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LETTRES DIVERSES DE L'AUTORITÉ DES JUGEMENTS ECCLÉSIASTIQUES, OU SONT NOTÉS LES AUTEURS DES SCHISMES ET DES HÉRÉSIES (a).

 

Il revient de beaucoup d'endroits des plaintes amères, qui font sentir que plusieurs sont scandalisés de l'autorité qu'on donne

 

(a) l'abbé Ledieu nous fait connaître l'origine de cet ouvrage. Après avoir mentionné la Lettre aux Religieuses de Port-Royal, parlant de l'autorité des jugements ecclésiastiques, il dit dans ses Mémoires : « Sentant le besoin qu'avait l'Eglise d'une instruction à fond en cette matière, il (Bossuet) recueillit des mémoires de l'histoire ecclésiastique et des conciles, qu'il poussa jusqu'à celui de Constance, auquel il travaillait encore à Versailles au mois d'août (1702), quand il fut attaqué de la pierre, pour prouver par la pratique de tous les siècles... la nécessite de la soumission entière de jugement et de la persuasion absolue dans les décisions de l'Eglise contre les erreurs, aussi bien que contre les auteurs et les livres qui les enseignent. » Et dans un autre endroit : « il voulait faire une plus ample instruction pour prouver que l'on doit une soumission parfaite aux décisions de l’Eglise, même dans les laits dogmatiques. Dans le mois de février et pendant tout le carême de 1703, il dicta un long mémoire avec un grand recueil de toutes les preuves de la tradition sur cette affaire. »

L'abbé Le Queux, qui avait entrepris, puis cédé à Déforis l'édition des œuvres complètes de Bossuet, reçut, avec les autres papiers du grand homme, le manuscrit qui renfermait ces précieux documents, ces savantes discussions : quel usage en fit-il? Feller va nous l'apprendre : « Feu M. Riballier, syndic de la faculté de Paris, parlant à l'abbé le Queux du petit ouvrage qu'avait fait ce prélat (Dossuet) sur le formulaire d'Alexandre VII, lui dit que sûrement il avait dû le trouver parmi ses manuscrits. L'abbé répondit que effectivement il l'avait trouvé, mais qu'il F avait jeté au feu. Riballier lui fit à ce sujet une réprimande convenable. Nous pouvons citer les personnes les plus respectables qui vivent encore, et à qui M. Riballier a fait part de cette anecdote. Il n'en revenait pas toutes les fois qu'il racontait cette impertinente réponse. » Voilà ce que dit un auteur digne de toute confiance. Mais pourquoi l'abbé Le Queux brûla-t-il l'ouvrage de l'immortel écrivain? Parce qu'il le trouvait trop fort de faits et de raisonnements contre les jansénistes, parce qu'il avait « entrepris » dit encore Feller, la nouvelle édition de Bossuet « précisément pour corrompre les écrits de ce grand homme, et rendre sa foi suspecte.» Déforis et les Bénédictins des Blancs-Manteaux partageaient ses préventions, sa haine, son opiniâtreté janséniste. Et c'est sur la foi de ces hommes-là que tous les éditeurs ont reproduit et reproduisent aveuglément, sans collationner un seul mot sur les originaux, les œuvres de Bossuet, principalement les œuvres posthumes.

Cependant l'abbé Le Queux avait fait, de l'écrit sur L'autorité des jugements ecclésiastiques, une copie de sa façon, tronquée, mutilée, telle qu'elle nous paraîtra tout à l'heure. C'est sur cette copie qu'on a imprimé, il le fallait bien, l'ouvrage de Bossuet.

 

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aux jugements ecclésiastiques, où sont flétris et notés les auteurs des schismes et des hérésies avec leur mauvaise doctrine. Plusieurs gens doctes, éblouis du savoir et de l'éloquence d'un certain auteur célèbre parmi nous (1), croient rendre service à Dieu en affaiblissant l'autorité de ces jugements. A les entendre, on croirait que les Formulaires et les souscriptions sur les condamnations des hérétiques, sont choses nouvelles dans l'Eglise de Jésus-Christ ; qu'elles sont introduites pour opprimer qui on voudra ; ou que l'Eglise n'a pas toujours exigé selon l'occurrence, que les fidèles passassent des actes qui marquassent leur consentement et leur approbation expresse, ou de vive voix, ou par écrit, aux jugements dont nous parlons, avec une persuasion entière et absolue dans l'intérieur. Le contraire leur paraît sans difficulté ; ils prennent un air de décision qui semble fermer la bouche aux contre-disants ; et ils voudraient faire croire qu'on ne peut soutenir la certitude des jugements sur les faits, sans offenser la pudeur et la vérité manifeste. Cependant toute l'histoire de l'Eglise est remplie de semblables actes et de semblables soumissions, dès l'origine du christianisme.

Il m'est venu dans l'esprit qu'il serait utile au bien de la paix de représenter ces actes, à peu près dans l'ordre des temps, en toute simplicité et vérité. Je pourrais en faire l'application aux matières contentieuses du temps ; mais j'ai cru plus pacifique de la laisser faire à un chacun. Loin donc de ce discours tout esprit de contention et de dispute. Je ne veux ici produire que des faits constants, que des actes authentiques de l'Eglise, que des exemples certains, qui autorisent le droit perpétuel d'exiger le consentement et l'approbation des actes dont il s'agit.

Je soutiens donc, 1° qu'elle a exercé ce droit sacré dès l'origine du christianisme, et que cette vérité est incontestable; je passe encore plus avant, elle peut être démontrée en une ou deux pages d'une manière à ne laisser aucune réplique. Par exemple, j'exposerai par avance ce fait tiré, du concile de Constance, lequel ayant défini plusieurs faits contre Jean Wiclef et Jean Hus, dans les sessions huitième et quinzième, comme « qu'ils étaient hérétiques,

 

1 Le docteur Arnauld.


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et avaient prêché et soutenu plusieurs hérésies, et notamment que Wiclef était mort opiniâtre et impénitent, anathématisant lui et sa mémoire (1) ; » le pape Martin V ordonne dans ce concile, avec son approbation expresse (sacro approbante concilio), « que tous ceux qui seraient suspects d'adhérer à ces hérétiques, sans aucune distinction, soient obligés de déclarer en particulier qu'ils croient que la condamnation faite par le saint concile de Constance, de leurs personnes, de leurs livres et de leurs enseignements, s été très-juste, et doit être retenue et fermement assurée pour telle par tous les catholiques, et qu'ils sont hérétiques et doivent être crus et nommés tels (2). »

Arrêtons-nous là; et supposons, si vous voulez, qu'il n'y ait que ce seul l'ait à produire et à discuter : je dis que par ce seul fait la chose est décidée; et toutes les objections qu'on peut faire tombent par terre sans ressource.

Ce jugement est prononcé par un concile oecuménique, toutes les obédiences, comme on parlait, étant réunies, le Pape à la tête. Est-on obligé d'y croire, ou non? Ceux qui nient la certitude de tels jugements, répondent que non, parce que l'Eglise n'est pas infaillible en les prononçant, puisque ce sont des laits qui ne sont pas révélés Je ne suis pas obligé à résoudre cette objection. Je demande à mes adversaires si le concile de Constance est plus infaillible dans les faits que les autres assemblées ecclésiastiques : quand il oblige à croire le jugement porté contre Wiclef, de quelle sorte de croyance veut-il parler? ou bien n'exige-t-il aucune croyance? Que veulent donc dire ces mots appliqués à tant de faits? Est-ce une croyance naturelle ou surnaturelle, ou une simple résolution de garder un silence respectueux, pendant qu'on est présent devant le juge qui demande un oui ou un non précis? Je ne réponds rien, je demande seulement ; je conformerai ma réponse à celle qu'on me fera; et on ne doit point m'inquiéter, si on n'en a point à me faire.

Mais, direz-vous, on ne me propose point de souscription. Peut-on jamais exiger une déclaration plus formelle sur les faits jugés au concile, et aurait-on fait davantage, si on eût demandé

 

1 Concil. Constant., sess. VIII, XV. — 2 Bull., Inter cunctas.

 

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la signature? Peut-on croire que toute l'Eglise assemblée en concile œcuménique mette ses enfants dans le péril de mentir, et de calomnier Wiclef sur la foi d'un jugement qui ne peut avoir de certitude?

Mais, dira-t-on, au défaut de la foi, on a une certitude de prudence humaine. Où la prend-on? qui l'a révélée? et qui ne voit qu'on ne peut s'assurer de rien, que sur la foi du jugement de toute l'Eglise?

Je n'ai encore allégué qu'un seul fait; et en m'y tenant, je vois tous mes adversaires à bout. Mais un tel fait ne marche jamais seul. Un concile œcuménique, tel que celui de Constance, est toujours précédé par la tradition; et dès là je suis assuré de l'avoir pour moi sans entrer dans une plus ample discussion, comme je l’avais promis. J'y entrerai néanmoins, pour comble de conviction et pour aller à la source. Il en résultera des règles avouées par nos savants ; on verra qu'ils n'ont pu trouver d'actes contraires; et quand il sera constant que le droit de l'Eglise, que je veux défendre, est appuyé sur une tradition incontestable dès l'origine du christianisme, alors je me joindrai avec eux; et d'eux-mêmes, ils se trouveront obligés à chercher avec moi des solutions aux objections qu'ils proposent contre le droit de l'Eglise, qu'ils verront si clairement établi : ce qui fera une seconde partie de ce discours, mais une partie qui ne me regardera pas plus que tous les autres théologiens, puisqu'ils ont le même intérêt que moi à défendre la tradition.

Il ne s'agira donc pas de me demander quelle est la nature de l'autorité des jugements ecclésiastiques sur les faits qui ne sont pas révélés de Dieu, puisqu'une fois il sera vrai que cette autorité aura été reconnue par cent actes inviolables, et qu'il faudra bien trouver les moyens de l'exercer pour le salut des fidèles.

Encore, comme j'ai dit, que je ne veuille point entrer dans les matières contentieuses qui ont fait l'agitation de nos jours, je souhaite qu'il me soit permis de lever, par deux faits constants, deux préjugés considérables que je trouve dans les esprits de quelques savants.

Le premier, que la souscription pure et simple du Formulaire

 

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porte préjudice à la doctrine de saint Augustin et à la grâce efficace : mais le contraire est indubitable, puisque cette doctrine va son cours à la face de toute l'Eglise ; on la soutient par tout l'univers et à Rome même avec la même liberté et si on peut ainsi parler, avec la même hauteur. Alexandre VII a recommandé par un décret exprès la doctrine de saint Augustin et de saint Thomas. Innocent XII consulté par l'Université de Louvain, si elle devait changer quelque chose dans son ancienne doctrine sur la grâce et le libre arbitre, qui est celle de saint Augustin et de saint Thomas, a répété les anciens décrets de l'Eglise Romaine, pour adopter la doctrine de saint Augustin, dans les mêmes termes dont s'est servi le pape saint Hormisdas dans sa décrétale ad Possessorem (1) qui sont les plus authentiques qu'elle ait jamais employés. Le clergé de France, dans son Formulaire de 1654, pour ôter tout scrupule ou tout prétexte à ceux qui pourraient appréhender que la doctrine de saint Augustin ait pu recevoir aucune atteinte par la condamnation des cinq propositions de Jansénius, dans les Constitutions d'Innocent X et d'Alexandre VII, a expressément inséré dans ce Formulaire que la doctrine de saint Augustin subsiste dans toute sa force, et que Jansénius l'a mal entendue. Ce Formulaire du clergé de, France subsiste en Sorbonne dans sa pleine autorité ; c'est celui qu'elle a reçu, qu'elle conserve, qu'elle fait encore aujourd'hui souscrire à tous ses bacheliers et à tous ses docteurs, parmi lesquels depuis cinquante ans se trouveront trente évêques. C'est donc une illusion manifeste de faire craindre dans les Formulaires la moindre altération de la doctrine de ce Père. L'école de saint Thomas s'élève en témoignage contre de si vaines appréhensions ; et suffit seule pour faire voir qu'on peut défendre, sans rien craindre, le besoin que l'on a d'un secours qui donne l’agir par-dessus celui qui donne le pouvoir complet en ce genre, qui est tout ce que j'avais à remarquer.

Mais une seconde remarque n'est guère moins importante. Il y en a qui veulent se persuader que l'obligation à la souscription pure et simple, donne trop d'avantage à ceux qu'ils appellent les

 

1 Hormisd.; epist. LXX.

 

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auteurs de la morale relâchée, et leur donne indirectement trop de pouvoir. C'est là sans doute un vain prétexte. Les évêques qui se sont le plus attachés à maintenir les Constitutions et les Formulaires n'en ont pas été moins attachés à défendre la bonne morale, témoin l'assemblée de 1700, où sans faire querelle à personne, les relâchements ont été attaqués avec autant de vigueur que jamais. Jamais l'obligation d'aimer Dieu n'a été ni mieux établie ni plus étendue. On n'a jamais poussé plus loin, ni par des principes plus solides, la fausse et dangereuse probabilité. La même assemblée s'est expliquée plus vivement que jamais pour la doctrine de saint Augustin ; et on ne s'était jamais déclaré plus clairement contre le semi-pélagianisme des derniers temps. Il faut donc être convaincu que les souscriptions et les Formulaires ne nuisent en rien à la pureté de la morale, ni même à la vérité de la grâce chrétienne, ni enfin à aucune partie de la saine théologie, puisqu'on voit les évêques également opposés à tous les excès.

Ces préventions ainsi levées, je crois qu'on se porterait naturellement à reconnaître l'autorité toute entière des actes ecclésiastiques dont nous avons promis le récit. Il serait temps d'entrer dans cette déduction, s'il n'était encore plus essentiel d'établir le fondement des saintes Ecritures, qui doit servir d'appui à tout ce discours.

Ce fondement important consiste à dire que si l'Eglise prononce des jugements authentiques sur les faits dont il s'agit, encore que bien constamment ils ne soient pas révélés de Dieu, elle ne l'entreprend pas d'elle-même ni de sa propre autorité ; elle en a reçu un commandement exprès d'en haut, dans tous les passages où le Saint-Esprit lui commande de censurer, de reprendre, de convaincre, de noter l'homme hérétique, de le faire connaître, afin qu'on l'évite, qu'on l'ait en exécration, et que sa folie soit connue ; tous préceptes divins donnés à l'Eglise, et qui se trouvent renfermés dans celui-ci seul : « Donnez-vous de garde des faux prophètes qui viennent à vous dans des vêtements de brebis, et au dedans sont des loups ravissants (1). »

 

1 Matth., VII, 15; Act., XX, 29.

 

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Il ne faut pas écouter ceux qui, pour éluder ces passages, semblent vouloir introduire la dangereuse maxime que l'Eglise ne prononce de tels jugements que par des notoriétés de fait, lorsque les erreurs sont constantes et avouées par leurs auteurs ; à quoi j'oppose ces maximes, dont la vérité paraîtra dans tout ce discours, et qui dès à présent vont lui servir de soutien, en sorte que la question peut être décidée par elles seules.

Première maxime. Il n'est pas vrai que l'Eglise n'ait à flétrir parmi les hérétiques que ceux dont les erreurs sont notoires et avouées, puisqu'au contraire ceux-là étant si publiquement connus, sont ceux qu'il est moins besoin de noter par la censure ecclésiastique.

Seconde maxime. Il est vrai au contraire que ceux qu'il lui est plus expressément commandé de noter, sont ceux qui se cachent et se déguisent le plus.

Troisième maxime. C'est l'intention expresse de ce passage : « Donnez-vous de garde de ceux qui viennent à vous avec des habillements de brebis, et au dedans sont des loups ravissants. » Car ce sont ceux-là précisément à qui il faut ôter la peau de brebis et le masque de l'hypocrisie, qui les rend les plus dangereux de tous les séducteurs, et à qui aussi pour cette raison l'Eglise doit opposer avec plus de force l'autorité de ses jugements.

Quatrième maxime. Aussi Jésus-Christ donne-t-il le moyen de les connaître, en disant : « Vous les connaîtrez par leurs fruits, par leurs œuvres ; » comme s'il disait : Il n'est pas question ici des notoriétés, et de l'aveu de ces hypocrites ; plus ils nient, plus vous les devez détester, et rendre public votre jugement. Je vous donne le moyen de les convaincre ; rendez-vous attentifs aux fruits qu'ils portent ; discernez la vérité des apparences : en un mot, convainquez-les, notez-les, afin que personne ne s'y trompe. Quand vous les voyez entraîner des disciples avec eux, partager même les catholiques, en mettre un grand nombre dans leur parti, en sorte qu'on ne sache presque plus qu'en croire : bien loin de vous rebuter, plus vous devez interposer votre jugement, quand ce ne serait que pour mettre fin aux dissensions et aux schismes qui font tant de maux aux églises.

 

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Cinquième maxime. A Dieu ne plaise qu'on laisse croire aux fidèles que ce soit un joug que l'Eglise leur impose, que de les obliger à l'en croire, puisqu'au contraire c'est le plus grand bien qu'on leur puisse procurer, n'y ayant rien de plus nécessaire à la santé que de bien connaître la maison où est la peste, et les personnes qui peuvent nous l'apporter.

Nous pouvons rapporter ici par avance une requête présentée sous Mennas, où l'on demande que le concile fasse de Sévère et de quelques autres hérétiques, ce que les conciles ont fait selon la coutume de Nestorius, d'Eutychès et de Dioscore c'est-à-dire de les frapper d'anathème, et de les faire connaître à tout le peuple, comme gens d'une doctrine empoisonnée. Nous trouvons encore dans le même concile les acclamations de tout le peuple au patriarche, afin qu'il frappe le même Sévère d'anathème et d'exécration, où tout le peuple presse le patriarche avec de grands cris et une espèce de violence à anathématiser Sévère (1). Il ne s'agissait pas d'une notoriété ou d'un aveu ; Sévère était connu de tout le peuple ; mais ils veulent avoir contre lui l'anathème du patriarche et l'autorité des choses jugées, afin que l'hérésie passe à jamais pour condamnée et détestée, avec l'exécration de son auteur.

Sixième maxime. C'est en suivant ces maximes de l'Evangile, qu'on a vu dans tous les temps de l'Eglise flétrir et noter les hérétiques, non point par leur aveu ni par les notoriétés qu'on voudrait introduire ; on a toujours procédé par examen, par information juridique. Je me contente d'abord d'en apporter deux exemples tirés des conciles généraux.

Dans celui d'Ephèse, où Nestorius fut condamné, on ne veut point se fonder sur son aveu. On lit les lettres de cet hérésiarque ; on les improuve, on lit les extraits de ses serinons qu'il avait lui-même envoyés au pape saint Célestin ; s'il avait proféré quelque blasphème, on en informait juridiquement ; on le cite dans le concile ; on accuse sa contumace ; on montre par la procédure qu’on veut agir par l'autorité des choses jugées. On procède à peu près de même contre Dioscore patriarche d'Alexandrie, au

 

1 Conc. Constantinop., sub Menn., act. V. — 2 Concil., Labbe, tom. V, col. 178.

 

 

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quatrième concile général, c'est-à-dire à celui de Chalcédoine, où les erreurs et les violences de ce patriarche furent dénoncées ; on accuse ses autres crimes ; on le cite ; on le contumace ; et comme Nestorius, il demeure anathématisé et détesté par l'autorité des choses jugées, sans qu'on se serve de son aveu ni de la notoriété. Voilà deux exemples fameux, qui seront bientôt suivis d'une infinité d'autres, qui rendent constante la maxime que l'Eglise procède par voies judiciaires, par examen, par information, par un jugement canonique, et en un mot par l'autorité des choses jugées.

Nous voyons dans les lettres du concile de Carthage et de..... à saint Innocent Ier, qu'on tenait registre des informations qu'on faisait contre les auteurs de sectes, de leur interrogatoire, de leur aveu, de leur déni, pour montrer qu'on n'attendait pas à condamner quand eux ou leurs disciples avoueraient leurs erreurs ; mais qu'on voulait les forcer et les convaincre, afin que le peuple ne put les méconnaître ; et que plus ils tâchaient à les déguiser et à envelopper leurs discours, plus ils fussent découverts.

Otez à l'Eglise ces saintes maximes, vous la désarmez contre les hérésies; elles ne se répandent pas toutes seules; c'est quelque personne, c'est quelque livre qui les tirent de l'enfer, où elles ont été conçues. Priver l'Eglise du pouvoir de noter ces livres ou ces personnes, c'est la livrer en proie à l'hérésie. Réduisez-la à ne flétrir que ceux qui avouent, le plus grand hypocrite l'emportera toujours ; la parole demeurera au plus opiniâtre, et le plus simple sera toujours le plus exposé.

Il est bon de se mettre ici le plus vivement qu'on pourra devant les yeux le caractère de l'homme hérétique. On en peut prendre l'idée dans les interrogatoires d'Eutychès, dans les conférences avec les donatistes, manichéens, ariens, eutychiens et très-clairement au concile d'Aquilée, sous saint Ambroise. C'est là qu'on découvre tant de déguisements, tant de chicanes, tant d'ambiguïtés affectées, des procédures si éloignées de la bonne foi, qu'on voit par cet endroit seul combien les fidèles ont besoin d'être prévenus, par l'autorité inviolable des jugements ecclésiastiques,

 

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contre tant de tentations subtiles, et, comme parle saint Jean, contre les malices et les profondeurs de Satan (1).

C'est pourquoi il faut ici observer soigneusement que les ordres donnés à l'Eglise pour manifester les hérétiques, sont conçus en termes très-généraux, et qu'on n'y trouve dans les Ecritures aucune limitation : « Prenez garde à vous, dit saint Paul, et à tout le troupeau dont le Saint-Esprit vous a établis évêques, pour gouverner l'Eglise de Dieu, qu'il a rachetée par son sang. Je sais, poursuit-il, qu'après mon départ ou après ma mort, il entrera parmi vous des loups ravissants, et que même il s'élèvera au milieu de vous des menteurs, des séducteurs, des hypocrites qui tiendront des discours pervers, artificieux, pour entraîner des disciples après eux. Souvenez-vous que je n'ai cessé nuit et jour de vous en avertir avec larmes (2). » Pourquoi un si grave avertissement, si ce n'est afin de rendre l'Eglise attentive à découvrir ces trompeurs futurs, de quelques couleurs qu'ils se parent et quelque nombre de disciples qu'ils entraînent après eux, même du milieu des frères qui se disent le plus catholiques?

Il n'y a rien de plus général que ces commandements divins. Les fidèles vivent en repos sur cette foi qu'ils ont des surveillants établis de Dieu, avec des ordres exprès de dénoncer l'hérétique, sous quelque forme qu'il paroisse, puisque, bien loin de se taire quand il se cache, c'est au contraire le cas précis de l'examiner, de le déclarer, et de le montrer au doigt, de peur qu'on ne s'y trompe.

Je n'en veux pas dire davantage à présent; le reste viendra en son tour : c'est sur ce fondement de l'Ecriture que l'Eglise, par une pratique aussi ancienne que la religion, s'est accoutumée à dénoncer tout homme hérétique à toute la société chrétienne. Les apôtres en ont donné l'exemple. Saint Paul a dénoncé publiquement Hyménée et Philète avec l'expression de leur erreur, qui était de croire que la résurrection était déjà faite (3). Il nomme ailleurs dans une de ses Epîtres, Hyménée et Alexandre, comme gens qu'il a livrés à Satan, afin de leur apprendre à ne point blasphémer (4). Il n'oublie pas Phigelle et Hermogène (5). L'apôtre

 

1 Apoc., II. 24. — 2 Act., XX, 28 et seq. — 3 II Tim., II, 17, 13. — 4 Tim., I, 20. — 5 II Tim., I, 15.

 

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saint Jean dénonce Diotrèphes (1), qui s'était fait une primauté dans l'Eglise d'Asie, et refusait de reconnaître cet Apôtre. Ces exemples apostoliques ont été suivis ; et c'est une tradition de tous les siècles, d'envoyer le nom de tous les hérétiques chargés des anathèmes de toute l'Eglise contre leurs personnes et leurs livres, en exprimant leurs erreurs. Nous en allons rapporter les actes, pour faire foi à tout l'univers que l'Eglise a exercé le pouvoir de prononcer sur ces faits, encore qu'ils ne soient point révélés de Dieu, et d'exiger le consentement à ces jugements (a).

Premier et deuxième exemples (b). Jugements rendus contre les semi-pélagiens, en faveur de saint Augustin.

Comme l'Eglise pour l'utilité des fidèles note l'homme hérétique, il est utile aussi qu'elle marque les principaux docteurs suscités par la Providence pour combattre les hérésies. Elle l'a fait à l'égard de saint Augustin en deux occasions. Prosper et Hilaire s'étaient plaints à saint Célestin des accusations de saint Augustin. Ce pape se déclare, et décide pour l'autorité de saint Augustin. Hormisdas fit la même chose dans le temps que Fauste de Riez tâchait de relever l'hérésie des semi-pélagiens, et canonisa en particulier les deux livres que les ennemis de saint Augustin improuvaient. Toute l'Eglise a consenti à ce jugement, et ceux qui veulent le plus affaiblir l'autorité des choses jugées, sont les plus attentifs à maintenir l'autorité des jugements de ce pape.

Troisième exemple. La reconnaissance du pontificat du pape saint Corneille, tirée de saint Cyprien et d'Eusèbe de Césarée. Autres exemples semblables répandus dans tous les siècles, et réflexions sur la certitude de chaque pontificat légitime.

Quatrième exemple. La condamnation de Paul de Samosate au concile d'Antioche.

 

1 III Joan., IX.

 

(a) L'abbé Lequeux dit à cet endroit dans la copie de l'ouvrage de Bossuet; « Jusqu'ici j'ai copié exactement le manuscrit, qui n'est qu'une espèce de brouillon dicté par l'auteur dans un temps où ses grandes infirmités l'avaient mis hors d'état d'écrire lui-même. Je me contenterai présentement de marquer les exemples de la tradition qu'il a employés. » Cela veut dire en bon français : Les preuves contre les jansénistes deviennent trop fortes ; je me contenterai présentement de les supprimer. — (b) Autre note de l'abbé Lequeux : « Pag. 17 du manuscrit.

 

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Cinquième exemple. La condamnation de Nestorius.

Sixième et septième exemples. Accord de saint Cyrille avec Jean d'Antioche et les évêques d'Orient, sur le fait de Nestorius. Il est anathématisé par Théodoret au concile de Chalcédoine.

Huitième et neuvième exemples. Diverses manières de souscrire dans le concile de Chalcédoine : semblables distinctions dans le concile de Latran sous le pape saint Martin.

Dixième exemple. Jugement favorable à saint Athanase.

Onzième et douzième exemples. Condamnation d'Origène avec souscription, et d'Auxence sans souscription, avec égale autorité.

Treizième exemple. Parole de saint Augustin sur Cécilien.

Quatorzième exemple. Décret du pape saint Léon pour condamner les auteurs de l’hérésie pélagienne, par souscription expresse.

Quinzième exemple. Le formulaire du pape Hormisdas contre Acace, patriarche de Constantinople. Doctrine des papes sur les souscriptions.

Seizième et dix-septième exemples. Le formulaire de saint Hormisdas (Prima salus) répété sous le pape Agapet, et encore plus expressément dans le concile huitième, sous les papes Nicolas Ier et Adrien II.

Dix-huitième exemple. La condamnation de Timothée, patriarche d'Alexandrie, par les lettres qu'on a appelées circulaires.

Dix-neuvième et vingtième exemples. Requête donnée aux évêques pour demander l'anathème de Sévère, et les cris du peuple au patriarche sur le même sujet.

Vingt-unième exemple. Confession de foi du pape saint Grégoire.

Vingt-deuxième exemple. La condamnation des trois Chapitres au cinquième concile.

Vingt-troisième exemple. La condamnation des monothélites dans le concile de Latran, sous saint Martin Ier.

Vingt-quatrième exemple. Actes du sixième concile, sous le pape Hormisdas (a).

 

(a) Voici encore une note de l'abbé Lequeux : « Ce titre de chapitre finit le manuscrit; et c’est là sans doute que l'auteur en demeura, à la page 107. » L'habile abréviateur marquait au commencement des exemples : Nous voici à

 

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EPISTOLA LXIV.
VIRO   CLARISSIMO  AMPLISSIMOQUE.  MICHAELI ANGEL0 RICCIO (a).

 

Ego te, vir clarissime, ac singulares animi tui dotes, et celebrante famà, et affirmantibus viris summo ingenio summâque dignitate prœditis, pridem  habeo cognitas. Illi te omni litteraturà cultissimum, te antiquae theologiœ ac disciplinae scientissimum pariter ac retinentissimum prœdicabant; te amplissimas quasque dignitates et virtute promeritum et animo supergressum in publica commoda totum incumbere, dignumque omninô esse quo Innocentius XI, Pontifex verè sanctissimus, plurimùm uteretur. Quae quidem à me non eò commemorantur quo viro modestissimo adblandiar, aut vicem rependam iis laudibus quas in me paucis gravissimisque sententiis amplissimas contulisti : verum quò intelligas quanti te faciam, fidemque habeas flagitanti ut quem ornasti diligas. Id quidem ego, vir clarissime, nisi me vita destituat, omni officii atque obsequii genere promerebor.

 

In Regià San-Germunâ 12 kal. jan. 1678.

 

la page 17 du manuscrit de Bossuet; il nous dit maintenant que nous sommes arrivés à la page 107; il a donc mis 90 pages de Bossuet dans 2 ou 3 des siennes. D'ailleurs qu'est-ce qui nous assure que Bossuet demeura à la page 107? D'après le rapport de son secrétaire intime, il travailla à son ouvrage en 1702, et « dicta dans le mois de février et pendant tout le carême de 1703; » il recueillit des témoignages et des faits dans « l'histoire ecclésiastique et dans les conciles; » en un mot, il fit « un long mémoire avec un grand recueil de toutes les preuves de la tradition : » et tous ces documents, toutes ces pièces, toutes ces discussions n'auraient rempli que 107 petites pages, car Bossuet et ses secrétaires n'employaient que du papier de petite dimension ? Quiconque parle par intérêt et non par devoir ; quiconque défend, non pas la doctrine de l'Eglise, mais sa propre opinion, tout sectaire est menteur.

(a) Secretarius Congregationis Indulgentiarum ac SS. Reliquiarum, sanctique Officii consultorfuit. Ab Innocentio XI in Cardinalium collegio cooptatus,anno vix elapso obiit, 12 mail 1682, annos natus 61. Eximiam Italicae versioni Expositionis dedit approbationem, in hujus libelli editione. Parisiuà anni 1679 inserlam. Hanc vide suprà, tom. XIII. p. 40.

 

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EPISTOLA LXV.
BOSSUETUS REVERENDISSIMO PATRI M. LAURENTIO DE LAUREA (a). JACOBUS BENIGNUS, EPISCOPUS CONDOMENSIS. In palatio San-Germano 12 kalendas januarii 1672.

 

Homini religiosissimo atque in theologià versatissimo quem Roma miretur et consulat, quem omnes ubique purpura dignissimum judicent, reverendissime Pater, mea scripta probari ; cùm mihi honorificum esse sentio, tùm haereticis nostris spero salutare futurum. Nimirùm illi jactare non desinunt diversissimas inter nos de fide quoque esse sententias, à Gallis dissentire Romanos, neque unquàm eventurum ut opusculum meum Roma? approbarem. Homines rerum nostrarum imperitissimi, qui catholicum episcopum ab Ecclesià Romanà dissidere posse putant, aut Romae non placere, quam ego unam sum prosecutus, expositam Tridenti fidem. Quos tamen non argumentis, sed ipsà re confutari refellique oportebat. Id à te potissimùm praestitum mihi gratulor : neque quidquam memini gratius contigisse, quàm quod vir nobilissimus juxta atque doctissimus abbas a sancto Lucà nuper ad me retulit, te nostri studiosissimuni esse atque amantissimum. Id nempè superest, vir révérendissime atque observandissime, ut quem tantoperè commendasti, pari benevolentiâ complectare ; meque tibi semper et conjunctissimum et obsequentissimum fore credas.

 

EPISTOLA LXVI.
CASTORIENSIS EPISCOPI CONDOMENSI.

 

Hisce veniam deprecor, quòd nobilissima vestra Catholicœ Fidei Expositio, non solùm parùm nobili charactere, vilique

 

(a) Brancati de Laureà vel Laurià. minor couventualis, bibliothecae Vaticanae prœfectus. Eum Innocentius XI sacro collegio adscripsit, auno 1681. Obiit 30 novembris 1693, annos natus 82.

 

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chartà, verùm etiam variis typographie violata vitiis hic édita fuerit.

Commiseram ejus edendae curam homini et docto et in arte typographicà expertissimo, verùm haeretico. Hinc vereor ne infensus libro, ex quo suae sectae diminutionem metuit, minus emaculatis typis eum edendum crediderit ; ut sic lucem veritatis, quà liber lucetet vincit, nonnihil obscuraret. Minime fueram arbitratus ipsum creditam sibi provinciam, vel tam negligenter, vel tam infideliter curaturum fuisse. Promiserat enim mihi curaturum se, ut nec in typis elegantia, nec in chartà nitor, nec in imitatione propositi sibi exemplaris fulelitas à quoquam posset desiderari.

Curabo, Antistes illustrissime, ut fldeliùs typographus libello vestro debitam reddat observantiam, edens illum typis nobilibus et emaculatis. Ausim dicere eum esse in nostrum idioma tam feliciter àmagni ingenii viro (a) transfusum, ut Gallicana? elegantiae vel parùm vel nihil detraxerit. Nullus dubito quin tam catholicis quàm a catholicis nostris evadet utilissimus; omnesque ejus auctori summa à Domino bona sint apprecaturi cum illo, qui magnâ cum observantià sese profitetur, illustrissime et révérendissime Domine mihi observandissime, humillimum et obedientissimum famulum, etc.

 

12 aprilis 1678.

 

EPISTOLA LXVII.
CONDOMENSIS CASTORIENSI.

 

Ego verò plurimas tibi habeo gratias de libello meo latine edito, ac missis ad me per clarissimum virum Dominum des Carrières exemplaribus. Sanè fatendum est multa errata, eaque gravia ac sensum obscurantia, irrepsisse : quae si nova editione emendare velis, uti tuae postremae litterae profitentur, pergratum mihi feceris. Quod ut faciliùs praestari possit, mitto ad te, Praesul

(a) Petrus Codde, qui deindè, sub litulo Archiepiscopi Sebasteni, ab anno 1686, Vicarii aposlolici muuere functus est, post obitum Castoriensis Episcopi.

 

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illustrissime, horum erratorum seriem, uti à me notata sunt. Tu me, uti facis, tuî amantissimum atque observantissimum ama, illustrissime, etc.

 

Datum in regio castello San-Germano, 22 maii 1678.

 

EPISTOLA LXVIII.
BOSSUETUS EMINENTISSIMO PRINCIPI ALDERANDO CIBO, S. R. E. CARDINALI, JACOBUS BENIGNES, EPISCOPUS CONDOMENSIS, SALUTEM.

 

Neque me contiscere, eminentissime Cardinalis, Innocentii optimi sanctissimique Pontificis benignitas singularis ; neque ipsi adeundo alium praeter te ducem quaerere, aut auctoritas tua, aut effusa in episcopos maxime Gallicanos benevolentia patitur. Hùc accedit quòd me quoque, quae tua humanitas est, nuper oblato Eminentlae Tuae exiguo tractatu meo, egregiâ animi tui ac propensissimae voluntatis significatione cohonestatum volueris, effecerisque omninô ut ingralus insulsusque videar, nisi et te uno nitar plurimùm, mihique ipsi tanti viri benevolentiam gratuler. Quaie etiam atque etiam rogo, eminentissime Princeps, primùm ut Innocentio pontifici verè maxinio gratulationem meam, summumque erga ipsum Sedemque apostolicam obsequium commendare velis : tùm ut tu quoque, cujus animi dotes suspicio venerorque, tuorum numéro me adscribas. Nec deerit conciliator optimus, ille qui in te viget sincera? pietatis, propagandae fidei, atque ecclesiasticae disciplinae in pristinum splendorem revocandae amor impensissimus, qui ut in te vim depromit suam, ita me ad eamdem metam, pro virium mediocritate, currentem ultrò adjuvabit.

Perspectum sanè mihi est, eminentissime Cardinalis, quàm indefesso studio ipsos adeas fidei ac disciplinae fontes, quàm sacris canonibus te ipsum primùm informandum tradas ; tùm verò Ecclesiam universam procurandam constituendamque committas.

 

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Esto illud praeclarum opus Innocentio XI, summo Pontifice, teque doctissimo sanctissimoque consultore dignissimum ; non statuas ponere, non obeliscos erigere, non immensas aedificiorum moles extollere ; sed fidem amplificare, sancire pacem, mores christianos excolere, sanctissimam disciplinam et firmare regulis, et exemplis instruere : ut ipse Ecclesiae décor ad eam pulchritudinem potiundam extraneos quoque et adversarios alliciatet instiget. Mihi verò conato ecclesiasticam doctrinam illustrare, ne illi posteà dixerint quod hactenùs immeritô exprobrarunt, meam sententiam Sedi apostolicae non probari, intelligant ei Sedi, cui Petrus praesidet et Pétri semulator Innocentius, quaecumque sunt vera, quaecumque pudica, quaecumque justa, quaecumque sancta, quaecumque amabilia, quaecumque bonae famae (1), et probari semper, et esse probata : tùm si qua sincera virtus, si qua laus disciplinae, haec cogilare Innocentium XI, et Innocentii sanctissimum consultorem Alderanum Cibum, quem ego summà animi reverentià prosequor, eique me addictissimum atque obsequentissimum fore spondeo. Vale.

 

In Regià Versaliensi, 8 kalendas decembris anno 1678.

 

EPISTOLA LXIX.
BOSSUETUS AD INNOCENTIUM XL

 

BEATISSIME PATER,

 

Quod votis omnibus expetendum fuit, id ego Vestrae Sanctitatis summo beneficio sum assecutus, uti mea scripta gestaque Sedi apostolicae probarentur, undè terris Deus fundit oracula, eique potissimùm Pontifici quem unum sincerae pietatis, christianarumque omnium virtutum laude eonspicuum, puriori quoque diviuitùs luce, afflatum esse oporteat. Equidem cùm elaboravi meum de Catholicœ Fidei Expositione tractatum, id mihi animo proponebam, ut et adversarii doctrinam Ecclesiae, tôt calumniis impetitam ac deformatam, qualis esset agnoscerent, et Ecclesiae filii compendioso sermone, sanctae Matris sensa perspicerent.

 

1 Philip., IV, 8.

 

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Quod mihi cumidatissimè contigisse minime dubitaverim, postquàm libellus meus, nonnullis jam gentibus cognitus, in Italiae quoque luce atque adeò Romae, quod est fidei caput, est editus, publicâ approbatione non munitus tantùm, sed ornatus, quoque nihil quidquam aut ad commendationem illustrius, aut ad auctoritatem firmius esse queat, Vestrae Sanctitatis sententiâ comprobatus.

Neque verò minus laetum fuit, beatissime Pater, quòd Vestra Sanctitas signification mihi esse voluerit gratam ipsi esse quantulamcumque meam, in informando serenissimi Delphini animo, diligentiam atque operam. Quo quidem in officio amplissimo gravissimoque quid praestarem, ipsa maximi régis jussa mons-trabant. Is namque cùm mihi regium adolescentem erudiendum tradidit, recolo enim lubens, id prae omnibus unum inculcabat infarciebatque, ubi pietatem, uti summam erga vestram Serlem reverentiam tenerae menti instillarem, eam deniquè fidem quam ejus progenitores non tantùm piè coluerint, sed etiam acerrimè propugnarint.

Sit illa profectô maxima, beatissime Pontifex, Francorum regum gloria, quòd à mille ducentis annis, Romanam, id est, catholicam fidem, semel animo haustam nunquàm exuerint : ipsi quoque Ecclesiae Romanae decorum, regnum illud totius orbis vel nobilissimum et antiquissimum, idem erga Sedem vestram et obsequentissimum et beneficentissimum extitisse. Non eam imminuet gloriam Ludovicus Magnus, ille data pace magis quàm tot reportatis victoriis, tot provinciis debellatis inclytus, atque in tanto gratulantis Orbis applausu, décora religionis omnibus laures ac laudibus anteponens. Nec tàm nostris documentis quàm ejus exemplis, Delphinus augustissimus discet nihil esse magis regium quàm Regem regum colère. Ac si Vestra Sanctitas nostris conatibus sanctissimas preces atque apostolicam benedictionem adjungat, mox sese ostentabit orbi regius juvenis virtutibus longe quàm genere clariorem. Regem parentem intueturunum in infidèles bis jàm arma movisse, non injuria provocatum, non permotum periculo, sed rei christianae incredibili studio incitatum. An ergò ille impiam gentem requiescere, imò omnia longe latèque

 

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devastare patietur ? An non quod accepit ab optimo parente optimè institutus, id posteris tradet, emergetque Galliae, ex illà pulcherrimà sanctissimàque disciplina, perpétua regum series, qui Carolum Magnum, qui sanctum Ludovicum, qui nostrum quoque Ludovicum référant, planèque intelligant reges francos verè christianissimos atque Ecclesiae primogenitos, fidei propugnandae, frangendae impiorum audaciae esse natos factosque.

Quod ad me attinet, Beatissime Pater, cùm nihil planè habeam tantà vestra benignitate atque apostolicae benevolentiae testificatione dignum, id unum intelligo mihi commendationi fuisse, quòd fidem catholicam maxime propagatam atque ecclesiasticam disciplinam impensissimè restitutam velim. Id nimirùm unum Vestra Sanctitas curât, id agit, id spirat. Fortunet verò labores vestros Deus optimus maximus, qui vos in tantam Sedem evexit, ut Ecclesiae laboranti succurreret. Habeat vos diutissimè Pétri cathedra, orbi christiano virtute magis quàm loco présidentes. Dùm tuba insonatis, atque ad ecclesiasticam pacem paternosque complexiis omnes undecumquè Christianos evocatis, Jéricho corruat, exsurgat verò Jerosolyma, Dei sanctuarium instauretur : neque tantùm schismata haeresesque discedant; sed Ecclesià Christi prodeat nativo décore conspicua, suis firmata regulis, an-tiquis illis suis castissimisque nioribus exornata. Id verò vestrum est, beatissime Pontifex, id vestra tempora postulant, id ut vobis eveniat assiduis suppliciis Deum flagito ; ac Vestrae Sanctitatis pedibus advolutus apostolicam benedictionem expecto, eique me meaque omnia summà animi demissione subjicio.

Deus Sanclitatem Vestram diù Ecclesiae suae salvam et incolumem custodiat, Domine beatissime et in Christo colendissime, sancte Papa.

 

Vestra Sanctitatis,

Devotissimus et obedientissimus filius,

 

+ J. BENIGNUS, Ep. Condomensis.

In palatio Versaliensi, 8 kalendas decemb. 1018.

 

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LETTRE LXIX.
BOSSUET A INNOCENT XI (1).

 

TRÈS-SAINT PÈRE,

 

Il ne pouvait rien m'arriver de plus désirable que de recevoir par les ordres de Votre Sainteté, des témoignages de son approbation, c'est-à-dire de celle de Dieu même, puisqu'elle est assise dans le Siège d'où il a accoutumé de prononcer ses oracles à toute la terre, et qu'elle se rend digne par sa sainte vie d'être éclairée des plus pures lumières du ciel. Après une telle approbation, très-saint Père, je ne puis plus douter que mon traité de l’Exposition de la Foi ne fasse l'effet que j'en avais espéré, qui est de détromper les hérétiques des erreurs qu'ils imputent à l'Eglise, et d'instruire ses enfants en peu de mots des sentiments de leur Mère sur les matières controversées. Après avoir paru en beaucoup de langues, il fallait, très-saint Père, qu'il parût encore en Italie et à Rome même (2), c'est-à-dire dans la source de la foi, avec toutes les marques de l'approbation publique ; et, ce qui est au-dessus de tous les titres, avec celle de Votre Sainteté.

Je n'ai pas été moins ravi, très-saint Père, de ce que Votre Sainteté a bien voulu que je susse qu'elle est satisfaite des soins que je prends pour instruire le jeune prince qu'il a plu au Roi de me confier. Dans un emploi si grand et si important, je n'ai eu qu'à suivre les ordres de ce roi incomparable, qui dans le temps qu'il m'y appela (je prends plaisir, très-saint Père, à le rappeler en ma mémoire) ne me commanda rien si expressément que d'élever Monseigneur le Dauphin dans la crainte de Dieu, dans la révérence envers le saint Siège et dans la foi que les rois ses ancêtres ont toujours non-seulement embrassée, mais encore protégée et défendue.

C'est le grand honneur de la France de se pouvoir glorifier que depuis douze cents ans que ses rois ont embrassé la foi catholique,

 

1 Nous donnons cette traduction, parce qu'elle est de Bossuet. — 2 L’Exposition fut imprimée à Rome en italien, et publiée vers le mois de septembre 1678.

 

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c'est-à-dire la Romaine, elle n'en a jamais eu qui l'ait quittée. Mais nous pouvons dire, très-saint Père, que ce n'est pas un petit honneur à l'Eglise Romaine, que le trône le plus ancien et le plus auguste de l'univers ait toujours été le plus soumis et le plus libéral envers le saint Siège. Louis le Grand ne démentira pas ces beaux sentiments de ses ancêtres, lui qui dans ce haut point de gloire où le met la paix donnée à l'Europe, plus encore que tant de batailles gagnées et tant de provinces réduites, craint et admiré de tout l'univers, est plus touché de la religion que de toute la grandeur qui l'environne. Monseigneur le Dauphin apprendra, plutôt par ses exemples que par nos instructions, qu'il n'y a rien de plus grand ni de plus royal, que de servir le Roi des rois ; et si Votre Sainteté qui approuve notre conduite, daigne y joindre ses saintes prières et sa bénédiction apostolique, le monde verra bientôt ce jeune prince illustre par ses vertus plus encore que par sa naissance. Quand il considérera que le Roi son père a été le seul à qui le zèle, et non le besoin, ait fait prendre les armes déjà deux fois pour défendre la chrétienté attaquée par les infidèles, il connaîtra qu'un de ses devoirs est de réprimer leur audace. Il fera instruire sa postérité comme il l'a été lui-même. La France portera toujours des Charlemagne, des saint Louis et des Louis le Grand; et ses rois apprendront qu'être roi de France, c'est être vraiment très-chrétien, vrai fils aîné de l'Eglise, son protecteur naturel contre les impies, et invincible, vengeur de leurs attentats.

Quant à moi, très-saint Père, qui ne mérite les bontés extrêmes dont il a plu à Votre Sainteté de m'honorer, que par un désir immense de voir la foi étendue et la discipline, ecclésiastique heureusement rétablie, je ferai des vœux continuels pour Votre Sainteté, dont tous les desseins tendent uniquement à ces deux choses. Puissions-nous voir longtemps un si grand Pape dans la chaire de saint Pierre, y tenir la première place de l'univers plus encore par ses vertus que par l'autorité d'une charge si éminente ! Puisse le Dieu qui vous a élevé à un si grand siège pour le bien de son Eglise, bénir vos soins et vos travaux ! Pendant

 

1 La paix de Nimègue, signée au mois d'août 1678.

 

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que Votre Sainteté sonne la trompette pour appeler tous les chrétiens à l'unité catholique et à vos embrassements paternels, puissions-nous voir tomber à vos pieds sacrés les murailles de Jéricho, c'est-à-dire les schismes et les hérésies. Mais en abattant cette infidèle Jéricho, il faut encore relever la sainte Jérusalem, c'est-à-dire rendre à l'Eglise son ancienne beauté, ses premières mœurs, ses règles et sa discipline. Voilà, très-saint Père, le digne ouvrage de Votre Sainteté ; c'est ce qui semble être réservé à votre pontificat. Je ne cesse de prier Dieu qu'il vous fasse cette grâce ; et humblement prosterné aux pieds de Votre Sainteté, j'y attends sa bénédiction apostolique, lui soumettant, avec un profond respect mes écrits et ma personne.

Dieu veuille conserver longtemps Votre Sainteté à son Eglise, très-saint Père, digne en Jésus-Christ de tout respect et de tout honneur, etc. (a).

 

A Versailles, ce 24 novembre 1678.

 

EPISTOLA LXX.
CARDINALIS CIBO AD BOSSUETUM.

 

Cùm sibi jam aditum ad sanctissimi Domini nostri benevolentiam aperuerat, illustrissimae Dominationis Tuae virtus et eruditio, ut manuductore non indigeret, litteras sanè tuas eà excepit paterni erga te animi significatione Sanctitas Sua, quae devoto illarum officio; et Praesuli omni laude praestanti, ac de catholica religione praeelarè meritô debebatur. Id illustrissimâ Dominatio Tua ex adjunctis Sanctitatis Suaelitteris cognoscet uberiùs quàm ex meis : neque dubito quin re ipsà etiam cognitura sit, si occasio se dederit pontificia; benignitatis experiendae.

Probè intelligit Sanctitas Sua, et quidem magno cum animi

sui solatio, quantum illustrissimà Dominatio Tua prodesse christiana; reipublicae possit, cùm piis doctisque ingenii tui fœtibus.

 

(a) Le Pape fit réponse à cette lettre de M. de Condom, par le bref du 4 janvier 16 il, qui contient l'approbation expresse du livre de l’Exposition. Ce bref était accompagné d'une lettre signée par le cardinal Cibo, lettre que nous donnons après celle-ci.

 

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tùm institutione serenissimi Delphini, qui auctoritate et exemplo suo comprobaturus olim sit quae tu ad instaurandam Ecclesiae disciplinam et ad profligandam haeresim docte sapienterque tra-dideris. Ego sanè pro comperto habeo nullà in re magis posse me Sanctitatis Suae animum demereri, quàm occasiones illi sup-peditando, tibi, tuîque similibus viris gratificandi : qui intérim illustrissimae Dominationi Tuae de humanissimâ ad me scriptà Epistolà gratias agens, omne studium, omnia officia mea ex animo offero, ac sospitatem diuturnam atque florentem à Deo auguror. Illustrissimae Dominationis Tuae servitor,

Alderanus, Cardinalis Cibo.

 

Romœ, die 4 januarii 1679.

 

LETTRE LXXI.
BOSSUET AU MARÉCHAL DE BELLEFONDS. A Saint-Germain, ce 22 janvier 1678.

 

Je vous prie, Monsieur, de me mander de vos nouvelles, sans oublier celles de votre santé. Pour nous, nous allons toujours expliquant les saints Prophètes; nous sommes bien avant dans Jérémie, et nous ne cessons d'admirer sa manière forte et douce. La douceur avec laquelle il plaide sa cause devant les grands assemblés en conseil et devant le peuple, est admirable. Il n'est pas moins merveilleux quand il répond au faux prophète Animas. Le bel exemple! Comme il souhaite de bon cœur que les promesses favorables de ce faux prophète soient accomplies! Avec quelle modestie lui parle-t-il ! De lui-même il ne lui dit rien de fâcheux et n'ose pas le reprendre : s'il le fait à la fin, c'est que Dieu l'y oblige. Dieu nous fasse la grâce, quand nous serons attaqués, d'agir dans le même esprit, quoique nous ayons encore un plus grand exemple, qui est celui du Sauveur même qui ne se défend que par son silence. Quelle dignité et quelle autorité dans ce silence de Notre-Seigneur ! Quelle punition à ceux à qui il ne daigne pas faire voir son innocence ! et qu'ils méritaient

 

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bien que l'instruction de la parole leur fût refusée, eux qui n'avaient pas cru à celle des œuvres !

Voilà, Monsieur, un petit sermon que je vous fais, afin que vous soyez toujours de la communion du concile (a) de Saint-Germain. Nous vous regardons toujours comme un des Pères laïques.

La lettre de notre saint ami (b) a fait grand bruit; n'importe : car elle, ne fait pas ce bruit pour être partiale, mais parce qu'elle est simple, et que les partis veulent qu'on entre dans leur chaleur. Au fond, malgré les contradictions, je crois qu'elle édifiera, et je ne me repens point que nous l'ayons divulguée. Je vous prie, quand vous le verrez, de le, prier de redoubler ses prières pour moi, et de demander à Dieu ma conversion. C'est une étrange chose d'estimer tant la vertu, et de n'en avoir point. Prions les uns pour les autres. Dieu soit avec vous.

 

LETTRE LXXII.
ROSSUET A M. NICAISE, CHANOINE DE LA SAINTE CHAPELLE  DE DIJON. A Saint-Germain, ce 9 février 1679.

 

Vous pouvez assurer M. Spon (c), Monsieur, que ses Miscellanea (d) seront bien reçus de, Monseigneur le Dauphin, et qu'il peut les lui dédier, aussi bien que sa Réponse à la Guilletière (e). Nous avons estimé son Dictionnaire. Pour son In te, Domine, speravi, il nous a paru ce qu'il était, c'est-à-dire ridicule et profane. Au surplus, j'ai ouï dire qu'il y avait quelques bonnes

 

(a) C'est ainsi qu'on appelait, en Cour, l'assemblée de plusieurs savants qui se rendaient à certains jours auprès de Bossuet pour conférer sur l'Ecriture, la théologie et d'autres matières ecclésiastiques ou philosophiques. — (b) Tout porte à croire qu'il s'agit ici de la lettre de l'abbé de Rancé, au sujet des humiliations qu'on faisait subir à des religieux, en leur imputant des fautes ou des défauts dont ils n'étaient pas coupables. La lettre LIX, ci-dessus, adressée à M. le Roi, abbé de Haute-Fontaine, fait connaître le sujet de celle contestation. (Les édit.) — (c) Médecin de Lyon, qui professait la religion protestante. Il se fit connaître par un grand nombre d'ouvrages. — (d) Miscellanea eruditae Antiquitam, in-fol., Imprimés plusieurs fois. — (e) A. M. Guillet, qui avait écrit contre son Voyage de Grèce et du Levant, publie en trois volumes in-12.

 

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marques dans son livre, car pour moi je n'en ai rien lu; mais j'ai lu avec grand plaisir tout le Voyage de M. Spon, plein de belles observations et de recherches curieuses de l'antiquité. Il a donné au public une bonne opinion de son érudition, qui prépare bien les voies à ses Miscellanea. L'inscription (a) est du goût antique : il me semble qu'il pourrait ôter le fuluro, et laisser le deliciis tout seul. Je ne sais ce que peut signifier parmi nous, le Principi juventutis, ni le Tulelari genio pacis. Pour le à divis concesso, l'allusion en est ingénieuse, mais il est païen; et s'il faut imiter les anciens, c'est principalement en ce qu'ils ont fait leurs inscriptions selon leurs mœurs et leur religion, sans y rien mêler d'étranger. Les auteurs exacts n'approuvent pas qu'on se serve du mot de divi pour les Saints, quoique les catholiques s'en soient servis aussi bien que les protestants. Dans l'inscription pour le Roi, il y a trois adverbes de suite, celeriter, fortiter, audacter; ce qui est du style affecté, plutôt que de la grandeur qui convient aux inscriptions : je les ôterais tous trois. Je doute aussi un peu du conculcatis, et je ne sais si ce mot se trouve en ce genre : il paraît un peu trop figuré et trop éloigné de la simplicité. Je ne sais si pace datâ ne serait pas mieux que oblatâ : le reste est excellent.

Voilà, Monsieur, ce que vous avez souhaité de moi, c'est-à-dire mon avis très-simplement. Conseillez à M. Spon d'éviter les railleries excessives dans sa Réponse aux turlupinades : elles tombent bientôt dans le froid, et il sait bien que les plaisanteries ne sont guère du goût des honnêtes gens ; ils veulent du sel et rien de plus. S'il faut railler, ce doit du moins être avec mesure. Assurez-le de mon estime. Comme je le vois né pour le bon goût, je serais fâché qu'il donnât dans le mauvais. Je suis, Monsieur, comme vous savez, très-sincèrement à vous, et ravi de voir l'amitié qui est entre vous et M. Drouas.

 

(a) Il s'agit de l'inscription que M. Spon devait mettre à la tête de ses Miscellanea, pour les dédier à M. le Dauphin. On voit en examinant celle qui s'y trouve, que cet auteur a exactement suivi les observations de Bossuet.

 

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EPISTOLA LXXIII.
BOSSUETUS AD CARDINALEM CIBO.

 

Cùm in eo essem, ut acceptis apostolicis Tuaeque Eminentiae litteris (a), ad agendas gratias totà mente conversus, eas in sinum tuum laetus effunderem, nova scribendi ad te, eaque mihi jucundissima, occasio supervenit. Petiit à me qui Sedis apostolicae negotia tractât, vir amplissimus atque humanissimus, do-minus Joannes Baptista Laurius (b), uti perscriberem ad serenissimi Delphini animum informandum quam viam secuti si mus : scriptum ad te milterem, non modo perlegendum ; sed etiam ipsi Pontifici meo nomine offerendum : id Eminentiae Tuae, id Sanctitati Suae gratissimum futurum. Rem sanè apostolicâ sollicitudine dignissimam tantique Pontificis paterna viscera demonstrantem, animum adhibere institutioni Principis ad tantum imperium ca-tholicaeque fidei defensionem nati.

Ego, eminentissime Princeps, cui praecipua cura est Pontifici morem gerere, Tuaeque Eminent iaejam in me propensissimam ac testatissimam voluntatem magis magisque demereri, confecto penè cursu, totam studiorum nostrorum rationem diligenter ex-pono, atque ab ipso Pontifice verè sanctissimo per Eminentiam Tuam summà demissione flagito, ut emendanda significet, addenda constituât, peccata condonet ; tùm, pro illâ suà in Regem Delphinumque patrià charitate, nos tanto in officio desudantes sanctissimis precibus atque apostolicâ benedictione sustentet. Tu quoque, eminentissime Cardinalis, quâ, in ipsâ christianitatis arce constitutus, rem universam christianam complecteris, prudentiâ singulari nostros conatus adjuves, mihique porrò eam, quâ maxime laetor, benevolentiam exhibere non desinas. Vale.

In palatio San-Germano, 8 mart., 1679.

 

(a) Hic ugitur de Brevi pontificio, 4 januarii 1679, deque epistolà Cardinali ei adjunctâ. Vide suprà, Epist. LX, LXI.— (b) Protonotarius apostolicus, ac nuntiaturae Auditor in Gallià.

 

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EPISTOLA LXXIV.
CARDINALIS CIBO.

 

Luculentam et elegantissimè scriptam relationem quam ad me misit illustrissimà Dominatio Tua, de ratione instituendi serenissimi Delphini (a), Sanctitati Suœ, cui nuncupatur, legendam tra-didi. Ex adjuncto Brevi pontificio cognosces quo illà in pretio habeatur à Sanctitate Suâ, et quâ spe animum ejus impleveris, uberes aliquandô fructus in christianae reipublicae bonum colligendi. Illud affirmare verè possum illustrissimae Dominationi Tuae, Pontificem optimum incredibili cum animi voluptate legisse ac perlegisse relationem, et ad pristinam suam ergà te voluntatem non parùm cumuli hàc lectione accessisse. Ab illustrissimà Dominatione Tuâ vehementer peto, ut meum inserviendi eximiae virtuti tuae desiderium fréquenter exerceas. Cui laeta omnia cum diuturnà incolumitate à Deo auguror.

 

Die 19 aprilis 1679 (b).

 

EPISTOLA LXXV.
AD CARDINALEM CIBO.

 

Apostolicâ benignitate tuàque benevolentiâ factus audacior, ad Eminentiam Tuam iterùm affero meum de Catholicœ Fidei Expositione libellum, auctoritate pontificiâ commendatum, ac Pontificis

 

(a) Epistolam ad Innocentium XI, de institutione Delphini, prœfiximus operibus quae pro erudiendo Principe scripsit Bossuetus. Eam require, cum Responso sumini Pontificis, tom. XXXIV hujusce editionis. — (b) His ferè temporibus, abbas Renaudot haec Bossueto scribebat, mittens ei nonnulla ex Epistolà secretarii Brevium excerpta : Je crois, Monseigneur, que vous ne serez pas fâché de voir cet extrait d'une lettre de M. Favoriti, du 5 avril 1679. « Legi Sanctitati Suœ relationem episcopi Condomensis, in quà exponit eleganter sanè et copiosè institua sui rationem in liberalibus disciplinis serenissimo Delphino Iradendis, eoque ad omnem virtulern, tanto Principe, tanto Regis filio dignam, informando. Incredibili gaudio illam audiens perfusa est Sanctitas Sua, et praeclara quœque de tam sapienler ; instituto adolescente, florentissimum in terris imperium quondàm habituro, auguratur. »

 

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maximi pedibus iterùm adponendum. Quo consilio nova haec sit editio adornata, ipsi Pontifici summatim expono ; ac, si Eminentia Tua dignetur inspicere, Monitum libello praefixum copiosiùs explicabit. Sanè approbatione pontificiâ ad salutem animarum uti, atque hujus usùs ipsi Sedi apostolicae reddere rationem oportebat. Ea mihi causa est adeundi tuî, eminentissime Princeps. Vereor equidem interpellare graves illas curas tuas reipublicae christianae adeò salutares. Verùm enim veto si plus aequo audeara ; si arcanum illud omnique reverentià prosequendum conclave tuum, ubi res tantas tractas, importunus ac propô jam protervus irrumpam, id acceptum referas singulari humanitati tuae. Me verò, eminentissime Cardinalis, tanta tui cepit fiducia, ut etiam amicum singularem Eminentiae Tuae commendaverim ; idque illa quidem gratum sibi esse humanissimis litteris significavit. Hujus ergò negotii successum omnem, mihi sanè optatissimum, Eminentiae Tuae me debere profitebor, atque iterùm enixè rogo, ut in eo procurando quam pollicita est impendat operam. Ego et maximas habebo grattas, et omnibus votis Eminentiae Tuae faustissima quaeque imprecabor. Vale.

 

7 junii 1679.

 

EPISTOLA LXXVI.
AD INNOCENTIUM XI.

 

Beatissime Pater,

 

En redit ad Vestram Sanctitatem exiguus ille, meus de Catholicœ Fidei Expositione tractatus, jàm magnus, jàm validus, jàm invictus, vestra scilicet approbatione munitus. Brevis ad haereticos accessit oratio, quâ oves dissipatas ac per avia deerrantes ad vitae pascua revocamus, vestro quoque interposito nomine; ut voci Pastoris grex perditus et vagus assuescat, vestraeque Sedis auctoritatem propugnatricem fidei, et conciliatricem christiaiue pacis, ipsâ ejusutilitate perspectà, amplificatam potiùs quàm imminutam velit.

Enim verò juvat, Beatissime Pater, antiquam illam et innatam

 

266

 

cordibus chrislianis Sedis apostolicae reverentiam vestris maxime temporibus excitare, ac sub eo Pontifice qui factus forma gregis, exemplo primùm, tùm etiam verbo christianam disciplinam informel, qui mores christianos exigatnon ad inanis ratiocinii, sed ad Evangelii regulam, Patrumque doctrinam; qui episcopalem auctoritatem quâ salus Ecclesiae nititur, jacentem ac penè prostratam erigat, eamque Sedi apostolicae conjunctissimam praestet; qui pace constitutâ, in Christi adversarios bella convertat ; qui futuros Pontifices doceat quam familiani ornare, quos propinquos habere debeant, Christi scilicet familiam, eosque qui cœlestis Patris faciant voluntatem. Hoc nempô est caput ipsum malorum aggredi. Sic, novum Melchisedech ipsumque adeò Christum, quoad mortali fas est, orbi christiano exhibetis, ac sacerdotium christianae legis ad pristinam formam revocatis. Audiet et seque-tur haec exempta posteritas : haereticorum maledicentia conticescet ; suspicient vestram Sedem homines universi, non humanae, sed divinae gloriae servientem ; Romanosque Pontifices, non tàm potestate quàm moribus apostolos, proni venerabuntur.

Jàm paternam vestram, Beatissime Pontifex, de augustissimo Delphino ad optima quaeque adhortando curam, quis pro merito commendaverit? Quis dignis laudibus prosequatur Brève illud apostolicum recens ad me missum, quo quidem quot sententias scribitis, tôt panditis oracula, magistrumque ac discipulum reclusis fontibus cœlestis sapientiae, flumine irrigatis? Quòd verò me minimum Episcopura, neque dignum vocari Episcopum, quippe qui vix ullam episcopalis officii partem attigerim, statim ab altari raptus ad aulam ; tàm honorificè, tàm paterne, penè dixerim, absit à verbo invidiâ, tàm amicè compellatis : quid dicam, quid sentiam, quid rependam? Hoc scilicet votum, arcano conceptum pectore, assiduisque vocibus iterandum.

Deus Sanctitatem Vestram reipublicae christianae diù servet incolumem, ac pro quotidianâ vestra instantià, pro sollicitudine omnium Ecclesiarum, pro piis illis lacrymis quibus Ecclesiae de-fletis vulnera ac diligentiâ quâ curatis, det vobis, post longum felicis vitae cursum, perpetuam pacem, aeterna gaudia, veram vitam, ac vestri similem successorem.

 

267

 

Haec voveo, haec precor ; ac, Vestrae Sanctitatis pedibus advo-lutus apostolicam benedictionem supplex flagito (a).

 

Beatissime Pater,

Vestrae Sanctitatis,

Devotissimus et obedientissimus filius,

+ J. BENIGNUS, Ep. Condomensis.

In palatio San-Germano, 7 jun. 1679.

 

EPISTOLA LXXVII.
CARDINALIS CIBO.

 

Eum jàm tibi locum in pontificiâ gratiâ, tuâ excellenti virtute, et praeclaris tui in apostolicam Sedem obsequii significationibus comparasti, ut non solùm me ad Sanctitatis suae solium manuductore litterae tuae non indigeant, sed possis aliis ad ipsius aures et paternum sinum aditum aperire. Id cognoscere non unâ in re potuit illustrissimà Dominatio tua, et denuô cognoscet ex adjuncto Brevi, quô Sanctitas sua ad litteras proximè à te datas respondet. Nova libelli editio Sanctitati suae, et omnibus qui editionis causam norunt, valdè probatur ; ac sperare juvat magis etiam pro-bandam fructu ipso, cùm nullum relinquat haeresi perfugium vel excusationem. Eô quòd me quoque donaveris, ago illustrissimae Dominationi tuae uberes gratias, meaque erga te studia, et rerum tuarum percupidam voluntatem ex animo confirmo, ac laeta illustrissimœ Dominationi tuae omnia à Deo apprecor. Illustrissimae, etc.

Romœ, 13 julii 1079.

 

(a) Innocentius XI hisee litteris respondit, Brevi dato 12 julii 1679, quo denuò XXpositionem approbat. Breve pontificium sextae hujus libri editioui, anno 1686, auctore praefixum est, quod vide suprà, tom. XIII, pag. 48.

 

268

 

EPISTOLA LXXVIII.
CASTORIENSIS CONDOMENSI.

 

Ex tuo mandato, Antistes illustrissime, Domine révérendissime, direxit ad me vir clarissimus des Carrières duo exemplaria Doctrinœ Catholicœ, quae pio cum gaudio exosculatus sum; tùm quia in illis vidi apostolicum Breve quo Expositio non solùm approbatur, sed etiam in fidei regulam erigitur; tùm quia Expositioni Animadversionem contra Ministrorum cavillas praefixam conspexi. Dùm viribus veritatis sternuntur inimici, manu charitatis, ne ex casu offendantur, à modestissimo victore excipiuntur. Et quia ex illius versione in Latinam et Flandricam linguam non dubitamus auctum iri illos fructus, quos et praeclaros et copiosos ex versione Expositionis Doctrinœ Catholicœ hic collegimus; ea propter, Antistes illustrissime, audeo supplicare ut sicut ex no-bili interpretatione clarissiini viri Claudii Fleurii Expositionem habemus Latinam, ita quoque ex ejusdem interpretatione Latinam Animadversionem habere mereamur. Ubi illa fuerit perfecta, curabo diligenter ut unà cum Exposilione elegantibus correctisque typis imprimatur.

Ille verò amicus meus (a) qui fuit Expositionis, Animadversionis quoque erit interpres, si modo, Autistes illustrissime, tuo cum beneplacito, ac tuà cum benedictione, quam ejus nomine hîc à te supplex postulo, eo officio fungi possit.

Dùm autem de Flandricâ Expositione loquor, silere non pos-sum eam tantà hîc aviditate divendi (b), ut necesse sit jàm secundà vice impressam, iterùm praelo subdere. Quod eò majori tùm catholicorum, tùm protestantium bono fiet, quo à Romanis elogiis decus et auctoritatem, et ab Animadversione invictum robur con-sequetur.

Si penitùs me ipsum oblivisci possem, mihi singularem

 

(a) Petrus Codde, de quo suprà. — (b) 25 oct. 1678, Castoriensis haec abbati de Pontchâteau scribebat : « Incredibile dicta quanta aviditate etiam ministro-» rum calvinistarum, libellus ille Batavus factus ematur et legitur. »

 

269

 

laetitiam ea laus adferret quae mihi à te, Antistes illustrissime, in Animadversione tribuitur. Verùm dùm mentis oculos ad mea omnia saepiùs cogor revocare, me eum esse invenio qui magis plangendus quàm laudandus sit, et cui tuam charitatem tune fructuosissimè exhibebis, quandô et precum tuarum auxiliarem manum extendere dignaberis. Hanc gratiam humiliter efflagitans, summâ cum observantià me profiteor, Antistes illustrissime, Domine observantissime, etc.

 

1 Septembris 1679.

 

LETTRE LXXIX.
BOSSUET A M. SPON, DOCTEUR EN MÉDECINE. A Paris, 1679.

 

J'ai présenté à Monseigneur le Dauphin votre défense (a) : elle a été bien reçue, et j'ai ordre de vous témoigner qu'il estime votre mérite. M. le duc de Montausier verra avec plaisir votre ouvrage plein d'érudition agréable et curieuse. Mais vous lui devez un livre; je lui donnerai, de votre part, celui que vous avez envoyé pour moi. Je suis, Monsieur, fort content de, votre manière de traiter les choses, et de vos belles recherches. Si vous m'en croyez, vous ne vous amuserez plus dorénavant à des réponses et à des querelles dont le public n'a que faire. C'est assez d'avoir donné ce premier écrit à votre défense : au surplus, donnez-nous de bonnes choses, comme vous le pouvez ; c'est bien répondre que de bien faire. Quant à votre grand ouvrage, M. le chancelier est ferme à ne donner le privilège qu'après que les ouvrages entiers ont été examinés ; et on ne serait pas bien reçu à lui demander autre chose : au surplus, je vous rendrai tout le service que je pourrai, comme un homme qui ai pour vous toute l'estime possible. Je suis, Monsieur, etc.

(a) C'est la réponse de M. Spon à la critique publiée par M. Guillet, contre ses Voyages de Grèce et du Levant.

 

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LETTRE LXXX.
BOSSUET A M. SPON, DOCTEUR EN MÉDECINE. Ce 15 octobre 1679.

 

J'ai reçu le paquet où il y avait plusieurs exemplaires du commencement de vos Miscellanea. J'en ai présenté, un de votre part à Monseigneur le Dauphin, qui m'a commandé de vous écrire qu'il l'avait eu très-agréable. M. de Montausier m'a prié de vous faire ses compliments pour celui que je lui ai donné. On a trouvé l'inscription belle; mais on a jugé qu'il eût été mieux de ne point mettre le nom de Bourbon, qui s'éteint dans la branche qui vient à la couronne. L'impression et les figures sont fort belles : les choses sont curieuses et bien expliquées. Le public vous doit savoir gré du soin que vous prenez de l'instruire si bien. Pour moi, outre que j'entre dans ce sentiment, je vous suis obligé en mon particulier, et suis de tout mon cœur, etc.

 

LETTRE LXXXI.
BOSSUET A M. MIGNARD, PREMIER PEINTRE DU ROI (a).

 

Je ne puis vous dire, Monsieur, combien je suis sensiblement touché de la perte que vous avez faite. Comment donc avez-vous perdu cette chère fille, dont j'ai plus tôt appris la mort que la maladie ? Je prie Dieu qu'il vous donne ses consolations. C'est là, Monsieur, qu'il faut regarder. Nos vues sont trop courtes pour savoir absolument ce qui nous est propre. Il faut se reposer sur

 

(a) Cette lettre est tirée de la Vie de Pierre Mignard, où elle est rapportée, p. 97. L'auteur de cette Vie rapporte ainsi l'accident qui donna heu au faux bruit de la mort de la demoiselle Mignard, qui valut à son père cette lettre de l'illustre prélat. « Lorsque tout concourait à rendre la vie de cette enfant précieuse à Mignard. Elle tomba dans une maladie qu'on crut longtemps mortelle, et qui porta jusqu'au fond de l’âme du père une douleur accablante, qui ne cessa qu'avec le danger de sa fille. Il est si glorieux pour ce peintre d'avoir pu compter M. Bossuet au rang de ses amis, que je crois devoir transcrire ici une lettre de consolation que ce grand homme lui écrivoit de Versailles, où le bruit de lu mort de la jeune mademoiselle Mignard avait été répandu.

 

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celui qui fait tout pour notre bien, par rapport à ses fins cachées. L'innocence de cette chère et aimable enfant lui a fait trouver dans la mort la félicité éternelle, qu'une vie plus longue aurait mise en péril. Consolez-vous, Monsieur, avec Dieu. Consolez madame Mignard, et croyez que je suis touché au vif de votre malheur.

 

EPISTOLA LXXXII.
AD CARDINALEM CIBO.

 

Ad Eminentiam Tuam, singulari ejus benevolentià provocatus, accedo frequens libellosque meos, quibus ministros erroris atque hœresum duces insector, pronus ac demissus offero. Mihi enim ad extremum usque halitum certum est exagitare impiam gentem. Dùmque id fit apud nos, quod œvo suo optabat Augustinus ut haeretici, edictis regiis fractà contumacià, nostris rébus intenti diligentiùs nos audiant; nihil prœtermittam quo ab insanis erroribus catholicœ doctrinae luce revocentur.

Sanè, eminentissime Princeps, testari possumus ea in illorum cœtibus de summis rébus esse dissidia, eos animorum motus ; sic infractam apud plerosque, quà unâ nitebantur, ministrorum auctoritatem ; sic omnium ferè mentes ad nos arrectas atque conversas, ut ipsi propemodùm se ad unitatem nostram velut compelli exposcere videantur. Ac profectò spes sit perduellium aciem ultrò arma posituram, si conjunctis viribus disjcctam ac palantem adorianiur, atque hœc quœ Ecclesiam, heu! jàm nimiùm nimiùmque conturbant, infausta dissidia componantur : quod meo quidem sanguine redemptum velim.

Accipe intérim, eminentissime Princeps, quo soles vultu munuscula hœc mea (a). Ac si Suœ Sanctitati grata fore judicas, ut ad illius adponas pedes, etiam supplico. Jàm enim expertus qualescumque libellos meos apostolico conspectui oblatos atque ibi comprobatos, novis indè captis viribus multis fuisse salutares, eamdem opem saepiùs implorandam arbitror. Id si officii prœstiteris, ac tanto Pontifici meum studium ac obsequentissimam vol

 

(a) Fortè Oratio de universali Historiâ.

 

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voluntatem gratam et acceptam feceris, novo atque arctiore vinculo obligabis tibi jàm devinctissimum, Tuae Eminentiae, Princeps eminentissime, etc. (a).

 

EPISTOLA LXXXIII.
BOSSUETUS CASTORIENSI.

 

Ad te mitto Monitum, novae libelli mei editioni à me praefixum, atque à viro clarissimo Claudio Fleury in latinam linguam transfusum. Eam ego interpretationem recensui; atque ad te transmittendam curavi, jamjàm profecturus, atque ad Selestadium augustissimae Delphinae (b), unà cum ejus domo, iturus obviàm. Ità tibi morem gero lubens, atque amplissimas ago gratias, quòd meam hanc lucubratiunculam, elegantibus typis imprimendam, edere velis. Etiam atque etiam rogo te, ut errata diligenter entendes, quae in primam editionem Latinam irrepsere. Haec ad te, Praesul illustrissime, unà cum ipsâ Animadversionis interpretatione mitto. Quòd ex hâc editione quam apparas haud mediocrem fructum speres, gaudeo. Quòd me semper ames, id singulari tuae humanitati acceptum refero. Te verò summo honore summàque benevolentià œternùm prosequar, meque tibi, Praesul illustrissime, addictissimum atque obedientissimum fore spondeo.

 

In palatio San-Germano, 21 januarii 1680.

 

EPISTOLA LXXXIV.
BOSSUETUS CASTORIENSI.

 

Quod à me nuper est editum, ad serenissimi Delphi ni informa tionem, ab aliquot jàm annis compositum opus, id offerre tibi, quanquàm haud satis dignnm amplitudine, tuà, mei officii est; pariterque agere quàm maximas possum gratias pro eà cura quâ

 

(a) In hâc epistolà dies non est appositus. Cùm autem posterior videatur Brevi suuimi Pontilicis, quo Expositionem approbat, hune locum ei assignamus. — (b) Anna Maria Christina, Elecloris Bavarici lilia, Delphino nupta Catalauni. 8 martii 1681.

 

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meum de Catholicœ Doctrinœ Expositione tractatum, Latinura Batavicumque factum, tôt commendationibus, tàmque praeclarâ exigui operis editione illustrasti.

Quod ut è re Ecclesiae fuisse, vir omni doctrinae laude conspicuus, idemque sanctissimus ac veracissimus testificatus es, sic animum induxisti meum ad eum libelluin in septentrionales oras summà diligentià perferendum. Significavit enim mihi maximus summique judicii D. Marchio de Feuquières, christianissimi régis noslri in Sueciâ legatus, maximam illic esse copiam planèque incredibilem bonorum virorum, qui ab Ecclesiae sinu fato quodam miserando potiùs, ut ità dicam, quàm pertinaci errore avulsi, animum gérant ad hauriendam veritatem satis comparatum, si aliqua offerretur illis hujus idonea explicatio : huic rei videri natam Expositionem illam, tibi, illustrissime Domine, tantoperè probatam, si Latino sermone ad eos perveniret, nec defuturos qui in popularem linguam verterent : Gallicam sanè linguam sic ibi intellectam, vix ut totam ejus vira per sese caperent ; sed Latinae linguae auxilio ad eruditos propagandum opus, tandem ad manus plebis deventurum, nec sine magno quidem fructu.

Id cùm illustrissimus Legatus, pari pietatis atque ingenii laude clarus, ad me scripserit; id ego, illustrissime Antistes, in tuum refundo sinum, ut aliquam ineas viam catholicte doctrinae per libellum illum eas in regiones vicinasque partes, totamque adeò Baltici maris oram universamque Germanium, propagandae. Id quâ ratione confici possit, rogo etiam atque etiam ut ad me per-scribas. Quod meum erit praestabo sedulô : quod tuae diligentiae est, id tua illa apostolicâ charitas solito studio exequetur; magnumque eâ in re operae pretium fore, tanti testis auctoritate adductus minime dubitabis.

Accepi per illustrissimum D. Comitem d'Avaux, Régis istis in partibus extraordinarium legatum, clarissimi viri Friderici Spanhemii Strinturas (1). An è re catholicae Ecclesiae sit ut aliquid reponam,

 

(a) Loquitur de libro quem adversus, Expositionem Fidei ediderat Spanhemius, subhoc titulo : Speciment stricturam ad libellum nuperùm Episcopi Condomensis, Lugd. Batav., 1681, in-8°. Conjicii potest, ex epistolis sequentibus, aliquam hujus libri confutationem suscepturum fuisse Bossuetum ; sed deinceps,  multis  occupationibus impeditus,  à  proposito  destitisse videtur. Spanhemii cavillationes obiter refellit Arnaldus, in tomo II Apologiœ pro Catholicis.

 

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à te postulo, tuamque auctoritatem sequar. Nunc superest uti summà fide testificer me tibi addictissimum fuisse ac fore, atque omninò, etc.

 

Versaliœ, 8 maii, 1681.

 

EPISTOLA LXXXV.
CASTORIENSIS CONDOMENSI.

 

Opusculum nuper à te editum, et ad Serenissimi Delphini informationem olim compositum, quo tua humanitas, Antistes observantissime, me donandum duxit, magno cum gaudio, ubi aeeepero, exosculabor ; certus illud tanti discipuli instructione, tantique magistri eruditione dignissimum esse ; ac in eo reperturum me undè et religio incrementum, et studia mea lumen poterunt mutuare.

Quae Marchio de Feuquières ex Suecià nuntiat, uti spem praebent futuros illic plurimos qui non erunt rebelles lumini dùm eis proponetur, ità simul attjue Amsterodamum advenero, conferam cum bibliopolis, ut ineamus rationem quâ praeclarissima tua, Autistes illustrissime, Expositio Fidei Catholicœ ad quàm plurimos poterit pervenire. Si catholicorum libros in Suecià vendere liceat, non erit difficile plurima illùc hinc exemplaria mittere. De rationibus à nobis initis, ut libellus tuus et per Sueciam, om-nesque maris Raltici regiones distrahatur, ad te Antistes illustrissime, Amsterodamo referam ; ut, si forte opus erit, Marchio de Feuquières moneatur ad suam protectionem bibliopolis impertiendam, vel ad venditionein libri quocumque modo promoven-dam, qui ejus prudentiae videbitur opportunior.

Luculentissimùm mihi praebes, Antistes illustrissime, tui erga me amoris argumentum, dùm meo judicio detiniendum relin-quis, nùm cavillationibus et Stricturis Frederici Spanhemii aliquod responsum reponendum sit. Quamvis haec humilitas, quâ tu, Antistes sapientissime, tuas occupationes meo subdis arbitrio,

 

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pudorem mihi ingerat, audebo tamen quid optem significare. Ex responso magnum fructum non dubius spero. Ea est enim, Antistes illustrissime, tui nominis celebritas, ea de tuà eruditione opinio, ea de tuis virtutibus existimatio ; ut nullum de rebus fidei ac religionis sis scriptum editurus, quod non ab omnibus, ut illud legant, expetatur. Tanta verò est in libris tuis et perspicuitas ad docendum, et virtusad persuadendum ; ut vix legi possint ab iis qui fidei catholieae adversantur, quin de illà vel meliùs sentire incipiant, vel suam ab illà separationem suspectam habeant. Rogo itaque, Antistes observantissime, ut, si per occupationes liceat, aliquo responso Spanhemii objecta diluas, remque catholicam illustrare et confirmare digneris.

Spero te, per familiarem illustrissimi Comitis d'Avaux, qui summâ me benevolentià prosequitur, et quem ob religionem in Deum, et ob prudentiam in administratione sui muneris plurimùm colo, accepisse libellum(a) qui hîc nuperrimè editus est contra epistolam Lugdunensis medici, cui nomen Spon. Ea epistola hic magno applausuab iis omnibus accipitur, quibus jucun-dum brevissimo scripto comprehensum viderequidquid ferè catholicis objici potest. Sed speramus plurimos posituros insaiium de istà epistolà gaudium, dùm ex erudito ad illam responso salubrem concipient dolorem.

Libellus cui titulus, La politique du clergé de France (b), licèt mendaciis apertissimis scateat, hîc tamen celebratur tanquàm summi ingenii, eruditionis etpoliticae scientiae stupendum opus : undè brevi tempore plurima hic ejus divendita exemplaria ; et ut ab omnibus is libellus legi possit, in nostram quoque linguam tiansfusus est ; praefixà monitione ad lectorem, quà maximis elogiis auctoris eximia in rébus theologicis scientia, in historicis eruditio, in politicis perspicacia commendantur. Et quamvis prae-cipue scriptus videatur ut Anglorum in catholicos furorem nostris inspiret Ordinibus, illi tamen pergunt indulgenter nobiscum agere ac connivere ad progressum religionis nostrae, neglectà intentione maledici scriptoris. Judicavit vir magnus, quocum

 

(a) Hujus libelli auctor erat Arnaldus, sicque inscriptus est : Remarques sur une lettre de M. Spou. — (b) Auctore Jurieu.

 

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mihi nonnullum litterarum commcrrium, è re catholicœ religionis futurum, si suum otium refutando ei libro impenderet (a). Confido ipsum adeò féliciter istâ operà defuncturum, ut calvinismo indè pudor, et Ecclesiae catholicae ingens gloria sit accessura. Hœc refero tibi, Antistes illustrissime ; quia scio nihil esse Ecclesiae, quod non tuum, pro illà quà eam complecteris dilectione, existimes.

Non possum huic epistolae finem imponere, quin significem me gaudere quàm maxime ; quia ecclesià Meldensis te, Antistes sapientissime, pastorem habere meruit (b). Illà felicitate ut diù fruatur, Deum rogo.

 

27 maii 1681.

 

EPISTOLA LXXXVI.
MELDENSIS CASTORIENSI.

 

Accepi equidem luculentam, atque omni elegantiâ et erudi-tione refertam Responsionem ad Spondii Epistolam ; ac velim multa hujus praeclarissimi libelli exemplaria ad nos perveniant. Libellum cui titulus, La politique du clergé de France, utinàm ille confutet qui Epistolam Spondii tantis jàm viribus, tantâque eruditione confecit (c) ! Te verò etiam atque etiam rogo, Praesul illustrissime, ut hujus mihi responsionis copiam facias, ubi erit édita. Confido enim fore ut mendaciorum pudeat auctorem etiam ipsum, si res accuratè exponatur ; quoque ille liber majore est arte contextus ad capiendas levés imperitasque animas, eò magis necesse est ut ejus fraudes publiée detegantur.

De Spanhemio videro quid agendum, ubi per otium licuerit : tuis certè consiliis obtemperaturum me profiteor. Urget illustrissimus atque excellentissimus régis nostri in Suecià legatus, ut ad eam regionem nostrae Expositionis Latina versio deferatur ; plurimùmque in eà re momenti ponit, ac rerum necessitudines excitandae fidei opportunissimas esse scribit.

Oro te etiam atque etiam, ut Sedis apostolicae bullas propè diem

 

(a) Arnaldus, qui Jurii librum confutavit, opere edito sub hoc titulo : Apologie pour les Catholiques. — (b) Paulò antè, scilicet 2 maii, Bossuetus designalus fuerat Episcopus Meldensis. — (e) Arnaldus.

 

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expectantem, atque ad episcopale opus se accingentem precibus tuis subleves, ut exemplo incendis. Me verò ne dubites summâ cum reverentià et esse et futurum, illustrissime Praesul, tibi obedientissimùm et conjunctissimum,

 

+ J. BENIGNUM, Episc. Condomensem, Meldensem designatum (a).

 

LETTRE LXXXVII.
BOSSUET A M. DIROIS, DOCTEUR DE SORBONNE. A Versailles, ce 23 mai 1681.

 

Je n'ai pas eu le loisir, Monsieur, dans les derniers ordinaires, de vous donner de nies nouvelles : vous en aurez appris par Monseigneur le cardinal d'Estrées.

J'espère que quelque jour vous viendrez produire à Germigny (b) quelqu'un de ces grands ouvrages (c), que vous méditez pour l'utilité de l'Eglise.

Je vous enverrai par la première commodité, un ouvrage (d) que j'ai donné depuis peu : j'en ai envoyé quelques exemplaires à Rome par les derniers ordinaires ; j'en destine un à la bibliothèque Vaticane. Faites-le un peu valoir aux savans de Rome et de l'Italie, parmi lesquels votre savoir vous donne tant de créance.

Aidez-moi de vos offices auprès de Messeigneurs les cardinaux, et faites-moi la grâce d'entrer dans ce que feront pour moi à Rome Monseigneur le cardinal et M. le duc d'Estrées, qui trouveront en vous un agréable exécuteur des ordres qu'ils auront à donner pour mes intérêts (e). Je m'y attends et suis très-parfaitement, etc.

 

(a) Dies non est appositus : certè tamen scripta est epistola mense junio, praecedentique respondet. — (b) Maison de campagne dépendante de l'évêché de Meaux, auquel Bossuet était alors nommé. — (c) M. Dirois a donné au public plusieurs ouvrages, parmi lesquels on distingue celui qui a pour titre : Preuves et préjugés pour la religion chrétienne et catholique, contre les fausses religions et l’athéisme. — (d ) LeDiscours sur l’Histoire universelle. — (e) Il y a toute apparence qu’il s’agit ici d’obtenirle gratis des bulles pour l’évêché de Meaux, ou du moins une diminution.

 

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LETTRE LXXXVIII.
BOSSUET A M. DE RANCÉ, ABBÉ DE LA TRAPPE. A Paris, ce 22 juin 1681.

 

J'ai reçu, Monsieur, trois lettres de vous depuis environ quinze jours. La première parlait de mon Livre (a) avec les sentiments ordinaires de la bonté dont vous m'honorez. La seconde regardait une ordination faite par M. de Séez à votre prière. J'écris à ce prélat que je lui en suis obligé et de la civilité qu'il me fait sur cela. Le troisième, qui ne m'a été rendu qu'hier seulement par la voie du grand couvent des Carmélites, était du 21 du passé.

Sur votre témoignage, je ne ferai aucune difficulté d'ordonner l'ecclésiastique dont vous me parlez, à moins que je n'y reconnaisse des empêchements que vous pourriez ne savoir pas ; ce que je ne présume point : et au contraire je sens une secrète consolation, que le premier homme dont on me parle pour l'ordination soit approuvé de vous. La promesse que vous me faites, de prier Dieu qu'il me conduise dans les fonctions de l'épiscopat, m'est un grand soutien: mais vous n'en serez pas quitte pour cela.

Il y a dix ans que j'eus dans l'esprit que si Dieu me remettait en charge dans son Eglise, j'aurais deux choses à faire : l'une, d'aller passer quelque temps en action avec feu M. de Châlons (b) ; l'autre, d'aller aussi passer quelque temps en oraison avec vous. Dieu m'a privé du premier par la mort de ce saint prélat : je vous prie de ne me refuser pas l'autre. J'accompagnerai mon voyage de toute la discrétion possible ; et comme j'ai des raisons pour aller en Normandie, ce voyage couvrira celui de la Trappe. Il n'y aura que le roi seul à qui il faudra le dire, et qui très-assurément le prendra bien. Mon cœur est rempli de joie quand je songe à l'accomplissement de ce dessein : je vous supplie de

 

(a) Le Discours sur l'Histoire universelle. — (b) Félix Vialart, prélat d'une éminente vertu, mort le 10 juin 1680.

 

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l'agréer. Si vous me faites cette grâce, aussitôt que j'aurai réponse de Rome je disposerai mes affaires au départ. Je suis, Monsieur, de tout mon cœur à vous.

 

LETTRE LXXXIX.
BOSSUET A M. L'ABBÉ NICAISE, CHANOINE DE LA  SAINTE CHAPELLE  DE DIJON. A Paris, ce 8 juillet 1681.

 

J'ai de la peine à croire que Messieurs de Genève traduisent ni impriment mon dernier livre, qui est trop contre eux par son fond sans les attaquer directement. Pour celui de la Nature et de la grâce, de l'auteur de la Recherche de la vérité, je n'en ai pas été satisfait, et je crois que l'auteur le réformera ; car il est modeste, et ses intentions sont très-pures. Mais il me semble qu'il n'a pas fait toutes les lectures nécessaires pour écrire de la grâce, ni assez considéré tous les principes qui servent à décider cette matière. Je suis persuadé que le livre sur la lettre de M. Spon (a) est de M. Arnauld, quoique son nom n'y soit pas. L'ouvrage est fort, et à mon avis d'une très-bonne et très-solide doctrine. Notre bon ami M. Spon avait bien dit des pauvretés dans sa lettre. Je vous remercie de vos nouvelles, et suis de tout mon cœur, etc.

 

EPISTOLA XC.
CASTORIENSIS CONDOMENSI.

 

A sex ampliùs septimanis egi cum bibliopolà Amsterodamensi, ut iniret rationem in Suecià divendendi tuam Catholicœ Fidei Expositionem. Gaudebat ille se ad eam rem invitari, sibique spem dari, quòd eo in regno non pauca Latinœ editionis exemplaria distrahere posset. Eà occasione mihi retulit quòd in nundinis Francofurdiensibus Expositio avidissimos inveniret emptores ,

 

(a) L'ouvrage de M. Spon avait pour titre : Lettre au Père de la Chaise, confesseur du roi, sur l'antiquité de la religion ; et la réfutation était en effet de Arnauld. Elle parut en 1681, n-18.

 

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quòdque per totam Germaniam legatur et fructificet. Hamburgum varia jàm miserat exemplaria ; promptus ut ad omnes maris Baltici portus ea quoque dirigat.

Haec, Antistes illustrissime, citiùs tibi indicassem, nisi decrevissem non priùs tibi scribere quàm acceptus et lectus à me esset tuus de Historià Universali Commentarius. Legi illum, et reperi quòd grandiora in penetralibus contineat, quàm in fronte osten-tet. Quae de vità, miraculis, et doctrinà Christi narrât, legi non possunt, quin lectorem in religionis nostrae admirationem et amorem rapiant. Certè de doctrinà Christi nihil sublimius cogitari, nihil potest eloquentius dici, quàm mente concepisti et calamo expressisti. Prophetiis lucem intulisti gratissimam; et quidquid ex Daniele pro religione nostra confici potest, tantâ rationis evidentiâ confecisti, Antistes eruditissime, ut vix judaica perfidia ei possit resistere. Et quia ex istà tuà lucubratione maximum fruetum animo praevident ii omnes qui illum legere potuerunt, hinc librarii nostri eum suis typis subdiderunt.

Dùm haec tibi, Antistes illustrissime, significo, non possum non rogare ut, dùm otium feret, fastuosum Striclurarum auctorem cogas detumescere, et modestiùs de se ipso sentire. Hoc si ejus typhus discere nequeat, erunt tamen hîc quamplurimi quibus lucubrationes tuae facem praeferent, ut ad catholicam, à quà devulsi sunt, redeant unitatem.

 

21 augusti 1681.

 

EPISTOLA XCI. 
CONDOMENSIS CASTORIENSI.

 

Accepi suavissimam epistolam tuam ; et quidem jucundissimum mihi fuit probatum tibi opus illud (a) quod ad te transmiseram. Sic enim placet, non ipsum quidem, ut ità dicam, laudari, sed incitari. Sanè Spanhemii Stricturas non perstringendas, sed configendas esse arbitror ; et facerem id confestim, Deo duce, nisi me multa alia ab hoc studio avocarent. Arripiam tempus, ubicumquè se dederit, et ingentes illos viri spirilus comprimam. Tu me sanctis tuis precibus adjuva.

 

(a) Oratio in universalem Historiam.

 

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Jàm video curarum tuarum aliquos in Suecià fructus. Nostram enim Expositionem eò pervenisse legatus noster testatur; et aliquot è Suecis, viri primarii, eà commoti ad nos venerunt sacram exquisituri doctrinam. Utinàm aliquandò tôt populi fœdissimà ac deformissimà reformatione delusi, catholicae Ecclesiae, sub pellibus licèt ac tenloriis peregrinantis, decorem cum Ralaamo respiciant, eamque admirati exclament : Qui benedixerit tibi, erit et ipse benedictus : qui maledixerit, in maledictione reputabitur (a).

Quòd illustrissimi Ordines nullà ratione adduci possint ut vos malè habeant, legi equidem in tuis litteris eò lubentiùs, quòd mihi aliud renuntiatum erat. Adsit Omnipotens, teque tanto studio pro animarum salute laborantem tueatur. Tu quoque nos et Ecclesiam Gallicanam, mox jussu regio congregandam, commendare velis assiduis precibus optimo Patri, uti nos pacem sectari donet, atque Ecclesiae vulnera curare, non multiplicare. Idifuturum spero; nec sine timoré spes. Unum id dixero, quod preces tuas et sollicitudinem quam pro Ecclesià geris acuat.

Mitto ad te aliqua errata libri mei (b), quae typographe dare possis, ut ea quam apparat editio sit ornatior.

Ego te, Praesul illustrissime, Ecclesiae flagrantissimum amatorem, impendiò amo, meque à te amari vehementer laetor, tibique sum addictissimus ; utque inter nos sancta libertas ac familiaritas vigeat, peto.

 

P.S. Errata quae dixeram non vacat mittere. Nihil magni mo menti est, quodque non facile adverti possit.

 

Datum in regià Fontis-Bellaquei, 22 septembris 1681.

 

EPISTOLA XCII.
CONDOMENSIS CASTORIENSI.

 

Ad te mitto, illustrissime Antistes, typographorum errata quae superiore epistolà promiseram, nec per otium eo die praestare

 

(a) Num., XXIV, 9.— (6) Oratio in universalem Historiam, quam praelo jàm subdiderant Batavi typographi.

 

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potueram ; ut si nova adornetur editio, emendatior esse queat. Te autem rogo uti ea errata non ut à me accepta des typographo, quicumque ille sit qui novam editionem apparat. Sanè spero si minore volumine eam fecerit, eam nostris quoque hominibus gratam fore. Hœc habui quae dicerem : id addo, quod tibi certissimum esse velim, me tibi esse addictissimum. Res nostras sanctissimis tuis commendo precibus.

 

In regià Fontis-Bellaquei, mense septembris 1681.

 

LETTRE XCIII.
BOSSUET A M. DIROIS, DOCTEUR DE SORBONNE. Paris, au mois de septembre 1681.

 

La grande affaire du consistoire de lundi a absorbé les petites, et il faut, Monsieur, que je me donne patience. Je suis persuadé que .Monseigneur le cardinal d'Estrées et M. l'ambassadeur feront pour moi tout ce qui sera possible, tant pour la diminution de la somme que pour la diligence : ainsi je me repose sur leurs bontés, et je ne les importunerai pas par cet ordinaire.

Je prends la liberté de vous adresser seulement ces deux lettres pour les mettre entre les mains de son Eminence, et les rendre ensuite, ou faire rendre à leur adresse, s'il le juge à propos. Ce sont, comme vous savez, les deux approbateurs de mon livre de l’Exposition, à qui je dois ce compliment après la manière honnête dont ils ont agi avec moi. J'ai ouï dire qu'ils ne sont pas de nos amis : je les renonce à cet égard. Mais le roi ayant eu la bonté de me permettre d'écrire à qui je trouverais à propos, et mes lettres étant d'une si petite conséquence, j'ai cru être obligé à ce compliment.

Vous ne sauriez me faire un plus grand plaisir, que de faire faire un présent honnête à M. l'abbé Nazzari (a). Si vous voulez faire mettre mes armes sur ces pièces d'argenterie dont vous me parlez, je vous en envoie une empreinte. Je vous prie de faire de ma part toutes les honnêtetés possibles à M. l'abbé Nazzari, et de

 

(a) Il avait traduit l’Exposition en italien.

 

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faire mettre la somme que coûteront les pièces d'argenterie, avec celles dont je suis redevable à M. de la Flageole, que j'acquitterai à son premier ordre ; mais pressez-le, s'il vous plait, de me l'envoyer.

Il y a quelque apparence que je pourrai être de l'assemblée. Vous pouvez me mander confidemment vos vues, persuadé que vous saurez considérer ce qui convient à des évêques. De notre part, nous devons entrer dans l'esprit de la négociation qui est entamée. J'aurai encore le loisir d'apprendre vos sentiments avant qu'on fasse rien de considérable. Je voudrais bien être un quart d'heure avec Monseigneur le cardinal, et un autre quart d'heure avec vous ; nous aurions bientôt posé les principes. Il me paraît qu'on ira avec une bonne intention d'avancer ou faciliter raccommodement : mais il faut être sur les lieux pour bien juger des moyens. Je suis à vous de tout mon cœur.

 

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