LAURENT
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SAINT LAURENT, MARTYR

 

Laurent viendrait de tenant un laurier. C'est un arbre avec les branchés duquel on tressait autrefois des couronnes dont on ceignait lés vainqueurs. Il est l’emblème de la victoire; il réjouit la vue par sa verdeur constante ; il répand une odeur agréable, et possède beaucoup de propriétés. Or, saint Laurent est ainsi nommé de laurier, parce qu'il remporta la victoire dans son martyre; ce qui força Dèce à avouer avec confusion: « Je pense que nous voici vaincus *. »

Il posséda la verdeur dans la netteté et la pureté de son corps ; ce qui lui a fait dire: « Ma nuit n'a plus rien d'obscur, etc. » Il eut l’odeur parce que sa mémoire sera éternelle: de la ces mots du Psaume III qui lui ont été appliqués: « Il a répandu. des biens sur les pauvres ; sa justice demeurera dans tous les siècles. » Saint Maxime dit : « Comment sa justice n'aurait-elle pas de durée, ses oeuvres étaient animées par cette vertu qui lui a fait consommer son martyre. » Sa prédication fut efficace, puisqu'il convainquit Lucille, Hippolyte et Romain. Le laurier a la propriété de guérir de la pierre qu'il écrase, de remédier à la surdité, et de détourner la foudre. De même saint Laurent brise les coeurs endurcis,rend l’ouïe spirituelle, et protège contre la foudre des sentences de la réprobation **.

 

Laurent, martyr et diacre, Espagnol de nation, fut amené à Rome par saint Sixte. Car ainsi que le dit

 

* Il existe un poème sur saint Laurent dont tous les mots commencent par L.

** La vie de saint Laurent est tirée des actes anciens et reproduits dans son office au Bréviaire romain.

 

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Me Jean Beleth *, Sixte, dans un voyage en Espagne, rencontra deux jeunes gens, Laurent et Vincent, son cousin, distingués par leur honnêteté et remarquables dans toute leur conduite : il les amena à Rome avec lui. L'un d'eux, c'était Laurent, demeura à Rome auprès de sa personne, et Vincent retourna en Espagne oit il termina sa vie par un glorieux martyre. Mais cette opinion de Me Jean Beleth a contre elle le temps du martyre de ces deux saints ; car Laurent souffrit sous Dèce et Vincent, qui était jeune, sous Dioclétien et Dacien. Or, entre Dèce et Dioclétien, il s'écoula environ 40 ans et il y eut entre eux sept empereurs, en sorte que saint Vincent n'aurait pu être jeune. Saint Sixte ordonna Laurent son archidiacre. En ce temps-là, l’empereur Philippe et son fils, qui portaient le même nom, avaient reçu la foi et après être devenus chrétiens, ils s'efforçaient de donner beaucoup d'importance à l’Eglise. Ce Philippe fut le premier empereur qui reçut la fondé J.-C. ; ce fut, dit-on, Origène qui le convertit, quoiqu'on lise ailleurs que ce fut saint, Pontius. Il régna l’an mille de la fondation de Rome, afin que cette millième année frit consacrée à J.-C. plutôt qu'aux idoles. Or, les Romains célébrèrent cet anniversaire avec un grand appareil de jeux et de spectacles. L'empereur Philippe avait auprès de sa personne un soldat nommé Dèce qui était courageux et renommé dans les combats. Vers cette époque, la Gaule s'étant révoltée, l’empereur y envoya Dèce afin de soumettre à la domination romaine les Gaulois

 

* C. CXLV.

 

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rebelles. Dèce mena tout à bien et revint à Rome après avoir remporté la victoire au gré de ses désirs. L'empereur apprenant son arrivée. voulut lui rendre de grands honneurs et alla au-devant de lui jusqu'à Vérone. Mais comme l’esprit des méchants s'enfle d'un orgueil d'autant plus grand qu'ils se sentent honorés davantage, Dèce exalté par l’ambition en vint jusqu'à aspirer à l’empire et à comploter la mort de son maître. Il choisit le moment où l’empereur reposait sous son pavillon pour y entrer en cachette et l’égorger pendant qu'il dormait. Quant à l’armée venue avec l’empereur, il se l’attacha par ses prières, par l’argent, par des largesses et par des promesses, et alors il se hâta d'aller à la capitale de l’empire à marches forcées. A cette nouvelle, Philippe le jeune fut saisi de craintes, et au rapport de Sicard dans sa chronique, il confia les trésors, entiers de son père et les siens à saint Sixte et à saint Laurent, afin que, s'il venait à être tué lui-même par Dèce,ils donnassent ces trésors aux églises et aux pauvres. N'allez pas vous étonner si les trésors distribués par saint Laurent ne sont pas appelés les trésors de l’empereur, mais bien ceux de l’Église, car il put se faire qu'avec ces trésors de l’empereur Philippe, il eût distribué en même temps quelques trésors appartenant à l’Église : ou bien encore, on peut les appeler les trésors de l’Église, parce que Philippe les avait laissés à l’Église pour qu'ils fussent partagés entre les pauvres, quoique l’on doute avec certaine raison que ce fuît Sixte qui existât alors, comme il sera dit plus bas. Ensuite Philippe s'enfuit et,pour ne point tomber entre les mains de Dèce, à son retour, il se (389) cacha. Le Sénat alla donc au-devant de Dèce et le confirma dans la possession de l’empire. Or, afin de paraître avoir tué son martre non par trahison, mais par zèle pour le culte des idoles, il commença à persécuter les chrétiens avec la plus affreuse cruauté, donnant l’ordre de les égorger sans aucune miséricorde. Dans cette persécution périrent plusieurs milliers de martyrs, parmi lesquels fut couronné Philippe le jeune. Ensuite, Dèce se mit à la recherche du trésor de son maitre. Sixte lui fut présenté comme adorant J.-C. et comme possédant les trésors de l’empereur. Or, saint Laurent qui le suivait par derrière lui criait: « Où allez-vous, sans votre fils, ô mon père ? saint prêtre, où allez-vous sans votre diacre? Jamais vous n'aviez coutume d'offrir le sacrifice sans ministre. Qu'y a-t-il en moi qui ait pu déplaire à votre coeur de père? Avez-vous des preuves que j'aie dégénéré? Éprouvez de grâce, si vous avez fait choix d'un assistant capable, quand vous  m’avez confié le soin de distribuer le sang du Seigneur. » Ce n'est pas moi qui te quitte mon fils, ni qui t'abandonne, reprit le saint Pontife ; mais de plus grands combats pour la foi de J.-C., te sont réservés. Pour nous, en qualité de vieillard, nous n'avons à affronter que de faibles dangers, toi qui es jeune, tu remporteras sur le tyran un plus glorieux triomphe. Dans trois jours, tu me suivras, c'est, la distance qui doit séparer le prêtre et le lévite. Et il lui remit tous les trésors, en lui ordonnant d'en faire la distribution aux églises et aux pauvres. Le bienheureux Laurent se mit donc nuit et jour à la recherche des chrétiens et donna à chacun selon ses besoins. Il vint à la maison d'une (390)  veuve qui avait caché un grand nombre de chrétiens chez elle : depuis longtemps elle souffrait de maux de tête. Saint Laurent lui imposa les mains et elle fut guérie de sa douleur; ensuite il lava les pieds des pauvres et leur donna l’aumône. La même nuit, il vint chez un chrétien et y rencontra un homme aveugle ; par un signe de croix, il lui rendit la vue.

Or, comme le bienheureux Sixte ne voulait pas entrer dans les vues de l’empereur, ni sacrifier aux idoles, il fut condamné à avoir la tête tranchée. Accourut alors saint Laurent qui se mit à crier à saint Sixte : « Veuillez ne pas m’abandonner, père saint, parce que déjà j'ai dépensé vos trésors que vous  m’aviez confiés. » Alors les soldats, en entendant parler de trésors, se saisirent de Laurent et le livrèrent entre les mains du tribun Parthénius. Celui-ci le présenta à Dèce. Le césar Dèce lui dit: « Où sont les trésors de l’Église que nous savons, avoir été déposés chez toi? ». Or, comme Laurent ne fui répondait pas, il le livra à Valérien qui était préfet, afin de le forcer à livrer les trésors et à sacrifier ensuite aux idoles, ou bien de le faire périr dans des supplices et des tourments divers. Valérien, de son côté, le mit entre les mains d'un officier nommé Hippolyte afin qu'il le gardât; et Laurent fut enfermé en prison avec beaucoup d'autres. Il y avait là sous les verrous un gentil nommé Lucillus qui, à force de pleurer, avait perdu la vue. Comme Laurent lui promettait de lui rendre l’usage de ses yeux, s'il croyait en J.-C. et s'il recevait le baptême, cet homme demanda avec instance. à être baptisé. Laurent prit donc de l’eau et lui dit: « Tout est lavé (391) dans la confession. » Et quand Laurent l’eut interrogé avec précision sur les articles de foi et que Lucillus eut confessé qu'il les croyait tous, il lui versa de l’eau sur la tête et le baptisa au nom de J.-C. C'est pour cela que beaucoup d'aveugles venaient trouver Laurent et s'en retournaient guéris. Quand Hippolyte vit cela; il lui dit : « Montre-moi les trésors. » Laurent lui répondit : « O Hippolyte, pour peu que tu croies en Notre-Seigneur J.-C., je te montre des trésors et je te promets une vie éternelle. » Hippolyte lui dit: « Si tu fais ce que tu dis; je ferai aussi ce à quoi tu  m’exhortes. » A la même heure, Hippolyte crut et reçut le saint baptême avec sa famille. Quand il fut baptisé il dit « J'ai vu les âmes des innocents tressaillir de joie. » Peu après, Valérien donna ordre à Hippolyte de lui présenter Laurent. Celui-ci dit à Hippolyte : « Allons tons les deus ensemble, car la gloire nous est réservée à toi et à moi. » Ils viennent donc tous deux devant le tribunal, et l’on s'enquiert encore du trésor. Laurent demanda un délai de trois jours, ce à quoi Valérien consentit' en le laissant sous la garde d'Hippolyte. Pendant ces trois jours,, Laurent rassembla les pauvres, les boiteux et les aveugles et les présentant dans le palais de Salluste- à Dèce : « Ce sont là, lui dit-il, les trésors éternels quine diminuent jamais, mais qui s'accroissent; ils sont répartis entre chacun et trouvés entre les mains de tous; et ce sont leurs mains qui ont porté les trésors dans le ciel. » Valérien dit devant Dèce qui était présent: « Pourquoi tous ces détours? Hâle-toi de sacrifier et renonce à la magie. » Laurent lui dit : « Quel est celui qu'on doit adorer? Est-ce le (392) créateur ou la créature? » Dèce irrité le fit frapper avec des fouets garnis de plomb, appelés scorpions, et on lui mit devant les yeux tous les genres de tortures. Comme l’empereur lui commandait de sacrifier afin qu'il échappât à ces tourments, Laurent répondit : « Malheureux! ce sont des mets que j'ai toujours désirés. » Dèce lui dit: « Si ce sont des mets, fais-moi connaître les profanes qui te ressemblent afin qu'ils partagent ce festin avec toi. » Laurent répondit: « Ils ont déjà donné leurs noms dans les cieux et c'est pour cela que tu n'es pas digne de les voir. » Alors par l’ordre de Dèce, il est dépouillé, battu de coups de fouets et des lames ardentes lui sont appliquées sur les côtés. « Seigneur J.-C., dit alors Laurent, Dieu de Dieu, ayez pitié de votre serviteur, puisque quand j'ai été accusé, je n'ai pas renié votre saint nom, quand j'ai été interrogé, je vous ai confessé comme mon Seigneur. » Et Dèce lui dit : « Je sais que c'est par les secrets de la magie que titi te joues des tourments, mais tu ne sauras te jouer longtemps de moi. J'en atteste les dieux et les déesses; si tu ne sacrifies, tu périras dans des tourments sans nombre. » Alors il commanda qu'on le frappât très longtemps avec des fouets garnis de balles de plomb. Mais Laurent se mit' à prier en disant : « Seigneur Jésus, recevez mon esprit. » Alors il se fit entendre une voix du ciel que Dèce ouït aussi : « Tu as encore bien des combats à soutenir. » Dèce rempli de fureur s'écria: « Romains, vous avez entendu les démons consolant ce sacrilège, qui n'adore pas nos dieux, ne craint pas les tourments et ne s'épouvante pas de la colère des princes. »

Il ordonna une seconde fois qu'on le battît avec des scorpions. Laurent se mit à sourire, remercia Dieu et pria pour les assistants. Au même instant, un soldat, nommé Romain, crut et dit à saint Laurent: « Je vois debout en face de toi un très beau jeune homme qui essuie fies membres avec un linge. Je t'en conjure, au nom de Dieu, ne me délaisses pas, mais hâte-toi de me baptiser, » Et Dèce dit à Valérien: « Je pense que nous voici vaincus par la magie. » Il ordonna donc de le détacher de la cathaste * à laquelle il était attaché et de le renfermer sous la garde d'Hippolyte. Alors Romain apporta un vase plein d'eau, se jeta aux pieds de saint Laurent et reçut de ses mains le saint baptême. Aussitôt que Dèce en fut informé, il fit battre de verges Romain qui, s'étant déclaré chrétien de plein gré, fut décapité par l’ordre de l’empereur. Cette nuit-là, Laurent fut amené à Dèce. Or, comme Hippolyte pleurait et criait qu'il était chrétien, Laurent lui dit : « Cache plutôt J.-C. au-dedans de ton coeur, et quand j'aurai crié, prête l’oreille et viens. » On apporta donc, des instruments de supplices de tous les genres. Alors Dèce dit à Laurent: « Ou tu vas sacrifier aux dieux, ou cette nuit finira avec tes supplices. » Laurent lui répondit : « Ma nuit n'a pas

 

* La cathasta, d'après Rich, est tout simplement un gril de fer au-dessous duquel on mettait du feu pour torturer les criminels. Cet instrument était distingué du chevalet Eculeus et avait la forme d'une échelle d'après ce passage de Salvien : Lit. III, De Gubernat. Dei : Ad caelestis regiae januam..... ascendentes scalas sibi quodam modo de eculeis catastisque fecerunt. Iso Magister in Glossis catastae, genus tormenti, id est, lecti ferrei.

 

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d'obscurités, mais tout pour moi est plein de lumière. » Et Dèce dit : « Qu'on apporte un lit de fer afin que l’opiniâtre Laurent s'y repose. » Les bourreaux se mirent donc en devoir de le dépouiller et l’étendirent sur un gril de fer sous lequel on mit des charbons ardents et ils foulaient le corps du martyr avec des fourches de fer. Alors Laurent dit à Valérien: « Apprends, misérable, que tes charbons sont pour moi un rafraîchissement, mais qu'ils seront pour toi un supplice dans l’éternité, parce que le Seigneur lui-même sait que quand j'ai été accusé, je ne l’ai pas renié; quand j'ai été interrogé, j'ai confessé J.-C. ; quand j'ai été rôti, j'ai rendu des actions de grâces. » Et il dit à Dèce d'un ton joyeux : « Voici misérable, que tu as rôti un côté, retourne l’autre et mange. » Puis remerciant Dieu : « Je vous rends grâce, dit-il, Seigneur, parce que j'ai mérité, d'entrer dans votre demeure. » C'est ainsi qu'il rendit l’esprit. Dèce, tout confus, s'en alla avec Valérien au palais de Tibère, laissant le corps sur le feu. Le matin, Hippolyte l’enleva et, de concert avec le prêtre Justin, il l’ensevelit avec des aromates au champ Véranus. Les chrétiens jeûnèrent, et pendant trois jours célébrèrent ses vigiles, au milieu des sanglots et en versant des torrents de larmes.

Est-il certain que saint Laurent ait souffert le martyre sous cet empereur Dèce ? Le fait est douteux pour beaucoup de monde, puisque dans les chroniques, on lit que Sixte vécut longtemps avant Dèce. C'est le sentiment d'Eutrope quand il dit : Dèce qui suscita une persécution contre les chrétiens fit tuer entre autres le bienheureux lévite et martyr Laurent. (395) Il est rapporté dans une chronique assez authentique que ce ne fut pas sous l’empereur Dèce, successeur de Philippe, mais sous un Dèce qui fut César, et non pas empereur, que saint Laurent souffrit le martyre. Car entre l’empereur Dèce et Dèce le jeune, sous lequel on dit que saint Laurent fut martyrisé, il y eut plusieurs empereurs et plusieurs souverains pontifes intermédiaires. En effet, il est dit dans le même livre que après Gallus et Volusien son fils, successeur de Dèce à l’empire, régnèrent Valérien et Gallien, et que ces deux derniers créèrent César, Dèce le jeune, mais sans le. faire empereur. Car anciennement les empereurs donnaient à quelques-uns la qualité de Césars, sans cependant lés créer Augustes ou empereurs; ainsi on lit dans les chroniques que Dioclétien fit César Maximien, et que, dans la suite, de César il le créa Auguste. Or, du temps de ces empereurs, c'est-à-dire de Valérien et de Gallien, c'était Sixte qui siégeait à Rome. Ce fut donc ce Dèce simple César, mais non pas empereur qui martyrisa saint Laurent. C'est pour cela que dans la légende de ce saint, Dèce n'est pas appelé empereur, mais Dèce-César seulement. Car l’empereur Dèce ne régna que deux ans, et martyrisa le pape saint Fabien. A, Fabien succéda Corneille qui souffrit sous Volusien et Gallus. Après Corneille vint Lucien, et. Lucien eut pour successeur Etienne qui souffrit sous Valérien et Gallien dont le règne dura quinze ans. A Etienne succéda Sixte. Ce qui précède est tiré de la chronique qui a, été citée , ci-dessus. Cependant toutes les chroniques, tant d'Eusèbe, que de Bède et d'Isidore s'accordent à, dire que (396)            le pape Sixte ne vécut pas du temps de l’empereur Dèce, mais bien de Gallien. Mais on lit encore dans une autre chronique que ce Gallien eut deux noms, qu'il fut appelé Gallien et Dèce, et ce fut sous lui que souffrirent Sixte et Laurent, vers l’an du Seigneur 257. Geoffroy avance aussi dans son livre intitulé Panthéon que Gallien se nomma Dèce et que ce fut sous lui que souffrirent saint Sixte et saint Laurent. Et si cet auteur est exact, ce qu'avance Jean Beleth pourrait être véritable. — Saint Grégoire rapporte au livre de ses Dialogues qu'une religieuse, nommée Sabine, conserva la continence sans pouvoir modérer l’intempérance de sa langue. Elle fut enterrée dans l’église de saint Laurent, devant l’autel du martyr; mais une partie de son corps fut coupée parle démon et resta intacte, tandis que l’autre partie fut brûlée : ceci fut constaté le lendemain matin. — Grégoire de Tours rapporte * qu'un prêtre réparant une église de saint Laurent, une poutre se trouvait être trop courte; il pria le saint martyr qui avait soutenu les pauvres. de venir au secours de son indigence ; la poutre s'allongea de telle sorte qu'elle était beaucoup trop longue : le prêtre coupa alors cet excédent en petites parties et s'en servit pour guérir beaucoup d'infirmités. Ce fait est attesté par le bienheureux Fortunat, et il eut lieu à Brione, château d'Italie. — Un homme avait mal aux dents : on le toucha avec un morceau de cette poutre et sa douleur disparut. — Au rapport de saint Grégoire dans ses Dialogues **,

 

* De Gloria Martyr., l. I, c. XLII ; — Fortunat, l. IX, c. XIV.

** L. III, c. XXXVII.

 

un autre prêtre appelé Sanctutus, voulant réparer une église de saint Laurent brûlée par les Lombards, loua grand nombre d'ouvriers. Or, un jour qu'il n'avait rien à leur donner à manger, il se mit en prière et en regardant dans le four il y trouva un pain très blanc qui ne paraissait cependant pas devoir suffire à un repas pour trois personnes. Or, saint Laurent, qui ne voulait pas gîté ses ouvriers manquassent de rien, multiplia ce pain de telle sorte qu'il y en eut assez pendant dix jours pour tous les ouvriers. — Vincent de Beauvais rapporte, dans sa chronique, qu'il y avait à Milan dans une église de saint Laurent un calice de cristal d'une merveilleuse beauté. Dans une solennité le diacre qui le portait à l’autel le laissa échapper de ses mains, et en tombant, par terre ce calice se brisa en morceaux. Mais le diacre affligé en rassembla les- fragments, les mit sur l’autel, fit une prière à saint Laurent, et il reprit le calice entier et très solide.

On lit encore dans le livré des Miracles de la sainte Vierge, qu'il y avait à Rome un juge nommé Etienne, gui recevait volontiers des présents de grand nombre de personnes, et violait souvent la justice. Il usurpa par force trois maisons de l’église de saint Laurent et, un jardin de sainte Agnès, et resta en possession de ce qu'il avait acquis injustement. Or, il arriva qu'il mourut et qu'il fut mené au jugement de Dieu. Saint Laurent s'approcha alors de lui, plein d'indignation, et par trois fois il lui serra le bras pendant

 

* Grég. de Tours; De Gloria Martyr., l. I, c. XLVI.

 

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longtemps et lui fit souffrir de cruelles douleurs. Mais sainte Agnès avec les autres vierges ne voulut pas le voir et détourna la tête. Alors le juge rendit son arrêt en ces termes : « Parce qu'il a soustrait le bien d'autrui, et qu'en recevant des présents, il a vendu la vérité, qu'il soit traîné au lieu où est Judas le traître. » Alors saint Proeject pour lequel Etienne avait eu beaucoup de dévotion pendant sa vie, s'approchant de saint. Laurent et de sainte Agnès, demandait pardon pour ce juge. Il fut donc accordé à leurs prières unies à celles de la sainte Vierge que son âme retournerait à son corps pour y faire pénitence pendant trente jours. En outre il reçut pour pénitence, de la part de la sainte Vierge, de réciter chaque jour de sa vie le Psaume CXVIII, Beati immaculati in via. Quand il revint à la vie, son bras était noir et brûlé comme s'il eût réellement souffert dans on corps, et cette marque resta sur lui tant qu'il vécut. Il restitua donc,le bien mal acquis et fit pénitence, mais il trépassa dans le Seigneur le trentième jour. —  On lit dans la vie de l’empereur saint Henri et de sainte Cunégonde, sa femme, qu'ils vécurent ensemble dans la virginité; mais à l’instigation du diable, l’empereur conçut des soupçons sur son épouse par rapport à un soldat, et il la fit marcher nu-pieds l’espace de 15 marches sur des socs de charrue rougis au feu. En montant dessus elle dit : « De même, Seigneur Jésus, que vous avez connaissance que ni Henri ni aucun autre ne  m’a touchée, de même aussi venez à mon aide. » Mais Henri poussé par la honte la frappa au visage : et une voix se fit entendre à Cunégonde en lui disant : « La Vierge (399) Marie t'a prise sous sa protection, car tu es vierge. » Elle marcha donc sur cette masse incandescente sans ressentir aucune douleur. L'empereur venait de mourir quand une multitude infinie de démons passant devant la cellule d'un ermite, celui-ci ouvrit sa fenêtre et demanda au dernier passant qui ils étaient. Et il répondit: « Nous sommes une légion de démons qui nous hâtons d'aller à la mort du César afin de voir si nous pourrons trouver en lui quelque chose qui nous appartienne en propre. » L'ermite adjura le diable de revenir et celui-ci lui dit à son retour: « Nous n'avons rien trouvé, car bien que le soupçon injuste qu'avait conçu l’empereur, et ses autres péchés aient été mis ainsi que ses bonnes œuvres dans la balance, Laurent le grillé apporta un pot d'or d'un poids énorme, quand nous pensions emporter César; cette chaudière ayant été jetée sur la balance, l’autre côté l’emporta; alors, je fus irrité et j'arrachai une oreille de ce pot d'or. II donnait le nom de pot à un calice que cet empereur avait fait ciseler pour l’église d'Eichstat en l’honneur de saint Laurent envers lequel il avait une dévotion particulière. A cause de sa grandeur, ce calice avait deux anses. Et il se trouva qu'au même moment l’empereur mourut et une anse du calice fut brisée *. Saint Grégoire rapporte dans son Registre **,

 

* Ce fait se trouve sculpté en relief sur le tombeau qui renfermait les reliques de saint Henri et de sainte Cunégonde avant leur canonisation. On y voit un ange tenant d'une main une épée dégainée, de l’autre, une balance sur l’un des plateaux de laquelle est posé un calice. Chronic. Casin., l. II, c. XLIV.

** Ep. l. V, c. XXX.

 

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qu'un de ses prédécesseurs voulait, soulager quelqu'un auprès du corps de saint Laurent, mais qu'il ne savait où le corps reposait ; quand tout a coup et sans le savoir on découvre le tombeau, et tous ceux qui se trouvaient là *, aussi bien les moines que ceux , qui étaient attachés à l’église, et qui avaient vu ces saintes reliques, moururent dans l’espace de dix jours.

Il faut observer que le martyre de saint Laurent paraît l’emporter sur ceux des autres saints martyrs par quatre caractères qui lui sont propres et qu'on trouve exposés dans les paroles de saint Maxime, évêque, et de saint Augustin. Le premier, c'est la rigueur de ce martyre; le second, c'est le résultat ou l’utilité qu'il eut; le troisième, c'est la constance et le courage du patient; le quatrième, c'est le combat admirable en lui-même et le mode de sa victoire.

I. Le martyre de saint Laurent l’emporte sur les autres par l’extrême rigueur des tourments. Voici comment s'en exprime le bienheureux évêque Maxime, ou selon certains textes saint Ambroise: « Mes frères, ce n'est pas un martyre ordinaire et de quelques instants que saint Laurent eut à souffrir: car celui qui est frappé du glaive, meurt une fois, celui qui est plongé dans un brasier de flammes, est délivré à l’instant; mais saint Laurent est tourmenté par des supplices longs et nombreux, en sorte que la mort ne ralentit pas sa souffrance, et lui manqua à la fin. Nous lisons que dès bienheureux enfants se promenaient, au,milieu des flammes apprêtées

 

* Le texte porte Mansionarii. On appelait ainsi les tenanciers d'une maison. Quand il s'agit de personnes religieuses, c'étaient des chanoines vivant en communauté.

 

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pour les faire souffrir et qu'ils foulèrent aux pieds des masses de feu. Et cependant saint Laurent leur est supérieur en gloire, parce que ceux-là se promenaient dans les flammes, et que lui fut couché sur le feu même qui faisait on supplice. Ils foulèrent le feu de leurs pieds, tandis que lui en éteignit l’ardeur par la position qu'on avait fait prendre à son corps étendu sur ses flancs. Ceux-là étaient debout et adressaient leurs prières en levant les mains vers le Seigneur ; celui-ci étendu sur le gril priait pour ainsi dire le Seigneur avec chacun de ses membres. Il faut noter encore que saint Laurent vient le premier de tous les martyrs après saint Etienne, non pas pour avoir supporté de plus grands tourments que les autres martyrs puisque beaucoup souffrirent des tourments égaux et quelquefois plus violents, mais c'est pour six motifs qui se trouvent ici réunis : 1° En raison du lieu où il a souffert, c'est à Rome, la capitale du monde et où se trouve le siège apostolique. 2° En raison de sa prédication, car il s'y livra avec ardeur. 3° En raison des trésors qu'il distribua tout entiers , avec sagesse aux pauvres. Ces trois raisons sont celles de maître Guillaume d'Auxerre. 4° Parce que son martyre est authentique et certain : car bien qu'on lise que les autres aient souffert de plus grands supplices, cependant cela n'est pas authentique et quelquefois il y a lieu. d'en douter; mais le martyre de saint Laurent est très solennel dans l’église qui l’a approuvé, ainsi que nombre de saints dans leurs discours. 5° Par la dignité à laquelle il fut élevé ; car il fut archidiacre du siège apostolique, et après lui, il n' v eut plus à Rome d'archidiacre. 6° Pour (402) la cruauté, des tourments qui furent des plus atroces, puisqu'il fut rôti sur un gril de fer. Ce qui a fait dire de lui par saint Augustin : « On commanda d'exposer sur le feu ses membres déchirés et coupés par les nombreux coups de fouet qu'il avait reçus, afin que sur ce gril de fer sous lequel était entretenu un feu violent, le tourment fût plus atroce et la souffrance plus longue puisque l’on retournait l’un après l’autre chacun de ses membres.

II. Le martyre de saint Laurent l’emporte sur les autres par ses résultats et son utilité. D'après saint Augustin ou saint Maxime, l’âpreté du supplice a couvert saint Laurent de gloire, l’a rendu célèbre dans l’opinion publique, excite à la dévotion envers lui, et en fait un modèle remarquable. 1° Elle le couvrit de gloire : ce qui fait dire à saint Augustin : « Tyran, tu as sévi contre ce martyr ; tu as tressé, tu as embelli sa couronne en accumulant les tourments. » Saint Maxime ou saint Ambroise ajoute: «Quoique ses membres se disloquent sous l’ardeur de la flamme, cependant la force de sa foi n'est pas ébranlée. Il perd son corps, mais il gagne le salut. » Saint Augustin dit : « O le bienheureux corps, dont les angoisses ne purent lui faire perdre la foi, mais que la religion couronna dans le ciel. » 2° Elle le rendit célèbre dans l’opinion publique. Saint Maxime ou saint Ambroise dit: « Nous pouvons comparer le bienheureux martyr Laurent au grain de sénevé qui, broyé de toutes manières, a mérité de répandre par tout l’univers une odeur mystérieuse. Quand il était en vie, il fut humble, inconnu, méprisé. A peine a-t-il été tourmenté, déchiré, brûlé, (403) qu'il répandit sur toutes les églises du monde un parfum de noblesse. » Plus loin on lit: « C'est chose sainte rt agréable à Dieu que nous honorions avec une piété toute particulière le jour de la naissance de saint Laurent : l’Église victorieuse de J.-C. brille en ce jour du reflet de son bûcher, aux regards de l’univers. Ce généreux martyr a acquis une telle gloire dans son martyre qu'il en éclaire le monde entier. » 3° Le martyre de saint Laurent nous excite a la dévotion pour lui. Saint Augustin donne trois motifs que nous avons de le louer et de lui témoigner notre dévotion. Nous devons mettre toute notre confiance dans ce bienheureux martyr, d'abord parce qu'il a répandu son précieux sang. pour Dieu, ensuite parce qu'il a le privilège infini de nous montrer quelle doit être la foi du chrétien puisqu'il a eu tant d'imitateurs; enfin, parce que toute sa vie fut si sainte qu'il mérita d'obtenir la couronne du martyre dans un temps de paix. 4° Le martyre a fait de saint Laurent un modèle proposé à notre imitation. Là-dessus saint Augustin s'exprime ainsi : « La cause pour laquelle ce saint homme a été dévoué à la mort, n'est que pour porter les autres a être ses imitateurs. » Or, nous avons trois motifs de l’imiter: 1° la force avec laquelle il souffrit : « Le peuple de Dieu, dit saint Augustin, n'est jamais instruit d'une manière plus profitable que par l’exemple des martyrs. Si l’éloquence . entraîne, le martyre persuade. Les exemples l’emportent sur les paroles, et les actions instruisent mieux que les discours. Les persécuteurs de saint Laurent ont pu apprécier eux-mêmes quelle dignité possédaient les martyrs dans cette excellente manière d'instruire, (404) puisque cette admirable force d'âme ne faiblissait pas, mais fortifiait encore les autres en leur donnant un modèle dans ses souffrances. » 2° La grandeur et l’ardeur de sa foi: « En surmontant par la foi, dit saint Maxime ou saint Ambroise, les flammes du persécuteur, il nous montre que, par le feu de la foi, on peut surmonter les flammes de l’enfer, et avec l’amour de J.-C., on n'a plus à craindre le jour du jugement. » 3° Son ardente dévotion: « Saint Laurent, dit encore le même auteur, a illuminé le monde entier avec cette lumière qui le brûla lui-même, et de ces flammes dont il supporta l’ardeur, il échauffa les coeurs de tous les chrétiens. Sur l’exemple de saint Laurent, nous sommes excités à souffrir le martyre, nous sommes enflammés pour la foi, et nous sommes échauffés par la dévotion. »

III. Le troisième caractère qui distingue excellemment son martyre, c'est sa constance, ou son courage. Voici comme en parle saint Augustin : « Le bienheureux Laurent demeura en J.-C. au milieu de ses épreuves, pendant son inique interrogatoire, jusqu'aux atroces menaces qu'on lui fit, et jusqu'à la mort. Dans cette longue mort, il avait bien mangé, bien bu, il était rassasié de cette nourriture, et ivre; de ce calice de Dieu ; alors il ne ressentit pas les tourments, il ne fut pas abattu, mais il monta au ciel. Il fut si constant et si ferme que non seulement, il ne succomba pas aux tourments, mais, que par ces tourments eux-mêmes, il devint plus parfait dans la crainte, plus fervent dans l’amour et plus joyeux en ardeur. » 1° « On l’étend, dit saint Maxime, sur des charbons (405) ardents, on ne cesse de le tourner sur lui-même; mais plus il souffre de douleur, plus grande est la patience avec laquelle il craint N.-S. J.-C. » 2° « Le grain de sénevé, dit saint Maxime ou bien saint Ambroise, quand il est broyé, s'échauffe. Laurent au milieu de ses supplices s'enflamme. Chose admirable! celui-ci tourmente Laurent, ceux-là plus cruels encore perfectionnent les tortures, mais plus les supplices sont atroces plus ils rendent Laurent parfait dans son dévouement.  3° Son coeur était tellement fortifié par la foi dans J.-C., que ne tenant aucun compté des tortures infligées à son propre corps; tout joyeux de son triomphe sur les flammes qui le brûlaient, il insultait à la cruauté de son bourreau.

IV. Le quatrième caractère de son martyre fut sa lutte admirable et la manière dont il remporta la victoire. Car, on peut recueillir des paroles de saint Maxime et de saint Augustin, que saint Laurent eut à endurer en quelque sorte extérieurement cinq sortes de feu, qu'il supporta avec courage et qu'il éteignit. Le premier fut le feu de l’enfer, le second le matériel de la flamme, le troisième fut celui de la concupiscence de la chair; le quatrième fut celui d'une violente avarice, le cinquième fut le feu d'une rage insensée. 1° « Pouvait-il faiblir, dit saint Maxime, parce que son corps était momentanément brûlé, celui dont la foi éteignait le feu éternel de l’enfer? Il passa à travers un feu d'un instant de durée, et tout terrestre, mais il échappa à la flamme de la géhenne qui brûle sans cesse. » 2° « Son corps est brûlé, dit saint Maxime ou saint Ambroise, mais l’amour divin éteignit cette (406) combustion matérielle. Un roi méchant mettra lui-même le bois, il activera le foyer, mais le bienheureux Laurent n'en sentira pas les effets, parce que l’ardeur de sa foi est encore plus vive. » « La charité de J.-C., dit saint Augustin, ne fut pas vaincue,par la flamme, et le feu qui brûle à l’extérieur est moins ardent que celui qui brûle à l’intérieur. » 3° Saint Maxime dit en parlant de l’extinction du feu de la concupiscence : « Voici un feu par lequel saint Laurent passa, sans en être brûlé, puisqu'il en eut horreur; mais il n'en brillé pas moins d'un grand éclat: il a brûlé pour n'être point enflammé, et pour ne point être brûlé, il endura d'être brûlé. » 4° L'avarice de ceux qui convoitaient des trésors a été déçue, selon ces paroles de saint Augustin : « Il s'arme d'une double torche cet homme cupide d'argent et ennemi de la vérité: c'est l’avarice pour ravir de l’or, c'est l’impiété pour faire disparaître J.-C. : mais tu ne gagnes rien, tu ne retires aucun profit, homme cruel, ce qui n'est que matière est soustrait à tes recherches Laurent monte au ciel, et tu péris avec tes flammes. » 5° La folie furieuse des persécuteurs a été frustrée et annihilée, comme le dit saint Maxime : quand il eut vaincu les bourreaux qui attisaient le foyer, il éteignit' l’incendie allumé par la folie qui débordait de toutes parts. Jusque-là le démon n'a obtenu qu'un résultat; c'est que cet homme fidèle montât plein de gloire jusqu'au trône de son maître, et que la cruauté de ses persécuteurs confondus fût engourdie avec leurs feux. » Il montre combien fut ardente la folie des bourreaux en disant : « La fureur enflammée des gentils prépare un gril ardent, afin de venger dans (407) les flammes l’ardeur de leur indignation. » Il n'y a rien d'étonnant que saint Laurent ait surmonté ces cinq sortes de feu extérieur, puisque d'après les paroles de saint Maxime, il y eut trois choses qui le rafraîchirent intérieurement, et il porta dans son cœur trois feux au moyen desquels il adoucit et modéra entièrement le feu extérieur, qui fut ainsi vaincu par une ardeur plus forte. Ce furent :1° Le désir du royaume du ciel, 2° la méditation de la loi de Dieu, 3° la pureté de conscience. Il refroidit et éteignit ainsi tout feu extérieur. 1° le désir de la patrie céleste. Saint Maxime ou saint Ambroise dit : « Le bienheureux Laurent ne pouvait ressentir les tourments du feu puisqu'il possédait dans ses membres le désir du paradis qui refroidissait les flammes. — Aux pieds du tyran, gît une chair brûlée, un corps inanimé : mais il n'a rien perdu sur la terre, puisque son âme demeure dans le ciel. 2° La méditation de la loi divine. Le même, auteur s'exprime ainsi : « Tandis que son esprit est occupé dans la méditation des commandements de J.-C., tout ce qu'il souffre est froid pour lui. » 3° La pureté de conscience. Il est dit à ce propos : « Ce n'est que feu autour des membres de ce généreux martyr, mais il ne pense qu'au royaume de Dieu, et sa conscience rafraîchie le fait sortir vainqueur du supplice. » Il posséda néanmoins trois feux intérieurs qui lui firent surmonter la violence des flammes extérieures. Le premier fut la grandeur de sa foi, le second, son ardente charité, et le troisième, une véritable connaissance de Dieu, qui l’a éclairé comme une flamme. « Plus sa foi est (408) ardente, dit saint Ambroise, plus la flamme qui le brûle perd de sa force. La ferveur de la foi c'est le feu du Sauveur qui dit dans 1'Evangile : «Je suis venu vous apporter le feu sur la terre.» Saint Laurent en était embrasé, il n'a donc pas ressenti l’ardeur des flammes. » 2° Saint Ambroise dit de sa charité : « Il brûlait au dehors ce saint martyr, parce que le, tyran l’avait mis sur un foyer violent, mais la flamme de l’amour de Dieu qui le consumait était plus forte encore. » 3° Le même père parle ainsi de la connaissance de Dieu : « Les flammes les plus cruelles n'ont pu vaincre cet invincible martyr, parce qu'il avait l’esprit éclairé des rayons les plus pénétrants de la vérité. Enflammé de, haine pour le mal, et d'amour pour la vérité, ou il ne sentit pas, ou il vainquit la flamme qui le brillait au dehors. L'office de saint Laurent a trois privilèges dont ne jouissent pas les autres martyrs. Le premier c'est la vigile ; c'est le seul des martyrs qui en ait une. Mais les vigiles des saints ont été remplacées en ce jour par le jeûne à cause de certains désordres. Me Jean Beleth rapporte que c'était autrefois la coutume; qu'aux fêtes des saints, les hommes, avec leurs femmes, et les filles venaient à l’église où ils passaient la nuit à la lumière des flambeaux ; mais parce qu'il en résultait des adultères, il fut statué que la vigile serait convertie en jeûne. Cependant on a conservé l’ancienne dénomination, et on dit encore vigile et non pas jeûne. Le second, c'est qu'il a une octave. C'est le seul des martyrs avec saint Etienne qui ait une octave, comme saint Martin parmi les confesseurs. Le (409) troisième, c'est que les antiennes ont des réclames *, cela ne lui est commun qu'avec saint Paul. Saint Paul a ce privilège en raison de l’excellence de sa prédication et saint Laurent en raison de l’excellence de son martyre.

 

* Voyez le Sacramentaire de saint Grégoire. Dans la réforme du Bréviaire romain, cet usage a disparu.

 

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