HOMÉLIE XXXVII

Précédente Accueil Remonter Suivante

Accueil
Remonter
HOMÉLIE I
HOMÉLIE II
HOMÉLIE III
HOMÉLIE IV
HOMÉLIE V
HOMÉLIE VI
HOMÉLIE VII
HOMÉLIE VIII
HOMÉLIE IX
HOMÉLIE X
HOMÉLIE XI
HOMÉLIE XII
HOMÉLIE XIII
HOMÉLIE XIV
HOMÉLIE XV
HOMÉLIE XVI
HOMÉLIE XVII
HOMÉLIE XVIII
HOMÉLIE XIX
HOMÉLIE XX
HOMÉLIE XXI
HOMÉLIE XXII
HOMÉLIE XXIII
HOMÉLIE XXIV
HOMÉLIE XXV
HOMÉLIE XXVI
HOMÉLIE XXVII
HOMÉLIE XXVIII
HOMÉLIE XXIX
HOMÉLIE XXX
HOMÉLIE XXXI
HOMÉLIE XXXII
HOMÉLIE XXXIII
HOMÉLIE XXXIV
HOMÉLIE XXXV
HOMÉLIE XXXVI
HOMÉLIE XXXVII
HOMÉLIE XXXVIII
HOMÉLIE XXXIX
HOMÉLIE XL
HOMÉLIE XLI
HOMÉLIE XLII
HOMÉLIE XLIII
HOMÉLIE XLIV

HOMÉLIE XXXVII. QUE VOS FEMMES SE TAISENT DANS LES ÉGLISES; IL NE LEUR EST POINT PERMIS DE PARLER, MAIS ELLES DOIVENT ÊTRE SOUMISES, AINSI QUE LE DIT LA LOI. (CHAP. XIV, VERS. 34.)

 

552

 

ANALYSE.

 

1 et 2. Réserve que les femmes doivent garder dans les assemblées de l'Eglise.

2-4. Que l'ordre doit partout régner. — Que l’avarice est une maladie. — Du trouble que les passions causent dans le monde.

 

1. Après avoir réprimandé le tumulte qui naît des langues, et celui qui naît des prophéties, et porté la loi que ceux qui parlent le fassent tour à tour, et que ceux qui prophétisent se taisent quand un autre prend, la parole, il arrive enfin au trouble que causent les femmes, et gourmande leur bavardage importun : et il le fait à juste titre. Car si ceux qui ont les grâces ne doivent point parler au hasard, ni quand il leur plaît, quoiqu'ils soient inspirés du Saint-Esprit, que dire du bavardage vain et inconsidéré des. femmes. C'est pourquoi il leur ferme la bouche -avec une grande autorité, et il les fait taire, en s'armant de la loi. En effet, il ne donne pas seulement des conseils ou des exhortations, mais il commande avec force, citant à ce sujet. l'ancienne loi. Après avoir dit : « Que vos femmes se taisent dans les églises; il ne leur est point permis a de parler, mais elles doivent être soumises », il ajoute : « Comme la loi le dit ». Et où la loi dit-elle cela? « Tu te tourneras vers ton mari et il te commandera ». (Gen. III, 16.) Voyez-vous la sagesse de Paul, et le grand témoignage dont il se sert, ne leur ordonnant pas seulement de se taire, mais de se taire avec crainte, et une crainte aussi grande que celle d'une esclave. C'est pourquoi après avoir dit : « Il ne leur est point permis de parler », il n'ajoute point : Elles doivent se taire ; au lieu de « se taire », il a mis ce qui est plus fort: Etre soumises. Si elles doivent se tenir ainsi devant leurs maris, elles le doivent bien plus devant les docteurs et les Pères, et dans l'assemblée des fidèles. Mais si elles ne parlent point, direz-vous, et si elles n'interrogent point, pourquoi seront-elles présentes? Pour entendre ce qu'il faut, quant aux choses dont elles doutent, elles doivent l'apprendre chez . eux de leurs maris. C'est pourquoi il a ajouté: « Si elles veulent apprendre quelque chose, qu'elles interrogent chez eux leurs maris « (35) ». Or, si elles ne doivent pas interroger, il leur est bien plus défendu encore de parler. Et pourquoi les a-t-il soumises à une si grande sujétion ? parce que la femme est faible, inconstante et légère. C'est pourquoi il leur a donné leurs maris pour docteurs, rendant ainsi service aux uns et aux autres. Il a rendu les femmes réservées et les hommes attentifs et soucieux de pouvoir répéter exactement devant leurs, femmes ce qu'ils ont entendu. Comme elles se faisaient une gloire de parler en public, il leur dit tout le contraire : « Il est honteux pour une femme de parler dans l'Eglise ». Il l'a prouvé d'abord par la loi de Dieu, ensuite par le. sens commun et l'usage, comme il leur disait aussi, quant à leurs cheveux: « N’est-ce pas la nature même qui vous l'enseigne? » (I Cor. 11, 14.) Et partout chez lui vous trouverez cette habitude de leur inspirer la pudeur, en s'appuyant, non sur les (553) saintes Ecritures, mais sur l'usage. Ce sont les opinions communes et l'habitude dont il se sert, pour leur inculquer la modestie, lorsqu'il dit: « La parole de Dieu est-elle partie de vous, ou est-elle venue chez vous seuls (36) », et il cite en effet les autres. Eglises qui observent cette loi, et c'est en montrant qu'il est inusité qu'il,réprimande le tumulte, et c'est en s'appuyant sur les suffrages de la foule qu'il fait accepter son discours. C'est pourquoi il disait en un autre endroit : « Celui qui vous a rappelé à la mémoire mes voies dans le Christ, comme moi-même je les enseigne dans toutes les églises » ; (I Cor. IV, 17) et encore : « Ce n'est point un Dieu de dissension, mais de paix, comme aussi dans toutes les assemblées de saints » ; (Ibid, XIV, 33) et ces paroles: « La parole de Dieu est-elle partie de vous, ouest-elle venue chez vous seuls. » C'est-à-dire, vous n'êtes pas les premiers, vous n'êtes pas les seuls fidèles, mais c'est toute la terre. C'est ce qu'il disait aussi, en écrivant aux habitants de Colosse : « Comme elle fructifie et croît dans le monde entier», (Coloss. I, 6) en parlant de l'Evangile.

Quelquefois, pour exhorter ses auditeurs, il fait tout le contraire, comme quand il dit qu'ils ont agi les premiers, et que leurs actions brillent aux yeux de tous. Ainsi il écrivait aux habitants de Thessalonique : « C'est chez vous que la parole de Dieu a commencé à retentir », et en tout lieu votre foi est allée à Dieu. (I Thess. 1, 8.) Il écrit encore aux Romains : « Votre foi est annoncée au monde entier ». (Rom. I, 8.) Pour exciter et exhorter les hommes, c'est un moyen également efficace de les faire louer par d'autres, ou de leur montrer que d'autres pensent comme eux. Et c'est pour cela qu'il dit aussi : « La parole de Dieu est-elle partie de vous; ou est-elle venue chez vous seuls? » Vous ne pourrez point dire : Nous avons été les docteurs des autres, et il n'est point juste que nous allions à l'école des autres, ni : C'est ici seulement que la foi a demeuré, et nous n'avons pas à prendre exemple sur d'autres. Voyez-vous par combien de moyens l'apôtre leur inspire la pudeur, il cite la loi, il montre que l'action est honteuse, et il apporte pour exemple les autres Eglises.

2. Enfin il dit en dernier lieu, et c'est ce qu'il y a de plus fort : c'est Dieu qui l'ordonne par moi : « Si quelqu'un paraît être prophète ou animé de l'Esprit divin, qu'il connaisse ce  que je vous écris, que ce sont les ordres de Dieu (37); s'il l'ignore, qu'il l'ignore (38) ». Et pourquoi a-t-il ajouté cela? Pour montrer qu'il n'apporte ni violence, ni disputes, ce qui est le propre de ceux qui ne veulent pas imposer leurs volontés, mais qui considèrent ce qui est utile aux autres. C'est pourquoi il dit aussi en un autre endroit : « Si quelqu'un aime la dispute, nous n'avons point cette habitude ». (I Cor. XI, 16.) Cependant il n'agit pas ainsi partout, mais là seulement où ne se commettent pas de grands péchés, et c'est encore là qu'il cherche à inspirer la honte. Quand il parle des autres péchés, ce n'est pas ainsi qu'il dit, mais comment? « N'errez pas; ni les débauchés, ni les efféminés ne posséderont le royaume de Dieu ». (Ibid. VI, 9.) Et encore : «C'est moi Paul qui vous le dis, que si vous êtes circoncis, le Christ ne vous sera pas utile ». (Gal. V, 2.) Mais tomme ici il ne s'agit que du silence, ses réprimandes ne sont point si véhémentes, et par cela même il attire vers lui ses auditeurs. Il fait ensuite ce qu'il a coutume de faire: il revient à la première preuve dont il était parti pour dire tout cela : « C'est pourquoi, mes frères, recherchez la prophétie, et ne défendez pas de parler les langues (39) ». C'est son habitude de traiter non-seulement ce qu'il s'est proposé, mais de corriger tous les défauts qui lui paraissent tenir d'une certaine façon au sujet, puis d'y revenir, afin de ne point paraître s'écarter de ce qu'il voulait prouver. Ainsi, quand il parlait de la concorde dans les repas, après avoir fait une digression sur la communion dans les mystères, il revient à son premier sujet, disant : « C'est pourquoi quand « vous vous réunissez pour manger, attendez« vous les uns les autres ». (I Cor. XI, 33.) Ici de même, après avoir discuté sur l'ordre qu'il faut observer dans les dons, et montré qu'il ne faut point s'affliger des moindres, ni s'enorgueillir de ceux qui sont plus importants, il fait une digression sur la modestie qui convient aux femmes, il y apporte les preuves nécessaires, puis il revient à son sujet, disant: « C'est pourquoi, mes frères, recherchez la prophétie, et ne défendez point de parler les langues ». Voyez comme jusqu'à la fin il observe la différence entre ces deux dons, et comment il montre que l'un est tout à fait nécessaire, et que l'autre ne l'est point. C'est pourquoi il dit de l'un : « Recherchez », et de (554) l'autre : « Ne défendez pas ». Puis, se résumant en quelque sorte, il corrige tout, ajoutant: « Que tout se fasse honnêtement et suivant l'ordre (40) », ce qui s'applique encore à ceux qui par légèreté veulent agir avec indécence, acquérir la réputation de fous, et ne conservent pas l'ordre qui leur convient.

Rien n'est édifiant comme le bon ordre, la paix, la charité, de même que les vices contraires sont une cause de ruine. Cela n'est pas vrai seulement des choses spirituelles, c'est encore vrai en tout le reste. Dans un choeur, dans un navire, dans un char, dans un camp, si vous détruisez l'ordre, et. si ôtant de leur place les choses les plus importantes vous y mettez les moins importantes, vous gâtez tout, vous mettez tout sens dessus dessous. Ce n'est point nous qui renverserions l'ordre, et qui mettrions la tête en bas, et les pieds en haut. Il arrive que, quand on renverse ainsi l'ordre naturel, on préfère à la raison la concupiscence, la colère, l'emportement et le plaisir : de là naissent de grandes fluctuations, un soulèvement profond et une horrible tempête, quand les ténèbres ont tout envahi. Et, si vous le voulez, dissipons d'abord la honte qui en résulte, et ensuite le dommage qui en sort. Comment ce mal sera-t-il connu et manifeste? Amenons sur la place publique un homme ainsi atteint, possédé de l'amour d'une courtisane , et consumé d'un désir infâme, et nous verrons alors combien il est ridicule. Que peut-il y avoir de plus honteux que de se tenir à la porte d'une courtisane et d'être repoussé par elle, de pleurer et de se lamenter, et de ruiner ainsi sa considération? Si vous voulez voir le dommage, repassez en votre esprit les prodigalités, les dangers mortels, la guerre contre les rivaux, les coups et les blessures que l'on reçoit en ces combats. Ainsi sont également ceux que possède l'amour de l'argent. Ce vice même est plus honteux et plus indécent. Car les débauchés sont occupés d'un seul corps, et lui prodiguent leurs soins et leur amour, mais les avares sont inquiets et tourmentés par les richesses de tous, des pauvres et des riches, et ils aiment ce qui n'existe point, ce qui est le propre d'une passion excessive. Ils ne disent pas : je voudrais avoir les richesses d'un tel ou d'un tel, mais ils veulent des maisons d'or, les maisons et tout ce qu'ils voient; ils se transportent dans un monde imaginaire ; et c'est ce qu'ils souffrent toujours, et jamais leurs désirs n'ont de fin. Qui pourrait exprimer par les mots cette agitation de leurs pensées, cette tempête , ces ténèbres ? Où sont des flots aussi orageux que ceux du plaisir? Il n'y en a point, c'est un tumulte, c'est un désordre , ce sont de sombres nuages, qui, au lieu d'eau, apportent le chagrin à l'âme, ce qui a coutume aussi d'arriver à ceux qui aiment la beauté d'autrui. C'est pourquoi ceux qui n'aiment d'aucune façon sont dans un état plus doux que les débauchés de cette sorte. C'est là une pensée que personne ne contredirait; pour moi, je vais jusqu'à dire que celui qui aime et réprime sa passion, éprouve plus de plaisir que celui qui jouit continuellement d'une courtisane. Quoiqu'il soit un peu difficile de le prouver, cependant j'aurai l’audace de l'entreprendre. Cela est difficile, non pas à cause de la nature des choses, mais parce que les auditeurs ne sont point dignes de cette philosophie.

3. Répondez-moi, je vous prie: qu'est-ce qui est plus agréable à un amant, d'être méprisé de sa maîtresse, ou d'être honoré d'elle et de la mépriser? Il est clair que ce dernier cas est le plus agréable. Qui donc , je vous prie, la courtisane honorera-t-elle plus, ou l'homme qui s'asservit à elle et devient son esclave, ou celui qui s'est joué de ses filets et vole au-dessus des pièges qu'elle lui a tendus? Il est clair que c'est ce dernier. Sur qui portera-t-elle plus tôt son amour, sur celui qui a succombé, ou sur celui qui n'a pas encore succombé? sur celui, certes, qui n'a pas encore succombé. Quel est celui qui est le plus désirable, celui qui est déjà atteint de l'amour ou celui qui n'a pas encore été captivé ? C'est celui qui n'a pas encore été captivé. Si vous ne voulez point m'en croire, voyez ce qui vous arrive à vous-même. Quelle  est la femme qu'on aimera plus, celle qui succombe facilement et se donne elle-même, ou celle qui refuse et combat longtemps? Il est hors de doute que c'est celle-ci , car c'est ainsi qu'elle allume un désir plus vif. La même chose arrive à la femme : elle honorera et admirera plus celui qui la méprise. S'il en est ainsi, que celui-là éprouve plus de plaisir qui est plus honoré et plus aimé. Le général d'armée qui a pris une fois une ville, l'abandonne, mais il met toute son ardeur à assiéger celle qui résiste et lutte ; le chasseur laisse cachée la bête qu'il (555) a prise, comme la courtisane fait de son amant, mais il poursuit celle qui se sauve devant lui. Mais l'amant, direz-vous, jouit de ses désirs, et l'autre n'en jouit point. Mais échapper à la honte et au déshonneur, ne pas être asservi à la tyrannie d'une maîtresse, ne pas être conduit et mené par elle comme un esclave, roué de coups, conspué, frappé à la tête, croyez-vous, dites-moi, que ce soit là un petit plaisir ? Si l'on voulait bien examiner tous ces tourments et rassembler toutes les hontes, les outrages , les incriminations, les colères, les inimitiés, et tous ces maux qui ne sont connus que de ceux qui les ont soufferts, il trouverait que toute guerre a plus de trêves que la vie misérable de ces hommes.

Quel est donc le plaisir dont vous me parlez, je vous le demande, est-ce celui qui résulte de l'union des sexes, et qui est bref et passager? mais la guerre lui succède tout à coup, et les agitations, et la rage, et la folie. Je vous parle comme je parlerais à des jeunes gens incontinents et impudiques, et qui n'entendraient pas volontiers ce qu'on leur dirait du paradis et de l'enfer. Mais, quand nous aurons produit tout cela au grand jour, nous ne pourrons dire combien grand est le plaisir des gens modérés et tempérants alors chacun pensera aux couronnes , aux récompenses, au commerce avec les anges, à la bonne réputation par la terre entière, à, la confiance et à la franchise des paroles, à ces espérances de bonheur immortelles. Mais l'union des sexes nous procure du plaisir; voilà ce qu'ils nous opposent toujours, et encore, que l'homme tempérant ne peut pas toujours résister à. la tyrannie de l'amour. C'est le contraire que vous trouverez ; le trouble et le désordre se trouvent plutôt chez celui qui se livre à la débauche, son corps est sans cesse agité ; son trouble est plus grand que celui de la mer houleuse ; jamais son désir ne s'arrête, il supporte continuellement ses assauts, semblable à ceux qui sont possédés par le démon et agités par les mauvais esprits. L'homme tempérant, au contraire, semblable à un vigoureux athlète, tient toujours la passion abattue, et trouve là un plaisir plus vif que tous les plaisirs des sens; cette victoire et sa bonne conscience lui servent de trophées éclatants et durables. Si le débauché se repose un peu après la lutte, il ne lui sert de rien; car de nouvelles agitations et de nouvelles tempêtes l'envahissent. Mais le sage ne permet pas dès le commencement que ce trouble pénètre en lui, que la mer se soulève, et que cette bête pousse des cris. S'il éprouve quelque peine à réprimer de si violents mouvements, il faut dire aussi que le débauché, toujours battu, percé dé coups et ne pouvant supporter l'aiguillon du désir, est semblable à celui qui emploie en vain tout son art à 'retenir un cheval indocile au frein; s'il cesse un instant ses efforts, s'il recule devant la fatigue, il est emporté par lui. Si j'ai expliqué tout cela plus clairement qu'il ne faut, qu'on ne me reprenne point; je ne recherche point la majesté dans mon discours, je cherche à rendre mes auditeurs graves et honnêtes.

4. Les prophètes aussi ne reculent devant aucune parole, quand ils veulent détruire l'intempérance et la corruption des Juifs, mais ils les réprimandent avec des paroles encore plus significatives que celles dont nous nous sommes servis. Le médecin qui veut guérir un abcès ne regarde pas à conserver ses mains propres, il ne songe qu'à guérir le malade de son abcès; celui qui veut relever l'humble se fait humble d'abord, et celui qui s'applique à tuer l'homme, qui dresse des embûches, se couvre de sang en même temps que son ennemi, et c'est cela même qui lui donne plus de gloire., Si vous voyez un soldat revenir de la guerre, souillé de sang et de cervelle, vous n'irez point le détester pour cela ni le, repousser, mais vous ne l'en admirerez que plus. Ainsi devons-nous faire quand nous voyons quelqu'un revenir tout ensanglanté , après avoir immolé la passion; nous devons l'en admirer davantage, nous associer et participer à ses combats et à ses victoires, et dire à ceux qui aiment : montrez-nous le plaisir que vous avez recueilli de vos passions.

L'homme tempérant et chaste trouve la volupté dans la victoire qu'il remporte sur lui-même : mais vous, quel est le plaisir que vous goûtez ? Vous me parlerez peut-être de celui que vous puisez dans un commerce charnel. Ah ! la volupté de la tempérance est plus franche et plus durable. Vos jouissances à vous sont courtes et vos plaisirs d'un moment ne laissent point de traces. Mais la chasteté puise dans sa conscience des joies plus vives et plus suaves qui ont de la durée. Le commerce des (556) sexes est incapable de calmer et d'élever notre âme comme la philosophie. L'homme chaste, je l'ai dit, montre une volupté franche. Vous, au contraire, qui êtes vaincu par vos passions, vous nous découvrez l'inquiétude de votre âme. Où sont vos plaisirs? je voudrais les voir; mais je ne les découvre pas. Quand' goûtez-vous un moment de plaisir en effet? Est-ce avant de satisfaire vos sens? mais, en ce moment-là, le plaisir n'existe pas pour vous. C'est dé la folie, de la démence, du trouble que vous éprouvez ; grincer des dents, être hors de soi, est-ce là du plaisir? si c'était là de la volupté, nous ne serions pas condamnés à donner, en un pareil état, tous les signes de la plus vive douleur. Les athlètes qui frappent ou qui sont frappés, grincent des dents. Les femmes déchirées par les douleurs de l'enfantement font de même. Ce n'est donc pas là un plaisir, c'est un trouble et un désordre excessif de l'âme. Et ensuite? Ah ! n'en parlez pas. La femme qui vient d'accoucher n'éprouve pas ce qu'on a le droit d'appeler un plaisir; elle est seulement délivrée de ses douleurs. Et franchement il n'y a pas là du plaisir; il y a un état de faiblesse et de prostration. Or, entre la volupté et la prostration, la différence est grande. Quel est donc le moment où vous goûtez quelque plaisir, dites-moi? Je n'en vois pas, ou si ce moment existe, c'est un éclair qu'on n'a pas le temps d'apercevoir. Ce moment, nous avons essayé mille fois de le saisir et de le retenir, nous ne l'avons pas pu; mais pour l'homme tempérant et modéré, il n'en est pas ainsi. Ses plaisirs sont apparents et durables; ou plutôt sa vie entière est une volupté : sa conscience lui tresse des couronnes; son âme est comme une onde tranquille qui ne connaît pas les orages et qui est assurée contre eux de toute part. A l'aspect de cette volupté pure, à la vue des inquiétudes et des troubles qui accompagnent la débauche , hâtons-nous de fuir ce vice, fuyons l'intempérance , pour faire voeu de tempérance et de chasteté, pour obtenir en outre dans l'autre vie le bonheur éternel, par la grâce et la faveur de Notre-Seigneur Jésus-Christ, en qui appartiennent au Père, en union avec le Saint-Esprit, la gloire, l'empire, l'honneur, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

 

Traduit par M. BAISSEY.

 

 

 

Haut du document

 

 

 

Précédente Accueil Remonter Suivante