OZIAS II

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DEUXIÈME HOMÉLIE. SUR CE TEXTE DU PROPHÈTE ISAIE : « IL ARRIVA DANS L'ANNÉE OU MOURUT LE ROI OZIAS QUE JE VIS LE SEIGNEUR ASSIS SUR UN TRONE ÉLEVÉ ET SUBLIME (IS. VI, 1); » ET QU'IL NE FAUT NÉGLIGER NI UNE LETTRE NI UNE SYLLABE DES DIVINES ÉCRITURES.

 

ANALYSE.

 

1. Louable zèle des fidèles assemblés. — Invitation à visiter le séjour de Dieu sous la direction da prophète Isaïe : exhortation au respect et à l'attention.

2. Maintien des anges devant Dieu : comment, s'ils ne voyaient qu'un simple reflet de la majesté céleste, ce reflet avait-il encore un éclat trop vif pour leurs yeux? — Contre les anoméens et ceux qui sondent indiscrètement les mystères. — Qu'il n'y a rien de superflu dans les saintes Ecritures — Effet d'une lettre ajoutée au nom primitif d'Abraham.

3. Utilité de la connaissance des temps, particulièrement pour établir le véritable caractère des prophéties. — Ignorance des temps chez les Gentils et les Juifs, principe des plus désolantes erreurs. — Saint Jean Chrysostome cède la parole à l'évêque.

 

1. Je me réjouis de vous voir accourir pour entendre la divine parole, et je considère cet empressement comme la plus forte preuve de vos progrès selon Dieu. Car ainsi que la faim dénote un corps en bonne disposition, ainsi l'amour des discours spirituels est un indice de la santé de l'âme. J'ai donc lieu de me réjouir : mais je crains de ne pouvoir jamais répondre dignement à cette avidité. Tel est à peu près le chagrin d'une tendre mère, lorsque ayant un petit enfant à nourrir, elle ne trouve pas dans son lait de quoi lui donner un abondant breuvage : pourtant, toute pauvre qu'elle est, elle lui présente le sein, et lui, il le saisit, le tire, le distend, et réchauffant de sa bouche cette mamelle refroidie, il lui fait, rendre plus de nourriture qu'elle n'en contenait : pour la mère, elle souffre à la vérité de. la torture infligée à ses mamelles, mais elle ne repousse point son nourrisson : car elle est; mère, et elle consentirait à tout souffrir, plutôt que de chagriner l'enfant qu'elle a mis au jour. Or, si les mères sont si tendres pour les fruits de leurs entrailles, à plus forte raison (410) ces dispositions doivent-elles être les nôtres à l'égard de votre charité. Car les enfantements de la nature allument moins d'amour que ceux de l'esprit. Aussi, quelle que soit l'indigence qui règne à notre table, ce ne sera point une raison pour nous de la dérober à vos yeux ; tout ce qui est chez nous, nous le mettrons ici à votre disposition. C'est peu de chose, c'est un bien humble présent : néanmoins nous vous l'offrons. En effet celui qui avait reçu un talent en dépôt, ne fut pas accusé pour n'avoir pas rapporté cinq talents ; s'il fut puni, ce fut pour avoir enfoui l'unique talent qu'il avait reçu. (Matth, XXV, 24 et suiv.) En effet ce qui est exigé devant Dieu et devant les hommes, ce n'est pas de rapporter plus ou moins, c'est de ne jamais rendre au-dessous de ses moyens. L'autre jour, quand nous fûmes appelé à l'honneur d'entretenir votre charité , vous nous avez entendu lire ce psaume qui, excluant le pécheur de l'enceinte sacrée, prescrit aux anges et aux puissances d'en-haut de bénir le Dieu de l'univers. Voulez-vous qu'aujourd'hui encore, nous nous approchions pour prêter l'oreille à cette même mélodie angélique ? Je le présume. En effet si des hommes infâmes n'ont qu'à former des danses sur la place publique, qu'à chanter des chansons obscènes et licencieuses, et cela dans une obscurité profonde, à une heure avancée de la nuit, pour faire courir toute notre ville, et exciter la curiosité générale ; comment, nous, n'accourrions-nous pas, quand les peuples du ciel, quand les choeurs d'en-haut célèbrent le roi de cet univers, afin d'entendre. ce divin, ce bienheureux concert? Et quelle serait notre excuse ? Mais, dira-t-on , comment faire pour entendre? Il faut monter au ciel, sinon de corps, du moins d'esprit; sinon en personne, au moins par la pensée. Le corps, terrestre et pesant, est fait pour rester en bas: mais l'âme est exempte de cette contrainte et rien ne l'empêche de s'envoler aux lieux les plus hauts et les moins accessibles : de sorte que, soit qu'elle veuille se rendre aux confins de la terre habitée, ou s'élever dans le ciel, il n'y a rien qui s'y oppose : tant sont légères les ailes que Dieu a données à ses pensers. Et ce ne sont point seulement des ailes légères qu'il lui a données, ce sont encore des yeux bien plus perçants que ceux du corps. La vue du corps, tant qu'elle traverse le vide des airs, porte à une grande distance : mais pour peu qu'elle rencontre un frêle objet, pareille à un courant forcé de rebrousser chemin, la voilà contrainte de reculer : les yeux de l'âme au contraire ont beau rencontrer des cloisons, des murailles, de hautes montagnes, que dis-je? les corps célestes eux-mêmes, elle franchit sans peine tous ces obstacles. Néanmoins, de quelque agilité, de quelque pénétration que l'âme soit douée , elle n'a pas elle-même la force suffisante pour comprendre les choses célestes ; elle a besoin d'un guide. Imitons donc ceux qui désirent visiter la demeure des rois. Comment s'y prennent-ils? Ils se mettent à la recherche de celui qui tient les clefs du palais, l'abordent, s'abouchent avec lui, et lui font des instances, souvent même lui donnent de l'argent , afin d'obtenir la faveur qu'ils souhaitent. De même abordons, nous aussi, quelqu'un de ceux auxquels est confiée la garde du palais céleste ; abouchons-nous avec lui, prions-le avec instances; en guise d'argent montrons-lui de sages et irréprochables dispositions. Alors, ce paiement reçu, il nous prendra par la main, nous promènera partout ; non content de nous :montrer le palais, il nous fera voir le roi lui-même siégeant au milieu de ses armées, parmi ses généraux, j'entends les myriades des anges, les milliers des archanges ; il nous fera tout voir dans le dernier détail, autant que voir nous est possible. Quel est donc ce gardien ? Quel est l'homme préposé à la partie que nous voulons aujourd'hui visiter? C'est isaïe, celui des prophètes dont la voix est la plus sonore. Il faut donc nous aboucher avec lui.

Suivez-moi donc d'un pas mesuré et dans un profond silence. Quittez , avant d'entrer, toute pensée mondaine, toute distraction, tout désordre d'esprit : déposez tout cela devant le seuil de la porte extérieure : c'est ainsi que nous devons tous entrer. Car nous entrons dans le palais des cieux, nos pieds foulent des lieux rayonnants. Au dedans, un profond silence et d'ineffables mystères.

2. Mais prêtez une attention scrupuleuse, car la lecture de l'Ecriture sainte est l'accès des cieux : « Il arriva que dans l'année où mourut le roi Ozias, je vis le Seigneur assis sur un trône élevé et sublime. » (Isaïe, VI, 1.) Voyez-vous l'obligeance de ce bon serviteur? Du premier coup il nous introduit devant le trône royal, sans nous avoir fait passer préalablement par de longs détours; mais en même (411) temps qu'il nous ouvre les portes, il nous montre le Roi assis en face. « Et les séraphins, » ajoute-t-il, « étaient debout en cercle autour de lui : six ailes à l'un, six ailes à l'autre; et deux leur servaient à couvrir leur visage, deux à couvrir leurs pieds, deux à voler, et ils se criaient les uns aux autres ces mots : Saint, saint, saint, le Seigneur Sabaoth. » (Ib. V, 2-3.)

Vraiment saint, lui qui a jugé notre nature digne de si grands, de si augustes mystères, lui qui nous a fait participer à de pareils secrets. Le frisson , l'épouvante s'est emparée de moi pendant ce cantique. Et faut-il être surpris que je m'étonne, moi créature de boue, moi sorti de la terre, quand les , puissances d'en-haut elles-mêmes sont incessamment en proie à la plus grande admiration? C'est pourquoi ils détournent les yeux et se font des remparts de leurs ailes, incapables de résister aux rayons qui partent de là. Cependant, dira-t-on, ce qu'ils avaient devant les yeux n'était qu'une image appropriée à leur faiblesse. Comment se fait-il donc qu'ils n'aient pu en supporter l'éclat? C'est à moi que vous tenez ce langage ? Gardez-le pour ceux qui sondent indiscrètement l'ineffable et bienheureuse nature, pour ceux dont la témérité ne connaît point de bornes. Les séraphins n'ont pu voir cette image affaiblie, et un homme a osé dire, que dis-je ? un homme a osé concevoir l'idée qu'il était capable de voir clairement et distinctement cette nature sans mélange, que les chérubins eux-mêmes ne sauraient contempler. Cieux, frémissez; terre, ébranle-toi : voici des témérités plus grandes que les témérités passées. Les impiétés d'autrefois se retrouvent chez les hommes d'aujourd'hui. Ils adorent encore la création; mais ce qu'ont imaginé des hommes de nos jours, personne autrefois, n'eût osé le dire, ni souffrir qu'on le dît en sa présence. Que dites-vous? Que l'objet exposé aux yeux n'était qu'un reflet? Oui, mais un reflet de Dieu. Eh bien ! si Daniel, qui jouissait auprès de Dieu d'un si grand crédit, ne put soutenir l'aspect d'un ange qui s'était abaissé jusqu'à lui, s'il tomba et demeura prosterné, les organes de la vue étant comme paralysés chez lui par tant de gloire, faut-il s'étonner que les séraphins aient été troublés et incapables de contempler la gloire de Dieu? Car il n'y avait pas si loin de Daniel à fange que de Dieu à ces puissances. Mais, de peur qu'en nous arrêtant trop longtemps à ces prodiges, nous ne jetions nos âmes dans la stupeur, hâtons-nous de revenir au commencement de l'histoire qui nous fournira des récits moins sublimes propres à les guider. « Et il arriva dans l'année où mourut le roi Ozias. » Il importe de rechercher d'abord dans quelle intention le Prophète nous marque l'époque : car ce n'est pas sans motif qu'il prend ce soin, ni sans réflexion. En effet, la bouche d'un prophète n'est autre que la bouche de Dieu : et d'une telle bouche il ne saurait rien sortir de superflu. Et nous, de notre côté, n'écoutons point comme si c'était quelque chose de superflu. Si ceux qui déterrent les métaux ne négligent point les moindres paillettes, si , dès qu'ils ont mis la main sur une veine d'or, ils en suivent minutieusement toutes les ramifications : à combien plus forte raison ne devons-nous pas agir ainsi à l'égard des Ecritures. D'ailleurs, quand il s'agit de mines, il faut prendre bien de la peine pour dépister ce qu'on cherche : car les métaux eux-mêmes ne sont pas autre chose que de la terre, et l'or pareillement : et cette communauté de nature dissimule à la vue l'objet des recherches. Cependant, cela même ne décourage point les mineurs, et ne les empêche point de déployer toute leur vigilance, bien que la vue seule leur permette de distinguer ce qui est terre, ce qui est véritablement or. Il n'en est pas ainsi de l'Ecriture. L'or n'y est point mélangé avec la terre, il s'y trouve dans sa pureté. « Les paroles du Seigneur, » est-il écrit, sont « des paroles pures, un argent passé au feu, purgé de sa terre. » (Ps. XI, 7.) Les Ecritures sont des mines qui n'exigent point de travail, elles offrent leurs richesses à ceux qui cherchent comme un trésor tout prêt. Il suffit d'y jeter les yeux pour s'en aller chargé d'un inestimable profit : il suffit de les ouvrir, pour voir aussitôt les pierres étinceler.

Ce n'est point sans but que je vous parle ainsi, que je m'étends sur ce sujet; c'est parce qu'il y a des hommes à l'âme mercenaire, qui, lorsqu'ils ont les divins livres entre les mains, pour peu qu'ils y rencontrent une énumération d'époques ou une liste de noms, se hâtent de courir plus loin, et répondent à ceux qui leur en font le reproche : Il n'y a que des noms, cela ne sert à rien. Que dis-tu ? Dieu parle, et tu oses dire que ses paroles ne (412) servent à rien? Si tu n'avais sous les yeux qu'un simple titre, ne tiendrais-tu pas, dis-moi, à t'arrêter, et à te rendre compte du trésor mis à ta disposition? Mais pourquoi parler des époques, des noms, des titres ? Apprenez quelle est l'importance d'une seule lettre ajoutée, et cessez de mépriser les noms tout entiers. Abraham , notre patriarche (car il nous appartient plutôt qu'aux Juifs), s'appelait d'abord Abram, c'est-à-dire, en notre langue, voyageur. Dans la suite, désigné par le nom nouveau d'Abraham, il devint le père de toutes les nations, et l'addition d'une seule lettre suffit pour procurer à ce juste une pareille domination. De même que les rois donnent à leurs délégués des tablettes d'or, symbole de leurs fonctions, ainsi Dieu en cette occasion donna à ce juste une lettre, comme symbole de sa dignité.

3. Mais je reviendrai une autre fois sur les noms : il est nécessaire de dire aujourd'hui quelle est l'utilité de la connaissance des temps, et combien on perd à les ignorer. Pour le prouver, je me servirai d'abord d'exemples mondains. Les testaments, les actes relatifs aux mariages, aux obligations, aux autres contrats, faute d'être datés en tête des noms des consuls, perdent toute vertu propre. Voilà ce qui en fait la force, voilà ce qui prévient les contestations, voilà ce qui dispense des procès, et réconcilie ensemble les ennemis. C'est pourquoi ceux qui les rédigent, comme on place une lampe sur un support, ont ' soin de graver en tête de leur écrit les noms des consuls, afin de jeter par là du jour sur- tout ce qui est plus bas. Oter cela, c'est ôter la lumière : aussitôt tout se remplit de ténèbres et de confusion. Voilà pourquoi toute donation faite ou reçue, tout acte conclu soit avec des amis, soit avec des ennemis, avec des serviteurs, avec des tuteurs, avec des intendants, a besoin de cette garantie, et nous ne manquons pas même de noter plus bas le mois, l'année, le jour. Si dans les affaires temporelles le temps a une si grande importance, cette importance est encore bien plus. grande et plus considérable dans l'ordre spirituel. C'est ce qui montre que les- prophéties sont des prophéties : qu'est-ce en effet qu'une prophétie, sinon une prédiction de ce qui doit arriver? Par conséquent, quiconque ignore l'époque de la prédiction ou celle qui l'a vue se réaliser, sera dans l'impossibilité de démontrer aux chicaneurs le caractère de la prophétie. Telle est l'origine des combats victorieux que nous soutenons contre les païens, lorsque nous leur montrons l'antiquité de nos traditions par rapport aux leurs : c'est là-dessus encore que se fondent nos controverses avec les Juifs ; avec les Juifs, ces malheureux, ces infortunés, que l'ignorance des temps a précipités dans la plus grande des erreurs. En effet, s'ils avaient entendu le patriarche dire « Il ne manquera pas de princes sortis de Juda, ni de chefs issus de sa race, jusqu'à la venue de celui qui doit être envoyé (Gen.XLIX,10), » et s'ils avaient fait bien attention aux temps de la venue, on ne les aurait pas vus quitter le Christ pour l'Antechrist : ce que le Christ lui-même leur a fait entendre en disant: « Je suis venu au nom de mon Père, et vous ne m'avez pas reçu : si un autre vient en son propre nom, vous le recevrez. » (Jean, V, 43.) Voyez-vous quelle erreur produite par l'ignorance des temps? Gardez-vous donc de négliger un si grand avantage. De même que dans les champs les bornes et les poteaux ne permettent pas de confondre les domaines, ainsi les temps et les époques ne permettent pas aux faits de se mêler les uns aux autres : ils les distinguent, assignent à chacun sa place, et par là nous épargnent bien des embarras. Il importe donc de vous dire ce que c'était que cet Ozias, à quelle époque il a régné, et sur quels hommes, et, combien dura son règne, et comment il finit ses jours : mais plutôt il importe de s'arrêter ici. Car il faudrait s'embarquer dans un véritable océan de récits. Or, pour se hasarder sur une mer pareille, il faut s'assurer que les matelots ne sont point fatigués, mais dispos, et alors seulement se mettre en route. Si des ports et des îles sont semés sur toute la surface de la mer, c'est pour que pilote et nautonnier se délassent, l'un en déposant la rame, l'autre en se dessaisissant du gouvernail; si des hôtelleries et des auberges sont disposées d'endroit en endroit sur les routes, c'est afin que les bêtes de somme et les voyageurs se reposent de leurs fatigues; et de même, s'il y a pour le silence un temps marqué à la parole d'instruction, c'est pour que nous ne nous épuisions pas nous-mêmes à force de parler, et que nous ne vous devenions pas importuns. Salomon connaissait bien cette limite, lui qui a dit : « Il y a un (413) temps pour se taire, et un temps pour parler. » (Eccles. III, 7.) Que le temps du silence arrive donc pour nous, afin que ce soit pour notre maître le temps de parler. Notre langage, à nous, ressemble à un vin récemment tiré de dessous le pressoir; le sien fait penser à un vieux vin conservé depuis des années, où ceux qui ont besoin d'aide et de vigueur puisent l'une et l'autre en abondance. Ici se réalise aujourd'hui cette parole de l'Évangile après le vin de dualité inférieure le meilleur est servi (Jean, II, 10.) Et comme ce vin-là n'était pas enfant de la vigne, mais bien de la vertu du Christ, ainsi la parole de celui qui va me remplacer ne découle pas d'une pensée humaine, mais de la grâce de l'Esprit. Accueillons-la donc avec. empressement, cette liqueur abondante et spirituelle, gardons-la précieusement afin qu'arrosés constamment de ses ondes, nous rendions un fruit mûr au Dieu qui nous en gratifie, à ce Dieu à qui revient toute gloire et tout honneur, en même temps qu'à son Fils unique et au très-saint Esprit, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi. soit-il.

 

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