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HOMÉLIE XIX. AYANT DONC, MES FRÈRES, LA CONFIANCE QUE NOUS ENTRERONS DANS LE SANCTUAIRE PAR LE SANG DE JÉSUS, PAR CETTE VOIE NOUVELLE QUI MÈNE A LA VIE, ETC. (X, 20, JUSQU'A 26.)Analyse. 1. L'orateur résume les différences déjà trouvées entre le
culte israélite et le culte chrétien, et conclut par nous commander la confiance, la foi
pleine et entière, et les oeuvres saintes. Il nous recommande une sainte rivalité
dans la pratique du bien, une grande droiture dans nos rapports mutuels. 2. L'amour mutuel, plénitude de la loi, n'a qu'une règle : aimer
son prochain comme soi-même. Le pardon des injures est l'application de ce
principe. Nul ne voudrait se haïr : ne haïssons point nos frères. Le
Nouveau Testament et même l'Ancien nous donnent des exemples. Aimer ses ennemis,
c'est au fond s'aimer soi-même et centupler sa récompense. 1. « Ayez confiance », Paul peut nous parler ainsi quand il a montré la différence de pontife, de sacrifice, de tabernacle, de testament, de promesses; différence très-grande en effet, puisque chez les Juifs tout cela est temporel, et chez nous, éternel; que là tout s'efface et tombe; ici, tout est permanent; d'un côté, on voit la faiblesse ; de l'autre, la perfection; des ombres et des figures enfin, en face de l'immuable vérité. Ecoutez, en effet : « Ce n'est pas selon la disposition d'une loi charnelle, c'est en vertu de sa vie immortelle » que Jésus est prêtre, nous dit-il ; ajoutant qu'il est écrit ailleurs : « Vous êtes prêtre pour l'éternité » voilà déjà la perpétuité du sacerdoce. Quant au testament, « celui-là », dit-il , « est ancien; or ce qui passe et vieillit, va bientôt finir ». (Hébr. VII, 16; VIII, 13.) Le Nouveau possède la rémission des péchés : l'autre n'a rien de semblable : « Car la loi », nous dit-il, « n'a rien mené à perfection ». (Hébr. VII, 19.) Et encore : «Mon (533) Dieu! vous n'avez voulu ni offrande ni sacrifice». Le tabernacle était fait de main d'homme : la main de l'homme n'a point construit le nôtre. L'un vit couler le sang des boucs, l'autre le sang du Seigneur: en celui-là le prêtre se tient debout; dans notre sanctuaire, il est assis. Tout étant donc bien moindre d'un côté, et bien plus grand de l'autre , il conclut et nous dit : « C'est pourquoi, mes frères, ayez confiance ». Et pourquoi, confiance? à cause du pardon. Car, dit-il, comme le péché produit et apporte la honte, ainsi la confiance naît et se produit par la certitude que tous nos péchés nous ont été remis. Et ce n'est pas pour cette raison seulement ; c'est aussi parce que nous sommes devenus ses cohéritiers et les objets de cette immense charité. « Dans l'entrée au sanctuaire ». Où, cette entrée ? Au ciel, dans une voie et un progrès tout spirituels. « La voie qu'il a ouverte pour nous » , c'est-à-dire, qu'il a construite, et par où il est entré tout d'abord. En effet, ouvrir signifie ici commencer d'user. Or il l'a préparée, cette voie, nous dit-il, et lui-même est entré « dans cette voie nouvelle et vivante ». Il montre ici la plénitude de notre espérance. Cette voie est nouvelle, dit-il; car il veut nous montrer que nous sommes bien plus grandement partagés que les anciens, puisqu'à présent les portes du ciel sont ouvertes, bonheur que n'avait pas l'époque d'Abraham. Et c'est avec raison qu'il l'appelle voie nouvelle et vivante; car l'antique voie était un chemin de mort conduisant aux enfers; celle-ci mène à la vie. Et toutefois il ne l'appelle pas la route de vie, mais la route vivante, c'est-à-dire permanente. « Par le voile », dit-il, « par sa chair »; car cette chair sacrée lui ouvrit à lui-même et tout d'abord ce bienheureux chemin, qu'il est dit avoir inauguré, puisqu'avec cette chair, il y est entré le premier. Cette chair, il l'appelle un voile, et à bon droit; car lorsqu'il eut été enlevé dans le ciel, alors tout ce qui est dans les cieux s'est dévoilé. « Approchons-nous », dit-il, « avec un coeur sincère ». Qui pourra donc approcher de lui? L'homme saint, armé de la foi et de l'adoration en esprit; « avec un coeur sincère et dans la plénitude de la foi », parce qu'en effet, rien chez nous n'est visible , ni le prêtre, ni le sacrifice, ni l'autel; bien que, chez les juifs mêmes, le grand prêtre t'ut invisible aussi, entrant seul au Saint des Saints, tandis que tous les autres, tout le peuple restait dehors. Ici au contraire, non content de montrer que notre prêtre a pénétré dans le sanctuaire, (ce qu'il déclare en ces termes : « Nous avons aussi un grand prêtre qui est établi sur la maison de Dieu »), il déclare que nous y entrerons après lui. « Ayons donc », dit-il, « la plénitude de la foi (21, 22) ». Il peut arriver, en effet, que vous croyiez, mais avec des doutes; comme plusieurs même à présent prétendent que tels ressusciteront, et que tels autres ne ressusciteront pas. Ce n'est pas là une foi pleine et entière. Il faut croire comme vous croyez à ce que vous voyez, et bien plus fermement encore; car notre vue peut se tromper même dans les objets qu'elle perçoit; mais dans les enseignements de la foi , l'erreur est impossible. Dans le premier cas, nous écoutons un de nos sens; dans le second, l'Esprit divin est notre maître. « Ayant le coeur purifié des souillures de la mauvaise conscience (23) ». Il enseigne que non-seulement la foi est exigée pour le salut, mais aussi la conduite et la vie vertueuse, et une conscience qui ne se reproche aucune iniquité. A défaut de cet ensemble de dispositions, l'on ne peut recevoir en leur plénitude les choses saintes car saintes en elles-mêmes, les choses saintes sont surtout pour les saints. Aucun profane n'entre donc ici ; Israël se purifiait de corps, nous de conscience. Une sainte aspersion nous est encore permise, celle de la vertu. « Ayant eu aussi le « corps lavé dans l'eau qui purifie ». Il parle ici d'un bain qui ne purifie pas le corps, mais lâme. « Car l'auteur de nos promesses est fidèle ». Mais à quelles promesses doit-il être fidèle? C'est que nous avons à sortir d'ici, pour entrer dans un royaume. Au reste, ne sondez pas avec curiosité la parole divine, n'en exigez pas les raisons. Nos saintes vérités requièrent la simplicité de la foi. « Et ayons les yeux les uns sur les
autres pour nous provoquer mutuellement à la charité et aux bonnes oeuvres, ne nous
retirant pas de l'assemblée des fidèles, comme quelques-uns ont accoutumé de faire,
mais nous exhortant les uns les autres, d'autant plus que vous voyez que le jour approche
(24, 25) ». Conformément à ce qu'il dit ailleurs : « Le Seigneur est proche;
soyez sans inquiétude (Philip. IV, 5); Car aujourd'hui notre salut est plus près de nous
». Et encore : « Le temps est court ». (I Cor. VII, 29.) Mais pourquoi faut-il
« ne pas abandonner l'assemblée des fidèles?» C'est qu'il sait qu'une réunion, une
congrégation présente, devant Dieu, une force particulière. « Car », a dit le
Seigneur, « quand deux ou trois d'entre vous se rassemblent en mon nom, je suis là, au
milieu d'eux ». Il dit aussi : « Qu'ils ne soient qu'un, comme nous ne sommes qu'un ».
(Jean, XVII, 11.) Et on lit ailleurs: « Tous n'avaient qu'un coeur et qu'une âme ». (Act. IV, 32.) Et ce n'est pas là le seul avantage d'une réunion;
par sa nature, une assemblée chrétienne commande et augmente la charité ; et cet
accroissement de charité emporte et attire un surcroît de bénédictions divines. « La
prière », est-il dit, « se faisait sans relâche par tout le peuple ». (Act. XII, 5.) « Comme quelques-uns ont l'habitude de
s'isoler» il ne s'en tient pas à exhorter, il sait reprendre aussi. « Et ayons
les yeux les uns sur les autres pour nous provoquer mutuellement à la charité et aux
bonnes oeuvres ». Il sait que déjà leurs réunions suivent cette règle. Comme le l'or
aiguise le fer, ainsi le rapprochement augmente la charité; et si une pierre broyée
contre une autre pierre, fait jaillir le feu, combien plus une âme qui se fond dans une
âme ! Voyez : il ne dit pas : Pour riva « Approchons avec un cur sincère ». Qu'est-ce à dire? c'est l'horreur de toute hypocrisie, de toute dissimulation. « Malheur», est-il écrit, « au coeur hésitant, aux mains lâches et paresseuses! » (Ecclés. II, 14.) Qu'aucun mensonge non plus n'ait lieu parmi nous. N'allons pas avoir une parole contraire à notre pensée : c'est là le mensonge. Gardons-nous de la pusillanimité : ce n'est pas la marque d'un cur vrai. C'est notre défaut de foi qui nous rend pusillanimes. Comment acquerrons-nous la vertu opposée? si nous savons nous former par la foi des convictions inébranlables. « Ayant le cur aspergé ». Pourquoi n'a-t-il pas dit : purifié, mais aspergé? Il veut montrer le caractère propre de ce qui fait l'aspersion. Car elle suppose à la fois une couvre de Dieu et notre oeuvre aussi. Asperger et laver la conscience, c'est l'action divine; mais s'offrir à l'aspersion avec sincérité, avec une conviction pleine et assurée qui vient de la foi, c'est notre part. Ensuite il attribue aussi à la foi une grande vertu, fondée sur sa vérité et sur la force divine de l'auteur des promesses. Mais que veut dire : « Ayant aussi le corps lavé par l'eau pure?» Entendez: par l'eau qui donne une pureté vraie, ou encore par l'eau non mêlée de sang. Ensuite il ajoute un commandement de perfection, c'est-à-dire la charité : « Ne délaissant pas nos saintes assemblées, comme font plusieurs », qui produisent les schismes. il le leur défend expressément. « Car le frère secondé par le frère est comme une ville fortifiée ». (Prov. XVIII, 19.) « Mais considérons-nous les uns les autres pour nous provoquer à la charité». Qu'est-ce que nous considérer mutuellement? C'est imiter nos frères vertueux; c'est avoir les yeux sur eux, pour les aimer et en être aimé. Car la charité est la source des bonnes oeuvres. Répétons-le donc : se réunir est chose bien utile ; c'est le moyen de rendre la charité plus ardente , et de la charité naissent tous les biens, puisqu'il n'en est aucun que la charité ne puisse produire. 2. Confirmons donc entre nous la charité; « car l'amour est la plénitude de la loi ». (Rom. XIII, 10.) Aimons-nous les uns les autres, et nous n'aurons besoin ni de travaux ni de sueurs pour nous sauver. Ce chemin, de lui-même, conduit à la vertu. Ainsi qu'un voyageur, dès qu'il a trouvé la tête d'une route publique, se trouve aussitôt conduit par elle et n'a pas besoin d'autre guide : ainsi, pour la charité, saisissez-en seulement le commencement, et ce début vous conduira et vous dirigera. « La charité », dit saint Paul, « est patiente, elle est bienveillante ; elle ne suppose point le mal ». (I Cor. XIII, 4.) Que chacun de nous réfléchisse en soi-même sur la manière dont il est disposé pour lui-même; et qu'il ait pour le prochain ce même sentiment. Ainsi nul n'est jaloux de soi-même; chacun se souhaite tous les biens; l'on se préfère naturellement aux autres; pour soi l'on est disposé à tout faire. Si nous avons les mêmes sentiments pour le prochain, tous les maux de l'humanité sont guéris : plus d'inimitiés désormais, plus d'avarice, plus de cupidité. Car qui voudrait se frustrer soi-même ? Personne; on ferait plutôt le contraire. Dès lors nous posséderons en commun tous les biens, et nous ne cesserons pas de resserrer nos rangs. Si telle est notre ligne de conduite, le ressentiment des injures n'est plus possible entre nous. Qui pourrait, en effet, se mettre au cur une haine contre soi-même, et garder le souvenir d'une injure qu'il se serait faite volontairement? Qui voudrait se fâcher contre soi-même? Ne suis-je pas, de tous les hommes, celui à qui je pardonne le plus volontiers ? Si donc tels sont aussi nos sentiments à l'égard du prochain, la mémoire des injures est à jamais éteinte. Mais, direz-vous, est-il possible d'aimer son prochain comme soi-même? Si cette charité est sans exemple, vous avez le droit de la déclarer impossible. Mais si d'autres l'ont pratiquée, il est évident qu'en ne les suivant pas nous faisons uniquement preuve de lâcheté et de paresse. D'ail. leurs Jésus-Christ n'a jamais pu commander ce qui serait impraticable; il s'est vu bien des chrétiens qui ont même dépassé ses lois. Quels sont ces héros? Paul, Pierre, tout le choeur des saints. Si j'avance qu'ils ont aimé le prochain, je ne fais que faiblement leur éloge; car ils ont aimé leurs ennemis autant qu'on aime l'ami le plus intime. Quel homme au monde, en effet, libre d'aller prendre la céleste couronne, choisirait l'enfer pour sauver ses amis intimes? Aucun. Et Paul, toutefois, l'a choisi pour ses ennemis, pour ceux qui l'avaient lapidé, pour ceux qui l'avaient battu de verges. Quel pardon pouvons-nous donc attendre, quelle excuse aurons-nous, si nous n'accordons pas même à nos amis la plus faible partie de l'amour que Paul a montré pour ses ennemis? Avant lui déjà, le bienheureux Moïse demandait à être rayé du livre de vie, à la place d'ennemis qui l'avaient reçu à coups de pierres, (Exod: XXXII, 32.) David aussi, voyant périr ceux qui lui avaient résisté, disait : « C'est moi, leur pasteur, qui ai péché: mais eux, qu'ont-ils fait? » (II Rois, XXIV, 17.) Et quand Saül fut entre ses mains, loin de vouloir attenter à ses jours, il le sauva, alors même que sa générosité allait le mettre en danger. Or, si l'Ancien Testament a fourni de pareils exemples, quel pardon obtiendrons-nous, nous qui vivons sous le Nouveau, et qui ne savons pas arriver même à la hauteur où ils sont parvenus? « Car si notre justice n'abonde pas plus que celle des Scribes et des Pharisiens, nous n'entrerons pas dans le royaume des cieux ». Et si nous avons moins de justice que ces gens-là mêmes, comment entrerons-nous? « Aimez », dit le Seigneur, « aimez vos ennemis et vous serez semblables à votre Père qui est dans le ciel ». (Matth. V, 44, 45.) Aimez donc votre ennemi. Ce n'est pas à lui que vous faites ainsi du bien, c'est à vous-même. Comment? C'est que vous devenez semblable à Dieu. Aimé de vous, votre prochain n'y gagne (535) que bien peu; c'est un compagnon de service qui le chérit. Mais vous, en aimant ce compagnon de service, vous y gagnez beaucoup; vous vous rendez pareil à Dieu. Voyez-vous que le bénéfice est à vous et non pas à votre prochain ? Car Dieu vous propose la couronne, et non à lui. Mais qu'arrivera-t-il, si c'est un méchant? Votre récompense n'en sera que plus grande; vous serez donc reconnaissant à votre ennemi pour la malice qu'il montre encore après vos innombrables bienfaits. Car s'il n'avait été profondément méchant, votre trésor au ciel n'aurait pas si merveilleusement augmenté. Sa malice, qui vous autorisait à ne l'aimer point, est donc vraiment un motif pour l'aimer davantage. Faites disparaître votre adversaire. votre antagoniste, vous détruisez l'occasion que vous avez d'être récompensé. Ne voyez-vous pas comme les athlètes s'exercent avec des corbeilles pleines de sable? Vous n'avez pas besoin de vous imposer ce labeur; la vie est pleine d'occasions qui vous tiennent en haleine et nourrissent en vous la force et le courage. Ne remarquez-vous pas que les arbres sont d'autant plus vigoureux et plus solides, qu'ils sont plus fortement battus des vents? Chez nous aussi, avec l'épreuve et la patience, grandira la vigueur. « Car », dit le Sage, « l'homme patient et longanime abonde en prudence ; le pusillanime au contraire n'apprend ni ne sait rien ». (Prov. XIV, 29.) Comprenez-vous ce magnifique éloge de l'un, cette grave accusation de l'autre? Il est fort ignorant, le paresseux; il ne sait rien. Gardons-nous donc de porter cet esprit étroit et petit dans nos rapports mutuels; car notre malheur ne viendrait pas de ces inimitiés qu'on rencontre toujours, mais bien de notre propre coeur, faible et rancunier. S'il est fort, ce coeur, il supportera aisément tous les orages ; aucun ne pourra le faire sombrer; ils contribueront même à le conduire au port tranquille. Puissions-nous y toucher et aborder un jour, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec lequel soient au Père et au Saint-Esprit, gloire, empire et honneur, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
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