COLOSSIENS III

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HOMÉLIE III. QUI EST L'IMAGE DU DIEU INVISIBLE, ET QUI EST NÉ AVANT TOUTES LES CRÉATURES. CAR TOUT A ÉTÉ CRÉÉ PAR LUI, DANS LE CIEL ET SUR LA TERRE, LES CHOSES VISIBLES ET LES INVISIBLES, SOIT LES TRONES, SOIT LES DOMINATIONS, SOIT LES PRINCIPAUTÉS, SOIT LES PUISSANCES ; TOUT A ÉTÉ CRÉÉ PAR LUI ET POUR LUI. IL EST AVANT TOUS, ET TOUTES CHOSES SUBSISTENT EN LUI. IL EST LE CHEF ET LA TÊTE DU CORPS DE L'ÉGLISE. (I, 15-18.)

 

Analyse.

 

1. Discussion sur ces mots « qui est l'image du Dieu invisible ».

2. Le Christ est le premier dans les cieux, le premier dans l'Eglise, le premier partout.

3. Le Christ pacificateur universel.

4. Les anges gardiens. Avantages de la paix. Suites terribles de la discorde.

5. Les évêques sont les ambassadeurs de Dieu.

 

1. C'est aujourd'hui que je dois acquitter la dette dont hier j'ai différé le paiement, pour offrir, à vos âmes avides d'apprendre, le résultat de mes recherches. En parlant de la dignité du Fils, Paul, nous l'avons vu, s'exprime ainsi « Qui est l'image du Dieu invisible». De quelle image parle-t-il, selon vous? S'il est l'image de Dieu, à la bonne heure ! car il est Dieu et fils de Dieu. Or ce mot « l'image de Dieu », désigne une parfaite ressemblance; il est donc, d'après cela, parfaitement semblable à Dieu. Si vous pensez qu'il s'agit ici d'une image humaine, osez le dire, et je vous laisserai là, comme on quitte un insensé. Mais pourquoi donc rie donne-t-on jamais à un ange le nom d'image ni de fils, tandis que ces deux noms sont souvent donnés à l'homme? C'est que la sublimité de la nature des anges aurait pu jeter, à propos de ce double nom, le lecteur ou l'auditeur dans quelque croyance impie; quand il s'agit de l'homme, nature humble et faible, cette double démonstration est sans danger et ne peut pas égarer même ceux qui voudraient s'égarer. Aussi l'Ecriture emploie-t-elle hardiment ces noms comme des titres d'honneur pour les plus humbles créatures. Mais quand il s'agit d'une nature élevée, elle n'en use plus.

« Il est l'image du Dieu invisible », dit l'apôtre. Si Dieu est invisible, l'image de Dieu est donc invisible aussi comme Dieu; autrement elle ne serait pas l'image de Dieu. Car, même pour nous autres hommes, il faut que l'image, en tant qu'image, soit en tout semblable au modèle, qu'elle en reproduise la forme exacte et tous les caractères. Mais, chez les hommes, cette parfaite ressemblance est impossible, parce que l'art humain est souvent incapable de l'atteindre, et n'y arrive même jamais à examiner les choses avec soin. Mais quand il s'agit de Dieu, l'image n'est jamais inexacte, l'image est toujours parfaite. Mais si le Christ est une créature, comment peut-il être l'image de celui qui l'a créé? Un cheval n'est pas non plus l'image d'un homme. Et si l'image n'offre pas la ressemblance de l'Être invisible, qui empêche les anges d'en être aussi l'image? Car eux aussi, ils sont invisibles, mais non pour eux-mêmes. Mais l'âme est invisible, et par cela même qu'elle est invisible, elle est aussi en quelque sorte l'image de Dieu. Oui, mais pas comme le Christ. — «Le premier-né de toutes les créatures ».

2. Mais quoi, me dira-t-on, il a donc été créé? D'où tirez-vous cette conclusion? je vous prie. De ce mot « le premier-né ». Mais remarquez donc qu'il n'y a pas. Le premier créé; mais: Le premier engendré; parce qu'il est dit le premier engendré, vous dites qu'il a été créé, que direz-vous, quand vous l'entendrez appeler notre frère? Car, aux termes de l'Ecriture, il est notre frère, et il est, en tout point, semblable à nous. Soutiendrons-nous donc pour cela qu'il n'est pas notre créateur et qu'il ne nous est supérieur ni en dignité, ni sous aucun autre rapport? Où est l'homme sensé qui pourra tenir un semblable langage ? Ce mot de premier-né ne marque ni la dignité ni l'honneur; il n'exprime que le temps. Si donc il n'a d'autre avantage que d'être né avant toutes les créatures, ce Dieu-Verbe sera de la même substance que les pierres, que le bois, et que toutes les autres créatures matérielles; car l'apôtre dit (117) « Né avant toutes les créatures ». Mais s'il est né avant toutes les créatures, direz-vous, c'est qu'il a été « créé». D'accord, s'il n'avait que cette qualité-là, et si l'on ne signalait pas en lui d'autres rapports : « Il est le premier-né d'entre les morts » (Col. I, 18), « l'aîné entre une foule de frères ». (Rom. VIII, 29.) Dites-moi, je vous prie, que veut dire ceci : Le premier-né d'entre les morts? Vous ne direz pas qu'on l'appelle ainsi, parce qu'il est ressuscité le premier; car l'apôtre n'a pas dit simplement: Des morts; mais : D'entre les morts. Il n'a pas dit qu'il fut mort le premier; il a dit qu'il avait été le premier-né d'entre les morts. Cela revient donc uniquement à dire qu'il est les prémices de la résurrection. Ce mot sur lequel on s'appuie ne prouve donc rien. Paul aborde ensuite le dogme en lui-même. Pour que ses auditeurs ne puissent s'imaginer que le Christ est postérieur aux anges, parce que sa venue a d'abord été annoncée par les anges, il montre que les anges n'ont jamais eu aucun pouvoir; autrement ce ne serait pas le Christ qui nous aurait tiré des ténèbres : il fait voir en second lieu que le Christ est antérieur aux anges; et ce qui le prouve, c'est que les anges ont été créés par lui. « Car tout a été créé en lui», dit-il, dans le ciel et dans la terre...

Que disent maintenant les disciples de Paul de Samosate? Tout a été fait en lui. Car c'est la parole de saint Paul : « Tout a été fait en lui ». Saint Paul met en premier lieu ce qui est en question : « Ce qui est dans le ciel », et ensuite : « Ce qui est dans la terre ». Puis il ajoute : « Les choses visibles et les choses in« visibles». Les choses invisibles, par exemple l'âme ; les choses visibles, c'est-à-dire tous les hommes. Il laisse de côté ce que l'on accorde, pour établir ce qui est en question. Et il dit : « Soit les trônes, soit les dominations, soit les «principautés, soit les puissances ». Ce mot « soit» entraîne tout. L'Esprit-Saint n'est pas au nombre des puissances. Mais Paul descend ici par degrés du pl us au moins. «Tout», dit-il, « a été fait en lui et par lui ». — « En lui », veut dire ici « par lui »; car cette dernière expression a été ajoutée pour expliquer la première. « En lui », quelle est la portée de ce mot ? Il veut dire qu'à lui se rattache toute substance ; non-seulement il a tiré les créatures du néant, mais il les contient, il les maintient. Si. elles étaient arrachées à sa providence, elles périraient. Mais il n'a pas dit simplement : Il les contient; le sens de l'apôtre est plus fort; il dit qu'elles dépendent de lui, qu'elles se rattachent à lui. Il suffit, pour qu'elles soient contenues et maintenues, qu'elles reposent, qu'elles s'appuient sur lui. C'est ainsi qu'il a placé comme une base de la création, cette qualité du Christ: Né avant toutes les créatures. Cela ne signifie pas que les créatures sont de la même essence que lui ; cela veut dire que toutes sont en lui et par lui. Ailleurs aussi, quand il dit : «J'ai jeté les fondements » (I Cor. III, 10), il n'est pas question d'essence , il est question d'un acte.

Pour que l'on ne s'imagine pas que le Christ joue simplement le rôle de ministre, saint Paul dit qu'il maintient l'univers, oeuvre tout aussi grande que de le créer, oeuvre encore plus grande, selon nous; car la première n'est qu'une oeuvre d'art, et la seconde n'a pas ce caractère; car pour maintenir il faut être immortel. «Et il est avant tous », dit-il. Voilà un mot qui s'applique bien à Dieu. Que devient Paul de Samosate? « Et toutes choses subsistent a en lui », c'est-à-dire, ont été faites en lui. Il retourne sans cesse les mêmes idées, en enchaînant les expressions, en portant à ses adversaires des coups multipliés qui renversent de fond en comble un dogme pernicieux. S'il a fallu tout cela pour terrasser Paul de Samosate, né si longtemps après saint Paul, combien Paul de Samosate n'aurait-il pas été plus hardi, si saint Paul ne lui avait pas répondu d'avance? Et toutes choses», dit-il, « subsistent en lui ». Comment toutes choses subsisteraient-elles en lui, s'il ne subsistait pas avant toutes choses ? C'est pourquoi tout ce qui se fait par l'intermédiaire des anges est son oeuvre. « Et il est la tête du corps de l'Eglise ». De la dignité du Christ l'apôtre passe à sa bonté. « Il est », dit-il, « la tête du corps de l'Eglise ». Il n'a pas dit de la « plénitude », quoique son expression ait le même sens; mais il a voulu nous montrer combien il avait à coeur de se rapprocher de nous, puisque, malgré cette élévation suprême qui le met au-dessus de tout, il est ainsi attaché à ceux qui sont tellement au-dessous de lui. Car il est le premier partout : le premier dans les. cieux ; le premier dans l'Eglise dont il est la tête; le premier dans la résurrection. Tel est le sens de ce mot : « Afin qu'il soit le premier».

3. C'est pourquoi il est aussi le premier en génération. Et c'est ce que Paul s'étudie (118) surtout à démontrer. Car s'il a été prouvé qu'il existe avant tous les anges, il s'ensuit que toutes les oeuvres des anges sont ses oeuvres, et ont eu lieu par son ordre. Chose étonnante, saint Paul tend à nous montrer le Christ comme le premier partout même dans sa seconde naissance. Ailleurs il nous montre, dans Adam, le premier homme, et il a raison. Mais ici il entend par l'Eglise toute la réunion des hommes, tout le genre humain; et le Christ est le chef, le premier de l'Eglise, et il est le premier de la création, selon la chair. Voilà pourquoi l'apôtre emploie ici le mot de « premier-né ». Que veut dire ici le « premier-né? » Cela veut dire le « premier créé », ou celui qui est ressuscité le premier de tous, comme ailleurs, qui est avant tous. Ici saint Paul se sert du mot de « prémices », en disant : « Qui est comme les prémices et le premier-né d'entre les morts, afin qu'il soit le premier en tout », montrant par là aussi qu'il s'est fait semblable à nous. Ailleurs il ne s'est pas servi de ces expressions; il a dit que le Christ est l'image du Dieu invisible, tandis qu'ici c'est « le premier-né d'entre les morts».

« Parce qu'il a plu au Père que toute plénitude résidât en lui, et de réconcilier toutes choses avec soi par lui; pacifiant, par le sang qu'il a répandu sur la croix, tant ce qui est sur la terre que ce qui est dans le ciel ». Tout ce qui est au Père est aussi au Fils, et plus même en quelque sorte, puisqu'il est mort pour nous et s'est uni à nous. Il se sert du mot « prémices», comme s'il parlait d'un fruit. Il ne parle pas expressément de la résurrection ; il emploie ici le mot « prémices », pour montrer dans le Christ le pontife qui nous a tous sanctifiés et qui a offert pour nous le sacrifice. Le mot de « plénitude» s'applique à sa divinité. C'est ainsi que saint Jean disait : « Nous avons tous reçu de sa plénitude ». (Jean, I, 16). Fils ou Verbe de Dieu, il est ainsi par essence et non par une opération quelconque. Saint Paul ne peut attribuer cette manière d'être et ces bienfaits qu'à la volonté du Père. Tel a été le bon plaisir du Père; « il lui a plu aussi de réconcilier toutes choses avec soi par lui ».

Ne pensez pas que le Christ ait joué là le rôle d'un serviteur. «Avec soi », dit-il. Et ailleurs, dans l'épître aux Corinthiens, par exemple, il est dit que le Christ a réconcilié les hommes avec Dieu. Il a raison de dire : « réconciliés par lui ». (II Cor. XV.) Cette réconciliation avait déjà commencé; mais il fallait qu'elle fût parfaite, pour qu'ils ne fussent plus les ennemis de Dieu. Comment s'opère-t-elle? C'est ce qu'il dit ensuite. Il parle non-seulement de la réconciliation, mais du mode de réconciliation. «Pacifiant par le sang répandu sur la croix». Nous étions des ennemis pour Dieu; — il nous a réconciliés. Il y avait guerre; — il a ramené la paix. « Pacifiant », dit-il, « par le sang qu'il a répandu sur la croix, tant ce qui est sur la terre que ce qui est au ciel ». C'est déjà beaucoup que cette réconciliation; c'est un bienfait plus grand encore quand elle s'opère par l'intermédiaire de Dieu; c'est plus encore, quand elle est scellée de son sang. Et par son sang versé sur une croix. Il y a donc là cinq choses admirables: une réconciliation, un Dieu qui l'accepte, un Dieu qui se sacrifie, la mort de ce Dieu, la mort sur une croix. Voyez comme il a rassemblé toutes ces merveilles. Pour que l'on n'aille pas confondre, pour que l'attention ne s'arrête point en particulier sur cette croix qui n'a rien de grand par elle-même, il dit: «Son sang qu'il a répandu «lui-même». Qu'est-ce qui fait ici la grandeur du sacrifice? C'est que Dieu opère le miracle, non par sa parole, mais en s'offrant lui-même, par sa réconciliation. Mais que veut dire ce mot: «Ce qui est dans le ciel? » Car, pour ce qui appartient à la terre, cette pacification se conçoit. Elle était inondée de haines et de divisions, et chacun de nous était en guerre avec lui-même et avec une foule d'ennemis. Mais le ciel qu'avait-il besoin d'être pacifié? Est-ce que là aussi il y avait guerre et combat? Et cette prière : « Que votre volonté soit faite sur la terre, comme au ciel», que signifie-t-elle donc? C'est qu'il y avait scission entre la terre et le ciel; c'est que les anges faisaient la guerre aux hommes, en voyant Dieu abreuvé d'opprobres et d'outrages. Saint Paul dit que la paix est rétablie par le Christ; dans le ciel et sur la terre. (Eph. I,19.) Et comment? Voici ce qui se passa dans le ciel. Le Christ y transporta l'homme, il fit monter dans le ciel l'ennemi des anges, celui qu'ils abhorraient. Non-seulement il rendit la paix à la terre, mais il fit asseoir auprès des anges leur ennemi particulier, leur ennemi déclaré. De là une paix profonde. Les anges reparaissent sur la terre, depuis que l'homme à son tour a fait dans le ciel son apparition. C'est pour cela que Paul a été (119) ravi au ciel, selon moi; c'est pour rendre témoignage de l'ascension du Fils. Sur la terre la paix existe doublement : la terre est en paix avec le ciel; la terre est en paix avec elle-même. Dans le ciel, la paix est une et toujours la même. Si le repentir d'un seul pécheur est un si grand sujet de joie pour les anges, que sera pour eux le repentir de tant de pécheurs? La puissance divine a produit ces miracles. Pourquoi donc, dit-il, avez-vous confiance dans les anges? Loin de vous mener au ciel par la main, loin de vous en donner accès, ils vous ont fait la guerre, et, sans cette réconciliation dont Dieu a été le médiateur, vous n'auriez jamais obtenu la paix. Pourquoi donc accourir vers les anges? Voulez-vous savoir quelle était pour nous la haine, l'aversion éternelle des anges? Ce sont eux qui ont mission de punir les Israélites, de punir David, de punir Sodome, de punir les hommes dans la vallée des larmes. Les temps sont bien changés. Ils ont entonné, sur la terre, un cantique d'allégresse, le Christ les a conduits vers nous; le Christ nous a élevés jusqu'à eux.

4. Contemplez le miracle. Après avoir fait descendre les anges sur la terre, il a élevé l'homme jusqu'à eux. La terre est devenue le ciel, du moment où le ciel s'est ouvert pour recevoir la terre. De là cette action de grâces « Gloire à Dieu, dans le ciel, et paix, sur la terre, aux hommes de bonne volonté ! » (Luc, II, 14) Voici, dit l'Evangéliste, voici venir des hommes en paix avec Dieu. Qu'est-ce que cette paix? La réconciliation. Le ciel n'est plus une muraille placée entre Dieu et l'homme. Autrefois c'était par le nombre des nations que l'on comptait les anges. (Dent. XXXII, 8.) Aujourd'hui ce n'est plus par le nombre des nations, c'est par le nombre des fidèles qu'on les compte. Voulez -vous en avoir la preuve? Ecoutez cette parole du Christ : « Gardez-vous de mépriser aucun de ces petits enfants. Leurs anges voient face à face mon Père qui est dans les cieux». (Matth.XVIII, 10.) Tout fidèle en effet a son ange gardien, et dans les premiers temps tout homme vertueux avait aussi le sien, comme dit Job : « L'ange qui me soutient et qui me soulage, depuis ma jeunesse». (Gen. XLVIII, 16.) Si donc nous avons des anges gardiens, conduisons-nous sagement, comme si nous avions auprès de nous des surveillants; car nous avons aussi près de nous le démon.

Voilà pourquoi nous prions en invoquant l'ange de paix; car c'est toujours la paix que nous demandons. Rien en effet n'est comparable à ce bien. C'est la paix que nous demandons dans nos églises, dans nos prières, dans nos salutations, et le prêtre nous souhaite ce bien jusqu'à deux ou trois fois, en nous disant: « La paix soit avec vous ! » Pourquoi? Parce que la paix est la mère de tous les biens, la matière et la source de toutes les joies. Voilà pourquoi le Christ a ordonné aux apôtres de dire, quand ils entrent dans une maison,cette parole, comme symbole de tous les biens : « Quand vous entrez dans une maison, dites: « Que la paix soit avec vous ! » (Matth. X, 12.) C'est que, sans la paix, tout le reste est superflu. Et le disciple du Christ disait aussi : « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix». (Jean, XIV, 27.) C'est la paix qui nous fraie un chemin vers la charité. Et le prêtre ne se contente pas de dire: « Que la paix soit avec vous ! » Il dit : « Paix à tout le monde ! » Car si nous sommes en paix avec l'un et en guerre avec l'autre, quel fruit retirerons-nous d'un pareil état de choses? Dans le corps humain, si certains organes sont tranquilles et d'autres troublés, la santé est impossible; elle résulte du bon ordre, de la bonne harmonie, du calme qui règne dans l'organisme entier : si tout n'est pas tranquille, si tout n'est point à sa place, il y aura un bouleversement général. Il en est de même de notre âme: si nos pensées sont tumultueuses, elle ne peut pas être en paix. C'est une si bonne chose que la paix ! Ceux qui la font naître, ceux qui la cimentent, portent le nom d'enfants de Dieu et ils le méritent. (Matth. V, 45.) Le Fils de Dieu lui-même n'est-il pas venu sur la terre pour pacifier la terre et le ciel? Si les enfants de Dieu sont pacifiques, ceux qui s'étudient à servir les révolutions sont les enfants du démon. Quoi ! déchaîner les dissensions et la discorde ! Et qui donc est assez malheureux pour cela? Ah ! il n'y a que trop de gens qui aiment le mal, qui déchirent et qui percent le corps du Christ plus cruellement encore que les soldats avec leurs lances, et les juifs avec leurs clous. Car ces derniers enfin lui faisaient moins de mal; les plaies qu'ils ont faites au Christ se sont cicatrisées. Mais ces membres que la discorde retranche de l'Eglise, si l'on ne parvient à les réunir bientôt, ils ne se réuniront jamais et resteront à jamais séparés du (120) corps des fidèles. Quand vous voudrez faire la guerre à votre frère, songez que vous allez faire la guerre aux membres du Christ, et calmez votre fureur. Mais c'est un être abject, vil et méprisable... écoutez le Christ... « Ce n'est pas la volonté de mon Père qu'aucun de ces petits périsse». (Match. XVIII,14.) Et ces paroles : « Leurs anges voient toujours face à face mon Père qui est dans le ciel». (Ibid. 10.) C'est pour lui que Dieu a souffert l'esclavage et la mort, et vous croyez que cet être dont vous parlez n'est rien ? Mais en combattant contre lui, c'est contre Dieu que vous combattez, en jugeant cet homme autrement que Dieu ne l'a jugé. Le prêtre, aussitôt qu'il entre , dit : « Paix entre tous ! » Quand il fait un sermon, quand il harangue les fidèles, il dit: « Paix entre tous ! » — « Paix entre tous ! » dit-il, en terminant le sacrifice. Et au milieu du sacrifice, il dit encore : « Que la grâce et la paix soient avec vous! » N'est-il pas absurde, quand on nous recommande si souvent la paix, d'être toujours en guerre les uns avec les autres, de rendre guerre pour guerre et de combattre celui-là même qui nous offre sa paix? Vous dites à cet homme : « Que la paix soit avec votre esprit ! » Et dehors vous le calomniez ! Hélas l ces saintes et vénérables paroles ne sont plus que des symboles sans consistance. Hélas ! ce qui devait nous servir de drapeau n'est plus qu'un mot vide. Aussi ignorez-vous jusqu'au sens de ces mots: «Paix entre tous ! » Mais écoutez encore le Christ Dans quelque ville, dans quelque bourg que vous entriez, « Entrant dans la maison, saluez-là : si cette maison en est digne, votre paix viendra sur elle; si elle n'en est pas digne, votre paix reviendra à vous ». (Matth. X, 12, 13.) Ce qui cause encore notre ignorance, c'est que nous ne voyons dans tout cela qu'une figure à laquelle nous ne faisons pas attention. Est-ce que c'est moi qui vous donne la paix? C'est le Christ qui daigne vous parler par ma bouche. Quand nous n'aurions pas habituellement la grâce, nous l'avons pour nous adresser à vous. Si la grâce de Dieu a opéré dans une âme, dans un prophète, pour la dispensation de ses bienfaits, pour l'utilité des Israélites, il est clair qu'elle ne refusera pas d'opérer en nous et de nous soutenir.

5. Qu'on ne dise donc pas que je suis un être imparfait, vil, abject et de nulle valeur, et qu'on ne doit pas faire attention à mes paroles. Je suis tel que vous dites, en effet, mais Dieu , pour être utile à l'humanité, assiste d'ordinaire les créatures imparfaites. Et la preuve c'est qu'il a daigné parler à Caïn à cause d'Abel, au démon à cause de Job, à Pharaon à cause de Joseph , à Nabuchodonosor et à Balthasar à cause de Daniel. Les magiciens eux-mêmes ont obtenu le bienfait de la révélation, et Caïphe, tout meurtrier du Christ qu'il était, tout indigne qu'il était de la faveur divine, a eu le don de prophétie, pour la dignité du sacerdoce. C'est en considération de cette dignité qu'Aaron fut épargné par la lèpre. Pourquoi donc, en effet, je vous le demande, sa soeur a-t-elle été seule punie, quand il avait murmuré comme elle? Ne vous en étonnez pas. Qu'un homme revêtu des dignités temporelles soit courbé sous le poids d'accusations innombrables, on ne le mettra en jugement que lorsqu'il aura déposé cette dignité, pour que l'opprobre ne rejaillisse pas sur elle. Il doit en être ainsi à plus forte raison pour l'homme revêtu d'un pouvoir spirituel, et qui, quel qu'il soit d'ailleurs, opère par la grâce de Dieu. Il doit en être ainsi; autrement tout serait perdu. Mais une fois qu'il aura déposé le pouvoir, soit au sortir de la vie, soit durant cette vie même, il sera puni plus sévèrement que les autres. N'allez pas croire que c'est nous qui vous parlons ainsi. C'est la grâce de Dieu qui opère dans son serviteur indigne, non pas à cause de nous, mais à cause de vous.

Ecoutez donc cette parole du Christ: « Si la maison en est digne, que votre paix descende sur elle ». Or comment peut-elle en être digne? En vous accueillant, dit le Christ. « Mais s'ils ne vous accueillent pas, s'ils ne vous écoutent pas , en vérité, je vous le dis, la terre de Sodome et de Gomorrhe sera mieux traitée au jour du jugement, que cette cité ». (Matth. X, 13-15.) Mais à quoi bon nous accueillir, si vous ne nous :écoutez pas? Quel fruit vous revient-il des honneurs que vous nous rendez , si vous ne faites pas attention à ce qu'on vous dit? Voulez-vous nous rendre un témoignage d'honneur et de respect auquel nous tenions, et qui vous soit utile ainsi qu'à nous? Ecoutez notre parole. Ecoutez saint Paul qui vous dit : « Je ne savais pas, mes frères, que ce fût un pontife ». (Act. XXIII, 5.) Ecoutez aussi le Christ : « Observez », dit-il, « et faites tout ce qu'ils vous disent ». (121) (Matth. XXIII, 3.) Ce n'est pas moi que vous méprisez, c'est le sacerdoce. Quand vous m'en verrez dépouillé , alors méprisez-moi, alors de taon côté je ne vous ordonnerai plus rien. Mais tant que nous occupons ce vsiége , tant que nous sommes à la tête de cette Eglise , nous avons l'autorité et le pouvoir, bien que nous en soyons indigne. Si le trône de Moïse était assez respectable pour faire écouter Moïse , il en est de même à plus forte raison du trône du Christ : c'est ce trône que nous avons reçu, c'est du haut de ce trône que nous vous parlons, depuis le jour ou le Christ a fait de nous son ministre de paix.

Les ambassadeurs , quels qu'ils soient, doivent à leur titre de grands honneurs. Voyez, ils pénètrent jusqu'au coeur d'un pays barbare; les voilà seuls au milieu de tant d'ennemis ! Et pourtant, grâce à leur titre, tous ces ennemis les considèrent, tous ces ennemis les laissent partir et veillent à leur sûreté. Et nous aussi nous sommes envoyés en ambassade ; nous sommes les ambassadeurs de Dieu c'est là le titre que nous donne l'épiscopat. Nous venons donc à vous en ambassadeurs, pour vous demander la paix et pour vous en dire les conditions. Ce ne sont ni des cités, ni des mesures de froment, ni des esclaves, ni de l'or, que nous nous engageons à vous livrer. Nous vous promettons le royaume des cieux,la vie éternelle, la vue du Christ, et tant d'autres biens que nous ne pouvons énumérer, et que vous ne pouvez connaître , tant que nous sommes dans les liens du corps et de cette vie mortelle. C'est donc une ambassade dont nous nous acquittons. Et nous voulons être honorés, non pas pour nous, indignes que nous sommes , mais pour vous, pour que vous fassiez attention à nos paroles , pour qu'elles vous soient utiles , pour que nous ne trouvions pas en vous des auditeurs insensibles ou négligents. Ne voyez-vous pas comme on entoure les ambassadeurs, comme on se presse autour d'eux? Eh bien ! Nous sommes accrédités par Dieu, polar lui servir d'ambassadeurs auprès des hommes. Si les paroles que nous sommes chargés de vous adresser vous blessent, ce n'est pas notre faute ; c'est notre épiscopat qui nous force à vous les adresser. Ce n'est pas tel ou tel homme qui vous parle ; c'est l'évêque : ne m'écoutez point ; mais écoutez l'ambassadeur de Dieu. Faisons donc tous nos efforts pour plaire à Dieu ; efforçons-nous de vivre pour sa gloire et de nous montrer dignes des biens promis à ceux qui l'aiment, par là grâce et la bonté, etc...

 

 

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