Sa vie d'Ermite

« Les voilà, tous ces hommes de prière et de pénitence qui sont en même temps les hardis pionniers de la civilisation chrétienne et de la société moderne; les voilà qui entament, par mille coins à la fois, tout ce monde de la nature sauvage et brute... Le plus souvent, ils y pénètrent avec un disciple ou deux tout au plus, à la recherche de quelque retraite profonde et solitaire, inaccessible aux hommes et où il leur sera permis d'être tout à Dieu.
Aucun obstacle, aucun danger ne les arrête. Plus la noire profondeur des forêts est effrayante, plus elle les attire... Là où la caverne naturelle leur manque, ils se construisent un abri quelconque; une hutte de branchages ou de roseaux et, s'ils sont plusieurs, un oratoire avec un petit cloître... La nuit, couchés sur la dure, et, le jour, défendus contre toute intrusion par d'épais ombrages et d'inabordables défilés, ils se livraient aux délices de la prière et de la contemplation, aux visions de l'avenir céleste.
Parfois aussi, l'avenir des grandes oeuvres dont ils jetaient, à leur insu, la semence sur la terre, se révélait instinctivement à leur pensée. St Himier entend d'avance le son des cloches du monastère et de la collégiale qui, un jour, remplaceront son ermitage.
Le but principal de tous ces religieux n'était pas de former des communautés au sein des forêts. Ils n'y cherchaient que la solitude ; ils y voulaient vivre en anachorètes, plutôt qu'en cénobites. Ils cédaient à l'impérieux attrait qui les entraînaient au fond des bois... pour fuir le contact des hommes et y jouir du silence de la paix et de la liberté.
Vain espoir, du reste, leur solitude inspirait bientôt trop d'envie et leur austérité trop d'admiration, pour être longtemps respectée. Ils avaient beau fuir de solitude en solitude; ils étaient réclamés, atteints, entourés, importunés sans cesse non plus seulement par des disciples ambitieux de vivre comme eux, de silence et de prière, mais par les populations elles-mêmes. Rassurées et confiantes, et se familiarisant à leur tour avec les voûtes ténébreuses où les avaient précédés ces hommes de paix et de bénédiction, de travail et de charité, et quand elles les avaient découverts, c'était un assaut continuel, les uns apportant des offrandes, les autres demandant des aumônes, des prières, des conseils, tous implorant la guérison de toutes les douleurs du corps et de l'âme. Les riches affluaient comme les pauvres, pour peu que la main de Dieu ou des hommes les eût affligés. Les veuves et les orphelins, les lépreux et les possédés, les boiteux et les aveugles apparaissaient en foule, en quête d'une vertu et d'une science également surnaturelles à leurs yeux ».
Montalembert insiste aussi sur l'empire surnaturel des moines sur les animaux. « Cet empire s'expliquait par l'innocence qu'avaient

P. 1p. 2 ; p. 3 ; p. 4 ; p. 5 ; p. 6 ; p. 7 ; p. 8 ; p. 9 ; p. 10 ; p. 11 ; p. 12 ; p. 13 ; p. 14 ; p. 15 ; p. 16 ; p. 17 ; p. 18 ; p. 19 ; p. 20 ; p. 21; p. 22 ; p. 23 ; p. 24 ; p. 25 ; p. 26 ; p. 27p. 28 , p. 29 ; p. 30 ; p. 31;
p. 32 ; p. 33 ; p. 34 ; p. 35 ; p. 36 ; p. 37 ; p. 38 ; p. 39 ; p. 40 ;