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HOMÉLIE V. CAR LA GRACE DE DIEU, SALUTAIRE A TOUS LES HOMMES, A ÉTÉ MANIFESTÉE. NOUS ENSEIGNANT QUE, EN 8ENONÇANT A L'IMPIÉTÉ ET AUX PASSIONS MONDAINES, NOUS VIVIONS DANS CE PRÉSENT SIÈCLE SOBREMENT, JUSTEMENT ET RELIGIEUSEMENT; EN ATTENDANT LA BIENHEUREUSE ESPÉRANCE ET L'AVÈNEMENT DE LA GLOIRE DU GRAND DIEU ET NOTRE SAUVEUR JÉSUS-CHRIST, QUI S'EST DONNÉ LUI-MÊME POUR NOUS, AFIN DE NOUS RACHETER DE TOUTE INIQUITÉ ET DE NOUS PURIFIER, POUR LUI ÊTRE UN PEUPLE QUI LUI APPARTIENNE EN PROPRE, ET QUI SOIT ZÉLÉ POUR LES BONNES OEUVRES. (II, 11, 12, 13, 14, JUSQU'A III, 7.)

 

Analyse.

 

1. Effets de la grâce de Dieu. — Passions mondaines.

2. Contre la cupidité et l'avarice. — Contre ceux qui soutiennent que le Fils est moindre que le Père.

3. Qu'il ne faut pas user de propos injurieux.

4. Etat du monde avant Jésus-Christ, et à ce propos, histoire d'Androgée et de Minos.

5. Nous devons porter tout le monde à la vertu, quelque outrage qu'on nous fasse. — On doit être plus soigneux des maladies de l’âme que de celles du corps.

 

1. Après avoir exigé des serviteurs une grande vertu (car c'est une grande vertu que d'être en toutes choses un ornement pour la doctrine de Dieu notre Sauveur, et que de ne donner à ses maîtres aucune occasion de se plaindre même pour les plus petites choses), l'apôtre donne (426) un juste motif de la conduite qu'ils doivent tenir. Et quel est ce motif ? C'est que, dit-il, « la grâce de Dieu, salutaire à tous les hommes, a été manifestée». Comment ceux qui ont Dieu pour docteur ne seraient-ils pas tels que je viens de le dire, après avoir déjà trouvé grâce pour mille fautes? Car vous le savez: entre autres considérations, il y en a une quia le plus grand poids pour détourner l'âme du mal et la faire rougir d'elle-même, c'est de voir que malgré les mille péchés dont elle doit compte, bien loin d'être punie, elle trouve grâce et obtient mainte faveur. Dites-moi en effet , si quelqu'un après avoir subi mille offenses de la part de son esclave, ne le fait point battre de verges, mais lui accorde son pardon pour tout le passé, lui dit de craindre le châtiment pour l'avenir, lui recommande de prendre garde de retomber dans les mêmes errements, puis le comble de grands biens, y a-t-il quelqu'un selon vous, qui ne change pas de conduite en s'entendant pardonner ainsi? Ne croyez pas cependant que la grâce s'arrête au pardon des péchés déjà commis; elle nous prémunit encore pour l'avenir, car c'est là aussi un de ses effets. Si ceux qui font le mal ne devaient jamais être punis, ce ne serait plus là de la grâce, ce serait une manière de nous exciter à courir à notre ruine et à notre perte.

Car « la grâce de Dieu, salutaire à tous les hommes, a été manifestée : nous enseignant que, renonçant à l'impiété et aux passions mondaines, nous vivions dans le présent siècle sobrement, justement et religieuse« ment, en attendant la bienheureuse espérance et l'apparition de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur Jésus-Christ ». Voyez-vous comme à côté des récompenses il place la vertu ? De plus c'est bien là l'effet de la grâce de nous arracher aux biens terrestres pour nous conduire au ciel. L'apôtre nous montre ici deux avènements, et il y en a deux en effet, l'un de grâce, l'autre de rétribution ou de justice. — « Renonçant à l'impiété et aux passions mondaines ». C'est là le résumé de toute la vertu. Il ne dit pas : Fuyant l'impiété, mais - « Renonçant à l'impiété ». Le renoncement montre un grand éloignement, une grande haine, une grande aversion. Détournons-nous, dit-il, de la perversité et des passions du siècle avec toute l'ardeur du zèle que nous mettons à nous éloigner des idoles. car ce sont aussi des idoles que les passions du siècle, que la cupidité : et c'est ce qu'il appelle de l'idolâtrie. Toutes nos passions pour les biens qui regardent la vie présente sont des passions du siècle, tous nos désirs pour des biens qui périssent dans ce bas monde, sont des désirs mondains. Rejetons-les tous, car le Christ est venu pour que nous renoncions à l'impiété : par impiété il entend les fausses doctrines, par passion du siècle il entend une vie coupable. «Afin que nous vivions dans ce présent siècle sobrement, justement et religieusement ».

2. Voyez-vous ce que je vous dis toujours, c'est que pour être sobre il ne suffit point de s'abstenir de toute fornication, mais qu'il faut encore être pur de tout autre vice? Ainsi donc celui qui aime l'argent n'est pas sobre. Car de même que l'un aime les plaisirs charnels, de même l'autre aime l'argent, et même celui-ci a moins encore de continence, puisqu'il cède à une moins grande violence. On ne dirait pas d'un cocher qu'il est inhabile, parce qu'il ne saurait pas contenir un cheval impétueux et sans frein, mais parce qu'il ne saurait pas en soumettre un qui serait plein de douceur. Quoi donc, direz-vous, la passion de l'or est-elle moins forte que l'amour des plaisirs charnels ? Cela est évident pour tout le monde, et il y a beaucoup d'arguments à l'appui. D'abord le désir des plaisirs de la chair unit nécessairement en nous, or l'on sait que l'on ne peut se corriger que très-difficilement d'une passion que la nécessité nous impose, car elle a son siège dans notre nature même. En second lieu chez les anciens on tenait très-peu de compte,de l'argent; mais on n'avait pas la même indifférence pour les femmes. Si quel. qu'un s'approche de sa femme jusque dans la vieillesse, comme le permettent les lois, personne ne l'en blâmera, mais tous reprennent celui qui amasse de l'argent. Parmi les philosophes profanes, beaucoup ont méprisé les richesses sans avoir le même dédain pour les femmes, tellement l'amour qu'elles nous inspirent est tyrannique. Mais puisque nous parlons à l'assemblée des fidèles, n'allons pas chercher nos exemples au dehors, tirons-les de l'Ecriture. Voici ce que dit le bienheureux Paul, en quelque sorte sous forme de précepte impératif : « Ayant la nourriture et le vêtement, que cela nous suffise». (1 Tim. VI, 8.) Quant aux époux : « Ne vous privez point l'un de l'autre », dit-il, « si ce n'est par un (427) consentement mutuel; mais après cela retournez ensemble ». (I Cor. VII, 5.)

Vous pouvez le voir donner souvent des préceptes sur le commerce légitime des époux. Il permet qu'on jouisse de ces plaisirs de la chair, et tolère les secondes noces. C'est là un point qui excite toute sa sollicitude, et jamais il ne châtie pour cela, tandis qu'il condamne partout celui qui a la passion de l'or. Le Christ en effet nous a souvent donné des préceptes sur les richesses, nous engageant à fuir cette peste, mais il n'en est pas de même pour le commerce des époux. Ecoutez ce qu'il dit des richesses : « S'il y en a un qui ne renonce pas à tout ce qu'il a, il ne peut être mon disciple ». (Luc, XV, 33.) Nulle part il ne dit: S'il y en a un qui ne renonce pas à sa femme, car il savait -combien cet amour est fortement enraciné dans la nature. Pour l'apôtre il s'exprime ainsi : « Le mariage est honorable et le lit conjugal sans souillure ». (Hébr. XIII, 4.) En aucun endroit il ne dit que le souci de devenir riche est honorable, bien au contraire. Ecoutez-le dans son épître à Timothée : « Ceux qui veulent devenir riches, tombent dans la tentation et dans le piège, et en plusieurs désirs fous et nuisibles ». (I Tim. VI, 9.) Il ne dit pas amasser de l'argent, mais: « Devenir riches », et pour que vous en jugiez par le sens commun, il est nécessaire de donner ici quelques développements. Celui qui une fois s'est vu privé de toute sa fortune n'est plus tenu par la passion de l'or; car rien ne nous donne l'amour des richesses comme leur possession même. Les choses ne se passent pas ainsi pour l'amour des femmes : au contraire beaucoup ont été faits eunuques, mais n'ont pas pu éteindre la flamme intérieure qui les dévorait: c'est que la concupiscence réside dans d'autres organes que ceux dont on les avait privés, et qu'elle est placée dans le fond même de notre nature. Pourquoi ai-je dit tout cela? C'est pour montrer que les hommes cupides sont plus intempérants que les débauchés, parce qu'ils sont troublés par une passion moins forte; encore n'est-ce pas à proprement parler de la passion, c'est de la lâcheté. La concupiscence est si naturelle que ne s'approchât-on point d'une femme, la nature n'en agirait pas moins : mais il n'y a rien de tel pour l'amour de l'or.

« Que nous vivions religieusement dans le présent siècle». Quelle espérance avons-nous donc? Quelles récompenses obtiendrons-nous pour nos labeurs ? « En attendant », dit-il, « la bienheureuse espérance et l'avènement » : assurément on ne peut y voir rien de plus heureux, rien de plus désirable : ce sont là des biens que les paroles sont impuissantes à rendre, car ils dépassent la pensée. « En attendant », dit-il, « la bienheureuse espérance et l'avènement de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur Jésus-Christ ». Où sont ceux qui prétendent que lé Fils est inférieur au Père? « Notre grand Dieu et Sauveur », dit-il. Lui qui a sauvé ses ennemis, que ne fera-t-il point lorsqu'il recevra dans le ciel ceux qui auront bien agi? « Notre grand Dieu ». En disant notre grand Dieu, il ne dit pas à quel point il est grand, il l'appelle grand d'une manière absolue. Au-dessous de lui personne ne pourra véritablement être appelé grand, car il sera grand par rapport à quelque chose, et celui qui est grand par comparaison, n'est pas grand par sa propre nature. Or ici le mot grand est employé sans comparaison.

« Qui s'est donné lui-même pour nous afin de nous racheter de toute iniquité et de nous purifier pour lui être un peuple qui lui appartienne en propre et qui soit zélé pour les bonnes oeuvres », c'est-à-dire un peuple élu et qui n'ait rien de commun avec les autres. « Zélé four les bonnes oeuvres ». Voyez-vous comme on exige de vous les bonnes couvres ? et on ne nous demande pas seulement des bonnes couvres, on veut que nous soyons zélés, c'est-à-dire que nous nous portions à la vertu avec la plus grande ardeur, avec toute la véhémence désirable. Ainsi, s'il en a arraché plusieurs aux maux qui les accablaient, à l'incurable maladie qui les travaillait, ç'a été un effet de sa bonté. Pour ce qui suivra, c'est notre affaire et la sienne. — « Enseigne ces choses, exhorte et reprends avec toute autorité. — Enseigne ces choses et exhorte ».

3. Voyez quels préceptes il adresse à Timothée : « Prêche la parole, reprends, censure ». (II Tim. IV, 2.) Il dit ici: « Enseigne ces choses, exhorte et reprends avec toute autorité ». Comme les Crétois étaient d'un naturel plus indocile, l'apôtre dit à son disciple d'employer la sévérité et de reprendre avec toute autorité. Il y a en effet des péchés qu'il faut réprimer d'autorité. Ainsi pour les richesses, c'est par des exhortations qu'il faut persuader aux (428) hommes de les mépriser; il faut se servir des mêmes moyens pour engager les auditeurs à être doux et honnêtes. Mais a-t-on affaire à un adultère, à un débauché, à un homme passionné pour les richesses, il est nécessaire d'user d'autorité afin de les convertir. Pour celui qui observe les présages, qui s'adonne à la divination et autres choses semblables, ce n'est pas seulement avec autorité, c'est avec toute autorité qu'on doit les ramener dans la bonne voie. Voyez-vous comme l'apôtre veut que Tite commande avec la plus grande autorité, la plus grande puissance?

« Que personne ne te méprise. Avertis-les d'être soumis aux principautés. et aux puissances, d'obéir aux gouverneurs, d'être prêts à faire toutes sortes de bonnes actions, de ne médire de personne, de n'être point querelleurs ». (III, 1.) Quoi donc? N'est-il pas permis de couvrir d'injures ceux qui ont une mauvaise conduite? « D'être prêts à faire toutes sortes de bonnes actions, de ne médire de personne ». Ecoutons cette exhortation : « De ne médire de personne ». Notre bouche doit être pure de toute injure; quand nos accusations seraient fondées, ce n'est pas à nous à les élever, c'est au juge à examiner les choses : « Mais toi, dit-il, pourquoi juges-tu ton frère? » (Rom. XIV, 10.) Si elles ne sont pas fondées, voyez à quelles flammes terribles vous vous exposez Entendez l'un dés larrons dire à l'autre : « Nous sommes dans la même condamnation », nous courons les mêmes risques. Si vous dites du. mal des autres, bientôt vous-même vous serez en butte à des attaques semblables. C'est pourquoi saint Paul nous avertit en ces termes : « Que celui donc qui croit rester debout, prenne garde qu'il ne tombe ». (I Cor. X, 12.)

« De n'être point querelleurs, mais retenus et montrant une parfaite douceur envers tous les hommes » , c'est-à-dire envers. les gentils et les juifs, les criminels et les méchants. Plus haut en effet il nous effrayait en parlant de l'avenir: « Que celui donc qui croit rester debout, prenne garde qu'il ne tombe»; mais ici il nous exhorte non en parlant de l'avenir, mais en rappelant le passé, c'est ce qu'il fait dans ce qui suit : « Car nous étions aussi autrefois insensés » ; et de même dans l'épître aux Galates : « Nous aussi, lorsque nous étions enfants , nous étions asservis sous les rudiments du monde». (Gal. IV, 3.)

C'est comme s'il disait: Tu ne feras de reproches à personne, car toi aussi tu as tenu la même conduite.

« Car nous étions aussi autrefois insensés, rebelles, égarés, asservis à diverses convoitises et voluptés, vivant dans la malice et dans l'envie, dignes d'être haïs, et nous haïssant l'un l'autre ». Nous devons donc être les mêmes avec tous et nous conduire avec douceur. Car celui qui s'est trouvé dans l'état dont parle l'apôtre, et qui ensuite a été délivré, ne doit pas accabler les méchants d'outrages, mais prier pour eux et rendre grâces à Dieu, qui lui a permis, à lui et aux autres, de se délivrer de leurs anciens maux. Que personne ne se glorifie, car tous ont péché. Lors donc que vous voudrez couvrir quelqu'un de boue, interrogez-vous avec équité, pensez à la conduite que vous avez tenue, à l'incertitude où vous êtes sur votre avenir, et retenez votre indignation. Quand vous auriez cultivé la vertu dès vos premières années, vous auriez cependant commis encore beaucoup de fau. tes; et si vous êtes purs, songez que vous ne le devez point à votre vertu, mais à la grâce de Dieu ; car s'il n'avait pas appelé à lui vos aïeux, vous seriez infidèles.

Voyez comme l'apôtre parcourt tout le domaine de la perversité. Dieu ne nous a-t-il pas dispensé, mille grâces par les prophètes, par tous les hommes ? Et l'avons-nous entendu? « Car nous étions aussi autrefois égarés; mais quand la bonté de Dieu notre Sauveur et son amour. envers les hommes ont été manifestés, il nous a sauvés » ; comment cela? « Non par des oeuvres de justice que nous eussions faites, mais selon sa miséricorde, par le baptême de la régénération et le renouvellement du Saint-Esprit ». Eh quoi ! nous étions tellement plongés dans le vice, que nous ne pouvions nous purifier, mais que nous avions besoin de régénération ! C'est là en effet une régénération. Car lorsqu'une maison menace ruine, personne n'y met de support, ni ne répare les vieux bâtiments, mais on les renverse de fond en comble pour les relever et les renouveler. Il en est de même de Dieu: il ne répare pas un vieil édifice, il le reconstruit jusque dans ses fondements; c'est ce que veulent dire ces paroles : « Et le renouvellement du Saint-Esprit » ; il nous fait neufs depuis les pieds jusqu'à la tête, comment? par le Saint-Esprit. C'est ce que l'apôtre montre (429) encore d'une autre manière en ajoutant : «Lequel il a répandu en nous abondamment par Jésus-Christ notre Sauveur ». Ainsi nous avons un grand besoin de la miséricorde de Dieu. « Afin qu'ayant été justifiés par sa grâce », c'est encore par sa grâce et non par nos mérités, « nous soyons les héritiers de la vie éternelle «selon notre espérance». Il y a là tout à la fois exhortation à l'humilité et espérance des récompenses futures. Car si Dieu nous a sauvés, lorsque nous étions dans un état tellement désespéré qu'il nous fallait être renouvelés et sauvés par la grâce, puisque nous n'avions pas un seul bien en propre, à combien plus forte raison ne nous sauvera-t-il pas dans l'avenir ?

4. Il n'y avait rien de pire que la férocité humaine avant la venue de Jésus-Christ ; presque tous les hommes étaient en inimitié ou en guerre les uns avec les autres; les pères égorgeaient leurs fils, les mères entraient en fureur contre leurs enfants : il n'y avait rien de fixe, pas de loi naturelle, pas de loi écrite, tout était dans le plus grand désordre, il y avait continuellement des adultères, des meurtres, et des choses plus odieuses que le meurtre, s'il en est, des vols à chaque moment. Un auteur profane dit : Il semblait que lé larcin passât pour vertu, et ce n'est pas étonnant, si l'on voit qu'on adorait un dieu du vol : il y avait souvent des oracles qui ordonnaient de tuer tel ou tel. Raconterai-je un fait qui s'est passé alors? Androgée, un fils de Minos, étant venu à Athènes, et ayant été vainqueur dans les jeux, subit le suppliée et fut tué. Apollon, guérissant le mal par 1e mal, ordonna que pour le venger on enlèverait quatorze enfants à leurs familles et qu'on les ferait périr. Y a-t-il rien de plus cruel que cette tyrannie? C'est ce qui fut exécuté. Pour satisfaire la fureur du, dieu, il se trouva un homme qui égorgea ces enfants, car l'erreur régnait parmi ce peuple. Plus tard ils refusèrent ce tribut et brisèrent ce joug. Si cependant ils avaient eu raison d'égorger ces enfants, il ne fallait pas cesser de le faire; si, air contraire, c'était une injustice criminelle, comme de fait c'en était une, c'était mal de leur donner cet ordre dans le principe.

On adorait des lutteurs au pugilat ou à la palestre. Il y avait sans cessé la guerre dans les villes, dans les villages, dans les maisons. Les amours contre nature étaient communs, et un de leurs philosophes a porté une loi par laquelle il défendait aux esclaves ces sortes d'amours et de se frotter d'huile, réservant cela comme un privilège honorable aux hommes libres. Aussi le faisaient-ils au grand jour dans leurs maisons. Si on examine tout ce qui les concerne, on trouvera qu'ils ont insulté à la nature elle-même et que personne n'y mettait obstacle. Tout leur théâtre est rempli de crimes de ce genre, d'adultères et de débauches, d'impureté et de corruption. Il y avait des nuits entières passées dans des veillées abominables, et les femmes étaient appelées à ces spectacles. O souillure ! pendant la nuit, sous tous les yeux il y avait de ces veillées, et les vierges se trouvaient parmi des jeunes gens en délire au milieu d'une multitude ivre. Ces veillées se passaient dans les ténèbres, et. on y faisait des actions exécrables. C'est pourquoi l'apôtre dit : « Car nous étions aussi autrefois insensés, rebelles, égarés, asservis à diverses convoitises et voluptés ». Celui-ci, veut-il dire, a aimé sa belle-mère, celle-là a aimé son beau-fils, puis s'est pendue. Car pour l'amour qu'on porte aux enfants, et qu'on appelle la pédérastie, on ne peut pas même en parler. Mais quoi ! voulez-vous voir des fils épouser leurs mères? c'est ce qui s'est rencontré chez eux, et, ce qui est plus grave, cela arrivait par ignorance; et leur dieu, bien loin de s'y opposer, se riait de voir la nature outragée, quoique les plus illustres personnages fussent en cause. Mais si ceux qu'on devait s'attendre à voir cultiver la vertu, pour tout le moins dans le désir d'arriver à la gloire, sinon pour un autre motif, étaient si enclins à la perversité, qu'a-t-il dû en être, pensez-vous, de ceux qui menaient une vie obscure? Qu'y a-t-il de plus inconstant que ces plaisirs? Voilà une femme qui aime un certain Egisthe, et par condescendance pour cet adultère , elle tue son mari à son retour. Vous connaissez pour la plupart cette histoire. Le fils de la victime fait périr celui qui a souillé la couche de son père, il égorge même sa mère, ensuite il entre en démence et est agité par les furies, puis dans son délire il en tue un autre et lui prend sa femme. Y a-t-il rien qu'on puisse comparer à ces déplorables événements?

J'ai pris du dehors ces exemples pour montrer aux gentils combien de maux ont régné alors sur la terre. Mais, si vous le voulez, je m'en tiendrai aux saintes Ecritures : «  Ils (430) immolèrent aux démons leurs fils et leurs filles ». (Ps. CV, 35.) De leur côté, les Sodomites n'ont péri que pour avoir outragé la nature par de brutales amours. Au commencement même de la venue du Christ, la fille d'un roi n'a-t-elle pas dansé pendant un repas au milieu d'hommes ivres? n'a-t-elle pas demandé un meurtre et reçu pour prix de sa danse la tête d'un prophète? Qui célébrera les bienfaits de Dieu qui a mis fin à ces abominations ?

« Dignes d'être haïs et nous haïssant l'un l'autre ». En effet, lorsqu'on lâche la bride au plaisir, ce désordre doit nécessairement exciter partout des haines; au contraire, là où l'amour est joint à la vertu, personne ne peut rien ravir à personne. Ecoutez ce que dit saint Paul : « Ne vous trompez point vous-mêmes; ni les fornicateurs, ni les idolâtres, ni les adultères, ni les efféminés, ni ceux qui commettent des péchés contre nature, ni les larrons, ni les avares, ni les ivrognes, ni les médisants , ni les ravisseurs n'hériteront point le royaume de Dieu. Or vous étiez cela, quelques-uns de vous. » (I Cor. VI, 9.) Voyez-vous comme tous les genres de perversité étaient répandus, combien il y avait de ténèbres , et comment toute justice était violée? Car si ceux qui avaient le don de prophétie et qui voyaient d'innombrables vices, soit chez les autres peuples soit dans le leur, ne se modéraient pas cependant, mais commettaient mille fautes nouvelles, que ne devaient pas faire les autres? En Grèce, un législateur a ordonné que les jeunes filles combattraient nues sous les yeux des hommes. Combien n'avez-vous pas gagné en vertu, puisque vous ne pouvez pas même entendre parler de ces choses ? Voilà cependant ce dont ne rougissaient pas les philosophes, même l'un d'entre eux et le plus grand, va jusqu'à conduire les femmes à la guerre, et il veut qu'elles soient toutes à tous comme un entremetteur, un proxénète. — « Vivant dans la malice et dans l'envie ». En effet, si ceux qui s'adonnaient à la philosophie, portaient de telles lois, que dirons-nous de ceux qui ne s'y adonnaient pas? Si ceux qui avaient la longue barbe et le manteau des philosophes, tenaient .ce langage, que dirions-nous des autres?

Non, Platon, la femme n'a pas été faite pour être à tous. O vous qui renversez toutes choses, qui vous unissez à des hommes qui vous tiennent lieu de femmes, et qui conduisez à la guerre des femmes qui sous tiennent lieu d'hommes, c'est bien là l'oeuvre du diable,. que de tout confondre et bouleverser, que de s'attaquer à , l'ordre établi dès le commencement du monde, que de changer les lois données par Dieu même à la nature. Dieu en effet n'a accordé à la femme que la garde de la maison, à l'homme il a confié le soin des affaires publiques. Mais toi tu mets les pieds à la place de la tête et la tête à la place des pieds. Tu armes les femmes et tu n'en rougis pas ! Mais pourquoi m'arrêter à ce fait? Chez eux, à ce qu'ils racontent, on a vu une mère tuer ses enfants, et. ils ne rougissent pas, et ils n'ont pas honte de dire à des oreilles humaines ces faits exécrables.

« Mais quand la bonté de Dieu notre Sauveur et son amour envers les hommes ont été manifestés, il noirs a sauvés, non par des oeuvres de justice que nous eussions faites, mais selon sa miséricorde, par le baptême de la régénération et le renouvellement du Saint-Esprit, lequel il a répandu abondamment en nous par Jésus notre Sauveur, afin qu'étant justifiés par sa grâce, nous soyons les héritiers de la vie éternelle, selon notre espérance ». Qu'est-ce à dire, « selon notre espérance? » Cela signifie : Puissions nous avoir lé bonheur que nous avons espéré; on peut encore lui donner ce sens : car vous êtes déjà les héritiers. « Cette parole est certaine ».Comme il parle des biens futurs et non de ceux de la vie présente, il a soin d'ajouter que ce qu'il dit est digne de foi. Ces choses sont vraies, dit-il, et c'est ce qui a été rendu évident par tout ce qui a précédé. Celui en effet qui nous a délivrés d'une telle iniquité, de tant de maux, nous accordera certainement les récompenses futures si nous persévérons dans la grâce : car c'est la même Providence qui s'étend à tout.

5. C'est pourquoi rendons grâces à Dieu et ne lançons contré les autres ni injures, ni accusations ; exhortons-les plutôt, prions pour eux, donnons-leur des conseils, quand même; ils nous outrageraient, quand même ils trépigneraient : car il faut s'attendre à cela de la part des malades. Mais ceux qui veulent les sauver, supportent tout., font tout, même lorsqu'ils n'obtiennent aucun résultat , afin de n'avoir pas à se reprocher à eux-mêmes d'avoir rien, négligé. Ignorez-vous que souvent, (431) lorsqu'un médecin désespère d'un malade, quelqu'un des parents de celui-ci lui dit : Donne de nouveaux soins, ne néglige rien, pour que je ne puisse pas m'accuser, me blâmer moi-même, pour que je n'aie pas le moindre motif de m'adresser des reproches. Ne voyez-vous pas tous les soins que les amis et les parents ont pour ceux qui les touchent? Que ne font-ils pas dans leur sollicitude ! Ils interrogent les médecins, ils sont toujours là.

Imitons-les, bien que notre inquiétude porte sur d'autres maux. En ce moment si son fils était atteint d'une maladie, un père n'hésiterait pas à entreprendre un long voyage pour l'en délivrer. Mais l'âme est-elle dans un mauvais état, personne n'y prend garde. Tous nous sommes languissants, tous nous sommes mous, tous nous sommes négligents et nous regardons avec indifférence nos enfants, nos femmes, nous-mêmes attaqués par un si grand mal. Ce n'est que plus tard que nous arrivons à en comprendre la gravité: mais songez combien il sera honteux, combien il sera risible de venir dire ensuite: Nous ne nous y attendions pas, nous ne croyions pas qu'il en serait ainsi. Ce ne sera pas seulement honteux, ce sera très-dangereux. Car si dans la vie présente c'est le propre des insensés de ne pas prévoir ce qui arrivera, combien cela n'est-il pas plus vrai encore, lorsqu'il s'agit de la vie future et que nous entendons tant de voix nous donner des conseils et nous dire ce qu'il faut faire, ce qu'il ne faut pas faire.

Attachons-nous donc à cette espérance, prenons souci de notre salut, et en toute circonstance, prions Dieu de nous tendre la mails. Jusqu'à quand serons-nous négligents ? jusqu'à quand serons-nous indifférents? jusqu'à quand ne ferons-nous aucun cas ni de nous-mêmes iiide nos compagnons d'esclavage ? Dieu a répandu abondamment en nous la grâce du Saint-Esprit. Pensons donc quelle bonté il nous a montrée, et à notre tour montrons-lui un zèle aussi grand; aussi grand, nous ne le pouvons pas, mais quand il serait plus petit, ne l'en montrons pas moins. Car si après avoir été visités par la grâce, nous retombons dans notre apathie, des supplices plus terribles nous sont réservés : « Si je ne fusse point venu, et que je ne leur eusse point parlé, ils n'auraient point de péché, mais maintenant ils n'ont point d'excuse de leur péché ». (Jean, XV, 22.) Mais loin de nous la pensée qu'on puisse dire cela de nous, puissions-nous au contraire mériter les biens promis à ceux qui aiment Dieu en Jésus-Christ Notre-Seigneur, etc.

 

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