Lettres Mme de Maisonfort IX
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LETTRE IX.  A Paris, 24 juin 1697.

 

Je crois avoir oublié à Meaux, dans un tiroir bien fermé, la lettre où étaient vos difficultés sur mon livre. Ainsi, ma Fille, si vous désirez une réponse prompte, renvoyez-les-moi. Pour vos autres lettres, mettez tout dans l'abime de la miséricorde de Dieu, et ne songez point à des confessions générales. J'approuve tort la méthode de surmonter le scrupule en communiant ; et quand cette action est suivie du calme, c'est bon signe.

Ne soyez jamais en peine de votre oraison ; songez au fruit ; devenez petite ; aimez les petites observances comme les grandes, c'est-à-dire les cheveux et jusqu'aux souliers de l'Epoux, et les franges comme les habits. Si vous ne devenez petite, mais très-petite, les sublimités de l'oraison vous seront ôtées ; il n'y a de sublimité que celle qui nous rend plus humbles: voilà le premier point que j'attends de votre conversion. L'autre, laissez-là Saint -Cyr, et le monde qui l'environne, avec l'éclat qui en rejaillit malgré la retraite et l'air même qu'on y respire : que Madame de Maintenon ne tienne plus de place dans votre cœur ; renouvelez-vous à l'intérieur et à l'extérieur. Tous ces honorables liens du monde captivent insensiblement le cœur que Dieu veut affranchir. Soyez libre en Jésus-Christ ; souvenez-vous de ces petitesses, et croyez qu'une partie de la croix qu'il veut vous imposer sera là-dedans. Noyez les scrupules dans la confiance.

 

LETTRE X.  A Germigny, 16 mars 1698.

 

.....Quant aux autres dispositions, il faut tâcher de les laisser au-dessous de soi, du moins à côté, sans leur permettre d'entrer dans l'intime. Il y faut même plus de mépris que de combat, et sur tout cela se contenter d'un abandon général à Dieu, sans plus de curiosité ni de recherche. La meilleure disposition en général, à l'égard des créatures pour lesquelles on pourrait avoir actuellement

 

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ou du dégoût ou du goût, ou du dédain ou de l'indifférence, c'est de laisser tout cela être ce qu'il est, c'est-à-dire rien, et comme chose qui s'écoule en pure perte, sans s'en troubler ou inquiéter. Je vous verrai, s'il plaît à Dieu, avant mon départ. Notre-Seigneur soit avec vous.

 

LETTRE XI.  A Meaux, 22 avril 1699.

 

Je ne puis partir, ma Fille, sans vous recommander de plus en plus la simplicité.

..... Ces désappropriations des dons de Dieu ne sont que raffinement. Je sais que les spirituels des derniers siècles se sont servis de ces termes ; mais si on ne les entend sainement, on tombe dans de grandes erreurs. C'est une vérité constante, qu'on n'est uni à Dieu que par ses dons. La sainteté, la justice, la grâce sont des dons de Dieu ; ce sont des moyens par lesquels ont le possède. Songer à s'en détacher, c'est songer à se détacher de Dieu même. J'en dis autant de la foi, de l'espérance et de la charité. On ne peut être agréable à Dieu que par ces vertus, qui sont autant de dons de Dieu. Ces unions immédiates avec Dieu, tant vantées par beaucoup de mystiques, même par les bons, sont une illusion, si on les entend mal. Il n'y a qu'un seul moyen de les bien entendre, et de se désapproprier des dons de Dieu ; c'est en évitant, comme l'écueil de la piété, de se les attribuer à soi-même. Mais si on les prend comme venant du Père des lumières, on en est suffisamment désapproprié. On peut s'en détacher encore d'une autre manière ; c'est de ne les pas chercher pour le plaisir qui nous en revient, mais pour la vertu qu'ils ont de nous unir à Dieu même, puisqu'il ne s'unit à nous que par ses dons. Encore y a-t-il une céleste et victorieuse et foncière délectation, dans laquelle consistent la grâce et la charité ; et s'en détacher, c'est se détacher de la charité et de la grâce, c'est-à-dire de Dieu même. Croyez, ma Fille, que toute autre doctrine n'est qu'illusion. Il en faut toujours revenir aux idées simples, qui sont celles de l'Ecriture.

 

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Mettez-vous sérieusement dans la lecture de l'Evangile, et prenez les idées que vous donnera la simple parole ; vous vous en trouverez bien : je m'en rapporte à l'expérience que vous en ferez. C'est de quoi je vais traiter à fond avec vous à mon retour, et entrer non. Seulement dans tous vos doutes, mais encore intimement dans toutes vos peines, pour petites qu'elles soient. Notre-Seigneur soit avec vous.

 

LETTRE XII.  Le 1er de mai 1700.

 

I. Demande.

 

Comme on rapporte de diverses personnes qu'elles étaient dans une actuelle et continuelle présence de Dieu, au moins pendant qu'elles veillaient, j'aurais quelque penchant à croire que Dieu fait cette grâce à quelques âmes.

 

Rép. — Cela se peut, mais je n'en sais rien.

 

II. — Demande.

 

Il est rapporté de la Mère de l'Incarnation, Ursuline, que rien ne la pouvait distraire de son union avec Dieu, ni les travaux, ni la conversation, ni la nuit, ni le jour.

 

Rép. — Je crois que ces âmes ont souvent des distractions dont elles ne s'aperçoivent pas; mais comme elles ont une grande facilité à revenir à Dieu, on en conclut, etc.

 

III. — Demande.

 

Elle dit elle-même : « Je me vois par état perdue dans la divine majesté, qui depuis plusieurs années me tient dans une union que je ne puis expliquer.....Il y a près de cinquante ans que Dieu me tient dans cet état..... Ce que je fais à mon oraison actuelle, je le fais tout le jour, à mon coucher, à mon lever et ailleurs. »

 

Rép. — Si sa disposition avait été un acte direct et continu, elle aurait dû ignorer son état ; car ce ne peut être que par réflexion qu'on sait tout ce que cette Mère démêle ici.

 

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IV. — Demande.

 

Je n'ai lu que quelques endroits de la Vie de cette religieuse; mais par ce que j'en ai vu, il m'a paru que cette union, quoique continuelle, ne l'empêchait pas de s'exciter aux actes distincts.

 

Rép. — Cela est vrai.

 

V. — Demande.

 

Il est dit et souvent répété dans la Vie du bienheureux Grégoire Lopez, qu'il était dans un acte perpétuel et continuel d'amour de Dieu, et dans une conversation qu'il eut avec un de ses amis, à qui il fit cette confidence, il dit qu'il connaissait une âme qui, depuis trente-six ans, n'avait pas discontinué un seul moment de faire de toute sa force un acte de pur amour de Dieu.

 

Rép. — Si cela est, il n'a pas péché ; et en effet il disait à son confesseur : Mon Père, par la grâce de Dieu, je ne me souviens pas de l'avoir offensé. Mais c'est discontinuer de faire un acte direct, de revenir sur son état. Je ne dis pas qu'on ne puisse avoir une certaine sorte de présence de Dieu qui peut, quoiqu'on la nomme simple, compatir avec de délicates réflexions.

 

VI. — Demande.

 

Il est rapporté dans la Vie de Grégoire Lopez, qu'un grand et savant prédicateur, nommé le P. Jean de Saint-Jacques, l'étant allé trouver pour lui parler sur ce sujet, Dieu fit en lui quelque chose de semblable à la disposition de Grégoire Lopez; et par une lumière intérieure, il lui fit connaître que c'était là la manière dont Grégoire Lopez l'aimait de toutes ses forces, sans qu'aucune chose créée put empêcher cet acte d'amour, et qu'en cette sorte il était compatible avec les œuvres extérieures, faites par obéissance ou autrement pour la gloire de Dieu.

 

Rép. — On ne peut répondre de ce que Dieu a fait dans certaines âmes, il est le maître de ses dons: mais elles ont dû être toujours dans la disposition de n'exclure aucun des actes essentiels au chrétien; on ne doit en aucun moment les exclure, il faut toujours être disposé à les faire.

 

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VII. — Demande.

 

Quoiqu'il soit rapporté à la page 293 de la Vie de ce saint homme, qu'il disait qu'il ne pouvait faire autre chose, si Dieu ne lui en donnait le moyen, il est  rapporté en d'autres endroits qu'il faisait divers autres actes, à quoi il paraît qu'il s'excitait, sans attendre d'inspirations particulières : ainsi il fallait que son acte continu fût bien différent de celui des nouveaux mystiques.

 

Rép. — Il est vrai.

 

VIII. — Demande.

 

A la page 295 et à la suivante, il est rapporté qu'il ne croyait  pas que nulle pure créature, excepté la sainte Vierge, demeurât toujours dans une sorte d'union à Dieu fort parfaite, quoique dans l'union ordinaire, telle que celle dont il avait plu à Dieu de le favoriser, il pût bien y avoir une continuelle persévérance.

 

Rép. — Je suis bien persuadé que la sainte Vierge a été unie à Dieu d'une manière très-éminente : mais on ne sait point au vrai comment Dieu l'a mue, et quelque passive qu'ait été sa voie, elle n'a laissé d'être méritoire ; car Dieu, quand il lui plaît, laisse la liberté dans les états passifs, comme il est croyable qu'il la laissa à Salomon dans ce ravissement où il choisit la sagesse, puisque Dieu le récompensa de ce choix.

Quelquefois aussi Dieu y agit avec une pleine autorité ; et quoique l’âme alors ne mérite point, cela ne laisse pas de lui être très-utile, parce que Dieu par là, en la captivant, la prépare et la dispose à des actes très-parfaits.

 

IX. — Demande.

 

Grégoire Lopez était, comme saint François de Sales et d'autres que vous citez, Monseigneur, bien éloigné d'attacher la perfection aux états passifs. Cette Vie m'a paru d'une assez grande autorité ; car outre ceux qui ont approuvé la traduction, le chapitre XXXVIII contient neuf ou dix tant éloges de la vertu de ce saint homme qu'approbations du livre, et il y a six ou sept évêques. Ainsi j'ai été surprise que vous n'ayez pas cité ce livre.

 

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Rép. — Je n'ai pas eu besoin de cette autorité ; celle de l'Ecriture m'a paru encore plus grande.

 

X. — Demande.

 

Dès que dans le temps convenable on fera les actes distincts à quoi le chrétien est obligé, et qu'on ne voudra point exclure de l'état de la contemplation ni les Personnes divines, ni aucun des attributs, ni les mystères de Jésus-Christ; et que, comme il est dit dans les Articles d'Issy XXIV et XXXIV, on sera persuadé que tout ce qui n'est vu que par la foi est l'objet du chrétien contemplatif : vous ne blâmeriez pas, ce me semble, que dans l'oraison on suive son attrait, n'occupât-il toujours dans le temps de l'oraison actuelle que du même objet.

 

Rép. — Je ne blâme point cela ; il suffit de ne point exclure.

 

XI. — Demande.

 

La Mère de l'Incarnation disait que quelquefois elle voulait se distraire pour s'occuper des mystères, mais qu'aussitôt elle les oubliait, et que l'esprit qui la conduisait la remettait plus intimement dans son fond.

 

Rép. — Je crois bien que cela était ainsi. Quand on est dans la disposition de ne point exclure les autres actes, ils viennent, quand même on ne s'en apercevrait pas.

 

XII. — Demande.

 

Dans la définition de l'état passif, vous dites, Monseigneur, que l’âme demeure alors impuissante à produire des actes discursifs; il me paraît que cela n'est pas toujours de la sorte.

 

Rép. — Cette impuissance n'est pas toujours absolue.

 

XIII. — Demande.

 

Il paraît par divers endroits des écrits de saint François de Sales, qu'il voulait que certaines âmes se contentassent, lorsqu'elles apercevaient de la distraction dans leur oraison, de revenir à Dieu par un simple retour, et que de ramener ainsi leur esprit à Dieu était le seul effort qu'il voulait qu'elles fissent alors.

 

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Rép. — Ce simple retour est très-suffisant ; c'est l'acte le plus effectif: souvent les autres ne sont que dans l'imagination.

 

XIV. — Demande.

 

Supposé que ce simple retour ne fût pas suffisant dans certains temps que l'attrait s'est retiré, vous ne demanderiez pas que ces âmes en revinssent à la méditation, mais qu'elles se contentassent de faire de petits actes courts de temps en temps.

Réf. — Non à une méditation méthodique ; mais quand l'opération de Dieu cesse, et qu'on a besoin du discours, il faut y revenir, et c'est y revenir que de faire ces actes courts. Ce qu'on a condamné dans la XVIe proposition (a), c'est qu'il est dit qu'alors l’âme n'a plus besoin de revenir au discours. Or, quand Dieu laisse les âmes à elles-mêmes, il faut bien qu'elles s'excitent, et au lieu de dire, toutes les fois qu'une âme de cet état, l'auteur aurait dû dire, ordinairement.

 

XV. — Demande.

 

La Mère de Chantal voulait que ces âmes se contentassent, quand elles ne sentaient plus d'attrait, de dire de temps en temps quelque parole d'abandon et de confiance, et de demeurer en révérence devant Dieu.

Réf. — Je ne blâmerai jamais cela.

 

XVI. — Demande.

 

Je comprends bien, Monseigneur, que sans les oraisons extraordinaires on peut parvenir à une grande pureté d'amour, et que la purification des péchés n'est point attachée à ces oraisons.

Réf. — Cela est certain.

 

XVII. — Demande. Mais cet épurement des puissances de l'âme, qui est si bien

 

(a) La XVIe proposition condamnée par le Bref d'Innocent XII contre le livre des Maximes.

 

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expliqué au cinquième livre des Etats d'oraison, pourrait-il se faire sans la contemplation ?

 

Rép. — C'est dans la contemplation que se fait cet épurement ; c'est là proprement l'acte de contemplation, cet acte pur, simple et direct : mais sans la contemplation, on peut avoir une très-grande charité, en quoi consiste la vraie perfection.

 

XVIII. — Demande.

 

Je n'entends pas bien pourquoi la proposition XIII (d'Issy) joint à la vie la plus parfaite l'oraison la plus parfaite, parce qu'en expliquant cet article, vous marquez que l'intention de cette proposition est de montrer aux quiétistes, qui s'imaginent être les seuls qui connaissent la simplicité, la manière dont tous les actes se réduisent à l'unité dans la charité.

 

Rép. — L'oraison et la vie la plus parfaite peuvent être séparées, supposé que l'oraison la plus parfaite soit l'oraison passive. La fin de cette XIIIe proposition n'a pas été de marquer que ces deux choses sont inséparables, ni de distinguer les parfaits des imparfaits par la réunion des vertus dans la charité, puisque tous les actes méritoires dans les justes doivent être commandés par la charité : mais les parfaits sont plus fidèles que les autres à rapporter à la charité les actes des vertus inférieures. C'est la vertu universelle, qui comprend sous soi tous les objets des autres vertus, pour s'en servir à s'exciter et à se perfectionner elle-même : mais les parfaits, quoique plus rarement que les imparfaits, font quelquefois des actes de vertu qu'ils ne rapportent pas à la charité, et qui ne sont pas commandés par elle.

 

XIX. — Demande.

 

Il est dit (livre X, article XV) qu'une âme continuellement passive ne pourra pécher, même véniellement.

 

Rép. — Cela est vrai.

 

XX. — Demande.

 

Mais ne pourrait-elle pas résister à cet attrait ?

 

Rép. — Dès qu’elle y résisterait, elle ne serait plus passive.

 

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XXI. — Demande.

 

Ou si Dieu agit avec une pleine autorité, comment cet état est-il méritoire? La sainte Vierge, qu'on suppose dans cet état, est pourtant parvenue à un si haut degré de mérite.

 

Rép. — Cet état n'est pas méritoire, lorsqu'on n'y a pas l'usage de son libre arbitre; mais quelquefois on y agit avec liberté. L'état de la sainte Vierge était méritoire, et au-dessus de tout ce qu'on en peut dire.

 

XXII. — Demande.

 

Je sais, Monseigneur, que vous dites en quelque endroit que le libre arbitre agit dans la passiveté ; qu'il y a certaines actions tranquilles que l'aine y exerce; que cela suffit pour y mériter; que la liberté se conserve même quelquefois dans les extases et les ravissements.

 

Rép. — Tout cela est vrai.

 

XXIII. — Demande.

 

Ainsi ma difficulté, c'est qu'il est dit dans votre livre, comme je viens de le marquer, qu'une âme toujours passive ne pourrait déchoir de la grâce.

 

Rép. — Quand on pèche, on cesse d'être passif; ce n'est plus alors Dieu qui meut l’âme.

 

XXIV. — Demande.

 

L'article VIII (d'Issy ) dit que l'Oraison dominicale est l'oraison journalière de toute âme fidèle. Cela se doit-il entendre à la rigueur ? Il est rapporté de la Mère de l'Incarnation, Carmélite, qu'elle ne pouvait dire un Pater de suite, et il me semble que cela se dit encore de quelques autres.

— Il est vrai ; mais elle avait intention de le dire, elle en disait le principal. Quelqu'un qui manquerait quelquefois de dire le Pater, parce qu'il serait occupé d'autres bonnes choses, et parce qu'il n'y penserait point, ne pècherait pas ; mais il n'en serait pas de même de celui qui ne voudrait pas le dire.

 

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XXV. — Demande.

 

Il est rapporté dans la Vie de la Mère de Chantal qu'à la messe, pour préparation et action de grâces de la communion, elle demeurait dans la simple union à Dieu.

 

Rép. — Je ne blâme point tout cela.

 

XXVI. — Demande.

 

Elle dit qu'ayant voulu dans le temps de la communion, faire des actes plus distincts, Dieu l'en avait reprise. Je crois donc, Monseigneur, que ce que vous blâmez est un certain laisser faire Dieu, qui exclut par état la propre excitation.

 

Rép. — Oui.

 

XXVII. — Demande.

 

Je crois de même que ce que vous désapprouviez par rapport à la contrition, c'est de ne vouloir jamais s'y exciter ; mais que vous n'exigeriez pas toujours d'une personne, qui, loin de faire profession de haïr le péché en la manière que Dieu le hait, sans douleur, sait au contraire qu'on doit s'en affliger, et s'en afflige; qui va, dans la résolution de ne le plus commettre, chercher le pardon dans le sacrement de pénitence; vous n'exigeriez, dis-je, pas toujours d'une telle personne qu'allant à confesse, elle fit des actes distincts de contrition, puisque, lors même qu'elle serait demeurée dans son recueillement, il serait à supposer qu'elle aurait eu dans le fond du cœur vraiment la contrition.

 

Rép. — Cela est vrai.

 

XXVIII. — Demande.

 

Dans une de mes anciennes lettres, je vous demandais comment un pécheur, que Dieu convertirait miraculeusement à la mort, pourrait en un moment faire tous les actes distincts que Dieu a commandés. Vous répondez que Dieu ne convertira jamais parfaitement aucun homme, sans lui faire faire distinctement divers actes que vous expliquez. Mais par l'article v du livre IV

 

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de votre livre, il semble que, dans certaines circonstances, un acte d'amour peut suffire à la justification du pécheur.

 

Rép. — C'est qu'il y a des occasions où un acte d'amour, sans songer en particulier à regretter un péché qu'on aurait commis, ne laisserait pas de justifier.

 

XXIX. — Demande.

 

Dans une autre de vos réponses, parlant sur l'oraison de simple présence de Dieu, vous dites que, quand Dieu retire un long temps son opération, c'est alors le temps de s'exciter comme les autres fidèles. Ces actes courts que pratiquait et que conseillait la Mère de Chantal ne suffiraient-ils pas ?

 

Rép. — Oui : les actes les plus longs ne sont pas les meilleurs. J'aime la simplicité, et je conviens de ce que disait cette Mère.

 

XXX. — Demande.

 

Je n'entends pas tout à fait bien ces mots de l'article XIII du livre II : La raison essentielle et constitutive de Dieu..... et ces autres-ci : Dans un acte de simple et pure intelligence.

 

Rép. — Ce mot raison, qui vous a paru obscur en cet endroit, est un terme de l'Ecole, qui signifie ce qui donne la forme à une chose, qui l’a fait être. J'ai marqué à cet endroit du livre, que dans l'Ecole on n'est pas d'accord de la notion qu'il faut avoir de ce qui fait proprement l'essence divine.

Un acte de simple et pure intelligence est un acte où l'imagination n'a point de part.

 

XXXI. — Demande.

 

Je n'entends pas bien non plus, à l'art, XLIX du livre VI, ces mots d'un passage de saint Clément d'Alexandrie : L’âme parfaite ne médite rien moins que d'être Dieu.

 

Rép. — par participation.

 

XXXII. — Demande.

 

L'oraison que saint François de Sales appelle Oraison de patience, et celle qu'on nomme proprement Oraison de pure foi,

 

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n'est-ce pas la même chose? l’âme alors non-seulement ne raisonnant ni ne discourant plus, mais étant privée de tous les goûts.

 

Rép. — Cette oraison est celle que le Saint explique en se servant de la comparaison de la statue. Dans cette oraison, les actes sont insensibles ; on les croit perdus, mais ils ne le sont pas.

 

LETTRE XIII.  A Paris, 1er mars 1700.

 

J'ai, ma Fille, reçu vos deux lettres, dont la dernière m'apprend la peine que souffre notre sœur N. de la privation de ma réponse. Je lui écris par cet ordinaire, et ne cesse de l'offrir à Dieu. J'ai vu Madame de Villette, à qui j'ai raconté la grande mention que nous avions souvent faite d'elle, et que vous en faisiez dans votre dernière lettre. On met en vogue dans cette maison, toute sorte d'amitiés. Pour vous, ma Fille, consommez l'œuvre de Dieu en vous. Pour l'oraison, laissez-vous aller ; et croyez que le sceau de la vérité, c'est la mortification intérieure et extérieure, dont l'humilité est le fondement. Prions avec confiance les uns pour les autres. Votre salut m'est très-cher.

 

LETTRE XIV. Mai 1701.

 

La circonspection que je vous demande vous mène de soi-même à la perfection du christianisme, et à un entier détachement des créatures. Il n'y en a point d'assez attirante auprès de vous, pour vous faire de la peine. Je vous ai parlé à fond par une véritable amitié. Il est de la dernière conséquence que rien n'échappe de notre dernier entretien. Quand on tourne les avis en éclaircissements et en justifications, on en perd tout le fruit, et on les tourne en aigreur. Je suis à vous, ma Fille, de tout mon cœur. Je ne veux point vous mettre dans la gêne; il suffit d'avoir une fois bien compris ce qu'on a à faire : le reste se fait comme tout seul par la suite de cette impression.

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