INSTRUCTION ÉTAT DE VIE

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INSTRUCTION SUR LE CHOIX D'UN ÉTAT DE VIE (1).

ANALYSE.

 

Combien le choix d'un état de vie est important pour le salut. Il ne faut point entrer dans un état sans vocation.

L'abus est qu'on n'y entre communément que par des vues humaines, et qu'on ne consulte que la prudence du siècle.

De là il arrive qu'il y a très-peu de bons qui puissent se flatter d'être dans l'état où Dieu les veut. Trois règles pour bien connaître la vocation de Dieu. Premièrement, recourir à Dieu même par la prière.

Secondement, consulter les ministres de Dieu, qui sont : 1° un directeur, 2° père et mère.

Troisièmement, se consulter et s'éprouver soi-même devant Dieu.  Surtout examiner deux choses : 1° ce que l'on conseillerai! à un antre dans les mêmes conjonctures ; 2° ce qu'on voudrait avoir fait, si l'on était au moment de la mort. Avis de saint Paul touchant le célibat.

 

1 Cette instruction regarde une jeune personne de qualité.

 

Dans l’âge où vous êtes, vous devez penser à faire choix d'un état de vie ; et rien n'est plus nécessaire pour vous que de bien connaître l'importance de ce choix, et les règles qu'il y faut garder. Vous me demandez là-dessus quelque instruction, et je satisfais volontiers à une demande aussi raisonnable que celle-là, et aussi digne de votre piété et de votre sagesse.

I.  Imprimez-vous bien dans l'esprit cette grande maxime, qu'il n'y a rien dont le salut dépende davantage que de bien choisir l'état où l'on doit vivre, parce qu'il est certain que presque tous les péchés des hommes viennent de l'engagement de leur état. Combien Dieu voit-il de réprouvés dans l'enfer, qui seraient maintenant des saints s'ils avaient embrassé, par exemple, l'état religieux? et combien y a-t-il de saints dans le ciel qui seraient éternellement réprouvés, s'ils avaient vécu dans le monde? Voilà ce qui s'appelle le secret de la prédestination, lequel roule principalement sur le choix de l'état. Tâchez donc de bien comprendre cette vérité, afin de vous bien conduire dans une affaire si importante. Car que serait-ce, si vous veniez à vous y tromper, et à prendre une autre voie que celle où Dieu vous a préparé des grâces pour faire votre salut?

II. Ce qu'il y a déplus essentiel dans le choix d'un état, est de n'y entrer jamais sans vocation, c'est-à-dire sans y être appelé de Dieu. Car il ne vous appartient pas de disposer de vous-même pour choisir selon votre gré tel état qu'il vous plaira. Etant à Dieu comme nous y sommes, c'est à lui de nous placer selon les vues et selon les desseins de sa providence ; et si, au préjudice d'une obligation si sainte, nous nous engageons témérairement dans une condition où il ne nous appelle pas, dès là il est en droit de nous y délaisser, et de ne nous plus accorder cette protection spéciale dont il favorise les justes. Or, quel malheur si cela vous arrivait jamais, et si vous pouviez un jour vous reprocher que vous êtes dans un état où Dieu ne vous avait pas destinée! Quand vous seriez alors sur le premier trône du monde, quand vous seriez reine et souveraine, vous devriez plaindre votre sort, et le regarder comme l'état le plus déplorable.

III.  Cependant voilà le désordre et tout ensemble la misère des conditions du monde. On n'y entre que par intérêt, que par ambition, que par passion, que pour y chercher des établissements de fortune. Jamais, ou presque jamais, on n'y envisage Dieu ; et la dernière chose à laquelle on pense, c'est d'examiner si l'état qu'on prend est de sa volonté, et si le salut y peut être en assurance. Cela ne se voit que trop. Par exemple, dans une alliance qu'on veut faire, et où deux jeunes personnes doivent s'engager par le lien du mariage, à quoi s'applique-t-on ? à considérer s'il y a de part et d'autre un bien convenable, s'il y a de la naissance et de la qualité, si l'entrée en telle famille fera honneur, si elle sera de quelque utilité selon le monde. Dès qu'on y trouve là-dessus tout ce qu'on prétend, on ne se met guère en peine de la vocation divine, ou plutôt on la suppose, comme si elle était infailliblement attachée à de pareils avantages.

IV.  Ce n'est pas qu'il soit absolument mauvais

 

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d'avoir égard à tout cela. Il y a une prudence humaine qui n'est point contraire à la sagesse évangélique, pourvu qu'elle lui soit subordonnée. Mais l'abus est de n'écouter que cette prudence du siècle, de ne se conduire que par les principes du siècle, de ne regarder les choses que par rapport au siècle, et de ne s'y déterminer qu'autant que les considérations du siècle nous y portent. Car c'est faire à Dieu le même outrage et la même injustice que ferait à son maître un serviteur qui voudrait se rendre indépendant, ou qui n'agirait que sous les ordres et sous l'autorité d'un autre.

V. De là vient qu'il y a très-peu de gens du monde qui puissent raisonnablement se flatter d'être dans l'état où Dieu les veut. Je ne prétends point vous faire entendre par là que les divers états qui composent ce que nous appelons le monde ne soient pas en général de la vocation de Dieu. C'est lui qui les a établis, lui qui les a partagés, lui qui, par son infinie sagesse, les a disposés et arrangés. Or il ne les a pas établis ni partagés, ni arrangés de la sorte, pour vouloir qu'ils demeurent vides et sans sujets qui les remplissent.   D'où il faut nécessairement conclure qu'entre les hommes il y en a, et un grand nombre, qu'il a fait naître pour ces états, et qu'il y a appelés. Tellement que ce serait une  erreur grossière de croire que d'être engagé dans le monde, ce fût être hors des voies de Dieu : comme si Dieu réprouvait tous les états du monde, et qu'on n'en pût embrasser aucun avec une vocation légitime et sainte. Le monde, par l'opération du Saint-Esprit et de sa grâce,  a produit dans toutes les conditions de parfaits chrétiens, et fourni au ciel une multitude innombrable de bienheureux. Mais tout ceci supposé, la proposition que j'ai avancée et que je reprends n'en est pas moins vraie; savoir, qu'il y a très-peu de gens du monde qui puissent raisonnablement et prudemment  s'assurer qu'ils soient dans l'état où Dieu les demandait. Car, pour avoir cette assurance raisonnable et prudente, il ne me suffit pas en général qu'il n'y ait point d'état dans le monde où je n'aie pu être appelé de Dieu : il faut de plus que je sache en particulier, et autant que j'en puis avoir de connaissance, que Dieu en effet, dans sa prédestination éternelle, m'avait marqué tel état plutôt que tel autre. Je n'en puis être instruit ou que par une révélation expresse de la part de Dieu, ce que certainement les personnes dont je parle n'ont pas; ou que par les soins que j'ai pris pour découvrir, selon qu'il m'était possible, ce que Dieu voulait de moi. Or, il est évident que les gens du monde ne prennent communémenl pour cela nul soin, nul moyen. D'où il s'ensuit qu'ils n'ont donc nulle raison de juger que l'étal auquel ils se trouvent attachés soit réellement celui que Dieu, dans ses décrets adorables, leur avait assigné. Car de se répondre que Dieu, malgré leur négligence, les aura conduits dam une affaire si périlleuse , que sans qu'ils se soient mis en peine d'apprendre ses volontés, il aura bien voulu lui-même les leur inspirer; qu'il ne les aura pas laissés là - dessus dans l'ignorance, ni livrés à leur aveuglement, ce serait une présomption mille fois condamnée par la parole de Dieu même et par les sacra oracles de l'Ecriture. Ainsi ils n'ont rien de solide sur quoi ils puissent appuyer leur confiance; et je dis de plus qu'ils ont, au contraire, tout sujet de craindre l'accomplissement da menaces du Seigneur, qui nous a si hautement et si souvent avertis qu'il confondrait la fausse sagesse du monde, et qu'il l'abandonnerait à ses vues trompeuses et à son sens perverti.

VI. Vous voulez présentement savoir ce que vous devez faire pour connaître les vues de Dieu sur vous, et quelle est votre vocation. C'est ce que je vais vous expliquer et ce que je comprends en trois articles qui vous serviront de règles, et que je vous prie d'observer avec une entière fidélité. Le premier est d'avoir recours à Dieu ; le second, de vous adresser ensuite aux ministres de Dieu; et le troisième, de vous consulter vous-même. Tout ce qu'il y a de plus solide par rapport au choix de votre état, je dis un bon choix, à un choix sage et chrétien, se trouve renfermé dans ces trois devoirs, dont voici la pratique.

VII. Comme Dieu ne s'explique immédiatement à nous que par ses inspirations intérieures, vous devez d'abord l'écouler dans le fond de votre cœur, et vous rendre attentive à  cette voix secrète par laquelle il a coutume de parler à ses élus. Mais afin de l'engager davantage à vous communiquer ses lumières et à se déclarer, vous n'avez point de moyen plus efficace ni plus assuré que la prière. Allez donc aussi souvent que vous le pourrez vous prosterner devant lui, et lui dire comme Samuel: Parlez, Seigneur, et découvrez-moi vous-même quel dessein vous avez formé sur ma personne: car me voilà prête à vous entendre, à vous obéir, et à exécuter toutes vos volontés. Quoique difficulté qui se présente en tout ce que vous me prescrirez, et quelque opposé qu'il soit à

 

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mes inclinations, du moment que je comprendrai que c'est ce que vous voulez de moi, je ne balancerai pas; et, sans différer, je me mettrai en devoir de l'accomplir. Telle est, mon Dieu, ma résolution, et j'espère de votre grâce que uni ne sera capable de l'ébranler, ni de la changer. A cette prière vous pourrez encore ajouter celle de David : Montrez-moi, Seigneur, le chemin où je dois marcher, parce que j'ai élevé vers vous mon âme (1). Le prophète se sert la dune puissante raison pour toucher le cœur de Dieu, et il ne pouvait plus sûrement obtenir d'en être éclairé : Parce que j'ai élevé vers vous mon âme. En effet, si Dieu ne souhaite rien plus ardemment que de nous voir seconder sa providence et embrasser ses voies, nous les laissera-t-il ignorer, et n'aura-t-il nul égard au désir que nous lui marquons, et à la droite intention que nous avons de les suivre? Ce qui achèvera enfin de l'intéresser en votre faveur, et de le disposer à vous accorder votre demande, ce sera d'y joindre quelques dévotions particulières et quelques bonnes œuvres, surtout l'usage de la communion, et même quelques pratiques de la pénitence chrétienne. Car voilà, selon saint Paul, les victimes et les sacrifices par où l'on fléchit le Seigneur.

VIII. Après vous être acquittée de ce premier devoir envers Dieu, vous devez ensuite vous adresser aux ministres de Dieu. Ce sont nos guides, nos conducteurs, et ils ont été établis pour nous donner des conseils salutaires. C'est pour cela que Dieu les éclaire spécialement eux-mêmes; et souvent il arrive que ce qu'il n'a pas voulu par lui-même nous révéler, c'est par leur bouche qu'il nous l'enseigne. Ainsi, dans l'ancienne loi, les prophètes étaient-ils appelés voyants, et c'était à eux que Dieu envoyait son peuple pour en recevoir toutes les décisions et tous les éclaircissements nécessaires. Or, par les ministres de Dieu, j'entends deux sortes de personnes. Premièrement, et dans le sens le plus ordinaire et le plus propre, ils sont les prêtres du Seigneur, ce sont nos Confesseurs et les directeurs de notre conscience. Ayez un directeur sage, un homme de Dieu en qui vous preniez confiance, et à qui vous exposiez avec simplicité et avec candeur ton les vos vues, toutes vos pensées, toutes les bonnes et mauvaises dispositions de votre âme. Proposez-lui vos doutes; marquez-lui à quoi unis vous sentez attirée, ou à quoi vous avez le la répugnance. Ne lui dissimulez rien ; et quand vous croirez lui avoir dit toutes choses,

 

1 Psal., CXLII, 8.

 

priez-le qu'il vous examine encore lui-même, et répondez-lui avec l'humilité d'un enfant. Surtout faites-lui voir qu'il peut vous parler avec une pleine liberté, et demandez-lui qu'il vous détermine précisément au parti qu'il jugera le meilleur selon Dieu, et non point à celui qui pourrait vous être plus agréable selon la nature et selon le monde. Dès que vous agirez avec cette droiture et cette bonne foi, vous aurez tout sujet de vous promettre que Dieu présidera au jugement de son ministre, et que l'esprit de vérité lui suggérera pour vous une décision juste, et où vous pourrez vous en tenir. Mais en second lieu, vous devez de plus compter parmi les ministres de Dieu, le père et la mère dont vous avez reçu la vie. Les pères et les mères sont, après Dieu et selon l'ordre de Dieu, les premiers supérieurs de leurs enfants ; et ce serait une indépendance condamnable plutôt qu'une liberté évangélique, de vouloir, dans le choix qu'on fait d'un état, se soustraire absolument à l'autorité paternelle. Il est vrai qu'on n'est pas toujours obligé de se conformer aux désirs d'un père et d'une mère trop préoccupés de l'esprit du monde, et qu'il y a des occasions où l'on peut leur répondre ce que disaient les apôtres : Est-il de la justice que nous vous obéissions préférablement à Dieu (1)? Mais au moins faut-il les écouter, peser leurs raisons, y déférer même, lorsqu'on n'en a point de plus fortes à y opposer; enfin, soit que l'on condescende à leurs volontés, ou que pour l'intérêt de son salut on s'en écarte, leur donner toujours tous les témoignages d'une soumission filiale, et du respect qu'on reconnaît leur devoir.

XI. Il vous reste de vous consulter, et, selon le mot de saint Paul, de vous éprouver vous-même. Car Dieu ne nous a donné le discernement et la raison, qu'afin que nous nous en servions dans toutes les affaires qui nous regardent, mais particulièrement en celles qui nous sont d'une aussi grande conséquence que l'est le choix de notre état. Examinez donc, sans vous flatter, quel est de tous les états de la vie celui où vous pouvez plus glorifier Dieu, celui où vous pouvez faire plus aisément votre salut, celui auquel vous êtes plus propre, eu égard aux qualités de votre esprit et de votre cœur. Car il se peut faire qu'avec le naturel que Dieu vous a donné, vous vous perdrez où un autre se sauverait, et qu'au contraire vous vous sauverez où un autre se perdrait. Quoi qu'il en soit, souvenez-vous toujours que votre

 

1 Act., IV, 19.

 

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délibération doit se rapporter au salut, comme à votre unique fin ; que vous ne devez juger d'un état, ni l'estimer plus que l'autre, qu'autant qu'il pourra vous conduire plus sûrement au salut ; que tout ce que vous avez à considérer en vous-même, se réduit à la seule question que fit ce jeune homme de l'Evangile à Jésus-Christ : Que faut-il que je fasse pour obtenir la vie éternelle (1) ? Car voilà le grand principe que vous devez poser, et d'où vous devez tirer toutes vos conséquences, comme si vous raisonniez de la sorte : Je veux faire mon salut, et je le veux à quelque prix que ce soit. Ce n'est donc point là-dessus qu'il s'agit de délibérer, puisque je suis déjà toute déterminée, et que je le dois être. Mais pour me sauver, il y a plusieurs moyens; et un des plus puissants, c'est la condition et l'état. Ainsi, de tous les états qu'on me propose, ou qui se présentent à mon esprit, j'ai à voir devant Dieu quel est celui qui me paraîtra le plus avantageux pour arriver à mon terme, qui est toujours le salut. Si je n'avais en vue que de m'élever dans le monde, que de briller dans le monde, que de mener une vie douce et agréable dans le monde, c'est ce que je trouverais en telle condition. Mais, encore une fois, tout cela n'est point ma fin, et par conséquent je ne dois avoir nul égard à tout cela. Ma fin, c'est de parvenir à la vie éternelle. Or je connais, ou je crois de bonne foi connaître, que je ne pourrai dans nul état l'acquérir plus sûrement que dans celui-ci : je conclus donc que c'est à celui-ci qu'il faut me fixer.

X. Quand vous aurez délibéré de cette manière avec vous-même, si vous ne vous sentez pas encore dans une parfaite détermination, voici deux règles dont vous devez vous servir, et qui sont de saint Ignace, dans le livre de ses Exercices. 1° Que voudrais-je conseiller à une autre, si elle était en ma place, et qu'elle me demandât mon avis ; à une autre qui aurait les mêmes inclinations ou les mêmes défauts que moi? Que lui répondrais-je, et à quel genre de vie la porterais-je? Car quand il s'agit des autres, nous sommes ordinairement bien plus désintéressés, et par là même bien plus capables de prendre le bon parti. Or, pourquoi n'aurais-je pas pour moi la même charité et le nié nie zèle que j'aurais pour autrui? Si c'était une de mes amies qui délibérât, ne cherchant que son salut, je sais ce que je lui dirais : pourquoi ne me le dirais-je pas à moi-même ? O mon Dieu ! dégagez-moi de toutes ces illusions

 

1 Luc, X, 25.

 

de l'amour-propre, qui m'aveuglent, et qui  m'empêchent de penser aussi sainement sur ce qui me touche, que sur ce qui concerne le prochain. 2° Entre ces différents états, lequel voudrais-je avoir pris,  lorsque je serai à l'article de la mort ? car c'est alors que j'envisagerai solidement les choses, et que mes passions, ni les préjugés du monde, n'obscurciront plus ma raison.  Ce que je voudrais donc avoir fait à ce dernier moment,  c'est ce que je dois faire aujourd'hui ; et voilà sans doute la régit la moins trompeuse et la plus infaillible que je puisse suivre. Si j'en use autrement, je dois m'attendre qu'un jour j'en aurai une vraie douleur. Or, ne serait-ce pas une extrême folie, d'embrasser un état dont je prévois que j'aurai à me repentir? 0 mon  Dieu ! je vous rends grâces de la vue que vous me donnez. Faites, Seigneur,   que j'en profite comme du plus excellent moyen pour me déterminer chrétiennement.  Oui, mon  Dieu, c'est par là que je veux décider avec vous de ma destinée. Je veux vivre dans l'état où je serai bien aise de mourir. Malheur à moi si je venais à m'engager dans une condition qui ne me dût produire à la mort que des sujets de crainte et que des regrets!

XI.  Sans prétendre vous marquer formellement ma pensée sur l'état qui vous peut le mieux convenir, je  finis en vous disant, au regard de l'état religieux,  ce que saint Paul disait aux premiers fidèles touchant le célibat. Ce passage est admirable, et plein de sens et de religion : Pour ce qui est de l'état des vierges (1), écrivait cet apôtre aux Corinthiens, je n'ai point là-dessus de précepte du Seigneur à vous intimer ; mais je ne fais que donner conseil,  comme ayant reçu du Seigneur la grâce d'être fidèle. Je pense donc qu'eu égard aux misères qui nous environnent, et aux dangers continuels où nous sommes exposés, c’est un état avantageux. Ce que je désire, poursuivait le même docteur des Gentils, c'est que vous n'ayez point de soins qui vous inquiètent. Or une femme, dans l'état du mariage, est occupée des choses qui regardent le monde, et a soin de plaire à son époux : au lieu qu’une vierge ne s'occupe que des choses qui regardent le Seigneur, pour être sainte de corps et  d’esprit. Il vous sera aisé de faire l'application à ces paroles à la profession religieuse. Je ne vous en dis pas davantage : c'est au Seigneur à s'expliquer, et vous serez toujours bien partout où vous serez sous sa conduite et par sa vocation.

 

1 1 Cor., VII, 25-35.

 

 

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