|
|
HOMÉLIE XX. SI NOUS PÉCHONS VOLONTAIREMENT APRÈS AVOIR REÇU LA CONNAISSANCE DE LA VÉRITÉ, IL N'Y A DÉSORMAIS PLUS D'HOSTIE POUR NOS PÉCHÉS ; IL NE NOUS RESTE QUE L'ATTENTE EFFROYABLE DU JUGEMENT ET D'UN FEU ARDENT QUI DOIT DÉVORER LES ENNEMIS DE DIEU. (X, 27, JUSQU'À 32.)Analyse. 1. Après les motifs d'honneur, les raisons de crainte. Toutefois
saint Paul n'enseigne pas l'erreur des Novations et ne proscrit pas la pénitence, mais
seulement l'anabaptisme. 2. L'enfer a un véritable et redoutable feu pour les
prévaricateurs, et surtout pour les communions indignes. La vengeance réservée
et patiente n'en est que plus à craindre. 3 et 4. La richesse est une lourde chaîne, un préjugé.
Un mot aux femmes luxueuses et avares tout à la fois. La cupidité est un
esclavage comparable à celui des Israélites courbés sous le joug de Pharaon.
Ceux-ci emportèrent l'or d'Egypte ; nous n'emportons que les verges. La ruine
n'est qu'un mot, pour qui conserve l'action de grâces. Exemple de Job; sortie
contre les femmes. Pourquoi la richesse n'échoit pas à tous. Malheur à
qui la reçoit et n'en est pas meilleur! 1. Tout arbre dont la plantation et la culture auront demandé la main et les sueurs du laboureur, doit rapporter son fruit, sous peine d'être déraciné et jeté au feu. Cette comparaison s'applique aux âmes qui auront reçu la lumière, c'es-tà-dire le baptême. Après avoir été plantés par Jésus-Christ et avoir reçu sa rosée spirituelle, si nous ne donnons aucun fruit, le feu de l'enfer nous attend, avec ses flammes qui ne peuvent s'éteindre. Et c'est pourquoi non content de nous exhorter à pratiquer la charité et à produire les fruits des bonnes oeuvres, par les motifs les plus saints et les plus doux, tels que notre entrée assurée dans le ciel et la voie nouvelle que Jésus-Christ nous y a ouverte, saint Paul recommence à nous y exciter, en faisant appel aussi à des motifs plus terribles et plus redoutables. Il venait d'écrire : Ne délaissez pas nos saintes réunions, comme c'est l'habitude de quelques-uns; mais consolez-vous mutuellement, d'autant plus que vous voyez approcher le grand jour, qui suffit, en effet, à lui seul, pour vous consoler de tout. Maintenant il ajoute « Si nous péchons volontairement après avoir « reçu la connaissance de la vérité», tremblons, car il faut, entendez-le, il nous faut absolument des bonnes pauvres; autrement, « il ne nous reste a plus désormais de victime pour nos péchés ». Comprenez donc. Vous voilà purifié, délivré de vos crimes, monté au rang de fils. Si vous revenez à votre ancien vomissement, il ne vous reste que l'anathème, le feu, et tout ce que rappelle cet arrêt. Car vous n'avez pas une seconde victime. A ce propos, nous sommes attaqués par l'hérésie qui déclare la pénitence impossible, et par ceux qui diffèrent à recevoir le baptême. Ceux-ci prétendent qu'il y a danger à recevoir le baptême, puisqu'il n'y a point de second pardon; ceux-là déclarent qu'il y a péril à admettre les pécheurs aux saints mystères, puisque le second pardon est impossible. Aux uns comme aux autres, que (536) dirons-nous? Que saint Paul ici ne détruit ni la pénitence , ni l'expiation qui en est l'oeuvre; et qu'il ne prétend ni chasser, ni abattre par le désespoir celui qui est tombé. Paul n'est pas à ce point l'ennemi de notre salut; il ne détruit que l'espoir d'un second baptême. En effet, il ne dit pas : Point de pénitence ! plus de pardon ! mais simplement. Désormais pas de victime, c'est-à-dire, la croix, qu'il appelle victime, ne se dressera pas une seconde fois. Une seule immolation a rendu parfaits à tout jamais ceux qui se sont sanctifiés, à la différence de l'oblation judaïque et des offrandes multipliées. Tel a été le dessein de l'apôtre, quand parlant de notre victime, il a si fort insisté sur cette vérité, qu'elle est une, absolument une; voulant ainsi, non-seulement montrer l'avantage qu'elle a sur les sacrifices judaïques, mais aussi pour rendre plus vigilants les Hébreux convertis, puisqu'ils ne doivent plus attendre une nouvelle victime comme autrefois sous l'ancienne loi. « Si nous péchons volontairement », dit-il. Voyez-vous comme Dieu est porté à la clémence? Il s'agit de nos péchés volontaires : nos fautes involontaires obtiennent donc le pardon. «Après avoir reçu la connaissance de la vérité », cest-à-dire de Jésus-Christ ou de tous ses dogmes, « il ne nous reste plus d'hostie pour nos péchés»; que reste-t-il, au contraire ? « Une attente effroyable du jugement, un feu jaloux qui doit dévorer les ennemis de Dieu ». Ainsi les infidèles n'en seront pas seuls les victimes, mais tous ceux encore qui commettent des actes contraires à la vertu ; ou bien entendez que le même feu qui dévorera les ennemis, consumera aussi les enfants rebelles. Puis, pour nous montrer combien ce feu est dévorant, il lui prête une espèce de vie, en déclarant que c'est un feu jaloux qui doit consumer les ennemis. Pareille à une bête féroce irrite, exaspérée, qui n'a point de repos jusqu'à ce qu'elle ait saisi et dévoré quelqu'un, cette flamme de l'enfer parait obéir à l'aiguillon de la jalousie cruelle, saisit pour ne plus lâcher, ronge et déchire à tout jamais. Ensuite l'apôtre nous donne la raison de ces menaces redoutables, et nous prouve qu'elles sont l'effet d'une justice inattaquable. Nous croirons, en effet, plus facilement l'existence du châtiment, quand nous en comprendrons le droit et le motif. « Celui qui a violé la loi de Moïse est condamné à mort sans miséricorde, sur la déposition de deux ou trois témoins (28) ». Sans miséricorde, remarque-t-il; ainsi en Israël, ni pardon , ni pitié; et pourtant ce n'est que la loi de Moïse; il est l'auteur d'un grand nombre de ses prescriptions. Que veut dire : « La déposition de deux ou trois témoins? » Que si deux ou trois personnes attestent la prévarication, aussitôt elle est punie. Si donc, dans l'Ancien Testament, une violation de la loi de Moïse est châtiée immédiatement par le dernier supplice , combien plus chez nous! Aussi conclut-il : «Combien donc croyez-vous que méritera de plus grands supplices, celui qui aura foulé aux pieds le Fils de Dieu, qui aura tenu pour chose vile et profane le sang de l'alliance, et qui aura fait outrage à l'Esprit de la grâce (29) ! » 2. Mais comment un homme foule-t-il aux pieds le Fils de Dieu? C'est quand, admis à participer à ses mystères, il commet, nous dit l'apôtre, un péché grave. Alors n'est-il pas vrai qu'il le foule aux pieds? N'est-il pas vrai qu'il le méprise? Nous foulons aux pieds ainsi ce dont -nous ne faisons aucun cas : ainsi les pécheurs ne tiennent aucun cas de Jésus-Christ, et c'est là le caractère du péché. Quoi! vous êtes devenu le corps de Jésus-Christ, et vous le jetez sous les pieds du démon! « Il a tenu pour vil et profane le, sang de l'alliance ». Qu'est-ce qu'une chose vile et profane? C'est une chose impure, ou qui n'a rien de plus que la plus vile matière.- « Il a fait outrage à l'Esprit « de grâce »; car ne pas accepter un bienfait, c'est faire outrage au bienfaiteur. Il t'a fait son enfant; tu veux devenir esclave? Il est venu, il a fait en toi son séjour; et tu laisses entrer en ton coeur de coupables pensées? Jésus-Christ a voulu, chez toi, faire sa demeure, avoir une place ; et tu le foules aux pieds par le libertinage ou l'ivrognerie? Ecoutons, écoutons, nous qui participons indignement aux saints mystères; nous qui indignement approchons de la table sainte! « Gardez-vous de donner les choses saintes aux chiens », dit le Seigneur, « de peur qu'ils ne les foulent aux pieds» (Matth. VII, 6) ; c'est-à-dire de peur qu'ils n'aient pour elles que du mépris et du dégoût. Paul n'a pas seulement répété cette parole; il en a fait retentir une plus redoutable encore, bien capable de terrifier les âmes, et meilleure pour les faire rentrer en elles-mêmes qu'une douce et consolante exhortation. Il montre combien le sang de Jésus-Christ l'emporte sur la loi de Moïse, quel châtiment était infligé aux violateurs de celle-ci, puis il conclut en disant : Jugez vous-mêmes combien plus grande doit être la punition de ceux qui foulent aux pieds le sang de Dieu ! Je vois là une allusion aux sacrilèges commis contre nos saints mystères; et ce qui suit confirme cette interprétation. « C'est une chose terrible que de tomber entre les mains du Dieu vivant; car il est écrit : La vengeance m'est réservée et je saurai bien la faire, dit le Seigneur ». Et encore: « Le Seigneur jugera son peuple (30 et 31) ». Nous tomberons, dit-il, dans les mains du Seigneur, et non pas dans les mains des hommes. Oui, cette main divine vous attend, si vous ne faites pénitence. O terreur! ce n'est rien, après tout, que de tomber aux mains des hommes; et quand nous verrons un homme. puni en ce monde, nous dit l'apôtre, ne craignons pas pour lui le présent, tremblons pour son avenir! « Car autant le Seigneur a de miséricorde, autant est grand son courroux, et sa fureur s'appesantira sur les pécheurs ». (Ecclés. V, 7.) Mais l'apôtre nous laisse deviner ici une autre leçon. « La vengeance m'est réservée », dit le Seigneur, « et je saurai la faire! » Cette menace atteint l'ennemi qui vous fait du mal, et non pas vous qui subissez l'injustice. Ceux-ci, au contraire, l'apôtre les console en leur disant, presque en propres termes : Dieu est vivant, il demeure éternellement... Que si ceux-là ne reçoivent pas dès (537) maintenant leur châtiment, plus tard ils le recevront. Ce sont eux qui doivent gémir, ce n'est pas nous. Nous tomberons dans leurs mains; eux, dans la main de Dieu! Ce n'est donc pas la victime qui est à plaindre, c'est l'oppresseur; comme ce n'est pas l'obligé, en définitive, mais le bienfaiteur, qui reçoit le bienfait. Instruits de ces vérités consolantes, sachons être faciles à supporter le mal et l'injustice autant que prompts à faire du bien aux autres. Nous arriverons à cette disposition, si nous méprisons l'argent et la gloire. L'homme qui se dépouillera de ces peux passions sera, plus que personne, libre et grand, plus riche même que celui qui revêt la pourpre. Ne voyez-vous pas que de mal fait commettre la passion de l'or? Je ne parle pas des maux qu'engendrent l'avarice et la cupidité, mais de ceux qui naissent du seul amour de l'argent même bien acquis. Qu'un homme, par exemple, soit ruiné, il mène désormais une vie plus pénible que tout genre de mort. O homme ! pourquoi ces gémissements? Pourquoi tant de larmes? Est-ce parce que Dieu t'a délivré du triste et inutile souci de garder ton or, ou parce que désormais tu n'es plus assis auprès de ton trésor, dans la crainte et tremblement? Si un étranger t'avait lié à son coffre-fort, te forçant à rester là constamment assis, et à veiller pour lesbiens d'un autre, tu gémirais, tu serais furieux. Et lorsque spontanément tu t'étais chargé toi-même de chaînes si lourdes, maintenant délivré d'une pareille servitude, tu gémis! Nos douleurs ou nos joies ne sont, en vérité, que préjugés , puisque nous gardons nos richesses , comme si elles étaient la propriété d'autrui. Un mot maintenant aux femmes. Une femme a-t-elle un vêtement tissu d'or? Avec quel soin elle en secoue la poussière, elle le plie, elle l'enveloppe! Dans la crainte de le gâter, elle n'en jouit presque pas. En effet, en attendant, elle meurt ou devient veuve. La crainte qu'elle a de l'user en le portant trop souvent, fait qu'elle s'en prive pour le ménager. Mais elle le laissera pour une autre. Rien n'est moins certain; et d'ailleurs en le laissant à une autre, celle-ci en usera de même. Au reste, si l'on voulait fouiller ce que recèlent nos opulentes maisons, l'on verrait que maints habits précieux, maints objets recherchés sont plus honorés que leurs propriétaires vivants. Loin de s'en servir constamment, en effet, telle femme craint et tremble pour eux, elle en écarte les vers et tout ce qui peut les ronger, elle les dépose pour la plupart dans les parfums et les aromates, elle n'en permet pas même la vue, mais, d'accord avec son mari, elle ne fait que les ranger et les déranger. 3.Saint Paul, dites-moi, n'a-t-il pas eu raison d'appeler l'avarice une idolâtrie? L'honneur, en effet, que les païens rendent à leurs idoles, ces malheureux le rendent à leurs tissus, à leurs bijoux d'or. Jusques à quand remuerons-nous cette fange? Jusques à quand serons-nous attachés à la boue et aux briques? Comme les enfants d'Israël travaillaient pour le roi d'Egypte, ainsi travaillons-nous pour le démon, qui nous maltraite plus cruellement encore que Pharaon les Hébreux. Ne voyez pas ici une hyperbole. Car plus l'âme l'emporte sur le corps, plus il est triste et pénible de la voir maltraiter par l'avarice qui sans cesse la flagelle, l'inquiète, la tourmente. Gémissons donc et élevons vers Dieu nos regards suppliants! Il nous enverra non pas Moïse, non pas Aaron, mais sa parole, et une componction salutaire. Dès que cette parole sera venue et aura pénétré nos coeurs ; elle nous délivrera d'une cruelle servitude, et nous fera sortir de cette autre Egypte, de cette passion inutile et vainement laborieuse, de cet esclavage sans profit. Au moins les Israélites, sortant d'exil, reçurent de l'or, juste salaire de leurs travaux; mais nous autres, nous sortirons les mains vides, et encore serions-nous heureux si nous n'emportions rien; mais nous emportons avec nous, non les vases d'or et d'argent de lEgypte, mais ses maux, ses péchés et les supplices dont Dieu les punit. Apprenons donc à recueillir un vrai profit; apprenons à bien souffrir une injustice : c'est le caractère du chrétien. Méprisons les vêtements d'or, méprisons les richesses, de peur de mépriser notre salut. Méprisons l'argent, oui, et non point notre âme. A elle, en effet, le châtiment; à elle, le supplice un jour. Ces prétendus biens restent sur la terre; notre âme s'en ira ailleurs. Pourquoi, dites-moi, vous déchirer vous-mêmes et ne pas le sentir? Je parle ici à ces avares, qui sont travaillés du désir de posséder toujours davantage. Mais il est bon de le dire aussi à ceux que les avares exploitent et volent. Supportez, chères victimes, les dommages que les avares vous font subir. Ils se suicident, et ne sauraient vous tuer. Ils vous privent de votre argent; mais ils se privent eux-mêmes de l'amour et du secours de Dieu. Or, dépouillé de cette grâce, possédât-on les richesses du monde entier, on est le plus pauvre de la terre; tandis que le plus pauvre des hommes, s'il jouit de la grâce de Dieu, est certainement le plus riche de tous, puisqu'il peut dire avec le Prophète: « Le Seigneur me conduit, rien ne me manquera jamais ». (Ps. XXII, 1.) Si vous aviez, dites-moi, un protecteur haut placé et admirable qui vous aimât extrêmement, qui vous portât intérêt; et si d'ailleurs vous saviez qu'il vivra toujours, que vous ne mourrez pas vous-même avant lui, et qu'il vous fera part de tout ce qu'il a, pour en jouir en toute sûreté comme d'un bien qui vous sera propre et personnel , dès lors vous mettriez-vous en peine de rien acquérir? En vous supposant même dépouillé de tout, ne vous croiriez-vous pas plus riche que personne? Pourquoi donc pleurez-vous? De n'avoir pas d'argent? Mais pensez que, par là même, l'occasion de pécher vous est ôtée. D'avoir perdu vos biens? Mais vous avez gagné l'amitié de Dieu. Et comment l'ai-je gagnée, dites-vous? C'est lui-même qui vous dit : « Pourquoi ne souffrez-vous pas l'injustice » plutôt que de la commettre? Et :« Rendez grâces au ciel de toutes choses » ; et « Bienheureux les pauvres de bon gré! » (I Cor. VI, 7; I Thess. V, 18; Matth. V, 3.) Imaginez donc à quelle hauteur vous êtes dans son amitié, si vous mettez ces conseils en pratique. 538 En effet,on ne nous demande qu'une chose: c'est de remercier Dieu en tout et toujours; dès lors, nous aurons tout en abondance. Par exemple, avez-vous perdu dix mille livres d'or? Remerciez Dieu tout aussitôt et vous avez gagné cent mille livres par cette parole d'abnégation et de reconnaissance. Car, dites-moi : à quel moment appelez-vous Job bienheureux? Est-ce quand il est propriétaire de tant de chameaux, de tant de gros et menu bétail? N'est-ce pas plutôt quand il fait entendre cette parole ? « Le Seigneur m'a donné, le Seigneur m'a ôté, son nom soit béni! » (Job, I, 21.) Quand le démon nous veut perdre, ce n'est pas en nous enlevant les richesses, il sait qu'elles ne sont rien ; mais il veut par cette ruine nous forcer à prononcer quelque blasphème. Ainsi agissait-il à l'égard du bienheureux Job; son but unique n'était pas de le réduire à la pauvreté, mais de lui arracher un blasphème. Voyez plutôt quel langage il lui tient par l'épouse même du patriarche. Dès que celui-ci est dépouillé de tout : « Prononcez », lui dit-elle, « une parole contre Dieu, et puis mourez ». Mais, maudit Satan, tu l'as déjà dépouillé de tout! Je n'ai pas ainsi atteint mon but. J'ai tout fait pour arriver et je n'ai pu parvenir à le priver aussi du secours de Dieu. Voilà ce que je veux; ce que j'ai fait d'ailleurs n'est rien. Si je n'atteins pas mon but ultérieur, non-seulement Job n'aura subi aucun mal, mais son épreuve lui aura servi. 4. Voyez-vous comment le démon sait le prix de cette ruine spirituelle? Aussi emploie-t-il à cette fin le piège même d'une épouse impie. Ecoutez ici, vous tous qui avez des femmes passionnées pour l'argent, lesquelles vous forceraient à blasphémer contre Dieu! Souvenez-vous de Job. Mais plutôt voyons, s'il vous plait, la grande douceur avec laquelle il lui ferme la bouche. « Pourquoi », lui dit-il, « avez-vous parlé comme une femme insensée? » (Job, II, 10.) En effet, « les mauvais « discours corrompent les bonnes moeurs ». (1 Cor. XV, 33.) Toujours, hélas! mais surtout dans le malheur, l'influence des mauvais conseils est grande. Notre âme se sent déjà portée d'elle-même à la colère et au désespoir : combien plus elle y obéit, quand elle rencontre un mauvais conseiller! N'est-elle pas alors poussée au précipice? La femme est un grand bien, comme elle est un grand mal. Remarquez, en effet, comment le démon cherche à faire brèche dans ce mur inexpugnable. La perte de tous ses biens n'a pu l'entamer; cette ruine n'a pas produit contre lui grand effet. Convaincu d'avoir en vain dit à Dieu : « Vous verrez que Job vous maudira en face» (Job, I, 11), le démon arme l'épouse, pour arriver à vaincre. Vous avez ouï ce qu'il en espérait! Mais cet engin de guerre ne lui a pas réussi. Ainsi, nous-mêmes, si nous supportons tout avec reconnaissance, nous recouvrerons même nos biens; sinon, du moins aurons-nous une plus magnifique récompense, comme il est advenu à ce coeur de diamant, à ce patriarche qui, après une lutte courageuse et victorieuse, a vu le Seigneur lui donner encore la fortune. Job avait prouvé au démon qu'il ne servait pas Dieu par un motif de vil intérêt; le Seigneur, en retour, voulut bien lui rendre plus qu'il n'avait auparavant. C'est en effet ce qui arrive. Quand Dieu voit que nous ne sommes pas attachés aux biens de la vie, il nous les donne; quand il nous voit préférer les biens spirituels. il nous accorde les biens temporels par surcroît, mais jamais ceux-ci d'abord, de peur que nous n'oubliions les biens spirituels. C'est donc par un ménagement de sa providence qu'il nous refuse les biens du corps, afin de nous en séparer même malgré nous. Mais non, direz-vous; quand je reçois, au contraire, je suis comblé et je rends grâces plus volontiers! Cela n'est pas, ô homme ; tu n'en es que plus lâche et plus ingrat. Mais pourquoi Dieu donne-t-il à d'autres? Etes-vous bien sûr que c'est lui qui donne? Qui est-ce, si ce n'est lui? Leur avarice, leur rapacité sait s'enrichir. Alors comment Dieu permet-il ces crimes? Comme il tolère le meurtre, les vols, les violences.- Alors que dites-vous de ceux qui, bien que remplis d'iniquités Bans -nombre, reçoivent de leurs ancêtres un riche héritage ? Comment Dieu les en laisse-t-il jouir? Comme il fait pour les voleurs, les meurtriers et tous les autres malfaiteurs. L'heure n'est pas venue de les juger, mais bien de régler parfaitement votre conduite. Ce que j'ai dit déjà, je le répète. Ils seront d'autant plus sévèrement châtiés, qu'ayant ainsi reçu tous les biens, ils n'en seront pas devenus meilleurs. Car tous les méchants ne seront pas également punis. Ceux qui, couverts des bienfaits de Dieu, demeurent mauvais, seront plus durement châtiés. Mais il n'en sera pas ainsi des hommes qui auront vécu dans la pauvreté. Pour vous convaincre de cette divine justice, écoutez ce que Dieu dit à David: « Ne vous ai-je pas donné tous les biens du roi votre maître?» (II Rois, XII, 8.) Quand donc vous verrez un jeune homme recevoir sans travail l'héritage paternel et persévérer dans le péché, soyez sûr que son châtiment vient de s'accroître, et son supplice d'augmenter. Ne portons pas envie à de tels misérables, mais rivalisons avec ceux qui savent hériter de la vertu et acquérir les biens de la grâce. « Car, malheur », dit l'Ecriture, « à ceux qui se confient dans leurs richesses!» et: « Bienheureux ceux qui craignent le Seigneur ! » (Ps. XLVIII, 7 et CXXVII, 1.) De quel côté vous rangez-vous, dites-le-moi? Du côté de ceux qu'elle proclame bienheureux , sans doute? Soyons donc saintement jaloux de ceux-ci et non point des autres,afin d'acquérir,comme les premiers, lesbiens promis. Puissions-nous les gagner tous par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec lequel soient au Père et au Saint-Esprit, gloire , honneur, empire, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
|