MAXIMES

Précédente Accueil

Accueil
PRÉSENTATION
CARMEL I
CARMEL II
CARMEL III
NUIT OBSCURE I
NUIT OBSCURE II
VIVE FLAMME
CANTIQUES
LETTRES
PRÉCAUTIONS
SENTENCES
MAXIMES

MAXIMES SPIRITUELLES TIRÉES DES ŒUVRES DU BIENHEUREUX JEAN DE LA CROIX

 

 

PREMIÈRES MAXIMES TOUCHANT LE RENONCEMENT A LA CRÉATURE ET A CE QUI PLAIT AUX SENS.

DEUXIÈMES MAXIMES TOUCHANT LE RENONCEMENT AU GOUT DE L'AME.

TROISIEMES MAXIMES DU  RENONCEMENT  A L’HONNEUR.

QUATRIÈMES MAXIMES  DE LA CONTEMPLATION  ET  DE  L'UNION AVEC DIEU.

CINQUIÈMES MAXIMES DES  VISIONS ET  DES  RÉVÉLATIONS.

SIXIÈMES MAXIMES TOUCHANT LA PURETÉ DE  L’AME  ET DU  CORPS.

SEPTIÈMES MAXIMES DE  LA  FOI  ET  DE  L'ESPÉRANCE.

HUITIÈMES MAXIMES DE  LA  CHARITÉ  DE DIEU ET  DU PROCHAIN.

NEUVIÈMES MAXIMES DE  L'OBÉISSANCE ET  DE LA RÉSIGNATION A DIEU.

DIXIEMES MAXIMES TOUCHANT LA PAUVRETÉ.

ONZIÈMES MAXIMES TOUCHANT LA PÉNITENCE.

 

 

PREMIÈRES MAXIMES TOUCHANT LE RENONCEMENT A LA CRÉATURE ET A CE QUI PLAIT AUX SENS.

 

Pour parvenir à ce que vous ne goûtez pas, il ne faut goûter rien de ce que les sens désirent et recherchent. Liv. I de la Montée du Mont-Carmel, chap. 13.

Jésus-Christ n'ayant trouvé aucun goût dans toutes les choses du inonde, ce n'est pas le vouloir imiter que d'y rechercher quelque satisfaction. Ibid.

Je ne tiens pas cet esprit pour bon, qui ne poursuit que ce qu'il y a de doux et de facile, puisque ce n'est plus suivre la grande voie de la perfection, qui est Jésus-Christ. Liv. II de la Montée, etc.

Le sentier qui conduit à Dieu est si étroit, qu'il n'y peut passer que le néant, qui est l'abnégation de toutes sortes de plaisir et de soi-même. Ibid.

Ce qui n'est pas ne pouvant s'unir avec ce qui est, on ne saurait jamais s'unir à Dieu, si on aime quelque créature, puisque toutes les créatures devant Dieu ne sont qu'un néant. Liv. I de la Montée du Mont-Carmel, chap. 4.

Tout ainsi que celui qui est dans les ténèbres ne saurait voir la lumière, l'âme qui a quelque attache à la créature n'est pas capable de connaître Dieu, ni par contemplation ni par vision. Ibid.

Quelque bon entendement ou quelque autre rare don que vous ayez de la nature, ne vous imaginez pas que, si vous avez quelque affection à la créature, elle ne l'obscurcisse et ne vous fasse tomber insensiblement de mal en pis. Ibid., chap. 8.

Vous profiterez plus en un mois, en renonçant à vos appétits, qu'en plusieurs années de pénitence. Ibid., chap. 8.

Taudis qu'on a appétit pour quelque créature, on est dégoûté et mécontent. Ibid.. chap. 6.

 

514

 

Comme un avare se chagrine et se lasse de tirer sans cesse quelque pièce de son trésor, l'âme aussi se fatigue de fournir aux appétits ce qu'ils demandent. Ibid.

Si celui qui ouvre la bouche, quand il a faim, pour se remplir de vent, se dessèche plutôt qu'il ne se rassasie, parce que ce n'est pas son aliment, le cœur aussi qui s'ouvre aux créatures pour s'en repaître s'affamera plutôt qu'il ne se rassasiera, parce qu'elles ne font pas sa nourriture. Ibid.

On tire plus de joie des créatures en se dépouillant et désappropriant, que lorsqu'on les possède avec attache, parce que dans le premier cas on les goûte selon la vérité, et dans le second on ne les goûte qu'apparemment et d'une manière trompeuse. Liv. III de la Montée du Mont-Carmel, chap. 19. H ne faut pas voyager pour voir, mais pour ne pas voir. Quand on trouve du goût en l'esprit, tout ce qui vient du sens est dégoûtant. Cant. III, 537.

Qui ne sait se perdre aux sens, aux créatures et à soi-même, ne se trouve jamais. Cant. d'amour, couplet 99.

L'âme véritablement crucifiée prend plus de plaisirs à ce que toutes choses lui manquent, et qu'on la prive de tout, même des moyens qui semblent le plus l'approcher de Dieu, comme des images, chapelets et autres choses de cette nature, qu'à les posséder avec quelque profit par affection. Liv. III de la Montée du Mont-Carmel, chap. 34.

Il n'est point de tentation, quelque déshonnête qu'elle soit, qui enlaidisse tant votre âme et l'éloigné plus de Dieu, si vous n'y donnez consentement, que ne le fera la moindre affection que vous aurez à quoi que ce soit de la terre. Dans les Avis, 4.

Il n'y a pas de mauvaise humeur qui empêche un malade de marcher ou de manger, comme l'appétit des créatures lasse et dégoûte une âme de cheminer dans le sentier de la vertu. Ibid., 14.

Vos appétits sont comme les rejetons à l'entour de l'arbre, qui en tirent le suc et l'empochent de croître; ou comme les vipéreaux qui rongent les entrailles de leur mère à mesure qu'ils croissent dans son ventre, et la font enfin mourir. Ibid., 15.

Si vous vous contentez en quoi que ce soit, contre la volonté de Dieu, vous serez obligé à ces deux peines, qui seront de vous en détacher et de purger l'impureté que vous aurez contractée. Ibid., 18.

Puisque, en vous satisfaisant, votre amertume doit redoubler, ne vous contentez jamais dans aucune créature, quand il vous faudrait demeurer éternellement dans les peines et dans l'affliction. Ibid., 24.

 

515

 

Si vous mettez votre tout dans le néant, vous trouverez partout dilatation de cœur et repos d'esprit. O heureux néant, qui apporte tant de biens à l'âme ! Ibid., 37.

Vous pourrez croire avoir triomphé de tout, quand le goût des créatures ne vous donnera point de joie, ni leur amertume de tristesse. Ibid., 42.

Si vous ne désirez que Dieu, vous ne marcherez point dans les ténèbres, bien que vous soyez plein de ténèbres. Ibid., 43.

Si la volonté n'est pas appliquée à aimer Dieu, l'âme ne sera jamais satisfaite, bien qu'elle fût dans le ciel ; elle ne sera non plus jamais contente en ce monde, si son cœur est attaché à autre chose qu'à Dieu, bien qu'il lut toujours avec elle. Ibid., 47.

Si vous voulez avoir Dieu en toutes choses, il faut que vous n'ayez rien en toutes choses; car le cœur qui est à quelqu'un, comment peut-il être tout à un autre? Ibid., 54.

Ne vous réjouissez d'aucun bien périssable de cette vie, parce que vous ne savez s'il vous fera jouir de la vie éternelle. Ibid., 56.

 

DEUXIÈMES MAXIMES TOUCHANT LE RENONCEMENT AU GOUT DE L'AME.

 

La première chose que doit faire celui qui veut profiler et s'avancer dans la voie de l'esprit, c'est qu'il ait ordinairement et sa pensée et son affection appliquées à regarder Jésus-Christ en toutes choses, se conformant à sa vie, qu'il doit sans cesse considérer pour la savoir imiter.

La seconde chose qu'il doit faire pour bien imiter Jésus-Christ, est de renoncer à tous les goûts, à toutes les satisfactions qui s'offrent à ses sens, si ce n'est qu'il y rencontrât purement la gloire de Dieu et qu'il restât vide et dénué de toutes choses pour l'amour de Jésus-Christ, qui n'eut et ne voulut avoir en cette vie d'autre satisfaction, ni d'autre goût que de faire la volonté de son Père, qu'il appelait sa viande et l'unique nourriture dont il se sustentait. Liv. I de la Montée du Mont-Carmel, chap.,  13.

Le vrai esprit de Jésus-Christ cherche en Dieu plutôt l'amertume que le doux, s'incline plus à pâtir qu'à être consolé, aux aridités et aux désolations qu'aux communications savoureuses, à être privé de tous biens plutôt qu'à les posséder sans souffrances. Liv. II de la Montée du Mont-Carmel.

Ceux-là se trompent qui croient que c'est assez, pour la perfection,

 

516

 

de renoncer au monde, et ne pensent pas à l'anéantir, en cherchant les sécheresses, les dégoûts et les travaux, vu que c'est être des ennemis spirituels de la croix de Jésus-Christ. Ibid.

Portez votre cœur, non pas au plus aisé, mais au plus difficile non pas au plus savoureux, mais au plus insipide; non à la consolation, mais à la désolation; non au repos, mais au travail; non au plus, mais au moins; non à vouloir quelque chose, mais à ne vouloir rien. C'est le chemin royal qui conduit à Dieu. Liv. II de la Montée du Mont-Carmel, chap. 23.

Se chercher soi-même en Dieu, c'est rechercher les caresses et les consolations de Dieu; mais chercher Dieu en soi, c'est se priver non-seulement de l'un et de l'autre pour Dieu, mais encore ambitionner et poursuivre ce qu'il y a de plus affligeant en Dieu et dans les créatures. Liv. II de la Montée du Mont-Carmel, chap. 2.

Si l'âme se plaît et se laisse conduire à la saveur de la dévotion sensible, elle n'arrivera jamais à la force des délices spirituelles qui se trouvent dans la seule nudité de l'esprit. Liv. III de la Montée du Mont-Carmel, chap. 30.

La dévotion consiste plus dans l'invisible que dans le visible. Liv. III de la Montée du Mont-Carmel, chap. 31.

Bien que l'aridité qui vient de Dieu ôte toutes sortes de goûts, tant du ciel que de la terre, elle nous unit pourtant plus à Dieu, quoique avec peine et solitude. Liv. I de la Nuit obscure, chap. 9.

C'est vouloir arriver au but sans passer par le milieu, que de prétendre aux caresses de Dieu, sans vouloir passer par les travaux. Cant. d'amour, chap. 36. .

Plus on a de goût dans l'oraison, moins on traite Dieu avec respect. Liv. I de la Nuit obscure, chap. 12.

Moins on a de goût dans l'oraison, plus on connaît sa misère, le mérite de son prochain et la grandeur de Dieu. Ibid.

Vous êtes plus agréable à Dieu en vous soumettant et faisant tout autre bien avec dégoût et aridité, que si vous le faisiez avec goût et facilité. Dans ses Avis, 25.

Si vous cessez de faire de bonnes œuvres à cause du manque de goût et de saveur, c'est le goût que vous recherchez dans voire action, et non pas les bonnes œuvres. Ibid., 44.

Sachez que l'amour ne consiste pas à sentir de grandes choses, mais à se renoncer et à souffrir d'un grand courage pour Dieu. Ibid., 55.

 

517

 

TROISIEMES MAXIMES DU  RENONCEMENT  A L’HONNEUR.

 

La vertu ne consiste pas dans de nobles connaissances de Dieu, ou dans toute autre chose qu'on sent de lui, mais en ce qui ne se sent pas, qui est d'avoir un grand mépris de soi-même. Liv. II de la Montée du Mont-Carmel, chap. 8.

Les révélations, les visions et les sentiments de Dieu ne valent pas le moindre acte de cette humilité qui ne s'estime rien, qui ne pense jamais mal que de soi, et qui juge toujours bien des autres, et jamais de soi-même. Ibid.

Jésus-Christ a fait sa plus grande œuvre, qui est la réconciliation des hommes avec son Père, dans son plus grand anéantissement. Dieu aussi fait sa plus grande œuvre dans les âmes, qui est de s'unir avec elles, lorsqu'elles sont plus anéanties en elles-mêmes et devant les hommes. Liv. II de la Montée du Mont-Carmel, chap. 7.

Par les degrés qu'on monte, l'on descend dans le néant de soi-même. Liv. II de la Nuit obscure, chap. 18.

Ayez un soin particulier de mortifier le point d'honneur, même dans les plus petites choses, et ne pensez jamais qu'on vous a fait tort, que vous avez raison, que vous avez plus travaillé, que vous êtes plus capable; car il n'y a point de poison qui donne la mort si irrémissiblement que le font ces pensées à l'âme, étouffant tout son esprit intérieur, et ruinant la perfection qu'elle aurait acquise. Dans ses Avis.

Dieu, pour aimer votre âme, ne regarde pas vos talents ni les autres dons extérieurs qu'il vous a faits, mais votre humilité et le grand mépris de vous-même. Ibid., 3, 4.

Ne désirez autre chose, pour récompense de vos travaux et de vos bonnes œuvres, (pie de nouveaux mépris et de nouvelles souffrances, et persévérez constamment dans une vive mort de croix intérieures et extérieures. Ibid., 7.

Dieu se déplaît tant à voir des âmes enclines à l'honneur, que, quand même il les y pousse, il ne veut pas qu'elles aient de la promptitude ou de la facilité à l'accepter. Liv. II de la Montée du Mont-Carmel, chap. 30.

Il faut cacher ses bonnes œuvres, non-seulement aux hommes, mais encore à soi-même, n'y prenant ni goût ni complaisance, et n'en faisant nulle estime. Liv. III de la Montée du Mont-Carmel, chap. 28.

 

518

 

La véritable contemplation est celle qui monte et descend tout ensemble; car la perfection consiste dans l'amour de Dieu et dans le mépris de soi-même. Liv. II de la Nuit obscure, chap. 8.

La perfection ne consiste pas dans les vertus que l'âme connaît en elle, mais dans celles que Dieu connaît en elle, ce qui est caché et secret, et ainsi vous n'avez nul sujet de présumer de vous, mais plutôt decr.iindre, puisque vous ne savez pas si votre vertu est approuvée de Dieu. Dans ses Avis, 32.

Choisissez plutôt d'être enseigné de tous, que de vouloir instruire le moindre du monde. Dans ses Avis, 3.

Un religieux doit songer à gagner les bonnes grâces de Dieu, sans se soucier d'entretenir l'amitié du monde, comme font les courtisans de la terre.

 

QUATRIÈMES MAXIMES
DE LA CONTEMPLATION  ET  DE  L'UNION AVEC DIEU.

 

Dieu ne se communique jamais pleinement ni suavement qu'à un cœur dénué de tout. Liv. III de la Montée du Mont-Carmel, chap. 19.

Pour aller à Dieu, il faut se vider de tout ce qui n'est pas Dieu. Ibid., chap. 6.

Une imperfection d'habitude empêche plus l'union avec Dieu que plusieurs autres plus grièves, qui ne se font pas par coutume, quoiqu'elles se fassent avec quelque advertance. Ibid., chap. 11.

Pour jouir de l'union divine, tout ce qui est dans l'âme, grand ou petit, peu ou beaucoup, doit mourir. Ibid.

Qu'importe à un oiseau qu'il soit arrêté par un fil ou par une corde, puisque l'un et l'autre l'empêche de voler? Il est aussi indifférent que votre âme ait une grande ou petite attache à quelque chose de créé, puisque l'un et l'autre empêchera l'union divine. Liv. II de la Montée du Mont-Carmel, chap. 11.

Il est déplorable de voir des âmes chargées, comme de gros navires, de richesses immenses de vertu, n'arriver jamais au port de l'union avec Dieu, pour n'avoir pas le courage de vaincre une petite imperfection, comme serait de trop parler, etc. Ibid.

Quelque oubli qu'on doive avoir de toutes les choses visibles et corporelles pour s'unir à Dieu, on n'y doit pas comprendre l'humanité de Jésus-Christ, parce qu'elle est la porte, le chemin et le guide assuré à toutes sortes de biens. Liv. IIIde la Montée du Mont-Carmel, chap. 1.

 

519

 

Pourquoi différez-vous de quitter la créature, qui n'est rien, pour vous unir par amour à votre Dieu, qui est tout? Dans ses Avis, 21.

Quelque communication ou sentiment qu'une âme ait de Dieu, elle ne doit pas se persuader que ce soit être plus ou moins en Dieu ; comme aussi, si le goût lui manque, que ce soit y être moins, parce qu'elle ne peut savoir par l'un si elle est en grâce, ni par l'autre si elle est dehors. Dans le Cantique de l'amour de Dieu.

L'union divine consiste à tenir l'âme dans une totale transformation de sa volonté en celle de Dieu. Liv. II de la Montée du Mont-Carmel, chap. 11.

Lorsqu'il parait à l'âme qu'elle fait moins dans l'oraison, c'est pour lors qu'elle est plus occupée en Dieu. Liv. II de la Montée du Mont-Carmel, chap. 14.

Plus le rayon de la contemplation est pur, et simple, et parfait, plus l'entendement le trouve obscur et le ressent moins. Ibid. et liv. II de la Nuit obscure, chap. 8.

Plus l'âme s'avance en esprit, moins sa vue se borne aux objet? particuliers, ayant pour lors un regard plus pur et plus vaste. Ibid., chap. 12.

Jusques à ce que les choses sensibles nous renvoient d'abord à Dieu, on ne doit pas se servir de l'opération des sens pour aller à Dieu. Liv. III de la Montée du Mont-Carmel, chap. 25.

La marque certaine qu'on est beaucoup élevé dans la contemplation, c'est quand l'âme prend plaisir d'être seule avec Dieu dans un simple regard, sans employer les opérations de ses trois puissances. Liv. II de la Montée du Mont-Carmel, chap. 13.

Il y a la même différence entre la méditation et la contemplation, qu'entre agir et jouir de ce qu'on a déjà fait, entre recevoir et profiter de ce qu'on a reçu, entre apprêter la viande et la manger après l'avoir apprêtée. Ibid. chap. 14.

Il y a trois caractères du recueillement intérieur : le premier, si les choses de ce monde ne vous plaisent plus; le second, si vous avez soin du plus parfait; et le troisième, si le silence et la solitude vous donnent du contentement. Dans ses Sent., 50.

Il est plus expédient de représenter simplement à Dieu ses nécessités, que de lui demander du remède, soit parce qu'il sait mieux que nous ce qui nous est nécessaire, soit parce que l'ami a plus de compassion de son ami, quand il le voit ainsi résigné, soit parce que de cette manière l'âme a moins à craindre qu'il n'y ait del'amour-propre dans sa demande. Dans son Cant. d'amour.

Le grand secret de surmonter le monde sans peine et de rompre

 

510

 

peu à peu les obstacles qui empochent l'union divine, est d'être assidu à l'oraison. Dans ses Sentences, 23.

Le moindre attouchement ou communication qu'on ait eue avec Dieu satisfait au-delà de ce qu'on pourrait attendre pour toutes les peines qu'on aurait souffertes à son service. Liv. II de la Montée du Mont-Carmel, chap. 26.

Le souverain moyen d'obtenir de Dieu ce que nous voudrons, est de mettre toute la force de notre oraison à ne pas demander ce que nous voudrons, mais ce que Dieu voudra de nous. Liv. III de la Monté du Mont-Carmel, chap. 43.

L'âme qui se porte à parler et à converser beaucoup avec les hommes ne converse guère avec Dieu; car la conversation avec Dieu attire l'âme à l'intérieur, au silence et à la fuite des créatures. Lettr., 2.

Bien que quelqu'un soit parfait, s'il converse avec les hommes plus que la nécessité et la raison ne le demandent, il en recevra de grands dommages. Lettr. 7.

 

CINQUIÈMES MAXIMES DES  VISIONS ET  DES  RÉVÉLATIONS.

 

Ayant la raison naturelle et la loi évangélique, qui nous peuvent suffisamment conduire, il n'est pas bon de vouloir savoir les choses par voie surnaturelle. Liv. II de la Montée du Mont-Carmel, chap. 21.

Quoi que ce soit que nous entendions surnaturellement, nous ne devons le recevoir qu'autant qu'il est conforme à la loi évangélique. Ibid.

Si le Père éternel nous a parlé par Jésus-Christ, comme nous l'assure l'Apôtre, c'est lui faire injure que de lui demander des visions et des révélations. Ibid., chap. 22.

Tout ce qui se peut faire par l'industrie et par le conseil humain. Dieu ordinairement ne le dit et ne le fait pas par voie sur naturelle. Ibid.

Bien que les visions imaginaires soient surnaturelles, il n'est pas bon de s'y appuyer. Ibid., chap. 16.

Il faut bien examiner les révélations, quand on saurait même qu'elles sont de Dieu, parce qu'elles n'ont pas toujours leurs effets a notre manière d'entendre et selon le son des paroles. Ibid., chap. 18.

La grande règle pour n'être pas trompé dans quelque sorte de communications  qu'on ait de  Dieu,  est de  se découvrir à son

 

521

 

directeur; car on n'en aura jamais ni satisfaction, ni force, ni lumière, ni assurance, qu'on n'en ait traité avec lui, vu qu'il est établi ici-bas notre juge pour tout, même pour ce qui vient de Dieu. Ibid., chap. 22.

Les effets des visions qui viennent du diable sont les sécheresses et l'ennui de la conversation de Dieu ; c'est de faire cas de ces choses et les rechercher, et de s'estimer beaucoup pour les avoir. Ibid., chap. 29 et 30.

Il ne faut s'assurer ni admettre les saveurs qui touchent les sens, bien qu'elles soient de Dieu : 1° parce que le sens corporel dès lors se rend arbitre des choses spirituelles, les jugeant comme il les conçoit et les sent, ce qui est un grand mal; 2° parce qu'elles n'ont nulle proportion avec les choses spirituelles; 3° parce que le diable peut facilement s'y mêler et nous tromper. Ibid., ch. 11.

Il y a plus à craindre de la tromperie du diable dans le bien que dans le mal. Liv. III de la Montée du Mont-Carmel, chap. 36.

Dieu estime plus en vous que vous vous portiez à souffrir pour son amour les disgrâces, les affronts, les maladies, les aridités cl les autres choses semblables, que toutes les visions, les révélations, les recueillements et les autres faveurs que vous pouvez avoir. Dans ses Sentences, 5.

 

SIXIÈMES MAXIMES TOUCHANT LA PURETÉ DE  L’AME  ET DU  CORPS.

 

Dieu demande plus de vous le moindre degré de pureté de conscience, que toute autre œuvre que vous pourriez faire, quoique très-éclatante devant le monde. Dans ses Sentences, 46.

On ne voit jamais une âme négligente à vaincre un appétit, qu'il n'en naisse plusieurs autres de la lâcheté qu'elle aura eue à vaincre cet appétit. Liv. III de la Montée du Mont-Carmel, chap. 11.

Si l'on met un diamant ou de l'or sur de la poix chaude, ils en seront bientôt noircis par l'attrait qu'ils font de la chaleur de cette poix; l'âme aussi qui se passionne pour quelque créature attire sur soi toute l'immondice qu'elle a. Liv. II de la Montée du Mont-Carmel, chap. 19.

L'âme n'a qu'une seule volonté, si bien que, si elle s'embarrasse dans quoi que ce soit du monde, elle n'est plus libre, seule et pure, pour se transformer en Dieu. Ibid. chap. 11.

Ne faites nulle estime de ce qu'il y a ici-bas, sinon de la grâce de Dieu, parce que c'est la seule grâce qui donne la pureté qu'il

 

522

 

faut à votre âme, qui est la chose la plus précieuse qu'il y ait en ce monde, et au prix de laquelle tout le reste n'est qu'un néant. Dans ses Avis, 55.

Tout ce que l'âme met en la créature, elle l'ôte à Dieu et marque par là qu'elle n'en fait pas grande estime,, ni plus ni moins que c'est mépriser un roi, que de tenir toujours les yeux sur ses serviteurs en sa présence. Liv. III de la Montée du Mont-Carmel, chap. II.

Le chrétien ne doit pas se réjouir de faire de bonnes œuvres, mais de les faire pour Dieu; car l'on n'est pas saint pour faire de bonnes œuvres, si on ne les fait pour Dieu. Ibid., chap. 27.

Il y a moins de danger d'être en la compagnie d'une troupe de démons que d'une seule femme peu honnête. Dans sa Vie, chap. de la Chasteté.

Avec les dons de Dieu, vous gagnerez plus en une heure que vous ne ferez en plusieurs années par votre industrie. Efforcez-vous donc toujours d'avoir un cœur pur, qui seul est capable des dons de Dieu. Dans ses Avis, chap. 48.

Dieu veut qu'un religieux soit tellement à lui, qu'il ait dit adieu à toutes choses, et que toutes choses lui aient dit adieu. Lettr. 10.

 

SEPTIÈMES MAXIMES DE  LA  FOI  ET  DE  L'ESPÉRANCE.

 

Si l'aveugle n'est tout à fait aveugle, il ne se laisse jamais bien conduire par son guide: si l'âme aussi s'appuie sur quoi que, ce soit qu'elle goûte, elle s'égarera toujours dans le chemin qui conduit à Dieu, pour ne s'aveugler entièrement en la foi, laquelle est son véritable guide. Liv. II de la Montée du Mont-Carmel, chap. 4.

La foi est la maîtresse de chambre qui nous conduit jusques au Irône de Dieu. Dans sa Vie, chap. de la Foi.

L'âme, pour se bien conduire par la foi à l'union de Dieu, ne doit pas seulement s'aveugler selon la partie qui regarde les créatures, qui est la sensitive, mais encore selon celle qui regarde Dieu, qui est la raisonnable et spirituelle. Liv. II de la Montée du Mont-Carmel, chap. 4.

Si l'homme spirituel juge des choses selon les sens, il n'est plus spirituel. Ibid., chap. 19.

 

523

 

L'âme doit connaître plus Dieu par ce qu'il n'est pas, que par ce qu'il est. Liv. III de la Montée du Mont-Carmel, chap. 1.

On connaît d'autant plus Dieu, que l'on voit qu'il y a infiniment plus à connaître en lui qu'on ne connaît. Dans son Cantique d'amour.

Plus on croit et l'on sert Dieu sans signe, plus on lui rend d'honneur, parce que c'est croire de Dieu plus que les miracles n'eu sauraient apprendre, Liv. III de la Montée du Mont-Carmel, chap. 31.

On aura autant d'union qu'on aura d'espérance, et l'on aura autant d'espérance qu'on se dépouillera des choses de ce monde. Ibid., chap. 6.

Quand l'âme n'attend sa consolation que de Dieu, il est tout prêt à la lui donner. Cant. d'amour.

Ne vous désistez donc jamais de prier et d'espérer en nudité et vide de tout, car, si vous le faites, Dieu ne lardera pas à venir. Liv. III de la Montée du Mont-Carmel, chap. 2.

Si l'on employait autant de temps à l'oraison, pour demander à Dieu ses besoins, qu'on en emploie en sollicitudes et inventions humaines, on pourvoirait mieux et plus promptement à ses nécessités, et rien ne nous manquerait. Dans sa Vie, chap. de l'Espér.

O espérance toute-puissante, puisque tu obtiens autant que tu espères ! Ibid. et Liv. III de la Nuit obscure, chap. 21.

 

HUITIÈMES MAXIMES DE  LA  CHARITÉ  DE DIEU ET  DU PROCHAIN.

 

Quiconque veut aimer quelque chose avec Dieu, sans doute qu'il n'aime guère Dieu, puisqu'il balance avec, lui ce qui est infiniment au-dessous de lui. Liv. II de la Montée du Mont-Carmel, chap. 5.

On peut dire qu'on n'aime plus que Dieu quand rien ne nous empêche de souffrir pour Dieu. Dans son Cant. d’amour.

Plus l'âme est pure et éclairée en la foi, plus elle a de charité. Liv. II de la Montée du Mont-Carmel, chap. 29.

On a plus sujet de craindre que de se réjouir dans la prospérité, puisqu'on est en plus grand danger d'offenser et même d'oublier Dieu. Liv. III de la Montée du Mont-Carmel, chap. 17.

C'est une grande folie de se réjouir de ce que l'on ne sait pas, s'il nous doit profiter pour la gloire éternelle. Ibid.

 

524

 

L'on ne doit donc avoir de la joie que d'opérer en charité ; car que sert devant Dieu ce qui n'est point amour de Dieu? Ibid., chap. 29.

La plus grande gêne d'une âme qui aime Dieu est la crainte de le perdre ou de l'avoir perdu, et de n'en pas jouir assez tôt. De la Nuit obscure, chap. 3, et dans le Cant. d'amour.

Où règne l'amour de Dieu, celui des créatures ou de soi-même n'a nulle entrée, Ibid., chap. 21.

Le moyen d'acquérir des biens spirituels est d'aimer, d'agir et de pâtir. Liv. II de la Montée duMont-Carmel, chap. 29.

Une seule affection actuelle ou habituelle à quoi que ce soit de la créature empêche qu'on ne goûte la saveur de l'amour. Liv. II de la Nuit obscure, chap. 9.

Comme l'eau chaude, dès qu'on la découvre, perd sa chaleur, et comme les parfums exposés à l'air perdent leur senteur, ainsi l'âme qui ne s'est pas resserrée dans la seule affection de Dieu perdra bientôt la chaleur et la vigueur de la vertu. Liv. II de la Montée du Mont-Carmel, chap. 10.

C'est une marque certaine qu'on aime Dieu et qu'on agit pour lui, quand on fait de bonnes œuvres également dans la sécheresse et dans la consolation. Dans ses Sentences, 44.

Vous plairez plus à Dieu par un acte de vertu fait en charité, que par toutes les extases ou visions que vous sauriez avoir. Ibid., 48.

Vous connaîtrez que vous avancez beaucoup au service de Dieu, si vous vous réjouissez que les autres s'y avancent. Liv. II de la Nuit obscure, chap. 2.

Ne regardez point les défauts d'autrui, gardez le silence et communiquez beaucoup avec Dieu. Par le moyen de ces trois choses, vous arracherez de votre âme les imperfections qui y sont le plus enracinées et la ferez dame de grandes vertus. Dans ses Sent., 33.

N'aimez pas l'un plus que l'autre; car celui-là est le plus digne d'amour que Dieu aime davantage, et vous ne savez qui est celui que Dieu aime le plus. Ibid., 35.

Regardez tous les hommes comme des personnes Inconnues, et ne pensez jamais à faire des amis et des appuis en religion, vu que ce n'est pas suivre Jésus-Christ pauvre, dénué et abandonné de tous. Ibid., 36.

Employez les grands désirs que Dieu vous donne de souffrir, à supporter paisiblement les mauvaises humeurs ou faiblesses de votre prochain et toutes les autres occasions qu'il vous pourrait donner d'ennui; car, soutirant sans vous plaindre, vous amasserez plus que par tout ce que vous vous proposerez de souffrir. Ibid., 39.

Comme l'on doit avoir un égal amour pour tous, l'on doit avoir

525

 

aussi un égal oubli pour tous, et encore plus pour les parents, étant les ennemis les plus dangereux de notre perfection. Dans ses Opusc. spirit.

Ne parlez jamais des humeurs, de la conversation, de la manière d'agir des autres ; car, quand vous demeureriez avec des anges, vous seriez trompé dans le jugement que vous feriez de ces choses, parce que beaucoup d'entre elles ne vous paraîtront pas bonnes, qui le seront, faute de les entendre et de les bien pénétrer. Ibid.

 

NEUVIÈMES MAXIMES DE  L'OBÉISSANCE ET  DE LA RÉSIGNATION A DIEU.

 

Dieu aime plus en vous le moindre acte d'obéissance et de soumission à sa volonté, que tous les services que vous vous proposerez de lui rendre par élection ou inclination. Dans ses Avis, 20.

Quelque soit votre supérieur, ne le regardez jamais que comme Dieu ; si vous vous arrêtez à examiner son humeur, ses talents, sa conduite, et que vous régliez sur cela votre obéissance, ce ne sera plus une obéissance religieuse, mais une politique humaine.

Si vous vivez sans directeur, vous serez comme un charbon séparé, lequel perd sa chaleur au lieu de l'accroître ; ou comme un arbre écarté, lequel, bien que chargé de fruits, ne profile de rien à son maître, pour être secoué des passants avant qu'ils soient en maturité. Ibid., 28.

N'épargnez ni vie, ni honneur, ni santé, pour maintenir, par exemple et par paroles, l'exacte observance et le premier esprit de votre religion, et tenez-vous pour heureux si vous souffrez quelque chose pour un sujet si louable. Ibid., 19.

N'entreprenez ni ne faites rien au-delà des statuts de votre ordre, quoique cela vous semble bon et plein de charité, sans la licence de votre supérieur, vu que ce serait commettre un larcin devant Dieu, parce que les actions d'un religieux sont au supérieur, et non pas à lui. Ibid., 40.

Si vous n'arrivez à cette indifférence, que de ne vous soucier d'être gouverné par celui-ci ou par cet autre, vous ne serez jamais spirituel, ni ne garderez fidèlement vos vœux. Dans ses Opusc. spirit.

Dès qu'une chose nous déplaît, tant bonne et convenable nous soit-elle, elle nous parait toujours mauvaise ou contraire, si bien que le plus sûr est de se soumettre à Dieu en tout. Lettre 9.

Ne vous attristez point de tous les  événements de ce monde.

 

526

 

puisque vous ne savez pas le bien que Dieu en doit tirer. Dans ses Sent., 22.

Une seule chose doit nous affliger de tout ce qui arrive, savoir le péché. Dans sa Vie.

 

DIXIEMES MAXIMES TOUCHANT LA PAUVRETÉ.

 

Il faut faire bon visage à la pauvreté, non-seulement quand le commode, mais aussi quand le nécessaire nous manque, car ce n'est pas être pauvre que de vouloir que rien ne nous manque. Dans sa Vie, chap. de la Pauvreté.

Le pauvre d'esprit est plus joyeux et content dans la disette que dans l'abondance des choses. Lettre 3.

Dès que vous perdrez l'esprit de pauvreté en ne méprisant pas toutes choses, vous tomberez en mille nécessités spirituelles et temporelles, Ibid.

Notre sollicitude nous appauvrit plus que le manquement des choses. Lettre 4.

Les soins d'un véritable pauvre ne doivent être employés qu'à chercher le royaume de Dieu, selon la doctrine de notre divin Maître ; car celui qui se réduit à rien, pour se donner tout à Dieu, reçoit tout de Dieu et ne manque jamais de rien. En sa Vie, chap. de la Confiance.

Si l'on oublie tout pour Dieu, je me rends caution pour tout. Ibid.

 

ONZIÈMES MAXIMES TOUCHANT LA PÉNITENCE.

 

Accoutumez-vous à pâtir, à opérer et à vous taire. Si vous le laites, vous goûterez une paix abondante, qui vous fortifiera par l'exercice des vertus les plus héroïques. Dans ses Lettres spirit., livre II.

Persuadez-vous que vous n'êtes entré en religion que pour être taillé, ciselé et poli par les autres : et ainsi représentez-vous tous les religieux et toutes les personnes comme autant de ministres de Dieu pour vous exercer en diverses manières, et, par ces fâcheux exercices, vous rendre saint. Dans ses Opusc. avis 2.

Si quelqu'un voulait vous  inspirer une doctrine large, ne l'en

 

527

 

croyez pas, quand même il le continuerait par des miracles. Tenez-vous toujours aux maximes et dans les routes de la plus austère pénitence, et vous marcherez par le chemin le plus assuré. Dans ses Sentences, 72 ; en ses Lettres ; chap. 7 de la Montée du Mont-Carmel.

Plus une fleur est délicate, plus elle se flétrit en peu de temps, et plus tôt elle perd son odeur: ainsi plus vous vous conduirez par un esprit de douceur et de délicatesse, plus votre vertu sera flottante et proche de sa ruine. Dans ses Sentences, 35.

 

FIN.