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CINQUIÈME HOMÉLIE.

 

ANALYSE. — Dans la cinquième homélie , saint Jean Chrysostome, après avoir loué la vertu de Paul , qu'aucun obstacle ne pouvait arrêter ni ralentir, discute fort subtilement les moyens qu'il employait pour parvenir à son but, toutes les formes que prenait son zèle pour ramener tous les hommes à Dieu, s'accommodant toujours aux temps et aux personnes autant qu'il était possible.

 

1. Où sont-ils maintenant, ceux qui accusent la mort, et ce corps sensible et périssable, d'être pour eux un obstacle aux progrès dans la vertu ? Qu'ils écoutent les glorieuses actions de Paul, et renoncent à cette injuste accusation. Quel dommage la mort a-t-elle causé à notre nature ? en quoi la corruption du corps est-elle un obstacle à la vertu? Considérez Paul, et vous verrez de quelle très-grande utilité est pour nous notre mortalité. Car si Paul n'avait pas été mortel, il n'aurait pas pu dire, ou plutôt, il n'aurait pas pu montrer ce qu'il a proclamé par sa conduite: Tous les jours je meurs, je vous l'assure par la gloire que je reçois de vous en Jésus-Christ. (I Cor. XV, 31.) C'est qu'en toutes circonstances, il faut de l'âme, il faut de l'ardeur, et alors rien ne s'oppose à ce que l'on s'élève au premier rang parmi les saints. Est-ce que Paul n'était pas mortel ? Est-ce que ce n'était pas un homme vulgaire? Un pauvre, qui, chaque jour, gagnait sa vie du travail de ses mains ? Son corps n'était-il pas assujetti à toutes les nécessités de la nature ? Quel obstacle l'a empêché de devenir ce qu'il a été ? aucun. Donc, que nul pauvre ne se décourage; que nul ne s'irrite de son obscurité, ne s'afflige de la bassesse de son état; les plaintes ne conviennent qu'aux mous, qu'aux énervés. La mollesse, voilà le seul obstacle à la vertu; supprimez la corruption de l'âme, la mollesse du caractère, le reste n'est rien. C'est ce que nous fait voir ce bienheureux, qui nous rassemble en ce moment. Car, de même que tant de circonstances fâcheuses n'ont en rien gêné son action, de même les avantages contraires n'ont servi en rien les hommes en dehors de notre foi : ni l'habileté de la parole, ni les richesses, ni l'illustration de la naissance, ni la gloire, ni la puissance.

Mais que fais-je , en ne parlant que des hommes ! je m'arrête à la surface de la terre, quand je puis dire qu'il en est de même des vertus d'en-haut, des principautés, des dominations, des anges des ténèbres, des princes de ce monde? Car à quoi leur a servi leur nature ? N'est-il pas vrai que toutes ces puissances subiront le jugement de Paul, et de ceux qui lui ressemblent? Ne savez-vous pas que nous serons les juges des anges mêmes? à combien plus forte raison, de la vie présente ? ( I Cor. VI, 3.) Ne nous affligeons donc jamais que de notre corruption ; ne nous réjouissons jamais que de la vertu. Si nous avons le zèle de la vertu, aucun obstacle ne nous empêchera de (353) ressembler à Paul. Car ce n'est pas la grâce seulement qui a fait de lui ce qu'il est devenu; il a dû sa vertu à son ardeur aussi, et si la grâce l'a servi, c'est qu'il avait son ardeur personnelle. Car il posséda pleinement, d'une part, les dons de Dieu ; d'autre part, la volonté personnelle. Voulez-vous reconnaître les dons de Dieu ? les vêtements de Paul inspiraient la terreur aux démons. Mais ce n'est pas là ce que j'admire, non plus que l'ombre de Pierre, qui dissipait les maladies; ce que j'admire, t'est-ce qu'il fit d'admirable, avant la grâce, dès son entrée, ses débuts dans la carrière, quand il n'avait pas encore toute sa force, quand il n'avait pas encore reçu sa mission ; c'est l'ardeur de son zèle pour le Christ, qui alla jusqu'à soulever contre lui tout le peuple juif; au milieu de si grands dangers, dans une ville dont toutes les issues étaient fermées, descendu à l'aide d'une corbeille le long du mur, fugitif, il ne s'engourdit pas, ne se laissa pas surprendre par la terreur, par la crainte; son zèle ne fit que s'accroître ; il se retirait des dangers par sagesse, il ne se retirait jamais de la prédication; mais toujours , saisissant la croix, il suivait le Seigneur; il voyait l'exemple d'Etienne encore étendu à ses pieds; il voyait les Juifs surtout, acharnés contre lui, et comme avides de le dévorer. Ainsi on ne pouvait lui reprocher, ni de se jeter imprudemment dans les périls, ni d'écouter la lâcheté qui ne songe qu'à les fuir. Il tenait fortement à la vie présente, parce que sa vie était utile; et en même temps il méprisait tout à fait la vie, à cause de la sagesse qu'il puisait dans le mépris du monde, et aussi parce qu'il ressentait un violent désir d'aller à Jésus-Christ. Ce que je dis toujours en parlant de Paul, je ne cesserai jamais de le répéter ; nul autant que lui, dans des situations contraires, n'a mieux su accommoder son âme à ces situations : nul n'a jamais attaché plus de prix à la vie présente, même parmi ceux qui tiennent le plus à vivre; nul ne l'a plus méprisée, parmi ceux qui se précipitent le plus volontairement dans la mort. C'est ainsi qu'il était affranchi de toute passion; il ne tenait à rien des choses présentes; partout la volonté de Dieu pénétrait sa volonté; tantôt, il dit que la vie présente est plus nécessaire que la société, la conversation du Christ; tantôt, il la trouve si importune et si pesante, qu'il gémit, qu'il soupire douloureusement après la décomposition. Car il désirait uniquement ce qui lui était utile et profitable auprès de Dieu, quelque contradiction qui parût dans ses désirs. Esprit souple et varié, non point dissimulé, loin de nous cette pensée, mais prenant tous les aspects qui pouvaient servir à la prédication et au salut des hommes ; et en cela, il imitait encore le Seigneur, son Maître. Car Dieu aussi se montrait sous la figure d'un homme, quand il fallait qu'il en fût ainsi ; il se montra autrefois dans le feu, quand les circonstances l'exigèrent, tantôt on l'a vu sous la forme d'un soldat.armé ; tantôt sous les traits d'un vieillard; tantôt dans les vents, tantôt en voyageur, tantôt dans la vérité de la nature humaine, et alors il n'a pas refusé de mourir. Ce que j'ai dit, quand il fallait qu'il en fût ainsi, ne veut pas dire que cela était rigoureusement nécessaire; gardons-nous bien de le croire ; c'était un pur effet de la bonté de Dieu pour nous. Il s'est montré assis, tantôt sur un trône, tantôt sur les chérubins. Il a fait tout cela pour accomplir ses divers conseils. J'ai multiplié les visions, et les prophètes m'ont représenté à vous. (Osée, XII,10.) Ainsi Paul, imitant le Seigneur son Maître, n'a pas été en faute, pour avoir tantôt suivi, tantôt négligé la loi des Juifs; parfois il s'attachait à la vie présente; parfois il la dédaignait; dans certaines circonstances, il demandait de l'argent, dans d'autres il refusait l'argent qu'on voulait lui donner; il sacrifia comme les Juifs et il se rasa la tête, et, par un mouvement contraire, il frappa d'anathème ceux qui observaient ces pratiques; un jour, il soumettait un disciple à la circoncision; un autre jour, il la rejetait. Contradiction dans les actions, mais non dans la pensée, non dans l'esprit qui dirigeait cette conduite, et où régnait une parfaite harmonie.

Car il n'avait qu'un but, pour ceux qui l'entendaient, qui le voyaient : les sauver tous. Voilà pourquoi, tantôt il exalte la loi, tantôt il la détruit. La souplesse, la variété n'était pas seulement dans ses actions, mais dans ses paroles, sans qu'il y eût changement dans sa pensée; il était toujours le même,. demeurant fidèle à lui même, mais il adaptait chacune de ses paroles aux besoins du moment. Gardez-vous donc de le reprendre, à ce sujet, quand, au contraire, c'est par là qu'il mérite surtout la gloire et les couronnes. Un médecin tantôt brûle, tantôt alimente son malade, tantôt il emploie le fer, tantôt les médicaments; un jour, il défend nourriture et breuvage; un autre (354) jour, il prescrit nourriture et breuvage largement; une fois, il entasse les couvertures de tous côtés; une autre fois, il veut que ce malade brûlant boive toute une fiole d'eau glacée; et quand vous le voyez agir de la sorte, vous ne lui reprochez pas la diversité des traitements; vous ne l'accusez pas d'une continuelle inconstance; au contraire, vous louez l'habileté qui se sert en toute sécurité, des choses qui paraissent nuisibles, opposées à la santé, qui cependant la rétablissent. C'est même à cette marque que vous reconnaissez le médecin consommé dans son art. Si vous acceptez le médecin qui pratique ainsi des traitements contraires, à bien plus forte raison, il faut louer Paul, qui sait si bien s'accommoder à nos maladies. Car, autant que ceux dont le corps est malade, ceux que tourmentent les maladies de l'âme, ont besoin de la diversité bien entendue des traitements ; si vous les abordez sans ménagement, leur salut est tout à fait compromis. Et faut-il s'étonner que les hommes pratiquent ce que le Dieu Tout-Puissant met lui-même en usage , lui qui, pour nous guérir, ne nous prend pas toujours de la manière la plus expéditive et sans ménagement? Il veut que nous soyons vertueux librement, et non par nécessité; par violence ; il emploie une méthode , non parce qu'il n'a pas assez de puissance, loin de nous cette pensée, mais parce que nous sommes faibles. Il peut certes se contenter de faire un signe, ou plutôt se contenter de vouloir, et accomplir tout ce qu'il veut; mais nous, une fois devenus maîtres de nous-mêmes, nous ne supportons pas le joug léger de son obéissance. Si donc il nous entraînait malgré nous, il nous enlèverait-ce qu'il nous a donné, je veux dire le choix de nos volontés, notre liberté. Pour qu'il . n'en soit pas ainsi, Dieu a besoin de moyens d'action nombreux et différents. Ces réflexions ne sont pas superflues ici; elles nous sont inspirées par l'ingénieuse sagesse du bienheureux Paul : quand vous le voyez qui se soustrait aux dangers, admirez-le, comme vous l'admirez quand il court affronter les périls; courage d'un côté, sagesse de l'autre. Quand il tient un langage superbe, admirez-le comme vous l'admirez quand il se tempère; humilité d'un côté, de l'autre grandeur d'âme. Quand il se glorifie, admirez-le; quand il s'abaisse en parlant de lui, admirez-le encore; d'un côté nul orgueil ; de l'autre affection et charité : il recherchait le salut d'un grand nombre, voilà la raison de sa conduite. Aussi disait-il : Soit que nous soyons emportés comme hors de nous-mêmes, c'est pour Dieu; soit que nous nous tempérions, c'est pour vous. (II Cor. V, 13.) Car nul n'a jamais eu tant de raisons pressantes d'orgueil, nul n'a été aussi pur de toute pensée d'arrogance. Méditez ces paroles : La science enfle (I Cor. VIII, 1), nous répéterons tous ces paroles avec lui ; or il portait en lui une science telle qu'aucun homme certes n'en posséda jamais de pareille ; cependant cette science ne l'exaltait pas ; au contraire, il s'abaisse en y pensant : Ce que nous avons de science et de prophétie, nous ne l'avons qu'en partie (I Cor. XIII, 9) ; Et encore : Je ne crois pas, mes frères, avoir encore atteint où je tends (Philipp. III, 13) ; et encore : Si quelqu'un se flatte de savoir quelque chose, il ne sait encore rien ( I Cor. VIII, 2) ; le jeûne enfle aussi, et le Pharisien le montre, en disant: Je jeûne deux fois la semaine. (Luc, XVIII, 12.) Mais Paul qui faisait plus que jeûner, qui souffrait là faim, s'appelait un avorton. (1 Cor. XV, 8.)

Et que parlé-je de ses jeûnes, et de sa science, quand il eut, avec Dieu, des entretiens plus nombreux, plus suivis, qu'aucun prophète , qu'aucun apôtre, et que ce fut pour lui une raison de plus pour s'humilier? Ne me parlez pas des conversations sublimes que rapporte l'Ecriture ; il en a caché le plus grand nombre; il ne les a pas dites toutes, ne voulant pas ajouter à fa grandeur de sa gloire; il ne les a pas ensevelies toutes dans le silence, pour ne pas laisser un libre cours aux paroles des faux apôtres. Car Paul ne faisait rien sans raison, sans un motif toujours justifié par la sagesse; et il déployait tant d'habileté, de prudence, au milieu des circonstances les plus contraires, que toujours il méritait les louanges, les mêmes louanges. Je m'explique. C'est une grande vertu que la modestie, en parlant de soi ; mais Paul, en se louant, parlait avec tant d'à-propos, qu'il mérite encore plus d'être honoré pour ce qu'il dit de lui-même, que pour son silence; s'il n'avait pas fait entendre ce qu'il a dit, il serait plus coupable que ceux qui se glorifient sans raison; s'il ne s'était pas, glorifié, il aurait tout perdu et trahi; il aurait exalté les ennemis de l'Evangile. Il savait si bien profiter partout de l'opportunité des circonstances, et, avec une pensée droite, faire exceptionnellement les choses ordinairement (355) défendues, et il les faisait avec tant d'utilité, qu'il mérite, à ce titre, autant d'éloges et de gloire, que pour l'accomplissement des ordres absolus de Dieu. Paul, en se glorifiant, a droit à plus d'éloges, que tout autre qui cache ses vertus; car personne, en tenant sa conduite secrète, ne fait autant de bien que Paul en racontant ses actions. Et maintenant, ce qui est plus admirable encore, ce n'est pas qu'il en ait parlé, mais qu'il l'ait fait dans la juste mesure. Car, s'il a saisi l'opportunité, ce n'est pas pour se louer avec excès ; il a compris où il devait s'arrêter. Cette prudence ne lui a pas suffi; il n'a pas voulu donner un exemple pernicieux, il n'a pas voulu apprendre aux autres à se décerner des louanges sans sujet; il s'appelle un imprudent. Voilà ce qu'il a fait, quand la nécessité le provoquait. Il pouvait croire que les autres, jetant les yeux sur lui, abuseraient de son exemple : c'est ce qui arrive aux médecins; souvent un d'entre eux emploie un médicament dans le temps convenable; un autre l'administre à contretemps, et le remède se trouve nuisible ou sans effet. Paul, en ce qui le concerne, prévoit ce danger : considérez les précautions qu'il prend quand il va se louer; une fois, deux fois,-bien plus souvent encore, il hésite, il recule : Plût à Dieu que vous voulussiez un peu supporter mon imprudence (II Cor. XI , 1-21)1 et encore : Ce que je dis, je ne le dis pas selon le Seigneur, mais je fais paraître mon imprudence. Ce qu'un autre ose, je dirai, parole imprudente, que je l'ose aussi. Et, après tant de précautions, il ne se rassure pas encore, mais, au moment d'entreprendre son éloge, il se dérobe aux yeux: Je connais un homme; et plus loin: Je pourrais me glorifier, en parlant d'un tel homme, mais, pour moi, je ne veux pas me glorifier: et, après toutes ces paroles : J'ai été imprudent, dit-il, c'est vous qui m'y avez forcé. (II Cor. XII, 2, 5,11.) En voyant ce saint apôtre ainsi retenu par la crainte de parler avantageusement de lui-même, hésiter, malgré des motifs pressants, comme un coursier qui arrive au bord d'un précipice et recule avec horreur, quel homme serait assez dépourvu d'intelligence et de sentiment pour ne pas comprendre que, quelle que soit la grandeur des intérêts dont il est chargé, il doit éviter avec soin de faire son éloge, qu'il ne peut le faire qu'à une condition, à savoir que la nécessité l'y contraigne ?

Voulez-vous que je vous montre encore un titre de Paul à notre admiration? Le voici il ne lui a pas suffi du témoignage de sa conscience, il a voulu de plus nous montrer la règle à suivre dans l'éloge personnel; il ne s'est pas contenté pour lui seulement de l'excuse qu'il trouvait dans la nécessité; il a voulu enseigner qu'il y a des circonstances où l'on ne peut pas éviter de se louer soi-même; mais il a soin d'insinuer qu'il faut se garder de le faire à contre-temps. Car les paroles que nous avons citées, reviennent à ceci : c'est un grand mal de se louer, de dire de soi des choses admirables; il est de la dernière démence, mon bien-aimé, quand la nécessité ne fait pas violence, de célébrer ses propres louanges. Ce n'est pas parler selon le Seigneur, mais plutôt faire preuve de folie, d'une folie qui fait perdre la récompense mérite par des sueurs et des fatigues sans nombre. Ce sont là les enseignements qu'il nous donne et il nous en propose d'autres encore, quand il s'excuse en se fondant sur la nécessité pressante. Ce qui est plus remarquable encore, c'est que, quelle que fut la nécessité, il n'a pas tout publié, il a caché le plus grand nombre des merveilles qui l'ont honoré. Je viendrai maintenant, dit-il, aux visions et aux révélations du Seigneur; je me retiens de peur que quelqu'un ne m'estime au-dessus de ce qu'il voit ou de ce qu'il entend de moi. (II Cor. XII, 1, 6.) Ces paroles enseignaient à tous que, même en cas de nécessité, nous ne devons pas publier tout ce dont nous avons conscience, mais seulement ce qui peut être utile à ceux qui nous écoutent.

Samuel en use de même : il n'y a rien d'étrange à ce que nous fassions aussi mention de ce saint prophète, puisque ses louanges peuvent nous être profitables; il se glorifia lui aussi quelquefois, et dit les belles actions qu'il avait faites. Quelles actions? Celles qui pouvaient servir à ceux qui entendaient. Il ne s'étendit pas sur la, chasteté, sur l'humilité, sur l'oubli des injures ! sur quel sujet donc? Sur la vertu que le roi d'alors avait le plus d'intérêt à apprendre, sur la justice, sur la nécessité de rejeter les présents qui souillent les mains. David aussi, en se glorifiant, ne recherche que l'édification de celui qui l'entendra. En effet, ce saint roi ne s'est loué qu'en parlant du lion et de l'ours, sans rien ajouter à ce récit. (I Rois, XVII, 34.) Des paroles plus hautes conviendraient à l'orgueil fanfaron, à la vanité; mais (356) ce qu'il racontait alors, se justifiait par la nécessité du moment, et montrait en lui un homme bon et occupé de l'intérêt du grand nombre. C'est ainsi que Paul se montra. On le calomniait, on disait qu'il n'était pas approuvé comme apôtre, qu'il n'avait aucun pouvoir. Il était donc dans la nécessité de prouver sa dignité. Comprenez-vous la force de son enseignement, pour démontrer qu'on ne doit pas se glorifier sans raison? D'abord il prouve que lui-même ne l'a fait que par nécessité; secondement, il s'appelle un insensé, et il s'entoure d'un grand nombre d'excuses; troisièmement, il ne dit pas tout, il cache ce qu'il y a de plus glorieux pour lui, et cela malgré la nécessité de parler; quatrièmement, il parle de lui-même comme d'une autre personne et dit: je connais un homme; cinquièmement, il ne parle pas de toute espèce de vertus, il dit partiellement, il publie seulement ce que demandaient et l'intérêt des auditeurs, et les circonstances. Cette mesure, il ne la gardait pas seulement quand il se louait, mais quand il adressait des paroles injurieuses. Il est défendu d'injurier son frère; Paul savait pourtant adresser des injures si bien justifiées par les circonstances, qu'il mérite encore plus d'être honoré que ceux qui décernent des éloges. C'est ainsi qu'il écrit : O Galates insensés (Gal. III 1) ! il le répète une fois, deux fois; il appelle les Crétois des ventres paresseux, de méchantes bêtes (Titr I, 12), et néanmoins ces paroles font honneur à saint Paul. Son exemple nous a donné la règle et la mesure, pour nous empêcher de traiter avec indulgence ceux qui négligent le Seigneur; pour nous apprendre aussi à diriger comme il convient le discours qui doit les frapper. On trouve dans Paul des mesures pour toutes choses, et voilà pourquoi toutes ses actions, toutes ses paroles sont justement célèbres, soit qu'il adresse des injures ou des éloges, soit qu'il accuse, soit qu'il caresse, soit qu'il s'exalte, soit qu'il s'abaisse, soit qu'il se glorifie, soit qu'il déplore sa misère. Et qu'y at-il d'étonnant qu'on approuve les injures, les vifs reproches qu'il adresse, si l'on accepte et le meurtre, et la tromperie, et la ruse, soit dans l'Ancien, soit dans le Nouveau Testament? Méditons avec soin toutes. ces réflexions, ne les oublions pas, admirons le bienheureux Paul et glorifions le Seigneur, et prenons en main sa cause, afin d'obtenir les biens éternels, par la grâce et par la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui appartient la glaire, avec la puissance, maintenant, et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

 

 

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