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LETTRE LVI. 
BOSSUET A M. PASTEL, DOCTEUR DE SORBONNE. A Meaux, ce 24 mars 1701.

 

Vous entendîtes, Monsieur, ces jours passés M. Pourchot, qui me disait qu'il avait une lettre de M. Descartes sur la transsubstantiation. Je vous prie de la lui demander, et de prendre le soin de m'en envoyer une copie. Il n'est pas nécessaire qu'on sache ma curiosité; c'est à bonne fin. Je vois de grands inconvénients à la publier ; et si elle est telle que je l'imagine sur le récit qu'on m'en a fait, elle n'évitera pas la censure. M. Descartes a toujours craint d'être noté par l'Eglise, et on lui voit prendre sur cela des précautions dont quelques-unes allaient jusqu'à l'excès. Quoique ses amis pussent désavouer pour lui une pièce qu'il n'aurait pas donnée lui-même, ses ennemis en tireraient des avantages qu'il ne faut pas leur donner. Je vous en dirai davantage quand j'aurai

 

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vu la lettre, et je ne ferai point difficulté d'en dire mon sentiment à M. Pourchot. Je vous prie de lui faire mes compliments, et de bien croire, Monsieur, que je suis sincèrement à vous.

 

LETTRE LVII. 
BOSSUET A M. PASTEL, DOCTEUR DE SORBONNE. A Meaux, ce 30 mars 1701.

 

J'ai reçu, Monsieur, avec votre lettre la copie que vous avez faite des deux de M. Descartes (a). Vous pouvez dans l'occasion bien assurer notre ami qui m'en parla, qu'elles ne passeront jamais, et qu'elles se trouveront directement opposées à la doctrine catholique. M. Descartes, qui ne voulait point être censuré, a bien senti qu'il les fallait supprimer, et ne les a pas publiées. Si ses disciples les imprimaient, ils seraient une occasion de donner atteinte à la réputation de leur maître, et il y a charité à les en empêcher. Pour moi, je tiens pour suspect tout ce qu'il n'a pas donné lui-même ; et dans ce qu'il a imprimé, je voudrais qu'il eût retranché quelques points pour être entièrement irrépréhensible par rapport à la foi ; car pour le pur philosophique, j'en fais bon marché. Parle titre qu'ont les deux lettres, il semble qu'elles soient déjà imprimées ; et qu'elles aient servi de véhicule à des écrits déjà publics. Je suis avec estime et affection, etc.

 

LETTRE LVIII. 
BOSSUET A M. LE CARDINAL DE NOAILLES. A Germigny, ce 23 mai 1701.

 

J'ai lu, Monseigneur, le nouveau livre français (b) sur l'Histoire de la Congrégation de Auxiliis; et sans entrer dans la question de

 

(a) Ces deux lettres de Descartes sur l'Eucharistie ont été imprimées pour la première fois en 1811, dans l'ouvrage intitulé : Pensées de Descartes sur la Religion et la Morale, pag. 250 et suiv. — (b) Composé par le P. Serri, dominicain, ce livre parut sous le titre de Questions importantes, à l'occasion de la nouvelle histoire des congrégations de Auxiliis.

 

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la science moyenne, voici la remarque que j'ai faite, et que Votre Eminence aura faite aussi bien que moi. C'est qu'encore que l'auteur déclare que la société n'a pas adopté la doctrine de Molina sur les forces naturelles, auxquelles il attache la grâce, il ne laisse pas de déclarer en même temps que la même société tient cette doctrine à couvert de toute censure, à cause du nombre des auteurs qui l'ont soutenue.

C'est là, Monseigneur, attaquer directement la censure du clergé, résolue sous votre présidence et rendue exécutoire par votre décret : c'est dire que cette doctrine, qui est purement et manifestement semi-pélagienne, est reconnue pour probable, à cause qu'elle n'a pas été condamnée parle saint Siège. C'est faire dépendre les dons de la grâce des dispositions naturelles, les y ramener comme à leur racine, et répondre au Quis te discernit de saint Paul (1) ; ce qui ne renferme rien moins que le renversement entier de la piété et de la doctrine de la grâce.

J'avoue que ce sentiment a été soutenu par plusieurs scholastiques avant le concile de Trente, et que depuis ce concile quelques-uns n'ont pas eu assez d'attention à ses décrets. Mais après les grands éclaircissements qu'on a donnés sur cette matière et après le décret du clergé, appuyé du vôtre, on n'a pas dû à vos yeux soutenir une doctrine si pernicieuse.

C'est faire injure à l'Eglise romaine de la faire approbatrice de cette doctrine, et d'étendre jusque-là la défense de se condamner les uns les autres, qu'il faut restreindre à la principale matière de l'examen, qui est celle delà congruité par la science moyenne.

Je supplie très-humblement Votre Eminence de considérer devant Dieu, et de faire considérer dans son conseil le remède qu'on peut apporter à un si grand mal. Pour moi j'attendrai vos ordres, et demeurerai en repos.

M. de Reims, dans son ordonnance sur la grâce, a bien distingué la doctrine de la grâce congrue d'avec celle-ci, puisqu'il a toléré l'une et condamné l'autre. Si nous la souffrons, il faut laisser enseigner impunément que tous les dons de la grâce, même la première efficace et celle de la persévérance, marcheront

1 I Cor., IV, 7.

 

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ensuite des dispositions naturelles, qui par là feront la racine du discernement. Le décret du clergé, qui a marqué cette erreur, ira en fumée, aussi bien qu'une approbation aussi authentique que la vôtre; et le semi-pélagianisme sera remis en honneur sous d'autres termes.

Le cardinal Baronius en a déploré la renaissance, sous prétexte de s'opposer à Luther. Le cardinal Bellarmin ne s'éloigne pas de ce sentiment, quoique d'ailleurs défenseur delà doctrine de Molina sur l'autre point. Je sais que Votre Eminence n'abandonnera non plus qu'eux la cause de Dieu, pour laquelle elle est si déclarée. Je marcherai humblement sur les pas de Votre Eminence, de qui je suis à jamais avec un respect sincère, etc.

 

LETTRE LIX. 
BOSSUET A M. LE CARDINAL DE NOAILLES (a). A Meaux, ce 25 mai 1701.

 

Je prends encore la liberté, Monseigneur, de rendre compte à Votre Excellence d'un rapport qui m'a été fait par gens qui semblent instruits ; c'est que, dans la dernière assemblée des Pères de Saint-Maur, il a été résolu de changer la préface du dernier tome. Si cela est, Votre Excellence sera sans doute avertie, et aura vu mieux que moi que ce changement causerait de grands et inévitables scandales : en sorte que si l'on ne pouvait autrement rompre ce coup, je crois que Votre Eminence ne trouverait pas hors de propos d'y employer l'autorité du Roi, qui ne peut avoir de plus saint et de plus nécessaire usage que celui de préserver l'Eglise de tels troubles. Cette préface a été présentée au clergé de France, et le moindre changement qu'on y apporlerait soulèverait tout le monde. Votre Excellence, Monseigneur, me pardonnera la liberté que je prends. Car à qui peut-on mieux s'adresser qu'à celui que Dieu a placé si hautement dans son Eglise, et qu'il a rempli d'un si grand zèle pour faire tête à droite et à gauche contre ceux qui brouillent.

Je suis avec un respect sincère, etc…

(a) Inédite. Manuscrit à la bibliothèque du séminaire de Meaux.

 

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LETTRE LX.  
BOSSUET A M. BRISACIER, SUPÉRIEUR DU  SÉMINAIRE  DES  MISSIONS ÉTRANGÈRES.  A Meaux, ce 30' août 1701.

 

J'ai lu en effet, Monsieur, avec une extrême diligence, le livre intitulé : Judicum unius (a)..., comme M. le cardinal de Noailles l'avait prévu. Je vous ai promis de vous en dire mon Sentiment: je le fais à condition, s'il vous plaît, que vous communiquerez cette lettre à M. le Cardinal. Mon dessein est par là que vous preniez le temps le plus commode à Son Eminence pour lui en faire la lecture : et en même temps de lui sauver à peine de lire mon écriture, qui devient tous les jours plus pénible pour moi, et plus difficile aux autres ; ce qui m'oblige souvent de me servir d'une main étrangère.

Je dis donc en général que ce livre est fait pour appuyer l’indifférence des religions, qui est la folie du siècle où nous vivons. Cet esprit règne en Angleterre et en Hollande trop visiblement : mais par malheur pour les âmes, il ne s'introduit que trop pari les catholiques. Ce livre autorise ce sentiment, en faisant tous les hommes, de quelque religion qu'ils soient, capables du salut. L'auteur fait servir à cette doctrine la volonté générale de sauver tous les hommes; d'où il conclut que la religion véritable a pu dans tous les peuples : et comme cette volonté subsiste toujours, il doit tirer la même conséquence du temps présent, comme il a fait de celui qui a précédé l'Evangile.

Il est vrai qu'il reconnaît que les sept nations dont les Juifs étaient environnés, la Chaldée, la Grèce et tout l'empire romain ont été vraiment idolâtres. Mais si on le pousse, en lui demandant si Dieu ne voulait pas sauver ces peuples comme les autres, il sera contraint d'abandonner son système ou de trouver des excuses a

(a) Ce livre, composé par M. Coulau, docteur de Sorbonne, défendait les ouvrages que les PP. le Comte et Gobien, Jésuites, avaient publiés sur la religion des Chinois, et que la faculté de théologie de Paris avait censurés.

 

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ces idolâtres, en disant comme il l'insinue en quelques endroits, qu'on a pu adorer le vrai Dieu sous le nom de Jupiter, ainsi du reste, puisque même il approuve les auteurs qui disent que les anciens Germains ont adoré le Père, le Fils et le Saint-Esprit, sous le nom du soleil, de la lune et du feu; c'est-à-dire de Jupiter, de Junon et de Vulcain.

Mais il s'attache particulièrement à justifier les anciens Perses, comme ayant connu le vrai Dieu, et même le Messie : et il entreprend de prouver la première partie, même par l'autorité de l'Ecriture; à cause, dit-il, qu'il n'est pas probable que les Perses aient été choisis pour détruire l'idolâtrie de Babylone et rétablir le temple de Dieu, s'ils ne l'eussent connu et servi de tout temps : ce qu'il confirme par Cyrus, que Dieu appelle son Christ dans Isaïe (1), et qui déclare lui-même que le Dieu du ciel lui a donné le royaume.

Ce discours est d'une prodigieuse témérité, puisque dans le même prophète Isaïe, Dieu dit deux fois à Cyrus : Vous ne m'avez point connu (2) ; où saint Jérôme interprète qu'il avait servi de faux dieux : Idola coluisti.

Ce que répond l'auteur à, ces passages précis est incroyable. C'est qu'encore que Cyrus connût le vrai Dieu, il ne savait pas que les Hébreux en fussent les adorateurs ; et qu'aussitôt qu'il l'a su, il a reconnu que le Dieu des Juifs était le vrai Dieu du ciel, que lui-même il l'avait toujours servi : que si l'on pouvait soupçonner que Dieu eût fait l'injustice à Cyrus de lui dire qu'il ne le connaissait pas, sous prétexte qu'il ne savait pas qu'il fût le Dieu d'Abraham et des Juifs, quoique d'ailleurs lui et les Perses le connussent de tout temps, par la tradition perpétuelle venue de Noé.

L'auteur passe jusqu'à assurer que non-seulement Cyrus, mais encore les autres rois de Perse n'ont changé leur ancien culte véritable, que depuis qu'ils ont été subjugués par les Grecs : où il paraît qu'il a oublié le livre d'Esther, où les Perses et leurs rois sont appelés avec, horreur des incirconcis. « Vous savez, Seigneur, disait Esther, que je hais la gloire des impies, et que je

 

1 Isa., XLV, 1. — 2 Ibid., 4, 5.

 

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déteste le lit des incirconcis et de tout étranger. Vous savez la nécessité qui m'oblige de porter sur ma tête le signe d'orgueil et de gloire que j'ai en abomination, que je le déteste comme ce qu'il y a de plus immonde, et que je ne le porte pas dans les jours de mon silence, mais seulement dans les jours d'ostentation et de cérémonie. Vous savez enfin que je n'ai jamais mangé à la table d'Aman; et que s'il m'a fallu manger à celle du Roi mon mari, je ne me suis pas plu dans ce banquet, et je n'ai pas bu le vin des effusions (1). »

Qu'Esther ait parlé ainsi d'un roi et d'un peuple qui aurait servi le vrai Dieu et lui aurait offert de pieux et véritables sacrifices, c'est ce qui n'entrera dans l'esprit de personne.

On lit encore dans le même livre ces paroles de Mardochée : « Vous savez, Seigneur, que ce n'est pas par orgueil que j'ai refusé d'adorer le superbe Aman; car j'aurais volontiers baisé ses pas pour le salut d'Israël : mais j'ai craint de transférer l'honneur de mon Dieu à un homme (2). »

Ce qui fait voir que la vraie raison du refus de Mardochée, c'est que le culte divin, que les Perses, comme l'on sait, rendaient à leurs rois, s'appliquait par proportion à leurs favoris, dans lesquels reluisait leur puissance.

De là venait cette ordonnance publiée par Darius roi de Perse, à la commune sollicitation de tous les satrapes : «Que si quelqu'un osait présenter quelque prière à quelque Dieu ou à quelque homme que ce fût, excepté au roi, durant trente jours, il serait jeté dans la fosse des lions (3). Voilà ces adorateurs du vrai Dieu qui se font des dieux eux-mêmes de leurs rois, et que les saints regardent avec horreur, comme on a vu que fit Esther. C'est aussi ce qui obligea Mardochée à avertir la même Esther de ne point déclarer son peuple (4), parce qu'il savait que c'était un peuple odieux aux Perses, et qu'Aman aussi décriait au Roi comme un peuple dont les singularités dévoient être en horreur au roi et à tout l'empire des Perses.

C'est encore ce qui fait dire à la même reine, dans sa prière, « que les Perses voulaient fermer la bouche à ceux qui louaient

 

1 Esth., XIV, 15-17. — 2 Ibid., XIII, 12-14. — 3  Dan., VI, 6, 7, etc. — 4 Esth., III, 8.

 

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Dieu, pour ouvrir celle des gentils et leur faire louer leurs idoles (1). »

Après cela il est étonnant qu'on veuille, par de petites conjectures, faire passer les Perses pour un peuple vraiment religieux, sous prétexte que Cyrus aurait connu le Dieu du ciel, « et que Darius aurait ordonné qu'on payât les frais des sacrifices, de ses propres revenus, dans le temple de Jérusalem, à la charge qu'on y prierait pour la vie du roi et de ses enfants (2), » sans songer qu'il est écrit dans les Macchabées (3) que Séleucus roi d'Asie avait donné un ordre semblable, sans que pour cela on puisse conclure que les Syriens, qui n'avaient point d'autre religion que celle des Grecs, eussent servi le vrai Dieu.

C'est ignorer les premiers principes de la théologie, que de ne pas vouloir entendre que l'idolâtrie adorait tout, et le vrai Dieu comme les autres. Cyrus peut avoir été dans la même pratique ; et Dieu se sera servi de lui pour faire, en faveur de son peuple, ce que les prophètes en avaient prédit. Il se peut aussi qu'il ait connu Dieu, comme avait fait Nabuchodonosor (4), sans que cette connaissance ait eu de suite. Mais il est beaucoup plus croyable qu'il n'a jamais eu le vrai culte, puisqu'on lui voit dans Xénophon toujours invoquer le soleil avec le Jupiter de son pays, quel qu'il soit, lui offrir des sacrifices, et pratiquer la divination par les entrailles des animaux immolés.

On voit aussi dans le dernier discours qu'il tient à ses enfants, qu'il se sert de la doctrine de l'immortalité de l’âme pour leur persuader de suivre ses derniers ordres, et leur faire croire qu'il serait toujours vivant pour les y obliger. Voilà comme sont faits ces princes qu'on nous veut donner pour si religieux, et les Chinois peuvent l'avoir été à même prix.

Au reste on assure trop positivement que les Perses n'avaient point d'idoles. Car encore que cela soit vrai des idoles à figure humaine, on doit croire qu'ils en avaient d'autres, puisque Esther le remarque ainsi au lieu que nous avons allégué (5). Et en effet Zoroastre donne expressément chez Eusèbe la tête d'un épervier

1 Esth., XIV, 9, 10. — 2 I Esdr., VI, 9, 10. — 3 II Mach., III, 3. — 4  Dan., III, 96, 99, 100, etc. — 5 Esth., XIV, 10.

 

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à son Dieu, comme l'auteur l'a remarqué lui-même. Il croit se sauver en disant que c'était une image hiéroglyphique, comme si ces sortes d'images n'avaient pas pu devenir des idoles chez les Perses à la manière des autres. Je n'empêcherai pourtant pas qu'on ne réponde au passage d'Esther, que le terme d'idole y est employé pour signifier toute fausse divinité : mais toujours il demeurera véritable que la Perse adorait de faux dieux, et que par un faux culte elle se rendait exécrable aux adorateurs du vrai Dieu.

Que sert de nous opposer après cela l'autorité de Zoroastre chez Sanchoniathon et chez Eusèbe? On ne nie point que les philosophes n'aient eu des restes de la véritable idée de la Divinité ; et ils ne sont devenus idolâtres qu'en les appliquant mal. Par exemple, l'auteur admire que Zoroastre ait pu dire que Dieu est immortel, sans commencement, sans parties, très-dissemblable, auteur de tout bien, et qui seul s'enseigne lui-même; toutes choses qui peuvent convenir en un certain sens au soleil, qui était réputé voir tout du haut du ciel, diriger tout, n'avoir point de parties distinctes à la manière des hommes et des animaux, être différent de lui-même, ainsi que chantait Horace : Aliusque et idem nasceris; ce qui sous des paroles emphatiques ne signifierait que le soleil ou le monde, si l'on veut, et quelque chose de fort éloigné du vrai Dieu.

On sait d'ailleurs que les Perses adoraient deux dieux, l'un bon et l'autre mauvais, comme le dit expressément saint Augustin (1), qui le rapporte de leurs propres auteurs; ce que Plutarque avait fait avant lui. L'auteur tire avantage de ces deux dieux, pour prouver que les anciens Perses ont connu Dieu et le diable : excuse impie et pernicieuse, puisqu'aux termes de saint Augustin, c'est faire adorer le diable à ceux qu'on nous veut donner pour si religieux.

Je ne finnois point, si j'entreprenais de rapporter tout ce qui pourrait convaincre les anciens Perses d'une parfaite idolâtrie, fort différente de celle des Grecs. Il est certain par le livre de la Sagesse (2), qu'on a adoré le soleil, la lune, les étoiles, les vents,

 

1 De Civit. Dei, lib. V, cap. XXI. — 2 Sapient., XIII, 2.

 

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les éléments et les autres parties du monde. Chercher des excuses à ce culte impie, ou vouloir que les Perses en aient été incapables plutôt que les autres peuples, c'est vouloir chercher des justifications à ceux qui bien constamment et par des témoignages exprès de l'Ecriture, ont été en exécration au peuple de Dieu.

On peut juger de là ce qu'il faut croire des autres nations qu'on entreprend d'excuser d'idolâtrie. Géraldin n'est pas plus heureux à défendre l'Ethiopie, que Hyde à excuser les Perses; et l'auteur, qui relève leurs fades et impertinentes conjectures contre les témoignages exprès de la parole de Dieu, ouvre la porte à ceux qui voudront excuser tout le reste des païens, et soutenir que sans cela on ne peut entendre cet oracle de l'Apôtre : Dieu veut que tous les hommes soient sauvés (1).

Je crois donc qu'il est nécessaire de résister à ces nouveautés, et non-seulement par des discours, mais encore par des censures expresses, si l'on ne veut donner cours à l'indifférence des religions. Il ne faut pas se flatter sur l'impertinence de l'auteur, qui fera tomber son livre comme de lui-même. Car tout ignorant qu'il est, il se donne un air de savoir, qui éblouira tous les esprits médiocres, dont le nombre est le plus grand parmi les hommes, et qui flatte la pente du siècle.

Je voudrais donc prier ou M. Dupin, ou le Père Alexandre, de relever les faux raisonnements et les fausses citations qui sont particulières à cet auteur; et en attendant supplier M. le cardinal de Noailles, ou d'en faire ou d'en procurer la censure par la Faculté. Mais comme le dernier serait long et peut-être trop difficile, le droit du jeu est que M. le cardinal commence d'abord, et qu'il arrête par son autorité le cours d'une impiété si manifeste; et c'est de quoi je le supplie.

J'avais dessein d'extraire et de qualifier quelques propositions : mais c'est assez pour cette fois; et j'avoue que je me lasse de dicter : je pourrai continuer au premier loisir. Cependant je suis, Monsieur, ce que vous savez.

1 I Timoth., II, 4.

 

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LETTRE LXI. 
BOSSUET A M. BRISACIER, SUPÉRIEUR  DU  SÉMINAIRE  DES  MISSIONS  ÉTRANGÈRES. A Meaux, ce 8 septembre 1701.

 

Je continuerai mes remarques, Monsieur, par forme de Mémoire, comme vous me témoignez le désirer dans votre réponse du premier septembre. Il faut beaucoup insister sur les Perses, parce que l'auteur en fait son principal fondement par les trois propositions de la page 25, dont la première est « que les Perses ont toujours reconnu un seul Dieu : » Persas unicum semper Deum agnovisse; la seconde, « qu'ils ont toujours été fort opposés aux idoles : » Idolis et simulacris nunquàm non fuisse infensissimos; et la troisième, « qu'on peut tirer des Livres sacrés de fortes conjectures qui autorisent ce sentiment : » Non leves è sacris codicibus in eam sententiam conjecturas duci posse. Sur les deux dieux, bon et mauvais, c'est en vain que l'auteur allègue Agathias, livre II de l'histoire de Justinien. Cet auteur ne dit point du tout, comme on le lui fait dire, « qu'il est constant que les Perses n'ont adoré qu'un seul Dieu. » Car cet auteur dit expressément que de toute antiquité les Perses adoraient Jupiter, Saturne, Vénus, et les autres dieux de la Grèce sous d'autres noms. Et quant aux deux dieux, bon et mauvais, il se trompe manifestement en disant que ce culte vient des Grecs, puisque Plutarque le fait venir de Zoroastre, comme de l'ancien et premier législateur des Perses; ce qui est hors de contestation, quoi qu'en puisse dire Agathias : et le même Plutarque remarque expressément qu'on offrait le sacrifice à ces deux dieux : à l'un, les votifs et d'action de grâces; à l'autre, ce qu'on appelait apotropaion (grec) , tels que ceux que les Latins appelaient Averruncarii, qui tendaient à les apaiser comme des puissances nuisibles ; ce qui aussi est conforme à ce qu'on a rapporté de saint Augustin. Au reste le même Plutarque remarque que le bon Dieu venait d'une très-pure lumière, et le mauvais de l'obscurité et des ténèbres ; ce qui s'accorde

 

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parfaitement à l'adoration du soleil. Manès ou Manichaeus, qui était Perse de nation, avait pris sa doctrine dans son pays ; ce qui est aussi observé par Agathias : et l'on sait par saint Augustin, que les Manichéens adoraient le soleil. Cependant l'auteur a toujours recours à Agathias, comme s'il était favorable à sa prétention. Quoi qu'il en soit, on ne trouve parmi les Grecs aucun culte semblable à celui des deux dieux, et il était naturel à la Perse.

L'auteur fait dire aussi à Plutarque que Darius Codomanus, étendant les mains au ciel, ne dit pas : « O soleil, ô Apollon; » mais : « O Dieu de mes ancêtres et Jupiter de mon pays ! » Ce sont des gloses que cet auteur a mêlées aux paroles de Plutarque, qui fait invoquer à Darius le Jupiter de son pays et les autres dieux des rois (1); et tout le reste est ajouté.

Ce qu'il dit, qu'on ne trouve point dans Xénophon que Cyrus ait jamais invoqué le soleil, n'est pas moins faux, puisque avec le Jupiter de son pays il joignait ordinairement le soleil, comme il paraît en plusieurs endroits, et notamment au dernier livre de la Cyropédie.

Quant à ce que l'auteur assure, que les Perses n'ont changé leur ancien culte du vrai Dieu que depuis l'empire des Grecs et des Macédoniens, il est démenti par l'Ecriture, puisque premièrement, ni Cyrus ni les autres rois, en reconnaissant le Dieu du ciel, n'ont jamais dit qu'ils l'ont toujours adoré. Secondement, ce pourrait donc être en tout cas un sentiment particulier de Cyrus, à qui l'on montra son nom dans la prophétie d'Isaïe : ce qui était si visiblement miraculeux, qu'il pouvait en particulier en être touché, comme Nabuchodonosor le fut des miracles qu'il avait vus (2), et comme le roi de Babylone dont il est parlé dans Daniel (3). Troisièmement, aucun de ces rois n'établit le culte dans tout son empire, mais précisément dans le temple de Jérusalem. Quatrièmement, il est dit expressément dans ce dernier passage, que le Dieu dont il rebâtissait la maison est le Dieu qui est dans Jérusalem (4), faisant voir par là clairement qu'il n'était adoré que là.

 

1 Plut., lib. II, de Fort. Alex.—  2 Dan., III, 95. — 3 Ibid., XIV, 42. — 5 II Paral., XXXVI, 23 ; et I Esdr., 1, 2, 3.

 

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Cinquièmement, dans le décret de Darius (1), non plus que dans celui de Cyrus, on ne lit autre chose, sinon qu'on offrait au Dieu du ciel à Jérusalem, sans marquer que ce fût le Dieu qui était connu dans tout l'empire. Sixièmement, la même chose paraît dans le décret de Darius, où l'ordonnance en faveur du Dieu de Daniel est marquée comme nouvelle, et donnée sur un fait particulier (2) : de sorte que l'on voit toujours et partout, que ce n'était point le culte public du royaume : ce qui aussi n'a eu dans l'empire aucune suite, comme il a déjà été dit et prouvé démonstrativement par Esther et par Daniel. L'expression : Ut qui petierit à quocumque deo aut homine (3) : « Que celui qui demandera quoi que ce soit à quelque dieu, ou à quelque homme que ce puisse être, » marque clairement la pluralité des dieux. Et de tout cela il résulte que les propositions ci-dessus marquées, doivent être qualifiées fausses, téméraires, contraires à la parole de Dieu, et induisantes à erreur et à hérésie. On pourrait dire hérétiques, si ce n'était qu'il s'agit d'un fait particulier, et non pas d'un dogme.

Ce que l'auteur dit, qu'il ne veut pas nier que les Perses aient admiré et honoré le soleil, comme celui à qui le Créateur avait donné la première place parmi les astres, à la manière des Américains, montre qu'il ne fait autre chose que pallier l'idolâtrie, étant si certain d'ailleurs que ceux du Pérou ne connaissaient point d'autre dieu que le soleil.

Le passage qu'il allègue, tiré d’Esther (4), est une reconnaissance que le royaume avait été donné par le Dieu des Juifs à Cyrus et à ses successeurs : mais il ne dit point du tout que ce Dieu ait toujours été servi en Perse, ni aussi qu'il soit le seul qu'il faille servir.

L'auteur dit que Cambyse, fils de Cyrus, a détruit entièrement l'idolâtrie en Egypte, comme elle l'avait été en Assyrie; et c'est ce qui lui donne la hardiesse d'appliquer à ce prince impie la prophétie d'Isaïe : « Israël se joindra pour troisième aux Egyptiens et aux Assyriens : » Erit Israël tertius AEgyptio et Assyrio (5), etc. Le sens, dit-il, de la prophétie est bien plus clair :

1 I Esdr., VI, 10. — 2 Dan., VI, 25, 26. — 3 Ibid., 7. — 4 Esth., XVI, 16. —  5 Isa., XIX, 24.

 

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Longe tamen planior dilucidiorque sensus erit, etc.; où il enseigne expressément que l'Egypte et l'Assyrie ont été ramenées par les rois de Perse au culte du vrai Dieu : proposition impie, et qu'on peut qualifier en cette sorte. Cette proposition, qui assure que l'Egypte et l'Assyrie sont devenues le peuple de Dieu avec les Juifs, par le moyen de Cambyse qui leur a fait connaître le Dieu véritable, est téméraire, scandaleuse, impie ; et applique à un prince impie ce qui ne peut regarder que la gloire de Jésus-Christ et la conversion des gentils, notamment des Assyriens et des Egyptiens, par la prédication évangélique.

Il corrompt la prophétie de Malachie (1), et l'explique contre la tradition universelle des Pères.

Il nie que les deux peuples soient distingués à raison de la piété. Il attribue ce sentiment à l'orgueil judaïque, et il égale les deux peuples, en ce qui regarde la connaissance de Dieu. Il enseigne expressément que les païens ont eu la même religion que les chrétiens; que les Juifs n'excellent en rien par-dessus les autres peuples, etc.; que l'opposition des deux peuples faite par saint Paul, ne consiste en aucune sorte dans la connaissance de Dieu et dans la piété ; qu'il faut donc prendre les gentils en général pour le seul empire romain : toutes propositions qui sont hérétiques, directement contraires à l'intention de saint Paul, aux paroles de l'Ecriture, qui établit la constitution du peuple juif précisément dans le culte d'un seul Dieu, comme il paraît à la tête du Décalogue (2) et dans d'autres passages (3), qui tous sont formels pour montrer que l'alliance qui constitue le peuple de Dieu, a pour fondement la reconnaissance, volontaire et par choix, de sa seule divinité et de son culte.

Il parle ainsi : « Le choix que Dieu donne au peuple juif ne regarde pas la foi ni le culte nécessaire de la Divinité : car qui dira que Dieu a laissé à délibérer aux hommes s'ils le serviraient? » D'où il conclut « que l'alliance ne regarde pas le culte de Dieu, puisqu'elle est remise au choix du peuple, » selon ces paroles : « Tous êtes maîtres de prendre tel parti que vous

 

1 Malach., II. — 2 Exod., XX, 2. — 3 Deuter., V, 6;  VI, 4-6; XXIX, 9, 10, etc.; Jos., XXIV, 14, 15, 18, 22, 24.

 

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voudrez : choisissez aujourd'hui ce qu'il vous plaira, et voyez qui vous devez plutôt adorer, ou les dieux qu'ont servis vos pères dans la Mésopotamie, » etc. : Optio vobis datur : eligite eut servire debeatis, utrùm diis quibus servierunt patres vestri in Mesopotamiâ (1), etc.

Il suppose que cette option déférée aux Juifs ne regarde pas le libre arbitre dont on doit user en choisissant Dieu, mais l'indifférence de la chose en elle-même ; ce qui est formellement hérétique et impie. Le choix qui est ici marqué regarde celui dont il est écrit ailleurs : « J'ai mis devant vos yeux la vie et la mort (2) », et non pas un choix semblable à celui dont parle saint Paul (3) : » « Si vous mariez votre fille, vous faites bien, etc., faites ce que vous voudrez ; » puisqu'au contraire celui qui ne choisit pas Dieu est maudit (4).

Il se fait l'objection qu'il faudrait selon ces principes mettre un troisième peuple, outre les Juifs et les gentils idolâtres, qui serait celui qui aurait adoré le vrai Dieu sans le secours de la loi ; et il l'élude en disant que ces derniers sont rangés avec le peuple des gentils, quoique plusieurs parmi eux fussent idolâtres : ce qui est impie et erroné, puisque l'intention de saint Paul ne fut jamais de faire un même peuple de ceux qui adoraient les idoles et de ceux qui adoraient le vrai Dieu : Gentium itaque nomine, Paulus et Scripturœ omnes intelligunt quicumque extra Israeliticam legem extitere uspiam, ullâve religione, seu antique et Noemicà, seu recenter confictâ et idololatricâ, quosvis populos. Cette doctrine est contraire à la décision de saint Paul, qui dit qu'il a prouvé  « que les Juifs et les Grecs sont sous le péché, et que Dieu a tout renfermé sous le péché, afin d'avoir pitié de tous (5). » L'auteur élude en disant qu'il faut prendre tous pour plusieurs, selon la coutume de l'Ecriture : Ex ultisque igitur populis plurimos tantùm, juxta consuetam Scripturœ locutionem, Apostolus désignât; neque prorsùs omnes tùm Judœos, tùm Gentes altematim in impietate involvit : ce qui est hérétique, et directement contraire à l’intention de saint Paul.

 

1 Jos., XXIV, 15. — 2 Deuter., XXX, 19. — 3 I Cor., VII, 36-38. — 4 Deuter., XXVII, 15 et aeq. — 5 Rom., III, 9. XI, 32 ; et Galat., III, 22.

 

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La force de l'argument de cet Apôtre consiste en ce qu'il a fait voir d'un côté que les gentils étaient criminels en ne servant pas le Dieu qu'ils connaissaient (1), ce qui leur a attiré tous les autres crimes dont le même Apôtre fait le dénombrement (2) ; et de l'autre, que les Juifs n'étaient pas moins coupables pour avoir été prévaricateurs de la loi (3) : ce qui montre que tout ce qui n'est pas Juif est idolâtre, malgré le témoignage de sa conscience, puisque Dieu s'est fait connaître également à toutes les nations par les ouvrages de sa sagesse. L'auteur élude tout cela, en disant que la prérogative du peuple juif ne regarde pas le culte de Dieu, puisque les autres nations l'ont conservé dès le temps de Noé.

L'auteur fait consister la doctrine de saint Paul et la différence des deux peuples, juif et grec, en ce que vers l'avènement du Messie, toute la terre presque a été couverte des ténèbres de l'idolâtrie et de l'infidélité : comme si la distinction des deux peuples n'avait lieu qu'en ce temps précis, et non pas dans tous les siècles précédents ; ce qui est hérétique, et renverse toute l'économie de la religion.

Pour éluder les passages des Pères, il dit qu'il ne les faut pas prendre au pied de la lettre, afin que tant de passages, qui renferment tous les peuples, excepté les Juifs, dans une pareille infidélité, demeurent sans effet : ce qui tend à rendre inutile toute la tradition, qui s'exprime en termes généraux et sans exception.

Le passage de saint Augustin, tiré du livre de la Cité de Dieu (4), où il dit que le culte de Dieu était renfermé dans la seule famille de Tharé et d'Abraham, prouve trop selon lui, à cause qu'il est constant que Sem et peut-être Noé vivaient encore alors, et que la famille de Melchisédech a été fidèle. Mais il n'a pas voulu prendre garde que l'intention de saint Augustin est de dire que la famille d'Abraham a été la seule marquée où le culte de Dieu se soit conservé : ce qui est incontestable, puisque l'Ecriture ne dit rien de la famille de Sem, ni de celle de Melchisédech : et la conséquence que l'auteur tire de saint Augustin en disant qu'il prouve trop, est fausse, téméraire et scandaleuse. Il en est de

 

1 Rom., I, 20, 21. — 2 Ibid., 26. — 3 Ibid., II, I, etc. — 4 De Civit. Dei, lib. XVI, cap. XII.

 

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même des autres passages des saints Pères, qu'il a éludés dans les pages suivantes.

Il élude aussi dans les mêmes endroits ces mêmes passages, en disant que lorsqu'on y dit que toutes les nations, excepté la juive, étaient infidèles, cela se doit entendre seulement de plusieurs, et encore comparativement avec les Juifs. Il objecte les brachmanes parmi les Indiens, comme gens attachés au culte d'un seul Dieu, aussi bien que les Perses et les Sères ; où il cite Eusèbe, et Bardesanes produit par Eusèbe, en témoignage que les brachmanes au nombre de plusieurs milliers étaient recommandables par leur piété envers Dieu. Il a oublié que chez Eusèbe même les brachmanes observaient les abstinences superstitieuses, qui durent encore aujourd'hui parmi les Indiens; que ces peuples croient aussi la métempsycose ; qu'ils se tuent eux-mêmes, etc., comme fit Calanus, qui était du nombre des brachmanes, ainsi que Strabon le remarque

Le même Strabon au même livre rapporte l'épitaphe de Zarmanochagas, Indien, qui se fit aussi mourir lui-même selon la coutume de son pays. Voilà quels étaient ceux dont on veut rendre la piété si recommandable. La croyance de l'immortalité des âmes les portait à l'abus qu'on vient de voir, et les y porte encore. On n'a pas sujet de croire qu'ils servissent le vrai Dieu au milieu de tant de pratiques détestables. Ainsi quand Bardesanes dit chez Eusèbe qu'ils étaient attachés à Dieu, sans dire quel Dieu, on peut entendre sous ce nom le Dieu qu'ils croyaient, quel qu'il fût ; cette locution étant ordinaire parmi les Grecs : et quand ce serait le Dieu véritable dont ils auraient conservé quelque idée, comme tous les autres gentils, on ne peut pas conclure de là qu'ils lui rendissent un culte agréable au milieu de tant de superstitions criminelles, ni même qu'ils l'adorassent seul, puisqu'on voit tant d'autres nations joindre le culte du vrai Dieu créateur avec les autres fausses divinités. Au reste le même Strabon marque expressément au même livre que les Indiens adoraient Jupiter, auteur de la pluie, le Gange et les esprits qui y habitaient : de sorte qu'il faut dire de deux choses l'une, ou que ce n'était pas le Dieu

 

1 Strab., lib. XV.

 

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véritable qui était adoré par les brachmanes, ou que les brachmanes n'en étaient pas crus par le peuple.

L'auteur allègue à ce propos saint Isidore de Damiette, où est rapporté le serment que faisaient les Perses, qu'il traduit ainsi : Colendo Deo incumbam (1), où le grec porte  tò deion; ce qui signifie indéfiniment tout ce qui est réputé divin, et ne conclut rien du tout pour le vrai Dieu.

Il assure que le sentiment des Pères sur l'idolâtrie des Gentils ne peut pas être connu par leurs apologies contre les païens, parce qu'ils parlaient selon les principes des païens mêmes, qui tenaient pour assuré que les Juifs étaient les seuls qui n'eussent pas plusieurs dieux. Il avoue donc que les apologistes de la religion chrétienne sont contre lui, et il en élude l'autorité qui est si grande, surtout en cette matière. Ses paroles sont remarquables: « Les ennemis de la chrétienté donnaient pour certain qu'excepté les Juifs, tous les autres peuples avaient plusieurs dieux. » Voici ses propres paroles en latin : Sanctorum Patrum de gentium idololatriâ sententiam, ex suis adversùs ethnicos disputalionibus, certù dignosci non posse. Cùm enim sœpè argumento,ut vacant, adhominem, adversarios refellcrent, multa ad illorum potiàs qaàm ad propriam mentem,pro concessis relinquebant. Statuebant autem christianitatis hostes tanquàm rem apud se compertam, prœter Judaïcam nationem, prorsùs reliquos homines suis multiplicibus diis deditos fuisse : comme si c'était là un sentiment particulier des ennemis de la religion, et non pas la commune supposition tant des païens que des chrétiens.

Il allègue en plusieurs endroits le passage de saint Paul : Naturaliter quœ legis sunt faciunt  (2) : ce qu'il ne ferait pas avec tant de confiance s'il avait voulu apprendre de saint Augustin que ce passage s'entend des gentils convertis à l'Evangile, dans lesquels la nature était réparée par la grâce ; ce qui donne lieu à l'expression naturaliter : quoique en quelque sens que se prenne ce passage, il ne conclut rien pour l'auteur; mais seulement que la nature n'était pas tout à fait anéantie, et que jusqu'à un certain point les gentils pratiquaient la loi naturelle.

1 Lib. IV, ep. CXCVIII. —  2 Rom., II, 14.

 

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En général il abuse par tout son livre de deux doctrines très-orthodoxes, dont l'une est qu'il y a eu des fidèles dispersés par-ci par-là hors de l'enceinte du peuple juif; et la seconde, que Dieu veut que tous les hommes soient sauvés.

Il est vrai que depuis la loi de Moïse les païens avaient acquis une certaine facilité plus grande de connaitre Dieu par la dispersion des Juifs, et par les prodiges que Dieu avait faits en leur faveur, en sorte que le nombre des particuliers qui l'adoraient parmi les gentils est peut-être plus grand qu'on ne pense ; mais que des peuples entiers aient ouvert les yeux à la vraie religion, c'est de quoi l'on ne voit aucun exemple.

On doit aussi avouer qu'il y a eu parmi les païens des idées générales et confuses de la corruption de la nature, et de la venue future d'un libérateur : mais cela ne conclut pas que ces lumières aient produit leur effet pour le faire reconnaître.

Je ne crois pas que l'auteur, qui allègue l’Eglogue IV de Virgile comme contenant une idée du mystère de Jésus-Christ veuille conclure de là que Virgile et les Romains de son temps l'aient reconnu. Sans entrer dans la discussion des Sibylles, il suffit de savoir que leurs vers prophétiques, vrais ou faux, n'ont eu aucun effet parmi les païens, qui ne paraissent pas avoir connu les vers qui regardent Jésus-Christ, et que nous trouvons dans plusieurs Pères, et dont aussi il est certain que plusieurs Pères ont douté.

L'auteur allègue un passage de Cicéron, où il est parlé d'un roi qu'il faudrait reconnaître pour être sauvé; ce qu'on appliquait à Jules-César. Cicéron même fait voir que cette prétendue prophétie n'avait rien que de vague et d'ambigu (1). Quoi qu'il en soit et quelque usage qu'on en veuille faire, aussi bien que des bruits qui se répandaient par lesquels la venue prochaine de Jésus-Christ semblait être pronostiquée : tout cela pouvait bien être, si l’on veut, des préparations éloignées pour disposer les païens à la foi du Sauveur qui devait venir, mais n'a jamais eu l'effet de la faire naître dans les cœurs.

Quant à l'argument tiré de ce que Dieu veut que tous les hommes soient sauvés, il est bien aisé d'entendre que les témoignages

 

1 Cicer., de Divinat., lib. II.

 

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généraux que Dieu donne de lui-même et de sa sagesse, pouvaient induire les hommes à connaître Dieu et à rejeter les idoles, avec les grâces communes et générales qui ne manquent à personne. Il n'y a pas non plus sujet de douter qu'il n'y ait eu à l'égard de quelques-uns des motions spéciales et efficaces pour profiter de ces lumières générales; et que ceux qui en auront profité auront pu être amenés plus loin par les moyens qui sont connus à Dieu. Mais c'est là aussi tout ce qu'on peut conclure de cette volonté générale, et de ces grâces données ou offertes aux païens, et ce qu'y ajoute l'auteur est inouï dans toute la théologie. Il passe même jusqu'à dire qu'en soutenant que nul peuple n'a connu Dieu que les Juifs on établit l'incrédulité, comme l'effet d'une espèce de violence. Voici ses paroles : Hœccine sunt arcana novi systematis mysteria, quibas Dei voluntas omnes homines salvandi, atque adeù potissimùm caput religionis funditùs subvertilur. Si enim dimoveri ab electione Judœorum non potuit gentium omnium obedientia, fuit omnino necessaria illarum à Dei cultu secessio, et quœ perfidiœ débita pœna est, necessarius œternus interitus. Vocamus siquidem omnes illud necessarium, quod aliter ac fit esse non potest. Excès vraiment insupportable, puisque chaque particulier pouvait profiter des grâces générales, et qu'il ne faut point douter qu'il n'y ait eu grand nombre de ces croyants dispersés parmi les gentils dont nous venons de parler ; mais que Dieu, qui commît seul la dispensation de ses grâces, avait su et révélé que celles qui dévoient entraîner efficacement les peuples gentils à sa connaissance et à son culte, étaient réservées au temps de la nouvelle Alliance.

Dieu a révélé qu'il n'y aurait pas d'homme si juste, qu'il ne tombât dans quelque péché. Est-ce à dire qu'il force les hommes au péché? À Dieu ne plaise. Ainsi il aura prédit que les peuples hors de la Judée ne viendraient à sa connaissance et à son culte que par Jésus-Christ. A Dieu ne plaise qu'on croie pour cela qu'il les ait forcés à l'incrédulité : il n'a fait que prédire l'effet de la distribution qu'il avait prédestinée de ses grâces.

J'ajouterai en un mot, que cet auteur ajuste les passages à sa mode. On a déjà vu ce qu'il avait fait dire à Agathias sur l'adoration

 

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d'un seul Dieu ; ce qui est directement contraire au texte, quoique l'auteur y revienne souvent. Ce qu'il fait dire à Cicéron dans le second livre des Lois, sur le culte du soleil, ne se trouve pas dans le texte, ni rien d'approchant. Il ajoute deux lignes entières à un passage de saint Augustin (1), et il en retranche aussi des paroles essentielles, quoique ce passage, même comme il le rapporte, ne fasse rien pour lui. On ne sait ce qu'il veut dire des nations incirconcises, et il y a beaucoup de galimatias dans ce discours. Il rapporte ailleurs un passage de saint Augustin qui ne dit autre chose, sinon qu'il n'y a point d'acception de personnes devant Dieu ; ce qui ne conclut rien du tout. Il marque un passage de saint Augustin, où ce Père dit seulement que Dieu a voulu que la vertu de ses promesses ait paru plus manifestement dans le peuple juif (2) : d'où il conclut que la promesse de la foi et de la grâce du Messie, est en quelque sorte communiquée à tous les peuples. Il voudrait donc dire qu'il leur a été promis : mais où est cette promesse divine? Il ne peut parler ainsi que par une erreur manifeste, puisqu'il demeure lui-même d'accord que les promesses, le testament et la parole de Dieu, n'ont été communiqués à d'autres qu'aux Hébreux. C'est donc une hérésie manifeste que d'attribuer des promesses aux gentils.

Il est vrai qu'en la page 85, il rapporte de saint Irénée qu'il y a trois Testaments (3) (sans parler de celui d'Adam qui est le premier) ; ce qui est en effet très-véritable. Il y a le Testament du déluge, celui de Moïse et celui de Jésus-Christ. Mais que fait ce Testament du déluge à la question, puisqu'il ne contient point d'autres promesses, sinon de ne plus noyer la terre (4)? Ce qui montre qu'en voulant profiter de tout sans raison, l'auteur ne fait que tout embrouiller.

Il se sert d'un passage de saint Augustin, où se trouvent ces paroles : Populus enim reverâ, qui propriè Dei populus diceretur, nullus alius fuit (5) : « Il n'y a point eu en effet d'autre peuple que le juif qui fût appelé proprement le peuple de Dieu ; » ce qu'il

 

1 De Gratiâ Christi. lib. II, c. XXIV. — 2 De Cons. Evangel., lib. II, c. XXV, n. 39. — Iren., lib. III cont. Hœr., c. XI, n. 8. —  4 Gen., VIII, 21. —  5 De Civit. Dei, lib. XVIII, c. XLVII.

 

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explique en cette sorte : « Saint Augustin ne dit pas qu'il n'y eut point d'autre peuple qui fût vraiment le peuple de Dieu ; mais qu'il n'y en avait point qu'on appelât tel. » Attendite ad verba. Non ait : Nullus alius qui verè Dei populus, sed qui PROPRIÈ ; non qui Dei populus esset, sed qui DICERETUR. Quœ profectù nequaquàm significant alios omnes populos à Deo alienos fuisse ; sed inter eos solum electum Hebraicum, quem Deus tanquàm Rex ac Pontifex eximiâ sui cognitione, institutisque à se ritibus propriè ac singulariter gubernaret. Cette explication, qui suppose que d'autres peuples pouvaient être le peuple de Dieu par rapport au culte, est erronée; et'il est clair par toute la suite que saint Augustin n'a voulu dire autre chose, sinon que tous les peuples sont à Dieu par son souverain domaine, quoique par rapport à la patrie céleste ceux qui pouvaient y appartenir, hors les Juifs, étaient seulement quelques particuliers qui avaient la foi du Médiateur. Ce n'était donc point un peuple, mais quelques particuliers qui avaient alors cette foi, excepté les Juifs. Enfin il dit ces paroles : Verùm hanc  nostram sententiam in Epistolà eu Augustinus non innuit, sed statuit; non insinuât, sed exponit ac élucidât....... In hoc testimonio et sensus et verba ipsa Augustini aperta sunt. Nullus tritœ interpretationi, de privatis tantùm Dei cultoribus, hic ampliùs locus relinquitur : par où il prétend que saint Augustin n'insinue pas seulement, mais qu'il établit et expose parfaitement dans son Epitre CII (1), le sentiment de l'auteur touchant les peuples gentils, quoique ce Père ne dise autre chose, sinon que le même mystère de Jésus-Christ peut avoir été signifié pardivers sacrements : ce qui est certain et ne fait rien à la question, puisque dans ce même endroit de VEpître eu il ne marque que des particuliers par-ci par-là, qui connussent le mystère de Jésus-Christ, hors la race d'Abraham.

Concluons que ce livre est pernicieux en toute manière. J'ai vu la déclaration qu'on a imprimée de l'auteur ; et je trouve entre nous qu'elle est bien faible, puisqu'au lieu de lui faire au moins désavouer sa doctrine, on se contente qu'il désavoue l'impression du livre. Il fallait, à mon avis, le censurer expressément ; et puisqu'on

 

1 Quaest., II, n. 14 et 15.

 

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n'a point pris ce parti, il faudrait du moins faire un écrit qui en marquât et en réfutât les erreurs et les faux principes.

Cette réfutation aura trois utilités : la première et la principale, que le peuple sera instruit de vérités capitales, et prévenu contre des erreurs où l'on a beaucoup de penchant ; la seconde, que Rome verra les mauvaises suites de la doctrine chinoise ; la troisième, qu'elle sera réveillée sur cette matière, et connaîtra le besoin de remédier à un si grand mal.

Je crois, Monsieur, voir dans votre lettre que vous avez la pensée d'écrire vous-même sur ce sujet avec M. Tiberge. J'en serais ravi, et personne ne le peut mieux faire. Vous voyez que, sans rien dire de ce que contient le livre de M. Dupin (a), il y a de quoi faire un discours très-solide et très-instructif, où en mêlant l'onction et la piété avec la doctrine, on donnera beaucoup d'édification.

Si je n'étais présentement très-occupé à des choses fort nécessaires, je mettrais volontiers la main à la plume dans un si grand besoin de l'Eglise. Mais si vous entreprenez l'ouvrage, comme je le souhaite et vous en prie, je vois outre ceci beaucoup d'autres choses qui pourront y servir.

Par exemple en relisant cet écrit, il rne revient qu'il faudrait examiner dans Eusèbe, Histoire ecclésiastique, livre V, chapitre X; Socrate, livre I, chapitre XV ; dans Théodoret, livre I, chapitre XXIII ; et dans Sozomène, livre II, chapitre XXIII, la mission dans les Indes de Pantenus et Frumentius : par où il demeurerait pour constant qu'ils n'ont trouvé dans le pays aucun culte de Dieu que celui qui y avait été porté par les apôtres saint Matthieu et saint Barthélémy. Il faudrait aussi remarquer dans Eusèbe, livre I, chapitre I, que la connaissance de Dieu et de Jésus-Christ fut portée en Ethiopie par l'eunuque de la reine de Candace, sans qu'il paroisse qu'il y en eût auparavant aucun vestige.

On pourrait examiner en même temps les passages de l'Ecriture où il paraît que Zara, Ethiopien, faisant la guerre à Aza avec, un million d'hommes, Aza invoqua l'aide de Dieu contre

 

(a) La Défense de la Censure, que la Faculté avait faite des livres des deux Jésuites sur la religion et le culte des Chinois. (Les édit.)

 

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lui (1), comme on fait contre un infidèle. Isaïe compte les Ethiopiens comme parmi les infidèles (2), où le peuple de Dieu était dispersé, et contre lesquels il a protégé ce même peuple : ce qui paraît aussi chapitre XVIII, 30, 31. Ce prophète, chapitre XLIII, 3, range l'Ethiopie avec l'Egypte et Saba, peuples infidèles, qu'il sacrifiait au salut de son peuple; et chapitre XLV, 14, 15, après avoir parlé des trois mêmes nations, il vient à dire que Dieu n'est qu'en Israël. En Jérémie, Dieu parle manifestement des Ethiopiens comme de ses ennemis, dont il se veut venger (3). Le chapitre XXX d'Ezéchiel prouve la même chose. Amos est encore plus exprès, puisque Dieu y reprochant à son peuple qu'il a mérité d'être abandonné, il le menace de le traiter comme les enfants des Ethiopiens (4), dont Jérémie a écrit qu'ils ne changent point de peau (5); ce qui est le symbole d'un pécheur incorrigible. Enfin il est souvent parlé de l'Ethiopie dans l'Ecriture ; et ses peuples sont souvent venus au secours du peuple de Dieu, comme Taraca, roi de l'Ethiopie, pour Ezéchias (6), aussi bien que les Egyptiens et les autres infidèles. Le peuple de Dieu a été dispersé en ce pays ; et quoiqu'il soit si souvent parlé de ce peuple dans l'Ecriture (7), loin qu'il y ait un seul mot qui marque qu'on y connût Dieu, on y voit tout le contraire.

Il faudrait sur cela reprendre la pente qu'on a de sauver les hommes contre toute raison; ce qui va à obscurcir les jugements de Dieu, et fait voir qu'on peut être au rang de ses adorateurs à un très-bas prix.

Strabon marque les dieux qu'on adorait en Ethiopie (8).

On voit chez Homère que les dieux allaient en Ethiopie, pour les festins qui leur y étaient préparés.

Les Ethiopiens ont souvent conquis l'Egypte, et pris les mœurs du peuple conquis avec leur religion, sans y rien changer.

Sozomène raconte (9) comment, dans la persécution de Sapor roi des Perses, du temps de Constantin, on voulait faire adorer le soleil aux chrétiens.

 

1 II Paral., XIV, 9-12; XVI, 16, 8, 9. — 2 Isa., XI, 11. —  3 Jerem., XLVI, 9-12. — 4  Amos, IX, 1. — 5 Jerem., XIII, 23. — 6 Isa., XXXVII, 9. — 7 Soph., III, 10. —  8 Strab., lib. XVII. — 9 Sozom., lib. II, c. IX, X et seq.

 

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Il y a quelques réflexions à faire sur l'Adiabène en Assyrie, convertie au judaïsme du temps d'Hérode chez Josèphe, et toute chrétienne chez Sozomène (1).

Chez Ammian Marcellin, la religion des Perses envers les astres et le feu est amplement décrite. Les augures des mages, et l'obligation qu'avaient les rois de Perse de s'instruire de leur discipline, sont marqués dans Cicéron (2).

Je voudrais voir Hyde, Géraldin et Tollius, pour ne pas attaquer seul un homme qui se soumet. Il faudrait aussi parler d'un auteur qui justifie Socrate et le culte d'Esculape. On sait aussi ce qu'a écrit Zwingle dans un livret dédié à François Ier, sur le salut d'Orphée, d'Hercule, etc.

Vous ne sauriez trop tôt vous déterminer à commencer ce travail utile et pieux, et même nécessaire.

A vous, sans réserve.

P. S. Au moment que j'écris, il se forme un plan dans mon esprit, qui me paraît grand, simple et court; où sans parler de qualifications, on ferait voir l'impiété de tant de faux systèmes, d'une manière très-grave : mais il faut finir.

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