DISCOURS I

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DISCOURS I
DISCOURS II

DISCOURS : A QUI NE SE NUIT PAS A LUI-MÊME NUL NE PEUT NUIRE.

 

AVERTISSEMENT ET ANALYSE,

 

Ce magnifique discours, dont le titre seul est comme l'abrégé de la philosophie chrétienne, a été écrit à Cucuse, l'an 406. Nous voyons, par la quatrième lettre de saint Chrysostome, qu'il l'envoya à sainte Olympiade pour la consoler dans ses maux; pour l'engager à se mettre au-dessus de tontes ses disgrâces.

 

L'orateur, dans un magnifique exorde, annonce qu'un préjugé presque universel pourra faire regarder sa proposition comme invraisemblable; mais il demande qu'on l'écoute sans prévention, et il espère qu'alors on ne pourra disconvenir de la vérité de ce qu'il avance. Avant d'entrer en matière, il examine en quoi consiste le dommage, ce qui constitue le vrai mérite de l’homme, ce qui lui fait réellement tort. Il rapporte, pour rendre la chose plus claire, plusieurs exemples tirés des êtres animés, et inanimés; et après avoir bien établi que ce ne sont ni les richesses, ni la santé, ni la réputation, ni la liberté, ni même la. vie, qui constituent le vrai mérite de l'homme, il prouve victorieusement, par les exemples de Job, d'Abel, de Joseph, de Lazare, de saint Paul, que les persécutions et les maux, loin de leur faire aucun tort, ont fortifié leur vertu, relevé leur gloire, et que si Adam a succombé sous les attaques du démon, c'est à sa propre faiblesse, plutôt qu'à la malice de cet esprit impur, qu'il devait imputer sa défaite. Saint Jean Chrysostome interrompt son sujet par fine excursion éloquente sur les richesses. Il peint, des couleurs les plus vives, et perce des traits les plus forts, cerce cupidité fatale répandue sur toute la terre, et qui embrase tons les coeurs. Afin d'en éteindre les feux, s'il est possible, il démontre que les richesses ne sont à désirer ni pour les plaisirs de la table qu'elles procurent, ni pour les honneurs qui les accompagnent , ni pour la troupe d'adulateurs qu'elles attirent, ni pour la facilité qu'elles donnent de se venger de ses ennemis. Après cette excursion, il revient à son sujet, et le prouve par un grand nombre d'exemples, qu'il tire de l'Ecriture sainte, et qu'il développe avec cette abondance qui lui était si naturelle, il prouve en même temps ces deux vérités : que les persécutions, quelles qu'elles soient, et les afflictions, ne font que fortifier et illustrer davantage les âmes fortes; au lieu que les plus grandes faveurs et les plus signalés bienfaits ne servent de rien aux âmes faibles, ne les empêchent pas de succomber et de commettre une infinité de fautes.

Ce discours est une des plus riches compositions de saint Jean Chrysostome : il y a sans doute un trop grand luxe de style; mais qu'il est étonnant que, déjà avancé en âge, accablé de maux et d'infirmités, relégué dans un pays inculte et désert, attaqué part des ennemis qui le persécutaient jusque dans son exil, ce grand orateur ait pu encore déployer tonte la vigueur et tontes les richesses d'une élocution également forte et brillante!

 

1. Je sais bien que les esprits épais, attachés au présent, cloués à la terre, esclaves des plaisirs sensibles , indifférents aux choses de la pensée, vont trouver ce discours étrange, incroyable; ils ne se feront pas faute d'en rire, et ils prononceront contre nous, que l'invraisemblance se montre dès les premiers mots de notre proposition. Ce n'est pas une raison pour nous d'y renoncer; au contraire, pour cette raison même, nous ferons les plus grands efforts afin de la démontrer, ce que nous entreprenons avec une vive ardeur. Que ceux qui ne pensent pas comme nous, veuillent bien, sans trouble, sans tumulte, attendre jusqu'à la fin de ce discours; je suis persuadé qu'ils se rangeront de notre côté, que c'est contre eux-mêmes qu'ils prononceront; qu'ils reconnaîtront avoir été dans l'erreur; qu'on les entendra chanter la palinodie, s'excuser, demander pardon pour leurs faux jugements, nous témoigner toute leur reconnaissance, comme font les malades aux médecins qui les ont guéris des maux qui assiégeaient leur corps. Ne m'opposez pas la pensée qui maintenant vous possède; attendez jusqu'à la fin des combats que vont livrer nos paroles, et c'est alors qu'il vous sera possible de porter un juste jugement, sans que l'ignorance vous empêche de (338) discerner la vérité. Que font les juges assis pour décider des affaires du siècle? Ils ont beau voir celui qui parle le premier, dans le mouvement impétueux qui l'emporte, inonder tout des flots de son éloquence, ce n'est qu'après avoir écouté patiemment la réponse de l'adversaire, qu'ils osent porter leur jugement; le premier aurait beau paraître avoir mille fois pour lui la justice, ils conservent à son contradicteur toute l'intégrité de leur attention. Telle est en effet la vertu qu'on exige des juges, écouter avec une rigoureuse attention les deus parties, et n'introduire qu'après le jugement qui leur est propre. Eh bien donc ! nous avons aujourd'hui, comme une manière d'orateur parlant le premier, ce préjugé vulgaire, et depuis longtemps enraciné dans une foule d'esprits, qui adresse son discours à la terre entière : Tout, s'écrie-t-il, n'est que bouleversement, confusion partout dans le genre humain, chaque jour, en nombre prodigieux, les injustices, les outrages, les violences, les faibles écrasés par les forts; les pauvres par les riches; et pas plus que les flots de la mer, l'on ne peut compter les trames perfides, les injustices, les douleurs de l'humanité ; les lois ne corrigent rien ; la crainte des jugements n'arrête rien, rien ne triomphe de cette maladie, de cette peste; de jour en jour, au contraire, le fléau s'étend ; partout les lamentations, les gémissements, les larmes des opprimés; et ceux qui ont pour mission de remédier au désordre , irritent la tempêté , et font durer la maladie. Conséquences d'un tel spectacle , nombre d'insensés, d'infortunés se laissent prendre d'un nouveau délire; ils accusent la providence de Dieu, parce qu'ils voient, à chaque instant, l'homme sage et vertueux, blessé, déchiré, étouffé, tandis que le scélérat qui ne craint rien, l'infâme issu de parents infâmes, s'enrichit, se revêt du pouvoir, devient redoutable en grand nombre, cause à ceux qui valent bien mieux que lui, mille affreuses douleurs, soumettant à son audace, et les villes, et les provinces, et les déserts, et les continents, et la mer. De là la nécessité de ce discours pour réfuter ce que vous venez d'entendre, pour livrer un combat étrange, comme je l'ai dit en commençant, étrange, incroyable, mais utile, fondé sur la vérité, profitable à l'auditeur attentif et docile; ce discours se propose de démontrer (écoutez sans trouble), que personne, parmi les victimes de l'injustice, n'est victime de l'injustice d'autrui, mais de sa propre injustice.

2. Pour plus de clarté, voyons d'abord qu'est-ce que l'injustice, quels en sont les éléments? qu'est-ce enfin que la vertu de l'homme? le nuisible à la vertu qu'est-ce? et encore qu'est-ce qui semble lui être nuisible, mais ne lui est pas nuisible en réalité? Par exemple (des exemples sont nécessaires pour que notre discours, ait tout son développement), chaque chose a ce qui lui est nuisible : pour le fer, la rouille; les vers, pour la laine; pour les troupeaux de brebis, les loups. Le vin éprouve un dommage par la décomposition qui l'aigrit; ce qui est nuisible au miel, c'est de perdre sa naturelle douceur, et de dégénérer en une liqueur amère. Pour les blés, pour les moissons, ce qui leur nuit, c'est la nielle, c'est la sécheresse ; le raisin, les pampres et les sarments sont dévastés par les années de sauterelles; d'autres végétaux, par les chenilles; les corps, qui n'ont pas la raison en partage, par la diversité des maladies; nous ne ferons pas une revue complète qui allongerait ce discours, mais voyez, pour notre chair, le nuisible, ce sont les fièvres, les paralysies, l'essaim des autres maladies. Eh bien! De même que chacun de ces objets a ce qui ruine sa vertu particulière, voyons, examinons ce qui est nuisible à notre espèce, à l'homme; qu'est-ce enfin qui ruine la vertu de l'homme? Le grand nombre s'arrête; à des causes que nous n'admettons pas. Il en faut bien parler, exposer les opinions fausses, les écarter; c'est ainsi que nous mettrons en lumière le mal réel qui nuit à la vertu en nous; que nous démontrerons jusqu'à l'évidence, que personne ne peut nous faire éprouver de dommage, ni causer notre ruine, si nous ne nous trahissons pas nous-mêmes.

Ainsi donc le grand nombre, dans l'égarement de ses pensées, attribue à des causes étrangères la ruine de la vertu dans l'homme; les uns disent, pauvreté; les autres maladie; d'outres perte d'argent; d'autres calomnie; il en est,, qui disent, la mort, et ce sont des gémissements, des lamentations sans fin: et l'on s'apitoie, et l'on pleure sur les victimes, et l'on est frappé d'étonnement, et l'on se dit, les uns aux autres : Quel désastre a éprouvé un tel ! tout à coup, il a perdu toute sa fortune. Mitre discours maintenant d'un. autre au sujet d'un autre : un tel atteint d'une maladie dangereuse a été condamné.,par les médecins qui l'ont vu. Celui-ci plaint les (339) prisonniers, celui-là les expatriés, les exilés, cet autre, ceux qui ont perdu la liberté ; un autre encore, ceux qui ont été enlevés par les ennemis et qui sont devenus captifs ; en voici un qui se lamente sur un noyé ou sur un brûlé, ou sur un tel enseveli sous les ruines de sa maison; force gémissements sur tous ceux-là, mais sur ceux qui vivent dans l'iniquité, aucune lamentation; et, ce qu'il y a de plus triste, loin de les plaindre, souvent on célèbre leur bonheur, et voilà justement la cause de tous les maux. Eh bien donc! (mais, comme je vous y ai exhortés en commençant, écoutez sans interrompre), il faut vous démontrer que rien de ce que nous avons dit, n'est nuisible pour l'homme qui vit clans la tempérance, ni ne peut ruiner sa vertu. Dites, répondez-moi : un homme a tout perdu, victime, soit des calomniateurs, soit des brigands, soit de ses propres serviteurs, misérables qui l'ont entièrement dépouillé; eh bien ! cette perte, quel dommage a-t-elle causé à sa vertu?

Faisons mieux, si vous permettez ; commençons par définir la vertu de l'homme, après nous être exercés à définir la vertu d'autres êtres, afin de rendre plus,facile à comprendre et plus évident, ce que nous voulons expliquer.

3. Quelle est la vertu du cheval ? un frein d'or, un caparaçon d'or, des attaches de soie, des couvertures d'un tissu varié, parsemées d'or, un harnais constellé de pierreries, une crinière aux tresses entrelacées d'or? ou la rapidité de la course, la fermeté des jarrets, l'allure élégante, le pied digne d'un coursier généreux, le courage dans les longues routes, le courage des combats; l'énergie vaillante dans la bataille, qui, dans la fuite, sauve son cavalier? N'est-il pas évident que la vertu du cheval éclate dans les derniers traits, non dans les autres? Et maintenant, quelle est dans les ânes, dans les mulets, la vertu? N'est-ce pas de porter commodément des fardeaux, de franchir facilement les distances, d'avoir le pied aussi solide que la pierre? Dirons-nous que l'extérieur, que ce qui sert à leur équipement, contribue en quoi que ce soit à la vertu qui leur est propre? Nullement. Quelle vigne admirerons-nous? la vigne au feuillage épais, riche de pampres, ou la vigne chargée de fruits? Quelle est la vertu de l'olivier? d'avoir de grands rameaux, une abondante chevelure de feuillage, ou de montrer partout la richesse de son fruit? Appliquons à l'homme cette manière de juger; sachons discerner la vertu de l'homme, et n'appelons dommage que ce qui peut-lui nuire. Quelle est donc la vertu de l'homme? Ce n'est pas la richesse! ni la santé du Corps, ni la réputation, ni simplement la vie, ni la liberté, en sorte que nous devions appréhender et fuir la pauvreté, la maladie, la mauvaise renommée, la mort ou la servitude; c'est, l'application à la doctrine de la vérité, c'est dans la conduite, l'honnêteté. Or, voilà le bien que le démon même ne saurait ravir , si le possesseur est vigilant; est c'est ce que sait bien ce perfide, ce farouche démon. Car, s'il a dépouillé Job, ce n'était pas, pour l'appauvrir, mais pour le forcer à proférer quelque blasphème; et s'il lui a fait des blessures dans le corps, ce n'était pas pour le rendre malade; mais pour ébranler la vertu de son âme. Eh bien ! il a eu beau faire jouer tousses ressorts, le rendre pauvre, de riche qu'il était, (ce qui, de tous les malheurs nous paraît le plus épouvantable); faire, de ce père de nombreux enfants, un père qui n'a plus d'enfants; il a eu beau lui déchirer tout le corps , avec plus de cruauté que des bourreaux de prêteur (car leurs ongles creusent moins profondément les flancs de leurs victimes, que les vers enfoncés dans la chair do Job pour la ronger; il a tu beau l'envelopper de réprobation (car ses amis venaient lui dire, qu'il n'était pas encore flagellé en raison de ses fautes, et le chargeaient d'accusations) ; il a eu beau, non pas le chasser de sa cité, non pas le faire sortir de sa maison, pour le transporter dans une autre ville, mais lui donner pour maison et pour ville, un fumier, non-seulement il ne lui a fait aucun mal, mais par ses coups perfides il l'a rendu plus glorieux. Non-seulement il ne lui a enlevé réellement aucun bien, quoiqu'il lui ait tant ravi, mais il a grossi son trésor de vertus. Car, après ces épreuves, Job sentait avec, bonheur en lui cet accroissement de confiance qu'il devait aux combats vaillamment soutenus. Si tant de souffrances ne lui ont causé aucun mal, quoiqu'elles lui vinssent, non d'un homme mais du monstre qui surpasse les plus méchants de tous les hommes par sa perversité, quoiqu'il eût contre lui le démon, quelle sera désormais l'excuse pour qui dira, un tel m'a fait du mal, un tel m'a causé un préjudice? Car si le démon, ce monstre de perversité, après avoir fait jouer toutes ses machines, lancé tous ses (340) traits, entassé toute l'horreur des misères humaines, et sur la maison de l'homme juste, et sur sa, personne, non-seulement ne lui a fait aucun mal; mais, je l'ai déjà dit, au contraire, lui a été utile, comment pourra-t-on encore imputer son mal à tel on tel, comme si le mal venait des autres, comme si le mal ne venait pas du dedans ? 

4. Eh quoi donc, me dira-t-on? N'est-ce pas le démon qui a fait du mal à Adam, qui. l'a supplanté, qui l'a chassé du paradis? Non, ce n'est pas le démon, mais la nonchalance de celui qui a souffert le mal;, c'est le défaut d'attention et de. vigilance; car si le démon, avec tant et de si grands ressorts, déployés contre Job, ne l'a pas abattu, comment a-t-il pu, avec de plus faibles armes, triompher d'Adam , si celui-ci, par sa propre indolence, ne s'est pas trahi lui-même. Quoi donc? La victime des calomnies, le malheureux à qui on confisque ses biens, ne reçoit aucun mal? Celui qui perd son patrimoine, qui lutte contre toutes les horreurs de la misère? Non, celui-là n'a subi aucun mal; au contraire, il s'est enrichi, s'il a la modestie en partage : car en quoi, répondez-moi, la pauvreté a-t-elle niai aux apôtres? Ne soutenaient-ils pas contre la faim, contre la soif, contre toutes les privations qui les mettaient à nu, une lutte continuelle, et n'est-ce pas par cela même qu'ils sont devenus illustres, glorieux; qu'ils ont forcé Dieu à leur accorder son éclatant secours? et Lazare, en quoi maladies, blessures, pauvreté, absence de toute assistance, lui ont-elles été nuisibles? N'est-ce pas par cela même qu'il a conquis de plus -nobles couronnes? Et quel mal pour Joseph d'avoir subi la réprobation dans son propre pays et sur la terre étrangère? car on disait de lui: C'est un adultère, c'est un impudique. Quel mal lui a fait la servitude? Quel mal lui a fait l'exil ? N'est-ce pas, pour ces épreuves surtout, que nous le contemplons avec admiration? Et à quoi bon vous parler d'exil, de pauvreté, de réprobation parmi les hommes et de servitude? La mort même, quel' mal a-t-elle fait à Abel , quoi qu'elle fût violente, quoiqu'elle fût prématurée, le crime d'un frère? N'est-ce pas pour cela même qu'il est célèbre par toute la terre ? Voyez-vous comme mon discours a dépassé mes promesses? Car non-seulement il a démontré que personne ne peut recevoir de mal de personne; mais, de plus , que le mal est un profit pour ceux qui font attention à eux-mêmes. Mais pourquoi, me dira-t-on, les peines, les supplices? pourquoi l'enfer, pourquoi tant de menaces, et si effrayantes, si personne, ni ne subit l'injustice, ni ne commet l'injustice? Que dites-vous? Pourquoi cette confusion dans le discours? Je n'ai pas dit que nul ne commet l'injustice, mais j'ai dit que nul ne souffre de l'injustice. Mais comment est-il possible,-me dira-t-on, lorsque tant d'hommes commettent l'injustice , que personne ne souffre de l'injustice? Je viens de vous en donner la raison; les frères de Joseph Surent injustes envers lui, mais lui n'a pas souffert de l'injustice. Caïn a attenté à la vie d'Abel, mais Abel n'a pas été victime. De là, châtiments et supplices. C'est que la vertu de ceux qui souffrent, ne fait pas que Dieu supprime les punitions : la perversité des méchants fait que Dieu les inflige. Si ceux qui souffrent le mal, deviennent plus glorieux par le fait de leurs ennemis, cette gloire, ils ne la doivent pas à la volonté de l'ennemi perfide, mais à la force virile, qu'ils ont montrée. Ainsi, aux uns sont décernées les récompenses de leur sagesse; pour les autres sont établis les supplices, préparés à la perversité. On vous a dépouillé de vos biens? Dites: Nu, je suis sorti du ventre de ma mère, nu je m'en retournerai. (Job, I, 21.) Ajoutez-y la parole de l'Apôtre: Nous n'avons rien apporté en ce monde, et il est sans doute que nous n'en pouvons rien emporter. (I Tim. VI, 7.) On a mal parlé de vous, on vous a chargé de mille outrages? Rappelez-vous cette parole : Malheur à vous lorsque les hommes diront du bien de vous! (Luc, VI, 26.) Et réjouissez-vous, et tressaillez d'allégresse, lorsque les hommes prononceront contre vous une parole mauvaise. (Matth. V, 11.) Vous avez été jeté en exil; considérez que votre patrie n'est pas en ce monde. Voulez-vous suivre la sagesse? Il vous a été ordonné de regarder la terre entière comme une terre étrangère. Mais vous êtes tombé dans une maladie grave? dites cette' parole dé l'Apôtre : Encore que dans nous l'homme extérieur se détruise, néanmoins l'homme intérieur se renouvelle de jour en jour. (II Cor. IV, 16.) Mais voici qu'un tel. a subi une mort -violente: considérez Jean, sa tête tranchée dans la prison , apportée sur un plat, servant de salaire à une courtisane qui danse. Considérez les récompenses à venir. Toutes ces souffrances causées par l'injustice d'autrui, expient les péchés , opèrent la sanctification. Telle en est l'utilité incomparable, pour (341) ceux qui savent noblement les supporter.

5. Eh bien donc! puisque, ni les pertes d'argent, ni les calomnies et les outrages, ni l'exil, ni les maladies, ni les tourments, ni même ce grand épouvantail: la mort, ne causent aucun dommage à ceux qui en sont frappés; puisqu'au contraire, il y a là utilité et profit, comment vous est-il possible de me montrer qu'on souffre du mal, puisque, de ces causes que je viens de dire, ne résulte aucun mal? Je veux entreprendre une démonstration foule contraire. Ceux qui souffrent les plus grands maux, des pertes incalculables, qui subissent des souffrances qu'on ne peut guérir, ce sont ceux qui les causent. Car quoi de plus misérable que Caïn se conduisant envers son frère comme vous savez? Qui mérite plus de pitié que l'épouse de Philippe, qui a tranché la tête de Jean? Que les frères de Joseph, qui l'ont vendu et jeté en exil? Que le démon, qui a déchiré Job de tant de blessures? Car. il ne sera pas puni seulement des crimes qu'il fait commettre; mais, pour ses vains efforts, il subira le châtiment terrible de sa malice infernale. Ne voyez-vous pas encore ici comment mon discours a dépassé mes promesses? Non-seulement les victimes que les méchants se proposent de frapper ne souffrent aucun mal, mais encore tout le mal retombe sur la tête de ces méchants. Evidemment, puisque ni la richesse, ni la liberté, ni le séjour dans la patrie, ni les autres biens que j'ai dits, ne constituent la vertu de l'homme; puisqu'elle consiste dans l'honnêteté, dans l'âme, il s'en suit que, par la perte de ces biens, la vertu de l'homme, en réalité, n'a rien perdu. Eh quoi ! si quelqu'un vient à perdre la sagesse même? Eh bien ! même dans ce cas, la perte n'est pas le fait d'autrui, la perte vient du dedans; on ne doit l'attribuer qu'à soi-même. Comment, me diton, elle vient du dedans? on ne doit l'attribuer qu'à soi-même? Quand un homme, frappé par un autre, ou dépouillé de ses biens, ou subissant quelque grave injure, profère un blasphème, alors il est atteint d'un mal, d'un mal affreux. Toutefois ce mal ne lui vient pas de celui qui lui fait injure, mais il lui vient de sa propre lâcheté. Ce que j'ai dit, je veux le redire. Nul homme, supposez le plus pervers, ne peut faire plus que le démon, acharné, implacable ennemi, ni le dépasser en perversité, en rage funeste. Ce monstre pourtant n'a pas pu, en s'attaquant à un homme qui vivait avant la loi , avant la grâce , malgré tant de traits , tant de coups terribles, lancés contré lui de toutes parts, le supplanter, le renverser, tant est grande l'énergie d'une âme généreuse. Faut-il vous montrer Paul? N'a-t-il pas enduré tant de souffrances qu'il est difficile dé les énumérer? Habitant les prisons, chargé de chaînés, traîné en tous lieux, battu de verges par les Juifs, lapidé, les épaules déchirées par les lanières, meurtries par les bâtons, plongé dans la mer, souvent tombé entre les mains des voleurs, souffrant d'une guerre intestine, continuellement tourmenté par ses ennemis, par ses amis mêmes , en butte à mille trames insidieuses, luttant contre la faim, la nudité, victime de toutes les autres afflictions, sans relâche entassées sur lui, bref, mourant chaque jour; eh bien! au milieu de tant de souffrances, si cruelles, non-seulement, il ne fit jamais entendre une parole de blasphème, mais il se réjouissait, il se glorifiait; ici : Je me réjouis, dit-il, de mes souffrances (Col. I, 24.) ; ailleurs : Et non-seulement dans cette espérance, mais nous nous glorifions encore dans les afflictions. (Rom. V, 3.) S'il se réjouissait, s'il se glorifiait, dans de pareilles épreuves , quelle sera votre excuse, à vous qui n'en subissez pas la moindre partie, et qui blasphémez?

6. Mais il est, m'objecte-t-on, un autre mal que je subis, même sans que je blasphème; privé de ce que je possédais, je n'ai plus rien pour faire l'aumône, me dit-on. Pure allégation et simple prétexte ! Si c'est là ce qui vous afflige; apprenez et comprenez que la pauvreté n'empêche pas de faire l’aumône. Seriez-vous réduit à la dernière indigence, vous n'êtes pas cependant plus pauvre que cette femme qui n'avait qu'une poignée de farine pour tout bien (Rois, XVII, 12 ) ; que cette femme qui possédait en tout deux oboles (Luc, XXl, 2); et l'une et l'autre, pour avoir donné aux indigents tout ce qu'elles possédaient, ont excité les transports de l'admiration. Une si grande pauvreté n'a pas fait obstacle à une charité si grande; assez magnifique, assez splendide a été l'aumône de ces deux femmes chétives, pour l'emporter sur tout ce qu'il y a de richesses, de somptueuses offrandes; l'opulence de leurs coeurs; la richesse de leur zèle généreux a tout surpassé. Ainsi, même à cet égard, vous n'éprouvez aucun tort ; au contraire, vous avez gagné de conquérir, à peu de prix, de plus belles couronnes que les riches avec tous leurs dons. Mais nous aurions beau le redire à satiété : les (342) âmes, attachées à la chair, qui se plaisent dans le tourbillon du monde, qui s'enivrent des choses présentes, ne consentiront pas à perdre ces fleurs si vite flétries (telles sont les joies de la vie sur cette terre) ; les hommes ne renoncent pas à ces ombres; au contraire, les plus honnêtes s'attachent, de toutes leurs forces, et aux biens véritables et aux prétendus biens; les malheureux, les infortunés, possèdent la meilleure part du bonheur réel, la plus faible du bonheur mensonger.

Arrachons donc les masques brillants, éclatants, et faisons voir la honteuse et hideuse réalité. Montrons l'infamie de la courtisane. J'appelle de ce nom la vie qui se livre aux délices , aux richesses , aux séductions de la puissance ; honteuse , hideuse , infâme ; pleine de dégoûts, de peines et d'amertumes. Voici , en effet , ce qui ôte toute excuse à ceux qui se laissent prendre aux attraits, de cette vie; c'est que, malgré ces dégoûts , malgré son amertume, elle. leur paraît désirable , et qu'ils-la chérissent, quels qu'en soient les maux infinis, les dangers, les flots de sang qui la rougissent; les précipices, les écueils, les meurtres, les angoisses et les terreurs, et la haine, et l'envie qui l'escorte, et les perfidies, et les soucis, et les inquiétudes sans fin; quoiqu'elle ne présente aucun gain; quoiqu'elle ne produise aucun fruit de tant de douleurs, si ce n'est les châtiments, les supplices, les tourments éternels. Oui, cette vie, telle qu'elle est, paraît enviable au grand nombre, désirable au prix de tous les combats, ce qui résulte de la démence de l'âme ainsi captive, et non de la réalité du bonheur., Voyez les petits enfants, attachés à leurs jeux qu'ils chérissent et qu'ils admirent; ils ne peuvent pas comprendre les affaires qui conviennent à l'âge mûr; mais on peut au moins pardonner aux enfants; leurs erreurs sont de leur âge. Au contraire, les insensés dont je parle, sont dépourvus de toute excuse possible. Parvenus à l'âge mûr, ils ont des pensées puériles, ét la simplicité des enfants n'égale pas leur démence.

Car enfin pourquoi faut-il rechercher la richesse répondez-moi? Telle doit être en effet notre première étude, puisque la santé, la vie, la considération auprès du peuple, une bonne réputation; patrie, amis, parents, tout semble moins précieux que les richesses à la plupart de ceux que tient cette grave maladie : l'avarice.

Voyez ce bûcher qui monte jusqu'aux nues, cette fournaise qui enferme et embrase et la terre et la mer. Pour éteindre cette flamme, personne. Pour activer le feu, tous les hommes; tant ceux que la flamme a déjà pris, que ceux qu'elle n'a pas pris encore, et qui veulent se faire prendre. Et vous pouvez voir les hommes et les femmes , les serviteurs , les personnes libres, les pauvres, les riches, chacun dans la mesure de ses forces, apportant sa charge, alimenter jour et nuit cette flamme immense: charge, non de bois ni de fascines (cette flamme n'est pas. de nature à s'alimenter ainsi ); mais d'âmes et de corps, d'injustices et d'infractions aux lois. Voilà ce qui allume cette flamme. Les riches ne mettent jamais un terme à leur folle cupidité, eussent-ils enveloppé dans leur domaine toute l'étendue de la terre. Les pauvres s'empressent d'aller plus loin que les riches; et cette rage incurable, cette fureur effrénée, cette maladie qui défie les remèdes, a saisi toutes tes âmes. Et cet amour, victorieux de tout autre amour, chasse de l'âme tout autre désir. Et il n'y a plus ni amitié ni parenté; et à quoi bon parler d'amitié et de parenté? Il n'y a plus ni épouse. ni enfants. Quel bien pourtant est plus désirable l Tout a été jeté par terre, foulé aux pieds par la cruelle et sauvage souveraine qui domine en tyran dans toutes les âmes captives. En effet, comme une reine qui n'a plus rien de l'âme humaine, comme un tyran féroce, comme un barbare cruel, comme une courtisane banale et magnifique, elle déshonore, elle épuise, elle expose à mille dangers , à mille tortures lés insensés qui ont pris le parti de s'assujettir à son service.

Elle est redoutable; elle n'a aucune douceur ; elle est farouche et féroce; son visage marque la cruauté; c'est le visage d'une bête fauve, plus cruelle qu'un loup, qu'un lion; et cependant elle paraît affable, désirable, plus douce que le miel à ses captifs. Ce n'est pas tout, elle forge contre eux chaque jour, des épées, toute espèce d'armes; elle creuse des précipices; elle les pousse contre les écueils, dans les abîmes ; elle tisse les mille filets des tortures; et elle paraît enviable à ceux qu'elle a pris, à ceux qui désirent d'être pris par elle. Et comme on voit, dans un cloaque, dans la boue , le porc se vautrer avec une volupté délicieuse; ou comme on voit les scarabées séjourner sur le fumier qu'ils ne quittent jamais, ainsi ceux que l'avarice possède, sont plus (343) misérables que ces animaux; leur fange est plus dégoûtante, leur bourbier plus infect. Tant qu'ils restent enfoncés dans ce vice, ils s’imaginent y trouver un vif plaisir ; ce qu'il ne faut pas attribuer à la réalité, mais à la disposition d'une âme malade : et par là. les avares sont plus dégradés que les êtres sans raison. De même donc que dans le bourbier, dans le fumier l'infamie n'est pas le propre du bourbier on du fumier, mais des animaux sans raison qui s'y ensevelissent; de même, pour, l'homme, raisonnez par analogie.

7. Avons-nous un moyen de guérir ceux qui sont ainsi affectés? S'ils voulaient nous ouvrir leurs oreilles, nous découvrir le fond de leur coeur, accueillir nos paroles ! Pour les êtres sans raison, nous ne pouvons pas les faire sortir de leur fange, du bourbier où ils se vautrent ; ils n'ont pas la raison en partagé. Mais cette créature douée de douceur , d'intelligence et de raison.; l'homme , c'est de l'homme que je parle, il n'a qu'à le vouloir; c'est chose facile; rien de plus aisé, que de le faire sortir du bourbier, de l'infection, de ce fumier, de cette boue. Car enfin, pourquoi la richesse ,  ô homme ! te semble-t-elle digne d'être recherchée avec tant d'ardeur? à cause du plaisir , et c'est tout, que procure la table? à cause de la considération.?. du cortége que te font les gens qui t’honorent pour ta richesse? à causé du pouvoir de te venger de ceux. qui t'ont offensé? Est-ce parce qu'elle te rend redoutable à tous? Impossible, en effet, d'alléguer d'autre cause que le plaisir, ou la certitude de trouver des flatteries, ou la terreur qu'on inspire ou le pouvoir de se venger. En effet, ni la- sagesse, ni la tempérance, ni la modération, ni l’intelligence ne sont les fruits ordinaires de la richesse ; elle ne rend l'homme ni meilleur, ni plus humain, ni maître de sa colère, ni maître de son ventre, ni supérieur aux plaisirs; elle n'enseigne pas la modération; elle n'apprend pas l'humilité ; elle n'introduit ni n'implante dans l'âme aucune vertu. Impossible de dire que ce soit pour aucune de ces raisons que la richesse est recherchée avec tant d'ardeur, avec tant d'amour. Non-seulement elle ne sait, ni planter, ni cultiver aucun des biens de l'âme; mais les germes cachés qu'elle y trouve, elle les corrompt, elle en prévient le développement, elle les flétrit, elle les dessèche : il en est qu'elle arrache pour introduire les semences contraires : un luxe immodéré, une fureur intempestive,  une colère injuste, l'arrogance, l'orgueil, le délire. Mais je n'en. dirai rien: Ceux que,possède cette maladie, ne soutiendraient pas un discours sur la vertu et sur le vice, livrés qu'ils sont tout entiers aux plaisirs, et, pour cette raison, esclaves des voluptés; on aurait beau tout ensemble les accuser et les convaincre. Négligeons donc un moment ces réflexions. Arrivons à ce qui nous reste à dire, et voyons si la richesse a pour elle quelque plaisir, quelque considération qui lui soit propre ; c'est tout le contraire que je vois. Si vous voulez, examinons d'abord les tables des riches et celles des pauvres; demandons-leur, au moment du repas, lesquels jouissent du plaisir le plus pur, goûtent le vrai plaisir. Ceux qui , jusqu'à la fin du jour, couchés dans la salle à manger, joignent les soupers aux dîners, crèvent leur ventre, dépravent leurs sens; sous la charge excessive des mets, font sombrer le navire; inondent la sentine ; produisent comme un naufrage du corps appesanti, envahi ; ceux qui en roulent sur leurs pieds, leurs mains, leur langue, tout leur corps; les liens de l'ivresse et de la luxure, plus lourds qu'une chaîne de fer; ceux qui renoncent au sommeil calme et pur ; qui ne peuvent plus s'affranchir de l'effroi des songes, ceux qui se rendent plus misérables que les fous furieux; qui introduisent volontairement le démon dans leur âme; qui s'exposent en spectacle à la risée de leurs serviteurs; disons mieux, qui paraissent, aux meilleurs de ces serviteurs, un objet lugubre et digne de larmes? Sont-ce là les plus heureux, ces stupides, incapables de reconnaître personne auprès d'eux, incapables de rien dire, de rien entendre ; qu'il faut porter, dans les bras , de la salle à manger sur leurs lits? ou les hommes sobres et vigilants , qui mesurent leur nourriture à la nécessité, qui naviguent au souffle des vents prospères, pour qui le plus grand plaisir, c'est d'avoir faim quand ils mangent, d'avoir soif quand ils boivent? En effet, rien n'importe plus, et aux plaisirs, et à la santé, que d'avoir faim, que d'avoir soif, lorsqu'on touche aux mets qui viennent d'être servis; de ce régler sur la nécessité pour se rassasier; de ne pas, franchir les limites du nécessaire ; de ne pas charger le corps d'un fardeau que ses forces ne peuvent supporter.

8. Si vous refusez de m'en croire, étudiez (344) dans les uns et dans les autres, l'état du corps, l'état de l'âme. N'est-il pas vrai que chez ceux qui suivent un régime ainsi modéré (n'allez pas m'opposer ce qui arrive rarement, des accidents, quelques maladies par suite de telle cause ou de telle autre; observez ce qui arrive toujours et constamment, vous prononcerez ensuite); n'est-il pas vrai que, pour ceux qui pratiquent la tempérance dans le boire et le manger, le corps est vigoureux, les sens deviennent plus pénétrants, accomplissant avec une entière facilité les fonctions qui leur sont propres? Chez les autres, au contraire, vicié par l'excès des humeurs, le corps est plus mou que la cire; l'essaim des maladies l'assiége; vous voyez en effet bientôt s'abattre sur eux et la goutte et un tremblement importun, et une vieillesse prématurée; ajoutez à cela les douleurs de tête; les tensions d'estomac, les paralysies qui les suivent; plus d'appétit. Il faut toujours des médecins, toujours des remèdes, un traitement de tous les instants. Est-ce donc là le plaisir, répondez-moi? Je voudrais entendre la réponse d'un de ces hommes qui savent ce que c'est que le plaisir; le plaisir se montre lorsque le désir précède, que la jouissance .vient après. Mais si la jouissance manque; si le désir ne paraît pas, le plaisir s'évanouit. Voilà pourquoi les malades, à la vue des mets les plus recherchés qu'on leur sert, n'éprouvent que des dégoûts. Ils se récrient contre l'importun qui les force d'en goûter; c'est qu'ils ne ressentent pas le désir, qui donne à la jouissance tout son agrément. Ce n'est pas la nourriture en elle-même, ce n'est pas le breuvage en lui-même, c'est l'appétit de l'estomac qui produit le désir, et opère le plaisir après. Voilà pourquoi un sage, qui se connaissait bien en plaisirs, et qui savait dire sur ce sujet des paroles sensées : L'âme rassasiée, dit-il, foulera aux pieds le rayon de miel (Prov. XXVII, 7), montrant par là que ce n'est, pas dans la table mais dans la disposition de l'estomac que réside le plaisir. Voilà encore pourquoi le Prophète, passant en revue les miracles accomplis dans l'Égypte et dans le désert, dit, entre autres paroles: Il les a rassasiés du miel sorti de la pierre. (Psal. LXXX, 17.) Or on ne voit nullement que la pierre leur ait versé du miel : Qu'a-t-il donc voulu dire? Accablés de fatigues d'un long voyage, en proie à une soif violente, les Hébreux trouvèrent tout à coup de l'eau fraîche. Leur grand plaisir fut qu'ils éprouvaient la soif; pour exprimer la sensation délicieuse que cette eau leur causa, le Prophète la nomme du miel. Ce n'est pas que l'eau fût réellement changée en miel , mais il a voulu montrer que le plaisir, procuré par cette eau , avait toute la douceur du miel, parce que la soif tourmentait ceux qui la trouvèrent et qui en burent. S'il en est ainsi, si la contradiction est impossible même de la part de celui qui serait entièrement dépourvu de sens, n'est-il pas manifeste que c'est à la table du pauvre que s'assied le plaisir pur, le plaisir sincère et parfaitement vrai; au contraire, à la table du riche, ce qui incommode, ce qui dégoûte, ce qui souille? N'est-il pas vrai, comme l'a dit le Sage d'autrefois, que la douceur même devient importune? (Prov. ibid.)

9. Mais c'est l'honneur, me dira-t-on, que la richesse assure, à qui la possède, l'honneur et le pouvoir de se venger facilement de ses ennemis. Est-ce donc pour cela, répondez-moi, que la richesse vous parait désirable, digne que vous employiez toutes vos forces à . la conquérir, parce qu'elle nourrit en nous les passions les plus funestes, parce qu'elle assure, à la colère, son effet; parce qu'elle excite, parce qu'elle stimule, parce qu'elle grossit cette fureur de gloire comme ces bulles qui se gonflent et qu'on remplit d'air; parce qu'elle vous gonfle jusqu'au délire? N'est-ce pas au contraire surtout pour cette raison qu'il nous faut la fuir, sans regarder en arrière, puisqu'elle introduit dans notre âme des bêtes furieuses et cruelles; puisqu'elle nous prive de la vraie gloire, de la gloire que tous estiment; puisqu'elle y substitue la gloire mensongère, fardée de couleurs empruntées ; puisqu'elle nous fait prendre, estimer comme vraie cette gloire mensongère qui n'a pour elle qu'une vaine apparence ? Les courtisanes chargées de couleurs et de peinture, se font, de leur laideur une beauté, et cette laideur, cette difformité, trompant les yeux, se fait passer pour cette beauté même qui n'a rien avec elle de commun. Ainsi fait la richesse, prétendant que les adulations constituent l'honneur. Ne considérez pas ce qui se montre, les éloges qu'inspire la crainte, que dictent les flatteries, ce sont des couleurs et de la peinture. Ouvrez le coeur de chacun de ceux qui vous flattent; que trouverez-vous à l'intérieur? des accusations sans fin, des milliers (345) d'ennemis qui crient contre vous, qui ont plus d'aversion, plus de haine pour vous, que les ennemis les plus implacables et les plus acharnée. Vienne une révolution , qui fasse tomber ce masque dont la crainte s'est couverte, comme la chaleur du soleil fait tomber le fard et montre les visages tels qu'ils sont; alors vous verrez combien vous étiez en mépris auprès de ceux qui vous flattaient; vous avez cru être honoré de ceux qui vous détestaient le plus; ils vous accablaient, ils vous déchiraient, dans leur coeur, de mille outrages, et leur plus vif désir c'était de vous voir plongé dans les plus affreux malheurs. L'honneur, c'est la vertu; c'est la vertu seule qui le donne ; l'honneur n'a rien de forcé; l'honneur n'a rien de plâtré; il n'a pas de masque pour se cacher; il est pur, il est sincère, et jamais le malheur des temps ne prévaut contre lui.

10. Mais vous voulez vous venger de ceux qui vous ont affligé? Eh ! n'est-ce pas, au contraire, surtout pour cette raison, je l'ai déjà dit, qu'il faut fuir la richesse? Elle fait que vous aiguisez le glaive contre vous-même; elle charge les comptes qu'il vous faudra rendre dans l'avenir; elle vous prépare d'insupportables châtiments. Le mal de la vengeance est si grand qu'il force Dieu même à révoquer sa bonté, et qu'il rend inutile le pardon , déjà accordé, d'un nombre infini de péchés. Vous savez bien qu'un homme s'était vu remettre dix mille talents: une seule prière avait suffi pour lui faire obtenir une telle grâce; quand ce même homme exigea cent deniers de celui qui servait comme lui, c'est-à-dire quand il réclama le châtiment des torts qu'on avait envers lui, par sa cruauté envers son semblable, il prononça sa propre condamnation. (Math. XVIII.) Ce fut là l'unique raison pour laquelle il fut livré aux bourreaux, aux châtiments, condamné à rendre les dix mille talents: Aucun pardon, aucune excuse ne le put sauver; il lui fallut subir le supplice éternel; il lui fallut payer toute la dette que la bonté de Dieu, prévenant ses désirs, lui avait remise auparavant. Est-ce pour cela, répondez-moi, que la richesse est si désirable, si aimable? est-ce parce qu'elle vous porte si facilement à des fautes de ce genre? Je dis, qu'au contraire , pour cette raison . il la faut regarder comme ces ennemis , ennemis particuliers, ennemis publics, coupables de massacres et de meurtres nombreux,dont on se détourne avec horreur. Mais la pauvreté, me dit-on, est importune, à charge et souvent fait que l'on profère des blasphèmes, qu'il faut supporter des occupations indignes d'un homme libre. Non, ce n'est pas la pauvreté, mais la faiblesse de l'âme : Lazare aussi était pauvre, et pauvre tout à fait. (Luc, XVI, 20.) A sa pauvreté, se joignait la maladie , plus amère que toute pauvreté, et qui rend la pauvreté plus cruelle. Ajoutez, à sa maladie, l'abandon, le manque  de toute assistance ,qui rendait plus amères et sa pauvreté et sa maladie. Prenez en effet, chacun de ces maux, un à un ; ils sont accablants; mais, si vous n'avez personne qui vous assiste, alors le malheur est plus affreux; la flamme qui vous brûle , plus cruelle, la douleur plus amère, la tempête plus atroce, le tourbillon plus violent, la fournaise: plus dévorante. Mais maintenant, si vous voulez examiner attentivement, vous trouverez encore eu Lazare une quatrième douleur : un riche auprès de lui, avec sa licence et son luxe. Si vous voulez découvrir encore un cinquième foyer de cette flamme, vous le verrez aussi d'une manière distincte. Car, non-seulement ce riche vivait dans les délices, mais de plus, deux fois, trois fois, disons. mieux, à chaque instant du jour, ce riche voyait Lazare; car le pauvre était là, couché par terre : triste et misérable spectacle, fait pour exciter la douleur et la pitié. Sa vue seule aurait attendri un coeur de pierre; cependant la vue de Lazare ne porta en rien cet homme sans humanité à soulager la douleur d'un tel pauvre. Ce sybarite se mettait à sa table; il avait ses coupes pleines, pleines jusqu'au bord ; le vin les remplissait à flots; il avait une somptueuse armée de cuisiniers, ses parasites, ses flatteurs dès le point du jour ; des choeurs de personnages chantant, versant les vins, prêtant à rire par leurs bons mots; le riche n'avait pour pensée que la gourmandise sous toutes ses formes, s'enivrant, engloutissant tout. dans son ventre, superbe dans ses vêtements, fier de sa table, passant toute sa vie dans toute espèce de voluptés; et à ce pauvre, tourmenté par la faim, par les douleurs poignantes de la maladie , assiégé par tant d'ulcères, abandonné, affligé chaque jour de nouvelles douleurs, le riche, qui le voyait, ne donna jamais une place même dans sa pensée. Parasites, flatteurs, mangeant avec excès, se crevaient presque le ventre, et (346) ce pauvre, si complètement pauvre, étendu par terre, accablé de maux, ne jouissait pas même des miettes de cette table somptueuse, quoique ces miettes eussent comblé ses désirs: eh bien ! malgré cela, la vertu de Lazare ne subit aucun dommage, jamais il ne fit entendre une parole amère, un blasphème.

Comme on voit, au sein dune flamme ardente, l'or purifié devenir plus brillant, ainsi, cet infortuné; dans ce tourbillon de souffrances, était plus fort que toutes ces souffrances, plus fort que le bouleversement où les souffrances jettent la plupart des hommes. S'il suffit aux pauvres de voir des riches pour sécher de jalousie, pour se sentir consumés par l'envie, pour. trouver l'existence insupportable, et cela, quand ils ont la nourriture nécessaire, et même des gens qui les soignent, que dirons-nous de ce pauvre, pauvre comme on ne le fut jamais, et non-seulement pauvre, mais malade, sans personne pour l'assister ou le consoler, qui se voyait au milieu de la ville comme dans une solitude profonde, qui se sentait rongé par la faim la plus cruelle, et qui contemplait ce riche inondé de tous les biens, qui semblaient jaillir pour lui comme de sources abondantes; tandis que l'infortuné, dépourvu de toute consolation humaine, était comme une table continuellement servie pour les chiens qui venaient lécher ses plaies (car il était tellement perclus, paralysé de tous les membres,. qu'il n'avait pas même la force de les écarter) quels pénibles sentiments n'auraient pas troublé son âme, si elle n'eût été fortement trempée dans le courage de la sagesse? Voyez-vous bien qu!'à celui qui, ne se nuit pas à lui-même , quand l'univers entier chercherait à fui nuire, il n'arrive aucun mal, car je veux reprendre la même pensée.

11. Car, voyez donc, en quoi la maladie, en quoi le manque d'assistance, en quoi ces chiens toujours près de lui, en quoi ce mauvais voisinage du riche, en quoi le faste et le luxe et l'arrogance de ce superbe ont-ils été nuisibles à la vertu de cet athlète ? Ces circonstances l'ont-elles énervé, rendu moins vigoureux pour les combats de la vertu? Qu’y a-t-il dans ces épreuves qui ait ruiné sa constance? rien, non, rien jamais. Au contraire, ces maux l'ont fortifié, lui ont été une occasion de conquérir mille couronnes. Il y a gagné un surcroît de récompenses; un redoublement de salaire; une moisson de gloire et de rémunération est sortie pour lui de ces maux sans nombre , de la. cruauté de ce riche. Et en effet, s'il a été couronné, ce n'est pas seulement pour avoir en duré la faim, la douleur de ses blessures, la.; langue des chiens; voici son plus beau titre de gloire : en dépit de ce riche dont chaque jour il subissait les regards, regards abaissée avec un continuel dédain, il supporta noblement, avec une constance; inébranlable, cette épreuve qui, s'ajoutant à l'irritation de la pauvreté, de la maladie, de l'abandon , devenait pour lui comme une nouvelle flamme qui le brûlait avec la plus pénétrante vivacité.

Et que pensez-vous du bienheureux Paul? répondez-moi, car rien n'empêche de rappeler: encore son souvenir. N'a-t-il pas . supporté mille et mille douleurs , tombant sur lui comme. la neige? Eh bien ! quel mal en a-t-il éprouvé ? n'en a-t-il pas recueilli, au contraire, de plus grandes couronnes, pour avoir supporté la faim, le froid, la nudité, les nombreux coups de verges qui le déchiraient, les pierres qui le meurtrissaient; pour avoir été plongé dans la mer.? Mais aussi, me dira-t-on, c'était l'illustre Paul, et le Christ l'avait appelé. Mais Judas aussi était un des douze, et lui aussi, le Christ l'avait appelé; mais ni le privilège d'appartenir aux douze, ni sa vocation ne lui servirent de rien, parce que son âme n'était pas préparée à la vertu. Au contraire, Paul luttant contre la faim, manquant des aliments nécessaires, endurant chaque jour tant de maux, courait plein d'allégresse sur la route qui con, duit au ciel. Judas, appelé avant Paul, Judas qui jouit des mêmes privilèges que Paul à reçus après lui; qui fut initié à la sagesse suprême; qui s'assit à la table sacrée; qui assista à cette redoutable cène ; après avoir reçu le pouvoir de ressusciter les morts, de purifier les lépreux, de chasser les démons; après tant de discours entendus sur la pauvreté; après avoir si longtemps conversé avec le Christ; Judas, à qui on avait confié l'argent des pauvres, pour calmer sa passion de,l'argent(car c'était un. voleur), Judas même dans ces circonstances, ne, s'est pas amendé, quoiqu'il eût obtenu une si grande preuve d'indulgence. Le Christ savait bien en effet que c'était une âme avide; que l'amour de l'argent le ferait périr, et non-seulement le Christ ne le punit pas; mais, pour adoucir la plaie de son âme, pour prévenir, par un moindre mal, un mal plus grand, il lui confia encore l'argent des pauvres, afin que, (347) trouvant de quoi rassasier sa cupidité, il ne tombât pas dans le gouffre épouvantable où néanmoins il est tombé.

12. Oui, voilà la vérité absolue;. à quine veut pas se nuire à lui-même, personne ne pourra nuire; et à celui qui ne veut pas, de tout son coeur, pratiquer la tempérance, faire usage des ressources qu'il porte en lui, nul ne pourra jamais être utile. Voilà pourquoi l'Ecriture , dans une admirable histoire, comme dans un vaste et magnifique tableau, a décrit les vies des anciens hommes, étendant son récit depuis Adam jusqu'à l'avènement du. Christ. Elle vous fait voir aussi bien ceux qui turent vaincus, que ceux qui ont conquis des couronnes, pour vous montrer, par tous ces exemples, qu'à celui qui ne se nuit pas à lui-même, aucun autre ne peut nuire, quand la terre entière exciterait contre lui une guerre cruelle. Et en effet, ni la difficulté des circonstances, ni les révolutions, ni les injures des hommes puissants, ni les attaques perfides tombant sur vous comme la neige, ni la multitude des calamités, ni tous les malheurs humains attroupés contre vous ne peuvent ébranler en quoi que ce soit l'homme courageux, vigilant et sage, comme tous les avantages possibles et toutes les facilités imaginables, ne rendent point meilleur le lâche qui se trahit et s'abandonne lui-même. C'est ce que nous indique la parabole au sujet de ces hommes dont l'un a édifié sa maison sur la pierre, l'autre sur le sable. Il ne s'agit pas ici de sable, de pierre, de maçonnerie, de toits, ni de fleuves débordés, de vents furieux qui sont venus fondre sur la maison (Matth. VII, 24) ; mais de la vertu et du vice. Et comprenons encore par ces exemples, qu'à celui qui ne se nuit pas à lui-même, nul ne peut nuire. Ainsi, ni les pluies malgré leur violence, ni les fleuves qui se sont précipités . avec impétuosité, ni les vents furieux n'ont pu ébranler une seule partie de cette maison; elle 'est demeurée inexpugnable, invincible pour vous montrer que, celui qui ne se trahit pas lui-même, aucune épreuve n'est capable de l'ébranler. L'autre maison, au contraire a été facilement renversée; non pas par l'impétuosité des forces qui l'éprouvaient (évidemment ce qui est arrivé à l'une serait aussi arrivé à (autre), mais par la folie de celui qui l'a construite : ce n'est pas parce que le vent a soufflé qu'elle est tombé, mais c'est parce qu'elle était édifiée sur le sable, c'est-à-dire sur la lâcheté, sur la perversité. Voilà pourquoi elle s'est écroulée. En effet, même avant d'être assaillie par la tempête, elle était sans solidité, prête à tomber. Les constructions de ce genre, même sans qu'on y touche , tombent toutes seules, parce que les fondations fléchissent et se dérobent sous elles. Les toiles d'araignées d'elles-mêmes se déchirent, sans que personne y porte la main; le diamant au contraire , quoique frappé à grands coups, même quand on le frappe, résiste sans se briser. Il. en est ainsi de ceux qui ne se nuisent pas à eux-mêmes. Sous les coups de milliers d'ennemis, ils deviennent plus forts, mais ceux qui se trahissent eux-mêmes, sans aucun ennemi gui les attaque, tombent de leur propre mouvement et, se décomposent et périssent. C'est l'histoire de Judas, qui, non-seulement sans aucune épreuve qui le mit en périls mais encore, malgré tant de soins pour le sauver, a trouvé la mort.

13. Voulez-vous des nations entières, comme exemples, pour éclairer ce discours? De quelles faveurs de la part de la divine Providence , n'a pas joui la nation des Juifs? Toutes les créatures visibles n'étaient-elles pas assujetties à leur service? Une vie nouvelle, étonnante, étrange ne fut-elle pas organisée pour eux?. Sans envoyer au marché, sans faire aucune dépense, ils jouissaient de ce qu'on y vend; pas de sillons à creuser, de charrue à pousser, de sol à déchirer, de semences à répandre, et ils n'avaient besoin ni des pluies, ni des vents, ni de la diversité des saisons, ni des rayons du soleil, ni du cours de la lune, ni de l'action de l'air, ni de rien de tout ce qui y ressemble; ils ne préparaient pas de greniers, ne battaient pas le blé, ne s'inquiétaient pas des vans qui séparent le grain de la paille, ne tournaient pas de meules, ne portaient ni bois, ni feu dans leurs maisons ; chez eux, nul besoin des bras qui font le pain ou manient le hoyau, qui aiguisent les faux ou pratiquent une industrie quelconque; tisserands, maçons, cordonniers, à quoi bon? Ils avaient, pour leur tenir lieu de tout, la parole de Dieu. Leur table était toujours prête, sans qu'il leur fallût supporter lés sueurs et les fatigues. Voici,, en effet, ce qu'était la manne, un aliment nouveau , subit, n'exigeant ni soins embarrassants, ni jamais le moindre travail. Et maintenant, et leurs vêtements, et leurs chaussures, tout, chez eux, jusqu'à leurs corps, échappait aux lois naturelles de la faiblesse; dans un si long espace de (348) temps, rien ne s'usait; leurs pieds, qui marchaient tant, ne se chargeaient pas de callosités. Ni médecins chez eux, ni remèdes, ni rien de ce qui s'y rapporte, on n'en faisait jamais mention, tant ils ignoraient toute maladie. Car il les fit sortir , avec beaucoup d'or et d'argent; et il n'y avait point de malades dans leurs tribus. (Ps. CIV, 37.) On eût dit que, loin de ce monde, transportés dans un monde meilleur, ils y trouvaient leur nourriture, leur breuvage; les rayons du soleil devenus plus ardents ne brûlaient pas leurs têtes, abritées par la nue qui les couvrait de toutes parts, comme un toit portatif à l'usage de toutes ces tribus. La nuit venait, avaient-ils besoin de flambeaux dans les ténèbres? La colonne de feu, source intarissable de lumière, doublement. utile , versait sur eux sa clarté, et dirigeait leur marche. Car ce n'était pas seulement un foyer de lumière, c'était encore, à travers le désert, le guide sûr, excellent de ce peuple immense. Et ils marchaient d'un pas ferme, non-seulement sur la terre, mais ils traversaient la mer comme le continent; les limites de la nature n'arrêtèrent pas leur audace, quand ils foulèrent cette mer terrible, comme des voyageurs qui sentent sous eux un ferme et solide rocher; au moment de leur passage, les flots, sous leurs pieds, ressemblaient à des champs, à des plaines; mais, quand les ennemis y pénétrèrent, la mer alors fit ce qu'il en faut attendre ; où les Juifs avaient trouvé un chemin commode et sûr, leurs persécuteurs trouvèrent un tombeau ; pour lés premiers, douce et bonne, elle les conduisit où ils voulaient ; pour les autres, violente, furieuse , elle les engloutit. Et la fougue indisciplinée des flots montra la discipline intelligente et soumise des hommes doués de la raison la plus sage. Tour à tour libérateur et bourreau, en un même jour, la mer remplit soudain les fonctions les plus opposées. Parlerai-je des rochers versant des fleuves d'eau vive? parlerai-je des nuées d'oiseaux qui couvrirent de leur foule innombrable toute la terre? des miracles de l'Egypte? des merveilles dans 1e désert? des trophées et des victoires remportées sans effusion de sang? On eût dit des choeurs de musique et non des bataillons de guerriers quand ils abattaient leurs ennemis; leurs tyrans mêmes, ils les vainquirent sans prendre les armes. Quanta ceux qui, lots de l'Egypte, combattirent avec eux, les Juifs en triomphèrent au son des trompettes, au bruit des hymnes. C'était un choeur sacré plus qu'une mêlée; une sainte initiation plus qu'une bataille, car tous ces prodiges n'arrivèrent pas seulement pour servir de secours aux Juifs, mais pour leur faire conserver la vraie doctrine, la connaissance de Dieu qu'ils avaient reçue de Moïse , et partout s'entendaient les voix qui publiaient le Seigneur. C'est là ce que criait la mer, soit qu'elle se laissât traverser à pied sec, soit qu'elle redevînt la mer; et les eaux du Nil faisaient entendre cette voix, quand ses eaux devenaient du sang, et les grenouilles, et ces armées de sauterelles,et les insectes, et la nielle des blés tenaient le même langage à tout le peuple, et les prodiges du désert, la manne, la colonne, la nuée, la pluie de cailles, toutes les autres merveilles étaient comme un livre, comme des caractères à jamais indestructibles, qui ranimaient à chaque instant chaque jour leur mémoire et retentissaient dans leur pensée. Eh bien ! après tant et de si grandes faveurs; après tant d'ineffables bienfaits, après de si grandes merveilles, après tant de marques d'une inexprimable sollicitude, après cet enseignement, jamais interrompu, après l'éclatante énergie des paroles, après les exhortations qui ressortaient des choses mêmes, après les victoires brillantes, après les admirables trophées, après cette abondance des tables toujours prêtes, après ces eaux fécondes, après cette gloire qui défie toute parole dont ils étaient revêtus à la face de tous les hommes, les voici devenus ingrats, stupides. Ils adoraient un veau, ils rendaient un culte à la tête d'un boeuf, ils demandaient qu'on leur fît des dieux, quand les souvenirs des bienfaits dont ils avaient été comblés en Egypte, par ce Dieu, devaient vivre , dans leur mémoire, quand ils jouissaient encore de tant d'autres effets de sa bonté.

14. Et voici maintenant, spectacle tout différent, les Ninivites, des barbares, des étrangers, qui n'ont rien reçu en partage, ni peu ni beaucoup de ces faveurs; qui n'ont connu ni discours, ni prodiges, ni actions, ni paroles; qui ont vu simplement un homme, échappé au naufrage, un homme qu'ils n'avaient jamais rencontré auparavant, c'était alors la première fois qu'ils le voyaient; il se présente, il dit : Encore trois jours et Ninive sera détruite. (Jonas,  III, 3.) Ce peu de paroles les a transformés, corrigés; renonçant à leur perversité (349) première, touchés de repentir, ils se tournèrent du côté de la vertu, et si bien, qu'ils tirent révoquer le décret de Dieu, qu'ils raffermirent leur ville ébranlée, qu'ils écartèrent loin d'eux la colère divine et s'affranchirent de toute affliction. Car Dieu vit, dit l'Ecriture, qu'ils s'étaient convertis en quittant leur mauvaise voie, et que chacun d'eux s'était retourné vers le Seigneur. (Ibid. 10.) Expliquez-moi cette conversion. Assurément leur malice était grande; leur perversité inexprimable; leurs plaies difficiles à guérir , et c'est ce que le Prophète a montré ainsi : Leur malice s'est élevée jusqu'au ciel. (Jonas, I, 2.) L'intervalle des lieux lui sert à faire comprendre la grandeur de leur iniquité. Eh bien ! pourtant, cette corruption si grande , cette perversité assez accumulée pour s'élever jusqu'au ciel, il a suffi de trois jours, ,de quelques instants, de quelques paroles prononcées par un homme seul, un inconnu, un étranger, un naufragé, pour que les gens de Ninive la détruisissent entièrement, la fissent disparaître, au point de mériter d'entendre cette parole : Car Dieu a vu qu'ils s'étaient convertis en quittant leur mauvaise voie, et la compassion qu'il eut d'eux l'empêcha de leur envoyer les maux qu'il avait résolu de leur faire. Comprenez-vous, que l'homme tempérant, vigilant, non-seulement ne souffre aucun mal de la part des autres hommes, mais, de plus, qu'il détourné la colère divine ! Comprenez-vous en même temps que celui qui se trahit lui-même, qui se fait du mal à lui-même, a beau recevoir des bienfaits sans nombre, qu'il en tire peu de profit? Ainsi, ni tant de prodiges ne servirent aux Juifs, ni les autres n'eurent à se plaindre de n'avoir eu aucune part à ces bienfaits. Les Ninivites étaient naturellement généreux et bons; voilà pourquoi il leur suffit d'un moment si court pour devenir meilleure, quoiqu'ils fussent des barbares, des étrangers, quoiqu'ils n'eussent rien entendu des divins oracles , qu'un si grand espace les séparât de la Palestine?

15. Que dirons-nous, répondez-moi, de ces . trois jeunes hommes, si fameux? Leur vertu .a-t-elle souffert des maux qui fondirent sur eux? N'est-il pas vrai que jeunes encore, tout . à fait: jeunes ils subirent prématurément un douloureux supplice, la captivité, le long exil, loin de leur patrie, de leurs maisons, de leur temple? Autel, sacrifice, offrande, libations, psaumes chantés en commun, une fois sur la terre étrangère, ils avaient tout perdu. Ils ne durent pas renoncer seulement à leurs maisons, mais à combien de pratiques du culte divin? Ne savez-vous pas qu'ils furent livrés à des barbares qui étaient plutôt des loups que des hommes? Et, ce qu'il y a de plus terrible, c'est qu'ils étaient relégués loin de la patrie, sur une terre barbare, réduits à la plus cruelle servitude, qu'ils n'avaient ni maître pour les instruire, ni prophète, ni prince. Il n'y a, dit l'Ecriture, ni prince, ni prophète, ni chef, ni moyens de sacrifier devant toi et, d'obtenir miséricorde. (Daniel, III, 38.) Ce n'est pas tout, on les conduisit dans le palais comme sur une hauteur bordée de précipices, comme sur une mer remplie de rochers qui se cachent sous les flots; et sans pilote , sans matelots, sans voiles, ils furent forcés de naviguer sur cette mer dangereuse. Ils étaient comme dans une prison, au milieu de ce palais. Instruits clans la sagesse, supérieurs aux choses de ce monde, foulant aux pieds tout le faste des hommes, ces anges aux ailes légères, regardaient comme un surcroît de malheur de résider dans ce séjour. En effet, s'ils n'y eussent pas été renfermés, s'ils eussent habité une maison particulière, ils auraient joui d'une liberté plus grande ; mais, dans cette prison (car cette splendeur, toute cette magnificence ne leur semblait pas moins à craindre qu'une prison, que des précipices, que des écueils), ils surent bien tout de suite résister à de si grands dangers. Le roi leur commanda de s'asseoir à sa table voluptueuse, ce qui. leur était interdit et leur paraissait profane, impure, plus funeste que la mort; et seuls ils demeuraient comme des agneaux au milieu d'une bande de loups. Il fallait Ilien se laisser ronger par la faim, il fallait mourir, ou consentir à goûter des mets défendus. Eh bien ! que font-ils, ces jeunes gens, ces orphelins, ces captifs, ces étrangers, ces esclaves de ceux qui leur donnent de. pareils ordres? ils ne pensèrent pas à se faire une excuse, ni de la nécessité, ni de l'autorité du tyran qui dominait la ville. Tous leurs efforts , toutes leurs tentatives étaient pour se soustraire au péché, quoiqu'ils fussent abandonnés de tous. Ils ne pouvaient corrompre des hommes par argent, étant de pauvres captifs. Ils n'avaient ni confidents, ni amis; c'étaient des étrangers. Ils ne pouvaient prévaloir par la puissance , c'étaient des esclaves ; prévaloir par le nombre , ils (350) étaient trois. Ils vont donc trouver l'eunuque chargé de la table du roi, et le persuadent. Ils le trouvèrent, en effet, agité, inquiet, tremblant pour sa vie; épouvanté de l'idée de mourir : Je crains, dit-il, le roi mon seigneur, car s'il voit vos visages plus maigres que ceux des autres jeunes hommes de votre âge, vous serez cause que le roi me fera trancher la tête. (Dan. I, 10.) Ils le rassurèrent et en obtinrent ce qu'ils voulaient. Quand ils eurent donné au Seigneur tout ce qui dépendait d'eux, le Seigneur à son tour leur conféra ce. qui dépend de lui. Car ce n'était pas en Dieu seul que résidait le mérite qui leur valut la récompense à eux réservée, le principe, le point de départ, ils le portaient dans leur âme .généreuse; une fois qu'ils l'eurent noblement, virilement montré, ils conquirent la faveur de Dieu, et ils parvinrent au terme de leur ardent désir.

16. Comprenez-vous combien il est vrai de dire, qu'à celui qui ne se nuit pas à lui-même, aucun autre ne peut nuire? Voyez donc : jeunesse; captivité, séjour dans une terre étrangère, abandon général, manque de tout secours , ordre rigoureux qui était imposé , crainte violente qui oppressait l'âme de l'eunuque, pauvreté, petit nombre, malheur de trouver au milieu des barbares, d'avoir ses ennemis pour maîtres, d'être à la merci d'un prince cruel , l'éloignement de tous les parents, de tous tes proches, absence des prêtres, des prophètes , de tous ceux qui pouvaient instruire et soutenu, cessation absolue des libations et des sacrifices, privation du temple et des chants sacrés, rien dé tout cela, rien ne porta atteinte à la vertu des trois jeunes gens. Au contraire , elle s'est agrandie , elle a mérité plus de gloire qu'aux jours où ils jouissaient de toits ces biens dans leur propre patrie. Après avoir achevé ce premier combat, ceint leur front d'une brillante couronne, conservé leur. loi, même en pays étranger, foulé aux pieds même l'ordre d'un tyran, vaincu la terreur du démon, sans recevoir aucun dommage; aussi purs que s'ils étaient restés dans leur patrie, en pleine jouissance des biens sacrés; heureux de leur tâche accomplie sans crainte, ils furent de nouveau appelés à des luttes nouvelles, et, de nouveau, ils se montrèrent les mêmes. Un combat plus terrible que le premier leur était offert; une fournaise était embrasée; une armée barbare, son roi en tête, était rangée devant eux; toute la puissance de la Perse était mise en mouvement; tout s'agitait, tout était préparé pour triompher d'eux par la ruse et par la violence, par la diversité des séductions de la musique, par la variété des supplices, par les menaces, par les images terribles qui les entouraient de tous côtés, par les paroles plus terribles que ces images; mais, comme ils ne se trahirent pas eux-mêmes, comme, au contraire, ils déployèrent toutes les ressources qui étaient en eux, rien, non, rien ne leur fit sentir l'atteinte du mal, et ils ajoutèrent, à leurs premières couronnes, d'autres couronnes plus éclatantes encore. Nabuchodonosor les chargea de fers et les jeta dans la fournaise, et il ne leur nuisit point ; il servit , au contraire , leurs intérêts , il travailla à rendre leur gloire plus brillante. Ces jeunes hommes n'avaient ni temple (je veux le répéter encore), ni autel, ni patrie, ni prêtres, ni prophètes; ils étaient dans un pays étranger ; barbare , au milieu d'une fournaise , au milieu de toute cette armée, sous les yeux du roi qui commandait leur supplice, et ils dressèrent un trophée splendide, et ils remportèrent une insigne victoire, quand ils chantèrent tout à coup cet admirable cantique qui, depuis, se chanté, de nos jours encore, sur toute la terre, et se chantera dans tous les siècles. Voilà donc la vérité; que personne. ne se fasse de mal à soi-même, et personne ne fera de mal à autrui. Voilà en effet le cantique, la parole que je ne cesserai pas de redire; car, s'il est vrai que la captivité, la servitude; l'abandon, la patrie et tous les parents perdus, la mort, les flammes dévorantes, une si grande armée, un tyran si cruel, ont été sans pouvoir contre ces trois jeunes hommes, ces captifs, ces esclaves, ces étrangers, qui se trouvaient au milieu d'étrangers; s'il est vrai que rien n'a entamé leur vertu, que ces attaques cruelles n'ont abouti qu'à faire éclater la liberté de leur langage, quel mat atteindra l'homme chaste et tempérant? Non, rien ne peut lui être nuisible, eût-il tout l'univers contre lui. Mais Dieu, me répond-on, les assista dans cette épreuve. C'est Dieu qui les arracha aux flammes, sans doute, assurément, et vous aussi, faites tout ce qui dépend de vous, et vous êtes sûrs que Dieu aussitôt vous accordera son secours.

17. Cependant si j'admire ces nobles jeunes gens; si je célèbre leur bonheur; si je (351) proclame qu'ils sont dignes d'envie, ce n'est pas parce qu'ils, ont foulé les flammes sous leurs pieds, parce qu'ils ont vaincu le feu dévorant; mais parce que c'est pour rendre hommage à la vérité, à la vraie doctrine, qu'ils se sont laissés enchaîner, jeter dans la fournaise et livrer au fers. Voilà uniquement ce qui leur constitue un glorieux trophée. Du moment qu'ils furent jetés dans la fournaise, la couronne fut mise sur leur front. Cette couronne, on commença à la tresser, sans attendre l’issue de l'événement, aussitôt qu'ils firent entendre ces paroles prononcées avec une entière confiance, librement, devant tout le peuple, à la face du roi : Il n'est pas besoin, ô roi, que nous vous répondions sur ce sujet, car notre Dieu, le Dieu que nous adorons peut certainement nous retirer du milieu des flammes de la fournaise et nous délivrer, ô roi, d'entre vos mains; s'il ne veut pas le faire, nous vous déclarons néanmoins, ô roi, que nous n'honorons point vos dieux, et que nous n'adorons point la statue d’or que vous avez fait élever. (Dan. III, 16, 17 et 18.) A partir de ces paroles, je constate et proclame leur gloire ; à partir de ces paroles, vainqueurs, triomphants, ils coururent. pour saisir l'éclatante couronne du martyre; confesseurs par les paroles, ils voulurent encore être confesseurs par les effets. Quand ils furent livrés aux flammes, si les flammes respectèrent leur personne , détruisirent leurs . liens, leur permirent de demeurer intacts dans le foyer brûlant; si le feu oublia sa nature; si la fournaise embrasée devint une source d'eau fraîche, cette oeuvre surnaturelle, étonnante, fut le propre de la divine grâce ; ce fut le miracle- de Dieu. Pour ces athlètes, même avant ces prodiges , aussitôt qu'ils furent entrés dans la flamme, ils avaient érigé leur trophée, remporté leur victoire; ils portaient au front leur couronne; et le ciel et la terre les célébraient; et rien ne manquait plus à leur gloire. Que pourrez-vous donc alléguer ? Vous êtes un exilé banni de votre patrie? eux aussi. Vous avez enduré la captivité, sous des maîtres étrangers? eux aussi; lisez leur histoire. Mais vous n'avez personne pour vous assister, pour vous diriger, pour vous avertir, pour vous éclairer? Eux aussi n'avaient personne pour s'occuper d'eux. Mais on vous livrait aux flammes, mais la mort était sur vous? je crois que vous ne pourriez rien nous objecter de plus sinistre; eh bien ! eux aussi. Voyez, ils ont persisté à travers toutes ces épreuves. Chaque difficulté ajoutait à leur gloire, à leur gloire de plus en plus éclatante, et grossissait leur récompense dans le ciel. Les Juifs avaient leur temple, avaient l'autel, l'arche, les chérubins, le propitiatoire, le voile, l'infinie multitude des prêtres: chaque jour, le culte de Dieu, les sacrifices du. matin, les sacrifices du soir, le continuel enseignement des prophètes; les vivants et les morts parlaient à leurs oreilles, leur rappelant les miracles de l'Egypte, les miracles du désert, tous les autres prodiges. Cette histoire, les Juifs l'avaient dans leurs mains; la trouvaient inscrite sur leurs murailles, c'était pour eux que tant de faits surprenants s'étaient manifestés, au-dessus de l'ordre de la nature. Et, que dirai je de toutes les autres marques de la sollicitude, de la providence de Dieu ? Eh bien ! non-seulement, ils n'en ont retiré aucun profit; au contraire, ils y. ont trouvé ce qui leur a été nuisible; élevant dans le temple même, élevant des idoles; massacrant leurs fils et leurs filles, au pied des arbres ; pratiquant tout ce qui est défendu par la loi; souillant, de leurs exécrables sacrifices, presque toute la terre de la Palestine; commettant toutes les abominations imaginables. Au contraire; ces jeunes hommes, en pleine barbarie, sur une terre ennemie, dans la demeure d'an tyran, privés de tous les soins, entraînés au supplice, brûlés, non-seulement ne souffrirent par là aucun mal, ni petit, ni grand; mais dé plus, leur gloire a grandi. Instruits par ces exemples, par les exemples semblables que réunit l'Ecriture inspirée de Dieu (en effet, beaucoup d'exemples de ce genre nous sont fournis par divers personnages), cessons de croire que la difficulté des temps ou des choses, que la nécessité, la violence, la tyrannie des grands de ce monde, puisse nous servir d'excuse quand nous avons péché. Ce que j'ai dit, en commençant mon discours, je veux le redire maintenant encore en le terminant. Celui qui reçoit un dommage, un préjudice, le reçoit de lui-même et non des autres, y eût-il un nombre infini de personnes conspirant à lui faire injustice; à lui causer préjudice et dommage. Voilà la vérité : Quand un homme ne se nuit pas à, lui-même, c'est en vain que tout ce qui peuple et les terres et les mers, conspirerait contre toi, ferait irruption sur lui, rien ne peut même effleurer celui gui pratique la vigilance, la tempérance dans le Seigneur. Soyons donc, (352) je vous en prie, toujours tempérants, toujours vigilants; supportons, d'une âme généreuse, toutes les douleurs, afin de jouir des biens impérissables, des biens éternels, en Jésus-Christ

Notre-Seigneur, à qui appartient la gloire et l'empire, et maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

 

Traduit par M. C. PORTELETTE.

 

 

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