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Instruction que la bienheureuse Vierge Marie. m'a donnée.
Instruction que j'ai reçue de notre auguste Reine.
Instruction que la Reine du ciel m'a donnée.
Instruction que j'ai reçue de notre grande Reine.
258
CHAPITRE XXVI. La résurrection de notre Sauveur Jésus-Christ, et son
apparition à sa
très-sainte Mère avec les saints Pères des limbes.
1466. L'âme
très-sainte de notre Rédempteur Jésus-Christ
demeura dans les limbes depuis les trois heures et demie du vendredi au soir
jusqu'aux trois heures du matin du dimanche suivant. Alors elle retourna
victorieuse au sépulcre, accompagnée des mêmes anges qui l'escortaient dans sa
descente aux limbes, et des saints qu'elle tira de ces prisons souterraines,
comme les dépouilles que sa victoire lui avait acquises et tes trophées de son
glorieux triomphe, laissant ses ennemis rebelles (laits l'abattement et
l'effroi. Il y avait au sépulcre beaucoup d'antres anges qui le gardaient pour
faire honneur au sacré corps uni à la Divinité. Et quelques-uns d'eue avaient
recueilli par l'ordre de leur Reine les reliques du sang que son
très-saint fils versa, les lambeaux de chair qu'on
lui lit tomber de ses plaies, les cheveux qu'on lui
arracha, et tout le reste qui contribuait à la parfaite intégrité de sou
humanité sainte, la très-prudente Mère songea à
tout. Les anges gardaient précieusement ces reliques, chacun d'eux s'estimant
259
fort
heureux de la part qui lui était échue. En premier lieu les saints Pères
virent le corps de leur Rédempteur tout blessé, déchiré et défiguré par la
cruauté des Juifs. Les patriarches, les prophètes et tous les autres saints le
reconnurent dans ce pitoyable état, l'adorèrent et déclarèrent de nouveau que
le Verbe incarné s'était véritablement chargé de nos infirmités et de nos
douleurs (1), et qu'il avait surabondamment payé notre dette et satisfait à la
justice du l'ère éternel pour ce que nous avions mérité, étant lui-même
très-innocent et sans aucun péché. C'est là où nos
premiers parents, Adam et Ève, apprécièrent les ravages que leur désobéissance
avait causés dans le monde, combien en avait coûté la réparation, et l'immense
bonté, la miséricorde infinie du Rédempteur. Les patriarches et les prophètes
virent accomplies leurs prédictions et les espérances qu'ils avaient eues dans
les promesses du Très-Haut. Et comme ils sentaient en la gloire de leurs âmes
l'effet de la rédemption abondante, ils en louèrent de nouveau le
Tout-Puissant et le Saint des saints, qui l'avait
opérée avec un ordre si merveilleux de sa sagesse.
1467. Les auges
restituèrent ensuite au corps sacré taules les
reliques qu'ils avaient recueillies, le rétablissant dans son intégrité
naturelle, et cela se fit en présence de tous les saints qui étaient sortis
des limbes. Au même instant l’âme très-sainte du
Seigneur se réunit à son corps, et lui donna la vie et la
(1) Isa., LIII, 4.
260
gloire
immortelle. Et quittant le linceul et les parfums avec lesquels on lavait
enseveli (1), il fut revêtu des quatre dons de gloire, la clarté,
l'impassibilité, l'agilité et la subtilité. Ces dons rejaillirent de la gloire
immense de l'âme de notre Seigneur Jésus-Christ sur son corps déifié. Et
quoiqu'il eût dû les recevoir au moment même de la conception, comme un
apanage et comme une attribution naturelle, puisque dès lors son âme
très-sainte fut glorifiée, et que toute cette,
humanité très-innocente était unie à la
Divinité , il est vrai qu'ils furent alors
suspendus et ne rejaillirent point sur le sacré corps, afin que restant
passible il prit nous mériter notre gloire en se privant de celle de son
corps, ainsi que je l'ai dit ailleurs. Mais en la résurrection ces dons lui
furent rendus avec justice, dans le degré et dans la proportion qui répondait
à la gloire de l'âme et à l'union de l'âme avec la Divinité. Et comme la
gloire de l'âme très-sainte de notre Sauveur
Jésus-Christ est incompréhensible et ineffable, de même il est impossible de
bien exprimer par nos faibles paroles et par aucun exemple la gloire et les
dons de son corps déifié, car par rapport à sa pureté le cristal
est obscur. La clarté dont il resplendissait
surpasse celle des autres corps glorieux, comme le jour surpasse la nuit, et
plus que l'éclat de mille soleils ne surpasserait celui d'une seule étoile; et
parvint-on à réunir en une seule créature les beautés de toutes les autres,
elle paraîtrait difforme auprès
(1) Joan., XIX, 40.
261
de lui ;
aussi n’y a-t-il rien en tout ce qui est créé qui puisse lui être comparé.
1468. L'excellence de ces
dons surpassa de beaucoup en la résurrection la gloire qu'ils communiquèrent
en la transfiguration et en d'autres occasions où notre Seigneur Jésus-Christ
se transfigura, comme ou l'a vu dans le cours de cette histoire; car alors il
la reçut en passant et proportionnellement à la fin pour laquelle il se
transfigurait : mais en la résurrection il l'eut avec plénitude pour en jouir
éternellement. Par l'impassibilité le corps sacré devint inaltérable. Par la
subtilité il fut tellement purifié de ce qu'il avait de terrestre, qu'il
pouvait pénétrer les autres corps sans aucune résistance, comme s'il eût été
un pur esprit; et c'est ainsi qu'il pénétra la pierre du sépulcre sans la
déplacer et sans la briser, en la manière dont il était sorti du sein virginal
de sa très-pure Mère. L'agilité l'affranchit du
poids de la matière au point qu'il surpassait la libre activité des anges ; et
il pouvait par lui-même se transporter plus rapidement qu'eux d'un lieu à un
autre, comme il le fit quand il se montra aux apôtres et en d'autres
occasions. Les sacrées plaies qui le défiguraient auparavant parurent aux
pieds, aux mains et an côté si brillantes, qu'elles rehaussaient sa beauté
ravissante comme du trait caractéristique le plus admirable. Notre Sauveur
sortit du sépulcre revêtu de toute cette beauté et de toute cette gloire. Et
en présence des saints et des patriarches qu'il avait tirés des limbes, il
promit à tout le genre humain la résurrection
262
universelle,
comme un effet de la sienne, en la même chair et dans le même corps de chacun
des mortels; et aux justes leur future glorification dans leur chair et dans
leur corps. Pour gage de cette promesse de, la résurrection universelle, sa
divine Majesté ordonna aux âmes de beaucoup de saints qui se trouvaient
présentes, de s'unir à leurs corps et de les ressusciter à une vie immortelle.
Cet ordre divin fut aussitôt exécuté, et alors eut lieu la résurrection des
corps dont saint Matthieu prévenant le mystère fait mention dans son Évangile
(1) : entre autres, de ceux de sainte Anne, de saint Joseph, de saint Joachim
et de quelques anciens Pères et patriarches qui se distinguèrent le plus en la
foi et en l'espérance de l'incarnation, et qui la demandèrent avec le plus
d'ardeur an Très-Haut. Et en récompense de leur ferveur et de leurs saints
désirs, ils obtinrent par avance la résurrection et la gloire de leurs corps.
1469. Oh !
combien ce Lion de Juda, ce fils de David
paraissait déjà puissant, admirable, victorieux et fort (2) ! Jamais personne
ne sortit du sommeil aussi vivement que Jésus-Christ de la mort. A sa voix
impérieuse, les ossements desséchés et dispersés de ces vieux morts se
rapprochèrent aussitôt , et la chair qui était
réduite en poussière, se renouvela et s'unit aux os pour reconstituer son être
primitif, mais perfectionné par les dons de gloire que le corps reçut de l'âme
glorifiée qui lui donna la vie. Tous ces saints
(1) Matth., XXVII, 52.
— (2) Ps. III, 6.
263
ressuscitèrent dans un instant avec leur Rédempteur, et parurent plus clairs et plus
resplendissants que le soleil; beaux, transparents, légers, capables de le
suivre partout; et par leur bonheur ils nous ont confirmés dans l'espoir que
nous verrions notre Rédempteur dans notre propre chair, et que nous le
contemplerions de nos propres yeux comme Job l'a prédit pour notre consolation
(1). La grande Reine du ciel pénétrait tous ces mystères, et y participait par
la vision qu'elle avait dans le Cénacle. Au moment même où l'âme
très-sainte de Jésus-Christ entra dans son corps
et lui donna la vie, celui de sa très-pure Mère
reçut la joie qui était suspendue dans son âme jusqu'à la résurrection de cet
adorable Seigneur, comme je l'ai dit dans le chapitre précédent. Ce bienfait
fut si excellent, qu'elle en fut toute transformée, et elle passa incontinent
de la désolation où elle était à une céleste consolation, et de la tristesse à
une joie ineffable. Il arriva que dans cette circonstance l'évangéliste
saint Jean l'alla voir pour la consoler dans son amère solitude, comme il
l'avait fait le jour précédent; mais il fut agréablement surpris de trouver
entourée des splendeurs de la gloire, Celle qui naguère était presque
méconnaissable à cause de son affliction. Le saint apôtre l'ayant considérée
avec admiration et avec un profond respect, crut que le Seigneur devait être
déjà ressuscité, puisque sa divine Mère recevait tant de consolation qu'elle
en était toute renouvelée.
(1) Job., XIX, 26.
264
1470. Par cette nouvelle
joie et par, les opérations si divines que l'âme de notre auguste Princesse
produisait dans la vision de tous ces mystères si sublimes, elle commença à se
disposer à la prochaine apparition de son Fils ressuscité. Et au milieu des
cantiques de louanges et des prières quelle faisait, elle sentit tout à coup,
outre la joie qu'elle avait, quelque chose d'extraordinaire, je ne sais quelle
consolation céleste, qui répondait d'une manière merveilleuse aux douleurs et
aux peines intérieures qu'elle avait souffertes dans la Passion; ce bienfait
était tout différent et fort au-dessus de la joie qui rejaillissait de son âme
sur son corps comme un écoulement naturel. Après ces admirables effets, elle
reçut une autre grâce qui lui fit goûter des faveurs divines qui étaient
toutes nouvelles. Alors elle sentit s'opérer en elle une nouvelle infusion de
sentiments et de lumières qui précèdent la vision béatifique, et que je ne
décris point ici, parce que je l'ai déjà fait lorsque j'ai traité de cette
matière dans la première partie. J'ajoute seulement que notre incomparable
Reine reçut ces bienfaits dans cette occasion d'une manière plus excellente et
avec plus d'abondance que dans les autres rencontres, parce que la Passion de
son très-saint Fils et les mérites qu'elle y
acquit avaient précédé, et son Fils tout-puissant lui donnait une consolation
qui répondait à la grandeur des peines qu'elle avait souffertes.
1471. La bienheureuse Marie
étant ainsi préparée, notre Sauveur Jésus-Christ ressuscité et glorieux
265
entra
accompagné de tous les saints et de tous les patriarches qu'il avait tirés des
limbes. La très-humble Reine se prosterna et adora
son très-saint Fils, et le Seigneur la releva
lui-même. Et par cette faveur, beaucoup plus grande que celle que demandait la
Madeleine en souhaitant toucher les sacrées plaies de Jésus-Christ (1) , la
Mère Vierge reçut un bienfait extraordinaire qu'elle seule put mériter comme
exempte de la loi du péché. Et quoique ce ne fût pas le plus grand de ceux
dont elle fut favorisée dans cette occasion, elle n'eût pas été capable de le
recevoir si elle n'eut été soutenue par les anges et fortifiée par le Seigneur
lui-même, afin de ne point tomber en défaillance. Ce bienfait consista en ce
que le corps glorieux de Jésus-Christ pénétra celui de sa
très-pure Mère, qui devint tout éclatant, comme si un globe de cristal
renfermait le soleil, qui le remplirait de splendeur et de beauté par sa
lumière. C'est ainsi à peu près que
le corps de l'auguste Marie fut uni à celui de son adorable Fils par le
moyen de cette divine pénétration, qui fut pour elle comme une voie pour
arriver à la connaissance de la gloire de l'âme et du corps du même Seigneur.
Par ces faveurs, comme par autant de degrés de dons ineffables, notre grande
Reine s'éleva à la contemplation des mystères les plus sublimes. Parvenue à
ces hauteurs, elle entendit une voix qui lui disait : Ma bien-aimée, montez
encore, montez plus haut (2). En vertu de cette voix, elle fut
(1) Joan., XX, 17. — (2) Luc., IV, 10.
266
toute
transformée et vit la Divinité dune vue claire et intuitive, dans laquelle
elle trouva le repos et pour quelques moments au moins la récompense de toutes
ses peines. Il faut forcément garder ici le silence, puisque les paroles nous
manquent pour exprimer ce qui se passa à l'égard de la
très-pure Marie dans cette vision béatifique, qui fut la plus haute et
la plus divine de celles dont elle avait été privilégiée jusqu'alors.
Célébrons ce jour avec des cantiques de louanges, avec des transports
d'admiration, avec des congratulations, avec amour et avec d'humbles actions
de grâces de ce qu'elle fut si exaltée, de ce qu'elle nous mérita à nous, et
de ce dont elle jouit elle-même.
1472. Notre auguste
Princesse jouit pendant quelques heures de l'être de Dieu avec son
très-saint Fils, et participa à sa gloire comme
elle avait participé h ses douleurs. Ensuite elle descendit de cette vision
par les mêmes degrés par lesquels elle y était montée; et à la fin de cette
faveur elle fut de nouveau. appuyée sur le bras
gauche de la très-sainte humanité, et, caressée en
une autre manière de lit droite de la Divinité (1). Elle eut de
très-doux entretiens avec son adorable Fils sur
les sublimes mystères de sa Passion et de sa gloire. Et dans ces entretiens
elle fut de nouveau enivrée du vin de lit charité et do l'amour, qu'elle but
sans mesure à sa propre source. Elle reçut abondamment dans cette circonstance
tout ce qui pouvait être accordé à une simple créature, comme
(1) Cant., II, 6.
267
si la
divine équité avait voulu , selon notre manière de concevoir, réparer pour
ainsi dire l'injure (je me sers de cette expression , parce que je ne saurais
mieux m'expliquer) qu'avait reçue une créature si pare et exempte de toute
tache, en souffrant les douleurs et les tourments de la Passion, qui , ainsi
que je l'ai dit plusieurs fois, étaient les mêmes que notre Sauveur
Jésus-Christ endura; et dans ce mystère la joie de la divine Mère répondit aux
peines qu'elle avait souffertes.
1473. Après avoir été
comblée de toutes ces faveurs, elle s'adressa, tout en restant dans un état
très-sublime, aux saints patriarches et aux justes
qui accompagnaient le Sauveur; elle les reconnut tous et parla à chacun selon
son rang, se réjouissant de leur sortie des limbes, et louant le
Tout-Puissant de ce que sa miséricorde libérale
avait opéré en chacun d'eux. Elle s'entretint particulièrement avec ses
parents, saint Joachim et sainte Anne, avec sou époux Joseph et avec saint
Jean-Baptiste. Ensuite elle parla aux patriarches, aux prophètes et à nos
premiers permis Adam et lave. Ils se prosternèrent tous aux pieds de notre
auguste Princesse, et la reconnurent lieur lit Mère du Rédempteur du monde,
pour la cause de leur remède, et la Coadjutrice de leur rédemption; et comme
telle ils voulurent, conformément aux dispositions de la divine Sagesse,
l'honorer d'un digne culte de vénération. Mais la Reine des vertus et la
Maîtresse de l'humilité se prosterna elle-même, et rendit aux saints l'honneur
qui leur était
268
dû, et
le Seigneur le permit, parce que les saints, quoiqu'ils fussent inférieurs en
la grâce, étaient supérieurs en l'état de bienheureux qui leur assurait à
jamais la gloire éternelle , et que la Mère de la grâce, encore voyageuse sur
la terre, n'était point su nombre des compréhenseurs.
Cet, entretien avec les saints Pères se prolongea en présence de notre Sauveur
Jésus-Christ. Et la très-pure Marie convia tous
les anges et tous les saints qui y assistaient, à louer le Triomphateur de la
mort, du péché et de l'enfer, et ils lui chantèrent tous des cantiques
nouveaux, des psaumes et des hymnes de gloire; ensuite le Sauveur ressuscité
fit les autres apparitions que je rapporterai dans le chapitre suivant.
Instruction que la bienheureuse Vierge Marie.
m'a
donnée.
1474. Ma fille,
réjouissez-vous dans la peine où vous êtes, de ce que vous ne sauriez exprimer
par vos faibles paroles ce que vous concevez des ineffables mystères que, vous
venez d'écrire. C'est une victoire que le Très-Haut remporte sur la créature,
et sa divine Majesté trouve sa gloire à entendre cette même créature se
déclarer vaincue par la grandeur de mystères aussi sublimes que ceux-ci ; car
on en pénétrera fort peu tant que l'on vivra dans une chair mortelle.
20
Je
sentis toutes les peines de la Passion de mon très-saint
Fils, et quoique je ne perdisse point la vie, j'expérimentai néanmoins d'une
manière mystérieuse les douleurs de la mort, et à ce genre de mort
correspondit en moi une autre admirable et mystique résurrection à un état
plus élevé de grâce et de célestes opérations. Et. comme
l'être de Dieu est infini, à quelques communications que la créature soit
appelée, il lui en reste toujours davantage à connaître, à aimer, à posséder.
Mais afin que vous puissiez découvrir dès maintenant quelque chose de la
gloire de mon Seigneur Jésus-Christ, de la mienne et de celle des saints, en
vous servant du raisonnement et des notions que vous avez sur les dons du
corps glorieux, je veux vous donner une règle par laquelle vous pourrez passer
à ceux de l'âme. Vous savez déjà que ceux-ci sont : la vision, la
compréhension et la jouissance. Ceux du corps sont ceux que vous avez indiqués
: la clarté, l'impassibilité, la subtilité et l'agilité.
1475. A tous ces dons
correspond une certaine augmentation pour la plus petite action méritoire que
fait celui qui est en état de grâce, quand ce ne serait que remuer une paille
ou donner un verre d'eau pour l'amour de Dieu (1). La créature recevra pour
lit moindre de ces actions, lorsqu'elle sera bienheureuse, une plus grande
clarté que celle de plusieurs soleils. Dans l'impassibilité, elle sera plus à
l'abri de la
(1) Matth., X, 42.
270
corruption
humaine et terrestre que tous les efforts et toutes les précautions des
puissants de la terre ne sauraient les défendre de ce qui peut leur nuire on
altérer leur état. Dans la subtilité elle est au-dessus de tout ce qui peut
lui résister, et elle exerce un nouvel empire sur tout ce qu'elle veut
pénétrer. Enfin dans le doit d'agilité elle obtient pour la moindre 'action
méritoire une plus grande activité pour se mouvoir que celle qu'ont les
oiseaux, les vents et les créatures les plus actives, comme le feu et les
autres éléments pour tendre à leur centre naturel. Par l'augmentation que l'on
mérite dans ces dons du corps , voir comprendrez
celle dont sont susceptibles les dons de l'âme, auxquels les premiers
correspondent et desquels ils dérivent. Car l'on reçoit dans la vision
béatifique, pour le moindre mérite, de plus grandes lumières et une plus
profonde connaissance des attributs et des perfections de Dieu, que toutes les
lumières qu’aient jamais pu avoir, et que toute la connaissance qu'aient
jamais pu acquérir dans la vie mortelle tons les docteurs de l'Église. Il y a
aussi une augmentation dans le don de compréhension à l'objet divin; car de la
certitude inébranlable avec laquelle le juste comprend ce bien infini, résulte
pour lui un sentiment de sécurité et de nouvelle satisfaction plus digne
d'envie que tout ce que les créatures ont de plus précieux, pût-il le posséder
sans crainte de le perdre. Dans le doit de jouissance, qui est le troisième de
l'âme, il est accordé au juste dans le ciel, en récompense de l’amour avec
lequel il fait une minime bonde oeuvre, des
271
degrés
d'amour de jouissance si excellents, que cette augmentation surpasse tout ce
qui est capable d'attirer l'affection et les désirs des hommes dans la vie
passagère; et les délices qu'elle procure sont telles, qu'il n'y a rien dans
le monde qui puisse lui être comparable.
1476. Élevez maintenant
votre esprit, ma fille, et, après avoir apprécié les récompenses si
merveilleuses qui sont réservées à la moindre action faite pour Dieu, jugez
quelle est la récompense des saints qui pour l'amour du Seigneur ont fait les
choses si héroïques et souffert les supplices si cruels que vous raconte
l'histoire de l'Église. Et si cela arrive chez les saints qui sont de simples
mortels sujets à des péchés et à des imperfections qui diminuent le mérite,
considérez avec toute l'attention possible quelle doit être la gloire de mon
très-saint Fils, et vous sentirez combien
l'intelligence humaine est incapable, surtout dans la vie passagère, de
comprendre dignement ce mystère, et de se former une juste idée d'une grandeur
si immense. L'âme très-sainte de mon Seigneur
était substantiellement unie à la Divinité en sa personne divine, et par
l'union hypostatique il fallait que l'océan infini de cette même Divinité lui
fût communiqué, la béatifiant comme celle à qui elle avait communiqué son
propre être de Dieu d'une manière ineffable. Mais si son âme n'a pas acquis
par ses mérites cette gloire qui lui fut donnée dès l'instant de sa conception
dans mon sein en vertu de l'union hypostatique, les oeuvres qu'il fit ensuite
durant l'espace de
272
trente-trois ans, naissant dans la pauvreté, vivant dans les fatigues, aimant,
pratiquant comme voyageur toutes les vertus, prêchant , souffrant, méritant,
rachetant tout le genre humain , établissant l'Église et tout ce que la foi
catholique enseigne; ces oeuvres, dis-je, méritèrent la gloire de son corps
sacré, et cette gloire correspondait à celle de son âme; tout cela est
incompréhensible, magnifique, immense, la manifestation eu est réservée pour
la vie éternelle: Et par rapport à mon adorable Fils, le puissant bras du
Très-Haut opéra de grandes choses en moi, simple créature que j'étais; de
sorte que j'oubliai aussitôt les douleurs que j'avais eues. Il en arriva de
même aux Pères des limbes, et il en arrive encore de même aux autres saints
quand ils reçoivent la récompense. J'oubliai toutes mes afflictions, parce que
la joie inexprimable que je ressentais excluait la peine; mais je ne perdis
jamais le souvenir de ce que mon Fils avait souffert pour le genre humain.
CHAPITRE XXVII. Quelques apparitions de notre Sauveur Jésus-Christ ressuscité
aux Marie et aux apôtres. — Le récit qu'ils en faisaient à notre auguste
Reine, et la prudence avec laquelle elle les écoutait.
1477. Après que notre
Sauveur Jésus ressuscité et glorieux eut visité et rempli de gloire sa
très-sainte Mère, il résolut, comme un père plein
de tendresse et comme un pasteur très-vigilant, de
rassembler les brebis de son troupeau, que le scandale de sa Passion avait
troublées et dispersées. Les saints Pères et tous ceux qu'il avait tirés des
limbes et du purgatoire l'accompagnaient toujours, quoiqu'ils ne se
manifestassent point dans ses apparitions; car il n'y eut que notre auguste
Reine qui les vit, qui les connût, et qui leur parlât pendant les quarante
jours qui se passèrent jusqu'à l'Ascension de son
très-saint Fils. Et lorsqu'il n'apparaissait point à d'autres
personnes, il restait toujours auprès de sa bienheureuse Mère dans le Cénacle,
où elle demeura sans en sortir durant ces quarante jours. Elle y jouissait de
la vue du Rédempteur du monde, et de l'assemblée des prophètes et des saints
qui faisaient compagnie au Roi et à la Reine de l'univers. Quand le Seigneur
294
voulut
se manifester aux apôtres, il commença par les femmes, comme étant non les
plus faibles, mais les plus fortes en la foi et en l’espérance de sa
résurrection ; car ce fut par là qu'elles méritèrent d'obtenir les premières
en faveur de le voir ressuscité.
1478. L'évangéliste saint
Marc fait mention du soin que prirent Marie Madeleine et Marie mère de Joseph
de remarquer où l'on déposait le corps sacré de Jésus dans le sépulcre (1).
Par suite de cette prévoyance, elles sortirent le samedi soir du Cénacle avec
quelques autres saintes femmes pour descendre dans la ville ; elles y
achetèrent des parfums dans le dessein de retourner le jour suivant de grand
matin au sépulcre pour y adorer le très-saint
corps de leur Maître, et l'embaumer de nouveau (2). Or, le dimanche elles
sortirent avant le jour pour exécuter leur pieux dessein, ignorant que le
sépulcre eut été scellé, et qu'on y eût mis des gardes par ordre de Pilate
(3). Dans le trajet, elles se. préoccupaient
uniquement de la difficulté de trouver quelqu'un qui leur ôterait la grande
pierre au moyen de laquelle elles avaient remarqué qu'on avait fermé le
sépulcre; mais l'amour leur persuadait qu'elles surmonteraient cet obstacle,
sans toutefois qu'elles sussent comment il était nuit quand elles sortirent du
Cénacle, et lorsqu'elles arrivèrent au sépulcre , le soleil était déjà levé
(4) , parce qu'il regagna le jour de la
(1) Marc., IV, 47. — (2) Marc., XVI, 2. — (3)Marc.,
XXVII, 65. — (4) Joan., XX, 1; Marc., XVI, 2.
275
résurrection les trois heures pendant lesquelles il s'était couvert de ténèbres, au
moment de la mort de notre Sauveur. Par ce miracle on concilie les récits des
évangélistes saint Marc et saint Jean , qui disent, l'un que les Marie
arrivèrent au sépulcre lorsque le soleil venait de se lever, et l'autre
qu'elles y vinrent avant-le jour : et tout cela est vrai. En effet, elles
sortirent de grand matin avant le point du jour; mais , quoiqu'elles ne se
fussent point arrêtées en route, quand elles arrivèrent le soleil s'était déjà
levé, à cause de la diligence extraordinaire qu'il fit ce jour-là. Le sépulcre
était comme une petite grotte voûtée dont l'ouverture était fermée par une
grande pierre; il y avait au dedans un endroit un peu élevé, et ce fut là que
l'on déposa le corps de notre Sauveur.
1479. Un grand tremblement
de terre se fit sentir un peu avant que les Marie s'entretinssent de la
difficulté qu'elles auraient de faire ôter la pierre, et au même moment un
ange du Seigneur renversa la pierre qui fermait le sépulcre (1). Lés gardes en
furent si saisis de frayeur, qu'ils demeurèrent comme morts (2), quoiqu'ils né
vissent point le Seigneur; car son corps était déjà ressuscité et sorti du
sépulcre avant que l'ange en ôtât la pierre. Les Marie sentirent aussi quelque
crainte, mais elles s'encouragèrent, et le Seigneur les fortifia; elles
s'approchèrent donc, et entrèrent dans le sépulcre. Elles
(1) Matth., XXVIII, 2. — (2) Ibid., 4.
276
virent
près de l'ouverture l'ange qui avait renversé la pierre, et qui était.
assis dessus; il avait le visage brillant comme un
éclair, et son vêtement était blanc comme la neige (1) ; et il leur dit :
Ne craignez point; c'est Jésus de Nazareth que vous cherchez : il n'est pas
ici, parce qu'il est ressuscité. Entrez, et vous verrez le lieu où on l'avait
mis (2). Les Marie entrèrent, et voyant le sépulcre vide, elles furent
toutes désolées, parce qu'elles étaient plus occupées du désir qu'elles
avaient de le voir, que de ce que l'ange leur avait dit. Bientôt elles virent
deux autres anges assis aux côtés du sépulcre, qui leur dirent : Pourquoi
cherchez-vous parmi les morts Celui qui est vivant ? Il n'est point ici, mais
il est ressuscité; souvenez-vous de ce qu'il vous a dit, étant encore en
Galilée : qu'il fallait qu'il fût crucifié, et qu'il ressuscitât trois jours
après (3). Allez promptement en donner la nouvelle à ses disciples et à
Pierre, et dites-leur qu'ils aillent en Galilée, où ils le verront (4).
1480. Par cet avis les
Marie se souvinrent de ce que leur divin Maître avait dit. Et étant assurées
de sa résurrection,, elles partirent aussitôt du
sépulcre pour en donner la nouvelle aux onze apôtres et aux autres disciples
qui avaient suivi le Seigneur ; mais la plupart prirent ce qu'elles leur
disaient pour un vain rêve (5), tant ils étaient ébranlés dans leur foi, tant
ils avaient déjà oublié les paroles de leur
(1) Matth., XXVIII, 8. — (2) Marc., XVI, 6. — (3) Luc., XXIV, 5 et 6. — (4) Marc., XVI, 7. — (5) Luc., XXIV, 11.
277
Rédempteur. Pendant que les Marie, pleines de joie et de crainte, racontaient
aux apôtres ce qu'elles avaient vu, les gardes du sépulcre reprirent leurs
sens (1). Et comme ils le virent ouvert, et que le sacré corps n'y était plus,
ils allèrent avertir les princes des prêtres de ce qui s'était passé, et les
mirent dans un si grand trouble, qu'ils s'assemblèrent immédiatement avec les
anciens du peuple pour délibérer sur le moyen de cacher fine merveille si
éclatante (2). Ils résolurent de donner une grande somme d'argent aux soldats,
afin qu'ils dissent que pendant qu'ils dormaient, les disciples de Jésus
étaient venus enlever son corps du sépulcre (3). Les princes des prêtres les
ayant ainsi gagnés leur dirent de ne rien craindre, et qu'ils les mettraient à
couvert des suites de leur apparente négligence (4) ; c'est pourquoi ils
publièrent cette imposture parmi les Juifs; et il y en eut beaucoup, qui
furent assez stupides pour y ajouter foi;.
d'autres, encore plus obstinés et plus aveuglés,
admettent aujourd'hui même le témoignage de gens qui ont avoué qu'ils
dormaient, tout en prétendant qu'ils ont vu enlever le corps du Sauveur.
1481. Quoique le rapport
des Marie parût du délire aux disciples et aux apôtres, saint Pierre et saint
Jean, souhaitant s'en éclaircir, se rendirent promptement au sépulcre , et les
Marie y retournèrent après eux (5). Saint Jean arriva le premier,
(1) Matth., XXVIIII, 11. — (2) Ibid.,
12. — (3) Ibid., 18. — (4) Ibid., 14. — (5) Joan., XX, 3.
278
et, sans
entrer dans le sépulcre, il vit de l'ouverture les linges à un autre endroit
que celui où l'on avait mis le sacré corps (1), et il attendit que saint
Pierre fût arrivé. Celui-ci entra le premier, saint Jean le suivit, et ils
virent que le corps du Sauveur n'était point dans le sépulcre (2). Saint Jean
dit qu'il crut alors, et c'est qu'il s'affermit dans ce qu'il avait commencé à
croire, lorsqu'il vit la Reine du ciel toute changée ,
comme je l'ai rapporté dans le chapitre précédent. Les deux apôtres s'en
retournèrent, pour annoncer aux autres ce qu'il; avaient vu avec admiration
dans le sépulcre. Les Marie ne s'en éloignèrent point, et elles considéraient
avec étonnement tout ce qui arrivait. La Madeleine, poussée par une plus
grande ferveur et versant beaucoup de larmes, entra de nouveau dans le
sépulcre pour le reconnaître avec plus d'attention. Et quoique les apôtres
n'eussent point vu les anges, la Madeleine les vit, et ils lui dirent :
Femme, pourquoi pleurez-vous ? Marie répondit : C'est parce qu'ils ont
enlevé mon Seigneur, et que je ne sais où ils l'ont mis (3). Ensuite elle
marcha un peu dans le jardin où était le sépulcre, et aussitôt elle vit Jésus
tout auprès d'elle, sans découvrir que ce fût lui. Et sa divine Majesté lui
dit aussi: Femme, pourquoi pleurez-vous ? Elle, croyant que c'était le
jardinier, lui dit sans réflexion et transportée du divin amour : Seigneur,
si c'est vous qui l'avez enlevé, dites-moi où vous l'avez mis, et je
l'emporterai (4).
(1)
Joan., XX, 5. — (2) Ibid.. 6. — (3)
Ibid.,
13. — (4) Ibid., 15.
279
Alors
notre adorable Maître lui dit: Marie (1): Et en la nommant il se fit
connaître par la voix.
1482. Quand la Madeleine
connut que c'était Jésus, elle en fut ravie de joie, et lui dit : Mon
Maître (2) ; et se prosternant à ses pieds, elle voulut les baiser, comme
accoutumée à cette faveur. Mais le Seigneur la prévint, et lui dit : Ne me
touchez pas, car je ne suis pas encore monté cers mon Père ; allez vers mes
frères les Apôtres, et dites-leur que je m’en vais monter vers mon Père et
vers votre Père (3). La Madeleine partit aussitôt toute consolée, toute
joyeuse, et à une petite distance elle rencontra les autres Marie. A peine
avait-elle achevé de leur dire ce qui lui était arrivé, et qu'elle avait vu
Jésus ressuscité, qu'au milieu de leurs transports et de leurs larmes, le
Seigneur leur apparut, et leur dit : La paix soit avec vous (6). Et
quand elles l'eurent reconnu, l'évangéliste saint Matthieu dit qu'elles
l'adorèrent; le Seigneur leur ordonna d'aller trouver les apôtres, et de leur
dire qu'elles l'avaient vu, et qu'ils devaient se rendre en Galilée ; que là
ils le verraient ressuscité, (5). Après cela le Seigneur disparut, et les
Marie s'en retournèrent promptement au Cénacle, et racontèrent aux apôtres
tout ce qu'il leur était arrivé; mais ils avaient toujours de la peiné à le
croire (6). Ensuite elles entrèrent dans la retraite de la Reine du ciel, et
lui firent le récit de ce qui se passait.
(1) Joan., XX, 16. — (2) Ibid. — (3) Ibid.,
17. — (4) Matth., XXVIII, 9. — (5) Ibid.,
10. — (6) Luc., XXIV, 11.
280
Elle
les écouta avec une bonté et une prudence admirable, comme si elle l'eût
ignoré, quoiqu'elle le sût par cette vision intellectuelle en laquelle elle
connaissait toutes ces choses. Et elle prenait occasion de ce que les Marie
lui racontaient, pour les confirmer en la foi des sublimes mystères de
l'Incarnation et de la Rédemption, et des saintes Écritures qui en traitaient.
Mais la très-humble Reine ne leur dit point ce qui
lui était arrivé, quoiqu'elle fait la Maîtresse de ces fidèles et dévotes
disciples, comme le Seigneur était le Maître des apôtres pour les rétablir en
la foi.
1483. Les évangélistes ne
disent point en quel temps le Seigneur apparut à saint Pierre, quoique saint
Luc le suppose (1). Mais ce fut après que lés Marie l'eurent vu ; et il lui
apparut d'une manière plus secrète et en particulier comme au chef de
l'Église, avant de se montrer aux apôtres réunis ou à aucun d'eux, le jour
même de la résurrection, après que les Marie l'eurent assuré qu'elles
l'avaient vu. Ensuite il apparut, comme saint Luc le raconte fort au long (2),
aux deux disciples qui allaient en un bourg nommé Emmaüs, éloigné de Jérusalem
de soixante stades, qui faisaient quatre milles de Palestine, et près de deux
lieues d'Espagne. L'un des deux s'appelait Cléopbas,
et l'autre était saint Luc lui-même ; or, voici ce qui, arriva. Les deux
disciples sortirent de Jérusalem après avoir appris ce que les
(1) Luc., XXIV, 34. — (2) Ibid., 15, etc.
281
Marie
avaient annoncé; chemin faisant, ils
s’entretenaient de tout ce qui s'était passé en la Passion, de la sainteté de
leur Maître, et de la cruauté des Juifs. ils
s'étonnaient que le Tout-Puissant eut permis qu'un
homme si saint et si innocent subit tant de mauvais traitements. L'un disait:
« A-t-on jamais vu une pareille douceur ? » L'autre répliquait : « Est-il
possible de trouver une patience égale à la sienne? Il a toujours
souffert sans se plaindre et sans perdre la majesté et la sérénité de son
visage. Sa doctrine était sainte, sa vie irréprochable, dans ses discours il
ne s'occupait que du salut éternel, et dans ses oeuvres que du bien de tous;
or, quelle raison ont eue les prêtres de lui vouer une haine si implacable? »
L'un disait: « Il a été véritablement admirable en tout; on ne peut pas nier
qu'il ait été un grand Prophète, et qu'il n'ait fait de nombreux miracles; il
a rendu la vue aux aveugles, il a guéri les malades, il a ressuscité les
morts, et il a prodigué de toutes parts les bienfaits : mais il a dit qu’il
ressusciterait le troisième jour qui suivrait sa mort; c'est aujourd'hui, et
nous ne voyons pas le fait s’accomplir. » L'autre répliqua : « Il a dit aussi
qu'on le crucifierait, et cela est arrivé comme il l’a prédit (1). »
1484. Pendant qu'ils
conféraient ensemble de toutes ces choses, Jésus leur apparut en costume de
pèlerin, comme s'il les eût atteints sur la route, et
(1) Matth., XI, 19.
282
leur
demanda (après les avoir salués) : « De quoi vous entreteniez-vous, et
pourquoi êtes-vous tristes (1)? » Alors Cléophas
lui répondit : « Êtes-vous le seul étranger dans Jérusalem qui ne sachiez
point ce qui s'y est passé ces jours derniers? » Le Seigneur lui dit : « Et
qu'y est-il arrivé? » Le disciple répondit a Vous ne savez pas comment on a
traité Jésus de Nazareth, qui a été un prophète puissant en oeuvres et en
paroles? Et comment les princes des prêtres et nos magistrats l'ont condamné à
mort, et l'ont crucifié ?Nous espérions néanmoins
que ce serait lui qui délivrerait Israël en ressuscitant : mais c'est
aujourd'hui le troisième jour après sa mort, et nous ne savons point ce qu'il
est devenu. Il est vrai que quelques femmes de celles qui étaient avec nous
nous ont fort étonnés ; car étant allées avant le jour au sépulcre, et n'ayant
point trouvé le corps de Jésus, elles sont venues dire qu'elles avaient vu
plusieurs anges, qui déclaraient qu'il était ressuscité. Aussitôt quelques-uns
des nôtres ont couru au sépulcre, et ont trouvé que ce que les femmes avaient
dit était exact. Quant à nous, nous nous rendons à Emmaüs pour y attendre la
fin de toutes ces choses extraordinaires. » Alors le Seigneur leur dit :
« Insensés dont le coeur est si lent à croire ce qui a été annoncé par
les prophètes ! Ne fallait-il pas que le Christ souffrit
toutes ces peines et une mort si ignominieuse, et qu'il entrât par cette voie
dans sa gloire? »
(1) Luc., XXIV, 16, etc.
283
1485. Notre divin Maître
leur signala dans les E1'critures les mystères de sa vie et de sa mort pour la
rédemption du genre humain, commençant par la figure de l'agneau que Moïse
ordonna d'immoler et de manger, après avoir teint de son sang le haut (les
portes (1) ; il leur expliqua le sens symbolique (le la mort du grand prêtre
Aaron (2), de la mort de Samson causée par l'excès de sa passion pour son
épouse Dalila (3), et de plusieurs endroits des Psaumes de David (4), où il
prédisait l'assemblée que les Juifs tinrent pour condamner le Seigneur, sa
mort, le partage qu'ils firent entre eux de ses habits, et que son corps ne
serait point sujet ü la corruption; il leur expliqua aussi ce qui est dit au
livre de la Sagesse (5), et ce qu'Isaïe et Jérémie ont exprimé encore plus
clairement de sa Passion, à savoir qu'il serait défiguré comme un lépreux,
qu'il paraîtrait un homme de douleurs, qu'on le mènerait à la mort comme une
brebis qu'on va égorger, et qu'il n'ouvrirait seulement pas la bouche pour se
plaindre (6); puis il passa à ce. que dit Zacharie, qui l'avait vu couvert de
toute sorte de plaies (7), et interpréta divers autres endroits des prophètes
qui s'appliquent d'une manière évidente aux mystères de sa vie et de sa mort.
Par la vertu de ses divines paroles, les disciples reçurent peu à peu la
chaleur de la charité, et la lumière de la foi, qui s'était éclipsée en eux.
Et (1) Exod., XII, 7. — (2) Num., XX, 29. — (3) Jud, XVI, 30. — (4) Ps. XXI, 16 et 19; XV, 10. — (5) Sap., II, 10. — (6) Isa., LIII, 2; Jerem., XI, 19. — (7) Zach., XIII, 6.
284
lorsqu'ils
furent arrivés près du bourg où ils allaient, notre adorable Sauveur feignit
d'aller plus loin; mais ils le prièrent instamment de s’arrêter et de demeurer
avec eux, lui représentant qu'il était déjà fort tard. Il accepta leur offre,
et se mit à table avec eux pour faire la cène, suivant l'usage des Juifs Puis
il prit du pain, le bénit selon sa coutume, le rompit et le leur
présenta , leur donnant avec ce pain béni la
certitude infaillible qu'il était leur Rédempteur et leur Maître.
1486. Ils le reconnurent,
parce qu'il leur ouvrit les yeux de l'âme, et,aussitôt
qu'il les eut éclairés par sa divine lumières il disparut. Pour eux, ravis
d'admiration et transportés de joie, ils se disaient l'un à l'autre :
« N'est-il pas vrai que nous sentions notre coeur briller au dedans.
de nous lorsqu'il nous parlait dans le chemin, et
qu'il nous découvrait les Écritures? Et se levant à l'heure même, ils
partirent, quoiqu'il fût déjà nuit, et retournèrent à Jérusalem (1): Ils
entrèrent dans la maison où les apôtres s'étaient retirés pour éviter les
insultes des Juifs, et ils les trouvèrent avec quelques autres personnes, qui
assuraient que le Seigneur était ressuscité et qu'il était apparu à saint
Pierre. Les deux disciples rapportèrent à leur tour ce qui leur était arrivé
en chemin, et comment Jésus en rompant le pain s'était fait connaître à eux.
Saint Thomas se trouvait alors présent, et quoiqu'il eût entendu les deux
disciples,
(1) Luc., XXIV, 33 285
dont
les paroles étaient confirmées par saint Pierre qui assurait aussi qu'il avait
vu son Maître ressuscité, il s'en tint à ses objections et conserva ses
doutes, sans vouloir ajouter foi au témoignage des trois disciples plus qu'à
celui des saintes femmes. Il sortit avec une espèce de dépit, effet de son
incrédulité, et se retira de la compagnie des autres. Peu d'instants après que
Thomas se fut retiré, le Seigneur entra quoique les portes fussent fermées, et
apparut au milieu de ceux qui étaient assemblés, et leur dit : La paix soit
avec vous; c'est moi, ne craignez pas (1).
1487. Mais le trouble et la
frayeur dont ils étaient saisis leur faisant penser que c'était un esprit
qu'ils voyaient, il leur dit : Pourquoi vous troublez-vous, et pourquoi
toutes ces pensées vous entrent-elles dans l'esprit? Regardez mes mains et mes
pieds, c'est moi-même; touchez-moi, considérez-moi bien, un esprit n'a ni
chair ni os comme vous voyez que j'en ai (2). Alors même les apôtres
restèrent si éperdus de joie et d'admiration, que, tout en voyant et touchant
les mains du Sauveur percées, ils ne parvenaient point encore à croire que ce
fût bien lui qu'ils entendaient et qu'ils touchaient. Le meilleur des Maîtres
leur demanda pour les rassurer davantage : Avez-vous ici quelque chose à
manger (3)? Ils lui présentèrent avec empressement un morceau de poisson
rôti et un rayon de miel, dont il mangea en leur présence, et leur donna ce
qui restait (4). Ensuite il leur dit : Ce que vous voyez
(1) Luc., XXIV, 36. — (2) Ibid., 38. — (3) Ibid., 41. — (4) Ibid., 42.
286
c'est ce que, je vous avais dit lorsque j'étais avec vous qu'il fallait que
tout ce qui est écrit de moi dans la loi de Moïse, dans les Prophètes et dans
les Psaumes, fût accompli
(1). Alors il leur ouvrit l'intelligence, ils le connurent
, et comprirent les Écritures qui parlaient de sa Passion, de sa mort
et de sa résurrection. Et les ayant ainsi éclairés par sa divine lumière, il
leur dit une seconde fois : La paix soit avec vous. Comme mon Père m'a
envoyé, moi je vous envoie (2), afin que vous enseigniez au monde la
vérité et la connaissance de Dieu et de la vie éternelle ,
et que vous prêchiez la pénitence et la rémission des péchés en mon nom.
Ayant dit ces paroles, il souffla sur eux et leur dit : Recevez le
Saint-Esprit. Les péchés seront pardonnés à ceux à qui vous les pardonnerez,
et ils seront retenus à ceux à qui vous les retiendrez (3). Vous
prêcherez parmi toutes les nations, en commençant par Jérusalem (4).
Ensuite le Seigneur disparut, les laissant consolés et affermis dans la foi,
et leur ayant donné, à eux et aux autres prêtres, le pouvoir de pardonner les
péchés.
1488. Tout cela arriva,
comme je l'ai dit, en l'absence de saint Thomas. Mais par, une disposition de
la divine Providence, il retourna bientôt à l'assemblée qu'il avait quittée,
et. les apôtres lui racontèrent tout ce qui leur
était arrivé depuis son départ. Et quoiqu'il les eût trouvés tout changés par
la joie dont venait de les remplir l'apparition du Seigneur, il n'en persista
(1) Luc., XXIV, 44. — (2) Joan., X,
21. — (3) Ibid., 22 et 23. — (4) Luc., XXIV, 47.
287
pas
moins dans son incrédulité, déclarant qu'il ne croirait point ce qu'on lui
disait, s'il ne voyait les marques des clous dans ses mains, et s'il ne
mettait la sienne dans la plaie de son côté (1). L'incrédule Thomas persista
dans cette opiniâtreté jusqu'à ce que huit jours après le Seigneur entra une
autre fois dans la maison , les portes fermées, et
apparut de nouveau au milieu des apôtres, parmi lesquels l'incrédule se
trouvait. Il les salua selon sa coutume, leur disant : La paix soit avec
vous (2). Et s'adressant à Thomas, il le reprit avec une bonté et une
douceur admirable, et lui dit : Approchez-vous, Thomas; mettez ici votre
doigt, et regardez mes mains; portez aussi votre main et mettez-la dans mon
côté, et ne soyez plus incrédule, niais soumis et fidèle (3). Thomas
toucha les sacrées plaies de notre divin Sauveur, et il fut intérieurement
éclairé , de sorte qu'il crut et qu'il reconnut sa
faute. Et se prosternant il lui répondit : Vous êtes mon Seigneur et mon
Dieu (4). Alors Jésus lui dit : Vous croyez, Thomas, parce que vous
voyez; heureux ceux qui n'ont point vu, et qui ont cru (5). Puis il
disparut, laissant les apôtres et Thomas, qui était avec eux, pleins de
lumière et de joie. Ils allèrent aussitôt raconter à la bienheureuse Marie ce
qui était arrivé, comme ils l'avaient fait après la première apparition.
1489. Les apôtres ne
pénétraient point alors la
(1) Joan., XX, 25. — (2) Ibid., 26. — (3) Ibid..
27. — (4) Ibid., 28. — (5) Ibid.,
29.
288
profonde
sagesse de la Reine du ciel, et encore moine la connaissance qu'elle avait de
tout ce qui leur arrivait, et des oeuvres de son
très-saint Fils; c'est pourquoi ils l'informaient de ce qui se passait,
comme si elle l'eût ignoré; et elle les écoutait avec la plus grande prudence
et avec une douceur maternelle. Après la première apparition quelques apôtres
lui parlèrent de l'obstination de Thomas, disant qu'il ne voulait point les
croire, quoiqu'ils assurassent avoir vu leur Maître ressuscité; et comme il
persévéra pendant ces huit jours dans son incrédulité, l'indignation de ces
apôtres contre lui ne fit qu'augmenter. Souvent ils allaient trouver la
bienheureuse Vierge, et accusaient Thomas d'un sot entêtement à peine digne de
l'homme le plus grossier. Notre indulgente Princesse les écoutait sans
émotion, et voyant que les apôtres s'aigrissaient de plus en plus (car ils
étaient encore imparfaits), elle interpella les plus mécontents, et les apaisa
en leur rappelant que les jugements du Seigneur étaient fort cachés, qu'il
tournerait à sa gloire l'incrédulité de Thomas, qu'il en tirerait de grands
biens pour les autres, et qu'il fallait qu'ils en attendissent les effets avec
patience et sans se troubler. Elle fit une fervente prière pour Thomas, et par
son intercession le Seigneur hâta l'application du remède dont cet apôtre
incrédule avait besoin. Après qu'il eut reconnu son adorable Maître, et que
les autres en eurent informé notre auguste Reine, elle prit de là occasion de
les instruire et de les confirmer en la foi; et elle les exhorta à
289
rendre
avec elle des actions de grâces au Très-Haut pour un si grand bienfait, et à
ne point se laisser ébranler par les tentations, puisqu'ils étaient tous
sujets à tomber. Elle leur donna plusieurs autres avis
très-salutaires, et les prépara pour ce qu'il leur restait à faire dans
la nouvelle Église.
1490. Notre Sauveur fit
encore d'autres apparitions et plusieurs autres miracles, comme l'évangéliste
saint Jean l'énonce; mais on n'en a écrit que ce qui était suffisant pour
établir la foi de la résurrection (1). Le même évangéliste rapporte ensuite
que Jésus se manifesta de nouveau à saint Pierre, à Thomas, à
Nathanaël, aux fils de
Zébédée et à deux autres disciples près de la mer de Tibériade (2) ; et
comme cette apparition est fort mystérieuse, j'ai cru ne devoir point
l'omettre dans ce chapitre. Voici comment elle eut lieu. Les apôtres se
rendirent en Galilée après ce qui leur était arrivé dans Jérusalem, parce que
le Seigneur le leur avait ordonné, leur promettant que ce serait là qu'ils le
verraient. Or saint Pierre, se trouvant avec les six autres disciples sur les
bords de cette mer, leur dit qu'il voulait aller pêcher, puisque c'était son
métier, pour tâcher de pourvoir à leurs besoins. Tous se joignirent à lui, et
ils passèrent la nuit entière à jeter leurs filets sans prendre un seul
poisson. Le matin suivant notre Sauveur leur apparut sur le rivage sans
néanmoins se faire connaître. Il était proche de la barque dans laquelle ils
pêchaient, et il leur
(1) Joan., XV, 30 . — (2) Joan., XXI, 1.
290
demandé
: N'avez-vous rien à manger? Ils lui répondirent : Nous n'avons rien
(1). Le Seigneur leur dit : Jetez votre filet du côté droit, et vous
trouverez quelque chose (2). Ils jetèrent leur filet, et ils ne le
pouvaient plus tirer, tant il était rempli de poissons. Alors saint Jean
reconnut Jésus-Christ à ce miracle, et s'adressant à saint Pierre il lui dit :
« C'est le Seigneur (3). » A ces mots saint Pierre le reconnut aussi, et,
emporté par son ardeur ordinaire , il se vêtit
aussitôt de sa tunique et se jeta dans la mer, marchant sur les eaux jusqu'à
l'endroit où se trouvait le Maître de la vie; et les autres disciples y
menèrent leur barque, traînant le filet plein de poissons.
1491. Ils descendirent à
terre, et ils trouvèrent que le Seigneur leur avait déjà préparé à manger, car
ils virent des charbons allumés et un poisson dessus, et du pain (4); mais le
Sauveur leur dit d'apporter quelques poissons de ceux qu'ils venaient de
prendre. Saint Pierre monta dans la barque, et tira le filet ù terre: il
contenait cent cinquante-trois gros poissons, et cette énorme quantité ne
l'avait point déchiré. Le Seigneur leur dit de manger. Et quoiqu'il fût si
familier avec eux, personne n'osa lui demander qui il était; car les miracles
qu'il venait de faire et la majesté qui paraissait cru lui les avaient
pénétrés d'une grande crainte respectueuse. Il s'approcha d'eux, et leur
distribua du pain et du poisson. Après qu'ils eurent mangé il se tourna vers
saint Pierre et lui
(1) Joan., XXI, 5. — (4) Ibid., 6. — (3) Ibid.,7.
— (4) Ibid..
9.
441
demanda
: Simon, fils de Jean, m'aimez-vous plus que ceux-ci?
Saint Pierre lui répondit: Oui, Seigneur, cous savez que je vous aime.
Jésus lui dit : Paissez mes apicaux (1). Il lui demanda de nouveau :
Simon, fils de Jean, m'aimez-vous? Saint Pierre répondit encore : Oui,
Seigneur, vous savez que je vous aime (2). Il lui demanda pour la
troisième fois : Simon, fils de Jean m'aimez-vous? Saint Pierre fut
contrasté de ce qu'il lui demandait pour la troisième fois, m'aimez-vous? Il
il lui répondit : Seigneur, rien ne vous est
caché,vcous savez que
je vous aime. Notre Sauveur Jésus-Christ lui dit une troisième fois :
Paissez mes brebis (3). Il l'établit ainsi seul chef de son Église
universelle et unique, lui donnant comme à son vicaire la suprême autorité sur
tous les hommes. Et c'est pour cela qu'il lui demanda si souvent s'il
l'aimait, comme si ce seul amour l'eût rendu capable de la dignité souveraine,
et eût suffi pour l'exercer dignement.
1492. Ensuite le Seigneur
fit connaître à saint Pierre les devoirs de la charge qu'il lui confiait, et
lui dit : En vérité, je vous assure que lorsque vous étiez jeune, vous vous
ceigniez vous-même, et vous allies oit vous vouliez ; mais quand vous serez
vieux; vous étendrez vos bras, et un autre vous ceindra et vous mènera où
vous ne voudrez pas aller (4). Saint Pierre comprit que le Sauveur
lui prédisait la mort de la croix en laquelle il l'imiterait. Et comme il
aimait beaucoup saint Jean, il souhaita savoir ce qu'il de
(1) Joan., XXI, 15. — (2) Ibid., 16. —(3)
Ibid., 17. — (4) Ibid.,18.
292
viendrait;
c'est pourquoi il demanda au Seigneur : Que ferez-vous de celui-ci que vous
aimez tant (1)? Le Seigneur lui répondit : Que vous importe de le
savoir? Si je veux qu'il demeure ainsi jusqu'à ce que je vienne une seconde
fois au monde, cela ne dépendra que de moi. Mais vous, suivez-moi, et ne vous
mettez pas en peine de ce que j'en veux faire (2). De là vint que le bruit
courut parmi les apôtres que saint Jean ne mourrait point (3). Mais
l'évangéliste lui-même fait remarquer que Jésus- Christ ne dit pas d'une
manière positive qu'il ne mourrait point, et cela résulte des dernières
paroles qu'il adressa à saint Pierre; il semble plutôt que le Seigneur eût
l'intention de cuber ce qu'il voulait décider quant à la mort de
l'évangéliste, et de s'en réserver alors le secret. La bienheureuse Marie eut
une claire connaissance de tousses mystères et de toutes ces apparitions par
la révélation dont j'ai parlé en plusieurs endroits. Et comme la dépositaire
des ouvres et des mystères du Seigneur en l'Église, elle les repassait souvent
dans son esprit. Les apôtres, et surtout son nouveau fils saint Jean,
l'informaient de tout ce qui leur arrivait. Cette auguste Princesse demeura
dans sa retraite pendant les quarante jours qui s'écoulèrent depuis la
résurrection; et elle y jouissait de la vue de son
très-saint Fils, de celle des saints et des anges, et ceux-ci
répétaient les cantiques de louanges que cette divine Mère faisait, et les
recueillait pour ainsi dire sur ses
(1) Joan., XXI, 21. — (2) Ibid., 22. — (3) Ibid., 23.
293
lèvres
pour exalter la gloire du Seigneur des. victoires
et des armées.
Instruction que j'ai reçue de notre auguste Reine.
1493. Ma fille,
d'instruction que je vous donne dans ce chapitre servira aussi de réponse à la
question, que. vous désireriez me faire pour savoir
pourquoi mon très-saint Fils apparut une fois en
pèlerin et une autre fois en jardinier, et pourquoi il ne se faisait pas
toujours connaître aussitôt qu'il se manifestait. Sachez, ma
très-chère fille, qu'encore que les Marie et les
apôtres fussent disciples du Seigneur, et comparativement beaucoup plus
parfaits que tous les autres hommes du monde, ils n'étaient pourtant que des
enfants en sainteté, bien loin du degré de perfection auquel ils auraient dû
arriver à l'école d'un tel Maître. Ils chancelaient souvent dans leur foi, et
dans les autres vertus ils n'avaient pas toute la ferveur que demandaient leur
vocation et les bienfaits qu'ils recevaient du Seigneur; orles plus petites
fautes que commettent les âmes que Dieu choisit pour les favoriser de ses
entretiens les plus familiers, pèsent plus dans les balances de sa
très-juste équité que plusieurs lourdes fautes des
autres âmes qui ne sont point appelées à cette grâce. C'est pour cette raison
que les Marie et les apôtres, quoiqu'ils fussent dans l'amitié du
294
Seigneur, n'étaient pas assez bien disposés, à canne de leurs infidélités et
de leur tiédeur, pour sentir aussitôt les effets célestes de la présence de
leur divin Maître. Mais avant de se faire connaître à eux, il leur adressait
avec un amour paternel des paroles vivifiantes, par lesquelles il les
disposait à recevoir,ses lumières et ses faveurs.
Quand une fois il avait renouvelé leur foi et leur amour, il se faisait
connaître , il leur communiquait l'abondance de sa
divinité, qu'ils sentaient, et les comblait des dons les plus admirables au
moyen desquels ils s'élevaient au-dessus d'eux-mêmes. Et lorsqu'ils
commençaient à jouir des délices de se présence, il disparaissait, afin de
leur faire désirer et solliciter avec une nouvelle ardeur ses communications
et ses doux entretiens. Voilà, ma fille, les raisons pour lesquelles le
Seigneur ne se fit point connaître d'abord qu'il apparat à la Madeleine, aux
apôtres et aux disciples qui allaient à Emmaüs. Et il agit à peu près de même
envers beaucoup d'Amer qu'il choisit pour leur offrir le commerce le plus
intime.
1494. Cet ordre admirable
de la divine Providence vous montrera combien vous devez vous reprocher
l'incrédulité dans laquelle vous êtes tombée si souvent à l'égard des faveurs
que vous recevez de la clémence de mon très-saint
Fils; car il est temps que vous modériez les craintes auxquelles vous vous
êtes toujours laissée aller, afin que vous ne passiez point de l'humilité à
l’ingratitude et du doute à l'obstination et à la dureté de cœur en ne croyant
pas que ces faveurs
295
viennent
de lui. Vous trouverez aussi une instruction salutaire dans des réflexions
sérieuses sur la promptitude avec laquelle le Très-Haut se plaît, par sa
charité infinie , à répondre à ceux qui sont
humbles et dont le coeur est affligé (1), et à soulager ceux qui le cherchent
avec amour (2) , qui méditent sur ses mystères et qui s'entretiennent de sa
Passion et de sa mort. Vous connaîtrez les effets de cette charité par
l'exemple de Pierre, de la Madeleine et des deux disciples. Imitez donc, ma
fille, la Madeleine dans la ferveur avec laquelle elle cherchait son Maître,
sans s'arrêter même avec les anges, sans s'éloigner du sépulcre comme tous les
autres, et sans prendre un instant de repos jusqu'à ce qu'elle l'eût trouvé.
Cette grâce lui fut aussi accordée en récompense de ce qu'elle m'avait
accompagnée avec le plus tendre dévouement durant tout le temps de la Passion.
Les autres Marie montrèrent le même zèle, et par là elles méritèrent d'être
les premières à voir le Sauveur ressuscité. Après qu'elles eurent obtenu cette
faveur, l'humilité de saint Pierre et la douleur avec laquelle il pleura son
reniement (3), portèrent le Seigneur à le consoler et à ordonner aux Marie de
lui annoncer particulièrement la nouvelle de sa résurrection (4): Et peu de
temps après il le visita, le confirma en la foi et le remplit de joie et des
dons de sa grâce. Quant aux deux disciples, il leur apparut ensuite malgré
leurs
(1) Ps.
XXXIII, 18. — (2) Sap., VI, 13. — (3) Matth.,
XXVI, 75. — (4) Marc., XVI, 7.
296
doutes,
avant de se manifester aux autres, parce qu'ils s'entretenaient avec
compassion de sa mort et de ses souffrances. Par là, ma fille, vous devez être
persuadée que les hommes ne font aucune bonne oeuvre avec une intention
droite, qu'ils n'en reçoivent comme au comptant une grande récompense; car ni
le feu le plus ardent ne consume aussi vite la matière la, plus inflammable,
ni la pierre que rien ne retient ne tombe aussi rapidement pour arriver à son
centre, ni les vagues de la mer ne s'élancent avec autant d'impétuosité , que
la bonté du Très-Haut ne le porte à communiquer sa grâce aux âmes,
lorsqu'elles se disposent à cette communication en ôtant l'obstacle des
péchés, qui arrête en quelque façon avec violente les effusions du divin
amour. Cette vérité est une des choses qui excitent le plus vivement
l'admiration des bienheureux qui la connaissent dans le ciel. Louez le
Seigneur de cette bonté infinie, et de ce que par elle il tire de grands biens
des maux qui arrivent, comme il le fit de l'incrédulité des apôtres, dont il
se servit pour découvrir à leur égard l’attribut de sa miséricorde, pont
établir d'une manière plus incontestable le mystère de sa résurrection , et
pour donner une preuve éclatante de la rémissibilité des péchés et de sa
clémence eu pardonnant aux apôtres, en oubliant en quelque sorte leurs fautes
pour les chercher et pour leur apparaître; enfin eu se familiarisant avec eux
comme un véritable Père, qui se plaisait à les éclairer et à proportionner ses
instructions à leur ignorance et à leur peu de foi.
297
CHAPITRE XXVIII. Quelques profonds mystères qui arrivèrent à la bienheureuse
Marie après la résurrection du Seigneur. — Elle reçoit le titre de Mère et de
Reine de l'Église. — Apparition de Jésus-Christ un peu avant son ascension.
1495. L'abondance et la
sublimité des mystères m'ont rendue pauvre de paroles dans tout le cours de
cette histoire. L'entendement y découvre de grandes choses parla divine
lumière, maison n'en peut déclarer' que fort peu : et cette difficulté m'a
toujours causé beaucoup de peine, car l'intelligence est féconde et la parole
stérile; de sorte que l'expression ne répond pas aux idées que je conçois, les
termes dont je me sers me tiennent toujours dans la crainte, et je suis
très-peu satisfaite de ce que je dis, parce que
tout me parait insignifiant, et que je suis condamnée à laisser entre la
pensée et l'expression une grande lacune que je ne saurais remplir. Je me
trouve maintenant dans la même peine pour exposer les sublimes mystères qui se
passèrent à l'égard de la bienheureuse Marie depuis la résurrection de son
adorable Fils jusqu'à son ascension. Après la Passion et la
résurrection , le
Tout-Puissant la mit dans un nouvel état beaucoup plus
298
élevé;
les opérations étaient plus cachées, les faveurs étaient proportionnées à son
éminente sainteté et à la volonté secrète de Celui qui les faisait; car cette
même volonté était la règle sur laquelle il les mesurait. Que si je devais
écrire tout ce qui m'a été manifesté, il faudrait singulièrement allonger
cette histoire et multiplier les volumes. On pourra découvrir au moins une
partie de ces divins mystères pour la gloire de cette auguste Reine par ce que
j'en dirai.
1496. J'ai dit au
commencement du chapitre précédent que le Seigneur passa avec sa
très-sainte Mère dans le Cénacle les quarante
jours qui suivirent sa résurrection, excepté lorsqu'il s'en absentait pour
apparaître à quelques personnes, et dans ce cas il y retournait aussitôt. Il
n'est pas possible de concevoir les grandes choses que tirent alors le Roi et
la Reine (le l'univers. Ce qu'il m'a été donné d'en connaître est ineffable,
car ils se livrèrent souvent à de délicieux entretiens pleins d'une sagesse
céleste, qui causaient à la divine Mère nue joie particulière, inférieure sans
doute à celle de la vision béatifique, mais surpassant toutes les consolations
imaginables. D'autres fois cette grande Reine, les patriarches et les saints
qui s'y trouvaient clans leur état de glorification ,
s'occupaient à louer le Très-Haut. Elle connut toutes les oeuvres et les
mérites de ces mêmes saints, les bienfaits que chacun d'eux avait reçus de la
droite, du Tout-Puissant, tous les mystères,
toutes les ligures et toutes les prophéties du temps des anciens
299
Pères
qui avaient précédé l'avènement du Messie. Et tout cela était plus présent à
sa mémoire qu'à nous autres catholiques l'Ave Maria. Notre.
très-prudente Dame
considéra les grands motifs que tous ces saints avaient de bénir l'auteur de
tous les biens , et quoiqu'ils ne cessassent de le bénir comme tous les justes
glorifiés par la vision béatifique, elle leur dit, dans les entretiens qu'elle
avait alors avec eux, qu'elle voulait qu'ils exaltassent avec elle le Seigneur
pour toutes les faveurs dont elle savait qu'ils avaient été comblés par sa
main libérale.
1497. Toute cette auguste
assemblée des saints condescendit à la volonté de leur Reine, et ils
commencèrent avec ordre ce divin exercice; de sorte qu'ils faisaient tous un
choeur où chacun des bienheureux disait un verset, et où la Mère de la Sagesse
leur répondait par un autre. Pendant qu'ils continuaient alternativement es
doux cantiques, il arrivait que la bienheureuse Vierge disait à elle seule
autant de louanges que tous les saints et que tous les anges ensemble; car
ceux-ci faisaient aussi leur partie dans ces cantiques nouveaux, qui leur
paraissaient aussi admirables qu'aux autres bienheureux, parce que notre
auguste Princesse, par la sagesse et le zèle qu'elle témoignait dans une chair
mortelle, surpassait, tous ceux qui n'étaient point du nombre des mortels et
qui jouissaient de la vision béatifique. Tout ce que
la-très-pure Marie fit pendant ces quarante jours est au-dessus de ce
que les hommes peuvent concevoir. Mais ses hautes pensées et les motifs de son
incomparable prudence
300
furent
dignes de son très-fidèle amour; car, sachant que
son très-saint Fils s'arrêtait dans le monde
surtout pour elle, afin de l'assister et de la consoler, elle résolut de
répondre à son divin amour autant qu'il lui était possible. C'est pour cela
quelle ordonna que les mêmes saints rendissent à notre adorable Sauveur sur la
terre les continuelles louanges qu'ils lui auraient rendues dans le ciel. Et
concourant lices louanges de son Fils, elle les éleva su plus haut degré, et
fit un ciel du Cénacle.
1498. Elle employa la plus
grande partie de ces quarante jours dans ces exercices, et l'on y fit plus de
cantiques et d'hymnes que tous les saints et les prophètes ne nous en ont
laissé. Quelquefois on s'y servait des psaumes de David et des prophéties de
l’Écriture, en les paraphrasant et en découvrant les profonds mystères qui s'y
trouvent renfermés; et les saints Pères qui les avaient annoncées
s'adressaient d'une manière plus particulière à la bienheureuse Vierge,
reconnaissant les faveurs qu'ils avaient reçues de la divine, droite lorsque
tant de sublimes secrets leur avaient été révélés. d.a joie que ressentait
notre auguste Reine lorsqu'elle répondait à sa
très-sainte mère. et à son père saint Joachim , à saint Joseph, à saint
Jean-Baptiste et aux grands patriarches, est inexprimable, et il est certain
qu'on ne peut imaginer an état plus semblable à la jouissance, béatifique de
pieu que celui dans lequel elle se trouvait alors. Une autre grande merveille
eut lieu en ce temps-là, ce fut que toutes les âmes des justes qui moururent
en grâce
301
pendant
ces quarante jours, venaient toutes au Cénacle, et celles qui n'avaient rien à
expier y étaient béatifiées. Mais celles qui auraient dû aller en purgatoire y
demeuraient sans voir le Seigneur, les unes trois jours, les autres cinq, et
les autres plus ou moins de temps. Et alors la Mère de miséricorde
satisfaisait pour elles par des génuflexions, des prosternations ou par
quelque oeuvre pénible, et surtout par la très-ardente
charité avec laquelle elle priait pour elles, et leur appliquait les mérites
infinis de son Fils pour acquitter leurs dettes; et par ce secours elle leur
abrégeait le temps, et les délivrait de la peine qu'elles souffraient de ne
pas voir le Seigneur (car elles n'avaient point celle du sens), et aussitôt
elles étaient béatifiées et reçues dans l'assemblée des saints. Et notre
très-douce Princesse faisait d'autres cantiques
très-sublimes au Seigneur pour chaque nouvelle âme
qui y entrait.
1499. Parmi tous ces
exercices et toutes ces consolations ineffables, la bienheureuse Vierge
n'oubliait point la misère et la pauvreté des enfants d'Ève, qui étaient alors
de la gloire et en danger de la perdre; mais, considérant comme une Mère
charitable l'état des mortels, elle fit pour tous la plus fervente prière.
Elle pria le l'ère éternel de propager la nouvelle loi de grâce partout le
monde, de multiplier les enfants de l'Église, de la protéger et de rendre le
prix de la rédemption efficace pour tous. Et quoiqu'elle subordonnât, pour ce
qui en regardait l’effet, cette prière aux décrets éternels de la sagesse et
de la volonté divines,
302
la
très-miséricordieuse Mère embrassait tous les
mortels dans son affection, et par ses désirs elle étendait sur tous le fruit
de la rédemption et le bienfait de la vie éternelle. Outre cette prière
générale, elle en fit une -particulière pour les apôtres, et surtout pour
saint Jean et pour saint Pierre , parce qu'elle
reconnaissait fui pour son fils, et l'autre pour le chef de l'Église. Elle
pria aussi pour la Madeleine, pour les Marie, pour tous les autres fidèles qui
appartenaient alors à l'Église, et pour l'exaltation de la foi et du nom de
son très-saint Fils Jésus-Christ.
1500. Quelques jours avant
l'ascension du Seigneur, sa très-sainte Mère étant
dans le Cénacle occupée à un de ces exercices, le Père éternel, et le
Saint-Esprit y apparurent sur un trône d'une splendeur ineffable, au-dessus
des choeurs des anges et des saints qui s'y trouvaient, et des autres esprits
célestes qui accompagnèrent les personnes divines. Ensuite celle du Verbe
incarné monta sur le trône où étaient les deux autres. Et l'humble Mère du
Très-Haut s'étant retirée dans un coin, se prosterna et adora la
très-sainte trinité, et en elle son propre Fils
incarné. Le Père éternel ordonna à deux anges de la plus haute hiérarchie
d'appeler la très-pure Marie, et ils obéirent à
l'instant. ils s'approchèrent d'elle, et lui
annoncèrent d'une voix très-douce la volonté
divine. Elle se releva avec une profonde humilité et une crainte respectueuse,
et accompagnée des anges elle s'approcha du trône, au pied duquel elle se
prosterna de nouveau. Le Père éternel lui dit : Ma
bien-aîmée,
303
montez plus haut
(1), et ces paroles opérant ce qu'elles signifiaient, elle fut placée par la
vertu divine sur le trône des trois divines personnes. Ce fut un nouveau sujet
d'admiration pour les saints, de voir une simple créature élevée à une dignité
si éminente. Et connaissant l'équité et la sainteté des couvres du Très-Haut,
ils lui donnèrent de nouvelles louanges et le reconnurent pour grand, pour
juste, pour puissant, pour saint et pour admirable en tous ses conseils.
1501. Le Père éternel
s'adressa à la bienheureuse Marie, et lui dit : « Ma Fille, je vous confie et
vous recommande l'Église que mon Fils unique a fondée, la nouvelle
loi de grâce qu'il a enseignée dans le monde, et le peuple qu'il a
racheté. » Le Saint-Esprit lui dit à son tour : « Mon Épouse, choisie entre
toutes les créatures, je vous communique ma sa gesse et ma grâce, et je mets
en dépôt dans votre coeur les mystères, les oeuvres, la doctrine et
toutes les autres merveilles que le Verbe incarné a opérées
dans le monde. » Le Fils s'adressant aussi à elle, lui dit : « Ma Mère
bien-aimée, je m'en vais à mon Père, je vous laisse en ma place, et je
vous recommande mon Église, ses enfants et mes
frères , comme mon Père me les a recommandés. » Puis les trois
personnes divines s'adressèrent aux chœurs des anges et des saints, et leur
dirent : « Voici la Reine de tout ce qui est créé dans le ciel et sur la
terre, voici la Pro tectrice de l'Église, la Maîtresse des créatures, le
(4) Luc., XIV, 10.
304
Mère
de la charité, l'Avocate des fidèles et des pécheurs, la Mère du bel amour et
de l'espérance sainte (1); elle est puissante pour attirer notre clémence et
notre miséricorde. Nous l'avons faite la dépositaire des trésors de notre
grâce, et avons a gravé notre loi dans son cœur
très-fidèle. Flle a renferme les mystères
que notre toute-puissance a opérés pour le salut du genre humain. C'est le
chef-d'oeuvre de nos mains, où la plénitude de notre volonté se communique et
reposé sans aucun n obstacle qui arrête le torrent de nos perfections a
divines. Celui qui l'invoquera du fond du coeur ne périra point, et celui pour
qui elle intercèdera acquerra la vie éternelle. Nous lui accorderons ce a
qu'elle nous demandera, nous accomplirons toujours ses désirs et exaucerons
ses prières, parce qu'elle s'est entièrement consacrée à notre bon a plaisir.
» L'auguste Vierge s'humilia à l'énumération de ces faveurs ineffables, et
plus la droite du Très-Haut l'élevait au-dessus de toutes les créatures
humaines et angéliques, plus elle s'abaissait; et adorant le Seigneur, elle
s'offrait, comme si elle eût été la dernière de toutes, à travailler dans la
sainte Église avec tout le zèle d'une fidèle servante, et à exécuter avec
promptitude tout ce que la divine volonté lui ordonnait. Elle accepta de
nouveau le soin de l'Église évangélique, comme une mère pleine de tendresse
pour tous ses enfants; et elle réitéra dès cette heure les
(1) Eccles., XXIV, 24.
305
prières
qu'elle avait faites pour eus jusqu'alors, de sorte qu'elle les continua avec
beaucoup de ferveur pendant toute sa vie, comme nous le verrons dans la
troisième partie de cette histoire, où l'on connaîtra plus clairement ce que
l'Église doit à cette grande Reine , et les bienfaits qu'elle lui mérita et
lui obtint. Par toutes ces faveurs et par celles que je marquerai dans la
suite, elle eut une espèce de participation de l'être de son adorable Fils,
que je ne saurais exprimer, car ce divin Seigneur lui donna une communication
de ses attributs et de ses perfections qui correspondait su ministère de Mère
et de Maîtresse de l'Église, en la place de Jésus-Christ lui-même; et par
cette communication elle fut élevée à un être tout nouveau de science et de
pouvoir: ainsi rien ne lui fut caché, soit dans les mystères divins soit dans
les coeurs des hommes. Elle sut en quel temps et comment elle devait user de
la puissance divine à laquelle elle participait à l'égard des hommes, des
démons et de toutes les créatures; en un mot, notre grande Reine reçut
dignement et avec plénitude tout ce qu'une simple créature était capable de
recevoir. Saint Jean eut quelque intelligence de ces mystères, et elle lui fut
accordée afin qu'il connût et estimât au degré convenable le trésor qui lui
avait été confié, et dès ce jour-là il prit un nouveau soin de révérer et de
servir la Maîtresse de l'univers.
1502. Le Très-Haut fit
d'autres faveurs merveilleuses à la bienheureuse Marie pendant l'espace dé ces
quarante jours, sans en laisser passer aucun qu'il
306
ne
déployât pour elle sa toute-puissance par quelque bienfait singulier, comme se
plaisant à l'enrichir de plus en plus avant de partir pour le ciel. Or, comme
le temps déterminé par la divine Sagesse allait être accompli, auquel le
Seigneur devait s'en retourner à son Père éternel, alors qu'il avait, comme le
dit saint Luc (1), établi le mystère de sa résurrection par diverses
apparitions et par les preuves les plus éclatantes, il résolut de se
manifester de nouveau à toute l'assemblée, où les apôtres, les disciples et
les femmes dévotes se trouvaient au nombre de six-vingts
personnes. Cette apparition eut lieu dans le Cénacle le jour mémé de
l'Ascension , après celle dont saint Marc fait
mention dans le dernier chapitre de sou Évangile (2). Car après que les
apôtres furent allés en Galilée par ordre du Seigneur (3), et qu'ils l'y
eurent vu près de la mer de Tibériade (4), comme je l'ai rapporté, et sur la
montagne où saint Matthieu dit qu'ils l'adorèrent (5), et où cinq cents
disciples le virent, suivant le témoignage de saint Paul (6); après, dis-je,
ces apparitions, ils s'en retournèrent à Jérusalem, le Seigneur le disposant
de la sorte afin qu'ils se trouvassent présents à son admirable ascension. Et
les onze apôtres étant à table, le Seigneur entra, comme le racontent saint
Marc dans son Évangile (7), et saint Luc dans les Actes des
(1) Act., I, 3. — (2) Marc., XVI, 14. — (3) Matth., XXVIII, 10. — (4) Joan., XXI, 1. — (5) Matth., XXVIII, 17. — (6) I Cor., XV, 6. (7) Marc., XVI, 14.
307
Apôtres (1), et il mangea avec eux avec une bonté et une familiarité
paternelle, tempérant les splendeurs de sa gloire afin de se laisser voir à
tous. Et après qu'ils eurent achevé de manger, il leur dit avec un sérieux
plein de majesté et de douceur
1503. « Sachez, mes
disciples, que mon Père éternel m'a donné toute puissance dans le ciel et sur
la terre (2); et je veux vous la communiquer, afin que vous étendiez ma
nouvelle Église par tout le monde. Vous avez été incrédules, et n'avez ajouté
foi à ma résurrection qu'avec beaucoup de peine ; mais il est temps que, comme
mes fidèles disciples, vous instruisiez tous les hommes, et que vous leur
prêchiez la foi et mon Évangile comme je vous l'ai enseigné. Vous baptiserez
ceux qui croiront, et vous leur confèrerez le baptême au nom du Père, et du
Fils (qui n'est autre que moi), et du Saint-Esprit (3). Celui qui croira et
qui sera baptisé sera sauvé ; mais celui qui ne croira pas sera condamné (4).
Enseignez aux fidèles à garder ma sainte loi. Elle sera confirmée par
plusieurs miracles; car ceux qui croiront chasseront les démons en mon nom ;
ils parleront des langues qui leur étaient inconnues (5) ; ils guériront les
morsures des serpents ; et s'ils boivent du poison, il ne leur nuira pas, et
en imposant les mains sur les malades, ils leur rendront la santé (6). »
Ce
furent
(1) Act., I, 4. — (2) Matth., XXVIII, 18. — (3)
Ibid., 10. — (4) Marc., XVI, 16. — (5) Ibid., 17. — (6) Ibid.,
18.
308
les
merveilles que notre Sauveur Jésus-Christ promit pour établir son Église par
la prédication de l'Évangile ; elles ont été toutes accomplies dans les
apôtres et dans les fidèles de la primitive Église. Et le Seigneur continue
les mêmes miracles, lorsqu'il le juge nécessaire, pour propager l'Évangile
dans les parties du monde où il n'a pas été reçu, et pour conserver sa sainte
Église dans les contrées où elle est établie; car il n'abandonnera jamais sa
très-chère épouse.
1504. Ce même jour, par une
disposition divine, pendant que le Seigneur était avec les onze apôtres,
plusieurs autres fidèles et quelques saintes femmes s'assemblèrent dans la
maison du Cénacle jusqu'au nombre de six-vingts,
ainsi qu'on l'a vu plus haut car notre divin Maître avait résolu que toutes
ces personnes fussent témoins de son ascension. Il voulut d'abord les
instruire de ce qu'il convenait qu'ils apprissent avant qu'il montât au ciel,
et faire en même temps ses adieux à toute l'assemblée. Or ils étaient tous
réunis en paix et en charité dans la salle où la Cène avait été célébrée,
quand l'Auteur de la vie leur apparut, et leur dit avec une douceur et une
tendresse véritablement paternelle :
1505.«
Mes.très-chers enfants, je m'en vais monter vers
mon Père, du sein duquel je suis descendu pour sauver et racheter les
hommes. Je vous laisse en ma place ma Mère, qui sera votre Protectrice, votre
Avocate, votre Consolatrice et votre Mère vous l'écouterez et lui
obéirez en tout. Et comme je vous ai dit que qui me verra aussi mon
309
Père,
et que celui qui me connaît le connaîtra aussi (1) , je vous assure maintenant
que celui qui connaîtra ma Mère me connaîtra aussi; que celui qui
l'écoute m'écoute; que celui qui lui obéira m'obéira; que celui qui
l'offensera m'offensera ; et que celui qui l'honorera m'honorera aussi. Vous
la reconnaîtrez tous pour votre Mère et pour votre Supérieure; et vos
successeurs en feront de même. Elle résoudra toutes vos difficultés, et vous
me trouverez en elle toutes les fois que vous me chercherez : car j'y
demeurerai jusqu'à la fin du monde, et je m'y trouve maintenant, mais d'une
manière qui vous est cachée. » Le Seigneur parla de la sorte parce qu'il était
dans le sein de sa Mère sous les espèces sacrées qu'elle reçut su moment de la
Cène; car elles s'y conservèrent sans aucune altération jusqu'à la première
messe que l'on célébra ensuite, comme je le dirai plus loin, et ce fut ainsi
que notre adorable Sauveur accomplit ce que saint Matthieu rapporte qu'il leur
dit dans cette occasion : « Je suis avec vous jusqu'à la fin des siècles
(2). » Le Seigneur ajouta : « Vous
reconnaîtrez Pierre pour le chef suprême de mon Église, en laquelle je
le laisse pour mon Vicaire; et vous lui obéirez comme en étant le souverain
Pontife. Vous considérerez Jean comme le fils de ma Mère; car je le lui
ai recommandé en cette qualité du haut de la croix (3). » Le Sauveur regardait
sa très-sainte Mère, qui se
(1) Joan., XIV, 9. — (2) Matth., XXVIII, 20. — (3) Joan., XIX, 26.
310
trouvait présente, et lui découvrait secrètement le dessein qu'il avait, de
prescrire à toute cette assemblée de l'adorer par le culte qui était dû à sa
dignité de Mère, et de laisser à cet égard un commandement spécial à l'Église.
Mais la très-humble Dame supplia son Fils de ne
lui décerner que l'honneur qui était absolument nécessaire pour exécuter tout
ce dont il l'avait chargée, et de ne point permettre que les nouveaux enfants
de l'Église lui rendissent une plus grande vénération que celle qu'ils lui
avaient rendue jusqu'alors afin
que le culte sacré s'adressât entièrement et directement au Seigneur lui-même,
et servît à la propagation de l'Évangile et à l'exaltation de son saint Nom.
Notre Rédempteur Jésus-Christ exauça cette très-prudente
prière de sa Mère, tout en se réservant de la faire mieux connaître en temps
convenable; et en la comblant secrètement des faveurs les plus
extraordinaires, comme nous le verrons dans la suite de cette histoire.
1506. La tendre exhortation
que notre divin Maître fit à cette sainte assemblée, les mystères qu'il lui
découvrit, les adieux qu'il lui adressa, produisirent des effets admirables en
tous ceux qui y assistaient : car ils furent tout enflammés du divin amour par
la foi vive qu'ils eurent aux mystères de sa Divinité et de son humanité. Ils
pleuraient amoureusement, et poussaient des soupirs du fond de leur cœur su
souvenir de sa doctrine, de ses paroles vivifiantes, de sa douce conversation,
et à la pensée qu'ils allaient être bientôt privés de tant de biens. Ils
311
auraient
bien voulu le retenir, mais cela n'était ni possible, ni convenable. Ils
auraient voulu lui faire leurs derniers adieux , et
ils ne pouvaient s'y résoudre. Partagés entre la joie et la tristesse, ils
sentaient dans leur coeur mille mouvements contraires. Comment, disaient-ils,
pourrons-nous vivre sans un tel Maître ? Qui nous instruira et nous consolera
comme lui ? Qui nous accueillera avec tant de douceur? Qui sera notre Père et
notre protecteur? Nous serons orphelins dans le monde. Quelques-uns rompirent
le silence, et dirent au Sauveur : « O notre
très-aimable Père, ô vie de nos aines! Quoi ! main
tenant que nous. vous connaissons pour notre
Restaurateur, vous nous quittez ! Emmenez-nous, Seigneur, avec vous; ne
nous privez point de votre vue. O notre douce espérance, que ferons-nous
sans vous? Où irons-nous si vous nous abandonnez? Quel chemin prendrons-nous
si nous ne vous suivons comme notre Père, notre Chef et notre Maître ? » A
toutes ces amoureuses plaintes des fidèles, le Seigneur leur répondit de ne
point s'éloigner de Jérusalem, et de persévérer dans la prière jusqu'à ce
qu'il leur envoyât le Saint-Esprit consolateur que le Père avait promis, ainsi
que le même Seigneur l'avait dit aux apôtres dans le Cénacle. Ensuite il
arriva ce que je rapporterai dans le chapitre suivant.
312
Instruction que la Reine du ciel m'a donnée.
1507. Na fille, il est
juste qu'étant dans l'admiration des secrètes faveurs que j'ai reçues de la
droite du Tout-Puissant (1), vous redoubliez votre
zèle pour le bénir, et lui donner des louanges éternelles en mémoire de tant
de choses merveilleuses. Et quoique je vous en cache beaucoup, que vous ne
connaîtrez qu'après que vous serez hors de la chair mortelle, je veux que dès
maintenant vous vous regardiez comme particulièrement et personnellement tenue
à exalter le Seigneur, en reconnaissance de ce que m'ayant formée de la
commune masse d'Adam, il m'a tirée de la poussière, et a fait éclater en moi
la puissance de son bras, et a opéré tant de prodiges pour celle qui ne
pouvait dignement les mériter. Pour rendre ces justes louanges au Très-Haut,
ne vous lassez pas de répéter en mon nom le cantique que j'ai fait, le
Magnificat, dans lequel je les ai renfermées en peu de paroles (2). Quand vous
serez seule, vous le direz à genoux ou prosternée en terre, ayant surtout soin
de le réciter avec beaucoup de ferveur et de vénération. Cet exercice que je
vous indique me sera fort agréable, et je le présenterai au Seigneur si vous
vous en acquittez en la manière que je souhaite.
(1) Luc., I, 49. — (2) Ibid., 46.
1508. Et comme je vois que
vous vous étonnez toujours de ce que les évangélistes n'ont point écrit ces
grandes choses que le Très-Haut a faites à mon égard, je veux vous donner de
nouveau des explications que vous avez déjà entendues en d'autres
circonstances; car je désire qu'elles restent gravées dans la mémoire de tous
les mortels: je vous réponds donc que j'ordonnai moi-même aux évangélistes de
n'en écrire que ce qui serait nécessaire pour établir l'Église sur les
articles de la foi, et sur les commandements de la loi divine : car je connus,
comme Maîtresse de l'Église, et par la science infuse que le Très-Haut m'avait
donnée pour m'acquitter de ce ministère, que quelques mots sur mes excellences
suffisaient pour lors. Toutes mes prérogatives étaient renfermées en ma
dignité de Mère de Dieu, et en cette déclaration que j'étais pleine de grâce :
mais la Providence. divine en réservait
l'exposition plus complète pour le temps le plus opportun, jusqu'à ce que la
foi eût été mieux établie. Il est vrai que dans les siècles passés
quelques-uns des mystères qui me concernent ont été successivement manifestés;
mais la plénitude de cette lumière vous a été communiquée, quoique vous ne
soyez qu'une vile créature, à cause des misères et de l'état déplorable où se
trouve le monde; c'est pour cela que la divine miséricorde a bien voulu
ménager aux hommes ce moyen si favorable, afin qu'ils cherchent leur remède et
le salut éternel par mon intercession. Il y a longtemps que vous l'avez
compris, et vous le comprendrez encore
au
314
mieux
dans la suite. Mais je veux d'abord que vous vous appliquiez entièrement à
m'imiter, et que vous méditiez sans cesse mes vertus, afin de remporter 1a
victoire sur mes ennemis et les vôtres, comme vous le souhaitez.
CHAPITRE XXIX. Notre Rédempteur Jésus-Christ monte an ciel avec tous les
saints qu'il avait tirés des Limbes. — Il emmène aussi sa
très-sainte
Mère pour la mettre en possession de la gloire.
1509. Le moment heureux
arriva bientôt où le Fils unique du Père éternel, qui était descendu du ciel
pour se revêtir de la chair humaine, devait y remonter par sa propre vertu
pour s'asseoir à la droite de Celui dont il était l'éternel héritier, engendré
de sa substance en égalité, et en unité de nature et de gloire infinie. Il
monta si haut, parce qu'il était auparavant descendu dans les lieux inférieurs
de la terre, suivant l'expression de l'Apôtre (1) et ce fut après avoir
accompli toutes les choses qui avaient été dites et écrites de son avènement
au
(1) Ephes., IV, 9.
315
monde,
de sa vie, de sa mort et de la rédemption du genre humain ; avoir pénétré,
comme Seigneur de tout ce qui est créé, jusqu'au centre de la terre, et avoir
déclaré que, s'il ne montait pas au ciel, le Saint-Esprit ne viendrait point
(1), qu'il couronna tous ses mystères par celui de son ascension glorieuse.
Or, pour célébrer ce jour si solennel et si mystérieux, notre Seigneur
Jésus-Christ choisit pour témoins de son ascension les
six-vingts personnes qu'il avait réunies dans le Cénacle, comme il a
été rapporté dans le chapitre précédent ; cette
très-heureuse assemblée se composait de la
très-pure Marie, des onze apôtres, des soixante-douze disciples, de
Marie-Madeleine, de Marthe et de leur frère Lazare, des autres Marie, et de
quelques autres hommes et femmes fidèles.
1510. Notre divin Pasteur
sortit du Cénacle avec ce petit troupeau , qu'il
conduisait devant lui par les rues de Jérusalem, sa bienheureuse Mère étant à
ses côtés. Les apôtres et tous les autres se dirigèrent ensuite, par ordre du
Seigneur, vers Béthanie, qui n'est éloignée que d'environ une
demi-lieue du pied du mont des Oliviers. Les
saints qui avaient été tirés des limbes et du purgatoire suivaient le divin
Triomphateur, lui chantant avec les anges qui l'accompagnaient de nouveaux
cantiques de louanges : mais ils n'étaient visibles qu'à l'auguste Marie. La
résurrection de Jésus de Nazareth était déjà divulguée
(1) Joan., XVI, 7.
316
dans la
ville de Jérusalem et par toute la Palestine, quoique les princes des prêtres
eussent employé tous leurs efforts pour faire prévaloir le faux témoignage des
soldats, qui prétendaient que ses disciples avaient enlevé son corps (1) ;
mais la plupart découvrirent leur perfidie, et ne voulurent point y ajouter
foi. La divine Providence ne permit point que parmi les habitants de la ville
aucun des incrédules ou de ceux qui doutaient vit ou troublât cette sainte
procession qui sortait du Cénacle: car ils furent tous privés de cette
consolation par nue espèce d'éblouissement, comme incapables de connaître un
mystère si admirable ; et notre Sauveur Jésus-Christ ne se manifestait qu'aux
six-vingts justes qu'il avait choisis, afin qu'ils
le vissent monter au ciel.
1511. Ils marchèrent tous
avec cette assurance que le Seigneur leur inspirait, jusqu'au sommet du mont
des Oliviers ; et étant arrivés au lieu déterminé, ils formèrent trois
choeurs, l'un d'anges, l'autre des saints qui étaient sortis des limbes, et le
troisième des apôtres et des autres fidèles, et se partagèrent en deux ailes,
dont notre Sauveur Jésus-Christ était le Chef. Puis la
très-prudente Mère se prosterna aux pieds de son Fils, l'adora comme
vrai Dieu et Rédempteur véritable du monde, et lui demanda sa dernière
bénédiction. Tous les autres fidèles qui se trouvaient présents en firent de
même à l'imitation de leur Reine. Alors ils demandèrent avec
(1) Matth., XXVIII, 13.
317
beaucoup
de larmes au Seigneur s'il rétablirait en ce temps-là le royaume d'Israël (1).
Il leur répondit que ce secret appartenait à son Père éternel, et qu'il ne
leur convenait pas de le savoir (2) ; mais qu'il fallait qu'ils reçussent le
Saint-Esprit, et qu'ensuite ils prêchassent les mystères de la rédemption du
genre humain dans Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu'aux
extrémités de la terre (3).
1512. Après que le Seigneur
eut adressé cet adieu à cette sainte et heureuse assemblée des fidèles, il
joignit les mains avec un air serein et majestueux, et commença à s'élever de
terre par sa propre vertu, y laissant les vestiges ou l'empreinte de ses pieds
sacrés. Il monta insensiblement dans la région de l'air, ravissant les yeux et
le coeur de ces nouveaux enfants de l'Église. Et comme le premier mobile
imprime le mouvement à tous les cieux inférieurs qu'il renferme dans sa vaste
sphère, de même notre Sauveur Jésus-Christ attira après lui les anges, les
saints Pères, et les autres justes qui l'accompagnaient, les uns en corps et
en âme, les autres en leurs âmes seulement : de sorte qu'ils s'élevèrent tous
ensemble de terre dans le plus bel ordre , et
suivirent leur Roi. et leur Chef. Le nouveau
mystère que la droite du Très-Haut opéra en ce moment, fut d'emmener sa
très-sainte Mère pour lui donner dans le ciel la
possession de la gloire et de la place
(1) Act., I, 6. — (I) Ibid.,
7. — (3) Ibid., 8.
318
qu'il
lui avait destinée comme à sa Mère véritable, et qu'elle s'était acquise par
ses mérites. La bienheureuse Vierge était déjà préparée à cette faveur avant
de la recevoir; car son très-saint Fils la lui
avait promise pendant les quarante jours qu'il demeura avec elle après sa
résurrection. Et afin que ce mystère ne fuit alors découvert à aucun mortel,
que les apôtres et les autres fidèles ne fussent point privés de la présence
de leur auguste Maîtresse, et qu'elle persévérât à prier avec eux jusqu'à la
venue du Saint-Esprit (comme il est marqué dans les Actes des Apôtres) (1), la
puissance divine fit qu'elle se trouvât, d'une manière miraculeuse, en deux
endroits car elle resta su milieu des enfants de l'Église, elle se rendit avec
eux su Cénacle, et en même temps elle monta su ciel avec le Rédempteur du
monde, et sur son propre trône, où elle s'assit trois jours avec le plus
parfait usage de ses puissances et de ses sens, tandis qu'on la voyait aussi
dans le Cénacle tout absorbée dans la contemplation.
1513. La bienheureuse
Vierge fut élevée avec son très-saint Fils, et
placée à sa droite, et alors s'accomplit ce que dit David : que la Reine était
à sa droite, revêtue des splendeurs de la gloire, comme d'un manteau d'or pur
(2), et parée de tous les dons et de toutes les grâces à la vue des anges et
des saints qui escortaient le Seigneur. Or, afin que l'admiration de ce grand
mystère enflamme davantage
(1) Act., I, 14. — (2) Ps. XLIV, 10.
319
la
dévotion et la foi vive des fidèles, et les porte à glorifier l'Auteur d'une
merveille si inouïe, il faut que ceux qui liront ce miracle sachent que dès
que le Très-Haut m'eut déclaré qu'il voulait que j'écrivisse cette histoire,
et m'eut même prescrit à diverses reprises d'entreprendre cet ouvrage, pendant
plusieurs années successives sa divine Majesté me fit connaître divers
mystères, et me découvrit un grand nombre des sublimes secrets que j'ai écrits
et que je dois écrire dans la suite : parce que la haute importance du sujet
exigeait cette préparation. Je ne recevais pas néanmoins toutes ces lumières à
la fois parce que la capacité de la créature est trop bornée pour profiter
d'une si grande abondance. Mais lorsque je devais écrire ,
la lumière de chaque mystère en particulier m'était renouvelée d'une autre
manière. Je recevais ordinairement l'intelligence de tous ces mystères aux
jours de fête consacrés à notre Sauveur Jésus-Christ, et à notre auguste
Reine; et quant à cette grande merveille que le Seigneur opéra lorsqu'il
emmena le jour de son ascension sa très-sainte
Mère dans le ciel, tandis qu'elle se trouvait encore miraculeusement dans le
Cénacle , je l'ai connue aux mêmes jours pendant
plusieurs années consécutives.
1514. La certitude qui est
inséparable de la vérité divine, ne laisse aucun doute dans l'entendement de
celui qui la contrait et qui la considère en Dieu, où tout est lumière sans
mélange de ténèbres (1), et où
(1) I Joan., I, 5.
320
l'on
discerne à la fois l'objet et sa raison d'être. Mais pour ce qui regarde ceux
qui lisent ou entendent seulement ces mystères, il faut donner des motifs à
leur piété pour les porter à croire ce qu'ils ont d'obscur. C'est pour cela
que j'aurais hésité à rapporter cette secrète et mystérieuse ascension de
notre auguste Reine au ciel avant sa mort, si je n'eusse craint de me rendre
grandement coupable en excluant de cette histoire un fait si merveilleux, et
qui constitue pour elle une prérogative si glorieuse. Je me trouvai dans cette
hésitation la première fois que je connus ce mystère, mais je ne m'y trouve
pas maintenant que je l'écris, ayant déjà déclaré dans la première partie, que
la bienheureuse Vierge fut portée dans le ciel empyrée aussitôt après sa
naissance, et ayant dit ensuite dans cette seconde partie que cela lui était
arrivé deux fois pendant les neuf jours qui précédèrent l'incarnation du
Verbe, pour la disposer, dignement à un si haut mystère. En effet, si le
Tout-Puissant a accordé des faveurs si admirables
à la très-pure Marie avant qu'elle fût la Mère du
Verbe, afin de la préparer à cette sublime dignité, il est bien plus croyable
qu'il les lui aura renouvelées lorsque déjà elle était consacrée comme l’ayant
reçu dans son sein virginal, où elle lui donna la forme humaine de son sang le
plus pur, lorsqu'elle l'avait nourri de son propre lait, élevé comme son Fils
véritable, lorsque enfin elle l'avait servi l'espace de trente-trois ans, et
imité en sa vie, en sa Passion et en sa mort avec une fidélité qu'aucune
langue ne saurait exprimer.
321
1515. Si l'on cherche dans
ces mystères de la bienheureuse Marie les raisons pour lesquelles le Très-Haut
les a opérés en elle, ou les a tenus si longtemps cachés dans son Église,
c'est là une tout autre chose. Le prodige en lui-même doit se mesurer sur la
puissance de Dieu, sur l'amour incompréhensible qu'il a eu pour sa Mère, et
sur la dignité qu'il lui a donnée au-dessus de toutes les créatures. Et comme
les hommes, tant qu'ils vivent dans leur chair mortelle, ne parviennent jamais
à connaître entièrement ni la dignité de l'auguste Vierge Mère, ni l'amour que
son adorable Fils a pour elle, ni la tendresse qu'a la
très-sainte Trinité à son égard, ni ses mérites, ni la sainteté à
laquelle la toute-puissance du Très-Haut l'a élevée, ils sont toujours tentés,
dans leur ignorance, de limiter le pouvoir qu'il lui a plu de faire éclater,
en opérant en faveur de sa Mère tout ce qu'il a pu, c'est-à-dire tout ce qu'il
a voulu. Or, s'il s'est donné à elle seule d'une manière si particulière que
de devenir le Fils de sa propre substance, il fallait, par une conséquence
rigoureuse, qu'il fit à son égard, dans l'ordre de la grâce, ce qu'il n'était
pas convenable de faire à l'égard d'aucune autre créature, ni même à l'égard
du genre humain tout entier; et non-seulement les
faveurs, les dons et les hies dont le Seigneur a comblé sa
très-sainte Mère, doivent être exceptionnels; mais
la règle générale est qu'il ne lui en a refusé aucun de toits ceux qu'il a pu
lui faire, pour rehausser sa gloire et sa sainteté, et les rapprocher de celle
de son humanité très-sainte.
322
1516. Mais pour ce qui est
de la bonté que Dieu a eue de découvrir ces merveilles à son Église, il s'y
trouve d'autres raisons de sa haute providence, par laquelle il la gouverne et
lui procure de nouvelles lumières, selon les temps et les besoins qui s'y
présentent. Car l'heureux jour de la grâce qui a lui sur le monde par
l'incarnation du Verbe et la rédemption des hommes, a son lever et son midi,
comme il aura son coucher; et la Sagesse éternelle dispose lés choses et règle
les heures suivant ses desseins et dans l'ordre le plus convenable. Quoique
tous les mystères de Jésus-Christ et de sa Mère soient contenus dans les
divines Écritures, ils ne sont pas également tous manifestés à la fois; mais
le Seigneur tire pou à peu le voile des figures, des métaphores ou des
énigmes; de sorte que plusieurs mystères qui étaient comme renfermés et
réservés pour nue certaine époque, ont été découverts comme les rayons du
soleil le sont lorsque se retire la nue qui les intercepte. On ne doit pas
s'étonner si les hommes ne reçoivent que peu à peu les rayons de cette divine
lumière, puisque les anges eux-mêmes, qui connurent dès leur création le
mystère de l'incarnation en substance d'une manière assez, vague, et comme la
fin à laquelle se rapportait out le ministère qu'ils devaient exercer auprès
des bouillies, ne découvrirent pas néanmoins toutes les conditions, tous les
effets et toutes les circonstances de ce mystère; au contraire, ils n'en ont
connu la plupart que dans le cours des cinq mille deux cents et quelques
années qui se sont écoulées depuis la création du
323
monde.
Cette connaissance nouvelle de particularités qu'ils ignoraient, redoublait
leur admiration, et les portait à glorifier de nouveau Celui qui en était
l'auteur, comme je l'ai remarqué en divers endroits de cette histoire. Par cet
exemple je réponds à l'étonnement que pourraient avoir ceux qui apprendront
pour la première fois le mystère de la très-pure
Marie que j'expose ici, et qui a été caché jusqu'au moment où le Très-Haut a
bien voulu le découvrir avec les autres que j'ai fait et ferai connaître dans
la suite.
1517. Avant que j'eusse été
informée de ces raisons, lorsque je commençai à connaître ce mystère que notre
Sauveur Jésus-Christ opéra en emmenant sa très-sainte
Mère avec lui dans son ascension, grands furent mon embarras et mon
admiration, non pas taut pour ce qui me concernait
que par rapport à ceux qui l'entendraient rapporter. Entre autres choses par
lesquelles le Seigneur daigna m'éclairer alors, il lite rappela ce qu'avait.
écrit de lui-même dans l'Église, saint Paul
racontant le ravissement qu'il eut jusqu'au troisième ciel, c'est-à-dire
jusqu'au ciel des bienheureux, sans déterminer s'il y fut ravi avec son corps
ou sans son corps , et sans nier ni affirmer plutôt l'un que l'autre,
puisqu'il suppose an contraire qu'il a pu être ravi de l'une de ces deux
manières comme de l'autre. Je compris donc que, s'il est possible que l'Apôtre
ait été, au commencement de sa conversion, ravi avec sou corps jusqu'au ciel
empyrée, lorsque sa
(1) II Cor., XII, 2.
324
vie
précédente offrait, non des mérites mais des fautes, et que s'il n'y avait ni
témérité ni inconvénient dans l'Église à croire que le pouvoir divin ait fait
ce miracle en sa faveur, on ne devait pas douter que le Seigneur n'eût accordé
ce privilège à sa Mère, qui était déjà remplie de tant de mérites ineffables
et élevée à une si haute sainteté. Le Seigneur me fit aussi entendre que,
puisque les autres saints gui étaient ressuscités avec Jésus-Christ avaient
obtenu de monter avec lui au ciel en corps et en âme, il y avait bien plus de
sujet d'accorder ce bienfait à sa très-pure Mère;
car quand même il eut été refusé à tous les autres mortels, il était en
quelque sorte dû à la bienheureuse Marie parce quelle avait souffert avec lui.
Il était juste qu'elle eût part au triomphe du Sauveur, et à la joie avec
laquelle il allait s'asseoir à la droite de son Père
éternel , pour que sa propre Mère pût à son tour se placer à la sienne
, elle gui lui avait fourni de sa propre substance cette nature humaine en
laquelle il montait triomphant au ciel. Et comme il était convenable que le
Fils et la Mère ne fussent point séparés dans ce triomphe, il l'était aussi
qu'aucun autre enfant de la race humaine n'arrivât eu corps et en âme à la
possession de cette félicité éternelle avant l'auguste Marie, eût-ce été son
père, sa mère et son époux Joseph; car ce jour-là il aurait manqué quelque
chose à la joie accidentelle de tous ceux qui montaient avec notre Rédempteur
Jésus-Christ, et même à celle de son humanité sainte, si la
très-pure Marie avait été absente, et si elle
n'était
325
entrée
avec eux dans la patrie céleste, comme Mère de leur Restaurateur et Reine de
tout ce qui est créé, qu'aucun de ses sujets ne devait devancer en cette
faveur.
1518. Ces raisons me
semblent suffisantes pour satisfaire la piété des catholiques, pour les
consoler et les réjouir saintement par la connaissance de ce mystère et de
plusieurs autres de cette nature, dont je parlerai dans la troisième partie.
Et reprenant le fil de l'histoire, je dis que notre Sauveur emmena avec lui
dans son ascension sa très-sainte Mère revêtue de
splendeur et de gloire à la vue des anges et des saints, qui en recevaient une
joie inexprimable. Il fut très-utile que les
apôtres et les autres fidèles ignorassent alors ce mystère, car s'ils eussent
vu monter leur Mère et leur Maîtresse avec Jésus-Christ, ils eussent été
plongés dans la consternation, puisque la plus grande consolation qu'il leur
restât était d'avoir parmi eux la Mère la plus compatissante. Néanmoins ils
éclatèrent en sanglots et en gémissements, quand ils virent que leur
très-aimable Maître et leur Rédempteur s'éloignait
en s'élevant de plus en plus. Et au moment où ils commençaient à le perdre de
vue, une nuée très-lumineuse se mit entre le
Seigneur et ceux qui demeuraient sur la terre, et le déroba entièrement à
leurs regards (1). La personne du Père éternel tenait dans cette nuée : il
descendit de l'empyrée jusqu'à la région de l'air à la rencontre de son
(1) Act., I, 9.
326
Fils
unique incarné, et de la Mère qui lui avait donné le nouvel être humain dans
lequel il s'en retournait. Puis, le Père les approchant de lui, les reçut avec
un embrassement propre à l'amour infini; et ce spectacle causa une nouvelle
joie aux légions innombrables d'anges qui accompagnaient la personne du Père
éternel. Bientôt cette divine assemblée traversa rapidement les éléments et
les sphères célestes, et arriva aux hauteurs de l'empyrée. A l'entrée qui.
s'y fit, les anges qui montaient de la terre avec
leur Roi et leur Reine, Jésus et Marie, et ceux qu'ils avaient rencontrés dans
la région de l'air, s'adressant aux autres qui étaient demeurés dans le ciel
empyrée, répétèrent les paroles de David (1), en y ajoutant les choses
relatives au mystère.
1519. Ouvrez, ouvrez vos
portes éternelles, ô princes; et vous, portes, ouvrez-vous, afin de laisser
entrer dans sa demeure le grand Roi de gloire, le Seigneur des puissances, qui
est fort et puissant dans les combats, qui est vainqueur, et qui revient
victorieux et triomphant de tons ses ennemis. Ouvrez les portes du paradis
suprême, et laissez-les toujours ouvertes, car voici le nouvel Adam, le
Restaurateur de tout le genre humain, qui est riche en miséricorde (2),
opulent dans les trésors de ses propres mérites, chargé des dépouilles et des
prémices de la rédemption abondante (3) qu'il a opérée dans le monde, par sa
mort. Il a réparé la perte de notre nature, et a
(1) Ps. XXIII, 7. — (2) Ephes., II, 4. — (3) Ps. CXXIX, 7.
326
élevé la
nature humaine à la dignité souveraine dé son propre être immense. II vient
avec le royaume des élus que son Père lui a donnés. Il a racheté les mortels,
et par sa miséricorde libérale il leur laisse le moyen de pouvoir légitimement
reconquérir le droit qu'ils avaient perdu par le péché, et de mériter par
l'observance de sa loi la vie éternelle en qualité de ses frères et comme
héritiers des biens de son Père (1); en outre, pour sa plus grande gloire et
pour mettre le comble à notre joie, il amène à ses côtés la Mère de bonté qui
lui a donné la forme humaine, en laquelle il a vaincu le démon , et notre
Reine vient parée de tant de beauté et de grâce, qu'elle charme tous ceux qui
la regardent. Sortez, sortez, divins courtisans, vous verrez notre Roi revêtu
de splendeur avec le diadème que sa Mère lui a donné (2), et vous verrez sa
Mère couronnée de la gloire que son Fils lui donne.
1520. Cette procession
toute nouvelle et si bien rangée arriva an ciel empyrée au milieu de
transports d'allégresse qui surpassent tout ce qu'on petit imaginer. Et après
que les anges et les saints eurent formé deux choeurs, notre Rédempteur
Jésus-Christ et sa bienheureuse Mère passèrent entre deux, et tous à leur tour
rendirent ait Sauveur l'adoration suprême, et à sa
très-sainte Mère l'hommage qui était dû à sa haute dignité, chantant de
nouveaux cantiques de louanges à l'Auteur de la grâce et de la vie, et à sa
(1) II Tim., IV, 8. — (2) Cant., III, 11.
328
divine
Mère. Le Père éternel mit à sa droite sur le trône de la Divinité le Verbe
incarné, et il y parut avec tant de gloire et de majesté, qu'il inspira une
nouvelle admiration et une crainte respectueuse à tous les habitants du ciel,
qui connaissaient intuitivement la Divinité avec sa gloire et ses perfections
infinies, unie substantiellement en une personne à la
très-sainte humanité, d'une union indissoluble qui élevait cette même
humanité à une prééminence et à une gloire que l’oeil n'a point vues, que
l'oreille n'a point ouïes, et que jamais aucun homme mortel n'a comprises (1)
1521. Dans cette
circonstance l'humilité et la sagesse de notre
très-prudente Reine atteignirent le plus haut degré; car parmi toutes
ces faveurs ineffables, elle demeura sur le marchepied du trône de la Divinité
abîmée dans la connaissance de son être terrestre et de simple créature; et
là, prosternée, elle adora le Père et lui fit de nouveaux cantiques de
louanges, pour la gloire qu'il communiquait à son Fils, et de ce qu'il élevait
en lui son humanité déifiée à une grandeur si sublime. Ce fut un nouveau motif
d'admiration et de joie pour les anges et pour les saints de voir la
très-prudente humilité de leur Reine, dont ils
tâchaient d'imiter les vertus avec une sainte émulation. On entendit alors la
voix du Père qui s'adressant à l'auguste Vierge lui disait : Ma Fille,
montez plus haut. Son très-saint Fils l'appela
aussi,
(1) Isa., LXIV, 4.
329
disant :
Ma Mère, levez-vous et venez prendre la place que je vous dois pour le zèle
avec lequel vous m'avez suivi et imité. Et le Saint-Esprit lui dit :
Mon Épouse et ma bien-aimée, venez recevoir mes embrassements éternels.
Ensuite tous les bienheureux eurent connaissance du décret de la très- sainte
Trinité par lequel il était déclaré que la place de la bienheureuse Mère
serait la droite de son Fils pendant toute l’éternité pour lui avoir donné
l'être humain de son propre sang , et pour l'avoir nourri, servi et imité avec
toute la plénitude et toute la perfection possible à une simple créature; et
qui aucune autre créature humaine ne prendrait possession de ce lieu et de cet
état inamissible, avec les attributions déjà exclusivement propres à notre
auguste Reine avant qu'elle y,fût élevée; il était aussi déclaré que cette
place lui était destinée avec justice, afin qu'elle en prit la possession
éternelle après sa mort, comme étant infiniment au-dessus de tous les autres
saints et par ses mérites et par sa dignité.
.
1522. En vertu de ce
décret, la très-pure Marie fut mise sur le trône
de la très-sainte Trinité, à la droite de son
adorable Fils, sachant dès lors comme les autres saints que,
non-seulement la possession de cette place lui
était destinée après sa mort pour toutes les éternités, mais encore que le
Seigneur la laissait libre d'y demeurer et de ne plus retourner au monde. Car
la volonté conditionnelle des Personnes divines était, pour ce qui dépendait
du Seigneur, qu'elle ne quittât plus, son siége de gloire. Et afin qu'elle
330
se
déterminât, le Très-Haut lui découvrit de nouveau l'état dans lequel la sainte
Église militante se trouvait sur la terre, ainsi que l'isolement et les
besoins des fidèles, au milieu desquels elle pouvait à son gré descendre ou ne
pas descendre pour les protéger. Par là il donnait occasion à la Mère de
miséricorde d'augmenter ses mérites, et de manifester la tendresse maternelle
qu'elle avait pour le genre humain, en faisant un acte de charité sublime,
semblable à celui de sou très-saint Fils,
lorsqu'il accepta l'état passible, et suspendit pour nous racheter la gloire
qu'il pouvait et devait recevoir en son corps. Sa bienheureuse Mère l'imita
aussi en ce point, afin de se rendre en tout semblable au Verbe incarné, et
connaissant clairement tout ce qui lui était proposé, elle se prosterna devant
les trois Personnes, et dit : « Dieu éternel et tout-puissant, mon Seigneur,
si j’accepte maintenant la récompense que vous m'offrez par un effet de votre
infinie bonté, ce sera. pour mon repos. Mais si je
m'en retourne sur la terre, et que je travaille encore parmi les enfants
d'Adam pendant la vie passagère, pour assister les fidèles de votre sainte
Église, cela tournera à la gloire et au bon plaisir de votre divine Majesté,
et au profit de mes enfants exilés et voyageurs. Or je choisis le travail, et
je me prive quant à présent de ce repos et de la joie, que je reçois de votre
divine présence. J'apprécie ce que je possède et ce que je reçois; mais j'en
fais le sacrifice à l'amour que vous avez pour les
331
hommes.
Agréez, seigneur de tout mon être, agréez mon sacrifice, et faites que votre
vertu divine me dirige dans l'entreprise que vous m'avez confiée. Propagez
votre foi, afin que votre saint nom soit glorifié ,
et agrandissez votre Église , acquise par le sang de votre Fils unique et le
mien ; car je m'offre de nouveau à travailler pour votre gloire, et à gagner
autant d'âmes que je pourrai. »
1523. C'est le choix si
inouï que fit la Reine des vertus; et il fut si agréable au Seigneur, qu'il le
récompensa aussitôt, en la disposant par les purifications et les
illustrations dont j'ai parlé ailleurs. à voir
intuitivement la Divinité : car elle ne l'avait vue jusqu'alors, dans cette
occasion, que par une vision abstractive, de même que tout ce qui avait
précédé. Lorsqu'elle fut ainsi élevée, la Divinité lui fut manifestée par la
vision béatifique ; et elle fut remplie de gloire et de biens célestes qu'on
ne saurait exprimer ni connaître dans cette vie.
1524. Le Très-Haut
renouvela en elle tous les dons qu'il lui avait communiqués jusqu'alors, les
confirma et les scella de nouveau au degré qui était, convenable, pour
l'envoyer en qualité de Mère et de Maîtresse de la sainte Église ; il lui
renouvela aussi les titres de Reine de tout ce qui est créé, d'Avocate et de
Maîtresse des fidèles, qu'il lui avait donnés auparavant : et comme le sceau
s'imprime sur la cire molle, de même l'être humain et l'image de Jésus-Christ
furent de nouveau imprimés en la
332
très-pure
Marie par la vertu de la toute-puissance divine, afin qu'elle s'en retournât
avec cette marque à l'Église militante, on elle devait être le jardin
véritablement fermé et scellé pour garder les eaux de la vie (1). O mystères
aussi vénérables que sublimes! O secrets de la très-haute
Majesté, dignes de nos plus profonds respects ! O charité de l'auguste Marie,
que les ignorants enfants d'Ève n'ont jamais pu, imaginer ! Ce ne fut pas sans
mystère que Dieu laissa le secours de ses enfants les fidèles à la disposition
de cette Mère de miséricorde ; ce fut une divine adresse pour trous découvrir
en cette merveille cet amour maternel que nous n'aurions peut-être jamais bien
connu autrement, malgré tant d'autres oeuvres qu'elle avait faites en notre
faveur. Ce fut un effet de la divine Providence, afin que notre grande Reine
ne fût point privée de cette excellence, que trous comprissions l'obligation
qu'un pareil témoignage d'amour nous imposait, et que nous fussions excités à
la reconnaissance par un exemple si admirable. Ce que les martyrs et les
autres saints ont fait en renonçant à quelque satisfaction passagère pour
arriver au repos éternel, nous pourra-t-il paraître grand à la vue de cette
charitable bonté de notre très-douce Mère, et
sachant qu'elle s est privée de la joie véritable pour venir secourir ses
faibles enfants? Quelle confusion doit être la nôtre, lorsque, ni pour
reconnaître ce bienfait , ni pour imiter cet
exemple, ni
(1) Cant., IV, 12.
333
pour
plaire à cette auguste Reine, ni pour nous assurer sa compagnie éternelle et
celle de son adorable Fils, nous ne voulons pas même nous priver du moindre
plaisir terrestre et trompeur, qui nous attire leur inimitié et nous procure
la mort ? Bénie soit une telle femme; que les cieux la louent, et que toutes
les générations l'appellent bienheureuse (1).
1525. J'ai terminé la
première partie de cette Histoire par le chapitre
trente-unième des Proverbes de Salomon , en
m'en servant pour énumérer les excellentes vertus de cette incomparable Reine,
qui fut l'unique Femme forte de l’Église ; je pourrais finir aussi cette
seconde partie par le même chapitre ; car le Saint-Esprit a renfermé dans la
fécondité des mystères que contiennent les paroles de ce passage des
Proverbes, plus que je ne saurais dire. Ces paroles se vérifient plus
éminemment dans le grand mystère dont je viens de faire mention, par l'état si
sublime dans lequel se trouva la très-pure Marie
après avoir reçu ce bienfait. Mais je ne m'arrête point à répéter ce que j'ai
déjà dit, attendu que si l'on prend la peine d'y faire réflexion, on y
découvrira la plupart des choses que je pourrais expliquer ici, et l'on verra
que cette auguste Reine l'ut véritablement la Femme forte (2) dont le prix
venait de loin, et du plus haut du ciel empyrée. On découvrira la confiance
que la très-sainte Trinité eut
(1) Luc., I, 48. — (2) Prov., XXI, 10.
334
en elle,
et que le coeur de son Fils Dieu et homme, ne fut point frustré de ce qu'il en
attendait. Ou trouvera qu'elle fut le vaisseau du marchand qui apporta du ciel
la nourriture à l'Église; qu'elle planta cette même Église, du fruit de ses
mains ; qu'elle se ceignit de force et affermit sou bras pour entreprendre de
grandes choses; qu'elle ouvrit sa main aux pauvres, et étendit ses bras vers
les affligés, qu'elle vit combien ce trafic était bon à la vue de la
récompense dans l'état béatifique ; que sa lampe ne s'éteignit point pendant
la nuit de la tribulation qu'elle ne pouvait rien craindre dans la rigueur des
tentations, et qu'elle avait donné à ses domestiques un double vêtement. Or,
pour se préparer à tout cela, elle demanda avant de descendre du ciel au Père
éternel la puissance , au Fils la sagesse , au
Saint-Esprit le feu de son amour, et aux trois Personnes leur assistance ; et
quand elle fut sur le point de s'en retourner, elle leur demanda leur
bénédiction. Elle la reçut prosternée devant leur trône, et fut remplie de
nouvelles influences de la Divinité. Elles la congédièrent avec beaucoup de
tendresse, et la renvoyèrent pleine des trésors inestimables de leur grâce.
Les saints anges et les justes l’exaltèrent bar des bénédictions et des
louanges magnifiques, avec lesquelles elle revint sur la terre, comme je le
dirai dans la troisième partie, où l'on verra aussi ce qu'elle lit dans la
sainte Église pendant le temps qu'il fut convenable qu'elle y demeurât ; que
toutes ses actions furent un sujet d'admiration pour les
335
bienheureux,
et d'un immense profit pour les mortels, et qu'elle travailla toujours avec un
zèle incroyable pour leur procurer la félicité éternelle. Comme elle avait
connu le prix de la charité en son principe, c'est-à-dire en Dieu même, qui
est charité (1), elle en fut toute enflammée ; de sorte que son pain du jour
et de la nuit fut la charité, et, semblable à une abeille laborieuse , elle
descendit de l'Église triomphante dans l'Église militante, chargée des fleurs
de la charité, pour fabriquer le miel de l'amour de Dieu et du prochain , dont
elle nourrit les enfants de la primitive Église, et elle les rendit par cette
nourriture si forts et si parfaits, qu'ils devinrent propres à être les
fondements du haut édifice de la sainte Église (2).
1526. Pour finir ce
chapitre et en même temps cette seconde partie, je reviendrai à l'assemblée
des fidèles que nous avons laissés si affligés sur la montagne des Oliviers.
La bienheureuse Marie ne les oublia pas au milieu de sa gloire ; mais,
considérant la tristesse et la stupéfaction avec lesquelles ils continuaient à
regarder dans les airs l'endroit où leur Rédempteur et leur Maître avait
disparu, elle jeta les yeux sur eux de la nue dans laquelle elle montait, et
d'où elle les assistait. Et voyant leur douleur, elle pria tendrement Jésus de
consoler ces pauvres enfants qu'il laissait orphelins sur la terre. Le
Rédempteur des hommes, touché des prières de
(I) I Joan., IV, 16. — (2) Ephes., II, 20.
336
sa
très-douce Mère, envoya de cette même nue deux
anges vêtus de blanc et tout rayonnants de lumière, qui apparurent sous une
forme humaine à tous les fidèles, et leur dirent : Hommes de Galilée, ne
vous arrêtez pas à regarder en haut avec tant d'étonnement : car ce même
Seigneur Jésus, qui du milieu de vous s'est élevé dans le ciel, en descendra
avec la même gloire et la même majesté que vous l'y avez vu monter (1).
Par ces paroles et quelques autres qu'ils ajoutèrent, ils consolèrent les
apôtres, les disciples et les autres fidèles, afin qu'ils ne se laissassent
point abattre par la douleur, et qu'ils attendissent dans leur retraite la
consolation que le Saint-Esprit leur donnerait par sa venue, ainsi que le
divin Maître le leur avait promis.
1527. Mais il faut
remarquer qu’encore que ces paroles tendissent à consoler les hommes et les
femmes qui composaient cette heureuse assemblée, elles servirent aussi à les,
reprendre de leur peu de foi. Car si, elle eût été bien affermie par le pur
amour de la chanté, ils auraient compris qu'il leur était inutile de regarder
le ciel avec une si grande surprise, puisqu'ils ne pouvaient plus voir leur
Maître, ni le retenir par cet amour sensible qui les portait à ré garder en
haut, par où cet adorable Seigneur était monté: mais ils pouvaient le voir par
la foi et le chercher où il était, et avec la foi ils l'eussent assurément
trouvé. L'autre manière de le chercher était
(1) Act., I, 11.
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inutile
et imparfaite, puisqu'il n'était pas nécessaire qu'ils le vissent et qu'ils
lui parlassent corporellement pour le porter à les assister par sa grâce : et
comme ils ne l'entendaient pas de la sorte, ils commettaient une faute digne
d'être reprise. Les apôtres et les disciples restèrent longtemps à l'école de
notre Seigneur Jésus-Christ, et puisèrent la doctrine de la perfection dans sa
propre source, qui était si pure et si claire, qu'ils auraient pu être déjà
tout spiritualisés, et capables dé la plus haute perfection. Mais notre nature
est si malheureusement encline à satisfaire les sens et à se contenter de tout
ce qui les flatte, quelle veut aimer et goûter d'une manière sensible même,
les choses les plus divines et les plus spirituelles : et une fois accoutumée
à ces inclinations terrestres, elle tarde beaucoup à s'en purifier, et bien
souvent elle se trompe elle-même lorsqu'elle croit aimer plus sûrement ce qui
est le plus saint et le plus parfait. Cette vérité a été expérimentée pour
notre instruction par les apôtres, à qui le Seigneur avait dit qu'il était de
telle sorte la vérité et la lumière, qu'il était en même temps le chemin (1),
et que par lui ils arriveraient à la connaissance de son Père éternel: car la
lumière n'est pas faite que pour briller dans la solitude, ni le chemin que
pour s'y arrêter.
1528. Cette doctrine si
répétée dans l'Évangile et si souvent sortie de la bouche de Celui qui en
(1) Joan., XIV, 6.
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est
l'auteur, et confirmée par l'exemple de sa vie, aurait pu élever le coeur et
(esprit des apôtres à sa connaissance et à sa pratique. Mais la satisfaction
spirituelle et sensible qu'ils recevaient de la conversation et de la présence
de leur divin Maître, et le grand amour qu'ils lui portaient avec raison,
occupaient toutes les forces de leur volonté. Elle restait si attachée aux
sens, qu'ils ne savaient se résoudre à sortir de cet état, ni remarquer qu'ils
se cherchaient beaucoup eux-mêmes dans cette satisfaction
spirituelle , se laissant aller à l'inclination qu'ils avaient pour un
plaisir spirituel qui leur venait des sens. Et si leur adorable Maître ne les
eût quittés en montant au ciel, il eût été bien difficile de les éloigner de
sa très-douce présence sans leur causer une
douleur et une tristesse excessives ; et par là ils n'auraient pas été si
propres à prêcher l'Évangile, qui devait,être
annoncé par tout le monde au prix des travaux, des sueurs, et même de la vie
de ceux qui le prêchaient. Ce ministère ne pouvait convenir qu'à des hommes
forts en l'amour divin, dégagés des douceurs sensibles de l'esprit, et
préparés à tout; à l'abondance et à la disette, à l'infamie et aux honneurs,
aux applaudissements et aux outrages, à la tristesse et à la joie (1), et à
conserver dans tous ces divers événements le zèle de l’honneur de Dieu avec un
coeur magnanime, supérieur à toutes les adversités comme à toutes les
prospérités. Après cette
(1) II Cor., VI, 8.
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réprimande des anges, ils s'en retournèrent avec la bienheureuse Marie de la
montagne des Oliviers au Cénacle, où ils persévérèrent à prier avec elle, en
attendant la venue du Saint-Esprit (1), comme nous le verrons dans la
troisième partie.
Instruction que j'ai reçue de notre grande Reine.
1529. Ma fille, vous
terminerez heureusement cette seconde partie de ma vie, si vous êtes bien
pénétrée et persuadée de la douceur très-efficace
de l'amour du Seigneur, et de sa munificence infinie envers les âmes qui n'y
mettent aucun obstacle de leur côté. Il est plus conforme à l'inclination et à
la volonté sainte du souverain Bien de consoler les créatures que de les
affliger; de les caresser que de les châtier. Mais les mortels ignorent cette
science divine, car ils souhaitent que le Seigneur leur donne les
consolations, les plaisirs et les récompenses terrestres et dangereuses, et
les préfèrent aux biens véritables et assurés. L'amour divin dissipe cette
erreur pernicieuse, lorsqu'il les corrige et les afflige par les adversités,
et qu'il les instruit par les châtiments : car la nature humaine est par
elle-même pesante, grossière et ingrate, et ce n'est qu'à force
(1) Act., I, 12.
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de la
labourer et de la cultiver qu'on parvient à lui faire produire de bons fruits,
et par ses inclinations elle ne saurait être bien disposée à recevoir les
très-douces et très-aimables
communications du souverain Bien. C'est pourquoi il faut la travailler et la
polir par le marteau des adversités, et la retremper dans le creuset de la
tribulation , afin qu'elle se rende capable des
faveurs divines, et qu'elle apprenne à ne pas aimer les objets terrestres et
trompeurs, dans lesquels la mort est cachée.
1530.
Toutes les peines. que j'avais prises me
parurent fort peu de chose quand je connus la récompense que le Seigneur
m'avait préparée par sa bonté éternelle : et c'est pour cela qu'il disposa
avec une providence admirable que je choisisse volontairement de retourner
dans l'Église militante, parce que ce choix devait servir à exalter le saint
nom du TrèsHaut, à m'acquérir une plus grande
gloire, et à procurer à l'Église et à ses enfants le secours nécessaire en la
manière la plus admirable et la plus sainte. Je crus qu'il était fort juste de
me priver de la félicité que j'avais dans le ciel, pendant ces années qu'il me
restait encore à vivre sur la terre, et d'y retourner pour y acquérir de
nouveaux mérites, et y trouver de nouvelles occasions de travailler selon le
bon plaisir du Très-Haut : car je devais tout cela à sa bonté divine, qui
m'avait tirée de la poussière. Profitez donc, ma
très-chère fille, de cet exemple, et animez-vous à m'imiter dans un
temps auquel la sainte Église se trouve si affligée et environnée de
341
tribulations, sans que ses enfants se mettent en peine de la consoler. Je veux que
vous vous y employiez de toutes vos forces, priant du plus intime de votre
cœur le Tout-Puissant pour ses fidèles, et étant
toujours prête à donner, s'il était nécessaire ,
votre propre vie pour une si belle cause. Je vous assure, ma fille, que le
zèle que vous y déploierez sera fort agréable aux yeux de mon
très-saint Fils et aux miens.
Que tout soit à la gloire
du Très-Haut, Roi des siècles, immortel et invisible, et de sa
très-sainte Mère Marie, durant les siècles des
siècles (1) !
(1) I Tim., I, 17.
FIN DE LA DEUXIÈME PARTIE.
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