I THESSALONICIENS VI

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HOMÉLIE VI. QUANT A CE QUI REGARDE LA CHARITÉ FRATERNELLE, NOUS N'AVONS PAS BESOIN DE VOUS ÉCRIRE SUR CE SUJET, PUISQUE DIEU VOUS A APPRIS LUI-MÊME A VOUS AIMER LES UNS LES AUTRES; ET, VRAIMENT, C'EST CE QUE VOUS PRATIQUEZ A L'ÉGARD DE TOUS NOS FRÈRES, QUI SONT DANS TOUTE LA MACÉDOINE. (IV, 9-11.)

 

Analyse.

 

1. De la nécessité de la charité. — Contre l'oisiveté. — Celui qui travaille, donne aux autres. — Il vaut mieux donner que recevoir. — Le travail, remède à la pauvreté; la foi en la résurrection, remède à la tristesse.

2. Contre le désespoir où se laissent aller, devant la mort. ceux qui croient en la résurrection. — Spécialement contre la douleur exagérée des veuves. — Sur les veuves inconsolables convolant à de secondes noces.

3. La longue vie, dans les premiers temps du monde, était la récompense de la foi des patriarches. — Longue vie d'Abraham et de Sara. — Ne pas irriter Dieu; il y a de la prudence à l'aimer par-dessus tout. — Explication de la fermeté de Job. — Quand Dieu nous comble de ses bienfaits, ils sont absolument gratuits, nullement mérités par nous.

4. Devoir des veuves, élever leurs enfants. — Bonheur du ciel ; les coursiers, là haut, sont les nuages. — Gloire des élus.

 

1. Pourquoi, après des discours si pressants sur la modestie et la sagesse, au moment de leur parler des oeuvres à accomplir, au moment de leur prouver qu'il ne faut pas s'affliger du départ de ceux qui nous sont chers, pourquoi ne parle-t-il qu'en passant du principe de tous les biens, de la charité ? « Nous n'avons pas besoin», dit-il, «de vous écrire». Il y a là une grande preuve d'intelligence et d'habileté dans l'enseignement spirituel. Il (211) fait ici deux choses: il montre que la charité est tellement nécessaire, qu'elle n'a pas même besoin d'être enseignée, car les vérités d'une grande importance éclatent aux yeux de tous; ensuite il les touche plus vivement en leur parlant ainsi, que s'il leur adressait une exhortation. Celui qui, par la considération que vous avez fait votre devoir, se dispense de vous exhorter, supposé que vous ne l'ayez pas rempli, vous excite plus fortement à l'accomplir. Et maintenant, voyez, il ne parle pas de la charité envers tous, mais de la charité envers ses frères. « Nous n'avons pas besoin de vous écrire ». Il fallait donc se taire, ne rien dire, puisqu'il n'en était pas besoin. Mais, en disant : Il n'est pas besoin, il dit plus que s'il faisait un discours en règle : « Puisque Dieu vous a appris lui-même ». Voyez quel honneur il leur fait : il leur donne Dieu lui-même pour maître. Il n'est pas nécessaire, dit-il, qu'un homme vous instruise. C'est ce que dit encore le Prophète : « Dieu leur apprendra à tous ». — « Puisque Dieu vous a appris lui-même », dit-il, « à vous aimer les uns les autres, et, vraiment, c'est ce que vous pratiquez à l'égard de tous nos frères, qui sont dans toute là Macédoine », et à l'égard de tous les autres, dit-il. Ce sont là des paroles tout à fait pressantes, pour les porter à cette conduite. Ce n'est pas sans y penser que je vous dis que Dieu vous a instruits lui-même; je le vois bien, aux oeuvres que vous faites; et, à l'appui de ces paroles, il cite un grand nombre de témoignages.

« Nous vous exhortons, mes frères, à vous avancer de plus en plus dans cet amour, à vous étudier, à vivre en repos, à vous appliquer chacun à ce que vous avez à faire, à travailler de vos propres mains, ainsi que nous vous l'avons ordonné, afin que vous vous conduisiez honnêtement envers ceux qui sont hors de l'Eglise, et que vous vous mettiez en état de n'avoir besoin de personne ». Il leur montre ici combien de maux résultent de l'oisiveté; de combien de vertus le travail est la source. Vérité qu'il met hors de contestation, par des exemples pris des choses qui nous entourent, comme il le fait dans un grand nombre de passages ; l'apôtre a grande raison de procéder ainsi: car, pour le commun des hommes, les choses sensibles sont plus éloquentes que les choses spirituelles. Le propre de la charité envers le prochain, ce n'est pas de recevoir, mais de donner. Et maintenant, voyez la sagesse de l'apôtre; au moment d'adresser aux fidèles une prière, des avertissements, il s'arrête, il établit simplement la règle de la vertu parfaite ; il veut laisser aux fidèles un moment pour respirer, après ses premiers avertissements; il veut qu'ils puissent se remettre de ses menaces. On l'a entendu dire : « Donc l'outrage n'est pas un outrage à un homme, mais à Dieu ». Une raison si forte ne souffre pas qu'on regimbe contre le précepte. Or, maintenant, l'effet du travail c'est que l'homme actif ni ne reçoit rien des autres, ni ne languit dans l'oisiveté. Celui qui travaille, donne aux autres: « C'est un plus grand bonheur », est-il dit, « de donner que de recevoir ». (Act. XX, 35.)

« A travailler », dit-il, « de vos propres « mains » ; où sont ceux qui veulent voir ici une œuvre spirituelle? Comprenez-vous comment le texte enlève à cette explication toute vraisemblance, par ces mots : « De vos propres mains? » Est-ce qu'on jeûne avec les mains? Est-ce qu'elles servent à veiller, à coucher sur la dure? Nul ne peut le soutenir. Mais il parle d'un travail spirituel ; c'est en effet une oeuvre spirituelle que de travailler pour fournir aux besoins des autres, et rien ne vaut ce travail. « Afin que vous vous conduisiez honnêtement ». Voyez sa manière de les toucher: il ne dit pas : De peur que vous ne vous déshonoriez en mendiant, mais il exprime implicitement cette pensée, d'une manière douce, de manière à piquer sans être blessant. Car, si les fidèles qui sont avec nous, se scandalisent de cette mendicité, à plus forte raison les étrangers trouvent-ils mille sujets d'accusations et de reproches, à la vue d'un homme sain de corps, pouvant se suffire à lui-même, et qui mendie, et qui a besoin des autres. Aussi nous appellent-ils d'un nom qui signifie « marchands du Christ. Voilà comment », dit-il ailleurs, « le nom de Dieu est blasphémé ». (Rom. II, 24.) Mais ici, rien de pareil. Il leur parle de ce qui pouvait le plus les toucher de la honte d'une pareille conduite. « Or, nous ne voulons pas, mes frères, que vous ignoriez ce que vous devez savoir , touchant ceux qui dorment du sommeil de la mort, afin que vous ne vous attristiez pas, comme font les autres hommes qui n'ont point d'espérance (12) ».

2. Les deux plus grandes causes des troubles de leurs pensées, c'étaient la pauvreté, et un chagrin porté au découragement, raisons (212) de trouble aussi pour le reste des hommes. Voyez comment s'y prend l'apôtre, pour guérir ces blessures. La pauvreté leur venait de ce qu'on leur avait enlevé leurs biens; or, s'il donne à ceux qui se sont vu ravir leurs biens à cause du Christ, le conseil de gagner leur vie par le travail, à plus forte raison le donne-t-il aux autres hommes. On leur avait enlevé leurs biens ; c'est ce qui résulte de ces paroles : « Vous êtes devenus les imitateurs des Eglises de Dieu, qui ont embrassé la foi de Jésus-Christ, dans la Judée ». (I Thess. II, 14.) Comment cela? c'est qu'en écrivant à ces Eglises, il leur disait : « Vous avez vu avec joie tous vos biens pillés ». (Hébr. X, 14.) Maintenant, dans le passage qui nous occupe, il parle de la résurrection. Quoi donc? n'avait-il pas déjà discouru avec eux sur ce sujet? sans doute; mais il insinue ici un autre mystère. Quel est-il ? C'est que « nous, qui sommes vivants et qui sommes réservés, » dit-il, « pour l'avènement du Seigneur, nous ne préviendrons point ceux qui sont dans le sommeil de la mort (14) ». La résurrection suffit pour consoler celui que tourmente la douleur; il suffit aussi de ce qu'il dit en ce moment pour confirmer la foi en la résurrection. Reprenons donc, et disons comme lui : « Or, nous ne voulons pas, mes frères, que vous ignoriez ce que vous devez savoir, touchant ceux qui dorment du sommeil de la mort, afin que vous ne vous attristiez pas, comme font les autres hommes, qui n'ont point d'espérance ». Voyez ici quelle douceur de langage; il ne leur dit pas : Etes-vous assez privés de raison, comme aux Galates (Galat. III, 3), assez insensés, vous, qui connaissez la résurrection, pour succomber à la douleur comme les incrédules? Il leur dit, avec une parfaite douceur : « Je ne veux pas » ; montrant d'ailleurs qu'il respecte leur vertu. Et il ne dit pas, touchant ceux qui sont morts, mais, dès ses premières paroles, il pose le fondement de la consolation.

Se frapper la poitrine, au trépas de ceux qui ne sont plus, ce n'est pas là, assurément, une conduite digne de ceux qui espèrent; sans doute l'âme qui ne sait rien de la résurrection, qui prend, cette mort pour une mort, a raison de guérir, de se lamenter sur ceux qui ont péri, de se livrer à une insupportable douleur ; mais toi qui attends la résurrection, pourquoi te lamentes-tu ? Le deuil ne convient qu'à ceux qui n'ont pas d'espérance. Ecoutez, ô femmes; vous toutes qui aimez les gémissements, vous toutes qui vous livrez au deuil outre mesure, vous faites ce que font les gentils. Si le deuil, au moment du départ de ceux qui ne sont plus, est le propre des gentils, que dirons-nous de ceux qui se frappent la poitrine, qui se déchirent les joues? Quel nom leur donner, répondez-moi ? D'où viennent vos lamentations, si vous croyez que le mort ressuscitera, si vous croyez qu'il n'est pas mort, si vous croyez qu'il n'y a là qu'un assoupissement et un sommeil? Mais, me répond-on, les habitudes si cruellement changées, un appui que l'on perd, un surveillant, un protecteur, tant de services précieux ravis à la fois ! Quand vous perdez un fils, avant l'âge, incapable jusqu'à ce jour de rien faire pour vous, pourquoi vos lamentations, pourquoi vos regrets? C'est, dit-on, qu'il montrait de belles espérances, et je croyais qu'il prendrait soin de moi. Et voilà pourquoi je regrette mon mari; pourquoi, mon fils; pourquoi je me frappe la poitrine; pourquoi je gémis; je crois en la résurrection, mais je suis abandonnée, sans secours; j'ai perdu mon protecteur, celui qui habitait avec moi, dont la vie était liée à la mienne, celui qui me consolait; de là mon deuil; je sais bien qu'il ressuscitera, mais je ne puis, en attendant, supporter la séparation ; une multitude d'affaires tourbillonnent sur moi; je suis exposée à tous ceux qui veulent me nuire; mes serviteurs, qui me craignaient auparavant, aujourd'hui me méprisent et m'insultent; celui que mon époux a bien traité, a oublié aujourd'hui ses bienfaits; mais celui qui a souffert de lui quelque rigueur, garde rancune à l'homme qui n'est plus, et tourne contre moi sa colère. C'est ce qui fait que je ne supporte pas mon veuvage, que mon deuil ne saurait être paisible, et voilà pourquoi je me frappe la poitrine, voilà pourquoi je me lamente.

Comment donc nous y prendre pour consoler ces femmes? Que leur dire? Comment bannir, loin d'elles, le chagrin? D'abord, j'essaierai de leur prouver que ce ne sont pas là des paroles qui expriment la douleur; que c'est le langage de tout ce qu'il y a,en réalité, de plus déraisonnable dans la passion. En effet, si vous avez de la douleur pour ce que vous dites, il faudrait pleurer toujours celui qui est parti; si, au contraire, au bout d'un (213) an, vous l'avez aussi bien oublié que s'il n'avait jamais existé, ce qui vous fait pleurer, ce n'est pas celui qui n'est plus, ni sa tutelle que vous avez perdue; mais c'est la séparation qui vous est insupportable; et vous ne pouvez vous résigner à voir vos relations rompues. — Eh bien ! que diront celles qui convolent à de secondes noces? assurément ce n'est pas le premier mariage qu'elles regrettent; mais laissons-les, ne nous adressons qu'à celles dont la douleur est fidèle à ceux qui, ne sont plus. Pourquoi pleurez-vous votre enfant? Pourquoi pleurez-vous votre mari? C'est que je n'ai pas joui de l'un ; c'est que je m'attendais à jouir de l'autre plus longtemps. Je vous le demande, quelle manque de foi que de penser qu'un mari, qu'un enfant puisse vous assurer un bonheur qui ne vous serait pas assuré par Dieu? Comment ne voyez-vous pas que c'est Dieu que vous irritez? Si le Seigneur vous prend ces objets de votre tendresse, souvent c'est pour que vous ne vous y attachiez pas, en renonçant aux espérances d'en-haut; car le Seigneur est un Dieu jaloux, et ce qu'il veut surtout de nous, c'est notre amour, et cela parce qu'il est pour nous plein d'amour. Vous savez bien comment se comporte l'amour ardent; celui qui aime, est jaloux jusqu'à mieux aimer perdre la vie, que de se voir préférer un rival; et voilà pourquoi Dieu vous a pris votre mari ou votre enfant; c'est à cause de ces paroles que vous avez prononcées.

3. Expliquez-moi, en effet, pourquoi, dans les anciens temps, il n'y avait ni veuvage, ni perte prématurée; pourquoi Abraham et Isaac vécurent si longtemps; c'est parce que Isaac, étant plein de vie, Abraham lui préféra Dieu. En effet, Dieu lui dit : Va me l'immoler. Et Abraham immola son fils. Pourquoi Sara atteignit-elle une si longue vieillesse? C'est parce que Sara étant pleine de vie, Abraham écouta Dieu plus que Sara; aussi Dieu lui disait : « Ecoute Sara ton épouse ». (Gen. XXI, 12). Ni l'amour pour un mari, ni l'amour pour une femme, ni l'intérêt pour un enfant, n'excitait alors la colère de Dieu. Mais aujourd'hui que nous sommes penchés vers la terre et tout à fait déchus, maris, nous aimons nos femmes plus que Dieu; femmes, nous nous attachons à nos maris plus qu'à Dieu ; et alors Dieu, malgré nous, nous rappelle à son amour. N'aime pas ton mari plus que Dieu, et tu ne sentiras jamais le veuvage; je dis plus, supposé que tu sois veuve, tu ne sentiras pas ton état. Pourquoi? c'est que tu as pour défenseur un ami plus tendre, un protecteur immortel. Si tu aimes Dieu plus que tout, ne pleure pas; car celui que tu aimes plus que tout, est immortel, et il ne permet pas que tu sois sensible à la perte du moins aimé. Un exemple vous prouvera cette vérité ; répondez-moi, vous avez un mari, qui fait tout au gré de vos désirs ; la considération l'entoure ; il répand la gloire tout autour de vous; il chasse loin de vous tous les mépris; c'est un homme fameux auprès de tous, plein de sagesse, d'habileté, d'amour pour vous; vous êtes heureuse par lui; il vous donne un fils, et ce fils, avant l'âge, s'en va; est-ce que vous sentirez le deuil? nullement. Celui qui est plus aimé, rend la perte moins sensible. Eh bien, maintenant, si vous avez plus d'amour pour Dieu que pour votre mari, Dieu ne vous l'enlèvera pas aussi vite ; s'il vous l'enlève, vous n'en ressentirez pas le deuil; voilà pourquoi le bienheureux Job n'a pas éprouvé une douleur trop amère en apprenant, coup sur coup, la mort de ses enfants; il aimait Dieu plus que ses fils. L'objet aimé étant plein de vie, ses pertes n'étaient pas faites pour l'abattre.

Que dis-tu, ô femme, ton mari et ton fils te défendaient et veillaient sur toi, et Dieu te traite avec rigueur? Ce mari, qui te l'a donné? N'est-ce pas Dieu? Et toi-même, qui est-ce qui t'a faite? N'est-ce pas Dieu? Tu n'étais pas, et il t'a donné l'être; et il a mis en toi une âme ; et il t'a douée de pensées; et il a daigné se faire connaître à toi; et, à cause de toi, il a traité avec rigueur son Fils unique ; et tu dis que c'est toi qu'il traite avec rigueur; et tu dis que celui qui est esclave comme toi, a pour toi moins de rigueur? Quelle colère n'excitent pas de telles paroles? Qu'as-tu reçu, quel pareil bienfait as-tu éprouvé de la part de ton mari? Tu ne saurais le dire. Si quelquefois il t'a traitée avec bienveillance, sa bienveillance était provoquée par la tienne qui avait commencé. Mais à propos de Dieu, ce langage est impossible; quand Dieu nous comble de ses bienfaits , ce n'est pas pour répondre aux nôtres, il n'a besoin de personne, il n'écoute que sa seule bonté, pour faire du bien aux hommes ; il t'a promis le royaume du ciel, il t'a donné la vie immortelle, la gloire, la fraternité, l'adoption des enfants de Dieu ; il t'a (212) faite cohéritière de son Fils unique; et toi, après tant de bienfaits, tu penses encore à ton mari? De quels dons t'a-t-il gratifiée, qui ressemblent à ces dons ?

Le Seigneur a fait lever pour toi son soleil, et il t'a envoyé la pluie; il te nourrit des fruits des saisons; malheur à notre ingratitude. Il te prend ton mari pour que tu n'y attaches pas toute ton âme, et toi, tu t'obstines à poursuivre celui qui est parti; et tu renonces à Dieu quand tu. devrais- le bénir, quand tu devrais te jeter tout entière dans ses bras; car enfin, qu'as-tu reçu de ton mari? Les douleurs de l'enfantement, les fatigues, les outrages, et souvent les querelles, et les reproches, et les paroles d'indignation. N'est-ce pas là ce qu'il faut attendre des maris? Mais il y a aussi, me répond cette femme, d'autres -présents bien doux. Quels sont-ils ? Il m'a revêtue de vêtements somptueux, il a couvert d'or mon visage, il m'a faite considérable pour tous. Eh bien, si vous voulez, Dieu vous donnera un ornement bien plus riche, car l'or est mie parure moins splendide que l'honnêteté. Notre Roi a aussi des vêtements qui ne ressemblent pas à ceux de la terre, qui sont bien plus riches; il ne tient qu'à vous de les revêtir. Quels sont-ils? Des vêtements brochés d'or; vous n'avez qu'à vouloir, pour en revêtir votre âme. Mais votre mari vous a rendue considérable parmi les hommes; quelle merveille I le veuvage vous a rendue respectable pour lés démons,. Autrefois, vous commandiez à vos serviteurs, je veux bien dire que vous leur commandiez ; aujourd'hui vous avez pour serviteurs, soumis à votre empire, les puissances incorporelles , les principautés , les dominations, le prince de ce monde. Et maintenant, vous ne me parlez pas des chagrins qui vous tourmentaient avec votre mari ; si parfois vous aviez à craindre les magistrats, si parfois; dans le voisinage, d'autres personnes étaient plus considérées que vous; aujourd'hui, vous êtes affranchie de tous ces soucis, et de la terreur, et de la crainte. Mais voilà ce qui vous inquiète : qui les nourrira, ces enfants qui vous restent? Le père des orphelins; car qui vous les a donnés? répondez-moi. N'entendez-vous pas le Christ dire dans l'Evangile : « La vie n'est-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement? » (Matth. VI, 25.)

4. Voyez -vous que ces lamentations ne viennent pas d'une affection dont l'âme s'est fait une habitude, mais du manque de foi? Mais les enfants n'ont plus une position si brillante, une fois que leur père est mort. Pourquoi ? Dieu est leur père, et leur position a cessé d'être brillante? Combien vous en montrerai-je d'enfants élevés par des veuves, qui ont acquis de la considération? Combien furent élevés par leur père, qui ont péri? Car, si vous les élevez comme il convient, dès le premier âge, ils jouiront d'un plus grand bienfait que de la sollicitude paternelle. Et voilà la fonction des veuves, elles doivent élever leurs fils. Ecoutez ce que dit saint Paul « Si elle a bien élevé ses enfants » ; et ailleurs « Elle se sauvera par les enfants qu'elle aura mis au monde » (l'apôtre ne dit pas par son mari) « s'ils persévèrent dans la foi, dans la charité, dans la sainteté et dans une vie bien réglée ». ( I Tim. V, 10 et II, 15.) Inspirez-leur la crainte de Dieu dès l'enfance, et il les gardera mieux que n'importe quel père; ce sera là, pour eux, le mur indestructible. En effet, quand le gardien réside à l'intérieur, nous n'avons pas besoin des appuis du dehors; si au contraire ce gardien manque, toutes les choses du dehors sont inutiles. Voilà ce qui leur tiendra lieu de richesse, de gloire, de parure; voilà qui fera leur splendeur, non-seulement sur la terre, mais dans les cieux. Ne regardez pas ceux qui ont des ceintures d'or, ceux que portent des coursiers, ceux qui brillent, dans les palais des rois, de l'éclat de leurs pères, ceux qui ont un cortège de serviteurs et de pédagogues.

Voilà peut-être ce qui excite les lamentations des veuves sur leurs fils orphelins; elles pensent, elles se disent : Si mon fils avait encore son père, il jouirait de toute cette félicité, tandis que maintenant le voilà abaissé, sans honneur; nul n'a de considération pour lui. Bannis ces pensées, ô femme; ouvre-toi les portes du ciel par les conceptions de ton esprit; contemple la royauté d'en-haut, c'est là que le vrai roi réside; considère ceux qui demeurent sur la terre : peuvent-ils être revêtus de plus de gloire que ton fils, élevé à ces hauteurs? Gémis alors, si tu peux. S'il est sur la terre quelque gloire, il n'en faut tenir aucun compte; tu peux te représenter ton fils comme un soldat du ciel, enrôlé dans cette sublime armée. Les soldats de là-haut ne montent pas des chevaux; leurs coursiers sont les nuages; (         215) ils ne se traînent pas sur la terre, ils volent dans le ciel; ils n'ont pas des esclaves précédant leur marche, ce sont les anges (lui vont devant eux; ils n'escortent pas un roi mortel, mais le Roi qui possède en propre l'immortalité, le Roi des rois, le Seigneur des seigneurs; ils n'entourent pas leurs reins d'une ceinture vulgaire, mais d'une gloire ineffable; et ils éclipsent les rois et tous ceux qu'on honore et qu'on estime; car, dans cette résidence royale, on ne recherche ni trésors, ni noblesse, ni rien de pareil ; on ne recherche que la vertu; et., avec elle, rien ne manque et l'on est au premier rang.

Rien ne nous est difficile, si nous voulons être sages. Lève les yeux au ciel, et vois de combien ces hauteurs dominent le faîte des rois. Si, de ces rois supérieurs, les parvis sont tellement magnifiques, que les palais des rois de la terre ne sont plus que de la boue ; si l'un de nous peut mériter de voir de près, dans toutes ses parties, cette sublime demeure, quelle ne sera pas sa félicité? « La veuve qui est vraiment veuve et abandonnée », dit l'apôtre, « espère en Dieu ». (I Tim. V, 5.) A qui adressé je ces paroles? Aux veuves qui ont des enfants, parce qu'elles sont de beaucoup plus considérables aux yeux de Dieu; parce qu'elles ont une plus grande occasion de plaire à Dieu ; parce que tous leurs liens sont brisés ; parce qu'elles n'ont plus rien qui les retienne; parce qu'elles n'ont plus de chaînes à traîner. Tu es séparée de ton mari, mais tu es unie à Dieu ; tu n'as plus de compagnon d'esclavage. partageant son existence avec toi, partage ton existence avec le Seigneur. Lorsque tu pries, n'est-ce pas avec Dieu que tu t'entretiens ? réponds-moi. Lorsque tu fais la lecture, écoute sa voix qui te parle ; que te dit-il? Des paroles bien plus désirables que les paroles d'un époux. Un époux, même quand il vous flatte, ne vous fait pas grand honneur; ce n'est qu'un compagnon d'esclavage; mais quand le Seigneur flatte sa servante, c'est alors que l'affection bienveillante est précieuse. Comment le Seigneur nous témoigne-t-il sa bonté? Ecoutez ses paroles : « Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et qui êtes chargés, et je vous soulagerai » ; et encore, il nous crie par le Prophète : « Une mère peut-elle oublier son enfant, et n'avoir point compassion du fils qu'elle a porté dans ses entrailles; mais, quand même elle l'oublierait, pour moi, je ne vous oublierai jamais ». (Isaïe, XLIX, 15.) Quelles paroles d'amour ! Et ailleurs : « Tournez-vous vers moi » ; et dans un autre passage encore : « Tourne-toi vers moi, et tu seras sauvé ». (Isaïe, IV, 5, 22; XLIV, 22.) Si l'on veut recueillir, dans le Cantique des cantiques, d'autres expressions plus mystiques : « Ma colombe, mon unique beauté ». (Cant. II, 10.) Voilà ce que dit le Seigneur à l'âme qu'il chérit. Quoi de plus doux que ces paroles? Voyez-vous l'entretien de Dieu avec l'homme?

Eh quoi ? dites-moi ; ne voyez-vous pas combien de fils de ces femmes bienheureuses, sont partis, sont couchés dans les tombeaux; combien de femmes ont souffert des douleurs plus cruelles, perdant leur mari , avant de perdre leurs enfants? Elevons nos âmes, appliquons-les aux divines promesses, méditons-les, et aucun chagrin ne nous accablera, et nous passerons notre vie entière dans la joie spirituelle, et nous jouirons des biens de l'éternité. Puissions-nous tous les obtenir par la grâce et par la bonté, etc.

 

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