'un saint double, et que l'on dit la grand'messe votive, ce qui arrive ici la Vigile de l'Assomption, l'on doit faire chanter une autre messe de l'office, ce qui se peut par nos chanoines; ou se contenter seulement d'en faire dire une basse, ce qui arrive encore lorsque l'on dit la messe de Requiem à un enterrement.

Réponse. Faites-moi expliquer le cas par M. de Saint-André, et en attendant conformez-vous à l'usage.

Vingt-sixième demande. Comme je me trouve souvent en perplexité ne sachant quel parti prendre, je vous supplie de me marquer si, malgré le principe que les bonnes intentions ne peuvent justifier une chose qui d'elle-même est mauvaise, je puis me déterminer à tel parti que je voudrai, ayant dans moi, ce me semble, une volonté sincère de prendre celui que l'on me dirait être le plus agréable à Dieu si je le connaissais.

Réponse. Oui sans doute, la bonne intention d'un cœur droit, quoique peiné, vaut mieux que tous les scrupules, tant du passé que de l'avenir.

Vingt-septième demande. Les personnes qui ont commis de grands péchés, doivent-elles dans la suite de leur vie communier aussi fréquemment que celles qui ont mené une vie innocente, supposé qu'il n'en demeure aucun reste ; et quand bien même il y en aurait encore, comme par tentation, peuvent-elles user de la fréquente communion?

Réponse. Cela dépend entièrement des dispositions présentes, sans trop s'inquiéter du passé.

La fréquente communion est un remède qu'on peut appliquer

 

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contre les restes du péché, quand on travaille sérieusement à les détruire, et qu'on les voit diminuer.

"Vingt-huitième demande. Quand ces sortes de personnes croient être attirées de Dieu à la fréquente communion, n'est-ce point une présomption?

Réponse. Point du tout, et cela dépend du fruit qu'on en tire : il faut savoir distinguer la confiance d'avec la présomption,

Vingt-neuvième demande. Que si elles sont religieuses, peuvent-elles également suivre les règles établies dans leur communauté pour la fréquente communion?

Réponse. Non-seulement elles le peuvent, mais encore régulièrement elles le doivent.

Trentième demande. Si par malheur c'est depuis leur profession qu'elles sont tombées, peuvent-elles, après s'être relevées de leur chute, garder la même conduite ?

Réponse. Sans doute, après avoir expié leur faute par une sincère pénitence, elles peuvent rentrer dans l'ordre commun.

Trente-unième demande. N'y a-t-il point de distinction à faire entre les fautes commises dans la jeunesse et celles d'un âge plus avancé? Celles qui y sont tombées et sont parfaitement revenues, peuvent-elles communier aussi fréquemment?

Réponse. La distinction de ces fautes entre religieuses n'est pas assez grande, pour donner lieu à des usages et des pratiques fort différentes.

Il ne faut point gêner sur cela celles qu'on suppose et qu'on voit parfaitement revenues.

Trente-deuxième demande. On dit qu'il est d'obligation, sous peine de péché, de choisir toujours dans la nourriture ce qu'on aime le moins. Si cela est, nous nous croyons toutes en péché sans l'avoir confessé, et il nous paraît très-difficile de s'amender.

Réponse. Il y a une obligation générale de mortifier le goût ; mais c'est sans fondement qu'on introduirait cette obligation.

Trente-troisième demande. La règle n'obligeant point à péché,

 

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le mépris est-il dans les fautes de négligence, ou faut-il une volonté de faire le mal pour qu'il y ait du mépris?

Réponse. La trop grande négligence tombe dans le cas du mépris et dans celui du relâchement : c'est ce qu'il faut savoir observer, et distinguer la faiblesse d'avec le relâchement habituel : il faut aussi avoir grand égard au cas du scandale, qui est un des plus dangereux.

Trente-quatrième demande. Les quinze cents livres que l'on prétend avoir payées à M. de la Vallée, ont été mises entre les mains de Madame de Lorraine par les mains de la mère Grenetière, qui les lui a comptées. Elle assure qu'on les a envoyées à Paris par le messager nommé Picard, dans un petit coffre qu'on lui a rendu ensuite rompu ; mais on ne lui donna point aussitôt la quittance, dont voici la copie. Ainsi il n'y a nulle apparence que les quinze cents livres aient été remises entre les mains des personnes qui l'ont signée. Celle qui se dit fondée en procuration assure qu'elle n'en a point eu; et lorsqu'on lui objecte d'où vient qu'elle signe une chose qui n'est point, elle répond qu'on lui promit alors ces procurations, et que la crainte de déplaire lui a fait signer comme les ayant en main. L'on vous supplie, Monseigneur, de vouloir bien dire si nous pouvons en conscience, quoiqu'il n'y ait point d'apparence que l'argent ait été mis entre les mains de ceux qui ont signé, mais bien qu'il a été envoyé à Paris; si nous pouvons, dis-je, malgré cela, en cas que ledit sieur de la Vallée ne veuille point reconnaître avoir reçu cette somme, avoir notre recours sur les personnes qui ont signé la quittance, quoique d'ailleurs celui qui se dit fondé en procuration n'ait qu'un fort petit bien, dont il ne peut retirer une somme de quinze cents livres sans que cela ne l'incommode beaucoup, n'ayant, à ce que l'on m'a dit, que quatre cents livres de rente.

Réponse. Le recours est légitime contre celui qui énonce les deux procurations faites en bonne forme par-devant notaires. La réponse qu'on y donne n'est pas suffisante. Si toutefois on sait d'ailleurs que l'énoncé est faux, il ne faut pas pousser à toute outrance celui qui l'énonce, surtout s'il est aussi pauvre qu'on le

 

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dit. Vous entendez bien qu'on sera condamné contre la Vallée. Il faudrait chercher dans l'étude des notaires d'Orléans les minutes de ces procurations, et les lever, et après cela on prendra nouveau conseil; c'est par où il faut commencer. Notre-Seigneur soit avec vous, et vous donne sa paix.

 

LETTRE CXXIII.  A MADAME DE   LUSANCI. Ce 3 juin 1701.

 

Vous direz à ma Sœur de Sainte-Madeleine que j'attendais qu'elle demandât elle-même ; et que n'ayant pas trouvé à propos de s'expliquer, j'ai appréhendé de faire quelque contre-temps. Du reste je la blâmerais et la condamnerais, si elle se retirait de la fréquente communion: c'est un secours qui lui est absolument nécessaire. Je lui réponds qu'elle fera chose agréable à Dieu; et que plus elle sent d'infirmités, plus elle doit approcher de Celui qui dit : « Venez à moi, vous tous qui êtes peines et chargés, et je vous soulagerai. »

Je la crois obligée de donner quelque temps à quelque conversation douce, familière, libre et innocente, qui se rapporte toujours à Dieu. Si j'ai autrefois donné quelque conseil différent de celui-ci, il était accommodé au temps d'alors, et celui-ci l'est au temps présent.

Loin de la tenir telle qu'elle pense, je la crois très-agréable à Dieu, et je me confirme dans les sentiments que j'en ai toujours eus.

 

LETTRE CXXIV.  A MADAME DU MANS. A Germigny, ce 4 juin 1701.

 

J'approuve, ma Fille, ce que vous avez fait et dit de ma part, sur le sujet des sacrements, à celles qui sont de la qualité que vous me marquez, c'est-à-dire vertueuses et édifiantes, mais avec cela

 

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scrupuleuses : exhortez-les en mon nom à ne se pas laisser rebuter de la fréquente communion.

Pour l'absolution, voici une règle bien claire : c'est qu'on peut recevoir l'absolution du prêtre, toutes les fois qu'on croit avec un juste fondement être en état de recevoir de Dieu même le pardon qu'on lui demande. Or pour se mettre en cet état à l'égard des péchés qu'on nomme véniels et de tous les jours, il suffit d'avoir un désir sincère de faire croître l'amour et d'affaiblir la concupiscence. Sur cela l'on peut obtenir le pardon qu'on demande de ses péchés, et de Dieu hors de la confession, et de ses ministres dans la confession même. Aimez et vivez avec confiance.

 

LETTRE CXXV.  A MADAME DE LUYNES. A Paris, ce 22 juillet 1701.

 

Vous savez, ma Fille, la part que je prends à ce qui vous touche. Je ressens la perte que vous faites en la personne de M. le chevalier d'Albert, dont le mérite connu le rend regrettable. La seule consolation est de se soumettre à la volonté de Dieu, toujours bonne et toujours juste : mais afin que cet acte soit de vertu, et non de nécessité, il faut y joindre le désir de plaire à Dieu, et de croître en charité et en bonnes œuvres. C'est la grâce que je vous souhaite, et celle, ma Fille, de me croire toujours à vous.

 

LETTRE CXXVI.  A MADAME DU MANS. A  Germigny, ce  11 août 1701.

 

Vous pouvez, ma Fille, recevoir les livres; je n'en dis pas autant de l'argent en cette occasion. Quant à ces petites bagatelles, je vous en permets la disposition.

Il sera agréable à Dieu que vous acquériez la liberté de tout dire à Madame votre abbesse, comme à une bonne mère: le temps

 

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achèvera cet ouvrage de simplicité et de soumission. Notre-Seigneur soit avec vous.

 

LETTRE CXXVII.  A MADAME DU MANS. A Versailles, ce 14 mars 1702.

 

Pour réponse à votre lettre du 10, je vous dirai, ma Fille, que j'espère me rendre à Jouarre, non à l'ouverture, mais dans les premières semaines de la mission. Il est bon que les choses soient en train, afin que je puisse voir les dispositions, confirmer le bien commencé, et rectifier ce qui pourrait avoir manqué. J'aurai grand soin de la liberté de la confession, et de choisir pour cela ce qu'il y aura de meilleur dans la maison, puisque c'en est là un des plus grands fruits : je n'oublierai rien de ce qui pourra dépendre de mes soins. Vous pouvez faire part de mes sentiments à nos Filles, et en particulier à ma sœur de Saint-Michel. Le reste se dira mieux en présence. Notre-Seigneur soit avec vous, ma Fille.

 

LETTRE CXXVIII.  A MADAME DU MANS. A  Meaux, ce   21  juin 1702.

 

Pour répondre à vos deux difficultés, je vous dirai au sujet de celles dont les communions doivent être réglées par vos ordres, que dans la conjoncture présente vous ne pouvez pas les empêcher, parce que, encore qu'elles soient suspectes, elles ne sont pas même accusées dans les formes, loin qu'elles soient convaincues : ainsi il faut les laisser faire, comme Jésus-Christ fit à l'égard de Judas, que non-seulement il connaissait, lui à qui rien n'était inconnu, mais contre qui ses murmures et les paroles de Jésus-Christ même donnaient des soupçons si légitimes.

Pour la charge de cellérière, vous ne devez point la quitter, mais y faire votre devoir comme auparavant, en refusant à l'ordinaire

 

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les communions pour d'autres cas que celui qui vient de passer, et abandonnant votre vie à Dieu qui en aura soin avec une ferme foi que Dieu vous soutiendra, et que sa bonté suprême récompensera la piété et la bonne volonté, et pour conclusion la sagesse d'une abbesse qui fait ce qu'elle peut pour établir le bon ordre. Je ne puis croire que ses pieux désirs soient frustrés de l'effet de leur espérance : au contraire les entreprises si atroces de l'ennemi me font croire qu'il sent que Dieu remue quelque chose pour la désolation de son règne. Notre-Seigneur soit avec vous.

 

+  J. Bénigne, év. de Meaux.

 

P. S. Il ne faut point craindre de m'écrire, et de m'avertir de ce qui se passe dans les affaires d'importance.

 

LETTRE CXXIX.  A MADAME DU MANS. A Germigny, ce 10 août 1702.

 

Le rétablissement dont il s'agit est une chose trop sérieuse, ma Fille, pour être fait par une espèce de cérémonie et de compliment de votre part envers moi ; ainsi ne m'en parlez point : cela dépend d'une longue épreuve, et en attendant il faut laisser les choses comme elles sont.

Allez votre train pour l'exécution de votre obédience ; donnez vos ordres à toutes les Sœurs à l'ordinaire. Quand les fautes seront manifestes, usez également envers toutes de l'autorité de votre charge : quand elles seront plus douteuses, il vous est permis d'user de ménagement et de consulter Madame pour exécuter ses ordres.

Pour ce qui regarde les communions, n'en perdez pas une pour tout ce qu'on vous dira; vous ferez la volonté de Dieu. Répondez à celles qui vous parleront que vous agissez par mon ordre exprès, et vous pouvez montrer ma lettre à quelques-unes de celles qui en douteront, afin que tout le monde le sache. Je voudrais bien pouvoir aller à Jouarre; j'espère le pouvoir dans quelque

 

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temps. Notre-Seigneur soit avec vous. Je salue nos chères Filles.

Encore un coup, vos communions ne dépendent pas de quelques cérémonies; ce n'est point ici une affaire de grimaces : j'y ai une attention particulière sous les yeux de Dieu ; et il s'agit du bon ordre de la Maison, auquel il faut que vous cédiez.

 

LETTRE CXXX.  A MADAME DE BARADAT A Germigny, ce 17 octobre 1702.

 

Je trouve le moment, ma Fille, de vous faire la réponse que vous demandez, et je le prends comme donné de Dieu.

Pour seconder, ou plutôt pour soutenir vos bonnes intentions sur le silence, ne vous lassez point : ne cessez de recommander cette observance comme celle d'où dépend la récollection, l'exercice de la présence de Dieu et l'opération de la grâce. Dieu ne parle pas à ceux qui aiment mieux parler aux autres que de l'écouter seul. Si Dieu écoute mes vœux, et me fait la grâce de pouvoir aller à Jouarre, je tâcherai de trouver quelques paroles fortes pour rendre les âmes attentives à Dieu, qui ne demande qu'à parler à ceux qui l'écoutent.

C'est un abus insupportable de s'exempter de l'office, sous prétexte des parents et des amis qu'on aura dans la maison : cela se peut tolérer un jour ou deux à cause de la dureté des cœurs; mais d'en faire une coutume, c'est directement introduire le désordre dans la maison de Dieu.

Je n'ai rien de nouveau à dire sur le travail : c'est un point de règle dont il n'est pas permis de se dispenser.

Je n'ai nul dessein de rétablir la Sœur Rassicot, quand même sa tante remettrait la charge. Sur ce refus, vous ne sauriez mieux faire que d'obtenir de Madame qu'on mette dans cette obédience quelque jeune Sœur, qui puisse apprendre.

Je ne sais comment on n'est point touché de l'uniformité dans les cellules, qui est à mon avis une des choses qui marque le plus l'unité d'esprit si agréable à Dieu : il faut pourtant s'arrêter au

 

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gros, sans trop insister sur ce qui tiendrait trop visiblement de la minutie.

La relaxation du jeune des fêtes doubles ne doit pas être empêchée, si la coutume en est ancienne.

Au surplus souvenez-vous que mon intention n'est pas de vous obliger à pousser tout à la rigueur, mais à faire bonnement ce que vous pourrez. La douceur, l'insinuation, la répréhension à propos, la déclaration de mes sentiments comme conformes à la règle, à la fin, s'il plaît à Dieu, feront quelque chose, pourvu qu'on n'abandonne pas l'œuvre de Dieu.

Il n'y a rien à dire de ma part sur les collations, que dans l'occasion et en présence.

J'ai vu sur le passé les règles que vous a données M. de Saint-André, et je vous dis que vous devez vous y tenir. Vous pouvez sans empressement et sans scrupule, dire à l'occasion des réceptions ce qui vous paraîtra utile et convenable.

Souvenez-vous de dilater votre cœur, et d'y entretenir une sainte liberté. Notre-Seigneur soit avec vous.

 

LETTRE CXXXI.  A MADAME DE LUSANCI, et à plusieurs religieuses attachées au  prélat.  A  Paris, ce 10  février 1703.

 

Je n'ai, mes Filles, aucune bonne raison à vous dire de mon long silence. Il est vrai, beaucoup d'affaires : mais il fallait trouver du temps pour m'acquitter de mon devoir, surtout au sujet de la sainte agape, qui par toutes ses excellentes qualités méritait tant de remerciements. Ma reconnaissance a été sincère et mon cœur plein d'affection ; mais la parole et l'écriture ne devait pas manquer. Pardon, mes Filles, et assurez-vous que vous ne verrez plus de telles fautes.

 

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LETTRE CXXXII. A MADAME DU MANS.  Lundi, 14.

 

Vous serez toujours raisonnante. Ne croyez pas que je vous permette de raisonner autant que vous voudriez avec le médecin : dites simplement vos pensées ; contentez-vous du oui et du non, sans répliquer ; autrement je ne serai pas content : du reste marchez sans crainte. Que voulait dire David : « Si je marche au milieu de l'ombre de la mort, je ne craindrai rien, parce que vous êtes avec moi?» Quand je vous verrai bien obéissante et peu raisonnante, je vous reconnaîtrai pour ma Fille.

 

LETTRE CXXXIII.  A MADAME DU MANS. A Versailles, mardi 29 mai.

 

Agissez, ma Fille, avec simplicité, gardez-vous bien de vous troubler en m'écrivant : ce n'est que le raisonnement contredisant que je ne veux plus souffrir en vous. Quand on vous a une fois bien entendue, et qu'on vous a donné une décision, il n'y faut plus revenir; Dieu l'a ainsi agréable : si vous faites l'impossible, tant mieux. Je ne veux en vous de raisonnement que pour vous soumettre : je permets le raisonnement des doigts très-volontiers, surtout quand ce sera pour chanter le Cantique delà confiance. Vous voyez bien que j'ai lu votre épigramme. J'ai lu aussi le sonnet, dont le sens est bon : les règles ne sont pas tout à fait gardées; mais il n'importe pas beaucoup, puisque vous vous déclarez contre les occupations poétiques. Je prie, ma Fille, Notre-Seigneur qu'il soit avec vous.

 

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LETTRE CXXXIV. EXTRAITS DE PLUSIEURS LETTRES. A MADAME DU MANS. A Meaux, ce 30 décembre 1693.

 

Votre double troupeau soit béni de Dieu. Ne songez pas tellement à vos novices, que vous ne disiez encore au Sauveur: « J'ai d'autres brebis qu'il faut que j'amène: » priez Jésus de les amener à lui. Je suis bien aise qu'elles commencent à se rendre plus dociles.

 

A MESDAMES DU MANS ET DE RODON. A Meaux, ce 12 avril 1694.

 

Voilà, mes Filles, ma Sœur Cornuau que je remets entre vos mains : conduisez-la bien, et ne lui laissez pas faire sa volonté : ce n'est pas aussi ce qu'elle cherche ; mais sans qu'on la cherche elle ne revient que trop.

 

A Meaux, ce 14 avril 1695.

 

J'étais bien aise, ma Fille, à la dernière réception, de faciliter toutes choses : je n'agirai pas toujours de même. Dites franchement au chapitre ce que votre conscience vous dictera. Si ma Sœur Barbier demeure toujours incertaine, et qu'elle ne s'affermisse pas, je doute qu'on la puisse recevoir.

Ne quittez point la communion ; abandonnez-vous à la divine miséricorde. Quand communierez-vous, si vous attendez que vous en soyez digne? Prenez courage.

Une autre fois n'acceptez plus d'être marraine : pour cette fois j'accorde tout.

 

A Meaux, ce 24 avril 1702.

 

Je vous adresse cette lettre pour les trois dont vous m'envoyez les remercîments, dont je suis très-édifié.

 

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Je n'en ai pas trop dit sur les fréquentes visites inutiles des ecclésiastiques : je n'ai parlé qu'en général, et je ne descendrai au particulier qu'avec circonspection. Je vous loue de la charité que vous avez pour Mademoiselle Nacart. J'exhorte toujours vos novices à aimer l'humiliation et la correction.

 

A Germigny, ce 11 juin 1702.

 

Je prie Dieu, ma Fille, qu'il vous protège contre les fureurs de l'enfer. Je commence plus que jamais à espérer quelque grand bien, puisque le démon déploie tout ce qu'il a de plus malin. J'envoie M. le prieur du séminaire, à qui vous pouvez parler avec confiance, comme j'ai fait sur les personnes dont je me défie. En de telles occasions il faut être soupçonneuse, pour empêcher le mal qu'on est obligé de chercher. Je suis assuré que vous tiendrez le cœur pur par la charité.

 

A Germigny, ce 17 octobre 1702.

 

Je prie Notre-Seigneur qu'il soit avec vous, qu'il vous donne sa paix, qu'il vous rende toujours attentive à ses moments, qu'il vous tienne dans le silence intérieur et extérieur, qu'il vous le fasse aimer dans vous-même et dans les autres, et qu'il vous fasse porter à l'exemple de saint Luc la mortification de Jésus.

 

A Germigny, ce 21 octobre 1702.

 

Recevez sans hésiter les bons sujets : il les faudra précautionner contre les mauvais exemples, et leur montrer les bons. On dit que des deux converses qui se présentent, il y en a une dont il n'y a rien de bon à espérer. Je voudrais qu'on ne la proposât pas : en tout cas, il n'y a pas lieu de la recevoir.

 

FIN DES LETTRES A L’ABBESSE ET AUX RELIGIEUSES DE l'ABBAYE DE JOUARRE.

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