Discours du Pape BENOIT XV. pour la promulgation du Décret sur l'Héroïcité des Vertus de ste Thérèse de l'Enfant-Jésus.

 

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L’ÉCHO n'est pas encore éteint de la parole par laquelle, en proclamant l'héroïsme des vertus du Vénérable Fournet, Nous disions en cette même Salle, il y a un peu plus d'un mois, que la France semblait aspirer à un nouveau nom, au titre enviable de « Mère des Saints » ! Et voici que Nous pouvons aujourd'hui signaler le parfum d'une autre fleur éclose sur le sol français ; voici que Nous devons reconnaître également héroïques les vertus de Soeur Thérèse de l'Enfant-Jésus, religieuse professe du Carmel de Lisieux. Nous nous réjouissons de la confirmation que ce présent Décret donne à Notre parole rappelée tout à l'heure. Nous nous en réjouissons pour l'honneur qui en revient à la France catholique, et pour la légitimé satisfaction qu'en éprouve le diocèse où s'admire le jardin dans lequel cette charmante fleur se forma et crût jusqu'à son complet développement.

Mais, à ces causes de joie, suggérées par la bienveillance que Nous portons à la nation de Clovis et de saint Louis, s'ajoute un motif de particulière complaisance, inspiré par le caractère spécial de la vertu dominante de Soeur Thérèse de l'Enfant-Jésus. Car il n'est personne connaissant quelque peu la vie de la « petite Thérèse », qui n'unisse sa voix à l'admirable choeur proclamant cette vie toute caractérisée par les mérites de l'enfance spirituelle. Or, « là est le secret de la sainteté », non seulement pour les Français, mais pour tous les fidèles répandus dans le monde entier. Nous avons donc raison d'espérer que l'exemple de la nouvelle héroïne française fera croître le nombre des parfaits chrétiens, non seulement parmi ceux de sa nation, mais aussi parmi tous les fils de l'Eglise catholique.

Dans ce but s'impose une juste conception de l'enfance spirituelle. Mais le Décret d'aujourd'hui, qui exalte une pieuse disciple du Carmel, arrivée à l'héroïsme de la perfection par la pratique des vertus dérivant de l'enfance spirituelle, n'est-il pas lui-même destiné à en propager la juste conception ? Chacun voit ainsi combien est plausible le motif que Nous avons d'étendre Notre allégresse au delà des raisons qui , Nous réjouissent avec nos fils de France. Chacun voit comment les fidèles de toutes nations, âge, sexe et conditions, doivent entrer généreusement dans cette voie par laquelle Soeur Thérèse de l'Enfant-Jésus atteignit l'héroïsme de la vertu.

L'harmonie qui règne entre l'ordre des sens et celui des esprits, permet de baser sur le premier les caractères de l'enfance spirituelle. Observons un enfant dont le pas est encore incertain, et qui n'a pas l'usage de la parole. Si un enfant de son âge le poursuit, si un autre plus fort le menace, ou si l'apparition imprévue de quelque bête l'apeure, où court-il se réfugier? Où cherche-t-il un abri? Entre les bras de sa mère !... Accueilli par elle et pressé sur son sein, il dépose toute crainte; et laissant échapper librement un soupir dont ses petits poumons ne semblaient plus capables, il regarde avec courage l'objet de son trouble et, de son épouvante, le provoquant même au combat, comme s'il disait : « Je suis désormais confié à un sûr défenseur; dans les bras de ma mère, je m'abandonne avec pleine confiance, non seulement d'être protégé contre tout assaut ennemi, mais aussi d'être conduit où il convient le mieux à mon développement physique. » De même, l'enfance spirituelle est formée de confiance en Dieu et d'aveugle abandon entre ses mains.

Il n'est pas inutile de relever les qualités de cette enfance spirituelle, soit en ce qu'elle exclut, soit en ce qu'elle suppose. Elle exclut, en fait, le sentiment superbe de soi-même, la présomption d'atteindre par des moyens humains une fin surnaturelle, et la fallacieuse velléité de se suffire à l'heure du péril et de la tentation. D'autre part, elle suppose une foi vive dans l'existence de Dieu, un pratique hommage à sa puissance et à sa miséricorde, un confiant recours à la providence de Celui qui nous octroie la grâce d'éviter tout mal et d'obtenir tout bien. Ainsi les qualités de cette enfance spirituelle sont admirables, soit qu'on l'envisage au point de vue négatif, soit qu'on l'étudie au point de vue positif, et dès lors on comprend que Notre-Seigneur Jésus-Christ l'ait indiquée comme condition nécessaire pour acquérir la vie éternelle.

Un jour, le Sauveur tira de la foule un petit enfant, et le montrant à ses disciples, il prononça ces paroles : En vérité, je vous le dis, si vous ne vous convertissez et ne devenez comme de petits enfants, vous n'entrerez pas dans le royaume des cieux. (Matth., XVIII, 3.) Oh ! l'éloquente leçon qui anéantit l'erreur et l'ambition de ceux qui, considérant le royaume des cieux comme un empire terrestre, rêvaient d'y occuper les premières places ou demandaient quel y serait le plus grand ! Quis putas major est in regno coelorum? Et, pour mieux établir que la prééminence dans le royaume des cieux serait le privilège de l'enfance spirituelle, le Seigneur poursuit en ces termes : Quiconque donc se fera petit comme cet enfant, celui-là sera le plus grand dans le royaume des cieux. Un autre jour, quelques mères lui présentaient leurs enfants pour qu'il les touchât, et comme les disciples les repoussaient, Jésus s'en indigna disant : Laissez venir à moi les petits et ne les empêchez pas, car le royaume des cieux est à eux. Et là encore il conclut : En vérité je vous le dis, celui qui ne reçoit pas le royaume des cieux comme un enfant n'y entrera pas. — Quisquis non receperit regnum Dei velut parvulus, non intrabit in illud. (Marc, X, 15.)

Il importe de remarquer la force de ce divin langage, car il ne suffit pas au Fils de Dieu d'affirmer d'un accent positif que le royaume des cieux est aux enfants: Talium est enim regnum coelorum, ou que celui qui se sera fait petit comme un enfant sera le plus grand dans le royaume des cieux, mais il enseigne, en outre, d'une manière explicite, l'exclusion de son royaume pour ceux qui ne seront pas devenus semblables à des enfants. Or, quand un maître expose une leçon sous des formes variées, ne veut-il pas, par cette multiplicité de formes, signifier que sa leçon lui tient particulièrement au coeur ? S'il cherche tant à l'inculquer à ses disciples, c'est qu'il désire, par l'une ou l'autre expression, la leur faire plus sûrement comprendre. Il faut en conclure que le divin Maître tient expressément à ce que ses disciples voient dans l'enfance spirituelle la condition nécessaire pour obtenir la vie éternelle.

Devant l'insistance et la. fermeté de cet enseignement, il semblerait impossible de trouver une âme qui néglige encore de suivre la voie de la confiance et de l'abandon; d'autant plus, Nous le répétons, que la parole divine, non seulement par la généralité des la forme, mais par une indication spécifique, déclare cette ligne de conduite obligatoire, même pour ceux qui ont perdu l'ingénuité enfantine. Quelques-uns veulent croire que la voie de la confiance et de l'abandon est réservée uniquement aux âmes candides que la malice n'a pas privées des grâces du jeune âge. Ils ne conçoivent pas la possibilité de l'enfance spirituelle chez ceux qui ont perdu leur première simplicité. Mais les paroles du divin Maître : Nisi conversi fueritis et efficiamini sicut parvuli, n'indiquent-elles pas la nécessité d'un changement et celle d'un travail? Nisi conversi fueritis, voici indiqué le changement que doivent réaliser les disciples de Jésus-Christ pour redevenir enfants. Et qui doit redevenir enfant, si ce n'est celui qui ne l'est plus ? Nisi effeciamini sicut parvuli, voici maintenant indiqué le travail, car l'on comprend qu'un homme doit travailler pour être et apparaître ce qu'il n'a jamais été, ou ce qu'il n'est plus; mais puisque l'homme ne peut pas ne pas avoir été enfant, les paroles : Nisi efficiamini sicut parvuli comportent donc l'obligation de travailler à reconquérir les dons de l'enfance. Il serait ridicule de songer à reprendre l'aspect et la faiblesse de l'âge infantile ; mais il n'est pas contraire à la raison de découvrir, dans le texte évangélique, le précepte également adressé aux hommes d'âge mûr, de retourner à la pratique des vertus de l'enfance spirituelle.

 

Au cours des siècles, cet enseignement devait trouver un accroissement de force dans l'exemple de ceux qui parvinrent à l'héroïsme de la perfection chrétienne, justement par l'exercice de ces vertus. La sainte Eglise releva toujours ces exemples, afin de faire mieux comprendre et suivre plus universellement le commandement du Maître. Aujourd'hui encore, elle ne vise pas d'autre but, quand elle proclame les vertus héroïques de Soeur Thérèse de l'Enfant-Jésus.

Bien que cette heureuse Servante de Dieu n'ait pas eu à prodiguer au service divin de longues années, ni des entreprises ardues, elle apparut, en moins de cinq lustres, pleine de mérites. Disciple d'un Ordre religieux dans lequel la gloire des docteurs est même l'apanage du sexe faible, elle ne fut cependant pas nourrie de fortes études; néanmoins, elle eut tant de science par elle-même qu'elle sut indiquer aux autres la vraie voie du salut. Mais d'où lui vient cette copieuse moisson de mérites, où a-t-elle cueilli tant de fruits mûrs ? Dans le jardin de l'enfance spirituelle. D'où encore cet ample trésor de doctrine ? Des secrets que Dieu révèle aux enfants !

Si la fille de Louis-Stanislas Martin, qui vit le jour à Alençon, le 2 janvier 1873, manifesta d'abord l'insouciance et la vivacité joyeuse des enfants de son âge, tous les témoins s'accordent à affirmer que le malheur dont elle fut frappée dans sa cinquième année, par la perte de sa mère, imprima dans son âme un grand sérieux et une extraordinaire maturité. Le Seigneur- ne voulait-il pas faire ressortir en elle ce rapide changement, ce prompt travail à s'orner des qualités de l'enfance spirituelle, afin qu'elle pût réaliser dans son entier le divin enseignement : Nisi conversi fueritis... nisi efficiamini sicut parvuli ?

Il est certain que, dès lors, Thérèse fit preuve dans ses paroles et dans ses actes d'un jugement bien supérieur à son âge. Admirable fut surtout sa promptitude à rapporter à Dieu toute beauté contemplée dans les créatures, et à espérer de lui seul le remède aux maux déplorés, soit en elle, soit dans le prochain. Oh ! la spontanéité de son élan vers Dieu, surtout à l'heure de l'inquiétude et de l'angoisse! Comme elle reproduisait bien l'empressement de l'enfant à courir se cacher dans les bras de sa mère, quand il a l'intuition de ne pouvoir se suffire à lui-même ! Le recours de Thérèse a la prière était si fréquent, son abandon à Dieu si complet, qu'elle osait mettre sa vie sur la terre en parallèle avec celle du ciel.

Elle aimait ses parents d'un très pur amour; cependant, elle aurait craint de les priver de la vie du ciel qu'elle estimait bien au-dessus de celle de la terre, en demandant pour eux une prolongation de l'exil...

De tout ceci, il est facile de présumer qu'avec le développement des années, les vertus de l'enfance spirituelle jetaient. de plus profondes racines dans l'âme de la « petite Thérèse ». Mais cette supposition fut bien surpassée par la réalité. On s'en convainc aisément par la conduite de l'enfant à l'heure la plus décisive de son avenir. Son père, vrai modèle des parents chrétiens, s'était résigné à se voir privé de l'assistance de sa dernière fille, et n'avait même pas caché son noble orgueil de consacrer à Dieu dans la vie religieuse toute sa descendance. Mais ainsi ne pensait pas le frère de sa mère, près duquel Thérèse demeurait. Du reste, l'Evêque du diocèse et le Supérieur du monastère de Lisieux ne voulaient pas davantage satisfaire le voeu de l'adolescente, de s'ensevelir au Carmel à l'âge de 15 ans. En vain pourtant, chercherait-on une plainte sur les lèvres de Thérèse, soit contre la déclaration de son oncle qui refusait de consentir à son entrée avant 17 ans, soit contre l'opposition du supérieur qui l’ajournait jusqu'à ses si ans. Oh! comme devait gémir la colombe impatiente de se cacher dans la retraite sacrée du Carmel ! Mais ses gémissements, elle les exposait à Dieu seul. Craignant même que cette opposition ne vienne de lui, elle n'osait. contredire ses parents et supérieurs, qui pouvaient prendre comme un signe d'acquiescement ce silence, unique expression de son confiant abandon à Dieu.

L'attitude de Thérèse ne changea pas devant l'insuccès de son direct et courageux appel au Pape. Oh ! l'inutilité de ce long voyage , les marques de désapprobation et peut-être même de mépris qui lui furent si largement infligées ! Toutes ces épreuves n'allaient-elles pas ébranler sa résolution, et lui faire préférer le conseil de l'homme à ce qu'elle avait cru être une volonté de Dieu ? Mais l'héroïsme de la vertu suppose la constance et l'assiduité dans les actes. Plus elle se heurtait aux contradictions humaines, plus la jeune Thérèse multipliait ses actes de confiance et ses protestations d'abandon entre les mains divines, se préparant à gravir ainsi la cime de la perfection chrétienne, par l'exercice des vertus propres à l'enfance spirituelle. Ah! le Seigneur ne lui épargnait pas les épreuves, et elle les embrassait comme des occasions de se détacher toujours plus de l'affection des créatures et de s'unir plus fortement à l'Epoux de son âme.

Quand son Evêque eut cédé finalement à ses instances réitérées, l'accomplissement de son voeu fut encore différé par la Prieure du Carmel qui retarda de quatre mois son entrée. Thérèse alors aurait pu se prévaloir de la parole du Pontife Léon XIII lui intimant « de faire ce que lui diraient les Supérieurs », car parmi ses Supérieurs elle considérait avant tout son Evêque. Mais cette insistance pour atteindre son but, bien que légitime, laisserait croire que Thérèse s'appuyait sur des arguments humains; sa confiance alors en apparaîtrait diminuée, et son abandon moins complet. Elle préféra donc ne pas se révolter devant cette nouvelle déception, et continua à se maintenir paisible, dans la persuasion que Dieu donne en temps opportun leur récompense à ceux qui se confient en lui.

De fait, la récompense vint pour Thérèse, le 9 avril 1888. Par une disposition divine, elle fut mise sous le patronage de l'Enfant Jésus qui se plaisait ainsi à reconnaître le soin qu'elle avait déjà témoigné d'honorer les vertus de son enfance. Mais pourquoi ne pas dire aussi que ce nouveau titre fut pour la pieuse Carmélite un stimulant à s'abandonner toujours plus au Seigneur? L'Enfant de Bethléem se révélait à elle dans les bras de sa très sainte Mère, docile et prêt à se faire porter de Bethléem en Egypte, et d'Égypte à Nazareth : à son tour, Thérèse se plaçait entre les bras de la sainte règle du Carmel, se laissant guider en tout par l'obéissance religieuse. Le divin Ouvrier de Nazareth se montrait encore à ses yeux toujours occupé aux travaux que lui prescrivait son père adoptif, toujours soumis aux ordres de- ceux qui lui représentaient l'autorité du Père céleste. A son exemple, Thérèse exécutait avec empressement tout ce qui lui était commandé par sa prieure et sa maîtresse du noviciat, et elle le faisait parfaitement , sans plainte ni observation d'aucune sorte, semblant n'avoir plus de volonté propre. Cette imitation des vertus de l'enfance du Sauveur fut si admirable en la jeune Carmélite que, si le nom « de l'Enfant-Jésus » ne lui fût providentiellement échu, ses Soeurs en religion auraient dû le lui décerner. A sa sainte Mère d'Avila, l'Enfant-Dieu était un jour apparu lui demandant son nom, et la pieuse réformatrice du Carmel de répondre : « Je m'appelle Thérèse de Jésus », méritant de s'entendre dire : « Et moi, je suis le Jésus de Thérèse! » De même la Carmélite de Lisieux pouvait déclarer : « Je m'appelle Thérèse de l'Enfant-Jésus, parce que l'Enfant Jésus est le Maître et le Modèle de Thérèse. »

Cette estime générale de sa communauté fit choisir notre fervente Carmélite pour aider la maîtresse des novices, malgré sa jeunesse et la date si récente de sa profession. Oh ! c'était le Seigneur qui, la sachant destinée à une brève existence, voulait lui faire accomplir en peu de temps de grandes choses. En effet, elle se servit de cet office pour croître en vertu : loin de la distraire; il la perfectionna dans la pratique de l'enfance spirituelle. Malgré la différence des caractères, chez les personnes avec lesquelles elle devait traiter, jamais ne s'altéra sa tranquille suavité, et la multiplicité des demandes dont elle était assaillie n'amena jamais sur ses lèvres un accent d'impatience. Elle faisait appel à Jésus-Enfant dans ses doutes, et, de cet Enfant, que, dans l'atelier de Nazareth, « l'on avait vu croître en âge et en sagesse » (Luc, II, 3), elle ne tardait pas à recevoir la solution de ses difficultés.

Soeur Thérèse de l'Enfant-Jésus persévéra fidèlement dans sa voie, durant les neuf ans et demi de sa vie religieuse. Nous ne voyons donc pas l'utilité d'insister davantage sur sa vertu caractéristique, ni d'expliquer comment elle atteignit, par cette vertu, le sommet de la perfection chrétienne.

Nous vous ferions injure, ô très aimés Fils, si Nous Nous arrêtions à vous démontrer que la sainteté de la Servante de Dieu ne saurait être ternie par les prédictions faites sur son lit de mort, ni par son avis: de répandre largement cette « Histoire d'une Ame » dans laquelle la « petite Thérèse » s'était révélée elle-même. Très humble durant toute sa vie, elle ne pouvait, à l'heure suprême, s'exprimer en des termes apparemment contraires à l'humilité, que sous l'impulsion directe d'un ordre divin. L'intelligence de l'homme est trop limitée pour lui permettre de comprendre les raisons du Tout-Puissant, lorsqu'il inspire à ses créatures les paroles à dire ou les conseils à donner. On pourrait, sans témérité, y découvrir un dessein opportun d'étendre au delà des confins ordinaires l'efficacité du bon exemple. En outre, dans le cas concret de Soeur Thérèse, il convient de reconnaître une volonté spéciale de Dieu d'exalter les mérites de l'enfance spirituelle. Dans les saintes Ecritures, nous lisons que « par la bouche des enfants est souvent rendue gloire à Dieu, ex ore infantium et lactentium perfecisti laudem », parfois même, il s'y ajoute le pouvoir de détruire les artifices de l'ennemi : Ut destruas inimicum et ultorem. (Ps.  VIII, 3.) Oh! comment ne pas dire que Dieu ait destiné Soeur Thérèse de l'Enfant-Jésus, par l'exercice des vertus propres à l'enfance, à prendre rang parmi ceux qui donnent à Dieu cette louange parfaite ! Un regard sur l'époque où elle vécut, permettrait presque d'affirmer qu'elle eut cette mission : Ut destrueret inimicum et ultorem. Mais il ne lui eût pas été possible de la remplir sans l'universelle diffusion de l' « Histoire de son Ame ».

Et maintenant, loin de recueillir des objections, facilement réfutables, contre la sainteté de Thérèse de l'Enfant-Jésus, reconnaissons que cette sainteté fut formée de vertus héroïques par le perpétuel et pratique amour de l'enfance spirituelle.

A la reconnaissance théorique de cette vérité, doit encore s'adjoindre le ferme propos d'imiter la nouvelle héroïne. Notre époque, hélas! se montre trop inclinée aux duplicités et aux artifices frauduleux. Il ne faut donc pas s'étonner que la piété envers Dieu se soit tant refroidie, et la charité envers le prochain si diminuée. Que l'on change ce genre de vie ! Aux mensonges, aux fraudes, à l'hypocrisie des mondains, que l'on oppose la sincérité de l'enfant. Avec cette sincérité, à la lumière de la Carmélite de Lisieux, que se propage aussi la sainte habitude de marcher toujours en la présence de Dieu, et la disposition à se laisser porter par la main de sa divine providence.

 

Soeur Thérèse de l'Enfant-Jésus, peu de temps avant sa mort, avait promis de passer son Ciel à faire du bien sur la terre. Nous savons qu'elle a tenu sa promesse, car les grâces dues à son intercession sont innombrables. Particulièrement dans les tristes jours du récent conflit mondial, Nous-même reçûmes de multiples lettres de soldats et d'officiers français qui attribuaient à Soeur Thérèse de l'Enfant-Jésus leur préservation dans d'imminents périls de mort. Ces lettres portaient d'autant mieux le cachet de la sincérité qu'elles relataient souvent un « changement de vie », gage de gratitude envers leur bienfaisante médiatrice. Mais qui ne conçoit aujourd'hui que la charitable Thérèse prodiguera davantage encore ses faveurs à ceux qui auront à coeur de l'imiter de plus près ?

Nous souhaitons donc que le secret de la sainteté de Soeur Thérèse de l'Enfant-Jésus ne reste caché pour aucun de Nos fils. Et afin qu'en tous il produise les admirables effets relevés en Thérèse, Nous appelons la bénédiction de Dieu non seulement sur ceux qui sont ici présents, mais sur tous les membres de la famille chrétienne.

Qu'elle ait cependant les prémices de cette bénédiction, la France catholique fière, en ce jour, de cette nouvelle héroïne sortie de son sein !

Et que soit particulièrement béni l’heureux diocèse de Bayeux et Lisieux qui, par le nom de Thérèse, a vu sa célébrité s'accroître dans le monde entier! Puisse-t-il, par son intercession, conserver longtemps le digne Evêque qui met une sainte émulation parmi les membres de son clergé, et voir fleurir chez les laïques la vertu chrétienne !

Mais les roses promises par Thérèse, où doivent-elles tomber plus abondantes, si ce n'est en ce Carmel privilégié où elle trouva la réalisation de ses brûlants désirs? Que descendent donc copieuses sur lui les bénédictions célestes, afin qu'il demeure toujours un parterre où s'épanouissent des fleurs élues de sainteté !

Et finalement, que le réconfort de la bénédiction divine ne manque pas à ceux qui, à Rome ou au dehors, s'emploient à promouvoir la cause de Béatification de la Carmélite de Lisieux. Plus sera connue, en effet, la nouvelle héroïne de vertu, plus aussi sera grand le nombre de ses imitateurs qui donneront gloire à Dieu, en pratiquant les vertus de l'enfance spirituelle.

 

S. S. le Pape Benoît XV, quelques jours avant sa mort, avait signé cette traduction française de son Discours.

 

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