Réunion des Protestants II
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RÈGLES TOUCHANT
LA RÉUNION GÉNÉRALE DES CHRÉTIENS,

 

PREMIÈRE RÈGLE.

SECONDE RÈGLE.

TROISIÈME RÈGLE.

QUATRIÈME RÈGLE

CINQUIÈME RÈGLE.

SIXIÈME RÈGLE.

SEPTIÈME RÈGLE.

HUITIÈME RÈGLE.

NEUVIÈME RÈGLE.

DIXIÈME RÈGLE.

 

 

Prescrites tant par la sainte Ecriture que par l'Eglise universelle et par la Confession d’Augsbourg, que quelques théologiens de la même Confession, animés d'un saint zèle pour la paix, ont recueillies et qu'ils soumettent à l'examen et proposent à la piété de tous les chrétiens. 1691. (a)

 

PREMIÈRE RÈGLE.

 

Cette réunion générale est possible; et considérée en elle-même, elle sera pour tous les Etats et pour chaque particulier une source d'avantages spirituels et temporels. Tout chrétien est donc étroitement obligé, conformément aux lois divines et humaines et à celles des diètes de l'Empire, de contribuer, autant qu'il le peut, selon les temps et les occasions, à procurer cette réunion; et l'on doit traiter d'hérétique et de séditieux quiconque dirait le contraire.

Cette règle n’est ignorée ou contredite par aucun homme sage et savant.

 

SECONDE RÈGLE.

 

Il n'est pas permis, pour parvenir à cette réunion, ou de nier quelques vérités, ou de négliger les moyens de les découvrir. « Aimez la paix et la vérité, » dit le Seigneur tout-puissant (1).

 

1 Zachar., VIII, 19.

 

(a) Cet écrit fut composé par les théologiens protestants d'Hanovre, et remis entre les mains de l'évêque de Neustadt. Il en est parlé dans plusieurs lettres de Leibnitz, qu'on trouvera dans la seconde partie de ce Recueil. J'ai cru fane plaisir au public de mettre cet ouvrage à la tête de ce  Recueil, parce qu'il a été l'occasion de tout ce que Bossuet et ses célèbres adversaires ont écrit depuis sur le Projet de la réunion, et que d'ailleurs l'abbé Molanus suit pied a pied dans ses Cogitationes privatae les principes posés dans cet écrit, dont il paraît même être l'auteur. (Edit. de Leroi.)

 

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TROISIÈME RÈGLE.

 

Néanmoins il n'est pas nécessaire, ou même expédient ou permis de découvrir toutes les vérités à ceux du parti opposé, et de les obliger à renoncer explicitement et expressément à toute erreur. Dans la situation où sont les choses, on ne peut rien exiger de semblable des ministres ecclésiastiques des deux partis, sans les décréditer considérablement, pour ne rien dire de plus, dans l'esprit de leurs peuples ; ce qui serait saper par les fondements le projet de la réunion. La conduite des apôtres est décisive à cet égard. Ils travaillaient à réunir les Juifs et les Gentils dans la seule Eglise de Jésus-Christ ; mais, en y travaillant, ils n'osèrent découvrir aux Juifs mêmes toutes leurs erreurs. Ils savaient, par exemple, que c'était une erreur judaïque de croire que dans la nouvelle loi, on devait s'abstenir de manger du sang et des viandes étouffées. Cependant, connue ils étaient convaincus que les Juifs renonceraient plutôt à la foi de Jésus-Christ qu'à cette pratique, ils en firent une loi générale et expresse pour les autres chrétiens, parce qu'il leur parut nécessaire d'établir l’uniformité dans les pratiques extérieures.

Nous avons encore les exemples des conciles de Lyon et de Florence, dans lesquels la réunion des deux églises grecque et latine fut faite, sans qu'on exigeai des évêques de l'une et de l'autre Eglise un aveu public et précis de leurs anciennes erreurs sur la doctrine de la foi. On se contenta d'explications qui fussent au goût des deux partis; et ces explications parurent aux gens sensés n'être rien autre chose au tond qu'une honnête rétractation. La raison de cette conduite est que si les pasteurs étaient obligés d'articuler publiquement les erreurs par lesquelles ils ont séduit les peuples confiés à leurs soins, un tel aveu n'aboutirait qu'à les faire regarder par le peuple, naturellement simple, comme des hommes qui n'ont rien de fixe dans l'esprit sur la doctrine, et qui sont en danger d'aboutir au pur athéisme. D'ailleurs le peuple ne pouvant encore donner sa confiance aux pasteurs du parti opposé, qu'il ne connaît pas, et voyant ses propres pasteurs avouer que la doctrine qu'ils lui ont fortement inculquée comme

 

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étant la pure parole de Dieu, est pourtant erronée; le peuple, dis-je, ne saurait plus à quoi s'en tenir, et se porterait peut-être aux dernières violences contre ceux qui lui feraient cet aveu.

 

QUATRIÈME RÈGLE

 

Pour parvenir à la réunion, il faut que les deux partis s'accordent implicitement sur tous les articles révélés et définis; c'est-à-dire qu'ils conviennent expressément de se soumettre aux mêmes règles de la foi, et au même juge final des controverses.

Peu de chrétiens sont assez instruits pour connaître bien clairement et bien expressément tous les points de la doctrine de la foi révélés de Dieu, ou définis par l'Eglise ancienne et moderne ; ce qui n'empêche pas qu'on ne les croie suffisamment unis avec ceux qui sont parfaitement instruits, parce qu'ils se soumettent expressément aux mêmes règles de la foi et au même juge final des controverses.

Si l'on demande quelles sont ces règles, et quel est ce juge, je réponds que la direction et la décision intérieure du Saint-Esprit et la parole extérieure de Dieu, sont la première règle, et que la seconde est l'interprétation de cette même parole donnée par l'Eglise universelle. Voyez ce que nous dirons ci-dessous sur ce sujet (1).

 

CINQUIÈME RÈGLE.

 

Il  faut convenir expressément des points de doctrine et de morale, qui suppriment tout ce qui serait ou qui pourrait paraître idolâtrique : je veux dire tout culte souverain rendu aux créatures, toute confiance souveraine en elles et tout amour souverain, qui ne sont dus qu'à Dieu : en un mot, tout ce qui pourrait déroger aux mérites de Jésus-Christ et du sacrifice de la croix.

Car des chrétiens doivent rompre ouvertement, bien loin de s'unir de communion avec ceux qui ravissent à Dieu l’honneur qu'on lui doit, ou qui y portent quelque atteinte.

La première règle générale qu'il faut suivre à cet égard est celle du décret des ministres de Charenton (2), rapportée par Daillé

 

1 Vide inf., Reg. IX.— 2 An. 1633.

 

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dans son Apologie de la Réforme (1). Ces ministres examinant au sujet de la question de la présence de Jésus-Christ dans l'Eucharistie, quels sont les différais sentiments qu'on peut tolérer, décident qu’en général il ne faut pas regarder comme des erreurs capitales celles qui n'attaquent pas formellement, directement et immédiatement, ni la substance de Jésus-Christ, ni ses propriétés ; et que ces erreurs n'étant point opposées à la piété, à la charité et à l'honneur qu'on doit à Dieu, elles méritent d'être tolérées.

Seconde règle. Dès qu'une doctrine ou une pratique paraît ido-lâtrique, ou déroger en quelque sorte à ce qu'on doit à Dieu, il faut l'abroger aussitôt par une déclaration publique. Les catholiques romains ne sont pas moins obligés que les protestants de suivre cette règle, comme nous le montrerons bientôt.

Troisième règle. Lorsqu'une partie des orthodoxes avec lesquels vous prétendez communiquer dans le culte extérieur et dans les sacrements, admet ou tolère une certaine doctrine, vous devez aussi la tolérer. Car si vous croyez en conscience devoir vous séparer de ceux qui enseignent cette certaine doctrine, quoiqu'ils soient tolérés et admis à la communion et à la participation des sacrements par une partie de ceux avec qui vous communiquez, il est clair qu'il faut, bon gré malgré, que vous vous sépariez des membres de votre propre Eglise, puisqu'autrement vous communiqueriez avec ceux dont vous croyez en conscience devoir vous séparer.

Quatrième règle. Il y a deux sortes de culte religieux : l'un souverain, qui n'est dû qu'à Dieu; l'autre qu'on rend à cause de Dieu, à ses serviteurs et aux choses sacrées. C'est ce qu'enseignent Grotius, Amésius, Daillé, et singulièrement Luther, qui s'explique en ces termes : « Un roi, un docteur, un prédicateur sont des hommes auxquels Dieu veut qu'on rende un culte religieux, quoiqu'on ne leur attribue pas la divinité. » Calvin, les Gloses de Belgique et d'Heidelberg, et d'autres auteurs disent la même chose. Par exemple, en expliquant ces paroles du Psaume XCVIII : « Adorez l'escabeau de ses pieds, » ils entendent par cet escabeau qu'on doit adorer, ou honorer d'un culte religieux, l'arche

 

1 Apol., cap. VII, p. 35.

 

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d’alliance, parce qu'elle était une image de la majesté divine. En conséquence, on ne devait la toucher qu'avec respect. Je dis la même chose de tout ce qui sert à l'appareil extérieur de la religion, comme sont les Livres saints , un calice, etc. Cependant il ne faut pas, sur ce point, être aussi superstitieux que le sont les catholiques romains. Voyez ce que Daillé dit spécialement sur ce point, dans l'endroit cité ci-dessus.

Ces principes aplanissent les voies qui mènent à la paix générale.

Premièrement, le grand nombre et les plus judicieux d'entre les protestants, admettent ou tolèrent ceux qui enseignent que, quoique l'homme n'ait aucun mérite propre dans l'ouvrage de la justification , de la grâce et de la gloire céleste, cependant il mérite en quelque sorte l'accroissement, ou pour me servir de leur expression, le second degré de la gloire. On prend dans un sens plus étendu le mot de mérite, qu'on applique aux bonnes œuvres que le Saint-Esprit produit par sa grâce dans l'homme justifié. Car quoiqu'il n'y ait nulle condignité ou proportion entre ers bonnes œuvres et la gloire éternelle, il est pourtant vrai de dire que cette gloire leur est promise par miséricorde, et qu'elles l'obtiennent véritablement et proprement. Si les catholiques romains déclarent qu'ils pensent ainsi sur cette matière, ils seront tolérés, et l'on regardera désormais la question comme une pure dispute de mots, qu'on laissera débattre dans les écoles; ce qui n'empêchera pas les protestants de croire qu'il vaut encore mieux s'abstenir du mot de mérite.

Secondement les protestants anglais, et tous ceux de Pologne et d'autres pays, qui suivent la Confession helvétique, se mettent à genoux devant le pain eucharistique, et le reçoivent en cette posture. Or on les tolère malgré cette pratique, et personne ne les accuse d'idolâtrie, parce qu'ils protestent en toute occasion que leur culte souverain s'adresse à Jésus-Christ seul, et non au pain. Si les catholiques romains veulent dire la même chose, on les tolérera de la même manière. Peu importe au fond que les catholiques romains rendent plus fréquemment et plus souvent cet hommage extérieur à l'Eucharistie. Le plus ou le moins ne

 

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les mêmes prières et observent les mêmes cérémonies que l'Eglise romaine; et cela pour deux raisons : la première, parce qu'ils ne croient pas que Jésus-Christ y soit véritablement, réellement et physiquement immolé ou mis à mort, par une séparation actuelle de son corps et de son sang : la seconde, parce qu'ils enseignent que Jésus-Christ ne mérite rien de nouveau, ni pour lui-même, ni pour les autres hommes, vivants ou morts; et qu'il ne satisfait plus pour aucun péché, ayant pleinement satisfait parle sacrifice unique de la croix. Ils ajoutent que, dans la Cène, il ne s'opère rien autre chose, sinon premièrement la présence de Jésus-Christ, afin qu'on l'y mange véritablement et réellement, en mémoire du sacrifice de la croix qu'elle représente et en action de grâce de ce même sacrifice : secondement que, quoique Jésus-Christ prie partout son Père pour nous, il est vrai de dire qu'il le prie plus particulièrement encore pour ceux qui le reçoivent dans la cène avec une foi vive, et qui lui demandent l'absolution de leurs péchés et de ceux de leurs livres, parce que Jésus-Christ présente alors à son Père les mérites de sa passion, afin qu'ils soient appliqués à ceux-ci et à ceux-là : troisièmement, que le prêtre qui met toute sa confiance avec une foi vive dans la miséricorde spéciale de Jésus-Christ, présente singulièrement à Dieu, en offrant les saints mystères, tant pour lui que pour tout le peuple, les mérites du sacrifice de son Fils. Si les catholiques romains déclarent qu'en célébrant leur messe, ils ne croient et ne font rien autre chose, on tolérera devant Dieu leur usage de la célébrer.

 

SIXIÈME RÈGLE.

 

Il est nécessaire de convenir expressément sur l'usage ordinaire des sacrements et sur l'assistance aux offices divins, et de déclarer par conséquent quels sont les cas dans lesquels cet usage et cette assistance sont licites. En effet il ne peut y avoir de reunion solide, tandis que de part et d'autre on s'excommunie. Or c'est clairement s'excommunier que de dire qu'on ne peut, sans péché mortel et sans courir risque de la damnation éternelle, participer avec quelqu'un aux sacrements, ou assister avec lui aux offices divins. Il est donc indispensablement nécessaire de donner

 

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change pas l'espèce des choses. L'on exige seulement de ces catholiques romains, qu'à L'exemple des protestants dont on vient de parler, ils évitent tout soupçon d'idolâtrie. Alors leur erreur sur la permanence de Jésus-Christ dans l'Eucharistie méritera au moins autant d'être tolérée que celle de nos frères les ubiquitaires, qui croient que le corps de Jésus-Christ est présent partout.

Troisièmement les autres erreurs des catholiques romains sur la transsubstantiation et sur les accidents eucharistiques, qu'ils disent subsister sans substance, mériteront aussi d'être tolérées suivant les règles posées ci-dessus, pourvu qu'ils rejettent l'idolâtrie, de la manière qu'on vient de le dire : car Luther lui-même croit que ces erreurs sont tolérables, et il dit que les questions agitées à ce sujet sont purement sophistiques.

Quatrièmement on passe aux luthériens leurs images, parce qu'Us déclarent hautement qu'ils ne leur attribuent aucune vertu, et qu'ils s'en servent uniquement pour s'élever aux choses spirituelles représentées par ces images. Si les catholiques romains s'expliquent aussi clairement, on leur passera de même leurs images.

Cinquièmement on tolère dans les Pères anciens, dans les Grecs modernes et dans d'autres orthodoxes, comme on le prouve ailleurs, la prière pour les morts et l'invocation des Saints après leur mort. Pourquoi cela . sinon parce qu'en parlant du purgatoire, ils ont évité l'erreur, qui consiste à dire que le sacrifice de la croix n'a pas pleinement satisfait; et qu'en parlant des Saints, ils ont déclare qu'ils ne leur rendaient pas un culte souverain, et qu'ils ne mettaient pas finalement en eux leur confiance ? Si les catholiques romains t'ont la même déclaration, on tolérera leur doctrine. On accuse nos frères les ubiquitaires d'irrévérence par rapport à Jésus-Christ ; mais ils s'en lavent, en disant qu'il n'est présent partout que d'une manière spirituelle. Si les catholiques romains disent la même chose, il n'y aura plus d'irrévérence dans leur culte, et leurs erreurs mériteront d'être excusées. Enfin l'on excuse et l'on tolère les messes en usage parmi les luthériens, quoiqu'ils se servent des mêmes ornements, récitent presque

 

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une instruction uniforme et précise, pour faire voir que les deux partis peuvent licitement communiquer l'un avec l'autre en toutes choses. Voyez ce crue nous disons à ce sujet ci-dessous.

 

SEPTIÈME RÈGLE.

 

Il faut encore convenir d'une certaine forme générale du gouvernement ecclésiastique, et l'établir de façon qu'on en bannisse tout ce qui pourrait tyranniser ou les consciences, ou les personnes. Lorsque Jésus-Christ répandit sa foi dans tout l'univers , il ordonna l'union avec tout le monde et l'uniformité ; mais les catholiques romains, comme on le fera voir dans la suite, s'accordent en ce point avec les protestants, que les conciles généraux sont nécessaires pour procurer cette uniformité, parce que la diversité des esprits ne peut manquer de faire naître chaque jour de nouvelles questions.

Cependant les Etats chrétiens se trouvant aujourd'hui partagés entre une infinité de différons souverains, il est impossible d'assembler un concile général, ou d'en diriger solidement les démarches, si l'on n'établit préalablement, au sujet du gouvernement ecclésiastique, au moins en général une sorte d'uniformité et de subordination.

Car premièrement, les évêques de France et d'Espagne ne se rendraient pas à la convocation d'un concile, qui serait faite par les princes d'Allemagne, ni les évêques d'Allemagne à celle que feraient les rois de France et d'Espagne. Bien plus, on a pour principe dans les Etats delà communion romaine, que tout concile assemblé sans l'autorité du Pape, est nul, et que tous les évêques sont subordonnés de droit divin au Pontife romain ; d'où il s'ensuit que les Etats catholiques romains rejetteront le concile et les voies de conciliation qu'on voudrait tenter sans l'intervention du Pape.

Secondement, voici la forme du gouvernement ecclésiastique reçue partout uniformément : les pasteurs ordinaires sont soumis aux évêques, les évêques aux archevêques, et les archevêques aux cinq patriarches de Rome, de Constantinople, d'Alexandrie, d'Antioche et de Jérusalem. Parmi ces patriarches, celui de Rome

 

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est le supérieur ou premier, quoiqu'il n'ait pourtant cette prérogative que de droit humain.

Troisièmement, on n'a jamais rejeté cette primauté du Pape, ni dans la Confession d’Augsbourg et dans son Apologie, ni dans les articles de Smalcalde. Au contraire on y déclare qu'à cause de l'état actuel de la société chrétienne, il faut pour le bien général de la paix, tolérer cette primauté, et l'on n'en déteste que l'abus, je veux dire la tyrannie sur les consciences et sur les personnes. Cette tyrannie cessera, si l'on veut se conformer à ce qu’on a dit jusqu'ici et à ce qu'on dira dans la suite. Quoique dans le cas présent on n'attribue pas au Pape l'infaillibilité, néanmoins son sentiment, sur les points non décidés par l'Ecriture ou par l'Eglise, doit être préféré à cause de sa qualité de supérieur, à celui de quelque docteur particulier que ce soit : on doit, dis-je, à son sentiment une pieuse croyance, et lui obéir dans les matières spirituelles et licites. Cependant on ne peut publier ses décrets dans les différents Etats, sans le consentement des princes.

 

HUITIÈME RÈGLE.

 

On doit convenir expressément au sujet des coutumes et des pratiques ecclésiastiques, qui ne peuvent être ou omises, ou introduites, sans troubler considérablement la paix de toute ou d'une partie de la société chrétienne. Il faut, par conséquent, déclarer licite d'un commun accord l'usage, la tolérance, ou l'omission de ces coutumes et de ces pratiques.

Car, comme nous l'avons déjà observé, les apôtres n'osèrent abolir l'usage judaïque, quoiqu'alors superstitieux, de s'abstenir de manger du sang, et firent même de cet usage une loi générale et uniforme.

D'ailleurs saint Paul, pour ménager la faiblesse des Juifs, fit recevoir à son disciple Timothée la circoncision, quoiqu'abrégée déjà devant Dieu et devant bientôt l'être publiquement. Il en est de même de beaucoup de pratiques, qu'on ne pourrait ou abroger ou mettre en usage, soit chez les catholiques romains, soit chez les protestants, sans jeter le peuple dans le trouble, à moins que l'autorité d'un concile général n'intervint.

 

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Un fait assez plaisant, arrivé au dernier siècle dans un certain canton de la Carinthie, est la preuve de ce que je viens de dire. Le seigneur du lieu y avait établi un ministre de la Confession helvétique, pour en instruire ses vassaux. Déjà ce ministre leur avait persuadé qu'il leur prouverait que l'Eglise romaine était dans l'erreur sur plusieurs points essentiels. Mais par malheur il survint un jour que le village avait coutume d'aller en procession à une église un peu éloignée. Le ministre fit tout ce qu'il put pour engager le peuple à abolir cette procession ; mais son discours ne servit qu'à le mettre dans une telle fureur, qu'il menaça même de tuer le seigneur, s'il ne lui donnait un autre prêtre, qui fût exact observateur des processions ; et ce petit contre-temps a fait rejeter jusqu'à présent par ces villageois tout le fond de la Réforme.

Observez que les ministres et les peuples des églises protestantes ne verraient pas, sans de grandes alarmes, abroger l'usage de la coupe, établir la loi du célibat, et obliger à certaines pratiques qui leur ont toujours paru idolâtriques. D'un autre côté, les catholiques romains ne souffriraient pas qu'on abolit tout à coup leurs formules de prières, leur liturgie et leurs cérémonies, ni qu'on leur imposât l'obligation de recevoir les sacrements des mains d'un prêtre, dont l'ordination leur paraîtrait douteuse.

On ne parviendra donc jamais à une réunion vraie et durable, si les ministres de part et d'autre ne conviennent à l'amiable d'employer un moyen licite, et qui n'intéresse ni l'honneur ni la conscience de personne. Ce moyen consiste, ou à permettre absolument aux peuples des deux partis leurs différents usages, ou au moins à user de condescendance à l'exemple des apôtres, en dissimulant et en tolérant les abus. Ce que nous avons déjà dit et ce qui nous reste à dire, prouve autant qu'il le faut la possibilité de ce moyen.

 

NEUVIÈME RÈGLE.

 

Il faut encore convenir expressément sur un autre point, qu'on doit observer de part et d'autre, et qui consiste à s'abstenir d'agiter en public, à tolérer et à renvoyer au même juge d’une

 

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autorité divine, dont on vient de parler, tous les autres points de foi controversés, sur lesquels on n'aura pu se concilier aimablement, ou qui paraîtront trop difficiles à concilier avant la décision de ce juge. Ces points sont ceux que l'un des deux partis a déjà définis comme articles de foi, et tient pour tels. On ne pourrait les discuter ouvertement devant le peuple, sans scandaliser beaucoup l'un des partis.

Car premièrement, il serait infiniment difficile de se concilier sans le concile sur plusieurs articles que les catholiques romains croient être de la foi et d'une extrême importance ; tels que sont ceux de la transsubstantiation, de la présence permanente de Jésus-Christ dans l'Eucharistie, de la communion sous une seule espèce, de l'infaillibilité du concile de Trente, de la suprême autorité du Pape de droit divin, et d'autres sur lesquels les protestants ont déjà proposé publiquement et proposent encore des difficultés. Il faudra donc que les catholiques romains consentent, par esprit de paix, à remettre tous ces points à la discussion et à l'examen d'un nouveau concile ; et que les protestants de leur côté, animes pareillement d'un esprit de paix et de réunion, s'en rapportent sur tous ces points, et sur les autres dont les catholiques romains ne croient pas pouvoir se départir sans l'autorité du concile, à la décision qui sera faite par ce même concile.

Secondement : dès que les protestants sont disposés à rendre au Pape et au concile une obéissance raisonnable, telle que nous l'avons expliquée, les catholiques romains doivent de leur côté ne les plus traiter d'excommuniés et de schismatiques. J'en dis autant des protestants, qui doivent s'abstenir de taxer les catholiques romains d'idolâtrie, d'hérésie et d'erreurs capitales. Une précaution nécessaire à prendre, est de ne point produire devant le peuple ces sortes de questions avant la tenue du concile, et de ne les discuter que dans le concile même, ou dans des conférences légitimes tenues entre des personnes sages et judicieuses. Car dès que ces points sont mis par l'un des partis au nombre des articles de la foi, il est clair qu'en les discutant devant le peuple, on s'exposera de part et d'autre à s'entendre reprocher qu'on combat des articles de foi, et qu'on adopte des erreurs capitales :

 

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ce qui serait diamétralement opposé au projet qu'on forme de se réunir.

Je ne prétends pas qu'il faille agir de la même manière au sujet de plusieurs questions qui Boni ta matière de disputes fort vives entre les protestants, ou contre eux, ou qui même s'agitent tous les jours avec chaleur dans les écoles des catholiques romains. On peut laisser débattre ces questions, qui nr sont point décidées comme articles de foi, par l'une ou par l'autre des deux églises.

Cependant, afin qu'on ne conclue pas du silence des pasteurs sur plusieurs points, qu'ils abandonnent des articles de foi, ou qu'ils en doutent, il sera nécessaire, surtout quand on entamera la conciliation, de faire entendre aux peuples qu'on n'a pas pu venir encore à bout de se concilier pleinement sur ces points ; mais qu'on s'est déterminé par amour de la paix, à faire ce que les apôtres et l'Eglise universelle ont toujours fait en pareil cas : savoir, de remettre au concile la décision finale et dans la vue de parvenir enfin à la paix, de se supporter en attendant les uns les autres en toutes choses, autant que la vérité peut le permettre en conscience, et que l'exigent les devoirs qu'on se doit réciproquement.

Il faut en conséquence que Rome rende au peuple l'usage du calice, laisse aux princes leurs droits, aux prêtres leurs femmes, et confirme leurs ordinations ; et que les protestants, de leur côté, reviennent à l'Eglise latine qu'ils ont quittée, se réunissent et se soumettent à leur ancien patriarche, sans pourtant se départir de la liberté évangélique que nous avons expliquée plus haut.

Enfin de ce que les deux partis se soumettent à la décision du concile sur les points qu'on vient de toucher, il n'en faudra pas conclure qu'ils doutent sur ces points ; mais seulement qu'ils agissent ainsi, afin d'arriver par l'autorité du concile à la concorde chrétienne à laquelle Dieu les oblige, afin, dis-je, que ceux qui ont la vérité de leur côté y soient confirmés, et que les errants soient instruits par cette voie vraiment divine.

 

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DIXIÈME RÈGLE.

 

Il est d'une nécessité absolue de laisser aux princes ecclésiastiques et séculiers des deux partis, aux pasteurs de l'Eglise, aux nobles, en un mot aux laïques de quelque état et condition qu'ils soient, les prééminences, droits et rétributions dont ils ont joui par le passé et dont ils sont encore en possession, pourvu que ces choses ne soient pas contraires au droit divin, qu'on puisse les leur conserver en conscience, et qu'ils paraissent dans la disposition d'en user licitement. On doit même employer tous les moyens imaginables pour que la réunion procure à chacun de nouveaux avantages. Or nous avons des raisons solides et des indices certains qui nous convainquent, non-seulement que la chose est possible, mais même qu'elle arrivera infailliblement.

En effet tous doivent concourir à la réunion, au moins en y donnant leur consentement. Or tous n'y concourront pas volontiers, s'ils n'y trouvent leurs avantages. Je dis qu'ils les y trouveront : en voici la preuve. Premièrement, les peuples des deux partis jouiront d'une pleine paix avec leurs concitoyens ; au lieu que jusqu'à présent le schisme des églises a souvent été cause qu'après s'être déchirés les uns les autres, ils se sont livrés en proie à des étrangers. Secondement, la noblesse protestante sera déclarée habile à posséder beaucoup de prébendes et de principautés ecclésiastiques. Troisièmement, les ministres protestants, non-seulement conserveront les bénéfices dont ils sont pourvus, mais encore la réunion leur ouvrira la porte, et à leurs enfants, à des bénéfices sans nombre, à des prélatures dont ils pourront jouir sans être obligés de résider sur les lieux et même à des évêchés. Quatrièmement, les catholiques romains perdront, je l'avoue, une partie de leurs biens temporels, puisqu'ils seront obligés de partager avec les protestants les bénéfices et les principautés ecclésiastiques qu'ils possèdent seuls aujourd'hui ; mais en récompense leur patriarche recouvrera son ancienne autorité, par la soumission de ceux qui étaient autrefois ses enfants.

Enfin c'est le seul moyen d'assurer aux princes protestants la paisible possession des principautés ecclésiastiques dont ils jouissent.

 

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Ces principautés seront réunies à leurs domaines, de la même manière que Metz, Toul et Verdun ont été réunies à la couronne de France. Sans cela on aura toujours à craindre qu'un prince, pour avoir un prétexte d'envahir l'Allemagne, ne fasse faire au Pape des protestations, qu'il fait toujours volontiers, sur l'ancien enlèvement de ces principautés, ne  remue les rois et les autres princes de la communion romaine, qui pourraient d'ailleurs songer à s'en emparer eux-mêmes, et ne fasse entrer dans ses intérêts le Roi très-chrétien, qui dira qu'il n'a jamais consenti que ces biens fussent enlevés à l'Eglise, et qui saura bien trouver le secret de jeter la division dans le parti protestant.

Par rapport aux choses purement spirituelles, les princes protestants conserveront le fond de ce qu'ils prétendent leur appartenir : savoir, qu'on ne puisse établir des ministres, ou introduire rien de nouveau sans leur consentement.

Quant au temporel, le Siège de Rome appuiera de tout son pouvoir dans l'occasion les mêmes princes protestants, leurs héritiers et descendais, pour les aider à parvenir aux dignités impériale ou électorale , ou à des principautés ecclésiastiques plus considérables que celles dont ils sont en possession.

Ces princes et leur postérité acquerront une gloire infinie devant Dieu et devant les hommes, pour avoir délivré tout le monde chrétien du péril extrême auquel il est exposé, en éteignant par leur autorité, par leur conseil et par leur exemple de schisme affreux qui le déchire, surtout en Allemagne et en Hongrie.

Il ne reste plus maintenant qu'à convenir de part et d'autre des règles fondamentales de la foi. Quelles sont, me direz-vous, les règles fondamentales delà foi ? Je réponds, comme ci-dessus(1), qu'il est sans difficulté que l'Esprit-Saint est celui qui dirige principalement les fidèles au dedans d'eux-mêmes, et que quant à l'extérieur la parole de Dieu est l'unique fondement des décisions. Voilà les deux seules règles que nous nommons fondamentales.

J'en ajoute une troisième d'un ordre inférieur, et qui est en quelque sorte subordonnée aux deux premières : savoir,

 

1 Règl. V.

 

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l'interprétation de l'Ecriture adoptée d'un consentement commun, ou autorisée par la pratique de l'Eglise ancienne et moderne comprise sous les cinq patriarcats de Rome, de Constantinople d'Antioche, d'Alexandrie et de Jérusalem, ou qui sera approuvée par un nouveau concile œcuménique, tenu légitimement et librement.

Tous les chrétiens sont d'accord sur les points suivants. En premier lieu, que tels ou tels conciles ne sont pas par eux-mêmes et toujours nécessaires, mais seulement à cause de certaines circonstances, comme quand on ne peut autrement apaiser les troubles de l'Eglise.

On est d'accord en second lieu, que l'interprétation de l'Ecriture donnée par les conciles doit être préférée, au moins extérieurement, à celle de tout particulier. C'est pour cela que la Confession d’Augsbourg déclare qu'un concile général est le moyen final pratiqué par l'antiquité pour procurer la paix de l'Eglise, et demande qu'on l'emploie. Le synode de Dordrecht, tous les conciles tenus dans les deux partis, et même celui des apôtres, confirment la même chose. Enfin, on en trouve encore une confirmation bien précise dans les Actes du synode de Charenton, où il est dit que s'il était permis à tous et à chacun de s'en tenir à des interprétations particulières, il y aurait autant de religions que de paroisses.

En troisième lieu, l'on est encore d'accord que les conciles œcuméniques ont très-souvent erré ; et que quand on leur attribue l'assistance du Saint-Esprit, ou cette infaillibilité à laquelle tous les chrétiens doivent une soumission intérieure, on n'a jamais prétendu que l'infaillibilité leur appartint précisément parce qu'ils sont conciles, mais à cause du consentement subséquent de la plus grande partie de l'Eglise, à laquelle l'assistance du Saint-Esprit est promise.

Lorsque le concile a procédé légitimement, on peut, et l'on doit même supposer qu'il a le consentement de la plus grande partie : je dis de la plus grande partie; car jamais aucun concile n'a cru la parfaite unanimité nécessaire et n'y est parvenu. Tout bon chrétien doit donc se dire à lui-même , après la décision du concile : Il est vrai que mes pasteurs peuvent se tromper, mais

 

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je puis aussi me tromper ; et puisque dans les choses qui concernent le salut et la vérité éternelle, il vaut mieux suivre Le parti le plus sûr, je dois par conséquent m'en rapporter plutôt à l'interprétation de mes pasteurs assemblés qu'à la mienne, tant parce que Jésus-Christ a promis de se trouver au milieu de ceux qui s'assembleraient en son nom, que parce qu'il nous dit par son saint Apôtre (1); « qu'il a donné des pasteurs, afin que nous ne soyons pas emportés à tout vent de doctrine et engagés dans des erreurs artificieuses, » et qu'enfin il ordonne lui-même « de regarder ceux qui n'écoutent point l'Eglise, comme des païens et des publicains (2). »

J'ajoute une nouvelle preuve pour confirmer cette vérité : savoir, que si tout le monde n'était pas obligé de se soumettre intérieurement au concile, ce serait une espèce d'impiété que d'excommunier ceux qui ne voudraient pas s'en rapporter à ses décisions, et d'imposer à chacun l'obligation d'y conformer sa prédication extérieure. Car c'est être impie que de prêcher le contraire de ce qu'on croit intérieurement conforme à la vérité : or tous les conciles anciens et modernes ordonnent de conformer la prédication publique à leurs décisions : donc ils reconnaissent qu'un chacun est obligé d'y adhérer intérieurement, dès que la procédure du concile a été légitime.

On est d'accord en quatrième lieu, que si l'on exigeait pour la légitimité d'un concile des conditions nouvelles et différentes de celles que l'Eglise a suivies jusqu'à présent, et qu'on trouve observées dans les quatre premiers conciles généraux, ce ne serait pas chercher la paix et travailler à rétablir l'Eglise dans son état primitif, mais plutôt augmenter les troubles et les divisions. Voici les conditions qui seules ont toujours paru nécessaires.

Premièrement, tous les évêques du monde chrétien furent convoqués, et prononcèrent seuls avec l'autorité de juges. Je m'explique : On trouve parmi les juges d'autres personnes d'un rang à peu près égal à celui des évêques (a), tels que seront sans doute

 

1 Ephes., IV, 14.— 2 Matth., XVIII, 17.

 

(a) L'auteur veut apparemment parler des chorévêques, qui n'étaient que du simples prêtres, subordonnés aux évêques, quoique d'une dignité supérieure à celle des autres prêtres, et telle à peu près qu'est aujourd'hui celle des doyens ruraux. Le ministre de Laroque et les autres protestants font tout ce qu'ils peuvent peur élever les chorévêques presque au rang des évêques; mais ces chorévêques n'eurent jamais voix délibérative dans les conciles, à moins qu'ils ne tinssent la place de quelque évêque, quoiqu'ils y eussent séance immédiatement après les évêques et avant les prêtres. Voyez ce que dit Bossuet dans sa réponse aux Cogitationes privata, pour prouver que les ministres protestants ne peuvent avoir voix délibérative dans le concile. (Edit. de Paris.)

 

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les principaux théologiens protestants, qui auront travaillé efficacement à l'ouvrage de la réunion. Voyez les Actes du concile de Chalcédoine, dans lesquels on déclare que les seuls évêques, à l'exclusion de tous autres, sont membres du concile.

Les autres y furent admis indistinctement, pour débattre les matières et donner des conseils. Car comme la charge d'un juge, aux décrets duquel tous les chrétiens sont obligés de se soumettre , est d'un ordre prodigieusement élevé, et demande dans celui qui l'exerce, non-seulement un grand fonds de doctrine, mais encore une prudence consommée et une longue expérience du gouvernement des églises, qualités qu'on suppose être dans les seuls évêques, il s'ensuit que, s'il fallait mettre tous les docteurs au rang supérieur des juges, les conciles généraux produiraient une horrible confusion et engendreraient de nouvelles disputes. Ce sont là des inconvénients qu'il ne serait pas possible d'éviter entièrement.

Secondement, l'on ne fit attention, ni au nombre des évoques qui se rendaient au concile, ni à leur nation. En effet il ne se trouva qu'un petit nombre d'évêques latins dans le premier concile de Nicée, ce qui n'empêche pas qu'on ne le regarde comme général. Il suffit donc pour l'œcuménicité d'un concile, que tous les évêques y soient convoqués et admis, et qu'on suive les règles déjà posées, et celles qui restent encore à poser. D'ailleurs puisque toutes les nations et tous les évêques doivent être convoqués , il paraît clair que personne n'a droit d'ordonner que les évêques de telle ou de telle nation soient en tel ou tel nombre, de préférer certains évêques aux autres, d'admettre les évoques de chaque nation en nombre égal, et d'exclure du concile quelques évêques légitimes, pour parvenir à cette égalité. Les anciens conciles n'ont fait attention à l'égalité du nombre, que par rapport aux tenants respectifs de la dispute.

 

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Les conciles portèrent donc uniquement leur attention sur les évêques, qui seuls étaient juges, afin que chacun se conformât exactement dans la décision des points de foi aux règles posées ci-dessus, afin qu'on les écoutât paisiblement, et qu'on les laissât s'expliquer jusqu'à ce qu'on eût compris leur pensée; enfin afin qu'ils donnassent librement leurs suffrages conformément aux règles qu'on vient de voir. Tout ceci sera fortifié dans la suite par de nouvelles preuves.

Troisièmement, quoiqu'on doive préférer le sentiment d'un seul homme, quand il est le plus vrai, à l'opinion moins certaine de plusieurs, cependant on s'en est toujours rapporté au jugement du grand nombre, et non à celui de quelques particuliers, pour savoir si le sentiment de celui-ci ou de celui-là était le plus vrai. En général on a toujours regardé comme la définition de tout le concile, les décrets proposés et publiés par le président, du consentement de la plus grande partie des Pères assembles.

Quatrièmement, ceux qui s'opposaient à des décisions publiées dans cette forme, étaient déclarés hérétiques et excommuniés; et jamais on n'a agi autrement dans aucun concile ou tribunal ecclésiastique. Voyez les Actes et la procédure du synode de Dordrecht, qui est approuvé par presque toutes les églises réformées. Les remontrants ayant fait dans ce synode une protestation, sur ce que la plus grande partie des pasteurs, qui y avoient séance en qualité de juges, s'étaient toujours déclarés contre eux, le synode répliqua qu'on ne peut alléguer d'exception, dès que le précepte et les lois sont clairement notifiées, et que d'ailleurs Jésus-Christ ayant promis son assistance à ceux qui s'assembleraient en son nom, on devait supposer qu'il ne permettrait pas que les pasteurs assemblés enseignassent mie doctrine propre à séduire leurs ouailles.

Remarquez pour le cas présent que tous les évoques d'Espagne,

comme nous l'observerons plus bas (a), s'opposèrent au Pontife

romain. Nous avons vu ce que les François ont fait depuis peu;

 

(a) On dit plusieurs fois clans cet écrit qu'on prouvera plus bas des points dont il n'est plus parié dans la suite; ce qui nie fait juger, ou qu'on voulait faire quelque autre écrit, nu qu'on avait en vue celui de l'abbé Molanus, que nous donnerons à la suite de celui-ci. (Edit. de Paris.)

 

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et l'on sait assez qu'il se trouve encore un grand nombre de gens de bien dans le monde chrétien, disposés à souffrir la mort plutôt que de renoncer à des vérités connues et conformes à la parole de Dieu.

Chacun de ceux qui composeront le concile feront serment, si cela paraît à propos, de dire sincèrement leur avis et avec une sainte liberté. Beaucoup d'entre les protestants, c'est-à-dire ceux d'entre eux qui sont élevés aux dignités de leurs églises, auront séance dans le concile en qualité de juges, et le concile ne se séparera pas que la réunion ne soit consommée sur les principaux articles, de sorte que de part et d'autre on ne se soupçonne plus d'enseigner des erreurs capitales.

Cependant on fera dans toute l'Eglise des prières pour le concile, parce qu'on sera bien convaincu que ce n'est pas la science ou le grand nombre de ceux qui le composent qui le rendent infaillible, mais l'assistance de Jésus-Christ. Certainement tout le monde chrétien, qui s'empressera de venir à cette sainte assemblée , ne se laissera pas enlever, pour complaire à l'un des partis, ses lois saintes, ses formes de procédure anciennes, dont on s'est servi dans tous les temps et dans tous les lieux et qui sont, comme on l'a fait voir, d'une nécessité indispensable.

Ce serait exercer une tyrannie criante, et dont l'antiquité ne fournit point d'exemple, que de vouloir qu'une seule nation fût égale en nombre et en autorité à toutes les autres nations chrétiennes. Les lois de la nature, la raison et la pratique constante et générale nous apprennent qu'on doit laisser à tous les jugés convoqués une pleine liberté, et suivre dans la procédure les lois que tous les tribunaux regardent comme essentielles et capitales.

On est d'accord, en cinquième lieu, que ceux qui n'auront point assisté au concile devront s'assurer, par le témoignage du plus grand nombre des évêques qui s'y seront trouvés, qu'on a suivi les règles dont nous venons de parler. Si ces évêques sont morts, il faudra recourir aux actes que la plupart auront laissés sur ce sujet dans leurs synodes particuliers, dans leurs catéchismes , dans leurs livres et dans les registres des académies établies dans leurs diocèses. Car, comme je l'ai toujours dit, c'est

 

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le plus sur moyen de vérifier des faits qui se sont passés dans des temps ou dans des lieux éloignés.

On ne doit pas exiger ( car cela est naturellement impossible ), que tous les évêques sans exception, et singulièrement ceux que le concile a condamnés, aient, soit pendant sa tenue, soit après, un langage uniforme avec le plus grand nombre des juges. Les ariens et les autres hérétiques condamnés dans les quatre premiers conciles, ont toujours mal parlé de ces saintes assemblées, et leurs partisans en parlent mal encore aujourd'hui.

 

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