ORAISON DOMINICALE

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ORAISON DOMINICALE.

 

ORAISON DOMINICALE.

COMMENT ELLE NOUS CONDAMNE; DE LA MANIÈRE  QUE NOUS LA RÉCITONS, ET DANS QUEL ESPRIT NOUS LA  DEVONS  RÉCITER.

PENSÉES DIVERSES SUR LA PRIÈRE.

 

COMMENT ELLE NOUS CONDAMNE; DE LA MANIÈRE  QUE NOUS LA RÉCITONS, ET DANS QUEL ESPRIT NOUS LA  DEVONS  RÉCITER.

 

Qu'est-ce que l'oraison dominicale? c'est le précis de toutes les demandes que nous devons faire à Dieu. Nous les lui faisons en effet chaque jour; nous récitons chaque jour cette sainte prière. Ce sont, dans les vues de Jésus-Christ, des demandes salutaires pour nous; mais dans la pratique et selon les dispositions de notre cœur, ce sont autant de condamnations que nous prononçons contre nous et voici comment :

Nous demandons à Dieu que son nom soit sanctifié, qu'il soit connu , béni, adoré par toute la terre ; et ce nom adorable du Seigneur, nous le profanons, nous le blasphémons. Ce souverain maître, ce créateur de toutes choses que nous reconnaissons digne des hommages de tout l'univers, nous le déshonorons par les désordres de notre vie, nous l'insultons jusques au pied de ses autels par nos scandales et nos irrévérences. Bien loin de nous employer à étendre sa gloire dans toutes les contrées du monde, nous ne prenons pas seulement soin de le faire servir et glorifier dans l'étroite enceinte d'une maison soumise à notre conduite; nous ne l'y glorifions ni ne l'y servons pas nous-mêmes : première condamnation.

Nous demandons à Dieu que son règne arrive: c'est-à-dire que, dès cette vie, il règne dans nous par sa grâce, et qu'en l'autre nous régnions avec lui  par la  possession de son royaume céleste. Mais ce règne de Dieu dans nous par la grâce, nous le détruisons par le péché. Sous l'empire de qui vivons-nous et voulons-nous vivre ? Sous l'empire du monde corrompu, sous celui de nos habitudes vicieuses, de nos passions déréglées. Voilà les maîtres qui nous gouvernent et dont nous aimons la domination, toute honteuse et tout injuste qu'elle est. Tellement qu'au lieu de soumettre notre cœur à Dieu, nous en bannissons Dieu, pour y établir en sa place ses plus déclarés ennemis. De là, nous ne pensons guère à ce royaume du ciel où Dieu nous appelle, et où il nous promit de nous faire régner éternellement avec lui et avec ses saints. Comme de vils animaux, nous avons toujours les yeux tournés vers la terre ; nous ne sommes occupés que de la vie présente, et c'est à cette vie terrestre et sensuelle que nous rapportons toutes nos vues, tous nos désirs, tous nos intérêts : seconde condamnation.

Nous demandons à Dieu que sa volonté se fasse sur la terre comme dans le ciel ; que toute sa loi soit observée, tous ses préceptes fidèlement gardés; que nous ayons là-dessus la même exactitude , la même diligence , la même pureté d'intention, la même ferveur et la même constance qu'ont ces esprits bienheureux dont il a fait ses anges et ses ministres : que, de quelque manière qu'il lui plaise disposer de nous en ce monde, il nous trouve toujours dociles, patients, résignés, et dans une parfaite conformité de cœur aux desseins de sa providence. C'est pour tous les hommes en général, mais spécialement pour chacun de nous en particulier, que nous lui faisons cette prière. Or , de bonne foi, comment pouvons-nous la faire, quand nous transgressons ses commandements avec tant de liberté et tant de facilité, quand nous résistons avec tant d'obstination à tous les mouvements intérieurs, à toutes les inspirations qu'il nous donne, et où il nous déclare ce qu'il veut de nous; quand nous n'accomplissons au moins qu'en partie et qu'avec des réserves et des négligences extrêmes ce qu'il nous prescrit, et ce que nous savons lui être agréable; quand, à la moindre disgrâce qui nous arrive, au moindre événement qui nous chagrine et qui nous mortifie, nous nous troublons, nous nous révoltons, nous éclatons en plaintes et en murmures ? Allons après cela lui faire des protestations d'obéissance et d'un sincère attachement à son bon plaisir ; toute notre conduite, tous nos sentiments démentent nos paroles : troisième condamnation.

Nous demandons à Dieu qu'il nous donne notre pain de chaque jour, et qu'il nous le donne dans le jour et pour le jour présent : rien davantage. Par où nous lui témoignons que nous nous contentons du nécessaire ; que nous ne voulons que le pain, et que notre pain; que nous ne prétendons point avoir le pain d'autrui, mais celui seulement qu'il nous a promis, et qui nous appartient comme un don de sa bonté paternelle ; que nous ne le voulons même

 

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qu'autant qu'il peut suffire dans le cours de la journée à notre subsistance et à nos besoins. Cette demande, prise dans son vrai sens, est sans contredit une des plus raisonnables et des plus modérées. Mais en effet, nous bornons-nous à ce nécessaire ? Avons-nous jamais assez pour remplir l'insatiable convoitise qui nous dévore ? Fussions-nous dans l'état le plus opulent; nous voulons toujours acquérir, toujours amasser, toujours accumuler biens sur biens. Non contents que Dieu nous fournisse l'aliment et le pain , nous portons bien au delà nos prétentions. Il faut que nous ayons de quoi soutenir d'excessives dépenses en logements, en ameublements , en équipages , en jeux, en parties de plaisir. Il faut que nous ayons de quoi satisfaire tous nos sens, de quoi leur procurer toutes leurs commodités et toutes leurs aises, de quoi mener une vie molle et délicieuse. Il faut que nous soyons dans le faste , l'éclat, la splendeur. Il le faut, dis-je , selon nos désirs désordonnés, et si les revenus dont on jouit ne sont pas assez amples pour cela, à quelles injustices a-t-on recours? quelles voies prend-on , tantôt de violence ouverte, tantôt d'adresse et d'industrie, pour enlever aux autres le pain qu'ils ont reçu de Dieu , et pour se l'approprier? épargne-t-on le pauvre, l'orphelin , la veuve? Et jusqu'où n'étend-on point ses vues dans l'avenir? Il semble que nous nous croyions immortels, et que nous devions au moins passer de plusieurs siècles cet aujourd'hui que le Fils de Dieu nous a toutefois marqué comme l'unique objet de nos soins, et où il veut que nous les renfermions : quatrième condamnation.

Nous demandons à Dieu qu'il nous remette nos offenses, et qu'il nous pardonne comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés. Terrible condition , comme nous pardonnons! car nous ne pardonnons rien, ni ne voulons rien pardonner; ou si, peut-être après bien des difficultés et de longues négociations, nous consentons à quelque accommodement, du moins attendons-nous qu'on fasse toutes les avances. Et comment encore pardonnons-nous alors? nous ne pardonnons que de bouche et qu'en apparence, sans pardonner de cœur. Nous ne pardonnons qu'à demi, voulant bien nous relâcher jusqu'à certain point, mais sans aller plus loin. De sorte que, malgré nos retours affectés et imparfaits, il nous reste toujours dans le fond un venin secret et une indisposition habituelle qui ne se produit que trop dans les rencontres, et ne se fait que trop sentir. D'où s'ensuivent les plus affreuses conséquences, savoir, qu'en demandant à Dieu qu'il nous remette nos offenses, comme nous remettons celles qui nous ont été faites, nous lui demandons qu'il ne nous en remette aucune, puisque de toutes celles que nous pouvons recevoir, il n'y en a pas que nous voulions remettre. Nous lui demandons que s'il se trouve en quelque manière disposé à se réconcilier avec nous , il nous laisse faire vers lui toutes les démarches, sans nous prévenir et sans nous rechercher par sa grâce : ce qui nous rendrait cette réconciliation absolument impossible. Nous lui demandons que s'il daigne se rapprocher de nous , ce soit seulement une réunion apparente, et que son cœur à notre égard demeure toujours dans le même éloignement et le même ressentiment. Nous lui demandons que si, par l'entremise de ses ministres, il veut bien nous donner l'absolution de nos péchés, ce ne soit qu'une demi-absolution, une absolution limitée, laquelle ne l'empêche point d'agir contre nous à toute occasion, et de travailler secrètement à notre ruine. Quelles prières et quelles demandes! Qui n'en doit pas être effrayé , pour peu qu'on y pense? Mais elles sont toutes néanmoins comprises dans cette règle : Pardonnez-nous comme noua pardonnons ; et c'est la cinquième condamnation.

Nous demandons à Dieu qu'il ne nous expose point à la tentation, surtout à certaines tentations que nous savons être plus dangereuses pour nous, et où notre faiblesse est plus en péril de succomber. Car quoique Dieu permette quelquefois que la tentation nous attaque malgré nous, et quoique nous devions alors en soutenir l'effort avec patience et avec courage, il veut du reste que nous la fuyions autant qu'il dépend de nous. et il trouve bon que nous lui adressions nos vœux pour en être délivrés. Mais voici l'énorme contradiction où nous tombons, et qui nous rend inexcusables: c'est que nous nous exposons aux tentations les plus violentes. On a cent fois éprouvé le danger prochain de telle ou telle occasion,et cependant on y demeure toujours; on ne peut ignorer combien cette liaison, combien ces conversations, ces entrevues, font d'impression sur le cœur, et à quels désordres elles sont capables de conduire, et cependant on n'y veut pas renoncer : on sait que le monde est plein de pièges et d'écueils ; on a l'exemple de mille autres qu'on y a vus et qu'on y voit sans cesse échouer malheureusement ; on a l'exemple de

 

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ses propres chutes, dont peut-être on ne s'est encore jamais bien relevé, et cependant on veut être du monde et d'un certain monde, c'est-à-dire d'un monde particulier qui plaît davantage, et dont on se sent plus touché; d'un monde qui excite plus nos passions, qui flatte plus nos inclinations ; d'un monde où l'innocence des plus grands saints eût fait un triste naufrage, et où la vertu des anges serait à peine en sûreté. On veut vivre dans ce monde, parmi ce monde, avec ce monde ; on veut avoir part a ses divertissements, à ses assemblées, à ses entretiens , sans égard à tous les risques qu'il y a à courir, et sans profiter de la connaissance qu'on a de son extrême fragilité. Il en est de même d'une infinité d'autres engagements, où l'on se jette en aveugle, quoique d'une volonté pleine et délibérée : engagements de professions et d'états, engagements d'emplois et de commissions, engagements d'affaires et d'intérêts. N'avons-nous pas bonne grâce alors de dire à Dieu : Seigneur, détournez de nous les tentations où nous pourrions nous perdre , et ne nous y abandonnez pas ! Et Dieu n'a-t-il pas droit de nous répondre : Pourquoi donc y restez-vous habituellement? pourquoi donc ne prenez-vous aucune des mesures que je vous inspire pour vous en défendre? Avec cela ne comptez ni sur moi ni sur vous-même : sixième condamnation.

Nous demandons enfin à Dieu qu'il nous délivre du mal. Le plus grand mal qu'il y ait à craindre sur la terre, c'est sans doute le péché ; et de tous les maux, le plus grand que nous ayons à éviter dans l'autre vie, c'est la damnation éternelle, où le péché conduit comme la cause à son effet. C'est donc particulièrement de l'un et de 'l'autre que nous demandons d'être préservés. Mais voulons-nous, si j'ose parler de la sorte, nous jouer de Dieu; prétendons-nous l'outrager en le priant, et lui faire insulte? Seigneur, lui disons-nous, que votre grâce nous garde du péché ! mais ce péché, nous l'aimons; mais ce péché, nous l'entretenons dans nous et nous l'y nourrissons ; mais ce péché, nous en faisons le principe de toutes nos actions, le ressort de toutes nos entreprises, l’âme de tous nos plaisirs, la douceur et l'agrément de toute notre vie. Je dis plus : nous en faisons notre idole et notre divinité ; nous le favorisons, ce péché, nous nous familiarisons avec lui, nous prenons sa défense; et si l'on veut nous en donner de l'horreur, c'est contre ceux mêmes qui travaillent à nous en détacher, que nous tournons toute notre haine. Ainsi nous laissons-nous entraîner dans cet abîme de malheurs qui en est le terme, et où nous ressentirons éternellement les coups de la vengeance divine. C'est là, c'est dans cette fatale éternité, qu'il n'y aura plus à demander que Dieu nous délivre de ce lieu de tourments où l'arrêt de sa justice nous aura précipités. Il fallait le demander plus tôt, et le bien demander. Nous l'aurons demandé pendant la vie, il est vrai : mais nous l'aurons demandé comme ne le demandant pas. Car c'est ne le pas demander, que d'y apporter, en le demandant, des obstacles invincibles; et Dieu pourra toujours nous reprocher que nous ne l'aurons pas voulu, ou bien voulu : septième et dernière condamnation.

Où donc en sommes-nous, et que ne sera pas capable de corrompre la malice de notre cœur, quand elle peut de la sorte pervertir la prière même, et la plus excellente de toutes les prières ? Je ne dis pas, à Dieu ne plaise ! la pervertir en elle-même ; c'est une prière toute divine, et qui garde partout son caractère de divinité : mais je dis la pervertir par rapport à nous, et au fruit que nous en devons retirer. Le dessein du Fils de Dieu, en nous la traçant, a été que ce fût pour tous les fidèles une source de grâces et de bénédictions : mais, par l'abus qu'en font la plupart des chrétiens en la récitant, elle ne peut qu'irriter le ciel, et qu'attirer sur nous ses anathèmes et ses malédictions. Faut-il pour cela nous l'interdire absolument, et ne la prononcer jamais ? autre malheur non moins funeste ni moins terrible. Ce serait nous excommunier nous-mêmes ; ce serait nous retrancher du nombre des enfants de Dieu, en ne l'honorant plus comme notre père ; ce serait, en quelque manière, nous séparer du corps de l'Eglise, en ne priant plus avec elle ni comme elle. Nous ne pouvons donc trop user d'une prière qui nous a été si expressément recommandée par Jésus-Christ. Si nous sommes justes, cette prière, dite avec une foi vive et une humble confiance, servira à notre avancement et à notre perfection. Si nous sommes pécheurs, cette prière, accompagnée d'un sentiment de pénitence, servira à fléchir le cœur de Dieu, et à nous remettre en grâce auprès de lui par une sincère conversion. Si même nous ne nous sentons point encore touchés d'un repentir assez vif, cette prière, jointe à un vrai désir d'être plus fortement attirés, servira à nous obtenir une grâce de contrition. Mais adressons-nous, pour en profiter, au divin Sauveur qui nous l'a enseignée, et demandons-lui

 

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que, comme il en est l'auteur, et qu'il nous l'a mise dans la bouche, il en soit, en nous animant de son esprit, le sanctificateur et le médiateur.

Il sera l'un et l'autre quand nous prierons selon les intentions que cet adorable Maître s'est proposées en nous apprenant lui-même à prier. Etudions-les, méditons-les, pénétrons-les ; et, pour y bien entrer, appliquons-nous chacun en particulier chaque demande , et disons à Dieu :

I. Notre Père qui êtes dans les cieux, que votre nom soit sanctifié. Dieu de majesté, Roi des rois et Seigneur des seigneurs, grand Dieu, ce ne sont point tous ces titres et tant d'autres que j'emploie pour vous intéresser en ma faveur et pour trouver accès auprès de vous. Vous êtes mon père, cela me suffit. Oui, vous l'êtes, Seigneur ; et tout ce que j'ai reçu de vous me le donne bien à connaître. Vous êtes le père de tous les hommes : mais j'ose dire que vous êtes encore plus particulièrement le mien que celui d'une infinité d'autres hommes, puisqu'il y a une multitude innombrable d'hommes et des peuples entiers que vous n'avez jamais prévenus des mêmes grâces que moi, ni favorisés des mêmes dons.

Cependant, mon Dieu, ce titre de père, qui m'est si cher et qui m'annonce vos miséricordes, ne me fait point oublier votre pouvoir suprême et votre souveraine grandeur; et s'il excite toute ma confiance, il ne m'inspire pas moins de respect et de vénération. Car vous êtes dans les cieux, ô Père tout-puissant ! et dans le plus haut des cieux. C'est là que vous avez établi le trône de votre gloire, là que vous faites briller toute votre splendeur, là que vous exercez votre empire au milieu de vos anges et de vos élus ; et quoique la lumière où vous habitez soit inaccessible, c'est la même néanmoins que vous nous ordonnez d'élever nos esprits, et de porter nos cœurs, d'adresser nos vœux. Recevez les miens, Seigneur, je vous les adresse. Ils sont sincères, et ils sont tels que vous le voulez. Par où puis-je mieux commencer que par vous-même ; et de toutes les demandes que j'ai à vous faire, quelle est la plus naturelle et la plus juste, si ce n'est que votre nom soit sanctifié?

Ce nom adorable, c'est votre essence divine, puisque vous vous appelez celui qui est ; ce sont vos infinies perfections, c'est tout ce que vous êtes. Or, que tout ce que vous êtes, ô mon Dieu, soit honoré comme il Je doit être, je veux dire du culte  le plus pur, le plus religieux, le plus saint. Que tout l'univers vous connaisse, vous glorifie, vous adore. Que tout ce qui est capable d'aimer s'attache inviolablement à vous, et ne s'attache qu'à vous. Tel est le désir le plus affectueux démon cœur, et le plus vif. Mais en vous le témoignant, touché d'une pieuse émulation que von? ne condamnerez point, Seigneur, j'ose ajouter que je voudrais, s'il était possible, moi seul vous aimer et vous glorifier autant que vous glorifient toutes vos créatures, et que vous aiment tous les esprits bienheureux et foutes les âmes justes.

Que dis-je, mon Dieu? ce ne sont là que des souhaits, toujours bons, puisque vous en êtes le principe, l'objet et la fin ; mais, au lieu de m'en tenir à des souhaits vagues et indéterminés, ce que je dois surtout vous demander et ce que je vous demande très-instamment, c'est qu'autant qu'il dépend de moi, selon ma disposition et mes forces présentes, je vous glorifie dans mon état; c'est que sur cela je ne me borne point à des paroles, mais que je passe à la pratique et aux effets ; c'est que par l'innocence de mon cœur, que par la ferveur de ma piété, que par la sainteté de mes œuvres,que par l'édification de mes mœurs, je vous présente chaque jour un sacrifice de louanges, et je vous rende jusqu'à la mort un hommage perpétuel.

II. Que votre règne arrive. Ah! Seigneur, qu'il arrive dans moi, ce règne si favorable et si désirable pour moi ! Et comment n'y est-il point encore arrivé? comment, dis-je, ô mon Dieu, n'avez-vous pas plus tôt régné sur toutes les puissances de mon âme, sur tous mes sens, soit intérieurs, soit extérieurs, sur tout moi-même? Car qu'y a-t-il en moi qui ne soit à vous, et qui, par la plus juste conséquence et l'obligation la plus essentielle, ne vous doive être soumis?

Il est vrai, vous régnez dans moi et sur moi nécessairement, et par la souveraineté inséparable de votre être. Vous êtes mon Dieu; et puisque vous êtes mon Dieu, vous êtes mon Seigneur: et parce qu'il ne dépend point de moi que vous soyez mon Dieu ou que vous ne le soyez pas, il ne dépend point non plus de moi que vous soyez ou ne soyez pas mon Seigneur. Mais comme je ne contribue en rien à ce règne de nécessité, dès qu'il est indépendant de ma volonté, il ne sert aussi qu'à relever votre gloire, et ne contribue en rien à ma perfection et à mon mérite. Ce n'est donc point là le règne que je vous demande. Je ne vous prie point qu'il s'établisse,

 

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puisqu'il est déjà tout établi. Mais, Seigneur, il y a un règne de grâce auquel je puis coopérer, et que vous avez fait dépendre de mon consentement et de mon choix. Je veux dire qu'il y a un règne tout spirituel où votre grâce prévient une âme, et où l'âme prévenue de cette grâce intérieure obéit volontairement et librement à toutes vos inspirations, se conforme en toutes choses et sans réserve à votre bon plaisir, exécute avec une pleine fidélité tous vos ordres, et n'a point d'autre règle de conduite que vos divins commandements, et votre loi. Je veux dire qu'il y a un règne d'amour où le cœur se donne lui-même à vous, et se met, pour ainsi parler, dans vos mains, afin que vous le possédiez tout entier, afin que vous le gouverniez selon votre gré, afin que vous lui imprimiez tel sentiment qu'il vous plaît, afin que vous le dégagiez de toute affection terrestre, de toute attache humaine, de tout objet qui n'est point vous ou qui ne le porte pas vers vous ; afin que vous le changiez en vous, et qu'il ne soit qu'un avec vous. Or voilà l'heureux et saint règne après lequel je soupire. Qu'il vienne, et qu'il détruise en moi le règne du péché, le règne du monde, le règne de l'amour-propre et de la cupidité, le règne de tous les désirs sensuels et de toutes les passions.

Je n'ai que trop longtemps vécu sous l'empire de ces injustes maîtres, et sous leur tyrannique domination. Je n'ai que trop longtemps gémi sous leur joug également honteux et pesant. En quel esclavage m'ont-ils réduit, et en quel abîme devaient-ils un jour me précipiter '.Béni soit le moment où vous daignez m'éclairer, Seigneur, et où je commence à ouvrir les yeux pour me reconnaître ! En rétablissant votre lègue au dedans de moi et en me conduisant, vous me remettrez dans la voie de ce royaume céleste, où vous m'avez préparé un trône de gloire et une couronne d'immortalité. C'est là que vous régnez sur tous les chœurs des anges et sur tous vos élus, que vous avez rassemblés dans votre sein pour être leur éternelle et souveraine béatitude; c'est là que vous m'attendez, c'est dans ce séjour bienheureux : ut quand y entrerai-je ?

Hélas ! mon Dieu, malgré la vue que la foi me donne de cette sainte patrie où je dois sans cesse aspirer, je sens néanmoins toujours le poids de la misère humaine qui me retient, qui m'appesantit, qui m'attache à ce monde visible et à mou exil, qui me fait craindre la mort et aimer la vie présente. Mais, Seigneur, ce sont les sentiments d'une nature faible et aveugle, que je désavoue. Qu'elle y répugne ou qu'elle y consente, tous mes vœux s'élèvent vers le ciel. Que votre règne arrive. Que mon âme, dégagée des liens de cette chair corruptible qui l'arrête, puisse elle-même arriver bientôt à la terre des vivants. Car ce n'est ici que la région des morts ; et je serais bien ennemi de moi-même si, pour une vie périssable et sujette à tant de calamités, je voulais prolonger mon bannissement, et retarder la jouissance démon unique et suprême bonheur.

III. Que votre volonté se fasse sur la terre comme dans le ciel. Ainsi soit-il, ô mon Dieu ! et est-il rien, Seigneur, de plus conforme à la droite raison et à la justice? est-il rien de meilleur pour moi que l'accomplissement de vos adorables volontés? Etre des êtres et Créateur du monde, c'est par votre volonté que tout subsiste, et par votre volonté que tout doit agir. Y contrevenir en quelque sujet que ce puisse être, c'est un attentat contre l'autorité la plus légitime et contre les droits les plus inviolables.

Or voilà les désordres dont je dois néanmoins m'accuser devant vous et me confondre. Vous m'avez donné votre loi, et tant de fois je l'ai violée! Vous m'avez assujetti aux ordonnances de votre Eglise, et tant de fois je les ai transgressées? Vous m'avez pressé intérieurement par les saintes inspirations de votre esprit, et tant de fois j'y ai résisté ! Vous m'avez exhorté par la voix de vos ministres, vous m'avez sollicité par leurs avertissements et leurs instructions, et tant de fois j'ai refusé de les entendre ! Si pour fléchir mon cœur rebelle, et pour me faire rentrer dans le devoir d'une obéissance filiale, vous m'avez châtié par des adversités et des souffrances, bien loin de me rendre, je n'ai cherché qu'à repousser vos coups; et si vous me les avez fait sentir malgré moi, ils n'ont point eu d'autre effet que d'exciter mes impatiences et mes plaintes.

Voilà, mon Dieu, comment j'ai passé toute ma vie dans une indocilité et une rébellion continuelle. J'en rougis, je m'en humilie en votre présence, je vous en témoigne mes regrets : mais ce n'est pas assez. Il faut, Seigneur, qu'une soumission entière et sans réserve répare toutes mes résistances et toutes mes révoltes. Parlez, mon cœur est ouvert pour vous écouter ; ordonnez, me voici prêt, pur votre grâce, à tout entreprendre et à tout exécuter. Vous plaît-il de m'abaisser ou de m'élever, de m'affliger ou de me consoler, de traverser mes desseins ou de les favoriser ? de

 

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quelque manière que vous me traitiez, vous êtes le maître, et je n'ai plus d'autre sentiment à prendre que celui de Jésus-Christ même, lorsqu'il vous disait : Mon Père, que votre volonté s'accomplisse, et non la mienne.

Et en effet il est bien de mon intérêt, ô mon Dieu, que ce ne soit pas ma propre volonté qui me gouverne, mais la votre. Votre volonté est droite, et la droiture même ; elle est sage, et la sagesse même ; elle est sainte, et la sainteté même ; elle est bienfaisante, et la bonté même. Mais qu'est-ce que ma volonté propre ? une volonté aveugle et conduite par des guides aussi aveugles qu'elle, qui sont les sens et les passions ; une volonté libertine et indocile, qui ne peut s'accoutumer au joug, ni souffrir la gêne et la dépendance ; une volonté capricieuse et sujette à mille changements, selon le goût et les humeurs qui la gouvernent; une volonté criminelle et dépravée, que le péché a corrompue, et qui d'elle-même tend encore sans cesse vers le péché. Ah ! Seigneur, ne me livrez pas à ses égarements, ni à la fausse liberté dont elle est si jalouse. Ne me livrez pas à moi-même ; mais, par quelque voie que ce soit, daignez réduire cette volonté dure, et redoublez, s'il est nécessaire, vos plus rudes coups pour la dompter.

Car il faut que toute volonté humaine vous soit assujettie ; et, sans parler des autres hommes que vous n'avez point commis à mes soins, il faut que je n'aie plus d'autre volonté que la vôtre ; il faut que vous soyez obéi dans moi et par moi, comme vous l'êtes dans le ciel et par vos anges bienheureux : voilà le modèle que vous me proposez, et que je dois me proposer moi-même. C'est-à-dire, mon Dieu, que je dois avoir la même dépendance, pour ne rien faire que par vos ordres et selon votre bon plaisir; la même fidélité pour n'omettre rien de tout ce qui m'est prescrit, et de tout ce que je sais vous plaire, la même pureté d'intention, pour ne chercher que vous en toutes choses, et pour les rapporter toutes à votre gloire ; la même assiduité et la même persévérance, pour ne me point rebuter des difficultés, et ne me lasser jamais de votre service ; la même ferveur et le même zèle, pour agir toujours avec un amour prompt, vif et fervent. Vous servir autrement, Seigneur, ce ne serait plus vous servir en Dieu.

IV. Donnez-nous aujourd'hui notre pain de chaque jour. Oserai-je le dire? dès que vous êtes notre pore, Seigneur, et que vous êtes notre maître, cette double qualité vous engage, et comme père à nourrir vos enfants, et comme maître à entretenir vos serviteurs. Ainsi votre prophète nous l'a-t-il promis de votre part et en votre nom. Parmi les merveilles de votre divine providence et de votre miséricorde infinie, il compte le soin que vous prenez de fournir à la subsistance de ceux qui vous saignent. Mais il n'en dit point encore assez, ô mon Dieu ! et vous portez bien plus loin vos soins paternels. Non-seulement vous nourrissez vos enfants qui vous aiment et vos serviteurs qui vous craignent, mais vos ennemis mêmes qui vous renoncent et qui vous blasphèment, mais les plus vils animaux dont vous n'êtes point connu et jusqu'aux moindres insectes, mais tout ce qui a vie, ou dans les airs, ou dans les abîmes de la mer, ou dans toute l'étendue de la terre.

Je viens donc à vous comme à la source de tous les biens. Ce n'est point une avidité insatiable qui m'amène à vos pieds ; mais j'y viens comme un pauvre, vous demander le pain qui m'est nécessaire. Je viens, dis-je, Seigneur, vous exposer mon état, même temporel, puisque vous ne vous contentez pas de pourvoir aux nécessités de l’âme, et que votre vigilance vous rend encore attentif aux besoins du corps. Si vous n'y aviez pensé continuellement depuis le moment de ma naissance, aurais-je pu subsister jusqu'à ce jour? et si vous cessiez présentement d'y penser, en quelle indigence tomberais-je bientôt, et à quelles extrémités me trouverais-je réduit? Soyez béni de tout ce que j'ai déjà reçu de votre main secourable, et dans la suite ne la fermez pas jusqu'à me refuser l'aliment dont je ne puis me passer, et le pain qui me doit soutenir.

Car quand je viens vous représenter mon état, Seigneur, et mes besoins temporels, je ne prétends obtenir de vous autre chose que le pain ; je veux dire ce qui me suffit, non-seulement pour moi, mais pour tous ceux qu'il vous a plu me confier, et à qui je suis redevable d'un entretien honnête et conforme à leur condition. C'est là que je borne mes désirs, sans les étendre à un superflu qui me serait inutile, qui me deviendrait pernicieux et nuisible par l'abus que j'en ferais, qui allumerait mes passions, qui servirait de matière à mon orgueil pour s'enfler, et à ma sensualité pour satisfaire ses appétits les plus déréglés. Peut-être vous l'ai-je demandé jusqu'à présent, ce superflu; peut-être ai-je travaillé à l'acquérir, et l'ai-je acquis en effet : mais si c'est contre votre gré que je le possède, je ne vous prie

 

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point de me le conserver, et je vous prierais plutôt de me l'enlever. Quoi qu'il en soit, et quoi que vous jugiez à propos d'ordonner là-dessus, une juste médiocrité pour moi et pour bus ceux dont vous m'avez chargé, voilà, mon Dieu, de quoi je dois être content, et pourquoi j'implore votre assistance. C'est la prière que vous fit autrefois le plus sage des rois d'Israël, et ce fut une prière selon votre cœur.

Ainsi je vous dis comme lui, et dans le même sentiment que lui : Ne me donnez ni la grande pauvreté, ni la grande richesse ; mais accordez-moi seulement ce qu'il me faut pour vivre (1), avec la décence et avec la modestie convenable à mon état. Encore, mon Dieu, ce que j'ose vous demander, ce n'est point absolument que je le demande, mais autant que vous verrez qu'il me peut être utile et salutaire; ce n'est point avec inquiétude sur l'avenir, ni par une trop longue prévoyance, mais c'est seulement pour aujourd'hui, et avec une confiance entière pour le jour suivant. Demain, je vous présenterai mes vœux tout de nouveau ; et il est bien juste que chaque jour je reconnaisse devant vous mon indigence, que chaque jour je rende hommage à votre pouvoir souverain, et que chaque jour je sois obligé de recourir à vous pour ce jour-là même. De cette sorte, ô Dieu infiniment libéral et magnifique dans vos dons, je puis me reposer sur vous pour toute la suite de mes jours, et compter sur les trésors de votre providence, qui sont inépuisables. Ce ne doit point être une confiance oisive et présomptueuse. Vous voulez que je fasse tout ce qui dépend de moi ; et quanti je l'aurai fait, et que je me confierai en vous, vous ne me manquerez point, comme vous ne m'avez encore jamais manqué.

V. Pardonnez-nous nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés. Hé quoi! Seigneur, malgré toutes ces qualités de créateur, de père, de maître, de conservateur, que je reconnais en vous et que j'y ai toujours reconnues, ai-je donc pu vous offenser ? ai-je pu m’élever contre vous? ai-je pu me séparer de vous et vous renoncer? Ah! Dieu de miséricorde, il n'est que trop vrai, et je m'en suis déjà confondu à vos pieds. Mais agréez encore l’humble confession que j'en fais, et que je ne paierai point de renouveler jusqu'au dernier moment de ma vie, dans l'absolue et affreuse incertitude où je suis si vous m'avez pardonné.

Je sais que je suis pécheur, non-seulement parce que je puis pécher, mais parce qu'en

 

1 Prov., XXX, 8.

 

effet j'ai péché et que je pèche tous les jours. Je sais que la multitude de mes péchés est sans nombre ; et si votre Prophète se croyait chargé de plus d'iniquités qu'il ne portait de cheveux sur sa tête, à combien plus forte raison puis-je dire de moi ce qu'il disait de lui-même en s'accusant et se condamnant? Je sais que tout péché est une dette dont le pécheur doit vous rendre un compte exact, et dont vous exigez, selon la loi de votre justice, une digne satisfaction : d'où il s'ensuit qu'ayant toujours jusqu'à présent accumulé péchés sur péchés, je n'ai fait dans tout le cours de mes années, qu'accumuler dettes sur dettes. Quel poids! quelles obligations ! quelle matière de jugement, et quels sujets de condamnation! Juge redoutable, il me semble que j'entends tous vos foudres gronder autour de moi ; et que ferai-je pour les conjurer? Il me semble que dans l'ardeur de votre courroux, je vous vois prendre le glaive, lever le bras, vous disposer à nie frapper ; et comment pourrai-je parer aux coups dont je suis menacé ? Toute mon âme en est saisie de frayeur, tous mes sens en sont troublés. Confus, interdit, tremblant, que vous dirai-je? Ah! je me trompe, ô mon Dieu! j'ai votre parole même à vous représenter. Parole authentique, solennelle, infaillible ; car vous avez dit : Pardonnez, et on vous pardonnera ; remettez aux autres leurs dettes, et ce que vous devez vous sera remis (1). C'est l'oracle le plus exprès ; et comme il est sorti de votre bouche, et que vous ne pouvez vous démentir, c'est la promesse la plus favorable pour moi et la plus immanquable.

De grand cœur, ô mon Dieu, j'accepte la condition. Elle m'est trop avantageuse pour la refuser. Si j'ai été offensé en quelque chose, de quelque part que ce soit et quoi que ce soit, je le pardonne, je le pardonne entièrement; je le pardonne, non point seulement de bouche, ni en apparence, mais sincèrement, mais affectueusement, mais cordialement ; je le pardonne pour vous, et par une pleine obéissance à votre divin commandement. Telle est, à ce qu'il me paraît, ma disposition intérieure, ou du moins je veux, avec votre aide et par votre aide, qu'elle soit telle. Ce n'est pas que, malgré moi, il ne puisse rester encore dans mon cœur quelque impression capable de l'aigrir; mais vous savez que je la désavoue, et pour l'heure présente , et pour toute la suite de ma vie ; vous savez que je veux la combattre en toute rencontre , vous savez que je veux en réprimer

 

1 Luc, VI, 37, 38.

 

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tous les sentiments , et en effacer peu à peu jusqu'aux moindres vestiges. Avec cela, Seigneur, Dieu de charité, Dieu d'amour, vous me permettez de venir à vous, et de vous dire : Pardonnez-moi parce que je pardonne, et comme je pardonne. Je fais ce que vous m'avez ordonné , et j'ose me répondre , avec une humble confiance, que vous ferez ce que vous m'avez promis.

VI. Et ne nous exposez point à la tentation. Qu'est-ce, mon Dieu, que la vie de l'homme? c'est une guerre perpétuelle. D'être donc exempt de toute tentation , de n'avoir jamais ni efforts à faire, ni victoires à remporter; de vivre dans un calme inaltérable et dans une paix parfaite sur cette mer orageuse du monde où nous passons, c'est à quoi je ne puis m'attendre, et ce que je ne dois pas même vous demander, puisque ce serait un miracle, et qu'à un pécheur comme moi il n'appartient pas de vous demander des miracles et de les obtenir. Il est même de votre providence et de notre bien que nous ayons tous nos tentations, afin que nous ayons de quoi vous prouver notre fidélité, et que vous ayez de quoi nous récompenser. Aussi vos saints ont-ils été d'autant plus éprouvés qu'ils étaient plus saints, et sont-ils encore devenus dans la suite d'autant plus saints qu'ils étaient plus éprouvés. Il n'y a pas jusqu'à l'Homme-Dieu, votre Fils adorable et le Saint des saints, qui, dans les jours de sa vie mortelle, a voulu, pour notre exemple, être assailli de la tentation, et nous apprendre à la surmonter. Après cela, qui refuserait le combat refuserait la couronne; et qui ne voudrait avoir nulle part au travail ne voudrait avoir, ni n'aurait en effet, nulle part à la gloire.

Mais, mon Dieu, si la tentation me doit être salutaire, c'est par votre grâce ; car que suis-je de moi-même, qu'un faible roseau ou qu'un vase fragile, toujours en danger de se briser? A chaque pas je tomberais, à chaque occasion je rendrais les armes, et je céderais aux attaques de l'ennemi, à moins que le secours de votre bras tout-puissant ne me prévienne partout, ne m'accompagne partout, ne me suive et ne me soutienne partout. Or c'est ce secours, c'est cette grâce que je vous demande, quand je vous supplie de ne m'exposer point à la tentation, c'est-à-dire de ne m'y point abandonner à moi-même, de ne m'y laisser point succomber; de ne permettre point que je m'engage en certains périls où vous prévoyez que ma vertu me manquerait et que je me perdrais ; de redoubler à certains temps, en certaines occurrences plus dangereuses et plus fatales, votre attention sur moi pour veiller à mon salut, et votre divine protection pour me défendre et me garder. Dieu de mon âme et son Sauveur, souvenez-vous du prix qu'elle vous a coûté, et ne souffrez pas que le démon , que le monde, que la chair vous enlèvent ce que vous avez racheté de votre sang.

Mais que fais-je? cette âme si précieuse, je la recommande à vos soins; et de ma part je la néglige, je n'en prends nul soin, je la hasarde tous les jours, sans réflexion, sans précaution, comme si je n'en tenais aucun compte, ou qu'au milieu de tant d'écueils et de tant de pièges, il n'y eût rien à craindre pour elle. Ah! puissiez-vous, Seigneur, me faire la grâce tout entière ! puissiez-vous , en veillant vous-même à ma conservation , exciter encore ma vigilance pour y travailler avec vous ! Car vous voulez que j'y travaille, et si je ne seconde pas vos soins paternels, ils resteront sans effet. Vous voulez que j'use de cette armure céleste dont nous parle votre Apôtre, lorsqu'il nous dit, et qu'il nous le dit en votre nom : Revêtez-vous des armes de Dieu, afin de pouvoir résister dans le temps fâcheux. Tenez-vous toujours en état, ayant la vérité pour ceinture autour de vos reins, et la justice pour cuirasse. Prenez en toute rencontre le bouclier de la foi, le casque du salut et le glaive de l'esprit, qui ta la parole de Dieu (1). Tout cela, mon Dieu, m'enseigne à mettre en œuvre, pour me préserver , tous les moyens que me fournit la sainte religion que je professe. Tout cela m'apprend à me prémunir de la prière, de votre divine parole , de vos sacrements , de tous les exercices que votre Eglise nie prescrit, et que la piété chrétienne me suggère. Autrement je ne puis voir le monde, ni m'engager dans le monde sans m'exposer témérairement à la tentation. Or, m'y exposer par une aveugle témérité, ce serait me rendre indigne de votre assistance , ce serait courir à ma perte, et je ne l'ai déjà que trop connu par de funestes épreuves. Heureux au moins si, de mes malheurs et de mes égarements passés, je lire cet avantage, de savoir mieux désormais me tenir en garde et me précautionner!

VII. Mais délivrez-nous du mal. Vous ne me défendez pas, Seigneur, de vous demander la délivrance des maux temporels, de l’infirmité, de la pauvreté, de la douleur, de tous les revers et de tous les accidents qui peuvent survenir et troubler le repos de ma vie. Je vous dois

 

1 Ephes., VI, 13-17.

 

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même de continuelles actions de grâces, et je ne puis assez vous témoigner ma reconnaissance de tous ceux dont il vous a plu jusques à présent me délivrer, sans que je l'aie su, et de ceux dont vous me délivrez encore tous les jours, sans que je le voie ni que j'en sois instruit. Car telle est l'efficace et la douceur de votre providence, ô mon Dieu ! par des voies secrètes, et qui nous sont inconnues, vous nous sauvez de mille dangers que nous n'apercevons pas, et dont il n'y a que vous qui puissiez nous garantir. Soyez-en loué, béni, glorifié.

Mais, Seigneur, outre ces maux qui ne regardent que le corps et que la vie présente, il m'est bien plus important d'être délivré de ces maux spirituels, de ces maux éternels, de ces maux extrêmes et essentiels, qui vont à la ruine totale de l'homme, et qui lui causent un dommage infini et irréparable. Tous les autres maux, en comparaison de ceux-ci, ne doivent plus être même comptés pour des maux : et comme il n'y a proprement qu'un seul bien, qui est le souverain bien, il n'y a proprement qu'un seul mal, qui est le souverain mal. Or ce souverain mal, c'est le péché, et, en conséquence du péché, la damnation. Si donc, pour me mettre à couvert de l'un et de l'autre, il est nécessaire que j'éprouve quelque autre mal que ce soit, ah ! mon Dieu, je ne demande plus que vous m'épargniez en ce monde. Frappez, s'il le faut, et autant qu'il le faut; renversez, brûlez, tourmentez; je m'offre moi-même, et je me présente à votre justice. Quelque douloureux et quelque sensibles que puissent être ses coups, je les recevrai comme des coups de grâce, pourvu qu'ils servent à détruire en moi le péché, à déraciner le péché, à punir le péché, à couper court au péché, à prévenir les rechutes dans le péché, à me faire enfin éviter par là cet affreuse réprobation qui doit être dans l'éternité tout entière le châtiment du péché.

Pour cela, Seigneur, daignez me délivrer du malin esprit, je veux dire de l'esprit d'intérêt et d'avarice, de l'esprit d'ambition et d'orgueil, de l'esprit d'impureté et d'intempérance, de l'esprit de colère, de vengeance, d'animosité; de l'esprit d'erreur, de tromperie, de mensonge; de toutes les habitudes du vice, de toutes les convoitises des sens, de toutes les passions de mon cœur, et de toutes leurs illusions : car voilà tout ce que je comprends sous ce terme de malin esprit, capable, en me portant incessamment au péché, de m’entraîner dans le précipice, et de me perdre sans ressource avec lui.

Dieu du ciel et de la terre, seul puissant et grand, seul juste et saint, seul bon et miséricordieux, vous écouterez les vœux que je viens de vous adresser. Si de moi-même je les avais conçus et formés, et si je ne vous les adressais qu'en mon nom, ah ! Seigneur, je me défierais de mon aveuglement, qui pourrait me tromper; je me défierais de ma bassesse et de mon néant, qui me rendraient indigne d'être exaucé. Mais c'est votre Fils unique, la sagesse incréée, qui de point en point m'a tracé lui-même tout ce que je devrais demander. C'est lui-même qui prie dans moi, qui prie avec moi et pour moi. Considérez votre Christ; jetez les yeux, non point sur une vile créature telle que je suis, non point sur un pécheur plus vil encore et plus méprisable, mais sur le divin Sauveur dont j'interpose auprès de vous la médiation, et dont j'emploie pour vous fléchir les mérites infinis. De toutes les demandes que je vous ai faites, il n'y en a pas une qui n'ait été selon son esprit et selon le vôtre. Je les ai faites avec confiance, et c'est avec le même sentiment que je les renouvelle, et que j'en attends de votre grâce l'heureux accomplissement.

 

PENSÉES DIVERSES SUR LA PRIÈRE.

 

Il en est de la prière comme de la piété. Elle est plus dans le cœur que dans l'esprit, et elle consiste plus dans le sentiment que dans le raisonnement. On a donné bien des règles de l'oraison, on en a tracé bien des méthodes; les livres en sont remplis, et on en a composé des volumes entiers. C'est à ce sujet que les maîtres de la vie spirituelle se sont surtout attachés, et là-dessus ils ont déployé toute leur doctrine. Rien de plus solide que leurs enseignements, rien de plus sage ni de plus saint. Etudions-les. respectons-les, suivons-les; mais du reste,sans rien rabattre de l'estime que nous leur devons, je ne feins point de dire que la grande méthode d'oraison, la méthode la plus efficace et la plus prompte, c'est d'aimer Dieu : non pas que j'entende ici un amour de Dieu, tel que l'ont conçu de nos jours de faux mystiques, justement condamnés et frappés des foudres de l'Eglise. Leurs principes font horreur, et les conséquences en sont affreuses ; mais j'entends un amour véritable, un amour chrétien, c'est-à-dire un amour ennemi de tout vice, un amour agissant et fervent dans la pratique de toutes les vertus, un amour toujours aspirant à la possession de Dieu, et se nourrissant des espérances éternelles.

 

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Avec cet amour on est tout à coup homme d'oraison. Car faire oraison , c'est s'occuper de Dieu, c'est converser avec Dieu , c'est s'unir à Dieu dans le fond de l'âme : or tout cela suit de l'amour de Dieu. Aimons Dieu : dès que nous l'aimerons, nous irons à la prière avec joie, nous y resterons sans dégoût et même avec consolation ; quelque temps que nous y ayons employé , nous en sortirons avec peine, comme ce célèbre anachorète saint Antoine, qui le matin se plaignait que le soleil en se levant vînt troubler l'entretien qu'il avait eu a\ec Dieu pendant le cours de la nuit. Mais encore que dirons-nous à Dieu? Eh? que disons-nous à un ami ? nous faut-il beaucoup d'étude et de grands efforts d'imagination pour soutenir une conversation avec lui, et pour lui témoigner nos sentiments? Nous dirons à Dieu tout ce que le cœur nous dictera : le cœur, dès qu'il est touché, ne tarit point; réflexions, affections, résolutions ne lui manquent point. Rien ne le distrait de son objet, rien ne l'en détourne : d'un premier vol, et conduit par la grâce, il s'y porte , il s'y élève, il y demeure étroitement attaché. Ne cherchons point d'autre guide dans les voies de l'oraison, ne cherchons point d'autre maître que le cœur; nous apprendrons tout à son école, s'il est plein de l'amour de Dieu.

Quand nous prions , ce sont des grâces que nous demandons, et non des dettes que nous exigeons. Qu'avons-nous donc à nous plaindre, lorsqu'il ne .plaît pas à Dieu de nous écouter? n'est-il pas maître de ses grâces?

Etrange témérité de l'homme, quand nous trouvons mauvais que Dieu n'ait pas exaucé nos prières, et que nous nous en faisons une matière de scandale! Il est vrai : Jésus-Christ nous fait entendre que tout ce que nous demanderons en son nom, son Père nous raccordera; mais cette promesse, toute générale et tout absolue qu'elle parait, est néanmoins conditionnelle ; c'est-à-dire qu'elle suppose que nous demanderons ce qu'il convient de demander, et que nous le demanderons comme il convient de le demander. Je dis ce qu'il convient de demander, soit par rapport à la gloire de Dieu, soit par rapport aux vues delà providence de Dieu, soit par rapport à nous-mêmes et à notre propre salut. J'ajoute comme il convient de le demander: tellement que notre prière soit accompagnée de toutes les dispositions intérieures et extérieures de l'esprit et du cœur, d'où dépend son efficace et sa vertu. Qu'une de ces deux conditions vienne à manquer, la parole du Fils de Dieu n'est plus engagée pour nous ; elle ne nous regarde plus.

De là il nous est aisé de voir combien nos murmures sont téméraires, toutes les fois que nous nous élevons contre Dieu, parce qu'il semble ne pas avoir agréé nos demandes, et qu'il n'y a pas répondu selon que nous le souhaitons. Car, afin que nos plaintes sur cela aient quelque apparence de raison, et que nous puissions les croire en quelque sorte bien fondées , il faut que nous soyons persuadés de deux choses : 1° Que nous avons demandé ce qu'il convenait de demander ; et par conséquent que dans notre prière et dans la demande que nous avons faite , nous avons parfaitement connu ce qui était convenable à l'honneur de Dieu, convenable aux desseins de sa sagesse, convenable à notre souverain intérêt et à notre prédestination éternelle; que nous ne nous sommes point trompés là-dessus, mais que nous en avons su pénétrer tout le mystère et découvrir tout le secret. 2° Que nous avons demandé comme il convenait de demander, en sorte que nous y avons apporté toute la préparation absolument requise; c'est-à-dire que nous avons prié avec des sentiments assez humbles, avec une réflexion assez attentive, avec une foi assez ferme, avec une ardeur assez affectueuse, avec un respect assez religieux, avec une persévérance assez constante pour rendre notre prière digne de Dieu et propre à le fléchir : voilà, dis-je , de quoi nous devons être convaincus, si nous prétendons être en droit de murmurer et d'en appeler à la parole de Jésus-Christ. Or compter sur tout cela, n'est-ce pas une présomption insoutenable? n'est-ce pas un orgueil seul capable d'arrêter les grâces de Dieu?

Prions, et prions sans cesse, ainsi que l'ordonne l'Apôtre ; mais si notre prière demeure sans effet, gardons-nous de nous en prendre à Dieu, et de nous élever pour cela contre Dieu : disons qu'il a des vues supérieures aux nôtres, et qu'il sait ce qu'il nous faut beaucoup mieux que nous ne le pouvons savoir; disons qu'apparemment nous nous sommes trompés, en regardant comme un avantage la grâce que nous lui demandions; et que s'il nous la refuse, c'est qu'il en pense tout autrement que nous, et que, suivant les sages dispositions de sa providence, il ne voit pas que ce soit un bien pour nous ; disons que c'est à nous de demander, mais à Dieu de rectifier nos demandes en y répondant, non pas toujours selon nos désirs, qui communément sont très-aveugles, mais de

 

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la manière et dans le temps qu'il juge plus convenable ; disons encore que si notre prière n'a pas été absolument défectueuse quant au fond, il est bien à craindre qu'elle ne l'ait été quant aux conditions; en un mot, disons et confessons de bonne foi que, quoi que nous fassions, nous sommes toujours indignes des faveurs divines. Nous ne pouvons mieux mériter l'accomplissement de nos vœux, qu'en reconnaissant que nous ne méritons rien.

Comme dans la vie humaine, et dans le commerce que nous avons entre nous, il y a des gens féconds en paroles, et qui nous font les plus longs discours sans rien dire, il y en a de même, par une espèce de comparaison, dans la vie chrétienne et dans le commerce que nous avons avec Dieu par la prière. Ils récitent de longs offices, ils y passent des heures entières, mais sans recueillement et sans dévotion. Qu'est-ce que cela? c'est parler beaucoup à Dieu, et ne le point prier.

Il y a une prière de l'esprit, du cœur, de la parole : de l'esprit par la réflexion, du cœur par l’affection, et de la parole par la prononciation. Mais outre ces trois sortes de prières, je puis encore ajouter qu'il y a une prière des livres par la pratique et l'action; et voici comment je l'entends. Saint Augustin disait: Celui-là sait bien vivre, qui sait bien prier ; et je dis, en renversant la proposition : Celui-là sait bien prier, qui sait bien vivre. La pensée de ce saint docteur est que dans la prière et par la prière nous nous instruisons de tous les devoirs d'une vie chrétienne, nous nous y affectionnons, et nous obtenons les grâces nécessaires pour les accomplir : et je veux dire, par un retour très-véritable, que d'accomplir fidèlement tous ses devoirs, que de s'occuper, de travailler, d'agir dans son état selon la volonté et le gré de Dieu, c'est prier : pourquoi? parce que c'est tout à la fois, et honorer Dieu, et l'engager, en l'honorant de la sorte, à nous favoriser de ses dons, qui sont les fruits de la prière. Observation importante, et bien consolante pour une infinité de personnes qui se plaignent de leur condition, parce qu'elle ne leur permet pas, disent-ils, de vaquer à la prière, et qu'elle ne leur en laisse pas le loisir. Outre qu'on peut prier partout, et que partout on en a le temps, puisque partout on est maître d'élever son âme à Dieu et de lui adresser les sentiments de son cœur, je prétends que ces mêmes occupations, qu'on regarde comme des obstacles au saint exercice de la prière, sont tout au contraire des prières elles-mêmes, et des prières très-efficaces auprès de Dieu, quand on les prend dans un esprit chrétien, et qu'on s'y adonne avec une intention pure et droite. Car le royaume de Dieu, et tout ce qui a quelque rapport avec ce royaume de Dieu, consiste, non dans les paroles, mais dans les effets. Dieu vous a chargé d'un emploi, et vous en remplissez avec assiduité les fonctions : en cela vous priez. La Providence vous a confié la conduite d'un ménage, et vous y donnez vos soins : en cela vous priez. Ainsi du reste. Quand vous ensevelissiez les morts, dit l'ange à Tobie, que vous les cachiez dans votre maison, et que la nuit vous les portiez en terre, je présentais au trône de Dieu ces œuvres de charité (1), et elles sollicitaient en votre faveur la divine miséricorde. Point d'intercession plus puissante auprès de ce souverain maître, que la soumission à ses ordres et l'accomplissement de ses adorables volontés.

Miracle de la prière! rien ne résiste à son pouvoir, et mille fois elle a changé l'ordre de la nature, et l'a, pour ainsi dire, forcée a lui obéir : que dis-je? elle a mille fois désarmé le ciel même, et en a conjuré les foudres. Que d'événements merveilleux ! que de prodiges ! Moïse prie, et Dieu retire son bras prêt à frapper. Josué prie, et le soleil s'arrête dans sa course. Daniel prie, et les lions perdent toute leur férocité à ses pieds. Judith prie, et une formidable armée est mise en déroute. Dès qu'Elie a prié, le feu céleste descend, les pluies les plus abondantes arrosent la terre, les malades sont guéris, les morts ressuscitent : car telle a été dans l'ancienne loi la vertu de la prière ; et ce serait une matière infinie que le détail de tout ce qu'elle a fait dans la nouvelle. Après cela, défions-nous de la promesse du Fils de Dieu, lorsqu'il nous dit : tout ce que vous demanderez à mon Père en mon nom, il vous raccordera (2). Que je me figure le plus puissant monarque du monde, et que je le suppose prévenu pour moi de la meilleure volonté, je ne puis néanmoins me répondre d'obtenir de lui tout ce que je lui demanderai, parce que son empire, quelque étendu qu'il soit, est limité, et que je lui demanderai peut-être au delà de ce qu'il peut. Mais tout ce que je demanderai à Dieu, Dieu peut me le donner: pourquoi? parce qu'il est Dieu, et qu'étant Dieu, tout lui est possible. Si donc, dans les prières que nous avons à lui faire, nous manquons de confiance, c'est que nous ne connaissons pas le maître que nous prions. Nous en

 

1 Tob., XII, 12. — 2 Joan., XIV, 13.

 

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jugeons par notre faiblesse, au lieu d'en juger par l'indépendance absolue et la souveraineté de ce premier Etre. Ne bornons point nos espérances, quand nous savons qu'elles sont fondées sur la parole d'un Dieu dont la fidélité ne se peut démentir, et dont la puissance est sans bornes.

 

 

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