II TIMOTHÉE II

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HOMÉLIE II. NE ROUGISSEZ DONC POINT. DE NOTRE-SEIGNEUR QUE VOUS DEVEZ CONFESSER, NI DE MOI QUI SUIS SON CAPTIF. MAIS SOUFFREZ AVEC MOI POUR L'ÉVANGILE SELON LA FORCE DE DIEU QUI NOUS A SAUVÉS ET NOUS A APPELÉS PAR SA VOCATION SAINTE, NON SELON NOS OEUVRES, MAIS SELON SA VOLONTÉ ET SELON LA GRACE, QUI NOUS A ÉTÉ DONNÉE  EN JÉSUS-CHRIST AVANT TOUS LES SIÈCLES ; ET QUI A PARU MAINTENANT PAR L'AVÈNEMENT DE NOTRE-SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST.

 

ANALYSE

 

1 Ne pas rougir de la croix, de notre Sauveur, ni des liens de saint Paul captif pour Jésus-Christ.

2: De l'obéissance due aux pasteurs des âmes.

3. S'examiner soi-même et non les autres.

4. La dignité du sacrifice Eucharistique ne dépend pas, de l'homme qui l'offre. — Jésus-Christ est vraiment dans l'Eucharistie.

 

1. Rien n'est pire que de prendre les raisonnements humains pour règle et pour mesure des choses divines. Quiconque le fera tombera nécessairement du rocher de la foi et sera privé de la lumière. Si les yeux de notre corps ne peuvent supporter les rayons du soleil, s'il est vrai qu'il y aurait péril pour nous à vouloir fixer nos regards sur cet astre ; combien plus celui, qui voudrait fixer le faible regard de sa raison sur la lumière éternelle n'en serait-il pas ébloui, sans compter qu'il outragerait le don de Dieu? Voyez Marcion, Manès et Valentin et, tous ceux qui ont introduit des hérésies et des, doctrines de mort dans l'Eglise, de Dieu; c'est pour avoir voulu mesurer les choses de Dieu à la règle des raisonnements humains qu'ils ont tous eu honte de confesser le mystère de l'Incarnation et de la Rédemption. Cependant rien n'est plus glorieux que la croix de Jésus-Christ, bien loin qu'on doive eu rougir. La croix est la plus grande marque d'amour que Dieu ait donnée aux hommes, et il nous a moins bien témoigné combien il nous aime, en créant le ciel et la terre. Et en nous, tirant nous-mêmes du néant, qu'en souffrant le supplice de la croix. Aussi saint Paul se glorifie, dans la croix et dit : « A Dieu ne plaise que je me glorifie , sinon dans la croix de Notre-Seigneur Jésus-Christ ». (Gal. VI, 14.) Mais l'homme animal, au contraire, celui qui juge de Dieu par l'homme, se scandalise et rougit.

Voilà pourquoi saint Paul prescrit à son disciple et par lui à tous les fidèles de ne pas rougir du témoignage de Notre-Seigneur; (357) c'est-à-dire de ne pas rougir de prêcher le Crucifié, mais d'en être fier. Par eux-mêmes, la mort, la prison et les fers sont choses dignes de honte et d'opprobre; mais dès que l'on considère aussi la cause, que l'on envisage le mystère comme il faut, ces mêmes choses deviennent des objets augustes et glorieux. Cette mort de Jésus-Christ a sauvé le monde qui était perdu; cette mort a réconcilié le ciel avec la terre; cette mort a détruit la tyrannie du diable; des hommes elle a fait des anges et des enfants de Dieu. Cette mort a exalté notre nature sur le trône du Dieu de l'Univers. Quant aux liens de l'apôtre, ils ont converti des peuples. — « Ne rougissez donc pas du témoignage de Notre-Seigneur, ni de moi qui suis son captif, mais souffrez avec moi pour l'Evangile ». C'est-à-dire, quand même vous souffririez les mêmes choses, n'en rougissez pas. C'est là ce qu'il donne à entendre, on le voit, par ce qu'il a dit plus haut : « Dieu nous a donné l'esprit de force, de charité et de sagesse » ; on le voit aussi par ce qui suit : « Souffrez avec moi pour 1'Evangile ». C’est-à-dire, non-seulement n'ayez pas honte, mais n'ayez pas honte en cas d'épreuve. Il ne dit pas : Ne craignez pas, n'ayez pas peur, mais il dit pour l'exhorter mieux encore : « Ne rougissez pas », comme s'il n'y avait plus de danger, une fois la honte surmontée. C'est le seul malheur de la honte que l'on soit vaincu par elle. N'ayez donc pas honte, si moi qui ressuscite les morts, qui opère mille prodiges, moi qui parcours toute la terre pour l'évangéliser, je suis maintenant dans les liens. Ce n'est pas comme un malfaiteur que je suis maintenant dans les fers, mais c'est à cause du Crucifié. Simon Maître n'a pas eu honte de la croix, moi, je n'ai pas honte de mes liens. Et pour l'exhorter à ne pas avoir honte, il a bien fait de lui rappeler d'abord le souvenir de la croix. Si vous ne rougissez pas de la croix, veut-il dire, ne rougisses pas non plus de mes liens. Si notre Seigneur et Maître a souffert le supplice de là croix, combien plus devons-nous souffrir les liens ? Rougir des liens de l'apôtre ce serait aussi rougir de la croix de Jésus-Christ. Car, dit-il, ce, n'est pas à cause de moi que je porte ces fiers; donc pas de faiblesse, mais partagez mes souffrances, souffrez avec moi pour l'Evangile, littéralement « compatissez à l'Evangile » : il parlait de la sorte non que l'Évangile souffrit aucun dommage, mais afin d'exciter son disciple à souffrir pour l'Évangile.

« Selon la force de Dieu qui nous a sauvés , et nous a appelés par sa vocation sainte, non selon nos pauvres, mais selon le décret de sa volonté, et selon la grâce qui nous a été donnée en Jésus-Christ avant tous les siècles ». Comme d'ailleurs c'était tenir un langage .quelque peu dur que de dire : «Souffrez », il le console en disant : « Non selon nos oeuvres» : c'est-à-dire, ne comptez pas sur votre force mais sur celle de Dieu pour souffrir ces choses. Il dépend de vous de choisir et d'avoir de la bonne volonté, mais c'est Dieu qui vous donnera le soulagement et le repos. Ensuite il montre des marques de la puissance de Dieu. Songez, dit-il, comment vous avez été sauvé , comment vous avez été appelé c'est la même pensée qu'il exprime ailleurs : « Selon sa vertu qui opère en nous ». Ainsi il fallait une plus grande puissance pour convertir la terre que pour créer le ciel. — Comment donc nous a-t-il appelés par sa vocation sainte? c'est-à-dire qu'il nous a rendus saints de pécheurs et d'ennemis du Dieu que nous étions et cela ne vient nullement de nous, mais est un don de Dieu . Si donc Dieu est assez puissant pour appeler, et assez bon pour appeler gratuitement et non comme s'il payait une dette, il ne faut rien craindre. Si voulant nous sauver, Dieu l'a fait gratuitement lorsque nous étions ses ennemis, combien le fera-t-il davantage s'il voit que nous coopérions à notre salut? — «Non selon nos oeuvres, mais selon le décret de sa volonté », c'est-à-dire sans être contraint ni conseillé par personne ; il nous a sauvés par une décision de sa volonté propre, par un mouvement, de sa bonté personnelle. C est là ce que veut dire « par un décret ne sa propre volonté ». — «Et selon la grâce qui vous a été donnée, en Jésus-Christ avant tous les siècles ». C'est-à-dire, de toute éternité ces choses avaient été prédéterminées pour être accomplies en Jésus-Christ. Ce n'est pas peu que nôtre salut soit l'effet d'une résolution éternelle, et non d'une volonté passagère. Comment donc le Fils ne serait-il pas éternel, lui qui a voulu ces choses éternellement?

2. « Et qui a paru maintenant par l'avènement de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui a détruit la mort, et nous a découvert la vie et l’incorruptibilité par l’Evangile ». (358) Voyez-vous la puissance, voyez-vous le don qui vient non par nos oeuvres mais par l'Evangile? C'est là un sujet d'espérance. Ces deux choses se sont vues dans le corps de Jésus-Christ et se verront dans le nôtre. Et de quelle manière? « Par l'Evangile, pour lequel j'ai été établi prédicateur, apôtre et docteur des nations ». Pourquoi revient-il sans cesse sur cette idée et s'appelle-t-il ainsi le docteur des nations? Pour faire comprendre, comme je l'ai déjà dit, qu'il fallait aussi annoncer l'Evangile aux gentils. Ne vous laissez pas abattre par mes souffrances, veut dire l'apôtre, la puissance de la mort est anéantie. Je ne souffre pas comme un malfaiteur, mais je souffre pour l'enseignement des nations. Puis il ajoute la raison pour rendre son langage digne de foi. — « C'est aussi pour cette raison que je souffre ces maux: mais je n'en rougis point; car je sais en qui j'ai mis ma confiance et ma foi, je sais qu'il est assez puissant pour garder mon dépôt jusqu'à ce grand jour». — Qu'entend-il par « dépôt? » La foi, la prédication. Celui-là même qui m'a confié ce dépôt, saura le garder intact. Je souffre tout pour que, ce trésor ne soit point ravi. Je ne rougis pas de mes maux, il me suffit que ce dépôt soit conservé pur. Peut-être encore par ce dépôt entend-il les fidèles que Dieu lui a confiés ou qu'il a lui-même confiés à Dieu. Maintenant, dit-il, voici que je vous confie au Seigneur. C'est-à-dire, ceci ne me sera pas inutile; et Timothée me montre le fruit du dépôt. Voyez-vous comme il ne sent même pas ses maux par l'espérance qu'il a de faire des disciples? tel doit être un bon pasteur; il doit s'occuper des disciples et les compter pour tout. « Maintenant », dit-il ailleurs, « nous vivons, si vous vous tenez fermes dans le Seigneur » ; et encore : « Quelle est notre espérance, notre joie, notre couronne de gloire? n'est-ce pas vous devant Notre-Seigneur Jésus-Christ?» (I Thess. III, 8, et II, 19.) Le voyez-vous se préoccuper de ses disciples plus que de lui-même? Il faut en effet que les pères selon la grâce l'emportent sur les pères selon la nature par un plus ardent amour pour leurs enfants. Mais il convient aussi que leurs enfants aient pour eux de la tendresse. «Obéissez », dit le même apôtre, « et soyez soumis à vos conducteurs, sachant qu'ils veillent sur vos âmes comme devant en rendre compte ». (Hébr. XIII , 17.) Dites-moi, voilà le danger terrible auquel votre pasteur est exposé, et vous, vous ne voulez même pas lui obéir, et cela quand il s'agit de votre intérêt. Il ne lui suffit pas, à lui, de mettre ses propres affaires en bon état, tant que les vôtres sont en souffrance, il est dans l'angoisse, et exposé à rendre doublement compte. Songez que ce n'est pas peu de chose pour un pasteur que d'avoir un compte à rendre pour chacune des âmes dont il est chargé, que d'avoir à trembler pour le salut de toutes. Quels honneurs lui rendrez-vous, quels témoignages d'affection pourrez-vous lui donner qui compensent pour lui de tels dangers? Donnerez-vous pour lui votre vie; or lui, il donne sa vie pour vous. Et s'il ne la donne pas maintenant en temps opportun, il la perdra plus tard. Et vous, vous lui refusez toute obéissance, même celle qui n'est qu'en paroles. La cause de tous nos maux, c'est que l'autorité des pasteurs est foulée aux pieds. On ne connaît plus ni aucun respect ni aucune crainte. «Obéissez à vos chefs», dit l'apôtreet soyez-leur soumis » ; or, maintenant tout est bouleversé et confondu. Je ne dis pas ceci dans l'intérêt de ceux qui vous conduisent. Que leur revient-il en effet des honneurs que vous leur rendez, excepté votre obéissance? Je le dis dans votre intérêt, mes frères. Les honneurs qu'on leur rend ne leur sont d'aucune utilité pour l'avenir, ils rendront même leur juge. ment plus sévère. Les injures ne compromettront pas non plus leur avenir, elles serviront au contraire à les justifier. C'est donc votre intérêt que j'ai en vue en toutes choses. Les honneurs que les pasteurs reçoivent de leurs ouailles leur sont même reprochés comme lorsqu'il fut dit à Héli : « Je t'ai tiré de la maison de ton père ». On leur tient compte au contraire des outrages auxquels ils sont en butte; c'est ainsi que Dieu dit à Samuel : « Ce n'est pas toi qu'ils ont méprisé, c'est moi-même ». (I Rois II, 28 et VIII, 7.) En sorte que l'injure leur est un gain, et les honneurs une charge. Ce n'est donc pas, je le répète, dans leur intérêt que je parle, mais bien dans le vôtre. Qui honore le prêtre, honore Dieu. Qui s'accoutume à mépriser le prêtre, s'achemine vers le mépris de Dieu, et il y viendra un jour. « Celui qui vous reçoit me reçoit, dit Notre-Seigneur ». (Matth. X, 40.) « Honore ses prêtres », est-il dit encore. Avant d'en venir à mépriser Dieu, les Hébreux commencèrent par mépriser Moïse qu'ils voulaient (350) lapider. Quelqu'un qui sera pieux envers le prêtre, le sera à plus forte raison envers Dieu. S'il arrive que le prêtre soit mauvais, Dieu, voyant que pour lui plaire vous honorez même un indigne, vous en récompensera. « Si celui qui reçoit un prophète comme prophète obtient la récompense d'un prophète » (Matth. X, 41) : il en sera de même pour celui qui honore le prêtre, qui lui accorde soumission et obéissance. Si, lorsqu'il s'agit de l'hospitalité accordée à un inconnu, vous recevez une si grande récompense, il est clair que vous en obtiendrez une beaucoup plus grande pour vous soumettre à ceux à qui Dieu vous commande d'être soumis. « Les Scribes et les Pharisiens sont assis sur la chaire de Moïse», dit Notre-Seigneur, « faites donc ce qu'ils vous diront; mais n'imitez pas leurs oeuvres ». (Matth. XXIII, 2, 3.) Ignorez-vous ce que c'est qu'un prêtre? C'est un ange du Seigneur. Car les paroles qu'il dit ne sont pas de lui. Si vous le méprisez, ce n'est pas lui que vous méprisez, mais Dieu qui vous l'envoie. — Et qu'est-ce qui me prouve que c'est Dieu qui me l'envoie, direz-vous? — Si vous n'avez pas cette croyance, votre espérance est donc vaine. Car si Dieu n'opère point par l'intermédiaire du prêtre, vous ne recevez pas le baptême, vous ne participez pas aux divins mystères, vous ne recevez pas les eulogies, vous n'êtes pas chrétien.

3. Quoi donc ! direz-vous, est-ce que Dieu les ordonne tous, même les indignes? Dieu ne les ordonne pas tous, mais il opère lui-même par le ministère de tous, même des indignes, pour le salut du peuple. S'il s'est autrefois servi d'un âne, et d'un méchant. homme tel que Balaam pour bénir son peuple (Nomb. XXII); pourquoi ne se servirait-il pas d'un prêtre ? Qu'est-ce qu'il ne fait pas pour notre salut? Que ne dit-il pas? De quel intermédiaire dédaigne-t-il de se servir? S'il a opéré par le ministère de Judas, et par celui de ces prophètes auxquels il dit : « Je ne vous connais pas, retirez-vous de moi, vous qui opérez l'iniquité » Matth. VII, 23) ; si d'autres pécheurs ont chassé les démons en son nom; à plus forte raison opèrera-t-il par le ministère des prêtres. Si nous devions scruter la vie et la conduite de nos pasteurs, ce serait nous en réalité qui les ordonnerions, et alors tout serait mis sens dessus dessous, les pieds seraient en haut et la tête en bas. Ecoutez ce que dit saint Paul : « Pour moi, je me mets fort peu en peine d'être jugé par vous, on par quelque homme que ce soit»; et encore : « Pourquoi jugez-vous votre frère ? » (I Cor. IV, 3 ; et Rom. XIV, 10.) Si vous ne devez pas juger votre frère,- vous devez encore bien moins juger le prêtre. Si Dieu vous l'a commandé, vous avez raison de le faire, et vous péchez en ne le faisant pas. Mais s'il vous l'a défendu, gardez-vous de le faire; n'allez pas franchir la barrière des commandements. Après la prévarication du veau d'or, Coré, Dathan et Abiron, et leurs partisans, se soulevèrent contre Aaron. Or, qu'arriva-t-il ? vous le savez, ils furent anéantis. Que chacun s'occupe de ce qui le regarde. Si quelqu'un altère le dogme, ne l'écoutez pas, quand ce serait un ange. Si quelqu'un enseigne selon l'orthodoxie, ne faites pas attention à sa vie mais seulement à ses paroles. Vous avez saint Paul pour vous former au bien par ses exemples comme par ses discours.

Mais il ne donne pas aux pauvres, dites-vous, et il administre mal. Qu'en savez-vous ? N'accusez pas avant d'être sûr, craignez le compte que vous aurez à rendre. On juge souvent sur de simples soupçons. Imitez votre Maître, écoutez ce qu'il dit : « Je descendrai et je verrai si leurs oeuvres répondent à ce cri qui est venu jusqu'à moi, pour savoir si cela est ainsi, ou si cela n'est pas ». (Gen. XVIII, 21.) Etes-vous instruit, vous êtes-vous informé, avez-vous même été témoin, attendez encore le juge : ne prenez pas le rôle de Jésus-Christ. C'est à lui qu'il appartient de s'enquérir, non à vous. Vous n'êtes, vous, que le dernier des esclaves, et non le maître. Vous êtes une des brebis du troupeau, n'examinez pas trop rigoureusement votre pasteur, si vous ne voulez pas avoir à rendre compte des accusations que vous portez contre lui. — Et comment me commande-t-il ce qu'il ne fait pas lui-même, direz-vous? — Ce n'est pas lui qui vous commande; si c'est à lui que vous obéissez vous n'aurez pas de récompense. C'est Jésus-Christ qui vous commande. Que dis-je ? Il ne faudrait pas même obéir à saint Paul s'il prescrivait quelque chose de son chef, quelque chose d'humain; il faut obéir à l'apôtre portant en lui Jésus-Christ qui parle par sa bouche.

Ne nous jugeons pas les uns les autres, que chacun se juge soi-même et examine sa propre vie. Mais il doit être meilleur que moi, direz-vous. — Pourquoi? — Parce qu'il est (360) prêtre. — Est-ce qu'aussi il n'a pas de plus que vous les travaux, les dangers, les combats,de chaque jour, et les pénibles soucis? avec tout cela, comment pouvez-vous dire. qu'il n'est pas meilleur que vous? Et -quand il ne serait pas meilleur, est-ce une raison pour que vous vous perdiez? Ces paroles viennent d'un fol orgueil. D'où savez-vous qu'il n'est pas meilleur que vous? — Mais s'il vole, direz-vous, s'il dépouille l'Eglise ? — D'où savez-vous cela, ô homme? Pourquoi vous jeter vous-même dans le précipice? Si quelqu'un vous dit: Un tel a revêtu la pourpre; bien que vous en soyez instruit, vous vous bouchez les oreilles. Quoique vous puissiez prouver le contraire, vous vous retirez aussitôt, vous feignez de ne rien savoir, ne voulant pas courir un danger,superflu; mais ici vous courez encore au devant. Ces sortes de paroles ne passeront pas sans qu'il en soit demandé compte. Ecoutez ce que dit Jésus-Christ : «Je vous le déclare, toute parole inutile que les hommes auront dite, ils en rendront compte au jour du jugement ». (Matth. XII, 36.) Vous vous flattez d'être meilleur qu'un autre, et pour cette seule ;pensée d'orgueil, vous ne gémissez point, vous ne vous frappez point la poitrine, vous ne baissez pas les yeux, vous n'imitez pas le publicain? S'il en est ainsi, vous vous êtes perdu vous-même, fussiez-vous réellement meilleur que tel ou tel. Etes-vous meilleur? taisez-vous, si vous voulez rester meilleur. Si vous parlez, tout est perdu. Si vous vous croyez meilleur, vous ne l'êtes pas; si vous ne le croyez pas, vous avez beaucoup fait pour l'être. Si celui qui était pécheur se retira justifié pour avoir confessé ses péchés,. que ne gagnera pas celui qui sans être un grand pécheur, se croira néanmoins tel? Faites l'examen de votre vie. Vous, ne volez pas; mais vous ravissez, mais vous extorquez, mais vous faites mille choses de ce genre.

Je ne dis pas ceci pour faire l'éloge du vol, loin de là, je déplore au contraire l'état de ceux qui s'en rendent coupables, s'il en est de tels parmi les ministres de l'Eglise; ce. que je ne crois pas. Le vol sacrilège est un crime dont on ,ue peut dire toute l'énormité. Mais je prends vos intérêts : je ne veux pas que toute votre vertu soit,rendue inutile par vos médisances. Quoi de pire qu'un publicain? Or, celui dont parle l'Evangile était réellement publicain et comme tel coupable de mille fautes. Et cependant, que le pharisien dise seulement : « Je ne suis pas comme ce publicain », et voilà aussitôt tout son mérite perdu. Et vous; si vous dites : Je ne suis pas comme ce prêtre, un voleur sacrilège, comment ne perdrez-vous pas tout ce que vous avez de mérite? Si je dis ces choses, et si je me crois obligé d'y insister, ce .n'est pas que je m'intéresse à ces coupables, mais c'est que je crains que vous me perdiez tout le fruit de votre vertu en vous glorifiant vous-même et en condamnant les autres. Ecoutez ce conseil de saint Paul : « Que chacun examine bien ses propres actions, et alors il trouvera sa gloire en lui-même, et non point en se comparant avec les autres ». (Job, VI, 4.)

4. Dites-moi, lorsque vous êtes blessé et que vous allez trouver 1e médecin, est-ce que vous négligez d'appliquer le remède et de panser votre blessure, pour vous occuper de savoir si le médecin a lui-même ou s'il n'a pas de blessure? Et s'il se trouve qu'il en ait une, vous en inquiétez-vous? Est-ce que vous négligez .pour cela votre propre blessure ? Est-ce que vous dites: Il devrait n'être pas malade, étant médecin? Puisqu'il se porte mal, tout médecin qu'il est, je laisse, moi aussi, ma blessure sans la soigner. La malice du prêtre sera-t-elle une excuse pour le fidèle? Nullement. Le mauvais prêtre subira une peine proportionnée à sa malice, sans doute, mais vous aussi vous aurez le châtiment qui vous est dû et qui vous me vient; d'ailleurs le maître n'a que le rang du fidèle. «Ils seront tous enseignés par Dieu; et on ne dira plus : Connaissez le Seigneur; car tout le monde me connaîtra, depuis le plus petit jusqu'au plus grand ». (Jean, VI, 45; Isaïe, LIV, 13 ; Jérém. XXXI, 34.)  — Pourquoi donc direz-vous : Préside-t-il ? Pourquoi occupe-t-il la place qu'il occupe? — Cessons, je vous en conjure, de médire de nos pasteurs; n'examinons pas maintenant ce qu'ils font, si nous ne voulons pas nous nuire à nous-mêmes. Examinons-nous nous-mêmes, et nous ne dirons du mal de personne. Souvenons-nous avec respect de ce jour où il nous donna le baptême. Quels que soient les vices d'un père, son fils les cache avec soin. « Ne vous glorifiez point», dit le Sage, « de ce qui déshonore votre père; car ce n'est pas votre gloire, mais plutôt votre honte ». (Eccl. III, 12.) Quand même il manquerait de prudence, ayez de l'indulgence. Si cette parole a été dite des (361) pères selon la nature, elle peut l'être, à plus forte raison, des pères selon la grâce. Respectez celui qui, tous les jours, travaille à vous servir. C'est pour vous qu'il lit les Ecritures, pour vous qu'il orne la maison de Dieu, pour vous qu'il veille, pour vous qu'il prie, pour vous qu'il se tient devant Dieu en l'invoquant, pour vous qu'il administre les choses saintes. Respectez-le en songeant à ces bienfaits, ne l'approchez qu'avec vénération.

Est-il mauvais? dites-moi. Qu'est-ce que cela? Est-ce qu'il faut qu'il ne sort pas mauvais pour vous distribuer les plus grandes grâces? Nullement. Tout s'opère selon votre foi. Un homme juste ne vous servira de rien si vous n'êtes pas fidèle; un méchant ne vous nuira en rien si Vous êtes fidèle. Dieu s'est servi de boeufs pour reconduire l'arche, quand il voulut sauver son peuple. Est-ce la vie du piètre, est-ce sa vertu, qui opère nôtre salut? Les dons que Dieu nous accorde ne sont pas de nature à pouvoir être produits par la vertu de ses prêtres. Tout vient de la grâce. Le prêtre ne fait qu'ouvrir la bouche et prêter son organe à Dieu qui opère; le prêtre accomplit seulement le symbole. Songez quelle différence Il y a entre Jean-Baptiste et Jésus-Christ : Jean dit : « J'ai besoin d'être baptisé par vous », et : «Je ne suis pas digne de délier le cordon de ses souliers » . (Matth. III, 14 ; et Jean, I, 26.) Et cependant, malgré cette différence, lorsque Jean baptisa Jésus, le Saint-Esprit descendit, quoique Jean ne disposât point du Saint-Esprit. « Nous recevons tous de sa plénitude », est-il dit. (Jean, I, 16.) Cependant le Saint-Esprit ne descendit pas avant le baptême, et ce n'est pas Jean qui te fit descendre. Pourquoi les choses se passent-elles ainsi? Afin que Tous sachiez que le prêtre accomplit un symbole et rien vie plus. Jamais il n'y eut autant de distance entre un homme et un autre homme qu'entre Jean et Jésus; néanmoins, Jean baptise Jésus, et le Saint-Esprit descend, afin que vous appreniez que c'est Dieu qui fait et opère tout.

Je vais dire quelque chose qui paraîtra peut-être incroyable, mais ne vous en étonnez point, ne vous troublez pas. L'oblation est la même, qu'elle soit faite par le premier venu, ou par saint Paul, ou saint Pierre. Celle que le Christ donna autrefois à ses disciples était la même que celle que célèbrent aujourd'hui les prêtres. Celle-ci n'est en rien inférieure à celle-là; parce que ce ne sont pas les hommes qui la sanctifient, mais celui-là même qui sanctifia la première. Les paroles que Dieu prononça alors sont les mêmes que celles que le prêtre prononce encore maintenant; l'oblation est donc aussi la même. On en peut dire autant du baptême. Ainsi tout dépend de la foi. Le Saint-Esprit descendit aussitôt sur le centurion Corneille, parce qu'il avait fait ce qui dépendait de lui et témoigné sa foi. Donc le corps de Jésus-Christ est ici comme il était là. Celui qui s'imagine qu'il y a ici quelque chose de moins qu'il n'y avait là, ne sait pas que le Christ est encore présent et que c'est toujours lui qui opère.

Puisque vous savez ces choses, comme je ne vous les dis pas sans motif, mais pour vous corriger de vos défauts, et pour vous rendre plus prudents à l'avenir, conservez soigneusement rues paroles. Si nous nous contentons d'entendre, sans jamais pratiquer , nous ne retirerons aucun profit des prédications. Donnons une entière attention , une attention très-diligente à la parole de Dieu; gravons-la dans notre coeur; ayons-la toujours imprimée dans notre conscience, et ne cessons jamais de renvoyer la gloire au Père, au Fils et au Saint-Esprit. Ainsi soit-il.

 

 

 

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