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Explication

 

REMARQUES HISTORIQUES.

 

Du Père de la Rue jusqu'au cardinal Maury, Saurin comme M. Patin, Maffei comme M. Villemain, tous les apologistes de Bossuet le proclament grand orateur, grand philosophe, grand historien, grand théologien; aucun ne lui donne le titre d'habile interprète, de savant commentateur des Livres saints. Cependant les saints Livres ont fait Bossuet tout ce qu'il est ; là se trouve le principe de sa science, là l'inspiration de son style, là le feu sacré qui enflamme son génie ; comme il le dit lui-même de saint Augustin, « son fond est d'être nourri de l'Ecriture, d'en tirer l'esprit, d'en prendre les plus hauts principes, de les manier en maitre et avec la diversité convenable1.» Ses travaux d'exégèse l'auraient seuls conduit à l'immortalité. Comment donc ces vastes recherches, ces profondes dissertations, ces admirables commentaires sur les oracles divins passent-ils comme inaperçus ? Serait-il donc vrai ce qu'on a dit souvent, que tous connaissent Bossuet par la renommée, plusieurs par les Oraisons funèbres et l'Histoire universelle, cent peut-être par tous ses ouvrages? Mais ne nous écartons pas de notre but ; venons tout de suite aux écrits renfermés dans ce volume.

 

I.

 

La Sagesse. — Quel est l'auteur de ce Livre? Voilà tout d'abord une question qu'on ne peut résoudre d'une manière certaine et précise : les uns disent Salomon, les autres Zorobabel, d'autres Philon l'Ancien, d'autres encore un des Septante Interprètes. Ce sont les Grecs, surtout, qui défendent la première opinion, d'après ce litre aussi ancien que

 

1 Défense de la tradition et des saints Pères, liv. IV, ch. 18.

 

 

II

 

l'ouvrage : La Sagesse de Salomon ; ils citent aussi ce texte qui semble caractéristique : « Vous m'avez choisi pour être le roi de votre peuple,... et vous m'avez commandé de bâtir un temple sur votre montagne sainte (1). » Les Grecs, toutefois, n'attribuent pas sans réserve l'origine de la Sagesse au plus sage des hommes : Le fils de David, disent-ils, n'a pas écrit, mais seulement inspiré le saint Livre ; il est l'auteur, non pas des phrases et des mots, mais des sentences et des pensées. Reste donc la question : Qui a tenu la plume, si l'on peut parler de la sorte ? qui a rédigé les maximes de la Sagesse ? Ici se présentent les trois dernières opinions; car les Latins nomment contradictoirement Zorobabel, Philon et un des Septante. On ne peut trancher nettement cette controverse.

Quoi qu'il en soit, le grec passe pour le texte original. Bien que le grec n'ait pas la simplicité de l'hébreu, Dieu a voulu cette fois, dit saint Jérôme, accommoder les célestes oracles au goût du plus grand nombre. Le concile de Trente a rangé la Sagesse parmi les Livres divinement inspirés ; et Bossuet nous donne cet écrit d'après la version italique qui se trouve dans nos Bibles.

L'Ecclésiastique. — Ce livre fut composé en hébreu par Jésus, fils de Syrach, sous Onias III, vers l'an 171 selon Bossuet, d'après d'autres 180 avant Jésus-Christ; et le petit-fils de l'auteur le traduisit en grec, dans un voyage en Egypte, sous Ptolémée Physcon, l'an 132 aussi avant Jésus-Christ. Les Grecs l'intitulent la Sagesse de Jésus fils de Sirach ; les Latins l'ont nommé l'Ecclésiastique, parce qu'on le lisait dans les églises. Le texte hébreu s'est perdu; nous n'avons plus que la version grecque. Les Juifs ont toujours lu l'Ecclésiastique comme un Livre saint; mais c'est l'Eglise qui l'a revêtu, dans plusieurs conciles, de l'autorité souveraine, en l'inscrivant dans le canon des Ecritures divines.

La première version latine, fort ancienne, remonte au delà de saint Jérôme, mais elle n'en est pas plus exacte, tant s'en faut qu'elle s'écarte de l'original par le sens tout ensemble et par des additions fréquentes. D'où viennent ces nombreuses déviations? L'auteur, dit l'un, dans l'espoir d'obtenir plus de clarté, a fait une paraphrase plutôt qu'une traduction. — Non, reprend l'autre; il a traduit littéralement, mais il avait sous les yeux le texte hébreu, ou peut-être un texte grec qui n'existe plus. — Enfin, si nous en croyons un troisième, la traduction primitive était irréprochable de tout point, mais les copistes l'ont altérée profondément en faisant passer dans le texte et les gloses des interprètes et leurs propres inadvertances.

Une version plus fidèle s'offrait à Bossuet : il en a profité. Remplissant un vœu du concile de Trente, Sixte-Quint fit examiner par une commission les exemplaires de l'Ecriture sainte. Un théologien de Lucques, qui avait été chargé de revoir les Septante, Flaminius Nobilius publia le

 

1 Sap., IX, 7, 8.

 

III

 

texte grec en 1587, et la traduction latine l'année suivante. Cette traduction, appelée Sixtine du nom de Sixte-Quint, est fort estimée des savants. C'est celle que Bossuet donne, avec la Vulgate, dans le commentaire de l'Ecclésiastique.

Bossuet publia la Sagesse et l'Ecclésiastique en 1693, avec les autres ouvrages attribués à Salomon.

 

II.

 

Explication de la prophétie d'haie, précédée des lettres de M. de Valincour. — Bossuet composa cet écrit dans la dernière période de la maladie qui le ravit à l'éloquence, à la théologie, à l'Eglise. Ce fut vers la fin de 1701 qu'il remarqua les premiers symptômes du mal, et bientôt il souffrit les horribles tortures de la pierre. Lorsqu'un léger adoucissement lui donnait quelque relâche, il corrigeait ses ouvrages ou produisait encore des chefs-d'œuvre; lorsqu'un nouvel accès redoublait son supplice, il puisait des forces et des consolations dans la lecture et dans la méditation des Livres saints. « Au commencement de sa maladie, nous lui lûmes, dit le prêtre qui l'assistait, tout le Nouveau Testament et plus de soixante fois l'Evangile de saint Jean (1). » Son secrétaire écrivit plus tard : « Il lit et relit l'Evangile, saint Jean surtout, et dans saint Jean les endroits les plus touchants ; il a lu aussi deux fois les Actes des Apôtres, et présentement il passe aux Epitres de saint Paul (2). » Au milieu de ces lectures il s'écriait souvent : « Remercions Dieu de ce qu'il nous a préparé dans sa Parole de si grandes consolations (3) : » — « Mon Dieu, je ne saurais croire que vous m'avez donné inutilement cette confiance en votre bonté (4). »

C'est au milieu de ces souffrances et de ce bonheur, c'est dans ces circonstances qu'une lettre de M. de Valincour lui fit entreprendre l'ouvrage indiqué plus haut. Comblé d'estime et d'honneurs, membre de plusieurs sociétés savantes, occupant le siège de Racine à l'Académie française, M. de Valincour était secrétaire de la marine et conseiller du roi. En même temps qu'il cultivait les lettres et les sciences, il se livrait à de profondes études sur l'Ecriture sainte et la religion. Une difficulté qu'il rencontra dans Isaïe préoccupa vivement son esprit. Au milieu de ses recherches et de ses perplexités, il reçut un ouvrage que Bossuet lui adressait : les Instructions sur la version de Trévoux; il saisit avec bonheur l'occasion qui s'offrait d'elle-même de lui soumettre la difficulté dont il cherchait vainement la solution. Dans une première lettre datée du 17 septembre 1703, après lui avoir exprimé sa profonde reconnaissance, il loue justement l'ouvrage du grand écrivain ; puis il

 

1 Relat. de la mort de Bossuet, écrite par l’abbé Saint-André. — (2) Journal de l'abbé Ledieu, 6 février 1704. Voir aussi 6 mars, même année; et 3 et 9 décembre 1703. — 3  Journal, 1 octobre 1703.— 4 Relat. sur la mort, etc.

 

IV

 

continue : « Je souhaite de tout mon cœur que vous puissiez continuer encore un grand nombre d'années à apprendre aux chrétiens ce qui leur est le plus important de savoir, et ce que la plupart savent le moins, c'est-à-dire la manière dont il faut lire et entendre le Nouveau Testament. Car je vous avouerai que l'ayant lu jusqu'à présent avec assez de soin, et cherché les commentateurs les plus propres à m'en faire pénétrer le sens, je n'en avais encore trouvé aucun qui parût avoir compris que ce qu'il y a de plus important, par rapport à la foi, c'est d'entendre les prophéties qui y sont rapportées et de bien connaître leur véritable sens par rapport au .Messie. Bien loin d'expliquer les difficultés qui s'y rencontrent, il ne paraît pas seulement qu'ils y aient fait la moindre attention, témoin celle d'Isaïe : Ecce Virgo concipict, etc. J'ai proposé une difficulté là-dessus à une infinité de personnes, et qui que ce soit ne me l'a pu résoudre; souffrez que je vous la propose en termes d'école... Cette difficulté, la voici en deux mots : le prophète Isaïe prédit que le Messie naîtra d'une vierge; or les Juifs croyaient Jésus-Christ né d'une femme mariée : donc la prophétie d'Isaïe ne pou-vait faire connaître aux Juifs Jésus-Christ pour le Messie. » Voilà tout ce que la première lettre de M. de Valineour renferme d'important. On n'a pas trouvé nécessaire de la publier, comme les autres, intégralement.

Dans sa réponse, Bossuet loue « la sainte coutume qui faisait consulter aux laïques et aux femmes môme les docteurs sur l'intelligence des Ecritures : » coutume vraiment sainte, qui nous épargnerait tant de libelles dictés par l'ignorance; ensuite il explique l'un des caractères les plus merveilleux du Messie, le seul que les hommes n'ont jamais osé revendiquer, la prérogative d'être né d'une vierge : dès le commencement, il est vrai, ce signe prophétique ne marquait point aux regards prévenus Jésus-Christ du sceau divin; mais il est allé toujours s'entourant d'un plus vif éclat; et quand la virginité de Marie fut proclamée par tout l'univers, il montra visiblement aux Juifs le céleste Emmanuel.

Ces réflexions ne satisfirent pas pleinement M. de Valincour. Dans deux nouvelles lettres qu'on pourra lire plus loin tout entières, il dit à peu près ceci : L'Ecce virgo condpiet peut révéler le Messie, je l'accorde, aux chrétiens qui connaissent ses caractères et sa doctrine, et ses miracles; mais dans l'objection il s'agit des Juifs, principalement, uniquement des Juifs; eh bien, je dis que cette prophétie, bien loin de les éclairer, leur mettait un bandeau sur les yeux, parce qu'ils croyaient Jésus-Christ, je le répète, né d'un légitime mariage. Bossuet reprit la plume pour dissiper entièrement ces nuages. Dans deux lettres adressées au secrétaire de la marine, il développe l'économie de la Providence dans les preuves de la religion; il montre les prophéties lumineuses projetant leur éclat sur les prophéties plus obscures, et les œuvres du

 

V

 

Rédempteur éclairant comme un soleil radieux les ombres de l'Ecriture.

Voilà les faits et les circonstances qui ont provoqué les trois lettres de Bossuet; voilà les pensées et les réflexions qui forment les trois parties de son ouvrage; voilà l'idée première et comme l'origine de son explication de l'oracle prophétique sur l'enfantement virginal.

Explication du psaume XXI.— Bossuet n'avait pas encore achevé l'exposition d'Isaïe, qu'il entreprit un autre travail d'exégèse sacrée. Pendant sa carrière apostolique il avait commenté, dans plusieurs conférences, le psaume XXI; pendant son long martyre il contemplait, avec plus de compassion et plus d'amour encore, la peinture prophétique des ineffables douleurs du Délaissé sur la croix. Il s'écriait souvent avec David : « Mon Dieu, mon Dieu, tournez vos regards vers moi ; pourquoi m'avez-vous abandonné (1)? » — « C'était là sa dévotion favorite, » dit son secrétaire; « c'était là sa préparation continuelle à la mort (2). » Il voulut communiquer aux autres les vérités touchantes et les tendres sentiments qu'il avait puisés dans la prophétie de la croix. L'abbé Ledieu nous le montre travaillant au milieu des souffrances. « Depuis sept ou huit jours, dit-il sous la date du 16 novembre 1703, il dicte des réflexions sur le psaume XXI. Il fit la préface le 15 janvier 1704, et corrigea l'ouvrage du 23 au 28 du même mois (3). »

Les consolations qu'il trouvait dans les prophéties, les prières de ses amis qui lui demandaient le fruit de ses méditations, le décidèrent à publier son commentaire. Déjà l'imprimeur avait le manuscrit depuis huit jours; mais Bossuet le retira le 11 février 1704, pour y faire do nouvelles corrections et le soumettre au Dr Pirot. Il commença à revoir les épreuves le 18; les dernières lui tombaient des mains! L'impression fut terminée le 11 mars, et Bossuet mourut le 12 avril 1704, à l'âge de 77 ans.

Le plan de l'ouvrage est des plus simples. Après la préface, l'auteur donne le psaume XXI dans deux versions françaises, faites l'une sur saint Jérôme, l'autre sur les Septante et la Vulgate. Après cela, pour répandre plus de clarté dans le texte, il le divise en deux parties : la première annonçant le délaissement et les souffrances du Crucifié, la seconde prédisant sa résurrection et sa gloire. Ensuite il montre que les caractères tracés dans le Chant divin conviennent à Jésus-Christ; puis il termine par des réflexions touchantes sur son délaissement.

Le commentaire du psaume XXI parut avec celui d'Isaïe, dans un petit in-18. Il était impossible, ce semble, de se tromper dans la

 

1 Psal. XXI, 2. — 2 Journal, 1 et 16 novembre 1703.— 3 Journal, aux dates indiquées. Bossuet ne retirait de ses ouvrages qu'un certain nombre d'exemplaires. Cette fois l'éditeur, Anisson, directeur de l'imprimerie royale, n'en voulut donner aucun. Bossuet en prit 400 à ses frais.

 

VI

 

reproduction typographique de ces deux ouvrages; car on avait là sous les yeux, non pas un manuscrit chargé de ratures, mais un livre admirablement imprimé, d'une correction parfaite, élaboré sous les yeux de l'auteur. Cependant les éditions postérieures à 1704 s'éloignent souvent de l'édition princeps; elles disent par exemple: « Et ce que j'ai écrit (1), » pour : « Et en particulier ce que j'ai écrit. » — « C'est-à-dire (2), » pour : « C'était-à-dire.» — «.....Dont on a dit qu'il a été conçu du Saint-Esprit, et qu'il est né d'une vierge (3), » pour : «.....Qu'il a été conçu du Saint-Esprit et né d'une vierge. » — « Permettrait (4), » pour : « Permettait. » — « Squelette (5), » pour : « Squelet. » — « Fait parler (6), » pour : « Fit parler. » — « Qu'ils semblaient (7), » pour : « Ils semblaient. » — Voici une phrase entière :

 

Editions commerciales.

 

« Nous allons voir Jésus-Christ abandonné an dedans et au dehors, à la cruauté de ses ennemis : au dedans à ses propres passions,... c'est-à-dire, à une tristesse mortelle, à ses frayeurs, à son épouvante incroyable :... telles sont les plaies de Jésus-Christ, bien plus rudes , et, pour ainsi dire , plus insupportables que celles de ses mains (8). »

 

Edition originale.

 

Nous allons voir Jésus-Christ abandonné au dedans et au dehors : au dehors, à la cruauté de ses ennemis; au dedans, à ses propres passions,... c'est-à-dire à une tristesse mortelle, à ses frayeurs, à son épouvante incroyable :... telles sont les plaies intérieures de Jésus-Christ, bien plus rudes et pour ainsi dire plus insupportables que celles de ses mains et de ses pieds.

 

III.

 

L'Apocalypse avec une explication. — Lorsque le père de la Réforme eut arboré publiquement le drapeau de la révolte, il annonça que le Pape était l'Antéchrist, l'Eglise romaine la prostituée de Babylone, et le culte catholique l'idolâtrie païenne; Jésus-Christ allait renverser cet échafaudage d'erreurs, de crimes et d'abominations par le souffle de sa bouche, c'est-à-dire par l'éloquence et par les prières de Luther même. Car « ma prière, disait-il, est un rempart invincible, plus puissant que le diable; » et encore : « Tous les monastères sont ravagés par ma plume et par ma parole, et on publie que j'ai moi seul plus fait de mal au Pape que n'aurait pu lui en faire aucun roi avec toutes les forces de son royaume (9). »

De ce côté du Rhin, le synode de Gap, en 1603, ramassa les niaises rêveries de Luther pour en faire autant d'articles de foi. Le bon sens et la pudeur protestaient vainement jusqu'au sein de la Réforme : en

 

1 Edition de Vers., vol. III, p. 4, lig. 6. L'édition de Versailles a été copiée servilement par tontes celles qui lui sont postérieures, on la cite ici parce qu'elle est la plus connue.— 2 Ibid., p. 7, lig. 22.— 3 Ibid., p. 17.— 4 Ibid., p. 34.— 5 Ibid., 54 et 57. — 6 Ibid., 56. — 7 Ibid., 69. — 8 Ibid., 46. — 9 Epist. ad Georg. Duc. Sax., tom. II, p. 491; tom. VIII, p. 507.

 

VII

 

1624, dans un écrit qui parut à Sedan sous le titre d'Accomplissement des prophéties, le ministre Dumoulin prétendit montrer la prostituée romaine et le Pape antéchrist dans l'Apocalypse. Plus tard, en 1686, un rêveur de la même souche parut qui renchérit sur ces folies tout en conservant à son ouvrage le titre qu'on vient de lire; homme d'un esprit vif et d'une imagination plus ardente encore, Jurieu, petit-fils de Dumoulin d'après Bossuet, son neveu selon d'autres, ne se contenta pas de blasphémer ; il voulut prophétiser, annonçant la ruine prochaine du papisme : « Voici le temps, disait-il;.....les rois et les peuples de la terre vont dévorer la chair de la bête et la brûler à petit feu, dépouiller la paillarde et lui arracher ses ornements, renverser de fond en comble Babylone et la réduire en cendres. » Et comment ne pas croire à ces révélations? Daniel les autorisait, saint Paul les confirmait, l'Apocalypse les traçait en toutes lettres; que dis-je? les faits certifiaient l'inspiration de l'homme de Dieu : il avait annoncé, disait-on, l'heureux événement qui devait exalter la Réforme en Angleterre; et la révolution de 1688 vint élever le prince d'Orange sur le trône des Stuarts. Alors les protestants dans toute l'Europe, mais surtout en Hollande, crièrent au miracle; et le fanatisme gagnant de proche en proche comme une épidémie funeste, enfanta dans le peuple et surtout parmi les femmes une foule de prophètes pareils à Jurieu.

Tant de désordres et tant d'emportements, un outrage si sanglant fait à l'Eglise, un attentat si criminel commis contre un Livre sacré, tout cela excita le zèle du prélat, qui veillait constamment sur la brèche pour la défense de la religion. Il avait déjà profondément ébranlé, dans l'Histoire des variations, le système impie qui fait de la sainteté l'abomination, du Vicaire de Jésus-Christ le ministre de Satan ; mais il voulut le saper d'un seul coup par la base : il suspendit les Avertissements aux protestants, pour écrire un commentaire suivi de l'Apocalypse. Dans cet ouvrage il établit le point suivant : L'Apocalypse est accomplie déjà dans une de ses parties les plus importantes. En effet la ville idolâtre, enivrée du sang des martyrs, est remplacée par la ville sainte; un empire de justice et de charité s'est établi sur les ruines de l'empire qui s'était engraissé de la substance des peuples; or la ville idolâtre et persécutrice, voilà la prostituée; le démembrement de l'Empire romain sous Alaric, voilà la chute de Babylone. Dans cette interprétation si simple, si naturelle, si clairement fondée sur le texte sacré, que deviennent les rêves des fanatiques protestants?

Si l'on veut connaitre le principe suivi par l'auteur, le voici : « Une prophétie, dit-il, n'est parfaitement comprise que quand ce qu'elle prédit est arrivé; c'est donc la suite des événements consignés dans l'histoire, qui peut seule dévoiler le sens de ces mystérieux oracles. Il n'est pas dans les desseins de Dieu qu'ils soient parfaitement entendus pendant

 

VII

 

qu'ils s'accomplissent; au contraire, il est quelquefois de son dessein qu'ils ne le soient pas alors. » En conséquence Rossuet ne porte ses investigations que sur le passé. Il est vrai qu'un sens n'est pas toujours assez vaste pour comprendre l'étendue des révélations prophétiques; des faits déjà accomplis peuvent figurer des faits qui doivent s'accomplir encore. Ainsi l'Apocalypse renferme les secrets de l'avenir, qui en doute ? mais le savant exégète, avec cette modestie qui sied si bien au génie, les déclare « inaccessibles à ses faibles lumières. L'avenir se tourne presque toujours, continue-t-il, bien autrement que nous ne pensons, et les choses mêmes que Dieu en a révélées arrivent en des manières que nous n'aurions jamais prévues. Qu'on ne me demande donc rien sur l'avenir. » Pourquoi tous les auteurs n'ont-ils pas eu la même réserve? On pourrait citer par centaines les prophètes protestants qui ont fixé la chute de Rome à des époques déjà loin de nous dans le passé.

Après avoir montré l'excellence de l'Apocalypse dans la préface, Bossuet divise le divin Livre en trois parties : la première contient les avertissements; la deuxième, les prédictions; la troisième, les consolations et les promesses.

Jurieu publia l'Accomplissement des prophéties en 1680; sa vogue prophétique atteignit son apogée en 1088 : Bossuet mit au jour le commentaire de l'Apocalypse en 1689.

La même année, dans la révision qu'il fit de quelques-uns de ses ouvrages, Bossuet indiqua, à la fin des Avertissements aux protestants, un grand nombre de corrections et plusieurs additions qui devaient être faites dans son Apocalypse. Nous avons rapporté tout cela dans le texte, en signalant les passages ajoutés.

 

 

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