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LETTRE LXII.  BOSSUET A M. BRISAClER, SUPÉRIEUR DU  SÉMINAIRE DES  MISSIONS ÉTRANGÈRES.  De Meaux, ce 13 septembre 1701.

 

Une fausse miséricorde et une fausse sagesse inspirent à certains savants l'inclination d'étendre la vraie religion sur plusieurs peuples, autres que celui que Dieu lui-même a choisi. Ils s'imaginent qu'ils dégraderaient la Divinité, s'ils la réduisaient à ce seul peuple ; et au lieu d'adorer en tremblant les secrets et impénétrables jugements de Dieu, qui livre toutes les nations à l'idolâtrie, à la réserve de celle qu'il a séparée des autres par tant de

1 Sozom., lib. II, c. XII. — 2 Lib. I, de Divin.

 

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prodiges, ils cherchent à obscurcir la sainte rigueur qui veut convaincre l'homme par expérience de son aveuglement, afin qu'il soit plus capable de comprendre d'où lui venait la lumière. C'est ce que ces savants curieux et vains ne veulent pas entendre. A quelque prix que ce soit, ils entreprennent de sauver les Perses, les Ethiopiens, les Indiens et plusieurs autres nations. Les Chinois, qu'on a voulu épargner, ont animé les esprits à cette dispute. La censure de la Faculté contre leurs défenseurs, a donné occasion de publier un vœu qui a été prononcé par un docteur de Sorbonne, dans les délibérations où eUe a été résolue. L'auteur s'attache principalement à justifier par l'Ecriture la religion des anciens Perses ; et quoiqu'il ait désavoué l'impression de son vœu et se soit soumis d'ailleurs à la censure qui en rejette la doctrine, il est bon de joindre la raison à l'autorité d'une Faculté si célèbre, pour ne pas laisser subsister des preuves qui pourraient induire les gens mal instruits à des erreurs où toute l'économie de la religion est renversée. Mais avant que d'entrer à fond dans cette réfutation, et dans la discussion des autres matières qui regardent la religion de quelques anciens peuples, je proposerai en abrégé la doctrine de saint Athanase sur les causes et l'étendue de l'idolâtrie, ainsi qu'elle est contenue dans les deux discours de même dessein et de même suite, qui sont à la tête de ses ouvrages, dont l'un a pour titre : Contre les Gentils ; et l'autre : De l'Incarnation du Verbe.

Il enseigne donc que la cause de l'idolâtrie, c'est que l'homme ayant quitté par le péché la contemplation de la nature divine invisible et intellectuelle, s'est plongé entièrement dans les sens ; en sorte qu'il est incapable d'être frappé d'autres objets que des objets sensibles : d'où il est venu à l'oubli de Dieu, à adorer le soleil, les astres, les éléments, les animaux, les images même, les passions et les vices, et enfin toute autre chose que Dieu (1).

Cette erreur s'est répandue par toute la terre, mais en telle sorte qu'encore que tous les peuples aient été plongés dans l'idolâtrie, ils ne sont pas pour cela convenus des mêmes dieux, chaque nation s'étant fait le sien comme elle a voulu (2). Ainsi

 

1 Oratio contra gentes, n. 9, 11-13, etc. — 2 Ibid., n. 23.

 

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autant qu'il y a eu de peuples divers, autant on a imaginé de dieux. Les pays et les villes se sont partagés. Les Phéniciens ignorent les dieux que l'Egypte adore : les Scythes ne connaissent pas les divinités des Perses, ni les Perses celles des Syriens, ni les Indiens celles des Arabes, ni les Arabes celles des Ethiopiens, ni les Grecs celles des Thraces, ni ceux-ci celles des Arméniens; et ainsi des autres, dont saint Athanase fait un grand dénombrement, pour nous faire voir que tous les peuples conviennent dans l'idolâtrie, sans pour cela convenir des mêmes dieux. Au contraire ceux qui sont en exécration aux uns, sont en honneur chez les autres : les uns immolent comme victimes ce que les autres honorent comme dieux : on en est même venu jusqu'à immoler son semblable par une inhumanité dont ce Père allègue beaucoup d'exemples (1) ; et il serait aisé de montrer cet usage barbare parmi presque tous les peuples de l'univers.

Voilà donc parmi les idolâtres tous les peuples du monde, sans exception aucune. Les Perses, les Ethiopiens, les Indiens y sont compris comme les autres, et les Grecs avec les Barbares (2).

Il ne réserve que le peuple qui a reçu la loi de Dieu (3). Il fait voir que l’âme s'oublie elle-même, et qu'elle ne conçoit plus que Dieu l'a faite à son image, par où elle eût dû être amenée à la connaissance du Verbe; et il ne connaît pour vrais adorateurs que ceux qui en sont ornés (4).

n donne pour principe assuré qu'avoir plusieurs dieux, c'est n'en avoir point ; et qu'ainsi l'idolâtrie étant partout, conséquemment il y a partout une espèce d'athéisme (5).

Dans cette inondation de l'idolâtrie, il observe toujours avec soin l'exception qu'il faut faire en faveur des Juifs, comme de ceux à qui les idoles sont expressément défendues, et à qui la connaissance de Dieu et de son Verbe Jésus-Christ Notre-Seigneur a été donnée, tenant pour des insensés ceux qui ne connaissent ni l'un ni l'autre (6).

Je passe au second discours, de l'Incarnation du Verbe, où

1 Oratio contra gentes, n. 24, 25, p. 23 et seq. —  2 N.9, 24; ibid., n. 9,24. — 3 Ibid. n. 27, 30; ibid., p. 26 et 29. — 4  N. 33, 34. — 5 N. 38, ibid., p. 36 et seq. — 6 N. 30, 45-47 ; ibid., p. 44 et seq.

 

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saint Athanase pose pour fondement que ce n'est pas connaitre Dieu que de ne pas connaitre la création, et d'assujettir la Divinité à ne rien faire que d'une manière (1) (c'était l'erreur universelle, on croyait  que les astres et les corps célestes donnaient l'être à tout). Il continue à prouver qu'il n'y a point de véritable religion sans la connaissance de Dieu et de son Verbe : « Tout, dit-il, était dans l'impiété, tout était plein de malice ; et le seul Dieu et son Verbe étaient ignorés (2). »

Les hommes n'ayant pas profité de la beauté des ouvrages de Dieu, il leur a envoyé la loi et les prophètes (3). Car ni la loi ni les prophètes n'avaient point été donnés aux Juifs pour eux seuls, mais encore pour éclairer tout l'univers de la connaissance de Dieu et des bonnes mœurs. Mais au lieu de profiter de cette instruction céleste, ils s'enfonçaient tous les jours de plus en plus dans l'erreur ; en sorte qu'ils semblaient avoir entièrement perdu la raison, et n'être plus que des bêtes brutes.

On pourrait étendre ici ce que saint Athanase ne dit qu'en un mot, qui est que la loi et les prophètes étaient envoyés à tout le monde. Les enseignements admirables que Dieu donnait à son peuple, et les prodiges éclatants qu'il faisait pour le maintenir et l'instruire, rayonnaient bien loin aux environs, et auraient pu de proche en proche se répandre par toute la terre. Mais loin que les peuples voisins et les autres successivement en aient profité, les Juifs eux-mêmes ont persécuté les prophètes : « Ils étaient, dit-il, envoyés aux Juifs, et en même temps persécutés par les Juifs (4); » ce qui achève de démontrer que la corruption était universelle, et la pente à l'erreur si prodigieuse, que ceux-là même à qui les prophètes étaient adressés se déclaraient leurs ennemis.

Il n'y avait point d'autre remède à un si grand mal que la venue du Verbe, qui, ayant tout fait, devait aussi tout refaire et tout réparer (5).

L'idolâtrie et l'impiété avaient rempli tout le monde : les ouvrages de Dieu n'avaient servi de rien pour le faire connaitre : tous les hommes avaient les yeux attachés en bas sans les

 

1 De Incarn. Verbi, n. 2 et 3. — 2 N. 11, 12, ibid., p. 56 et seq. — 3 N. 12, ibid., p. 57. — 4 Ibid., n. 12. —  5 N. 12, 13, ibid., p. 57, etc.

 

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pouvoir élever au ciel, et il n'y avait que le Verbe qui les pût redresser en prenant un corps (1).

Il montre ici que le Verbe s'est répandu par toute la terre et, comme disait saint Paul, s'est dilaté en longueur et en largeur, en hauteur et en profondeur, tant par la prédication de l'Evangile que par le nombre infini de ses martyrs. Il étend beaucoup cette preuve ; et c'est ici que se trouve ce passage si net et si précis, qui a été traduit ainsi par M. Dupin, à qui rien n'a échappé : « Autrefois il y avait des idoles par toute la terre ; l'idolâtrie tenait les hommes captifs, et ils ne connaissaient point d'autres dieux que les idoles (2). »

Saint Athanase distingue partout soigneusement les deux peuples, l'ancien qui était les Juifs, et les gentils (3). Il remarque que les gentils n'ont jamais commencé à connaitre Dieu et le Verbe, que quand Jésus-Christ a paru. Quoiqu'il y eût une infinité de religions, nul peuple n'a attiré son voisin à reconnaître son Dieu. Les sages des gentils avec leurs discours magnifiques et la sublimité de leur éloquence, n'ont pu par tant de volumes attirer personne dans leur voisinage à la doctrine des bonnes mœurs et de l'immortalité des âmes (4). Il n'a été donné qu'à Jésus-Christ de se faire connaitre seul par toutes les nations, dont les sentiments étaient si contraires. Il y a eu parmi les gentils, Chaldéens, Egyptiens, Indiens, des rois et des sages : les philosophes de la Grèce ont écrit plusieurs livres avec beaucoup d'art : mais ni vivants ni morts, ils n'ont rien avancé (5) : Jésus-Christ seul a pu persuader sa doctrine aux enfants mêmes. « Quel autre, dit-il, a étendu son empire sur les Scythes, les Ethiopiens, les Perses, les Arméniens, les Goths, et ainsi des autres ; et leur a pu persuader par une illumination cachée et intérieure, de ne plus adorer les dieux de leurs pères et de leur pays, et d'adorer le Père par son Verbe (6)? » Enfin tout le discours de ce saint docteur tend à faire voir que tous les peuples du monde, sans en excepter ceux qu'on veut croire les plus privilégiés, comme les Perses, les Ethiopiens,

1 De Incarn., n. 15. 16; ibid., p. 60. — 2 N. 46, p. 88. — 3 N. 25, 36, 38, 40, 41, 43. 46, 50, 51. — 4 N. 47, p. 88. — 5 N. 50, ibid., p. 91. — 6 N. 51, ibid.,

 

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les Indiens, étaient livrés à l'idolâtrie ; que les Juifs étaient éclairés par Moïse et par les prophètes ; que les autres n'ont commencé à ouvrir les yeux que quand Jésus-Christ est venu (1) ; que c'a été l'effet du sacrifice qu'il a offert à la croix pour tous les hommes ; et qu'auparavant ils étaient tous dans les ténèbres, et que toute la nature humaine était aveugle (2).

Voilà les principes sur lesquels a raisonné ce grand homme. Tout ce qui était gentil, c'est-à-dire tout ce qui n'était pas juif, était idolâtre. Tous les autres Pères ont enseigné la même doctrine. M. Dupin l'a démontré d'une manière à ne laisser aucun doute ni aucune réplique (3). Il n'a eu garde d'oublier saint Athanase ; et outre le passage que nous venons de remarquer, il a encore cité celui où ce grand défenseur de la divinité du Verbe a dit, conformément au Psalmiste, que « Dieu n'était connu que dans la seule Judée (4). » Tout est déjà démontré dans le fond, et j'ai voulu seulement donner ici le principe général sur lequel saint Athanase s'est fondé. C'est, en un mot, que par le péché l'homme entièrement asservi aux sens oubliait Dieu, et ne faisait que s'enfoncer de plus en plus dans l'idolâtrie. Le principe est évident, la conséquence est certaine, la démonstration est parfaite : elle convainc également tous les peuples de l'univers ; et il ne faut pas s'étonner si tous les Pères sans exception ont tenu le même langage.

Il ne reste plus qu'à répondre à certains exemples particuliers que l'auteur du Vœu a proposés, dont le premier est celui de Cyrus et des anciens Perses.

 

LETTRE LXIII. 
A MILORD PERTH. A Meaux, ce 20 septembre 1701.

 

Mon cœur me presse de vous témoigner la part que je prends à votre juste douleur (a), et en même temps de vous supplier

 

1 Cont. gent., n. 30, 45, 46, etc.; De Incarn., n. 12, 34, 35, 39, 40, etc. — 2 N. 20, 37, 43. — 3  Déf. de la Censure, etc. — 4 Oratio I contra Arian., a. 59. (a) Sur la mort de Jacques II, décédé le 6 septembre 1701.

 

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humblement de prendre quelque temps propre à présenter au jeune roi et à la reine mes très-profonds et très-fidèles respects ; me confiant que par la bonté de Leurs Majestés et par votre entremise, elles les auront pour agréables.

Dieu est le Seigneur ; il sait les moments : il a des couronnes à donner, dont rien ne peut approcher sur la terre. Tout ce qui passe n'est rien : tout ce qui finit, comme dit saint Paul, doit presque être compté comme n'étant pas. On fait des vœux, on offre des sacrifices, on espère, on attend les temps que Dieu a réservés à sa puissance. Dieu seul sait ce qui est bon ; et c'est là, Milord, ce que vous ferez sentir au roi. Je suis avec un sincère respect, etc.

 

LETTRE, LXIV. 
BOSSUET A MILORD PERTH. A Versailles, ce 29 janvier 1702.

 

Je prends la liberté de vous envoyer le petit ouvrage sur les promesses de Jésus-Christ à l'Eglise.

Sans quelque incommodité, qui ne me permet pas d'aller à Saint-Germain, j'aurais été avec un profond respect le présenter à Leurs Majestés. Je vous conjure, Milord, de prendre le temps de m'acquitter de ce devoir, et de vouloir bien les assurer du désir extrême que j'aurais d'y satisfaire en personne. Je suis, avec un respect sincère, etc.

PISTOLA LXV. 
RECTOR ET UNIVERSITAS LOVANIENSIS AD BOSSUETUM.

 

Tam notus est orbi catholico tuus in Ecclesiam et sacras Litteras amor, ut quoties earum causa agitur, opem patrociniumque tuum magnâ cum fiduciâ omnes implorent. Tuis pro Ecclesià triumphis ex animo gratulamur, Prœsul sapientissime, et hoc unum oramus ut eorum particeps esse, et in eamdem tecum pro Ecclesià arenam descendere queat Facultas nostra theologica Lovaniensis, illa utique, teste Leone X, agri Dominici piissima

 

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religiosissimaque cultrix, ac. non ita pridem in hàc inferiori Germaniâ fidei columen.

At nota sunt dissidiorum zizania, quœ in illà seminavit inimicus homo, quae nisi quantociùs evellantur, verendum est ne celeberrima illa Facultas ipsa se consumât, nec tantùm Academiœ nostrœ, sed toti etiam Belgio gravem perniciem afferat. Dùm horum malorum originem studiosè indagamus, hanc unam esse comperimus, quôd optimi quique hujus Academiœ theologi vagis accusationibus obruantur, ac eo prœtextu à Facultatis suœ muniis excludantur : dùm autem innocentiam suam tueri volunt, per interdicta à ministris regiis extorta, omnis eis justitiœ via occludatur. Nostras eâ de re querelas, scriptis ad Regem christianissimum litteris, déferre hodiè ausi fuimus : apud quem ut suo nos patrocinio dignetur illustrissima Gratia Vestra humillimè supplicamus. Hoc unum votum nostrum est, ut infortunatis hisce dissidiis finis tandem imponatur, regibusque nostris sanguine animoque junctis, jungamur et nos, unum dicamus omnes, Ecclesiœque fidem unanimiter tueamur. Deus vota nostra secundet, patrocinante nobis pietate vestrâ, cui causam hanc summo affectu ac veneratione commendamus, illustrissime, etc.

RECTOR ET UINIVERSITAS LOVANIENSIS.

 

Lovanii, die 22 feb. 1702.

 

EPISTOLA LXVI. 
BOSSUETUS AD REVERENDUM RECTOREM,  ET CLARISSIMOS VIROS ACADEMIAE LOVANIENSIS.

 

Pergratum et per honestum quod vester amplissimus Cœtus de me tam prœclarè senserit, ut res quoque suas commendatas vellet : cui equidem officio, data opportunitate quàvis, spondeo me nunquàm defuturum, etiam non rogatum. Quis enim aut catholicus episcopus non suspiciat Universitatem Lovaniensem doctissimam, facundissimam ac de re catholicà optimè meritam; aut theologus Parisiensis non impensè diligat eamdem Academiam,

 

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Parisiensis nostrœ fœtum egregium, suœ originis memorem institutisque dignam? Rogo autem et obsecro ut ea de quibus agitis vestrœ theologicœ Facultatis dissidia, quantum fieri poterit, componatis, ne suis manibus se ipsa conflciat, rem dolendam omnibus sœculis, et tantum Ecclesiœ lumen extinguat. Quod malum avertat Deus auctor pacis, Deoque aspirante summa ac beata illa Sedes, quœ sapientiâ, œquitate, paternà auctoritate res Ecclesiœ tempérât, ac dissociata membra recolligit. Ita voveo, Reverende Domine Rector, Viri Academici, etc.

 

Datum Meldis, die 28 martii, anno Domini 1702.

 

LETTRE LXVII. 
BOSSUET A MILORD PERTH.  A Meaux, ce 12 avril 1702.

 

Tout ce qui dépend de moi est absolument dans la dépendance de la reine. Je vous supplie seulement de faire considérer à Sa Majesté que l'affaire dont vous me faites l'honneur de m'écrire de sa part (a), est de la nature de celles qui ne sont en aucune sorte de ma connaissance, et dont aussi je me fais une loi inviolable de laisser la disposition à Messieurs du collège de Navarre. C'est, Milord, ce que je vous dirai être pour moi une règle dont je ne me suis jamais départi. Je vous ai toujours présent au saint autel et, si j'ose le dire, j'y offre toujours à Dieu Leurs Majestés britanniques et leurs royaumes. Je suis avec un respect sincère et cordial, etc.

(a) Nous ignorons absolument de quelle affaire il pou voit être question. (Les édit.)

 

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LETTRE LXVIII.  A DOM MABILLON. A Meaux, ce 26 avril 1702.

 

Vous avez bien fait, mon cher et révérend Père, de donner la Mort chrétienne : je l'ai reçu et je le lis avec agrément. J'ai aussi reçu le livre de mon compatriote, à qui je vous prie de faire mes remerciements. Je suis bien aise que vous alliez commencer à imprimer les Annales ; trois volumes, c'est déjà une grande avance. Je suis bien obligé à dom Thierry de son cher souvenir ; je vous embrasse tous deux de tout mon cœur.

 

LETTRE LXIX. 
M. PIROT A BOSSUET. En Sorbonne, 29 avril 1702.

 

J'eus l'honneur de vous répondre il y a deux jours sur le C'est là mon corps de M. Simon, dont vous me donniez ordre de vous mander ce que je pensais. J'oubliai de vous toucher dans ma réponse un autre endroit de cette version, où je crois que l'auteur doit s'expliquer dans sa note autrement qu'il ne fait ; c'est sur le verset 7 du chapitre V de la Première Epître de saint Jean. Vous savez qu'il avait fort mal écrit sur ce verset dans son Histoire critique du texte du Nouveau Testament et dans celle des Versions, qui ne sont l'une et l'autre imprimées que de contrebande, et que je n'ai jamais voulu approuver, quoique monseigneur l'archevêque de Paris en eût fort envie. M. Arnauld a écrit sur cela contre lui dans ses Steyaertes (a). Il ne s'étend pas ici comme il avait fait dans cette histoire critique du texte et des versions :

 

(a) Cet ouvrage est principalement dirigé contre M. Steyaert, docteur de la Faculté de Louvain ; et à la tête de la neuvième partie de ses Difficultés à ce Docteur, M. Arnauld a mis une longue Dissertation contre Richard Simon, touchant les exemplaires sur lesquels cet écrivain prétendait que l'ancienne Vulgate avait été faite. (Les Edit.)

 

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mais la note qu'il y fait, après s'être rendu si suspect auparavant, ne peut satisfaire : il aurait été mieux de n'en point faire. Il semble qu'il n'en ait voulu faire que pour donner atteinte à ce verset autorisé par saint Cyprien, comme l'évêque d'Oxford l'a remarqué dans l'édition de ce Père, au livre de l'Unité de l'Eglise. Je ne sais si ce qu'il dit des censeurs de Rome sous Urbain VIII, que tous leurs manuscrits grecs étaient sans ce septième verset, est bien vrai : mais il semble ne le remarquer que pour faire entendre qu'ils ont eu tort de l'avoir voulu retenir dans le plan d'une nouvelle édition grecque qu'ils ont dressée. Je ne dis rien du prologue de saint Jérôme sur les sept épîtres canoniques, parce que l'auteur n'en parle pas ici, comme il en avait parlé dans sa critique contre ce qu'en dit l'évêque d'Oxford. Je suis avec un très-profond respect, etc.

Pirot.

 

LETTRE LXX. 
BOSSUET A M. LE CARDINAL DE NOAILLES,  ARCHEVÊQUE DE PARIS (a). Ce 19 mai 1702.

 

J'envoie enfin mes remarques à Votre Eminence : je la supplie de les vouloir bien communiquer à M. Pirot; et quand il lui en aura rendu compte, et que Votre Eminence elle-même en aura pris la connaissance que ses grandes et continuelles occupations lui pourront permettre, qu'elle veuille bien me prescrire l'usage que j'en dois faire. Nous devons tout à la vérité et à l'Evangile ; et dès que l'affaire est devant vous, Monseigneur, je tiens pour certain que, non-seulement vous y ferez par vous-même ce qu'il faudra, mais encore que vous ferez voir à moi et aux autres ce

(a) Cette lettre et les suivantes furent écrites par Bossuet, en envoyant à ceux à qui elles sont adressées ses remarques sur la version du Nouveau Testament de M. Simon. M. de Meaux fondit depuis toutes ces remarques dans ses deux Instructions pastorales sur la version de Trévoux. Au reste, les trois lettres qui suivent sont sans date dans les originaux ; mais on voit par le Journal de M. Ledieu, secrétaire de Bossuet, qu'elles furent envoyées de Meaux le 19 mai 1702. (Les édit.)

 

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qu'il convient à chacun. J'ose seulement vous dire qu'il y faut regarder de près, et qu'un verset échappé peut causer un embrasement universel. Je trouve presque partout des erreurs, des vérités affaiblies, des commentaires, et encore des commentaires mauvais mis à la place du texte, et enfin les pensées des hommes au lieu de celles de Dieu, un mépris étonnant des locutions consacrées par l'usage de l'Eglise ; et enfin de tels obscurcissements, qu'on ne peut les dissimuler sans prévarication. Aucune des fautes de cette nature ne peut passer pour peu importante, puisqu'il s'agit de l'Evangile, qui ne doit perdre ni un iota ni un de ses traits.

Je supplie Votre Eminence de croire qu'en appuyant mes remarques avec un peu plus de loisir, je puis, par la grâce de Dieu, les tourner en démonstrations. On peut bien remédier au mal à force de cartons : mais il faudra que le public en ait connaissance, puisque sans cela le débit qui se fait du livre porterait l'erreur par tout l'univers, et qu'il ne faut pour cela qu'un seul exemplaire. Je m'expliquerai davantage, Monseigneur, sur les desseins que l'amour de la vérité me met dans le cœur, quand j'aurai appris sur ceci les sentiments de Votre Eminence.

Post-scriptum de la main de M. de Meaux. Le prier pendant les occupations de l'assemblée, de faire examiner mes remarques non-seulement par M. Pirot, mais encore par MM. de Beaufort et Boileau, et de me donner communication de ces remarques, qui donneront lieu à de nouvelles réflexions.

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