RETRAITE SPIRITUELLE

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RETRAITE  SPIRITUELLE.

AVERTISSEMENT.

 

L'expérience a fait assez connaître jusques à présent quelle est l'importance et l'utilité de la retraite spirituelle, pour maintenir la régularité dans les communautés religieuses, ou pour l'y rétablir. On en a vu les fruits les plus sensibles, et on les voit encore dans les maisons les mieux réglées, et où cette sainte pratique est plus en usage.

De là vient que dans la plupart des ordres religieux on s'est fait une coutume, et dans plusieurs même, une obligation expresse et une règle, de vaquer une fois chaque année, pendant un certain nombre de jours, aux exercices de la retraite. Afin de s'y laisser moins distraire, on s'interdit tout entretien et tout commerce, non-seulement au dehors, mais dans l'intérieur de la communauté. On interrompt ses emplois ordinaires, et l'on ne se réserve d'autre soin que de s'occuper de Dieu et de soi-même.

C'est dans ce silence et ce dégagement entier de toutes les occupations humaines que l'âme, comme rendue à elle-même, peut avec plus de liberté s'élever à Dieu, et qu'elle se trouve en état de méditer avec plus de réflexion les vérités éternelles. Elle rappelle, en la présence du Seigneur, toutes ses années. Elle reconnaît devant lui ses égarements. Elle en découvre les principes, elle y cherche les remèdes ; et après avoir pleuré ses lâchetés et ses tiédeurs passées, elle forme des résolutions et prend de solides mesures pour l'avenir.

Dieu, de sa part, ne lui manque pas. Dès qu'avec le secours de sa grâce une âme s'est mise en disposition de l'écouter et de lui répondre, c'est alors qu'il se fait entendre et se fait sentir à elle par de plus intimes communications. Lumières, inspirations, attraits, goûts spirituels, il n'y épargne rien. Il lui représente ses devoirs, il lui reproche ses infidélités. Il lui donne des vues de perfection toutes nouvelles ; il l'encourage à les suivre, lui en suggère les moyens, et par l'ardeur dont il l'anime lui en adoucit toutes les difficultés.

Il est rare avec cela qu'une communauté vienne à dégénérer de son premier esprit, et à le perdre : car la retraite est un des préservatifs les plus assurés contre les abus qui s'y pourraient glisser. Ou si peut-être la fragilité humaine, dont on n'est exempt nulle part, y ouvre l'entrée à quelques relâchements, du moins n'est-il pas aisé qu'ils y fassent beaucoup de progrès, ni qu'ils y passent en habitude, parce que la retraite est une des ressources les plus infaillibles pour en arrêter le coins et en empêcher la prescription.

Et il faut aussi convenir qu'il n'est rien de plus louchant ni rien de plus propre à faire impression, soit sur l'esprit, soit sur le cœur, que les grands sujets dont on s'entretient dans une retraite. Ce qui doit même leur donner une force et une vertu toute particulière, c'est l'enchaînement et l'ordre des méditations. L'une conduit à l'autre, et celle-ci soutient celle qui la suit. Ainsi, après une mûre considération de notre dernière fin dans l'éternité, qui est Dieu, et de notre fin prochaine en ce monde, qui est la sanctification de notre âme selon l'état où Dieu nous a appelés, on comprend sans peine les dommages infinis que le péché nous cause en nous éloignant de ces deux termes. On l'envisage comme le souverain mal, puisqu'il s'attaque au souverain être, et qu'il nous prive de notre souverain bien. On en conçoit de l'horreur; et de quelque manière qu'on le regarde, ou dans sa nature, ou dans ses circonstances, ou dans sis effets, il parait également difforme et digne de haine.

De cette vue du péché naissent les sentiments de componction et de repentir. Dans le regret qui la presse, l'âme s'humilie, se confond, a recours à Dieu, et pense à se rapprocher de lui par un prompt retour. Pour s'exciter de plus en plus à la pénitence, elle ajoute aux puissants motifs dont elle est déjà touchée les idées effrayantes de la mort, du jugement, de l'enfer. Enfin l'exemple de l'enfant prodigue, qu'elle se remet devant les yeux, achève de la déterminer ; et le voyant si favorablement reçu de son père, elle en lire tout à la fois une double leçon, et de ce qu'elle doit faire pour trouver grâce auprès de Dieu, et de ce qu'elle peut espérer d'un si bon maître et de son infinie miséricorde.

Ce ne sont là néanmoins encore que les premières démarches ; et ce serait peu de revenir à Dieu, ou ce serait n'y revenir qu'imparfaitement , si ce n'était dans le dessein de s'adonner à la pratique des vertus, et de tendre à toute la perfection que Dieu demande de nous. Voilà pourquoi l'on se propose ensuite Jésus-Christ pour guide et pour modèle. Après avoir trop longtemps vécu sous l'esclavage des sens, on se range, pour ainsi parler, sous l'étendard et sous l'empire de cet Homme-Dieu. Car toute notre sainteté consiste à le suivre; et nous ne sommes parfaits qu'autant que nous marchons sur ses traces, et que nous portons ses livrées et son image.

L'âme donc n'est plus désormais attentive qu'à

 

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le contempler et qu'à l'étudier. Depuis le moment de son incarnation divine, elle le suit dans les principaux mystères de sa vie cachée, de sa vie agissante, de sa vie souffrante, de sa vie glorieuse ; et dans chacun de ces mystères elle trouve de quoi s'instruire, et sur quoi se former. De l'un elle apprend l'humilité, de l'autre la pauvreté, d'un autre l'obéissance, de celui-là le mépris et la fuite du monde, de celui-ci l'amour du prochain et la charité. Tellement que de vertu en vertu, comme de degré en degré, elle s'avance jusqu'à ce pur amour de Dieu par où elle finit, et qui est l'accomplissement de toute justice.

Voilà le plan de cette retraite, et la liaison des sujets qui la composent. C'est à saint Ignace, fondateur de la compagnie de Jésus, que nous sommes redevables de cette excellente méthode; ou plutôt c'est à Dieu que nous la devons, puisque c'est de Dieu qu'il l'avait reçue lui-même. Les personnes religieuses trouveront ici cet avantage, que chaque sujet y est traité d'une manière conforme à leur état. Ce n'est pas que les autres retraites qui ont paru jusqu'à présent, et qui n'ont rien de particulier à l'état religieux, ne puissent d'ailleurs leur être utiles : mais après tout, comme la religion leur impose des devoirs propres, et les engage à des observances plus étroites et plus parfaites, on ne peut douter qu'une retraite et des méditations spécialement à leur usage ne leur soient encore beaucoup plus convenables et plus profitables.

Ce n'est pas non plus que les personnes engagées dans le monde ne puissent tirer du fruit de ces méditations, ni que cette retraite ne leur convienne en aucune sorte. Les vérités du christianisme sont toujours les mêmes dans le fond, et pour tous les états. Il n'y a de différence que dans l'application, et chacun peut se la faire à soi-même Selon la situation présente et la disposition de sa vie. A quoi l'on peut ajouter qu'au milieu même du monde il y a un grand nombre d'âmes vertueuses qui, plus régulières et plus ferventes que le commun des chrétiens, pratiquent la plupart des exercices de la profession religieuse, et se proposent d'en acquérir, autant qu'il leur est possible, ou d'en imiter la perfection.

Mais malgré les avantages de la retraite, on est du reste obligé de reconnaître qu'elle devient quelquefois infructueuse, et qu'on n'en voit pas tous les bons effets qu'elle est capable de produire. La raison est que nous n'y apportons pas toute la préparation nécessaire, ou de l'esprit ou du cœur. Car, suivant les règles ordinaires, Dieu n'agit en nous qu'autant que le cœur et l'esprit sont bien disposés; et c'est pour cela que l'Ecriture nous avertit, avant que d'aller à l'oraison, de rentrer en nous-mêmes et de préparer notre âme.

Le point le plus essentiel de cette préparation, et celui qui renferme tous les autres ou dont ils dépendent, est une intention droite et une vraie volonté d'apprendre à se bien connaître, et de travailler de bonne foi à se renouveler selon Dieu, et à se perfectionner. Sans cela il y a peu à compter sur une retraite ; et hors quelques sentiments de piété qui passent et qui ne vont à rien , on en sort tel qu'on y est entré. Si vous cherchez le Seigneur, cherchez-le. Cette expression du Prophète nous donne assez à entendre combien nous devons nous défier de nos prétendues bonnes volontés, et. que rien n'est plus sujet à l'illusion. Souvent on cherche Dieu, ou l'on se flatte de le chercher, quoiqu'on ne le cherche pas véritablement ; et souvent on pense vouloir être à lui, lorsqu'en effet on ne le veut pas.

Cet avis est général ; mais il ne faut pas craindre de dire que là-dessus on est encore plus exposé à se tromper soi-même dans les maisons religieuses, que parmi les gens du monde. Car quand un homme, une femme du monde se dérobent à leurs affaires temporelles, et viennent à certains temps se retirer dans la solitude, il n'y a guère lieu de croire qu'ils n'y soient pas conduits par l'Esprit de Dieu et par la seule vue de leur salut, puisqu'ils n'ont ni règle, ni devoir indispensable, ni aucune considération humaine qui les y obligent. Mais il n'en est pas de même à l'égard d'une communauté religieuse, où l'usage de la retraite est établi. C'est une observance dont on n'est pas maître de s'exempter; ou c'est au moins une coutume à laquelle on ne saurait manquer sans une espèce de scandale. D'où il arrive plus aisément que le motif des retraites qu'on fait soit autant la nécessité, la bienséance, l'exemple, qu'un désir sincère de changer et de se réformer.

On ne peut donc trop s'éprouver avant la retraite, ni trop s'excitera ce désir solide d'un saint renouvellement de soi-même. Assez de réflexions se présentent, dont chacune est capable de l'allumer. Le peu de bien qu'on a fait, celui qu'il y a dans la suite à faire, l'excellence de sa vocation, le danger d'une vie toujours lâche et imparfaite, un âge peut-être avancé et où il faut songer à mourir : toutes ces pensées et d'autres que Dieu inspire sont de puissantes raisons pour se réveiller de l'assoupissement où l'on est, et pour entreprendre les exercices spirituels dans un ferme dessein de se les rendre aussi salutaires qu'ils le peuvent être.

C'est de cette première disposition que suivront toutes les autres. Touché de ce sentiment, on n'omettra aucune des pratiques ni aucun des règlements qui sont marqués. On gardera un silence exact. On éloignera de son esprit tous les objets qui le pourraient dissiper, et l'on en détournera ses sens. On donnera à chaque exercice son heure, sa place, tout le soin et toute l'application qu'il requiert. On s'abandonnera à la grâce, et l'on ne refusera rien à Dieu, quoi que ce puisse être, et quelque effort qu'il en doive coûter.

Ce ne sera pas en vain. Dieu recherche même ceux qui le fuient : que fera-t-il pour une âme qui le désire et qui vient à lui? Il pourra peut-être la faire passer d'abord par quelque épreuve, et la laisser pour quelque temps dans une sécheresse de cœur, où elle demeurera sans goût et sans onction. Rien ne l'attachera ni ne l'affectionnera. Au contraire, elle tombera dans l'abattement et dans un ennui qui la rebutera. C'est sans doute un état

 

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pénible ; et l'on a besoin alors de courage pour se soutenir. Mais quand on sait persévérer, et que sans se relâcher un seul moment on attend en patience la rosée du ciel, Dieu souvent la l'ait descendre avec une telle abondance, qu'on en est tout pénétré. Les nuages peu à peu se dissipent, et les plus pures clartés succèdent aux plus épaisses ténèbres. On en peut croire une infinité de personnes qui l'ont expérimenté, et qui en portent témoignage. Combien ont commencé la retraite avec une froideur et une indifférence qui les affligeait et les désolait, mais l'ont finie dans des transports de dévotion qui les ravissaient, et y ont goûté les plus sensibles consolations !

Ce qui est d'autre part à craindre, et de quoi l'on doit se garantir comme du piège le plus subtil, c'est de faire trop de fond sur ces sortes de sensibilité, et de mesurer par là le fruit de la retraite. Les plus tendres affections et les mouvements les plus animés dans la méditation sont peu de chose, si l'on ne va pas plus loin, et qu'on ne les réduise pas à la pratique. Car c'est la pratique qui sanctifie, et tous les maîtres de la vie intérieure n'ont jamais beaucoup estimé de simples sentiments, quelque relevés et quelque dévots qu'ils fussent, à moins qu'on ne les accompagnât de saintes et de fortes résolutions. Ils ne se contentent pas même de cela : mais dans les résolutions qu'on prend, ils veulent que, sans se borner à des propositions vagues et indéterminées, on en vienne au détail; par exemple, qu'on s'applique à tel défaut où l'on se reconnaît plus sujet, et que, pour le corriger, on se propose d'user de tel moyen qu'on sait être plus suret plus efficace. Quelques-uns encore conseillent de marquer sur le papier ce qu'on a ainsi résolu et promis à Dieu, afin de se le représenter de temps en temps, et de se l'opposer à soi-même comme la condamnation de ses infidélités et de ses rechutes.

Ceci suffit pour concevoir quelque idée de la retraite, et de la conduite qu'on y doit tenir ; mais, pour en être mieux instruit, il n'y a qu'à voir la première méditation qui est à la tête de cette Retraite, et qui y sert comme d'entrée. Quoi qu'il en soit, on en apprendra plus par l'usage que par toutes les instructions. Car voilà surtout le caractère des choses de Dieu : on en connaît plus par soi-même dans l'exercice, que les paroles des plus grands maîtres n'en peuvent enseigner.

Le P. Bourdaloue étant accoutumé à parler solidement sur toutes les matières qu'il traitait, et à les développer dans toute leur étendue, on ne sera point surpris que la plupart de ses méditations et des considérations qu'il y a jointes soient un peu longues; mais chacun pourra choisir ce qui lui sera propre, et s'y arrêter : outre qu'il y a plusieurs personnes qui, pour fixer leur imagination naturellement vive et prompte à s'échapper, sont bien aises d'avoir un livre dont la seule lecture, avec quelques retours sur eux-mêmes, puisse utilement les occuper pendant tout le temps de l'oraison.

De plus, comme le P. Bourdaloue était fait aux manières de la chaire, il a mis au commencement de chaque méditation un texte de l'Ecriture, qui en exprime le sujet. Enfin, s'il conserve toujours se| esprit de prédicateur, et qu'il s'explique avec toute la liberté de l'Evangile sur les manquements et les imperfections ordinaires dans les communautés religieuses, les gens du monde ne peuvent raisonnablement s'en prévaloir contre l'état religieux On se porte partout soi-même et l'on a partout ses faiblesses ; mais avec cette différence entre le religieux et l'homme du siècle, que les faiblesses de l'un ne vont point à beaucoup près aux désordres et aux excès de l'autre. Ce qui parait répréhensible dans un religieux serait à peine remarqué dans un séculier. On lui en ferait même quelquefois une vertu ; et tel passerait dans le monde pour un saint, s'il voulait seulement s'assujettir à vivre dans sa condition, autant quelle le lui permet, comme vit dans le cloître le religieux le moins fervent.

 

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