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SERMON
POUR
L'ASCENSION DE NOTRE-SEIGNEUR
JÉSUS-CHRIST (a).
Prodomos uper emon eiselthen eis to esoteron tou
katapetasmatos Iesosu, kata ten taksin Melchisedek, archiereus genomenos eis ton
aiona.
Praecursor pro nobis intorivit Jesus, secundùm ordinem
Melchisedech Pontifex factus in aeternum.
Jésus notre avant-coureur est
entré pour nous au dedans du voile, c'est-à-dire au ciel, fait Pontife
éternellement selon tordre de Melchisédech. Hebr. VI, 20.
Si l'on voyait une telle
magnificence, lorsque les consuls et les dictateurs triomphaient des nations
étrangères ; si les arcs
(a) Var., : Avec plaisir.— (b) Qu'on
conduit au supplice.— (c) Aimons donc...; aimons si nous voulons changer
notre cœur, etc. — (d) Peu à peu notre coeur sera rempli de cette joie
pure qui.
(e) Prêché vers 1656, à Metz, chez les Nouvelles
Catholiques.
L’appellation « Mes Soins » annonce une Communauté de
Dames, et les
considérations relatives à la Réforme devaient affermir les
Nouvelles Converties dans la foi.
D'un autre côté plusieurs indices révèlent l'époque de
Metz. D'abord l'écriture du manuscrit, la méthode de la théologie didactique, la
longueur des développements, l'indication des sources dans le texte et même la
citation grecque qui commence le sermon. Ensuite plusieurs expressions
populaires ou tombées en désuétude, telles que celles-ci : «Tout genou se
fléchit, étaler une doctrine toute céleste, le vieux peuple, tant que le premier
tabernacle fut en état, bête brute sacrifiée, la vertu et l'imbécillité de ce
sang, purger les iniquités, tout pontife doit être trié, grâces intérinées,
quand nous joignons nos prières à celles des saints, c'est pour faire avec eux
une même oraison et un même chœur de musique, veulent ils point se prendre à
Dieu-même; » enfin « aigle mystérieuse, aigle divine. »
263
triomphaux portaient jusqu'aux nues le nom et la gloire du
victorieux ; s'il montait dans le Capitole au milieu de la foule de ses
citoyens, qui faisaient retentir leurs acclamations jusque devant les autels de
leurs dieux : aujourd'hui que notre invincible Libérateur fait son entrée au
plus haut des cieux, enrichi des dépouilles de nos ennemis, quelle serait notre
ingratitude, si nous n'accompagnions son triomphe de pieux cantiques et de
sincères actions de grâces? Certes il est bien juste , ô Seigneur Jésus, que
nous assistions avec une sainte allégresse à la célébrité de votre triomphe. Car
encore que sortant de ce monde, vous emportiez avec vous toute notre joie ;
encore que cette solennité regarde plus apparemment les saints anges, qui seront
dorénavant réjouis par l'honneur de votre bienheureuse présence, toutefois il
est assuré que nous avons la plus grande part en cette journée. Vos intérêts
sont de telle sorte liés avec ceux de notre nature, qu'il ne s'accomplit rien en
votre personne qui ne tourne à l'avantage du genre humain. Vous ne montez au
ciel que pour nous en ouvrir le passage : « Je m'en vais, dites-vous, préparer
vos places (1). » C'est pourquoi votre apôtre saint Paul ne craint pas de vous
appeler notre Avant-coureur, et de dire que vous entrez pour nous dans le ciel ;
tellement que si nous savons comprendre vos intentions, vous ne frustrez
aujourd'hui notre vue que pour accroître notre espérance.
Et en effet considérons, mes
très-chères Sœurs, quel est le sujet de ce magnifique triomphe qui se fait
aujourd'hui dans le ciel N'est-ce pas qu'on y reçoit Jésus-Christ comme un
conquérant ?
1 Joan., XIV, 2.
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Mais c'est nous qui sommes sa conquête, et c'est de nos
ennemis qu'il triomphe. Toute la Cour céleste accourt au-devant de Jésus; on
publie ses louanges et ses victoires ; on chante qu'il a brisé les fers des
captifs, et que son sang a délivré la race d'Adam éternellement condamnée. Que
si on honore sa qualité de Sauveur, eh ! quelle est donc notre gloire, mes
Sœurs, puisque le salut et la délivrance des hommes fait non-seulement la fête
des anges, mais encore le triomphe du Fils de Dieu même? Réjouissons-nous,
mortels misérables, et ne respirons plus que les choses célestes. La divinité de
Jésus, toujours immuable dans sa grandeur, n'a jamais été abaissée, et par
conséquent ce n'est pas la divinité qui est aujourd'hui établie en gloire. Car
elle n'a jamais rien perdu (a) de sa dignité naturelle. Cette humanité
qui a été méprisée, qui a été traitée si indignement, c'est elle qui est élevée
aujourd'hui ; et si Jésus est couronné en ce jour illustre, c'est notre nature
qui est couronnée, c'est elle qui est placée dans ce trône auguste devant lequel
le ciel et la terre se courbent. « Celui qui est descendu , dit saint Paul (1),
c'est lui-même qui est monté. » Celui qui était si petit sur la terre est
infiniment relevé dans le ciel, et par la puissance de Dieu sa grandeur est crue
selon la mesure de sa bassesse.
Nous lisons aux Nombres ,
chapitre X, que lorsque l'on élevait l'arche d'alliance, Moïse disait : «
Elevez-vous, Seigneur, et que vos ennemis disparaissent, et que ceux qui vous
haïssent soient dissipés devant votre face (2). » Et lorsque les lévites la
descendaient : « Venez, disait-il, ô Seigneur, à la multitude de l'armée
d'Israël. » Que signifiait cette arche, sinon le Sauveur ? C'était par l'arche
que Dieu rendait ses oracles, par l'arche il se faisait voir à son peuple ;
l'arche était ornée de deux chérubins sur lesquels il se reposait en sa majesté.
Et n'est-ce pas Jésus qui est l'oracle et l'interprète du Père , parce qu'il est
sa parole et son Fils? N'est-ce pas en la personne du Médiateur « que la
divinité habite corporellement, » comme dit l'apôtre saint Paul (3) ; et que ce
Dieu invisible en lui-même, en s'appropriant une chair humaine, s'est
1 Ephes., IV, 10. — 2 Num.,
X, 35, 36. — 3 Coloss., II, 9.
(a) Var. : Elle n'est jamais déchue.
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vraiment rendu visible aux mortels? Et ainsi l'arche
représentait au vieux peuple le Fils de Dieu fait homme, qui est le prince du
peuple nouveau. C'est lui en effet qui est descendu, et c'est lui aussi qui est
élevé. Ce Dieu-Homme est descendu pour combattre; c'est pourquoi Moïse disait :
« Descendez, Seigneur, à l'armée. » Il monte pour triompher ; c'est pourquoi le
même Moïse dit : « Elevez-vous , Seigneur, et que vos ennemis fuient devant
votre face.» Moïse prie le Dieu d'Israël de descendre à l'armée de son peuple,
cela sent le travail du combat ; mais en ce qu'il assure qu'en s'élevant sa
présence dissipera tous ses ennemis, qui ne remarque la tranquillité du triomphe
? C'est ce que nous voyons accompli en la personne de notre Sauveur.
Jésus-Christ, dans l'infirmité de sa chair, au jour de sa passion douloureuse ,
a livré bataille à Satan et à ses anges rebelles, qui étaient conjurés contre
lui. Sans doute il est descendu pour combattre, puisqu'il a combattu par sa mort
; c'est descendre infiniment à un Dieu que de mourir cruellement sur un bois
infâme. Mais aujourd'hui ce même Jésus après son combat, montant à la droite du
Père, met tous ses ennemis à ses pieds ; et à la vue d'une si grande puissance «
tout genou se fléchit devant lui, comme dit l'Apôtre (1), dans le ciel, sur la
terre et dans les enfers. » Chantons donc avec le Psalmiste et disons à notre
Maître victorieux : « Elevez-vous, Seigneur, au lieu de votre repos, vous et
l'arche que vous vous êtes sanctifiée (2), » c'est-à-dire vous et l'humanité que
vous vous êtes unie ; disons avec Moïse : « Elevez-vous, Seigneur, et que vos
ennemis disparaissent, et que ceux qui vous haïssent soient dissipés devant
votre face. » Et certainement (a) il est vrai que la magnificence de son
triomphe dompte la fierté de ses adversaires, et rompt leurs entreprises
audacieuses. Les démons n'auraient point senti leur déroute, s'ils n'avaient
reconnu par expérience que l'autorité souveraine avait été mise aux mains de
celui dont ils avaient méprisé la faiblesse. C'est pourquoi il était convenable
qu'après être descendu pour combattre, il allât au ciel recueillir la gloire que
ses victoires lui avaient acquise. Comme un prince qui a sur
1 Philip., II, 10. — 2 Psal. CXXXI, 8.
(a) Var. : En effet.
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les bras une grande guerre contre une nation éloignée,
quitte pour un temps son royaume pour aller combattre ses ennemis en leur propre
terre; puis l'expédition étant achevée, il rentre avec un superbe appareil dans
la ville capitale de son royaume et orne toute sa suite et ses chariots des
dépouilles des peuples vaincus : ainsi le Fils de Dieu, notre Roi, voulant
renverser le règne du diable (a) qui par une insolente usurpation s'était
hautement déclaré le prince du monde, est lui-même descendu en terre pour
vaincre (b) cet irréconciliable ennemi ; et l'ayant dépossédé de son
trône par des armes qui n'auraient rien eu que de faible, si elles avaient été
employées par d'autres mains que celles d'un Dieu, il ne restait plus autre
chose à faire sinon qu'il retournât triomphant au ciel, qui est le lieu de son
origine et le siège principal de sa royauté. Vous voyez donc que Jésus-Christ,
comme Roi, devait nécessairement remonter au ciel.
Mais le Seigneur Jésus n'est pas
seulement un Roi puissant et victorieux, il est le grand Sacrificateur du peuple
fidèle et le Pontife de la nouvelle alliance. Et de là vient qu'il nous est
figuré dans les Ecritures en la personne de Melchisédech, qui était tout
ensemble et roi et pontife. Or cette qualité de Pontife, qui est le principal
ornement de notre Sauveur en qualité d'homme, l'obligeait encore plus que sa
royauté à se rendre auprès de son Père, pour y traiter les affaires des hommes,
dont (c) il est établi le Médiateur. Et d'autant que le texte du saint
Apôtre, que je me suis proposé de vous expliquer, joint l'ascension de
Jésus-Christ dans les cieux avec la dignité de son sacerdoce, suivons
diligemment sa pensée , et proposons la doctrine toute céleste qu'il étale avec
une si divine éloquence dans l'incomparable Epitre aux Hébreux. Mais pour y
procéder dans un plus grand ordre, réduisons tout notre discours à trois chefs.
Le pontife, ainsi que nous le
verrons dans la suite, est le député du peuple vers Dieu. En cette qualité il a
trois fonctions principales. Et premièrement il faut qu'il s'approche de Dieu au
nom du peuple qui lui est commis. Secondement étant près de Dieu, il faut qu'il
s'entremette et qu'il négocie pour son peuple. Et enfin
(a) Var. : Déposséder Satan. — (b)
Pousser. — (c) Desquels.
267
en troisième lieu, parce qu'étant si proche de Dieu, il
devient une personne sacrée, il faut qu'il consacre les autres en les bénissant.
J'espère, avec l'assistance divine, que la suite de mon discours vous fera mieux
comprendre ces trois fonctions; pour cette heure je ne vous demande autre chose,
sinon que vous reteniez ces trois mots : « Le pontife, dit l'apôtre saint Paul
(1), est établi près de Dieu pour les hommes. » Pour cela il faut qu'il
s'approche, il faut qu'il intercède, il faut qu'il bénisse. Car s'il ne
s'approchait, il ne serait pas en état de traiter; et s'il n'intercédait, il lui
serait inutile de s'approcher; et s'il ne bénissait, il ne servirait rien au
peuple de l'employer. Ainsi en s'approchant, il nous prépare les grâces; en
intercédant, il nous les obtient; en bénissant, il les épanche sur nous. Or ces
fonctions sont si excellentes, qu'aucune créature vivante n'est capable de les
exercer dans leur perfection. C'est Jésus, c'est Jésus qui est l'unique et le
véritable Pontife. C'est lui seul qui approche de Dieu avec dignité, lui seul
qui intercède avec fruit, lui seul qui bénit avec efficace. Ce sont de grandes
choses en peu de mots. Attendez-en l'explication de l'Apôtre, dont je ne ferai
que suivre les raisonnements. Montrons par cette doctrine toute chrétienne qu'il
était nécessaire que notre Sauveur, pour faire sa charge de grand Pontife, allât
prendre sa place auprès de son Père, à la droite de la Majesté. Faisons voir
incidemment à nos adversaires, qui veulent tirer ces belles maximes à l'avantage
de leur nouvelle doctrine , qu'ils les ont très-mal entendues , et que le
véritable sens en est dans l'Eglise. Seigneur Jésus, soyez avec nous.
PREMIER POINT.
La doctrine de l'Apôtre m'oblige
à vous représenter la structure du tabernacle, qui était le temple portatif des
Israélites,et tout ensemble celle du temple auguste de Jérusalem , que Salomon
avait fait bâtir sur la forme du tabernacle que Dieu lui-même avait désigné à
Moïse. Le temple donc et le tabernacle avaient deux parties : le devant du
temple, où l'autel des sacrifiées était au milieu et dont l'entrée était libre à
tous les enfants d'Israël ; là se faisaient les oblations et toutes les autres
cérémonies qui
1 Hebr., V, 1.
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regardaient le service divin : le Lieu saint, où étaient
les tables, les pains de proposition, les parfums, le chandelier d'or, et où
entraient les enfants d'Aaron et les lévites. Mais il y avait une autre partie
plus secrète et plus retirée, où était l'arche et le propitiatoire, qui était la
couverture de l'arche, et les chérubins d'or qui étendaient leurs ailes sur
l'arche, comme pour couvrir la majesté du Dieu des armées, qui avait en ce temps
choisi l'arche pour sa demeure. Ce lieu auguste, si religieux et si vénérable,
consacré par une dévotion plus particulière (a), s'appelait l'Oracle ou
le Sanctuaire, ou autrement le Lieu très-saint et le Saint des saints, selon la
façon de parler des Hébreux. De ce lieu, il était prononcé : Quiconque y
entrera, il mourra de mort. C'était le lieu secret et inaccessible, où on
n'osait pas même porter ses regards, tant il était vénérable et terrible ; et
c'est pourquoi entre le Lieu saint et le Sanctuaire, un grand voile parsemé de
chérubins était étendu, qui couvrait les mystères aux yeux du peuple et leur
apprenait à les respecter dans une profonde humiliation. Telle était la forme du
temple où l'ancien peuple servait (b) le Seigneur son Dieu.
Que ce lieu avait de majesté,
chrétiens, et que c'est avec beaucoup de raison que les plus grands monarques de
l'Orient l'ont honoré par leurs sacrifices, et ont donné tant de privilèges
illustres à ce temple et à ses ministres ! Mais il vous paraîtra beaucoup plus
auguste, si vous remarquez que cette sainte maison était la seule dans tout
l'univers que Dieu avait choisie pour son domicile, et qu'il n'y avait que ce
lieu dans la terre où on fît le service du vrai Dieu vivant, et dans lequel (c)
on lui consacrât des victimes. C'est ce qui a fait dire aux anciens Hébreux et
après à quelques auteurs ecclésiastiques (1), que ce temple unique du peuple de
Dieu était la figure du monde. Car de même qu'il n'y a qu'un Dieu créateur et un
monde qui est l'ouvrage de sa sagesse et comme le temple de sa majesté où il est
loué et servi par l'obéissance de ses créatures : ainsi il n'y avait qu'un seul
temple qui
1 Phil., lib. de Somn. II, de
Monarch.; S. Hieronym., Epist. ad Fabiol.; Homil. inter oper.
S. Chrysost.
(a) Var. : Religion très-particulière. — (b)
Adoroit. — (c) Et où.
269
représentait dans son unité le monde unique, qui a été fait
(a) par le Dieu unique.
Selon cela j'apprends de
l'Apôtre, au IXe de l’Epitre aux Hébreux , que cette partie du temple de
Salomon, dans laquelle se faisait l'assemblée du peuple, nous figurait la terre,
qui est la demeure des hommes; et que ce lieu si secret, si impénétrable (b),
où était l'arche du témoignage, « où Dieu, comme dit le Psalmiste (1), était
assis sur les chérubins, » représentait cette haute demeure que l'Ecriture
appelle « le ciel des cieux (2), » où l'Eternel se fait voir en sa gloire. C'est
pourquoi et l'arche et le sanctuaire, qui étaient honorés en ce temps-là, comme
je l'ai dit, de la présence particulière de Dieu, étaient couverts d'un voile
mystérieux , pour nous faire entendre ce que dit l'Apôtre, que « Dieu habite une
lumière inaccessible (3), » et que l'essence divine est cachée par le voile d'un
impénétrable secret. Et d'autant que les hommes par leurs péchés s'étaient
exclus éternellement de la vue de Dieu, ce qui a fait dire si souvent au vieux
peuple : « Si nous voyons Dieu, nous mourrons (4), » de là vient que l'entrée du
sanctuaire était interdite sous peine de mort à tous les enfants d'Israël par
une espèce d'excommunication générale, qui représentait à ceux qui étaient
éclairés que sans la grâce de notre Sauveur, nonobstant les services, les
victimes et les cérémonies de la loi, tous les hommes étaient excommuniés du
vrai sanctuaire du Dieu vivant, c'est-à-dire de son royaume céleste. Et cette
interprétation, chrétiens, n'est pas une invention de l'esprit humain : l'Apôtre
nous l'enseigne en termes exprès, quand il dit aux Hébreux, chapitre IX,
que par cette rigoureuse défense d'entrer et de regarder dans le sanctuaire, «
le Saint-Esprit nous voulait montrer que le chemin des lieux saints n'était
point ouvert, tant que le premier tabernacle était en état (5).» L'Apôtre veut
nous apprendre que tant que ce tabernacle sera en état, c'est-à-dire tandis que
l'on n'aura point de meilleures hosties que les animaux égorgés, le chemin des
lieux saints, c'est-à-dire la porte du ciel, nous sera fermé.
1 Psal. XCVIII, 1. — 2 Psal.
CXIII, 16. — 3 I Timoth., VI, 10. — 4 Judic., XIII, 22. — 5
Hebr., IX, 8.
(a) Var. : Bâti . — (b) Si inaccessible.
270
Mais, mes Frères, réjouissons-nous; le sang de
Notre-Seigneur Jésus a levé cette excommunication de la loi. Ecoutez l'apôtre
saint Paul, qui vous dit « qu'il a pénétré au dedans du voile (1). » Vous
entendez maintenant, ce me semble, ce que signifie le dedans du voile : il
entend que Jésus est monté dans le ciel, qu'il est entré en ce divin sanctuaire
; et que cette secrète et inaccessible demeure de Dieu, dont les hommes étaient
exclus pour jamais, a été ouverte à Jésus-Christ homme, qui y a porté les
prémices de notre nature. Et voyez cette vérité figurée par une admirable
cérémonie de la loi, que l'Apôtre nous explique mot à mot dans le même chapitre
IX, aux Hébreux. Je vous prie, rendez-vous attentifs et écoutez la plus
belle figure, la plus exacte, la plus littérale qui nous ait jamais été
proposée.
Ce lieu si caché, si
impénétrable, il était ouvert une fois l'année; mais il n'était ouvert qu'un
moment et à une seule personne, qui était le grand sacrificateur. Car d'autant
que la fonction du pontife, c'est de s'approcher de Dieu pour le peuple, il
semblait bien raisonnable, mes Sœurs, que le souverain prêtre de l'ancienne loi
entrât quelquefois dans le sanctuaire, où Dieu daignait bien habiter pour lors;
aussi lui est-il ordonné dans le Lévitique (2) d'entrer dans le Saint des
saints une fois l'année. Mais d'autant que le pontife des Juifs était lui-même
un homme pécheur, avant que de s'approcher de ce lieu que Dieu avait rempli de
sa gloire, il fallait qu'il se purifiât, par des sacrifices. Représentez-vous
toute cette cérémonie, qui est comme une histoire du Sauveur Jésus; figurez-vous
que cet unique moment est venu, où le pontife doit entrer dans le Saint des
saints, qu'il ne reverra plus de toute l'année, de peur qu'il ne meure. Car
telle est la ligueur de la loi. Voyez-le dans le premier tabernacle, qui
sacrifie deux victimes pour ses péchés et pour les péchés du peuple qui
l'environne : considérez-le faisant sa prière, et se préparant d'entrer en ce
lieu terrible (3). Après ces sacrifices offerts, lui reste-t-il encore quelque
chose à faire, et ne peut-il pas désormais s'approcher de l'arche? Non, fidèles;
s'il en approche ainsi, il est mort; la majesté de Dieu le fera périr. Comment
donc?
1 Hebr., VI, 10. — 2 Levit., XVI, 34. — 3
Ibid., 1 et seq.
271
Remarquez ceci, je vous prie. Qu'il prenne le sang de la
victime immolée qu'il le porte avec lui devant Dieu dans le sanctuaire, qu'il y
trempe ses doigts, et Dieu le regardera d'un bon œil; ensuite il priera devant
l'arche pour ses péchés et pour ceux des Israélites, et sa prière sera agréable.
Qui ne voit ici, chrétiens, que ce n'est point par son propre mérite que l'accès
lui est donné dans le sanctuaire? C'est le sang de la victime immolée qui
l'introduit, et qui le fait agréer. Je vous prie, voyez le mystère. L'hostie est
offerte hors du sanctuaire, mais son sang est porté dans le Saint des saints;
par ce sang le pontife pénètre au dedans du voile, par ce sang il approche de
Dieu, par ce sang ses prières sont exaucées. Dites-mol fidèles, quel est ce
sang? Le sang des bêtes brutes est-il capable de réconcilier l'homme? Notre Dieu
se plait-il si fort dans le sang des animaux égorgés, qu'il ne puisse souffrir
son pontife devant sa face, s'il n'est pour ainsi dire teint de ce sang? A
travers de ces ombres, ne découvrez-vous pas le Seigneur Jésus, qui par son sang
ouvre le sanctuaire éternel? Mais il faut vous le faire toucher au doigt. Je
vous demande, quel est ce pontife dont la dignité est si relevée que lui seul
put entrer dans le sanctuaire, dont l'imperfection est si grande qu'il n'y peut
entrer qu'une fois l'année, qu'il n'y peut introduire son peuple et qu’il n'y
est lui-même introduit que par le sang d'un bouc ou d’un veau ? Quelle est la
majesté de ce sanctuaire où on entre avec tant de cérémonie? Mais quelle est
l'imperfection de ce sanctuaire, dont l'entrée si sévèrement interdite est
ouverte enfin par le sang d'une bête sacrifiée? Enfin quelle est la vertu et
tout ensemble l'imbécillité de ce sang, qui donne la liberté d'approcher de
l'arche mais qui ne la donne qu'au pontife seul, qui ne la lui donne que pour un
moment, et laisse après cela l'entrée défendue par une loi éternelle et
inviolable?
Dites-nous, ô Juifs aveugles,
qui ne voulez pas croire au Sauveur Jésus, d'où vient cet étrange assemblage
d’une dignité si auguste et d'une imperfection si visible? Tout cela ne vous
prêche-t-il pas que ce sont figures? Parce que vos cérémonie? sont des ombres,
elles ont de l'imperfection; et elles ont aussi de la dignité, à cause des
mystères de Jésus qu'elles représentent. Ce
272
sang, ce pontife, ce Saint des saints, ne vous crient-ils
pas : Peuple, ce n'est pas ici ton pontife qui t'introduira au vrai sanctuaire.
Ce n'est pas ici le vrai sang qui doit purger tes iniquités, ce n'est pas ici ce
grand sanctuaire où repose la majesté du Dieu d'Israël. Dieu t'enverra un jour
un pontife plus excellent, qui par un meilleur sang t'ouvrira un sanctuaire bien
plus auguste.
Admirez en effet, mes
très-chères Sœurs, comme tant de choses en apparence si enveloppées, et qui
semblent si contraires en elles-mêmes, cadrent et s'ajustent si proprement au
Sauveur Jésus. Le pontife offre son sacrifice hors du sanctuaire, au milieu de
l'assemblée de son peuple ; le sacrifice de la mort de Jésus se fait sur la
terre, au milieu des hommes. Le pontife entre au dedans du voile, c'est-à-dire
dans le Saint des saints : Jésus après son sanglant sacrifice pénètre au vrai
Saint des saints, c'est-à-dire au ciel. Le pontife n'offre qu'une fois l'année
ce sacrifice qui découvre le sanctuaire : Jésus-Christ n'a offert qu'une fois ce
sacrifice d'une vertu infinie, par lequel les cieux sont ouverts. Car, fidèles,
qui ne sait que l'année, dans sa perfection accomplie, représente en abrégé
l'étendue des siècles, puisqu'il est si évident que les siècles ne sont que des
années révolues? Le pontife ayant immolé sa victime sur l'autel du premier
tabernacle, porte son sang devant la face de Dieu dans son sanctuaire, afin de
l'apaiser sur son peuple ; Jésus ayant immolé sur la terre, n'accomplit-il pas
ce mystère montant aujourd'hui dans les cieux? Voyez comme il s'approche du
trône du Père, lui montrant ces blessures toutes récentes, toutes teintes et
toutes vermeilles de ce divin sang, de ce sang delà nouvelle alliance, versé
pour la rémission de nos crimes : n'est-ce pas là, mes Frères, porter vraiment
devant la face de Dieu le sang de la victime innocente qui a été immolée pour
notre salut? Ouvrez-vous donc, voile mystérieux, ouvrez-vous, sanctuaire éternel
de la Trinité adorable; laissez entrer Jésus-Christ mon Pontife au plus intime
secret du Père. Car si le sang des veaux et des boucs rendait accessible le
Saint des saints, bien qu'une loi si rigoureuse en fermât la porte, le sang de
l'Homme-Dieu, Jésus-Christ, n'ouvrira-t-il pas le vrai sanctuaire? Et si le
pontife du Vieux Testament avait de si beaux privilèges, bien qu'il
273
ne s'approchât de ce très-saint lieu que « par un sang
étranger, » comme dit l'Apôtre (1), c'est-à-dire par le sang des victimes,
quelle doit être la gloire de notre Pontife, « qui se présente à Dieu en son
propre sang? » In proprio sanguine, dit le même Apôtre (2). Et si le
pontife selon l'ordre d'Aaron, qui était un homme pécheur, pénètre dans la
partie la plus sainte , qu'y aura-t-il de si sacré dans les cieux où Jésus ne
doive être introduit: Jésus, dis-je, ce Pontife si pur et si innocent, qui étant
seul agréable au Père, a été seul établi sacrificateur selon Tordre de
Melchisédech (3) ?
Admirons donc maintenant, mes
très-chères Sœurs, l'excellence de la religion chrétienne par l’éminente dignité
de son sacerdoce. Le pontife du Vieux Testament, avant que d'entrer dans le
Saint des saints, offrait des sacrifices pour ses péchés et pour les péchés de
son peuple ; après étant au dedans du voile, il continuait la même prière pour
ses péchés et pour ceux des Israélites. Jésus-Christ Notre-Seigneur, notre vrai
Pontife, étant la justice et la sainteté même, n'a que faire de victime pour ses
péchés ; mais au contraire étant innocent et sans tache, il est lui-même une
très-digne hostie pour l'expiation des péchés du monde. Si donc il entre
aujourd'hui dans le Saint des saints, c'est-à-dire à la droite du Père, il n'y
entre pas pour lui-même, ce n'est pas pour lui-même qu'il y va prier. C'est
pourquoi l'Apôtre dit dans mon texte : « Jésus notre Avant-coureur est entré
pour nous; » il veut dire, le pontife de la loi ancienne avait besoin d'offrir
pour lui-même, et d'entrer pour lui-même dans le sanctuaire; mais Jésus notre
vrai Pontife est entré pour nous. Et quoi donc ! Jésus-Christ Notre-Seigneur
n'est-il pas monté dans le ciel pour y recevoir la couronne ? Comment donc n'y
est-il pas entré pour lui-même? Et toutefois l'Apôtre nous dit : « Jésus notre
Avant-coureur est entré pour nous. » Entendons son raisonnement, chrétiens.
Jésus n'avait que faire de sang pour entrer au ciel. Il était lui-même du ciel,
et le ciel lui était dû de droit naturel. Et toutefois il y est entré par son
sang ; il n'est monté au ciel qu'après qu'il est mort sur la croix. Ce n'est
donc pas pour lui-même qu'il y est entré de la sorte. C'était nous, c'était nous
qui avions besoin de sang pour entrer au ciel, parce
1 Hebr., IX, 88. — 2 Ibid., 12. — 3
Ibid., VII, 17, 26.
274
qu'étant pécheurs, nous étions coupables de mort ; notre
sang était dû à la rigueur de la vengeance (a) divine , si Jésus n'eût
fait cet aimable échange de son sang pour le nôtre, de sa vie pour la vie des
hommes. De là tant de sang répandu dans les sacrifices des Israélites, pour nous
signifier ce que dit l'Apôtre : « Que sans l'effusion du sang il n'y a point de
rémission (1). » Et ainsi, quand il entre au ciel par son sang, ce n'est pas
pour lui, c'est pour nous qu'il y entre; c'est pour nous qu'il approche du Père
éternel. D'où nous voyons une autre différence notable entre le sacrificateur du
vieux peuple, et Jésus le Pontife du peuple nouveau. A la vérité le pontife
pouvait entrer dans le sanctuaire ; mais outre qu'il en sortoit aussitôt, il ne
pouvait en ouvrir l'entrée à aucun du peuple : c'est à cause qu'étant pécheur,
lui-même il n'était souffert que par grâce dans le Saint des saints ; et n'y
étant souffert que par grâce, il ne pouvait acquérir aucun droit au peuple. Mais
Jésus, qui a droit naturel d'entrer dans le ciel, y veut encore entrer par son
sang. Le droit naturel et le droit acquis. Le premier droit, il le réserve pour
lui ; il entre et il demeure éternellement. Le second droit il nous le
transfère, avec lui et par lui nous pouvons entrer; par son sang l'accès nous
est libre au dedans du voile. De là vient que l'Apôtre l'appelle notre
Avant-coureur : « Jésus, dit-il, notre Avant-coureur, est entré pour nous. »
Les évangélistes remarquent
qu'au moment que Jésus-Christ expira, « ce voile, dont je vous ai parlé tant de
fois, qui était entre le lieu saint et le lieu très-saint, fut déchiré
entièrement et de haut en bas (2). » O merveilleuse suite de nos mystères !
Jésus-Christ étant mort, il n'y a plus de voile. Le pontife le tirait pour
entrer ; le sang de Jésus-Christ le déchire. Il n'y en a plus désormais. Le
Saint des saints sera découvert. De haut en bas le voile est rompu. Et n'est-ce
pas ce que dit l'Apôtre dans sa deuxième Epître aux Corinthiens, chapitre III :
« Il y avait un voile, dit-il, devant les yeux du peuple charnel : pour nous qui
sommes le peuple spirituel , nous contemplons à face découverte la gloire de
Dieu (3) ? »
1 Hebr., IX, 22. — 2 Matth.,
XXVII, 51; Marc, XV, 38; Luc, XXIII, 45. — 3 II Cor., III,
15, 18.
(a) Var. : Justice.
275
Vous me direz peut-être que nous avons aussi le voile de la
foi qui nous couvre; mais il m'est aisé de répondre : il est vrai que nos yeux
ne pénètrent pas encore au dedans du voile; mais notre espérance y pénètre. Il
n'y a aucune obscurité qui l'arrête ; elle va jusqu'au plus intime secret de
Dieu. Et pourquoi? C'est parce qu'elle va après Jésus-Christ, parce qu'elle le
suit, qu'elle s'y attache. L'Apôtre nous l'explique dans notre texte : « Tenons
ferme, dit-il (1), mes chers Frères, dans l'espérance que nous avons, qui
pénètre jusqu'au dedans du voile où Jésus notre Précurseur est entré pour nous.
» Ah ! nous n'avons point un pontife qui ne puisse pas nous introduire dans le
sanctuaire. Comme Jésus y est entré, nous y entrerons.
Et toutefois pour accomplir de
point en point l'ancienne figure, nous y entrerons tous, et il n'y aura que le
Pontife qui y entrera. Dieu éternel ! qui entendra ce mystère ? Oui, fidèles, je
le dis encore une fois, il n'y a que Jésus-Christ seul qui entre en la gloire.
Ecoutez le Sauveur lui-même, saint Jean, chapitre III : « Nul ne monte au
ciel, nous dit-il (2), excepté celui qui est descendu du ciel, le Fils de
l'homme qui est au Ciel. » Nul ne monte au ciel que celui qui est descendu du
ciel : fidèles, sommes-nous descendus du ciel? Et comment donc y monterons-nous?
Eh! sommes-nous encore excommuniés, comme si nous vivions sous la loi ? Non
certes, le grand Pontife nous a absous ; il a voulu lui-même être rejeté, afin
que par lui nous fussions reçus. Nous monterons au ciel en Jésus-Christ et par
Jésus-Christ; il est notre Chef, nous sommes ses membres; « nous sommes sa
plénitude, » comme dit saint Paul (3). Quand nous entrons au ciel, c'est
Jésus-Christ qui entre, parce que ce sont ses membres qui entrent. « Celui qui
vaincra, dit Jésus-Christ lui-même au livre de l'Apocalypse (4), je le
ferai asseoir dans mon trône. » Voyez que nous serons dans son trône ; nous
n'occuperons avec lui qu'une même place; nous serons au ciel comme confondus
avec Jésus-Christ ; et par un merveilleux effet de la grâce, notre disette est
la cause de notre abondance , parce qu'il nous est sans comparaison plus
avantageux d'être considérés en Jésus-Christ seul que si nous l'étions en
1 Hebr., VI, 19, 20. — 2 Joan.,
III, 13. — 3 Ephes., I, 23. — 4 Apoc., III, 21.
276
nous-mêmes. Par conséquent, mes Sœurs, aujourd'hui que
Jésus-Christ approche du Père, croyons que nous approchons en lui et par lui.
C'est pour nous qu'il ouvre le sanctuaire, c'est pour nous qu'il pénètre au
dedans du voile, c'est pour nous qu'il paraît devant Dieu. Les pontifes de la
loi ancienne étaient des hommes mortels : la charge auguste du sacerdoce ne se
conservait dans la famille d'Aaron que par la succession du vivant au mort. «
Jésus vivant éternellement, dit l'Apôtre (1), a un sacerdoce éternel : » c'est
pourquoi, dit le même saint Paul, « il peut toujours sauver ceux qui
s'approchent de Dieu par lui. Son sacerdoce n'est éternel , qu'afin que son
intercession soit éternelle. Il est toujours vivant pour intercéder : »
Semper vivens ad interpellandum pro nobis (2). C'est notre seconde partie.
SECOND POINT.
J'apprends de l'apôtre saint
Paul aux Hébreux, chapitre V (3), que « tout pontife doit être trié d'entre, les
hommes, et qu'il est établi pour les hommes, en ce qui doit être traité avec
Dieu. » D'où il résulte que le pontife est l'ambassadeur du peuple vers Dieu.
Puis donc que Notre-Seigneur Jésus est notre Pontife, il s'ensuit qu'il est
notre ambassadeur. Admirons ici le bonheur des hommes, en ce que notre Prince
même daigne bien être notre ambassadeur. Or il est sans doute qu'étant notre
ambassadeur auprès de son Père, il fallait qu'il résidât près de sa personne, et
ensuite qu'il y négociât nos affaires, qu'il lui portât toutes les paroles de
notre part, qu'il nous conciliât la bienveillance de ce grand Dieu, et qu'il
maintînt la bienheureuse alliance qu'il lui a plu de faire avec nous. Telle est
la fonction d'un ambassadeur. C'est pour cela que notre Pontife ne cesse de
solliciter son Père pour nous ; il est toujours vivant pour intercéder. Et de là
vient que l'Ecriture lui donne cette excellente qualité de médiateur, de
laquelle il est nécessaire que je tâche de vous faire comprendre la force.
Et premièrement il est manifeste
que Jésus-Christ prie, et que nous prions; que Jésus-Christ s'entremet pour
nous, et que nous
1 Hebr., VII, 24. — 2 Ibid.,
23. — 3 Hebr., V, 1.
277
nous entremettons les uns pour les autres à cause de la
charité fraternelle. Et d'autant que les Saints sont nos frères, cette charité
sincère et indivisible qui les lie de communion avec nous, les oblige de prier
et d'intercéder pour cette partie des fidèles qui combat en terre. Cette vérité
n'est point contestée. Nos adversaires mêmes ne désavouent point que les
bienheureux ne prient Dieu pour nous. Cette doctrine donc étant si constante,
qu'a de particulier le Seigneur Jésus pour lui donner singulièrement et par
excellence cette belle qualité de Médiateur? Le mettrons-nous avec le reste du
peuple dans le nombre des suppliants? Chrétiens, entendons ce mystère. C'est
autre chose de s'entremettre par charité, autre chose d'être le médiateur établi
pour faire valoir les prières et donner du poids à l'entremise des autres.
Apportons un exemple familier. C'est autre chose de s'entremettre près d'un
monarque, et d'y rendre aux personnes que nous chérissons les offices d'un bon
ami ; autre chose d'être établi par le prince même pour lui rapporter toutes les
requêtes, pour distribuer toutes les grâces, pour présenter tous ceux qui
viennent demander (a) audience. Jésus est le Médiateur général; nul n'est
agréé s'il n'est présenté de sa main; si la prière n'est faite en son nom, elle
ne sera pas seulement ouïe (b) ; nul bienfait n'est accordé que par lui.
Et que pourrai-je vous dire de ce saint Pontife, par qui toutes les prières sont
exaucées, par qui toutes les grâces sont entérinées , par qui toutes les
offrandes sont bien reçues, par qui tous ceux qui veulent s'approcher de Dieu
sont très-assurés d'être admis? Quelle dignité, chrétiens! De toutes les parties
de la terre les vœux viennent à Dieu par Jésus; tous ceux qui invoquent Dieu
comme il faut, l'invoquent au nom de ce grand Pontife, que Tertullien appelle
fort bien Catholicum Patris Sacerdotem (1) « le Pontife universel établi
de Dieu pour offrir les vœux de toutes les créatures. » Non, ni les patriarches,
ni les prophètes, ni les apôtres, ni les martyrs, ni les séraphins mêmes, tous
brillants d'intelligence, tous brûlants d'amour, ni la reine de tous les esprits
1 Advers. Marcion., lib. IV, n. 9.
(a) Var. : Tous ceux qui demandent. — (b)
Nulle prière ne peut être reçue, si elle n'est faite en son nom.
278
bienheureux, l'incomparable Marie, ne peuvent aborder du
trône de Dieu, si Jésus ne les introduit. Ils prient, nous n'en doutons pas, et
ils prient pour nous ; mais ils prient comme nous au nom de Jésus, et ils ne
sont exaucés qu'en ce nom.
C'est pourquoi je ne craindrai
pas d'assurer, qu'encore que l'Eglise de Dieu sur la terre et les Esprits
bienheureux dans le ciel ne cessent jamais de prier, il n'y a que Jésus-Christ
seul qui soit exaucé, parce que tous les autres ne le sont qu'à cause de lui.
C'est, mes Sœurs, pour cette raison que dans les prières ecclésiastiques nous
prions Dieu au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ, d'avoir pour agréables les
oraisons que les Saints lui présentent pour nous. Si elles étaient valables par
elles-mêmes, quelle serait notre hardiesse de demander qu'elles fussent reçues?
Est-ce peut-être que nous espérons que notre entremise les fera valoir? D'où
vient donc cette façon de prier ? Nous demandons les intercessions de nos frères
qui règnent avec Jésus-Christ, et en même temps nous prions notre Dieu qu'il
daigne écouter leurs prières. Prétendons-nous que nos oraisons donnent prix à
celles des Saints? Qui le croirait ainsi, entendrait mal l'intention de
l'Eglise. Elle prétend par là nous faire connaître que lorsque nous implorons
l'assistance des Saints qui nous attendent dans le paradis, c'est pour joindre
nos prières aux leurs, c'est pour faire avec eux une même oraison et un même
chœur de musique, un même concert, comme nous ne faisons qu'une même Eglise. Et
encore que nous sachions que cette union soit très-agréable à notre grand Dieu,
toutefois nous confessons, priant de la sorte, qu'elle ne lui plaît qu'à cause
de son cher Fils ; que c'est le nom de Jésus qui prie et qui donne accès, qui
fléchit et qui persuade le Père.
Cela nous est excellemment
figuré aux IVe et Ve chapitres de l'Apocalypse (1). Là nous est
représenté le trône de Dieu, où est assis celui qui vit aux siècles des siècles,
et autour les vingt-quatre vieillards, qui pour plusieurs raisons qu'il serait
trop long de déduire ici, signifient tous les Esprits bienheureux. « Chacun de
ces vieillards porte en sa main une fiole d'or pleine de parfums, qui sont les
oraisons des Saints, » dit saint Jean; c'est-à-dire des
1 Apoc., IV, 2 et seq.; V, 8.
279
fidèles, selon la phrase de l'Ecriture. Vous voyez donc,
mes Sœurs, que ce vénérable Sénat, qui environne le trône du Dieu vivant, a soin
de lui présenter nos prières. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est saint Jean.
Mais n'est-ce point entreprendre, me dira-t-on, sur la dignité de notre Sauveur?
A Dieu ne plaise qu'il soit ainsi! Les vieillards environnent le trône; mais
devant le trône, au milieu des vieillards, l'Apôtre nous y représente « un
agneau comme tué (a), devant lequel les vieillards se prosternent (1). »
Qui ne voit que cet agneau c'est notre Sauveur? Il paraît comme tué, à cause des
cicatrices de ses blessures, et parce que sa mort est toujours présente devant
la face de Dieu. Il est au milieu de tous ceux qui prient, comme celui par
lequel ils prient, et qu'ils regardent tous en priant. Il est devant le trône,
afin que nul n'approche que par lui seul. Il paraît entre Dieu et ses fidèles
adorateurs, comme le Médiateur de Dieu et des hommes, comme celui qui doit
recevoir les prières, qui les doit porter à Dieu dans son trône. Ainsi les
Saints présentent nos oraisons, ils y joignent les leurs, comme frères, comme
membres du même corps ; mais le tout est offert au nom de Jésus.
Que reprendront nos adversaires
dans cette doctrine? N'est-elle pas également pieuse et indubitable ? Je sais
qu'ils nous diront que nous appelons les Saints nos médiateurs; et encore que je
pusse répondre que le saint concile de Trente ne se sert point de cette façon de
parler, non plus que l'Eglise dans ses prières publiques, je leur veux accorder
que nous les nommons ainsi quelquefois. Mais que je leur demanderais volontiers,
si la miséricorde divine en avait amené ici quelques-uns, que je leur
demanderais volontiers, si c'est le nom ou la chose qui leur déplaît ! Pour ce
qui est de la doctrine, il est clair qu'étant telle que je l'ai proposée, elle
est au-dessus de toute censure. L'honneur demeure entier à notre Sauveur : il
est le seul qui ait accès par lui-même; tous les autres, si saints qu'ils
soient, ne peuvent rien espérer que par lui. Et par là le titre de médiateur lui
convient avec une prérogative si éminente, que qui voudrait l'attribuer
1 Apoc., V, 6.
(a) Var. : Comme mort.
280
en ce sens à d'autres qu'à lui, il ne le pourrait pas sans
blasphème. C'est aussi ce qui a fait dire à l'Apôtre : « Un Dieu , un médiateur
de Dieu et des hommes (1). » Que si nos adversaires se fâchent de ce que nous
attribuons quelquefois aux serviteurs de Notre-Seigneur Jésus-Christ un titre
qui par notre propre confession convient par excellence à notre Sauveur, combien
criminel serait leur chagrin, si ayant approuvé la doctrine qui ne peut être en
effet combattue, des mots les séparaient de leurs frères, et faisaient de
l'Eglise de notre Sauveur le théâtre de tant de guerres? Qu'ils nous disent si
ce nom de médiateur est plus incommunicable que le nom de roi, que le nom de
sacrificateur, que le nom de Dieu. Et ne savent-ils pas que l'Ecriture nous
prêche « que nous sommes rois et pontifes (2)? » Veulent-ils rompre avec toute
l'antiquité chrétienne, parce qu'elle a donné le nom de pontifes et de
sacrificateurs aux évêques et aux ministres des choses sacrées? Veulent-ils
point se prendre à Dieu même, qui appelle les hommes des dieux (3)? Ne vous
emportez donc pas contre nous avec le faste de votre nouvelle réforme, comme si
nous avions oublié la médiation de Jésus, qui fait toute notre espérance. Nous
disons, et il est très-certain et vous-mêmes ne le pouvez nier, que les Saints
s'entremettent pour nous par la charité fraternelle ; mais comme ils ne
s'entremettent que par le nom de Notre-Seigneur, il est ridicule de dire qu'il
en soit jaloux. C'est en ce sens que nous les appelons quelquefois de ce titre
de médiateurs, à peu près de la même manière que les juges sont appelés dieux
(4). Criez, déclamez tant qu'il vous plaira, abusez le peuple par de faux
prétextes; notre doctrine demeurera ferme, et notre Eglise fondée sur la pierre
ne sera jamais dissipée.
Pardonnez cette digression, mes
très-chères Sœurs. Certes , étant tombé sur cette matière, je n'ai pu m'empêcher
de répondre à une calomnie si intolérable, par laquelle on veut faire croire que
nous renonçons à l'unique consolation du fidèle. Oui, notre unique consolation,
c'est de savoir que le Fils de Dieu prend nos intérêts auprès de son Père. Nous
ne craignons point d'être condamnés, ayant un si puissant défenseur et un si
divin avocat.
1 I Timoth., II, 5. — 2 I Petr.,
II, 9. — 3 Psal. LXXXI, 6. — 4 Psal., XLVI 10.
281
Nous lisons avec une joie incroyable ces pieuses paroles de
l'apôtre saint Jean : « Nous avons un avocat auprès du Père, Jésus-Christ le
Juste (1). » Nous entendons par la grâce de Dieu la force et l'énergie de ce
mot. Nous savons que si l'ambassadeur négocie, si le sacrificateur intercède,
l'avocat presse, sollicite et convainc. Par où le disciple bien-aimé veut nous
faire entendre que Jésus ne prie pas seulement qu'on nous fasse miséricorde,
mais qu'il prouve qu'il nous faut faire miséricorde. Et quelle raison
em-ploie-t-il, ce grand, ce charitable avocat? Ils vous devaient, mon Père, mais
j'ai satisfait; j'ai rendu toute la dette mienne, et je vous ai payé beaucoup
plus que vous ne pouviez exiger. Ils méritaient la mort; mais je l'ai soufferte
en leur place. Il montre ses plaies ; et le Père se ressouvenant de l'obéissance
de ce cher Fils, s'attendrit sur lui, et pour l'amour de lui regarde le genre
humain en pitié. C'est ainsi que plaide notre avocat. Car ne vous imaginez pas,
chrétiens, qu'il soit nécessaire qu'il parle pour se faire entendre : c'est
assez qu'il se présente devant son Père avec ces glorieux caractères. Sitôt
qu'il paraît seulement devant lui, sa colère est aussitôt désarmée. C'est
pourquoi l'apôtre saint Paul parle ainsi aux Hébreux, chapitre IX : «
Jésus-Christ est entré dans le Saint des saints, afin, dit-il, de paraître pour
nous devant la face de Dieu (2). » Il veut dire : Ne craignez point, mortels
misérables; Jésus-Christ étant dans le ciel, tout y sera décidé en votre faveur;
la seule présence de ce bien-aimé vous rend Dieu propice.
C'est ce que signifie cet agneau
de l’ Apocalypse, dont je vous parlais tout à l'heure, qui est devant le trône
comme tué. De ce trône, il est écrit en ce même lieu qu'il en sort des foudres
et des éclairs, et un effroyable tonnerre. Dieu éternel ! oserons-nous bien
approcher? «Approchons, allons au trône de grâce avec confiance (3),» comme dit
l'Apôtre. Ce trône dont la majesté nous effraie, voyez que l'Apôtre l'appelle un
trône de grâce : approchons et ne craignons pas. Puisque l'Agneau est devant le
trône, vivons en repos; les foudres ne viendront pas jusqu'à nous. Sa présence
arrête le cours de la vengeance divine, et change une fureur implacable en une
éternelle miséricorde.
1 I Joan., II, 1. — 2 Hebr.,
IX, 24. — 3 Ibid., IV, 16.
282
Combien donc était-il nécessaire
que Jésus retournât à son Père! O confiance! ô consolation des fidèles! qui me
donnera une foi assez vive pour dire généreusement avec l'Apôtre aux Romains,
chapitre VIII : « Qui accusera les élus de Dieu (1)? » Jésus-Christ est leur
avocat et leur défenseur : « Un Dieu les justifie, qui les osera condamner?
Jésus-Christ, qui est mort, voire même qui est ressuscité, et de plus qui
intercède pour nous, suffit-il pas pour nous mettre à couvert? Qui donc nous
pourra séparer de la charité de notre Sauveur (1)? » Que reste-t-il après cela,
chrétiens, sinon que nous nous rendions dignes de si grands mystères, desquels
nous sommes participants? Puisque nous avons au ciel un si grand trésor,
élevons-y nos cœurs et nos espérances. C'est ma dernière partie, que je tranche
en un mot, parce que ce n'est que la suite des deux précédentes.
TROISIÈME POINT.
C'est de ce lieu, mes Sœurs, que
les bénédictions descendent sur nous. Que je suis ravi d'aise, quand je
considère Jésus-Christ notre grand Sacrificateur, officiant devant cet autel
éternel, où notre Dieu se fait adorer! Tantôt il se tourne à son Père, pour lui
parler de nos misères et de nos besoins; tantôt il se retourne sur nous, et il
nous comble de grâces par son seul regard. Notre Pontife n'est pas seulement
près de Dieu pour lui porter nos vœux et nos oraisons ; il y est pour épancher
sur nous les trésors célestes. Il a toujours les mains pleines des offrandes que
la terre envoie dans le ciel, et des dons que le ciel verse sur la terre. C'est
pourquoi l'évangéliste saint Luc nous apprend qu'il est monté en nous bénissant
: « Elevant ses mains, dit-il (3), il les bénissait; et pendant qu'il les
bénissait, il était porté dans les cieux. b Ne croyons donc pas, chrétiens, que
l'absence de Notre-Seigneur Jésus nous enlève ses bénédictions et ses grâces. Il
se retire en nous bénissant ; c'est-à-dire que si nous le perdons de corps, il
demeure avec nous en esprit, il ne laisse pas de veiller sur nous et de nous
enrichir par son abondance. De là vient qu'il disait à ses saints apôtres : « Si
je ne m'en retourne à mon Père, l'Esprit Paraclet ne
1 Rom.,
VIII,33. — 2 Ibid., 34, 35. — 3 Luc, XXIV, 50.
283
descendra pas l. » Je réserve à vous départir ce grand don,
quand je serai au lieu de ma gloire. Et l'évangéliste l'enseigne ainsi, quand il
dit : « L'Esprit n'était pas encore donné, parce que Jésus n'était point encore
glorifié (2). »
Donc, mes Sœurs, entendons quel
est le lieu d'où nous viennent les grâces. Si la source de tous nos biens se
trouve en la terre, à la bonne heure, attachons-nous à la terre : que si au
contraire ce monde visible ne nous produit continuellement que des maux ; si
l'origine de notre bien, si le fondement de notre espérance, si la cause unique
de notre salut est au ciel, soyons éternellement enflammés de désirs célestes;
ne respirons désormais que le ciel, « où Jésus notre Avant-coureur est entré
pour nous (3). » Certes il pouvait aller à son Père, sans rendre ses apôtres
témoins de son ascension triomphante; mais il lui plaît de les appeler, afin de
leur apprendre à le suivre. Non, mes Sœurs, les saints disciples de notre
Sauveur ne sont pas aujourd'hui assemblés pour être seulement spectateurs. Jésus
monte devant leurs yeux pour les inviter à le suivre. « Comme l'aigle, dit
Moïse, qui provoque ses petits à voler et vole sur eux : » ainsi Notre-Seigneur
Jésus-Christ, cette aigle mystérieuse dont le vol est si ferme et si haut, il
assemble ses disciples comme ses aiglons; et fendant les airs devant eux, il les
incite par son exemple à percer les nues : Sicut aquila provocants ad
volandum pullos suos, et super eos volitans (4).
Courage donc, mes Sœurs ;
suivons cette aigle divine qui nous précède. Jésus-Christ ne vole pas seulement
devant nous ; il nous prend, il nous élève et il nous soutient. « Il étend ses
ailes sur nous, chante le Psalmiste, et nous porte sur ses épaules : »
Expandit alas suas, et portavit eos in humeris suis (5). Et partant que la
terre ne nous tienne plus, rompons les chaînes qui nous attachent et jouissons
par un vol généreux de la bienheureuse liberté à laquelle nos âmes soupirent.
Pourquoi nous arrêtons-nous sur la terre ? Notre chef est au ciel ; lui
voulons-nous arracher ses membres ? Notre autel est au ciel, notre Pontife est à
la droite de Dieu; c'est là donc que nos sacrifices doivent être offerts,
1 Joan., XVI, 7. — 2 Ibid., VII, 39. — 3 Hebr.,
VI, 20. — 4 Deut., XXXII, 11 — 5 Ibid.
284
c'est là qu'il nous faut chercher le vrai exercice de la
religion chrétienne. Les philosophes du monde ont bien reconnu que notre repos
ne pouvait pas être ici-bas. Maintenant que nous avons été élevés parmi des
mystères si hauts, quelle est notre brutalité, si nous servons dorénavant aux
désirs terrestres, « après que nous sommes incorporés à ce saint Pontife qui a
pénétré pour nous au dedans du voile, jusqu'à la partie la plus secrète du Saint
des saints (1) ? » J'avoue que Jésus excuse nos fautes, parce qu'il est notre
Pontife et notre Avocat. Mais combien serait détestable notre ingratitude, si la
bonté inestimable de notre Sauveur lâhait la bride à nos convoitises ? Loin de
nous une si honteuse pensée! Mais plutôt renonçant aux désirs charnels,
rendons-nous dignes de l'honneur que Jésus nous fait de traiter nos affaires
auprès de son Père ; et vivons comme il est convenable à ceux pour lesquels le
Fils de Dieu intercède (a). Considérons que par le sang de notre Pontife,
nous sommes nous-mêmes, comme dit saint Pierre, « les sacrificateurs du
Très-Haut, offrant des victimes spirituelles, agréables par Jésus-Christ (2). »
Et puisqu'il a plu à notre Sauveur de nous faire participants de son sacerdoce,
soyons saints comme notre Pontife est saint. Car si dans le Vieux Testament
celui qui violait la dignité du pontife par quelque espèce d'irrévérence, était
si rigoureusement châtié, quel sera le supplice de ceux qui mépriseront
l'autorité de ce grand Pontife, auquel Dieu a dit : « Vous êtes mon Fils, je
vous ai aujourd'hui engendré (3) ? »
Par conséquent, mes Sœurs,
obéissons fidèlement à notre Pontife; et après tant de grâces reçues, comprenons
ce que dit saint Paul, « qu'il sera horrible de tomber aux mains du Dieu vivant
(4), » lorsque sa bonté méprisée se sera tournée en fureur. Songeons que
Jésus-Christ est notre Médiateur et notre Avocat; mais n'oublions pas qu'il est
notre juge. C'est de quoi les anges nous avertissent quand ils parlent ainsi aux
apôtres : « Hommes galiléens, que regardez-vous? Ce Jésus que vous avez vu
1 Hebr., VI, 19, 20; IX, 12. — 2
I Petr., II, 5. — 3 Psal. II, 7. — 4 Hebr., X, 31.
(a) Var. : Prie.
285
monter dans le ciel, reviendra un jour de la même sorte
(4). » Joignons ensemble ces deux pensées : celui qui est monté pour intercéder,
doit descendre à la fin pour juger ; et son jugement sera d'autant plus sévère,
que sa miséricorde a été plus grande. Ne dédaignons donc pas la bonté de Dieu,
qui nous attend à repentance depuis longtemps : dépouillons les convoitises
charnelles, et nourrissons nos âmes de pensées célestes. Eh Dieu ! qu'y a-t-il
pour nous sur la terre, puisque notre Pontife nous ouvre le ciel? Notre avocat,
notre médiateur, notre chef, notre intercesseur est au ciel; notre joie, notre
amour et notre espérance, notre héritage, notre pays, notre domicile est au ciel
; notre couronne et le lieu de notre repos est au ciel, où Jésus-Christ notre
Avant-coureur, entré pour nous dans le Saint des saints avec le Père et son
Saint-Esprit, vit et règne aux siècles des siècles. Amen.
1 Act., Act., I, 11.
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