HOMÉLIE XV

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HOMÉLIE XV. IL N'EST BRUIT QUE D'UNE FORNICATION COMMISE PARMI VOUS, D'UNE FORNICATION TELLE QU'IL N'EN EXISTE PAS CHEZ LES GENTILS MÊMES; JUSQUE-LA QUE QUELQU'UN A LA FEMME DE SON PÈRE. ET VOUS ÊTES GONFLÉS D'ORGUEIL ! ET VOUS N'ÊTES PAS PLUTÔT DANS LES PLEURS, POUR FAIRE DISPARAÎTRE DU MILIEU DE. VOUS CELUI QUI A COMMIS CETTE ACTION ! (CHAP. V, 1, 2, JUSQU'AU VERS. 8.)

 

387

 

ANALYSE.

 

1. Saint Paul en vient enfin à l'incestueux, et il ne l'attaque pas seul, mais avec lui toute l'Eglise de Corinthe que souillait la présence d'un tel coupable.

2. Il faut châtier le coupable, le châtier dans son corps pour sauver son âme.

3. Pour les chrétiens, tous les jours sont jours de fête.

4. Prudence de saint Paul. — Que l'avarice est un vieux levain, et comment. — Des héritiers d'un bien mal acquis.

 

1. Quand il s'agissait de leurs divisions, il n'employait pas dès le début des termes aussi violents; trais il leur parlait d'abord doucement, et finissait par les accuser en disant : « Car j'ai été averti, mes frères, par ceux de la maison de Chloé, qu'il y a des contestations parmi vous ». (I Cor. I, 11.) Ici, il ne procède pas de la, même manière; mais il frappe tout d'abord; et fuit, autant que possible, peser sur tous l'accusation.. En effet, il ne dit . pas Pourquoi un tel a-t-il commis une fornication? Mais : « Il n'est bruit que d'une fornication commise parmi vous » ; il ne veut pas que, se croyant à l'abri du reproche, ils agissent avec négligence; mais que, le coup tombant sur la communauté et l'accusation sur l'Eglise, leur sollicitude s'éveille. Il veut leur dire: On ne dira pas, un tel a commis une fornication, mais tel péché s'est commis dans l'Eglise rie Corinthe. Il ne dit pas : On commet la fornication, mais : « Il n'est bruit... telle qu'il n'en existe pas chez les gentils mêmes. C'est toujours par comparaison aux gentils qu'il fait rougir les fidèles. Ainsi il écrivait aux Thessaloniciens : «Que chacun de vous sache posséder son corps saintement, et non dans la passion de la convoitises comme les autres nations » {I Thess. IV, 4, 5); et aux Colossiens et aux Ephésiens : « Ne marchez plus comme les autres nations ». (Eph. IV, 17.) Mais si ces fautes sont. impardonnables chez les gentils, à quel rang, dites-moi, placerons-nous les fidèles qui les dépassent ? Citez les gentils, non-seulement on ne commet; pas ce crime, mais il n'a même pas de nom. Voyez-vous jusqu'où il porte l'accusation? Car inventer un genre de luxure que les infidèles, non-seulement ne commettent pas, mais ne connaissent même pas, c'est porter le péché à son comble.

« Parmi vous », ces mots sont emphatiques; c'est-à-dire, parmi vous, les fidèles, qui participez à de si grands mystères, à qui on a communiqué les secrets divins, qui êtes appelés au ciel. Voyez-vous quelle indignation ce langage respire? Comme il est irrité contre eux tous? S'il n'eût pas été enflammé de courroux, il ne se serait pas ainsi adressé à tous; il eût dit : J'ai appris qu'un tel a commis le péché de fornication, punissez-le. Mais ce n'est pas ainsi qu'il parte: il s'adresse à tout le monde. Si on lui eût écrit pour le prévenir, il aurait pu employer ce langage. Or, non-seulement on ne lui a pas écrit, mais on cherche à tenir la faute dans l'ombre, voilà pourquoi il emploie des tertres plus violents. « Jusque-là que quelqu'un a la femme de son père ». Pourquoi ne dit-il pas . A commis la (388) fornication avec une femme? Il repousse ce terme trop honteux ; par pudeur il le passe sous silence, comme déjà contenu dans ce qu'il vient de dire. Et par là même il fortifie l'accusation en montrant qu'on commet chez eux un crime que Paul ne peut prendre sur lui de nommer ouvertement. C'est pourquoi il adopte encore plus bas la même formule : «Celui qui a commis cette action » ; puis il rougit de nouveau et se refuse encore à employer le terme propre : ce que nous avons coutume de faire dans les matières par trop honteuses. Il ne dit point non plus : Sa belle-mère, mais « la femme de son père », afin de frapper plus fort. En effet, quand les mots suffisent pour l'accusation, il les emploie et n'y ajoute rien. Ne m'objectez pas, leur dit-il, qu'il n'y a qu'un. fornicateur ; car le crime est commun à tous. Aussi ajoute-t-il : « Et vous êtes gonflés d'orgueil ». Il ne dit pas : A cause de ce péché (ce qui eût été absurde), mais à cause de l'enseignement de cet homme. Il ne s'exprime pas ainsi, il laisse de côté ce moyen, pour frapper plus fort.

Et voyez la prudence de Paul.. Après avoir d'abord détruit la sagesse du dehors et fait voir qu'elle n'est rien, même quand le péché- ne s'y ajoute pas, il parle enfin du péché. Si, à propos du fornicateur, qui était peut-être un sage, il eût dit que le don spirituel avait beaucoup de valeur , il n'eût pas fait grand'chose ; mais abattre la sagesse humaine, abstraction faite du péché, et démontrer qu'elle n'est rien, c'est la réduire au moindre prix possible. C'est donc après avilir d'abord établi la comparaison, qu'il mentionne le péché. Et, il ne daigne pas même parler au coupable, (en quoi il fait ressortir son extrême infamie) ; mais il dit à tous z Vous devriez pleurer, gémir, vous couvrir la face de honte, et vous faites tout le contraire. Aussi ajoute-t-il : « Et vous êtes gonflés d'orgueil ! Et vous n'êtes pas plutôt dans les pleurs ! » Qu'est-il donc arrivé, objecte-t-on, pour que nous soyons dans les pleurs ? Parce que l'accusation retombe sur toute l’Eglise. Et que gagnerons-nous à pleurer? « De faire disparaître un tel coupable du milieu de vous ». Il ne prononce pas son nom, ni ici, ni ailleurs ; comme nous avons coutume de faire quand il s'agit de choses monstrueuses. Il ne dit pas ; Et vous ne l'avez ,vas plutôt chassé; mais; comme c'est de deuil et d'instantes prières qu'il est besoin, ainsi que dans les cas de maladie et de peste, il dit: «Pour le faire disparaître » ; et dans ce but il faut employer la prière et tout mettre en oeuvre pour le retrancher. Il ne leur reproche pas de ne pas l'avoir prévenu, lui, niais de n'avoir pas pleuré pour faire disparaître le coupable; indiquant par là qu'ils auraient dû le faire même en l'absence de leur maître, à cause de l'évidence du crime. « Pour moi, absent de corps, il est vrai, mais présent d'esprit ».

2. Voyez soir indignation : il ne veut pas même qu'on attende son arrivée pour lier le coupable ; mais voulant expulser le venin avant qu'il ait envahi. tout le corps, il se hâte de le contenir, en disant . «J'ai déjà jugé comme si j'étais présent ». Or, il disait cela, non-seulement pour les presser de rendre l'arrêt et les détourner de toute autre résolution , mais encore pour les effrayer en leur montrant qu'il savait ce qui devait se passer, et le jugement qui devait se rendre. C'est ce qui s'appelle être présent d'esprit ; comme Elysée l'était à Giézi, à qui il disait : « Est-ce que mon esprit n'était pas avec toi ? » (IV Rois, V, 26.) Oh ! qu'elle est grande, la vertu de la grâce, puisqu'elle fait de tous les membres un seul corps, et révèle ce qui se passe au loin ! « J'ai déjà jugé comme si j'étais présent ». Il ne leur permet pas de penser autrement : J'ai porté la sentence comme si j'étais là ;pas de retards, point de délais: tout autre parti est impossible. Ensuite, pour ne pas trop paraître agir d'autorité, et pouf que son langage ne respire pas l'arrogance, voyez comme il les associe eux-mêmes au jugement qu'il porte ! Après avoir dit : « J'ai jugé », il continue : « Que celui qui a commis un tel attentat, vous et mon esprit étant réunis au nom « de Notre-Seigneur Jésus-Christ, soit, par la  présence de Notre-Seigneur Jésus-Christ, livré à Satan ». Et pourquoi : « Au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ? » C'est-à-dire, selon Dieu; sans être retenu par aucune considération humaine. Quelques-uns lisent: « Celui qui a ainsi agi au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ », et plaçant là un point ou une virgule, ils continuent ainsi te texte « Vous et mon esprit étant réunis, de livrer cet homme à Satan». Et voici, selon eux, le sens de ce passage : « Livrez à Satan l'homme qui a fait cela au nom de Jésus-Christ; c'est-à-dire, livrez à Satan. celui qui a outragé le nom (389) du Christ, celui qui, devenu fidèle, et empruntant son surnom au Christ, a osé commettre un tel crime. Mais la première leçon me paraît plus vraie.

Et quelle est-elle? « Vous étant réunis au nom du Christ », c'est-à-dire : le nom de  celui qui est votre point de ralliement, vous réunissant. « Et mon esprit ». De nouveau. il se place au milieu d'eux, afin que, jugeant comme s'il était présent, ils retranchent le coupable, et que personne n'ose le croire digue de pardon, dans la conviction, que Paul saura ce qui s'est passé. Ensuite; pour augmenter la terreur, il dit : « Par la puissance de Notre-Seigneur Jésus-Christ». Ce qui signifie : ou que le Christ vous donnera la grâce, afin que vous puissiez livrer le coupable au démon, ou que le Christ portera la sentence avec vous contre lui. Il ne dit pas : Le donner, mais n le livrer » à Satan, pour lui ouvrir la porte du repentir et le livrer au. démon comme à soir maître. « Un tel », encore une fois, il ne veut absolument pas prononcer son nom. « Pour la mort de sa chair ». Comme il arriva au bienheureux Job, mais non pour la même raison. Là ç'était pour mériter de plus glorieuses couronnes ; ici, c'est en expiation des péchés, pour frapper le coupable de quelque ulcère pernicieux ou d’une autre maladie. Ailleurs il dit : Dans ces souffrances « nous sommes jugés par le Seigneur » ; mais ici, pour blesser plus vivement, il le livre à Satan. Et c'était certainement l'avis de Dieu que le coupable fût châtié dans ça chair; et la chair est châtiée parce que ses convoitises sont les fruits de la débauche et des voluptés sensuelles.

« Afin que son esprit soit sauvé au jour du Seigneur Jésus». C'est-à-dire, son âme : non que l'âme soit seule sauvée, mais parce qu'il est reconnu que quand elle l'est, le corps l'est certainement aussi avec elle. Il est devenu mortel à cause d'elle ; si donc elle agit conformément à la justice; il jouira, lui aussi, d'une grande gloire. Quelques-uns prétendent que par esprit on entend ici une grâce, qui s'éteint en nous quand nous péchons.. Et pour que cela n'arrive pas, qu'il soit puni, dit l'apôtre, afin que, devenu meilleur, il s'attire la grâce et puisse là montrer saine et entière au dernier jour. Ainsi Paul ne tranche pas au hasard, ne punit pas inconsidérément, mais fait plutôt l'office de tuteur et de médecin. Car le profit de la peine est plus grand que la peine; celle-ci est passagère, celui-là dure toujours. Et il ne dit pas simplement : « Afin que son esprit soit sauvé », mais « en ce jour-là». Et c'est justement et à propos qu'il leur rappelle ce jour, afin qu'ils appliquent plus promptement le remède, et que le  coupable l’accepte mieux, convaincu que ce n'est point là le langage de la colère, mais celui d'un père indulgent et prévoyant. Aussi dit-il : « Pour la mort de sa chair» ; faisant ici une loi au démon et circonscrivant son pouvoir; comme Dieu avait dit autrefois à l'occasion de Job : « Du reste ne touche point à son âme ».

3. Après avoir ainsi réglé la sentence, brièvement et sans retard, il reprend ses reproches, et s'adresse aux Corinthiens : « C'est bien à tort que vous vous glorifiez ». Il leur fait entendre que jusqu'à ce moment ce sont eux qui ont empêché le coupable de se repentir, en se glorifiant de lui. Ensuite il fait voir qu'il p'agit pas seulement par ménagement pour ce pécheur, mais aussi pour eux, et il ajoute : « Ne savez-vous pas qu'un peu de levain corrompt toute la pâte? » C'est-à-dire : bien que la faute lui soit propre, cependant, si vous la négligez, elle peut gâter toute l'Eglise. Car quand le premier coupable n'est pas puni, d'autres suivent bientôt son exemple. Il parle ainsi pour leur faire vair qu'ils ont à lutter et à courir des dangers, non pas seulement pour un seul homme, mais pour l'Eglise entière; c'est pourquoi il se sert de la comparaison du levain. De même, leur dit-il, que le levain, hie n que d'un mince volume, s'assimile toute la pâte ; ainsi ce pécheur perdra tout-le reste, si son péché restes impuni. « Purifiez-vous du vieux levain », c'est-à-dire de ce criminel. Du reste il ne parle pas seulement de celui-là, mais il fait allusion à d'autres. En effet, ce n'est pas la seule fornication, mais tout vice qui est du vieux levain. Il ne dit pas : Purifiez-vous, mais : « Purifiez-.vous complétement », purifiez-vous. avec soin, en sorte qu'il né reste rien,-pas même l'ombre d'un tel mal. En disant donc : « Purifiez-vous », il indique que le mal subsiste encore chez eux; mais quand il. ajoute : « Afin que vous soyez d’une pâte nouvelle, comme vous êtes des azymes», il donne à entendre que le vice ne domine pas chez beaucoup d'entre eux. Et

 

1. Il ne dit pas seulement: katharate, mais ekkatharate.

 

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s'il dit : « Comme vous êtes des azymes », ce n'est pas qu'ils soient tous purs, mais il veut dire : Comme il convient que vous soyez. « Car notre agneau pascal, le Christ, a été immolé. C'est pourquoi mangeons la pâque, non avec un vieux levain, ni avec un levain de malice et de méchanceté, mais avec des azymes de sincérité et de vérité ». C'est ainsi que le Christ a appelé la doctrine, levain. Et Paul continue la métaphore; en leur rappelant l'histoire ancienne, la pâque, tes azymes, les bienfaits anciens et nouveaux, les punitions et les châtiments.

C'est donc un temps de fête que le temps de cette vie. Quand il dit : « Faisons festin »; ce n'est pas parce que c'était alors la pâque ou la Pentecôte; mais il veut faire entendre que la vie est pour les chrétiens une fête continuelle, à cause de l'abondance des biens qu'ils reçoivent. Et quel bien en effet vous fait défaut? Le Fils de Dieu s'est fait homme pour vous; il vous a délivrés de la mort et appelés au royaume du ciel. Vous donc qui avez reçu et recevez de tels bienfaits, comment ne seriez-vous pas toujours en fête ? Que personne donc ne s'attriste parce qu'il est pauvre ou malade, ou qu'on lui tend des embûches : car notre vie est une fête perpétuelle. « Réjouissez-vous dans le Seigneur, réjouissez-vous, je vous le dis encore une fois, réjouissez-vous ». (Phil. IV, 4.) Or, dais les jours de fête, personne ne met de sales habits; n'en mettons donc point : car ce sont des noces, des noces spirituelles. Il est écrit : « Le royaume des cieux est semblable à un roi qui voulut faire les noces de son fils ». (Matth. XXII, 2.) Or, quand un roi fait des noces et les noces de son fils, peut-il y avoir une plus grande fête? Que personne donc n'y paraisse en haillons. Nous ne parlons pas ici de vêtements, mais d'actions impures. Si en effet un des convives de la noce, trouvé salement vêtu quand les autres l'étaient magnifiquement, fut expulsé avec ignominie; songez quelle sévérité,quelle pureté il faut pour prendre part à cet autre festin nuptial. Et ce n'est pas seulement pour cela que l'apôtre leur parle des azymes; mais, indiquant le rapport de l'Ancien Testament avec le Nouveau, il fait voir qu'après les azymes, il n'est plus permis de retourner en Egypte , sous peine de sabir le même châtiment que ceux qui voulurent y retourner; vu que ce n'étaient là que des figures, quoi qu'en dise le Juif impudent. E'ri effet, interrogez-le là-dessus, il ne vous dira rien qui vaille; ou s'il répond quelque chose, ce ne sera pas dans le même sens que nous, puisqu'il ne connaît pas la vérité. Il vous dira, par exemple, que Dieu a changé les dispositions des Egyptiens au point qu'ils ont .chassé eux-mêmes ceux qu'ils retenaient naguère, de force et à qui ils n'avaient pas même permis de faire fermenter là pâte. Mais si quelqu'un m'interroge, je ne lui parlerai pas de l'Egypte, ni de Pharaon, mais de l'affranchissement de l'esclavage des démons et des ténèbres du diable; je ne parlerai pas de Moïse, mais du Fils de Dieu; ni de la mer Rouge, mais du baptême si fécond en bons résultats , et qui est la mort du vieil homme. De plus, si vous demandez au Juif pourquoi il fait absolument disparaître le levain, il gardera le silence, il ne vous en dira pas la raison. C'est que, parmi ces prescriptions, les unes étaient des figures de l'avenir et contenaient la raison de ce qui se fait aujourd'hui; les autres avaient pour but d'éloigner les Juifs du mal et de les empêcher de; rester dans les ombres. Que signifient, de grâce, ces mots « Mâle, sans tache et âge d'un an ? » Et ceux-ci : « On ne lui brisera pas les os? » Pourquoi appeler les voisins? Pourquoi manger « debout », et le soir? Pourquoi le bang sur les maisons, comme sauvegarde? A ces questions le Juif ne répondra qu'en parlant de l'Egypte, toujours de l'Egypte; et moi j'expliquerai ce que signifie ce sang, pourquoi la circonstance du soir, pourquoi tous devaient manger ensemble et debout.

4. En premier lieu, disons pourquoi le levain devait entièrement. disparaître. Quel est le sens de l'énigme? Le fidèle doit être exempt de tout vice. Comme celui chez qui en avait trouvé du vieux levain était condamné à mort, ainsi en est-il de nous, si nous sommes trouvés entachés de mal. Il ne peut se faire qu'une punition si grande dans le temps des figures, ne le soit encore beaucoup plus dans le nôtre.

En effet, si les Juifs sont si soigneux à faire disparaître le levain, jusqu'à faire des recherches dans les trous de souris ; combien ne devons-nous pas l'être davantage pour sonder notre âme et la purifier de toute pensée impure. Mais cet usage, pratiqué hier par les Juifs, n'existe plus: car partout où il y a un Juif , on trouve du levain. Au milieu des (391) villes, il est vrai, on fabrique des azymes; mais c'est un jeta d'enfant plutôt qu'une loi. Partout où la vérité pénètre, les figures disparaissent. Aussi c'est au moyen de cette comparaison que Paul repousse surtout le fornicateur. Non-seulement, dit-il, sa présence ne sert plus à rien, mais elle devient nuisible, en gâtant le corps entier. On ne sait en effet d'où émane la mauvaise odeur quand le nombre pourri est invisible, et on l'attribue au corps entier. Aussi les presse-t-il vivement de faire disparaître te levain : « Afin » , dit-il; « que vous soyez une pâte nouvelle, comme vous êtes des azymes : Car notre agneau pascal, le Christ, a été immolé pour nous ». Il ne dit pas : Est mort; mais : « A été immolé », pour mieux rendre sa pensée. Ne cherchez clone plus des azymes de ce genre, car vous n'avez plus le même agneau ; ne cherchez plus de ce levain, car vos azymes ne sont pas les mêmes. Il est vrai qu'avec le levain matériel, l'azyme peut fermenter; et que ce qui .est fermenté ne peut plus devenir azyme mais ici c'est le contraire. Cependant il n'exprime pas cette pensée.

Et voyez sa prudence : dans sa première épître, il ne donne point art fornicateur espérance de retour; il veut que sa vie entière soit consacrée à la pénitence; il aurait craint de le rendre plus lâche en lui faisant cette promesse. En effet, il ne dit pas : Livrez-le à Satan, afin qu'après avoir fait pénitence, il rentre dans l'Eglise; mais : « Afin qu'il soit sauvé au dernier jour ». Il le renvoie à ce temps, pour exciter sa sollicitude ; et, à l’imitation de son maître, il ne lui révèle pas ce qu'il lui accordera après sa pénitence. De même que Dieu avait dit: « Encore trois jours et Ninive sera détruite ».(Jon. III, 4), sans ajouter : Et elle sera sauvée, si elle fait pénitence; ainsi Paul ne dit pas : S'il fait une digne pénitence, nous lui donnerons des preuves d'amour ; mais il attend qu'il ait accompli son. oeuvre pour le faire rentrer en grâce. En s'expliquant ainsi dès le commencement, il l’eût affranchi de la crainte ; non-seulement donc il ne le fait pas, mais par la comparaison du levain, il lui ôte jusqu'à l'espoir de retour, et le réserve pour le dernier jour, en disant : « Purifiez-vous du vieux levain » ; et encore : « Ne célébrons point la pâque avec du vieux levain ». Quand après la pénitence, il mit le plus grand empressement à faire rentrer dans l'Eglise. Pourquoi dit-il le « vieux » levain? Ou pour désigner notre vie ancienne; ou parce que la vétusté est voisine de la mort, et fétide et honteuse, comme l'est le péché ; car ce n'est pas sans raison, mais en vue de son sujet, qu'il rejette la vétusté et loue la nouveauté. Car il est dit ailleurs : « Un ami nouveau est du vin  nouveau ;il vieillira et vous le boirez avec plaisir » (Eccli. IX, 15) ; l'écrivain approuvant ainsi l'ancienneté plutôt que la nouveauté dans l'amitié. Et ailleurs : « L'ancien des jours était assis », ce qui présente l'ancienneté comme le titre le plus glorieux. En d'autres endroits l'Ecriture en fait un titre de blâme. Comme en effet les diverses choses sont composées de nombreux éléments, les mêmes termes sont employés dans le bon ou le mauvais sens, et non avec la même signification. Voici encore un texte où l'ancienneté est blâmée : « Ils ont vieilli et ont trébuché dans leurs voies » (Ps. XVII) ; et cet autre : « J'ai vieilli au milieu de tous mes ennemis » (Ps. VI); ou encore : « Homme vieilli dans le mal ». (Dan. XIII, 52.) Le levain lui-même, quoique pris ici dans une mauvaise acception, est souvent employé pour désigner le royaume des cieux; mais dans ces deux cas, le mot se rapporte à des objets différents.

5. Ce qu'on dit ici du levain, me paraît surtout un reproche à l'adresse des prêtres, qui tolèrent beaucoup de vieux levain à l'intérieur, n'ayant pas soin de rejeter au dehors, c'est-à-dire, hors de l'Eglise, les avares, les voleurs, tout ce qui exclut du royaume des cieux. En effet, l'avarice est un vieux levain; partout où elle tombe, en quelque. maison qu'elle entre, elle la rend impure. Si faible que soit le profit injuste, il fait fermenter toute votre fortune. Aussi, souvent un peu de bien mal acquis suffit à renverser une grande fortune honorablement amassée. Car rien de putride comme l'avarice; vous aurez beau fermer votre coffre-fort de clé, de porte et de verrou, si vous y avez renfermé l'avarice, le plus redoutable des voleurs, qui peut tout vous enlever. Pourtant, dira-t-on, il y a bien des avares qui n'éprouvent pas cela. Ils l'éprouveront, bien que ce ne soit pas sur l'heure ; s'ils y échappent même maintenant, ce n'est qu'une raison de, plus pour vous de craindre; car ils sont réservés pour un plus grand châtiment. Ou encore, leurs héritiers le subiront peut-être à leur (392) place. Est-ce juste, direz-vous? Très juste, certainement. Celui qui hérite d'un bien injustement acquis, s'il n'est pas voleur, retient au moins le bien d'autrui; il en est parfaitement convaincu, et par conséquent il est juste qu'il en porte la peine.   .

Si, en effet, vous aviez accepté le fruit d'un vol et que le propriétaire vînt le réclamer, seriez-vous justifié en disant que ce n'est pas vous qui avez volé? Nullement. Car enfin que répondriez-vous à l'accusation? Qu'un autre a commis le vol? Mais c'est vous qui détenez l'objet volé. Un tel a pris? mais c'est vous qui jouissez. Les lois des infidèles le savent bien elles qui ordonnent de. réclamer, les objets volés, non à ceux qui les ont arrachés de force ou soustraits furtivement, mais à ceux en possession de qui on les trouve tous. Si donc vous connaissez les victimes de l'injustice, restituez-leur et imitez Zachée qui rendit avec usure ; si vous ne les connaissez pas, je vous ouvre une autre voie, pour ne pas vous laisser sans remède : distribuez le tout aux pauvres et vous écarterez. le péril. S'il en est qui aient transmis de tels héritages à leurs enfants et à leurs petits-enfants, ils ont subi d'autres châtiments. Mais à quoi bon parler de ce qui se passe ici-bas? Il n'en sera plus question au jour où les uns et les autres apparaîtront dépouillés, et les volés et les voleurs; dépouillés de leur argent, mais non pourtant de la même manière : car ceux-ci seront remplis des vices nés de la richesse.

Que ferons-nous donc en ce jour quand paraîtra devant ce terrible tribunal celui qui, victime de l’injustice, a perdu tous ses biens, et que vous serez là, sans avocat pour vous défendre? Que répondrez-vous au juge? Ici vous pouvez corrompre le jugement des hommes; là, la. corruption est impossible; et, encore l'est-elle même ici, puisque ce juge est déjà présent. Car Dieu voit ce qui se passe, il est près de ceux qui 'souffrent l'injustice, même quand ils ne l'invoquent pas. Oui, quand même celui dont les droits sont violés ne mériterait pas d'être vengé, il a pourtant un vengeur. dans Dieu à qui l'injustice déplaît. Mais, dira-t-on, pourquoi ce méchant prospère-t-il? Cela ne durera pas toujours. Ecoutez ce que dit le prophète : « Que ceux qui font le mal n'excitent point votre envie, car bientôt ils se dessécheront comme l'herbe ». (Ps. XXXVI.) Où va, dites-moi, le voleur après cette vie? Où sont ses brillantes espérances? Qu'est devenue sa réputation honorable? Tout ne s'est-il pas évanoui? Tout ce qui composait son existence n'a-t-il pas passé comme un songe, comme une ombre? N'attendez pas autre chose de tous ses pareils, ni de leurs héritiers. Mais il n'en est pas de même des saints; vous ne pouvez en dire autant d'eux; que ce qu'ils possèdent est une ombre, un songe, une fable. Prenons, si vous le voulez, pour exemple celui même qui nous dit tout cela, ce fabricant de tentes, ce Cilicien, dont le père même ne nous est pas connu d'une manière certaine. Mais, dires-vous, comment lui ressembler? Le voulez-vous sérieusement? désirez-vous. vraiment être comme lui? Oui, répondez-vous. Eh bien ! entrez dans la voie où il est entré, lui et ceux qui étaient avec lui. Et quelle voie ?.Écoutez-le : « Dans la faim, la soif et la nudité ». (II Cor. XI, 27 ).Et Pierre: « Je n'ai ni or ni argent ». (Act. III, 6.) Ainsi ils n'avaient rien, et cependant ils possédaient tout.

6. Quoi de plus honorable que cette parole? Quoi de plus heureux et de plus riche? D'autres plaçaient leur gloire dans des objets bien différents : J'ai tant et tant de talents d'or, d'immenses pièces de terre, des maisons, des esclaves. Paul , au contraire , se vante de n'avoir rien ; il ne cache pas sa pauvreté, comme font les insensés, il n'en rougit pas; il s'un glorifie. Où. sont. maintenant les riches, qui comptent leurs intérêts et les intérêts des intérêts, s'emparent des biens de tout le monde et ne sont jamais rassasiés? Avez-vous entendu la voix de Pierre qui vous apprend que la pauvreté est la mère. de la richesse? Sans rien avoir, elle est plus opulente que ceux qui ceignent le diadème. Cette voix est celle d'un homme qui n'a rien, et elle ressuscite-les morts, redresse les boiteux, chasse les démons et accorde des bienfaits que n'ont jamais pu accorder ceux qui revêtent la pourpre et commandent à de nombreuses et formidables armées; c'est la voix de ceux qui sont déjà montés au ciel et s'ils trouvent au faîte de la gloire. Ainsi celui qui n'a rien, peut avoir ce qui est à tout le monde; celui qui ne possède rien, peut posséder ce qui est à tout le monde. Mais nous, si nous avons ce qui est à tout le monde, nous sommes privés de tout. Peut-être verra-t-on là une énigme, et pourtant il n'y en a. pas. Comment, (393) dira-t-on, celui qui n'a rien, a-t-il ce qui est à tout le monde? N'est-ce pas bien plutôt celui qui a ce qui est à tout le monde? Non : c'est tout le contraire. Celui qui n'a rien, commande à tout le monde, comme le faisaient les apôtres; par toute la terre, les maisons leur étaient ouvertes ; ceux qui les recevaient leur en étaient reconnaissants ; ils entraient partout comme chez des parents et des amis. Ils entrèrent chez la marchande de pourpre et elle les servit à table comme une servante ; ils allèrent chez le geôlier et il leur ouvrit toute sa maison ; et ainsi d'une foule d'autres.

Ils avaient donc tout et n'avaient rien. Sans doute ils ne regardaient rien comme leur bien propre, et c'est pour cela qu'ils avaient tout. Car celui qui pense que tout est en commun, use du bien d'autrui comme si c'était le sien; mais celui qui s'isole et s'approprie ce qu'il a, n'en est pas même le maître. Un exemple rendra cela sensible. Celui qui ne possède absolument rien, ni maison, ni table, ni vêtement inutile, et qui s'est privé de tout pour Dieu, celui-là use du bien commun comme du sien propre, et reçoit de chacun tout ce qu'il veut; et ainsi, sans rien avoir, il a le bien de tous. Celui, au contraire, qui possède quelque chose n'en est pas le maître; car personne ne lui donnera rien, et ce qu'il possède est moins à lui qu'aux larrons, aux flous, aux calomniateurs, aux revers de la fortune, etc. Paul a parcouru le monde entier, n'ayant rien sur lui, n'allant ni chez des amis, ni chez des .connaissances; bien plus, il était d'abord l'ennemi de tous; et pourtant partout où il entrait, il jouissait du bien de tous. Et Ananie et Saphire, pour avoir voulu garder une petite portion de leur fortune, l'ont toute perdue et la vie aussi. Renoncez donc à ce que vous possédez, pour jouir comme d'un bien propre de tout ce que possèdent les autres. Mais je ne sais comment j'ai pu porter l'exagération jusqu'à ce point, en parlant à des hommes qui, hélas ! ne sacrifient pas même la plus mince partie de ce qu'ils ont.

Que ce langage ne s'adresse donc qu'aux .parfaits. Aux autres nous dirons : Donnez aux pauvres pour augmenter votre fortune : car il est écrit-: « Celui qui donne au pauvre, prête  à Dieu ». (Prov. XIX, 17.) Que si vous êtes pressés et ne voulez pas attendre le temps de la récompense, songez à ceux qui prêtent aux hommes; ils 'n'exigent pas immédiatement l'intérêt, mais ils souhaitent que le capital reste longtemps aux mains de l'emprunteur, pourvu que le recouvrement soit sûr et le débiteur solide. Agissez de même : remettez tout à Dieu, pour qu'il vous récompense abondamment. Ne demandez pas tout pour cette vie autrement, qu'auriez-vous à attendre dans l'autre? Et Dieu met, précisément en réserve dans l'autre. monde, parce que cette vie est courte. Mais il donné aussi en ce monde : « Cherchez », nous dit-il, « le royaume des cieux, et toutes ces choses vous seront données par surcroît ». (Matth. VI, 33.) Ayons donc les yeux fixés de ce côté-là, ne nous pressons pas de recueillir tout le profit, de peur d'amoindrir la récompense, mais attendons le temps convenable. Les intérêts alors ne seront pas comme ceux d'ici-bas, mais tels que Dieu sait les donner. Laissons-les ainsi s'accumuler en grande quantité, puis allons-nous-en d'ici, afin d'obtenir les biens présents et les biens à venir, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, en qui appartiennent, au Père; en union avec le Saint-Esprit, la gloire, la force, l'honneur, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

 

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