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Vie cachée
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LES MÉDITATIONS ET DIVERS OPUSCULES.

 

 

REMARQUES HISTORIQUES.

 

Comme on a parlé des Méditations dans le précédent volume, il suffira de signaler en quelques traits les écrits qui suivent cet ouvrage, le Discours sur la vie cachée en Dieu, le Traité de la concupiscence et d'autres opuscules.

 

I.

 

Le Discours sur la vie cachée en Dieu fut composé pour Louise de Luynes. Louise de Luynes, ainsi que sa sœur Marie-Henriette-Thérèse d'Albert, avait pour ainsi dire sucé avec le lait et puisé dans l'éducation paternelle la plus grande estime pour les hôtes de Port-Royal. Pareillement le duc de Chevreuse, son frère, échangea pendant longtemps, avec les austères solitaires et leurs amis, les rapports les plus intimes de l'amitié; pendant qu'il leur prodiguait l'affection de son cœur, Arnault fit pour lui sa Géométrie, Lancelot sa Grammaire générale, et Racine lui dédia sa tragédie de Britannicus. Plus tard, abjurant des principes qui désespèrent les plus nobles efforts pour embrasser une doctrine qui console la bassesse et la lâcheté, le duc de Chevreuse se donna avec l'abandon de son âme à Fénelon ; et de ce jour il le servit en toute rencontre de son influence et de sa personne, à ce point qu'il alla s'établir dans une imprimerie pour corriger les épreuves des Maximes des saints.

Ses deux sœurs, Louise de Luynes et Thérèse d'Albert, renoncèrent, en 1664, à l'éclat du monde pour s'ensevelir dans l'obscurité du cloître. Une sorte de prévention, qu'avait fait naître l'éducation de leurs premières années, les suivit à Jouarre et les tint longtemps éloignées de la position que semblait réclamer leur haute naissance, et que réclamait effectivement leur rare mérite ; Louis XIV, suivant les avis que Bossuet lui avait donnés du haut de la chaire sacrée, ne confiait les

 

II

 

places élevées dans la religion qu'à la rigide pureté de la foi; de longues épreuves et de puissantes sollicitations le décidèrent seules a nommer, en 1696, Louise de Luynes au prieuré de Torcy, dans le diocèse de Paris. Thérèse suivit son ainée dans cette maison religieuse, où la mort vint bientôt l'enlever à la terre pour la donner à son céleste Epoux.

Malgré leurs relations de famille, ou plutôt à cause de ces relations, les sœurs du duc de Chevreuse trouvèrent un père dans leur premier pasteur; Bossuet les entoura toujours d'une touchante sollicitude et d'une sainte affection; c'est lui qui prononça le sermon de vêture à la profession de leurs vœux, c'est lui aussi qui transmit aux âges futurs le souvenir de Thérèse en traçant son épitaphe (1).

Louise avait longtemps médité ces paroles de saint Paul : « Vous êtes morts, et votre vie est cachée en Dieu avec Jésus-Christ (2) : » elle implora les lumières de son charitable directeur. Bossuet lui envoya, pour employer le titre reçu, le Discours sur la vie cachée en Dieu. Cet écrit peut se résumer en trois propositions : le chrétien meurt au péché par les travaux de la pénitence, le crucifiement de la chair, en mortifiant le vieil homme; il vit en conservant à la vie l'homme nouveau, par la vertu de la grâce et les œuvres de la charité; Jésus-Christ a livré son corps à la mort au milieu des supplices, et il vit avec ses membres caché en Dieu, môme après sa glorification.

Bien qu'il ait été composé pour une religieuse sous l'inspiration de la plus haute spiritualité, le Discours sur la vie cachée en Dieu portera partout les fruits les plus abondants; partout, dans le siècle comme dans le cloitre, il produira la foi, la religion, le salut. Aussi l'auteur,

 

1 Cette épitaphe, la voici :

 

Ci-gît Marie-Henriette-Thérèse d'Albert de Luynes.

Elle préféra aux honneurs

D'une naissance si illustre et si distinguée

Le titre d'épouse de Jésus-Christ

En mortification et piété.

Humble, intérieure, spirituelle

En toute simplicité et vérité,

Elle joignit la paix de l'innocence

Aux saintes frayeurs d'une conscience timorée.

Fidèle à celui qui, presque dès sa naissance,

Lui avait mis dans le cœur le mépris du monde,

Elle fut longtemps l'exemple

Du saint et célèbre monastère de Jouarre,

D'où étant venue en cette maison

Pour accompagner une sœur chérie,

Elle y mourut de la mort des justes

Le 4 février 1691 :

Subitement en apparence,

En effet avec les mêmes préparations

Que si elle avait été avertie de sa fin...

 

2 Coloss., III, 3.

 

III

 

près de quitter la plume, adresse-t-il à tous les fidèles « ce petit et humble écrit; » il l'adresse à tout lecteur de bonne volonté, « grand ou petit, pauvre ou riche, prêtre ou laïque, religieux et religieuse ou vivant dans la vie commune. »

Quand cet ouvrage a-t-il été composé? La première feuille du manuscrit porte, écrits par l'abbé Ledieu, les mots que voici : « Discours sur l'Epitre du Samedi saint : Vous êtes morts, et votre vie est cachée en Dieu avec Jésus-Christ, composé par l'évêque de Meaux au temps de Pâques 1092. » Ces deux lignes ne laissent aucun doute sur la date de notre chef-d'œuvre; elles la fixent clairement au temps de Pâques 1692.

C'est l'évêque de Troyes qui publia le premier, en 1731, le Discours sur la vie cachée en Dieu. Dans l'instruction qui l'annonçait aux fidèles de son diocèse, il en place l'origine à l'époque des Méditations; erreur contraire aux indications les plus positives, et qui se retrouve dans plusieurs éditions. D'un autre côté, des faits certains l'indiquent et la remarque de l'abbé Ledieu pourrait seule nous en convaincre, Bossuet voulait intituler son petit et humble écrit : « Discours sur ces paroles de saint Paul : Vous êtes morts, et votre vie est cachée en Dieu avec Jésus-Christ. » Ces mots indiquent clairement, simplement, tout le sujet du livre, la mort du chrétien, sa vie cachée en Dieu et l'exemple de Jésus-Christ. L'évêque de Troyes, ou plutôt son conseil, a remplacé ce titre par une formule sonore à la vérité, mais qui énonce a peine, et fort mal, une seule partie du sujet; il a dit, comme on ne le sait que trop : Discours sur la vie cachée en Dieu. Aujourd'hui, que faire? Le titre apocryphe, si souvent imprimé, répété tant de fois, se trouve gravé dans toutes les mémoires : on ne pourrait le changer, sans bouleverser les idées reçues.

 

II.

 

Traité de la concupiscence. Voici encore une indication précieuse, tracée par l'abbé Ledieu sur la première feuille du manuscrit : « Considérations sur ces paroles de saint Jean : N'aimez pas le monde,... parce que tout ce qui est dans le monde est concupiscence de la chair, et concupiscence des yeux, et orgueil de la vie (1). »

On vient de lire, dans la simple dénomination des trois concupiscences, pour ainsi dire le sommaire de notre opuscule. Premièrement la concupiscence de la chair, qu'est-ce? Bossuet la définit ici comme dans le Catéchisme du diocèse de Meaux : c'est « l'amour du plaisir des sens, » c'est ce funeste penchant qui rabaisse l'homme vers les choses sensibles, c'est ce ferment de corruption qui soulève les passions déréglées, c'est ce germe empoisonné qui porte autant de fruits mauvais

 

1 I Joan., II, 15, 16.

 

IV

 

qu'il produit de délectations coupables. Deuxièmement la concupiscence des yeux, se nourrissant d'illusions et de mensonges, va chercher les objets de sa pâture aussi loin que s'étend la vue du corps et de l'esprit : d'abord ce qui flatte et éblouit les regards : le brillant de la parure et des ornements, la magnificence des richesses et du luxe, la fausse splendeur des spectacles et des cours, et toutes les pompes de Satan; ensuite ce que recherche et convoite la vaine curiosité : les nouvelles qui reposent l'esprit accablé sous le poids du désœuvrement, le ressort des affaires et des intrigues qu'on veut saisir, les secrets de l'avenir et du monde invisible qu'on brûle de pénétrer, les mystères de la nature et de Dieu même qu'on s'efforce d'approfondir. Troisièmement l'orgueil, principe de haine et de division, brise la charité, ce lien si doux qui rattache les êtres intclligens et libres; il sépare le cœur du bien général et du bien divin : aussitôt l'homme tombe de l'ordre social et des régions surnaturelles sur lui-même ; et comme il ne trouve aucun appui dans ce néant, il roule d'abîme en abîme jusqu'au fond du précipice. Par une réaction aussi nécessaire qu'impuissante, du fond de sa misère extrême, il s'élève au-dessus de ses semblables et jusqu'au niveau du souverain Etre; il s'attribue la prééminence sur ses frères et le bien qui n'appartient qu'à Dieu. Ainsi l'orgueil, la curiosité et la convoitise, en un mot la triple concupiscence, voilà le sujet de l'ouvrage dont nous parlons en ce moment. D'après une note du manuscrit, Bossuet le composa en 1694, à la prière d'une religieuse de Meaux.

C'est encore l'évêque de Troyes qui le mit au jour en 1731 : « 11 crut que cet ouvrage, disent ses apologistes des Blancs-Manteaux, ne pou-voit suivre de trop près les Elévations et les Méditations (1). » A la bonne heure; mais pourquoi laissa-t-il les Méditations et les Elévations plus d'un quart de siècle ensevelies dans les cartons qu'il avait hérités de l'auteur? Au titre primitif donné plus haut par l'abbé Ledieu, il ajouta : Traité de la concupiscence. Addition qui n'ajoute rien à l'idée de l'ouvrage, mais qui la mutile; indication qui n'indique rien, si ce n'est une fausse conception; car le mot concupiscence, pris absolument, ne comprend ni la curiosité ni l'orgueil; et puis Bossuet n'a pas voulu traiter ex professo de la concupiscence, mais expliquer ces paroles de saint Jean : « N'aimez pas le monde, etc. » Qu'il me suffise, toutefois, d'avoir prévenu le lecteur que le titre : Traité de la concupiscence, n'est pas de Bossuet, mais des savants critiques qui ont corrigé ses ouvrages.

 

III.

 

Restent plusieurs opuscules. Dans le Catéchisme du diocèse de Meaux,

 

1 Œuvres de Bossuet, édit. de Boudet, 1772; vol. III, p. XVIII.

 

V

 

après avoir rapporté l'exemple de Jésus qui fut trouvé dans le temple écoutant et interrogeant les docteurs, Bossuet dit que les fidèles et les enfants doivent non-seulement écouter, mais interroger les pasteurs chargés de les instruire dans la doctrine du salut. Jamais conseil ne fut mieux entendu, jamais désir mieux obéi : tout le monde consultait Bossuet, les évêques et les prêtres, les religieuses et les veuves, aussi bien que les savants et les capitaines, les princes et les rois.

C'est pour répondre à tant de demandes, c'est pour résoudre tant de questions que Bossuet a composé les Opuscules. Ce charitable économe de l'Evangile se fait tout à tous, pour distribuer à tous une nourriture convenable; il donne à l'un des lumières, à l'autre des encourage-mens, à un autre des consolations; il enseigne tantôt la science de la prière et de la méditation, tantôt les secrets de la vie intérieure et de l'union avec Jésus-Christ, tantôt la manière d'entendre la messe et de recevoir la communion, tantôt l'art de bien vivre et de bien mourir.

L'art de bien mourir! L'opuscule qui traite ce sujet, la Préparation à la mort, mérite une attention particulière. On y trouvera tout ensemble et l'onction de la tendre piété, et les consolations de la ferme espérance, et les transports de la charité qui s'élance vers la céleste patrie. C'est surtout de cet ouvrage qu'il faut dire ce que La Harpe disait des Méditations : On ne connaît pas Bossuet, quand on n'a pas lu la Préparation à la mort. Aucun Père ne surpasse Bossuet, ni saint Anselme dans la profondeur de la pensée, ni saint Chrysostome dans l'éloquence du cœur, ni saint Augustin dans les élans de l'amour divin ; mais Bossuet ne surpasse-t-il pas quelquefois les Pères par la beauté du langage et la sublimité de l'expression? Loin de moi la pensée d'établir ici des degrés de comparaison ! Tous les, Pères, et je comprends Bossuet sous ce terme, ont une seule foi, une seule doctrine, une seule parole.

Il y a longtemps que les manuscrits des Opuscules se dérobent à toutes les recherches; l'évêque de Troyes les a sans doute perdus, quand il s'en allait distribuant partout les chefs-d'œuvre que sa foi devait garder par les engagements les plus sacrés.

On s'est servi, pour le collationnement, des premières éditions. Les anciennes copies méritent peu de confiance; elles renferment des inexactitudes de toute sorte, des altérations de tout genre.

 

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