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Des fêtes qui arrivent dans le temps compris en partie sous le temps de la Réconciliation et en partie sous le temps du Pèlerinage.

 

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Après avoir parlé des fêtes qui tombent pendant le temps de la rénovation, qui part de Moïse et des Prophètes pour durer jusqu'à la venue de J -C., en la chair, temps que l’Eglise rappelle depuis l’Avent jusqu'à la Nativité du Seigneur inclusivement, suivent les fêtes qui échoient dans le temps renfermé, partie sous le temps de la réconciliation, partie du pèlerinage. Il est rappelé par l’Église à partir de la Nativité jusqu'à la Septuagésime, ainsi qu'il a été dit plus haut dans le prologue.

 

LA NATIVITÉ DE N.-S. JÉSUS-CHRIST SELON LA CHAIR

 

La nativité de Notre-Seigneur J.-C. selon la chair arriva, au dire de quelques-uns, 5228 ans accomplis depuis Adam, 6000, selon d'autres, d'après Eusèbe de Césarée, en ses chroniques, 5199, au temps de l’empereur Octavier. Méthodius, qui donne la date de 6000 ans, paraît se fonder plutôt sur des idées mystiques que sur la chronique. Or, quand le fils de Dieu a pris chair, l’univers jouissait d'une paix si profonde que l’empereur des Romains était le seul maître du aronde. Son premier nom fut Octave ; on le surnomma César de Jules César dont il était le neveu. II fut encore appelé Auguste parce qu'il augmenta la (66) république, et empereur de la dignité dont il fut honoré. C'est le premier des rois qui porta ce titre. Car de même que le Sauveur a voulu naître pour nous acquérir la paix du coeur, ou du temps, et la paix de l’éternité, de même, il voulut encore que la, pais du temps embellît sa naissance. Or, César-Auguste, qui gouvernait l’univers, voulut savoir combien de provinces, de villes, de forteresses, de bourgades, combien d'hommes renfermait son empire ; il ordonna, en outre, ainsi qu'il est dit dans l’Histoire scholastique (ch. IV, Evang.) que tous les hommes iraient à la ville d'où ils étaient originaires, et que chacun, en donnant un denier d'argent au président de la province, se reconnaîtrait sujet de l’empire romain. (Le denier valait dix sols ordinaires, ce qui l’a fait appeler denier). En effet, la monnaie portait l’effigie et le nom de César. On déclarait aussi sa profession : on faisait le dénombrement, mais pour diverses considérations. On déclarait donc sa profession, parce que chacun 'en rendant, comme on disait, la capitation, c'est-à-dire un denier, le plaçait sur sa tête et professait de sa propre bouche qu'il était le sujet de l’empire, romain ; d'où vient le mot de profession, professer de sa propre bouche ; et cela avait lieu en présence de tout le peuple. On faisait le dénombrement, parce que le nombre de ceux qui portaient la capitation était désigné sous un chiffre particulier et inscrit sur les registres. Le dénombrement se fit pour la première fois par Cyrinus, gouverneur de Syrie. Ce fut le premier attribué à Cyrinus par l’Histoire scholastique. Or, comme la Judée est reconnue comme point central de nombril) de notre (67) terre habitable, il fut décidé que ce serait par elle que l’on commencerait, et que les autres gouverneurs continueraient l’opération par les provinces circonvoisines.

On le nomme aussi le premier dénombrement universel parce que d'autres avaient été faits en partie antérieurement, ou bien peut-être ce fut le premier qui se fit par tête, le second par villes de chaque pars, devant le lieutenant de César, et le troisième par chaque contrée à Rome, en présence de César. Or, Joseph étant de la race de David, partit de Nazareth à Bethléem, et comme le temps des couches de la bienheureuse Marie était proche, et qu'il ignorait l’époque de son retour, il la prit et la mena avec lui à Bethléem, ne voulant pas remettre entre les mains d'un étranger le trésor que Dieu lui avait confié, jaloux qu'il était de s'en charger lui-même avec une sollicitude de tous les instants. Comme il approchait de Bethléem (ainsi l’attestent frère Barthélemi dans sa compilation * et le récit du Livre de l’Enfance **), la bienheureuse Vierge vit une partie du peuple. d'ans la joie et une autre dans les gémissements : ce qu'un ange lui expliqua ainsi : « La partie du peuple qui est dans la joie, c'est le peuple gentil qui recevra bénédiction éternelle par le sang d'Abraham; et la partie qui est dans les gémissements, c'est le peuple juif réprouvé de Dieu, comme il l’a mérité. » Arrivés à

 

* On a attribué à saint Barthélemy un évangile dont parlent saint Jérôme et Bède. Cs. Migne, Œuvres de l’Aréopagite, tome I, col. 1232.

**  Dictionnaire des Apocryphes, tome I, col. 159 et suiv.

 

Bethléem, parce qu'ils étaient pauvres, et parce que tous les autres venus pour le même motif occupaient les hôtelleries, ils ne trouvèrent aucun logement; ils se mirent donc sous un passage public, qui se trouvait, au dire de l’Histoire scholastique *, entre deux maisons, ayant toiture, espèce de bazar sous lequel se réunissaient les citoyens soit pour converser, soit pour se voir, les jours de loisir, ou quand il faisait mauvais temps. Il se trouvait que Joseph y avait fait une crèche pour un boeuf et un âne, ou bien, d'après quelques auteurs, quand les gens de la campagne venaient au marché, c'était là qu'ils attachaient leurs bestiaux, et pour, cette raison, on y avait établi une crèche. Au milieu donc de la nuit du jour du Seigneur, la bienheureuse vierge enfanta son fils et le coucha dans la crèche sur du foin; et ce foin, ainsi qu'il est dit dans l’Histoire scholastique (ch. V), fut dans la suite apporté à Rome par sainte Hélène. Le boeuf et l’âne n'avaient pas voulu le manger.

La naissance de J.-C. fut donc miraculeuse, quant à la génératrice, quant à celui qui fut engendré, quant au mode de génération.

I. La génératrice fut vierge avant et après l’enfantement ; on prouve de cinq manières qu'elle resta vierge tout en étant mère : 1° par la prophétie d'Isaïe (VII) : « Voici qu'une vierge concevra et enfantera un fils. » 2° Par les figures : la verge d' Aaron fleurit sans aucun soin humain et la porte d'Ezéchiel demeura toujours close. 3° Par celui qui la garda. Joseph,

 

* Pierre Comestor.

 

en la soignant toujours, reste témoin de sa virginité. 4° Par l’épreuve. Dans la compilation de Barthélemi et dans le Livre de l’Enfance du Sauveur, on lit que, au moment de l’enfantement, Joseph, qui ne doutait pas au reste que Dieu dût naître d'une vierge, appela, selon la coutume de son pays, des sages-femmes qui s'appelaient l’une Zébel, et l’autre Salomé. Zébel en examinant avec soin et intention la trouva vierge : « Une vierge a enfanté! » s'écria-t-elle. Salomé, qui n'en croyait rien, voulut en avoir la preuve, comme Zébel, mais sa main se dessécha aussitôt. Cependant un ange, qui lui apparut, lui fit toucher l’enfant, et elle fut guérie tout de suite. 5° Par l’évidence du miracle au témoignage d'Innocent III*, Rome fut en paix pendant 12 ans. Alors les Romains élevèrent à la paix un temple magnifique et y placèrent la statue de Romulus. On consulta Apollon pour savoir combien de temps durerait la paix et on obtint cette réponse : « Jusqu'au moment où une vierge enfantera. » En entendant cela, tout le monde dit : « Donc elle durera toujours. » Ils croyaient impossible, en effet, qu'une vierge mit jamais au inonde. Ils placèrent alors cette inscription sur les portes du Temple: Temple éternel de la paix. Mais la nuit même que la vierge enfanta, le temple s'écroula jusqu'aux fondements et c'est là que se .trouve aujourd'hui l’église de Sainte-Marie-la-Nouvelle.

II. La Nativité de J.-C. fut miraculeuse quant à celui qui fut engendré. Car, ainsi que ledit saint Bernard,

 

* IIe sermon sur la Nativité.

 

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l’éternel, l’antique et le nouveau se trouvèrent réunis dans la même personne : l’éternel, c'est la divinité, l’antique c'est la chair tirée d'Adam, le nouveau, c'est une âme créée de nouveau. Le même saint dit autre part : « Dieu a fait trois mélanges et trois oeuvres, tellement singuliers que jamais il n'en a été fait et jamais il ne s'en fera de semblables. Car il y eut. union réelle entre un Dieu et un homme, entre une mère et une vierge, entre la foi et l’esprit humain. La première union est très admirable, parce que le démon et Dieu, la majesté et l’infirmité ont été joints ensemble. Quelle bassesse et quelle sublimité ! Il n'y a rien en effet de plus sublime que Dieu, comme il n'y arien de plus bas que l’homme. La seconde union n'est pas moins admirable, car jamais, au monde, on n'avait entendu dire qu'une femme qui avait enfanté fût vierge, qu'une mère ne cessât pas d'être vierge. La troisième union est inférieure à la première et à la seconde, mais elle n'est pas moins importante. C'est chose admirable que l’esprit humain ait ajouté foi à ces deux choses, que l’on ait pu croire enfin que Dieu fût homme et que celle qui avait enfanté fût restée vierge. » (Saint Bernard.)

III. La naissance de J.-C. fut miraculeuse du côté de celui qui fut engendré. En effet l’enfantement fut au-dessus de la nature, par cela qu'une vierge conçut ; au-dessus de la raison, pour avoir enfanté un Dieu ; au-dessus de la condition de la nature humaine, puisque, contre l’ordinaire, elle enfanta sans douleurs, car elle conçut du Saint-Esprit : la vierge en effet n'engendra pas d'un sang humain, mais d'un souffle (71) mystique. Le Saint-Esprit prit ce qu'il y avait de plus pur et de plus chaste dans le sang de la Vierge et en forma ce corps ; et Dieu manifesta ainsi un quatrième mode admirable de créer un homme. Voici à ce sujet ce que dit saint Anselme : « Dieu peut créer l’homme de quatre manières : sans homme ni femme, comme il a créé Adam ; d'un homme sans femme, comme il a créé Eve; de l’homme et de la femme, comme d'habitude; d'une femme sans homme, comme cela s'est opéré aujourd'hui merveilleusement. »

En second lieu, sa naissance fut démontrée de beaucoup de manières. D'abord par toutes espèces de créatures. Or il y a une sorte de créature qui a seulement Fètre, comme celles qui sont purement corporelles, par exemple les pierres; une autre a l’ètre et la vie, comme les végétaux et les arbres ; une autre espèce a Fètre, la vie et le sentiment, savoir les animaux; une autre a Fètre, la vie, le sentiment et le discernement, comme l’homme ; une dernière espèce qui a Fètre, la vie, le sentiment, le discernement et l’intelligence, comme l’ange. Toutes ces créatures démontrèrent aujourd'hui la naissance de J.-C. Le 1er ordre, qui est purement corporel, est triple. Il est ou bien opaque, ou bien transparent, ou pénétrant et lucide. Elle a été montrée premièrement par les substances purement corporelles opaques ; ainsi la destruction du temple des Romains, comme il a été dit plus haut; ainsi la chute de différentes statues qui tombèrent en plusieurs autres lieux. Voici ce qu'on lit dans

 

* Cur Deus Homo, liv. II, c. VIII.

 

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l’Histoire scholastique (ch. III, Tobie) : « Le prophète Jérémie venant en Egypte, après la mort de Godolias, apprit aux rois du pays que leurs idoles crouleraient quand une vierge enfanterait un fils. C'est pour cela que les prêtres .des idoles avaient élevé et adoraient, dans un lieu caché du temple, l’image d'une vierge portant un enfant dans son giron. Le roi Ptolémée leur demanda ce que cela signifiait : ils répondirent que, de tradition paternelle, c'était un mystère révélé à leurs ancêtres par un saint prophète, et qui devait se réaliser un jour.» Secondement, par les substances ;purement corporelles transparentes et pénétrantes. En effet la nuit même de la naissance du Seigneur, l’obscurité fut changée en une clarté pareille à celle du jour. A Rome (Orose, liv.VI, ch. XX, et Innocent III, IIe sermon de Noël, l’attestent), dans une fontaine * l’eau fut changée en une huile qui coula jusqu'au Tibre avec la plus grande abondance. Or la sybille avait prédit que quand jaillirait une source d'huile, naîtrait le Sauveur. Troisièmement par les substances corporelles lucides, exemple : les corps célestes. Le jour de la naissance du Sauveur, d'après une relation dont parle saint Chrysostome ** , les mages étant en prières sur une montagne, une étoile apparut devant eux, ayant la forme du plus bel enfant, sur la tète duquel brillait une croix. Elle dit aux mages d'aller eu Judée et que là ils trouveraient ce nouveau-né. Ce jour-là encore,

 

* Fontaine qui donne de l’huile à Rome, en ce lieu est aujourd'hui l’Eglise de Sainte-Marie au delà du Tibre.

** Sur Saint Mathieu, ch. III.

 

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trois soleils apparurent à l’orient, et peu à peu ils n'en formèrent plus qu'un. C'était un signe que la Trinité et l’unité de Dieu allaient être connues dans le monde, ou bien que celui qui venait de naître rassemblait dans sa seule personne trois substances l’âme, la chair et la divinité. On lit pourtant dans l’Histoire scholastique (ch. XVI, Machab.), que ce ne fut pas au jour de la naissance du Sauveur que parurent les trois soleils, mais bien quelque temps auparavant, savoir après la mort de Jules César. Eusèbe l’assure aussi en sa chronique. L'empereur Octave, dit le pape Innocent III, après avoir soumis l’univers à la domination romaine, plut tellement au Sénat que celui-ci voulut l’honorer comme un dieu. Mais Auguste, plein de prudence, qui se savait être homme, ne voulut pas consentir à usurper l’honneur de l’immortalité. Sur les instances du Sénat, il consulta la sybille pour apprendre, par ses oracles, s'il naîtrait jamais un jour dans le monde un mortel plus grand que lui. Or c'était au jour de la naissance de J.-C. que cela se passait, et comme la sybille expliquait ses oracles seule avec l’empereur dans une chambre du palais, voici qu'au milieu du jour, un cercle d'or entoure le soleil, et au milieu du cercle paraît une vierge merveilleusement belle, portant un enfant sur son giron : ce que la sybille montra au César extasié de cette vision ; il entendit alors une voix lui dire : «Celle-ci est l’autel du ciel, » et la sybille ajouta : « Cet enfant est plus grand que toi, il te faut l’adorer. » Or ce palais fut dédié en l’honneur de sainte Marie, et c'est aujourd'hui Sainte-Marie de l’ara coeli. (74) L'empereur comprit donc que cet enfant était plus grand que lui ; il lui offrit de l’encens et dès ce moment il renonça à se faire appeler Dieu. Voici comment s'exprime Orose à ce sujet * : « Au temps d'Octave, environ à la troisième heure, par un ciel clair, pur et serein, un cercle en forme d'arc-en-ciel entoura le disque du soleil, comme si était venu celui qui avait créé et régissait seul le soleil lui-même et l’univers. » Eutrope le dit aussi. Il est rapporté dans Timothée, l’historiographe, qu'il a trouvé dans les anciennes histoires des Romains que Octave, l’an XXXV de son règne, monta au Capitole et demanda avec instance aux dieux quel serait après lui le gouverneur de la République, et qu'il entendit une voix lui dire : « C'est un enfant céleste, fils du Dieu vivant, qui doit bientôt naître d'une vierge restée sans tache, Dieu et homme sans macule. » Ayant appris cela, il éleva un autel en ce lieu et y plaça cette inscription : « Autel du fils de Dieu vivant. » 2° La nativité a été montrée manifestement par la créature qui a l’être et la vie, comme les plantes et les arbres. Au rapport de Barthélemi dans sa compilation ; cette nuit-là même les vignes d'Engadi, qui portent le baume, fleurirent, eurent des fruits et donnèrent leur liqueur. 3° Par la créature qui a l’être, la vie et le sentiment, comme les animaux. Joseph, en s'en allant à Bethléem avec Marie qui était enceinte, mena avec lui un boeuf, peut-être pour le vendre, payer le cens que lui et son épouse devaient,

 

* Liv. VI, ch. XX.

** Barthélemi de Sion, dans le Mariale.

 

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et vivre du reste, et un âne, peut-être pour servir de monture à la Vierge. Or le boeuf et l’âne connurent le Seigneur par l’effet d'un miracle et fléchirent le genou pour l’adorer. Avant la nativité de J.-C., raconte Eusèbe dans sa chronique, pendant quelques jours, des boeufs qui labouraient dirent aux laboureurs: « Les hommes manqueront, les moissons profiteront. » 4° Par la créature qui a l’être, la vie, le sentiment et le discernement, comme est l’homme, ainsi les bergers. En effet à cette heure, les bergers veillaient sur leurs troupeaux, comme ils avaient coutume de faire deux fois par an dans les plus longues et dans les plus courtes nuits. Anciennement, à chaque solstice, c'est-à-dire au solstice d'été, environ vers la fête de saint-Jean-Baptiste, et à celui d'hiver, vers la nativité de N.-S., c'était une coutume des Gentils de veiller la nuit pour honorer le soleil, coutume qui avait pris racine aussi chez les juifs, peut-être poursuivre l’usage des étrangers qui habitaient chez eux. L'ange du Seigneur leur apparaissant annonça le Sauveur né et leur donna un signe pour le trouver. A cet ange se joignit une multitude d'autres qui disaient : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, etc. » Or les bergers vinrent et trouvèrent tout comme l’ange avait dit. Elle a encore été manifestée par César-Auguste, qui défendit alors que personne ne l’appelât seigneur,. au témoignage d'Orose. C'est peut-être pour avoir vu l’arc autour du soleil, que, se rappelant la ruine du temple, la fontaine d'huile et comprenant que celui qui l’emportait en grandeur était né dans le monde, il ne voulut, et re appelé ni dieu ni seigneur. On lit encore, en (76) certaines chroniques, que, sur l’approche de la naissance du Seigneur, Octave fit établir des chemins publics par le monde, et fit remise de toutes les dettes des Romains. Elle a été manifestée aussi par les sodomites qui, dans tout le monde, furent détruits cette même nuit; ainsi le dit saint Jérôme sur ce passage : Lux orta est. Une lumière s'est levée et si grande queell, fit mourir tous ceux qui étaient adonnés à ce vice; c'est ce que fit le Christ pour le déraciner, et pour qu'une si infâme impureté n'existât plus désormais dans la nature humaine qu'il avait prise. Car, dit saint Augustin, Dieu voyant dans le genre humain ce vice contre nature fut presque en suspens s'il s'incarnerait. 5° Par la créature qui a l’être, la vie, le sentiment, le discernement et l’intelligence, comme l’ange. Les anges en effet, annoncèrent la naissance de J.-C. aux bergers, comme on vient de le dire plus haut. Troisièmement, sa naissance nous fut utilement démontrée : 1° à la confusion des démons; car cet ennemi ne saurait l’emporter sur nous comme auparavant. On lit * que saint Hugues, abbé de Cluny, la veille de la Nativité du Seigneur, vit la bienheureuse vierge tenant son fils dans ses bras : « C'est, dit-elle, aujourd'hui le jour où les oracles des prophètes sont renouvelés. Où est maintenant cet ennemi qui avant ce jour était maître dés hommes ? » A ces mots, le diable sortit de dessous terre, pour insulter aux paroles de la madone, mais l’iniquité s'est mentie à elle-même, parce que, comme il parcourait tous les appartements, des frères, la

 

* Pierre le Vénérable, De miraculis, liv. I, ch. XV.

 

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dévotion le rejeta hors de l’oratoire, la lecture hors du réfectoire, les couvertures de bas prix hors du dortoir, et la patience hors du chapitre. On lit encore, dans le livre de Pierre de Cluny, que, la veille de Noël, la bienheureuse vierge apparut à saint Hugues, abbé de Cluny, portant son fils et jouant avec lui en disant: « Mère, vous savez avec quelle joie l’Église célèbre aujourd'hui le jour de ma naissance, or où est désormais la force du diable? que peut-il dire et faire? » Alors le diable semblait se lever de dessous terre et dire : « Si je ne puis entrer dans l’église où l’on célèbre vos louanges, j'entrerai cependant au chapitre, au dortoir et au réfectoire. » Et il tenta de le faire; mais la porte du chapitre était trop étroite pour sa grosseur, la porte du dortoir trop basse pour sa hauteur, et la porte du réfectoire avait des barrières formées par la charité des servants, par l’avidité apportée à écouter la lecture, par la sobriété dans le boire et le manger, et alors il s'évanouit tout confus. 2° Pour obtenir le pardon.

On lit, dans un livre d'exemples, qu'une mauvaise femme, revenue à de bons sentiments, désespérait de son pardon; car en pensant au jugement, elle se trouvait coupable, en pensant à l’enfer elle se croyait digne d'y être tourmentée; en pensant au paradis, elle se voyait immonde, à la passion, elle se regardait comme ingrate ; mais en pensant à l’enfance de Jésus et à la facilité qu'il y a d'apaiser les enfants, elle conjura le Christ par son enfance, et mérita d'entendre nue voix qui lui assurait le pardon. 3° Pour la guérison des infirmités. Voici ce que dit saint Bernard (78)  sur cette utilité de la naissance de J.-C. : « Le genre humain avait trois maladies, au commencement, au milieu et à la fin : c'est-à-dire, à la naissance, à la vie et à la mort. La naissance était souillée, la vie perverse et la mort dangereuse. Vint J.-C. qui apporta un triple remède à cette triple maladie. Il est né, a vécu et est mort. Sa naissance a purifié la, nôtre ; sa vie est une instruction pour la nôtre, et sa mort a détruit la nôtre » (saint Bernard). 4° Pour l’humiliation de notre orgueil. Ce qui a fait dire à saint Augustin que l’humilité à nous montrée par le Fils de Dieu dans l’Incarnation, nous fut un exemple, un sacrement et un remède : un exemple à imiter, un sacrement par lequel le lien de notre péché est rompu, et un remède qui guérit l’enflure de notre orgueil (saint Augustin). En effet l’orgueil du premier homme a été guéri par l’humilité de J.-C. Observez encore que l’humilité du Sauveur correspond bien à l’orgueil du traître, car l’orgueil du premier homme fut contre Dieu, jusqu'à Dieu et au-dessus de Dieu. Il fut contre Dieu, car il alla contre le précepte qui défendait de manger le fruit de l’arbre de la science du bien et du mal; il fut jusqu'à Dieu, car il alla jusqu'à désirer atteindre à la divinité, en croyant ce que le diable avait dit : « Vous serez comme des dieux; » il fut enfin au-dessus de Dieu, selon saint Anselme, eu voulant ce que Dieu ne voulait pas que l’homme voulût; il plaça en effet sa volonté au-dessus de celle de Dieu, mais le fils de Dieu, selon saint Jean Damascène, s'humilia pour les hommes, non contre les hommes, jusqu'aux hommes, et au-dessus des hommes : pour les hommes, (78) c'est-à-dire, pour leur utilité et leur salut; jusqu'aux hommes, par une naissance semblable à la leur; au-dessus des hommes, par une naissance différente de la leur. Car sa naissance fut en un point semblable à la nôtre; en effet il est né d'une femme, et par le même mode de propagation, et en un point, différente de la nôtre, car il est né du Saint-Esprit et de la Vierge Marie.

 

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