ESSAI D'AVENT II

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VOLUME II
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SECONDE SEMAINE.

 

SECONDE SEMAINE.

JEAN-BAPTISTE PRÊCHANT  LA   PÉNITENCE   POUR   DISPOSER  LES  PEUPLES  A  LA VENUE   DE  JÉSUS-CHRIST.

SERMON SUR LE DÉLAI DE LA PÉNITENCE.

SERMON SUR LA PÉNITENCE DU CŒUR.

SERMON SUR LA FAUSSE CONFIANCE EN LA MISÉRICORDE DE DIEU.

SERMON SUR LES FRUITS DE LA PÉNITENCE.

SERMON SUR LES ŒUVRES SATISFACTOIRES.

SERMON SUR L'EFFICACE ET LA VERTU DE LA PÉNITENCE.

 

JEAN-BAPTISTE PRÊCHANT  LA   PÉNITENCE   POUR   DISPOSER  LES  PEUPLES  A  LA VENUE   DE  JÉSUS-CHRIST.

 

Après avoir annoncé Jésus-Christ aux peuples et le leur avoir fait connaître, il fallait les disposer à le recevoir, et c'est pour cela que Jean-Baptiste leur prêche la pénitence. Il leur prêche, 1° une pénitence prompte et sans retardement : La cognée est déjà à la racine de l’arbre (1) ; 2° une pénitence sincère et sans déguisement : Rendez droites les voies du Seigneur (2) ; 3° une pénitence humble et sans présomption : Race de vipères, qui vous a appris à fuir la vengeance dont vous êtes menacés ? Et ne dites point :

 

1 Matth., III, 10. — 2 Ibid., 3.

 

Abraham est notre père (1) ; 4° une pénitence fructueuse et sans relâchement : Faites de dignes fruits de pénitence (2); 5° une pénitence austère et sans ménagement : Or son vêtement était de poil de chameau ; il avait autour des reins une ceinture de cuir, et sa nourriture, c'était des sauterelles et du miel sauvage (3); 6° une pénitence efficace et salutaire : Tout homme verra le salut qui vient de Dieu (4).

 

 

DIMANCHE. — Jean-Baptiste prêchant une pénitence prompte et sans retardement.

 

SERMON SUR LE DÉLAI DE LA PÉNITENCE.

 

Jam securis ad radicem arborum posita est.

La cognée est déjà à la racine des arbres. (Saint.Luc, chap. III, 9.)

 

Il n'y a donc point lieu de différer et d'attendre, puisque l'arbre est si près de sa chute, et que le coup qui va l'abattre va bientôt partir et le renverser. Parlons sans figure, ou tirons de cette figure l'avis important que Jean-Baptiste voulait donnera tout pécheur actuellement engagé dans le désordre du péché, qui est de n'y point demeurer, de ne s'y point obstiner, mais de retourner promptement à Dieu, et de ne s'exposer pas aux suites funestes d'un retardement très-dangereux. Je dis d'un retardement très-dangereux ; et sans insister sur ces accidents imprévus, où la mort, par un juste châtiment de Dieu, surprend un pécheur qui diffère, mais pour ne prendre la chose que dans le cours même le plus naturel et le plus commun, arrêtons-nous aux deux effets les plus ordinaires du délai de la pénitence, et renfermons-les en deux propositions. Car le délai de la pénitence forme l'habitude du péché : c'est le premier effet et la première proposition; et par un retour presque immanquable, l'habitude du péché entretient jusques à la mort le délai de la pénitence, et par là conduit à l'impénitence finale : c'est le second effet et la seconde proposition. Expliquons-nous mieux et en moins de paroles : habitude du

 

1 Luc, III, 8. — 2 Matth.,  III, 8. — 3 Marc, I, 6.  — 4 Ibid.

 

péché, effet du délai de la pénitence ; délai de la pénitence, effet de l'habitude du péché ; de l'un et de l'autre, impénitence finale : voilà ce que nous allons développer ; et si ces vérités ne nous touchent pas, il faut que nous soyons bien peu sensibles aux intérêts de notre salut.

 

Premier point. — Le délai de la pénitence forme l'habitude du péché. Il n'est pas difficile de le comprendre, et l'on en voit d'abord la raison. Car ce qui forme les habitudes, ce sont les actes fréquents et réitérés ; et ce qui doit par conséquent former l'habitude du péché, ce sont les longues et fréquentes rechutes dans le péché. Or tel est l'état d'un pécheur qui diffère sa pénitence; voilà l'effet de ses remises continuelles et de ses retardements.

Il s'agit d'un homme que ses passions ont entraîné hors des voies de Dieu, et fait entrer dans les voies de l'iniquité ; il s'agit d'une femme, d'une jeune personne que le monde éblouit, que le plaisir enchante, que certains objets attachent, que la sensibilité du cœur précipite dans les dérèglements, ou secrets, ou même connus. Dieu les rappelle, il les presse par sa grâce : on leur parle de sa part, on leur prêche la pénitence. Mais que répondent-ils? Ils ne s'aveuglent point assez pour prétendre justifier leur conduite ; ils conviennent

 

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qu'il y a du libertinage, et qu'ils ne vivent pas dans l'ordre ni selon la loi de Dieu ; ils comptent sur l'avenir, et ils se promettent bien de changer quelque jour, de prendre une route tout opposée, et de travailler sérieusement à la réformation de leurs mœurs. Mais ce jour, disent-ils, n'est point encore venu : il serait trop tôt maintenant, et il faut attendre. Ah ! il faut attendre ! c'est-à-dire qu'il faut laisser le vice jeter de profondes racines et se bien établir; c'est-à-dire qu'il en faut contracter l'habitude, qu'il faut la laisser croître, et lui donner tout le loisir et tous les moyens de se fortifier; c'est-à-dire qu'il faut se lier au péché, se livrer au péché, se rendre le péché si familier qu'on ne le craigne plus, et qu'on n'en ait plus de scrupule. Car, qu'est-ce que tous ces retardements dont on use, et à quoi se réduisent-ils, si ce n'est à multiplier les péchés en suivant toujours le même train de vie, en demeurant toujours dans les mêmes engagements, en s'abandonnant toujours aux mêmes excès ; en ne corrigeant rien, mais ajoutant toujours crimes sur crimes, débauches sur débauches? Or, pour reprendre le principe que nous avons déjà posé touchant l'habitude et son origine, n'est-ce pas là ce qui la fait naître, et n'est-ce pas ainsi qu'elle s'insinue dans un cœur et qu'elle se l'assujettit? Un premier péché ne la forme pas ; mais, comme a remarqué saint Bernard, ce premier péché dispose au second; celui-ci donne une facilité toute nouvelle pour l'autre qui lui succède : de degrés en degrés la contagion se répand ; le cœur se tourne au mal, il s'y accoutume, il s'y attache, et tombe dans un esclavage où il n'est presque plus maître de lui-même.

Triste vérité, d'autant plus constante que les habitudes vicieuses ont cela de propre, qu'elles s'impriment beaucoup plus aisément et plus profondément : pourquoi ? parce que notre nature corrompue est plus disposée à les recevoir, et que nous portons au dedans de nous-mêmes de malheureuses concupiscences qui les secondent et qui les appuient. Une prompte pénitence les préviendrait et leur couperait court. Elle ne nous mettrait pas à couvert de toute rechute, et, quoique pénitents, nous ne serions pas impeccables, mais nous serions moins sujets à la tyrannie de l'habitude. En appliquant le remède aussitôt que le mal viendrait à paraître, on l'empêcherait de s'invétérer. En jetant l'eau, selon la comparaison de saint Augustin, à mesure qu'elle entrerait, tout fragile et tout ouvert qu'est le vaisseau, on le garantirait du naufrage. Et c'est à quoi l'Apôtre exhortait si fortement les fidèles, et ce qu'il leur recommandait par ces paroles : Mes Frères, ne souffrez donc point que le péché règne dans votre corps mortel, en sorte que vous vous soumettiez à toutes ses convoitises (1). Prenez garde : ce saint apôtre ne leur disait pas précisément : Ne tombez jamais, et préservez-vous de tout péché : heureuse disposition, qui serait bien à désirer, et qui n'est guère à espérer ! Mais du moins, leur faisait-il entendre, si, par le poids de la faiblesse humaine, vous tombez quelquefois, si vous péchez, ne permettez pas au péché d'affermir son empire dans vous et sur vous, par une possession paisible et habituelle. Leçon d'une conséquence infinie ; leçon dont nous ne comprendrons jamais mieux la nécessité, que lorsque nous comprendrons toute la malignité d'une criminelle habitude. Le péché est un mal ; mais au-dessus de ce mal, tout extrême qu'il est, on peut dire qu'il y a quelque chose encore de plus pernicieux et de plus à craindre : et quoi ? c'est l'habitude dans le péché. Il n'y a qu'à consulter sur ce point de morale les Pères de l'Eglise et les maîtres de la vie chrétienne; il n'y a qu'à voir avec quelle force et en quels termes ils s'en expliquent. Mais allons plus loin : car peut-être dira-t-on que si, par le délai de la pénitence, l'habitude s'est formée, on n'est pas après tout sans ressource, et que désormais n'apportant plus à sa conversion de nouveaux retardements, on peut, par un vrai retour à Dieu, réparer le passé et sanctifier le reste de ses années : espérance dont on se flatte, mais espérance que doit pleinement détruire une seconde proposition qui va faire le sujet du second point.

 

Second point. — L'habitude du péché entretient jusques à la mort le délai de la pénitence, et par là conduit à l'impénitence finale. N'exagérons rien, et, pour nous renfermer dans les bornes de la vérité la plus exacte, convenons d'abord du sens de cette proposition, et mettons-y tous les tempéraments et toutes les modifications convenables. Ce n'est point une règle universelle ni absolue; ce n'est pointa dire que l'habitude soit à la pénitence du pécheur un obstacle insurmontable, ni qu'elle le détermine tellement à persévérer dans son péché, qu'il ne lui soit plus libre d'en sortir. Ce n'est point à dire même que de temps en temps on n'ait vu et qu'on ne voie encore un petit nombre de pécheurs que la grâce enfin, par

 

1 Rom., VI, 12.

 

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un dernier effort, semble arracher à l'iniquité, et en qui elle triomphe de mille résistances, et des retardements les plus opiniâtres. Voilà, pour ne donner dans aucune extrémité, ce que nous sommes obligés de reconnaître. Mais du reste, il n'en est pas moins vrai que si le retour d'un pécheur d'habitude n'est pas impossible, il est toujours d'une difficulté extrême, et en voici la preuve convaincante. Car, si le pécheur n'ayant point encore l'obstacle de l'habitude à surmonter, et avant qu'elle se soit fortifiée, n'a pas eu néanmoins le courage de rompre ses liens, et d'entrer dans les voies de la pénitence, que sera-ce quand, aux autres obstacles qui l'ont arrêté, celui-ci se trouvera joint? Que sera-ce, dis-je, quand il aura laissé le vice s'enraciner dans son âme, quand il se sera attaché plus étroitement que jamais au péché, qu'il se sera, pour ainsi dire, vendu au péché, asservi au péché, naturalisé avec le péché; quand, par la force et l'impression de l'habitude, il aura presque perdu tout le remords du péché, et que ce ne lui sera plus une charge sur la conscience, ni un sujet d'inquiétude?

De là remises sur remises, et retardements sur retardements. Ce n'est pas, comme je l'ai déjà observé, qu'on rejette tout à fait la pénitence, et qu'on prétende ne quitter jamais son péché. Il n'y a qu'un petit nombre d'impies qui s'abandonnent à ce désespoir. Mais tandis qu'on se flatte, qu'on se promet de retourner quelque jour à Dieu, parce qu'on en voit l'indispensable nécessité ; dans la pratique, et quant à l'exécution, on ne veut jamais se persuader que ce jour soit venu, et, selon que saint Augustin le témoigne de lui-même, on dit toujours : Demain, demain; tantôt, tantôt; encore un peu, encore un peu. Voilà par où tant de pécheurs, esclaves de l'habitude, vieillissent dans leurs désordres : et n'en avons-nous pas mille exemples devant les yeux? Cependant les années passent, la mort arrive, une dernière maladie se déclare, et alors même le malade croit toujours pouvoir remettre. Si, dans les premières atteintes du mal, on l'avertit de penser à lui, que répond-il? Attendons(1). Si, dans le cours du mal qui augmente, on le presse de nouveau, même réponse : Attendons encore. Enfin, à force d'attendre, ou tout à coup il est surpris par une subite révolution qui l'enlève, ou, dans une extrémité qui lui ôte presque toute

 

1 Isa., XXVIII, 10.

 

connaissance, tout sentiment, il ne fait plus qu'une pénitence imparfaite, qu'une pénitence précipitée et forcée. Tout cela veut dire qu'après avoir vécu dans l'impénitence, il meurt impénitent.

Concluons avec l'Apôtre : Voici l'heure de nous réveiller de notre sommeil, voici le temps favorable, voici les jours du salut (1) ; ne les perdons pas, et hâtons-nous. Car ces jours de salut, ce temps, cette heure favorable que nous avons présentement, nous ne les aurons pas toujours. Ils s'écoulent, et nous ne savons quand ils reviendront. Que dis-je, et savons-nous même si jamais ils reviendront? Peut-être nous persuadons-nous qu'une pénitence différée cause moins de peine, et qu'avec le temps elle devient plus aisée. Mais c'est une erreur, et la plus trompeuse de toutes les illusions. Tout le reste, il est vrai, s'affaiblit avec l'âge : le tempérament s'altère, les forces du corps diminuent, les lumières mêmes de la raison s'obscurcissent ; mais les passions du cœur, mais les habitudes vicieuses prennent toujours de nouveaux accroissements. Le temps serre les nœuds et les endurcit ; les années donnent à la passion et à l'habitude plus d'ascendant; et dans un âge avancé, non-seulement on se trouve tel que l'on était dans une première jeunesse, mais c'est alors qu'on sent les funestes progrès du vice, et qu'on se voit presque hors d'état de l'attaquer et de le vaincre. De là cette maxime générale de remédier aux plus petits maux, et de bonne heure, afin d'en arrêter de plus grands où l'on se laisserait entraîner. Maxime dictée par la sagesse humaine, et appliquée à toute la conduite de la vie, en quelque conjoncture et sur quelque sujet que ce soit ; mais, à plus forte raison, maxime spécialement nécessaire dans la conduite du salut et dans la pénitence chrétienne. Quoi qu'on en puisse penser et qu'on en puisse dire, vouloir sans cesse remettre sa pénitence d'un jour à un autre jour, d'une semaine à une autre semaine, d'un mois à un autre mois, c'est en quelque manière vouloir absolument et pour toujours y renoncer. Or, y renoncez-vous en effet? y renoncez-vous pour jamais? Quelle est dans cette assemblée l'âme si endurcie, qu'une telle proposition ne lui fasse pas horreur? Voilà néanmoins à quoi l'on s'expose, et ce qu'on ne peut trop craindre ni prévenir avec trop de soin.

 

1 Rom., XIII, 1.

 

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LUNDI. — Jean-Baptiste prêchant une pénitence sincère et sans déguisement.

 

SERMON SUR LA PÉNITENCE DU CŒUR.

 

Rectas facite semitas ejus.

Rendez droites les voies du Seigneur. (Saint Luc, chap. III, 4.)

 

Ces voies du Seigneur, ce sont pour les pécheurs les voies de la pénitence, puisque c'est par la pénitence que nous nous rapprochons de Dieu, et que Dieu se rapproche de nous. Il faut que ces voies soient droites, il faut que notre pénitence soit sincère : car Dieu aime la vérité, et rien ne peut lui plaire de tout ce qui n'est qu'extérieur et apparent. C'est donc dans les sentiments du cœur que consiste la vraie pénitence; c'est dans le cœur qu'elle doit naître, et du cœur qu'elle doit partir. Car, pour prendre la chose dans son fond, quelle est la nature de la pénitence, ou quelle en est la fonction la plus essentielle? c'est de détruire le péché et de rétablir l'homme, à l'égard de Dieu, dans l'état d'où le péché l'a fait déchoir. Voici ma pensée. Le péché, disent les théologiens, consiste dans un mouvement de l'âme qui se détache de Dieu et s'attache aux objets créés; et, par une règle toute contraire, la pénitence doit donc consister dans un retour de l'âme, qui se détache des objets créés et s'attache à Dieu. Or, l'un et l'autre ne se peut faire véritablement et sincèrement que par la pénitence du cœur. Sans la pénitence du cœur, point de vrai détachement du péché, ou des objets qui ont été la matière du péché : premier point. Sans la pénitence du cœur, point de vrai attachement à Dieu, ni par conséquent de réconciliation avec Dieu : second point. Voilà, dans un partage également simple et solide, une des instructions les plus importantes.

 

Premier point. — Sans la pénitence du cœur, point de vrai détachement du péché, ou des objets qui ont été la matière du péché. Ce n'est point par les larmes ni par les gémissements : ce n'est point par les vœux, les longues prières, les promesses, les protestations ; ce n'est même précisément, ni par la confession de ses offenses, ni par la réparation qu'on en fait au jugement des hommes; ce n'est point, dis-je, par tout cela qu'on se détache du péché : pourquoi? parce qu'avec tout cela on peut encore avoir au péché une attache secrète et criminelle. En effet, tout cela peut subsister et se trouver dans un pécheur, sans que le cœur y ait aucune part, ou sans qu'il y ait la part qu'il y doit avoir. Les Juifs s'humiliaient, se prosternaient contre terre, se couvraient la tête de cendres, déchiraient leurs habits en signe de pénitence. Mais le Prophète leur reprochait qu'en déchirant leurs habits, ils ne déchiraient ni ne brisaient pas leurs cœur. Or, dès que le cœur n'entre point dans ces démonstrations extérieures , elles ne peuvent opérer un vrai détachement du péché : la raison en est aisée à comprendre. Car qu'est-ce que se détacher du péché? c'est renoncer au péché, c'est détester le péché, c'est prendre une sainte résolution de quitter le péché, et de ne le plus commettre. Or renoncer de la sorte, détester, résoudre, ce sont des opérations du cœur. Par conséquent, si le cœur n'agit, il n'y a ni vrai renoncement, ni vraie détestation, ni vraie résolution, et, par une même conséquence, point de vrai détachement du péché.

Mais, dira-t-on, le prêtre néanmoins, comme ministre de la pénitence, sans autres preuves que la parole du pécheur, que son accusation, sa confession, ses larmes, et les témoignages ordinaires de repentir, lui confère le bienfait de l'absolution. J'en conviens, et en cela il s'acquitte de son devoir, bien loin d'être répréhensible. Car, ne pouvant lire immédiatement dans le cœur pour en connaître la véritable disposition, il est obligé de s'en tenir à certains dehors, et de former là-dessus son jugement. Ces dehors, naturellement et par eux-mêmes, sont les signes visibles du détachement intérieur. Ce ne sont que des apparences je le sais: mais dès que le ministre a pris toutes les mesures convenables pour en bien juger, dès qu'il a fait tout l'examen nécessaire, et qu'il va employé toutes les lumières de la prudence évangélique, alors s'il se trompe, il n'est point responsable de son erreur ; elle ne lui peut être imputée, et le seul pénitent en doit rendre compte à Dieu.

Car, sous l'extérieur le plus apparent, Dieu sonde le cœur ; et parce que souvent il arrive que, sous le voile le plus spécieux , le détachement du cœur n'est pas tel qu'il doit être, que sert au pécheur l'absolution qu'il a reçue, ou qu'il a cru recevoir? à le charger devant Dieu d'un nouveau crime, et à lui attirer de la part de Dieu un nouvel anathème. Terrible vérité pour tant de mondains et de mondaines, qui, par je ne sais quelle bienséance, viennent à certains jours de l'année se présenter au saint tribunal ! Sont-ils vraiment touchés ? sont-ils dans le cœur vraiment détachés de leur péché? prennent-ils les moyens de l'être, et y font-ils toute l'attention qu'il faut? se détache-t-on sans violence, sans réflexion, sans une ferme détermination? et cette violence, cette réflexion, cette détermination ferme et inébranlable, est-ce le fruit d'une revue courte et superficielle, d'une confession faite légèrement et à la hâte, de quelques prières récitées par mémoire et prononcées avec indifférence, de quelques propositions ou de quelques velléités qui n'engagent à rien de particulier, ni ne décident rien? Sous cet appareil trompeur, la plaie reste toujours dans l'âme ; et si Ton a jeté sur le feu quelques cendres pour le couvrir, il est toujours dans le cœur aussi ardent que jamais. La suite le montre bien, et dès la première occasion on n'éprouve que trop combien l'on tenait encore au péché, et combien peu il avait perdu de son empire. Mais vérité surtout terrible pour tant de mourants. Ils font assez entendre de soupirs et de regrets. On voit la tristesse répandue sur leur visage ; on lit dans leurs yeux le trouble qui les agite, et la frayeur dont ils sont saisis. Ils réclament la miséricorde du Seigneur, ils déplorent amèrement la perte et le mauvais emploi qu'ils ont fait de leurs années. Mais de savoir s'ils sont pour cela pleinement dégagés des liens du péché, il n'y a que vous, mon Dieu, qui le puissiez connaître, puisqu'il n'y a que vous qui puissiez démêler les replis du cœur, et en découvrir les sentiments. Ce que nous savons, c'est que, malgré toutes ces marques de repentir, la pénitence de la plupart des pécheurs à la mort a toujours paru suspecte aux Pères de l'Eglise et aux maîtres de la morale chrétienne : pourquoi? parce qu'ils ont toujours craint que ce ne fût pas une pénitence du cœur, c'est-à-dire une pénitence où le cœur se fût détaché réellement et sincèrement du péché.

 

Second point. Sans la pénitence du cœur, point de vrai attachement à Dieu, ni par conséquent de réconciliation avec Dieu. Je l'ai dit, et c'est un principe universellement reconnu, que la pénitence, en nous détachant du péché, doit en même temps nous rapprocher de Dieu. Telle est la doctrine expresse de saint Augustin, lorsqu'il nous enseigne que la pénitence est renfermée en deux mouvements tout contraires, l'un de haine, l'autre d'amour : de haine par rapport au péché, et d'amour à l'égard de Dieu. De haine, voilà le détachement du péché; et d'amour, voilà l'attachement à Dieu. Je n'examine point quel doit être le degré de cet amour : il me suffit que, sans quelque amour, ou parfait ou commencé, il n'y a point de pénitence recevable au tribunal de Dieu. Or, qui ne sait pas que c'est le cœur qui aime, le cœur qui s'affectionne, le cœur qui s'attache : et de là qui ne conclut pas que, de la part du pécheur pénitent, il ne peut donc y avoir de véritable attachement à Dieu que par la pénitence du cœur ? Faisons du reste tout ce qui nous peut venir à l'esprit de plus généreux, de plus héroïque et de plus grand; sacrifions nos biens, mortifions notre chair, versons notre sang, donnons notre vie : tout cela, sans l'action du cœur, n'est point s'attacher à Dieu ni aimer Dieu; et, par une suite évidente, tout cela n'est point conversion à Dieu, ni pénitence. Qu'est-ce donc? c'est, pour user des expressions figurées de l'Apôtre, courir en vain, et battre l'air inutilement. C'est pour cela même aussi que Dieu, par la bouche des prophètes, rappelant les pécheurs et les invitant à la pénitence, ne leur recommandait, à ce qu'il paraît, rien autre chose que de revenir à lui de cœur, de rentrer dans leur cœur, de se faire un cœur nouveau, parce que, n'étant point à lui de cœur, c'était n'y point être du tout.

Vérité que le Roi-Prophète avait bien comprise, lorsque, reconnaissant les désordres où la passion l'avait conduit, et voulant en obtenir de Dieu le pardon, il lui disait : Si, pour vous apaiser et pour me réunir à vous, vous demandiez, Seigneur, des victimes, j'en aurais assez à vous offrir : mais que serait-ce pour un Dieu que le sang des animaux, et quelle estime feriez-vous de tous les holocaustes? Le grand sacrifice qui doit vous plaire, ô mon Dieu ! poursuivait ce roi pénitent, c'est celui de mon cœur. Sans cette offrande, toutes les autres ne vous peuvent être agréables : mais un cœur contrit et humilié devant vous, mais un cœur qui se tourne vers vous, qui se donne à vous, voilà ce que vous n'avez jamais méprisé, et ce que jamais vous ne mépriserez.

Non, il ne le méprise point; et que dis-je? il en est même jaloux, et tellement jaloux, qu'il daigne bien, selon le témoignage de l'Ecriture, se tenir lui-même à la porte de notre cœur, pour nous en demander l'entrée et la

 

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possession. Il ne le méprisa point, ce cœur contrit, quand, touché de la pénitence de Manassès, il lui pardonna toutes ses impiétés et le rétablit dans tous ses droits; il ne le méprisa point, quand il remit à Madeleine tous ses péchés, parce qu'elle avait beaucoup aimé, c'est-à-dire parce qu'ayant détaché son cœur de tous les engagements du monde, elle le lui avait dévoué désormais et sans réserve; il ne l'a point méprisé en tant d'autres, et il ne le méprisera point dans nous.

Que de raisons nous engagent à lui faire ce sacrifice, et que de puissants motifs doivent nous exciter à cette pénitence du cœur ! Après nous être séparés d'un maître si bon et si digne d'un attachement éternel, retournons à lui, non point dans un esprit de servitude, ni par une crainte basse et toute naturelle, mais dans un esprit de confiance, d'espérance, d'amour. Si donc en ce saint temps il nous fait entendre sa voix, n'endurcissons point nos cœurs; mais ouvrons-les à sa grâce, qui nous est communiquée pour les amollir et pour les rendre sensibles. A quoi le seront-ils, s'ils ne le sont pas à l'offense du souverain auteur qui les a formés, et qui ne les a formés que pour lui?

 

MARDI. — Jean-Baptiste prêchant une pénitence humble et sans présomption.

 

SERMON SUR LA FAUSSE CONFIANCE EN LA MISÉRICORDE DE DIEU.

 

Genimina viperarum, quis ostendit vobis fugere a ventura ira ?... Et ne cœperitis dicere : Patrem habemus Abraham.

 

Race de vipères, qui vous a appris à fuir la vengeance dont vous êtes menacés?... Et ne dites point : Abraham est notre père. (Luc, chap. III, 7.)

 

Ces Juifs à qui parle Jean-Baptiste descendaient d'Abraham, et s'en glorifiaient; mais, pour confondre leur orgueil, ce zélé prédicateur leur reproche la corruption de leurs mœurs, jusqu'à les appeler race de vipères. En cette qualité d'enfants d'Abraham, ils pensaient être à couvert de la colère du ciel ; mais le divin précurseur leur annonce qu'elle éclatera sur eux, et qu'ils n'ont qu'une confiance présomptueuse qui les séduit. Telle est encore, par une juste comparaison, la fausse confiance de tant de pécheurs, qui se font de la miséricorde du Seigneur un prétexte pour s'autoriser dans leurs désordres et pour se flatter d'une impunité prétendue. Confiance que j'attaque aujourd'hui, et que nous allons considérer sous deux rapports : par rapport à Dieu, et par rapport au pécheur. Par rapport à Dieu, confiance la plus injurieuse : premier point. Par rapport au pécheur, confiance la plus trompeuse : second point. Heureux l'homme qui craint le Dieu tout-puissant, et qui, touché de cette crainte, prend soin de le fléchir par l'humilité de la pénitence, et prévient ainsi ses jugements éternels !

 

Premier point. — Confiance, par rapport à Dieu, la plus injurieuse. Dire : Dieu ne veut pas me perdre, il est bon, il est miséricordieux; et, en conséquence de ce principe, se confirmer dans son péché et devenir plus libre à le commettre, c'est se rendre tout à la fois coupable envers Dieu, et de l'abus le plus énorme, et de la plus sacrilège profanation.

1° Abus le plus énorme : de quoi? de la bonté de Dieu. Car, de cette bonté même de Dieu, qui est un des motifs les plus puissants pour nous attacher à lui, c'est prendre sujet et se faire une raison de se tourner contre lui. Hé quoi ! disait l'Apôtre parlant aux Romains, ignorez-vous que la miséricorde du Seigneur vous invite à la pénitence (1) ? N'est-ce pas par sa miséricorde qu'il est plus digne de notre amour? Et est-il donc enfin une dureté de cœur pareille à celle d'un homme qui veut vivre ennemi de Dieu et dans un état de guerre avec Dieu ; parce qu'il sait que Dieu l'aime assez pour être toujours disposé à le recevoir et à lui pardonner ? 2° Profanation la plus sacrilège: car c'est profaner la miséricorde divine. Sa fonction la plus essentielle est d'abolir le péché en faisant grâce au pécheur ; mais par l'usage le plus monstrueux, et par le plus abominable renversement, ce péché qu'elle doit effacer, un pécheur la fait servir à l'entretenir, à le fomenter et à le perpétuer. Voilà de quoi le Dieu d'Israël se plaignait si amèrement à son peuple, et de quoi il peut se plaindre à nous-mêmes : Vous m'avez fait servir à vos iniquités (2); comme si j'en étais le fauteur ; comme si ma miséricorde, cet excellent attribut de ma divinité, n'était qu'une indulgence aveugle et molle ; comme si, par une patience contraire à ma sainteté et aux intérêts de ma justice, elle

 

1 Rom., II, 4. — 2 Isa., XLIII, 24.

 

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devait excuser tout, tolérer tout, me rendre insensible à tout.

Telle est en effet l'idée que le pécheur présomptueux conçoit de Dieu, et qu'il en veut concevoir : pourquoi ? parce que cette idée est favorable à sa passion, et voici le mystère. Quelque libertin et quelque abandonné qu'il puisse être, il y a toujours de secrets reproches de la conscience qui le troublent : et à moins qu'il n'ait éteint dans son cœur toutes les lumières de la foi, les menaces du ciel et ses vengeances l'effraient malgré lui à certains moments. Mais que fait-il pour se délivrer de ces remords et de ces frayeurs? Il se figure dans Dieu une miséricorde selon son gré, une miséricorde qui ne lui manquera jamais, une miséricorde où il trouvera dans tous les temps une ressource prompte et présente. De cette sorte, il vient à bout de deux choses qui l'accommodent : l'une, de demeurer dans son péché; l'autre, d'y être tranquille et sans alarmes. De demeurer, dis-je, dans son péché ; et voilà ce qui lui plaît, voilà ce qui fait toute la douceur de sa vie : mais afin de mieux goûter cette douceur, il faut qu'il y soit exempt de toute inquiétude; et voilà ce qu'il obtient, ou ce qu'il tâche d'obtenir, en éloignant de son esprit, autant qu'il peut, les formidables jugements du Seigneur, et ne conservant que le souvenir de ses bontés infinies.

Or, à l'égard de Dieu, est-il un outrage plus signalé ? Malheur à moi, mon Dieu, si la passion m'aveuglait jusqu'à ce point! Je me souviendrai de votre miséricorde ; et comment pourrai-je l'oublier, Seigneur, lorsqu'elle m'environne de toutes parts, et que dans mes égarements elle ne cesse point de me suivre et de m'appeler? mais je m'en souviendrai et je m'y confierai, pour me laisser vaincre enfin à ses aimables et favorables poursuites; pour m'encourager moi-même, et m'exciter à rompre, par un généreux effort, les habitudes criminelles qui me retiennent ; pour me répondre du secours tout-puissant de votre bras, qui m'aidera et me soutiendra; pour me reprocher l'obstination de mon cœur, et pour la fléchir par la considération de tant d'avances que vous avez déjà faites en ma faveur, et de tant de sollicitations auxquelles j'ai toujours résisté; pour comprendre combien mon âme jusques à présent vous a été chère, combien elle l'est encore ; et pour apprendre ce que je dois à l'amour d'un Dieu qui, tout pécheur que je suis, veut me sauver. Car voilà, Seigneur, à quoi doit me servir la vue de cette miséricorde dont j'ai trop longtemps abusé ; voilà désormais l'usage que j'en dois faire.

 

Second point. — Confiance, par rapport au pécheur, la plus trompeuse. Il compte sur une miséricorde dont il se rend spécialement indigne, et il s'expose par sa confiance même aux châtiments de Dieu les plus rigoureux. C'est donc une grossière illusion que cette confiance sur laquelle il s'appuie; et c'est, pour établir l'espérance de son salut, un fondement bien peu solide et bien ruineux.

1° Miséricorde dont il se rend spécialement indigne. Tout pécheur, dès là qu'il est pécheur est indigne de la miséricorde de Dieu : mais, outre cette indignité commune et générale, il y en a une spéciale et particulière ; c'est celle du pécheur présomptueux. Car est-il rien par où l'on se rende plus indigne d'une grâce, que d'en abuser ; que de s'en jouer, pour parler ainsi, et de la mépriser; que de l'employer contre celui même ou de qui on l'a reçue, ou de qui on l'attend ? Or, se rendre non-seulement indigne, mais spécialement indigne de la miséricorde du Seigneur, et cependant faire fonds sur elle et s'en tenir assuré, tandis qu'on l'insulte, tandis qu'on s'oppose à ses desseins et qu'on renverse toutes ses vues, tandis qu'on en tarit toutes les sources, n'est-ce pas une témérité insoutenable, et y a-t-il confiance plus vaine et plus chimérique? Hé quoi ! les pénitents mêmes, je dis les vrais pénitents, touchés du repentir le plus vif et le plus sincère , n'osent encore se tenir assurés d'avoir obtenu grâce. A en juger selon les règles de la prudence chrétienne, ils ont pris toutes les mesures nécessaires pour fléchir la divine miséricorde, et pour se la rendre propice ; ils se sont humiliés devant Dieu ; ils ont eu recours à ses ministres; ils ont pleuré, gémi, renoncé à leurs engagements ; ils se sont accusés, condamnés , assujettis à des exercices pénibles et contraires à toutes leurs inclinations. Que de sujets de confiance, et que de raisons pour bannir de leur esprit toute inquiétude ! Cependant ils tremblent toujours; la vue de leur indignité les trouble, et les jette quelquefois dans des alarmes dont ils ont peine à revenir, tant ils sont frappés de cette parole de l'Ecclésiastique, que nous ne devons point être sans crainte pour les offenses mêmes qui ont été remises (1). Comment donc le pécheur présomptueux peut-il demeurer tranquille sur celles qui sont à remettre , et dont tous les jours il augmente le nombre ?

 

1 Eccli., XVI, 1.

 

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2° Confiance aussi qui expose le pécheur aux châtiments de Dieu les plus rigoureux. Mille exemples l'ont fait voir; et combien de fois Dieu, également jaloux de toutes ses perfections et de ses divins attributs, a-t-il montré aux hommes, par des coups éclatants, que s'il est miséricordieux, il n'est pas moins juste; et qu'autant qu'il est libéral et bienfaisant dans ses dons, autant est-il sévère et terrible dans ses vengeances?

Et sur qui les exercera-t-il avec plus de sujet, ces vengeances redoutables, si ce n'est sur des pécheurs qui se retirent de lui, qui s'obstinent contre lui, qui foulent aux pieds toutes ses lois, qui le trahissent et le déshonorent, en présumant de sa grâce? Le jour viendra, dit-il, et vous apprendrez alors, mais à vos propres dépens et à votre ruine, vous le verrez, vous le saurez, quel mal c'était pour vous d'abandonner le Seigneur votre Dieu (1), et de l'abandonner parce que vous vous répondiez à vous-mêmes de son amour. Ce n'était pas seulement l'offenser, mais l'insulter : or il aura son temps, où

 

1 Jerem., II, 19.

 

lui-même il insultera à votre malheur, quand la mort viendra fondre sur vous comme un orage, et que , dans une prompte et fatale révolution, vous vous trouverez tout à coup au fond de l'abîme. Car, c'est ainsi que l'Esprit du Seigneur s'en est expliqué, et telle est la menace qu'il vous fait encore aujourd'hui, mais peut-être pour la dernière fois : c'est à vous d'y prendre garde. De là, en effet, ces accidents imprévus que le ciel permet; de là ces morts subites qui surprennent un pécheur ; de là cet aveuglement de l'esprit, dont Dieu le frappe ; de là cet endurcissement du cœur où il le laisse tomber ; de là ce foudroyant arrêt qu'il lui prépare dans l'éternité. Espérons et tremblons. Espérons en la miséricorde de Dieu, mais tremblons sous le glaive de la justice de Dieu. Deux sentiments ordinaires au Prophète-royal. Que notre confiance soutienne notre crainte qui pourrait nous abattre; et que notre crainte retienne notre confiance qui pourrait trop nous élever. Que l'une et l'autre, dans un parfait accord, nous conduisent au terme du salut!

 

 

MERCREDI. — Jean-Baptiste prêchant une pénitence fructueuse et sans relâchement.

 

SERMON SUR LES FRUITS DE LA PÉNITENCE.

 

Facite fructus dignos pœnitentiœ.

Faites de dignes fruits de pénitence. (Luc, III, 8.)

 

Ce ne sont point seulement des fruits de pénitence que demaude Jean-Baptiste, mais de dignes fruits ; et ces fruits consistent à rétablir l'homme pénitent dans l'ordre, d'où le désordre du péché l'a fait sortir. Il s'est déréglé par la transgression de ses devoirs, et voilà les fruits de son iniquité; mais c'est par la pratique de ces mêmes devoirs qu'il se remet dans la règle, et voilà les fruits de sa pénitence. Dignes fruits, si cette pratique est telle que Dieu la veut et qu'elle doit être ; si, dis-je, c'est une pratique fidèle, et si c'est une pratique fervente. Comme donc on connaît l'arbre par ses fruits, on connaît notre pénitence par ses œuvres : je veux dire qu'on la connaît par l'accomplissement de nos devoirs. Pratique fidèle qui ne laisse rien échapper : premier point. Pratique fervente qu'une sainte ardeur anime et que rien ne peut arrêter; second point. Daigne le ciel nous renouveler ainsi par la grâce de la pénitence : et puissions-nous travailler nous-mêmes à ce changement par une conduite plus régulière et plus exemplaire !

 

Premier point. — Pratique de nos devoirs, pratique fidèle qui ne laisse rien échapper. Quand Dieu parle , dans l'Apocalypse, à cet évêque d'Ephèse dont la charité s'était refroidie, et qu'il l'avertit de faire pénitence : Souvenez-vous, lui dit-il, d'où vous êtes déchu, et reprenez vos premières œuvres (1). Ces première œuvres, c'étaient ses fonctions, c'étaient ses devoirs qu'il avait négligés, et à quoi Dieu lui ordonnait de s'appliquer avec une fidélité toute nouvelle. Sans cela, qu'est-ce que la pénitence? Car une solide pénitence n'est pas seulement de s'abstenir du mal qu'on a commis, mais de pratiquer le bien qu'on n'a pas fait. Voila pourquoi Dieu rappelant les pécheurs par la bouche de ses prophètes, et les exhortant à la pénitence, ne se contentait pas de leur dire : Quittez vos voies corrompues; mais ajoutait : Marchez dan mes voies, marchez dans les voies de la justice.

 

1 Apoc, II, 5.

 

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Or nos devoirs , ce sont pour chacun de nous les voies de la justice, ce sont les voies de Dieu. Devoirs envers Dieu , devoirs envers le prochain, devoirs à l'égard de nous-mêmes. Devoirs envers Dieu, qui sont tous les devoirs de religion et de piété ; devoirs envers le prochain, qui sont tous les devoirs de charité, de miséricorde, de société, de droiture et d'équité, de vigilance sur autrui et par rapport à autrui, selon la différence des états et les divers degrés de subordination ; devoirs à l'égard de nous-mêmes , qui regardent la réformation de nos mœurs et la sanctification de notre vie, le retranchement de nos vices et notre avancement dans les vertus. Devoirs généraux et devoirs particuliers : les uns qui nous regardent en général comme hommes, comme chrétiens, comme enfants de l'Eglise ; les autres qui nous concernent spécialement et en particulier , selon les divers engagements et les obligations propres que nous imposent notre vocation, notre profession, notre condition, la place que nous occupons, le rang que nous tenons, le' caractère dont nous sommes revêtus. Quel champ pour la pénitence, et que de fruits elle peut produire?

Fruits abondants : car dans une exacte observation de ces devoirs, surtout après un libertinage de plusieurs années, il n'y a pas peu de violences à se faire, ni peu de victoires à remporter. A combien d'exercices faut-il s'assujettir, dont on n'a presque jamais eu l'usage? à combien de soins faut-il descendre, qu'on avait jusque-là négligés, et même tout à fait abandonnés? Combien de dégoûts et d'ennuis y a-t-il à soutenir, et en combien de rencontres faut-il rompre sa volonté et agir contre son inclination? Fruits solides,  puisque dans la pratique de ses devoirs, tout communs qu'ils sont, il n'y a pas une perfection commune, et que rien au contraire n'est plus selon l'esprit et le gré de Dieu. Tout le reste est bon, et l'on n'en doit rien omettre autant qu'il est possible ; mais les devoirs sont préférables à toute autre chose, et Dieu ne demande rien de nous plus particulièrement ni plus expressément. Fruits durables et permanents : d'autres pénitences qu'on peut s'imposer, et que suggère un saint désir de satisfaire à Dieu, sont passagères, elles ont leurs jours , elles ont leurs temps; mais l'accomplissement de nos devoirs est une pénitence de toute la vie ; elle ne souffre point d'interruption , et c'est un joug que nous portons jusques au tombeau. Suivant ce plan, formons-nous l'idée d'une âme vraiment pénitente: car en voilà la plus juste image. Mais où la trouve-t-on , cette âme, et où voyons-nous de tels fruits? Ne pourrais-je pas dire d'un pénitent de ce caractère ce qui est dit de la femme forte , qu'il est aussi rare que ce qu'on apporte de plus précieux des extrémités du monde (1) ? Malgré la corruption du siècle, nous entendons encore parler de quelques conversions : mais à quoi se terminent-elles ? à corriger certains excès, à se défaire de certains vices, de certains attachements honteux et scandaleux; mais du reste en devient-on plus fidèle aux devoirs du christianisme, aux devoirs de son état, à tout ce qui est du bon ordre et d'une vie réglée? Là-dessus nulle exactitude, nulle attention.

 

Second point. — Pratique de nos devoirs, pratique fervente, qu'une sainte ardeur anime et que rien ne ralentit. C'était une excellente règle que donnait l'apôtre saint Paul aux Romains, quand , pour leur apprendre de quelle manière ils devaient se comporter dans la loi nouvelle qu'ils avaient embrassée, il leur disait : Comme vous avez fait servir vos corps à l'impureté et au crime pour tomber dans le péché, faites-les servir maintenant à la vertu et au devoir, pour vous rendre saints (2). Règle que tout pénitent doit s'appliquer à lui-même, et qui lui fournit un des plus puissants motifs pour exciter son zèle dans la nouvelle route où il est entré, et dans tous les exercices d'une vie chrétienne. Ce n'est point assez pour lui de se remettre à la pratique de ses devoirs : il faut de plus que la ferveur dont cette pratique est accompagnée la relève et la sanctifie. Car, doit-il dire, la même ardeur que j'ai eue dans mes égarements, et avec laquelle je me suis porté à tout ce qui pouvait contenter mes passions au préjudice de mon devoir, ne serait-il pas bien indigne qu'elle vînt à se refroidir dans mon retour et à m'abandonner, lorsqu'il s'agit de satisfaire à mes obligations les plus essentielles ?

Ferveur tellement nécessaire, que sans cela notre pénitence ni ses fruits ne peuvent longtemps se maintenir. Et en effet, sans ce feu , sans cette ferveur et la force qu'elle inspire, le moyen qu'un pénitent surmonte toutes les difficultés qu'il doit immanquablement rencontrer dans un genre de vie auquel il n'est point fait, et qui le gêne, qui le rebute, qui le tient toujours dans un état pénible et violent? De là donc tant de pénitents, semblables à ces lâches combattants d'Ephrem, qui prirent la fuite au

 

1 Prov., XXXI, 10. — 2 Rom., V, 20.

 

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jour du combat et cédèrent dès le premier choc, se sont rendus aux moindres assauts et ont démenti toutes leurs résolutions : pourquoi ? parce qu'un fonds de tiédeur où ils sont demeurés, quoique pénitents, leur a affaibli le courage, et qu'ils ont manqué de fermeté pour résister. Et voilà aussi la dernière et la plus commune ressource qui reste à l'ennemi de notre salut, ou plutôt à la nature corrompue, pour reprendre l'empire sur nous, et pour nous enlever tout le fruit de notre pénitence. A ces heureux moments où la grâce nous touche, nous pénètre, nous possède, l'enfer, le monde, la nature, la passion, sont en quelque sorte réduits à se taire. On ferme l'oreille à toutes leurs suggestions, on repousse tous leurs efforts, on franchit toutes les barrières qu'ils nous opposent. Il faut qu'ils cèdent, et qu'ils nous laissent agir selon les saints mouvements qui nous transportent. Mais ce feu n'est pas toujours également vif. On pourrait l'entretenir : mais on n'y emploie pas les moyens convenables. Il diminue, il passe, il s'éteint : et si peut-être on n'en vient pas d'abord jusqu'à retomber dans les mêmes dérèglements, du moins au bout de quelques jours on se relâche, on devient lent, froid, tout languissant. Or, c'est alors que ces mortels ennemis sur qui l'on avait eu l'avantage, et qui semblaient abattus et vaincus, commencent à se relever. C'est là l'heure justement, c'est la dangereuse conjoncture qu'ils attendaient pour renouveler leurs attaques. L'esprit tentateur sollicite plus fortement que jamais : le monde se présente avec ses charmes les plus engageants; la nature, la passion se réveillent, et, dans la disposition où l'on est, dans cette langueur et cet attiédissement, il n'est que trop ordinaire de rendre bientôt les armes et de reprendre ses premières voies.

Si nous voulons être à Dieu, soyons-y comme nous y devons être, et d'une manière digne de Dieu. Honorons-le d'autant plus, que nous l'avons plus déshonoré ; édifions d'autant plus le prochain, que nous l'avons plus scandalisé; tâchons de regagner tout ce que nous avons dissipé de temps, de grâces, de mérites, et enrichissons-nous d'autant plus, que nous sommes plus appauvris. Or, tout cela ne se peut sans une ferveur toujours vive, toujours agissante. Telle a été la ferveur de Madeleine, et d'une multitude innombrable de pénitents dans tous les siècles : telle soit la nôtre !

 

JEUDI. — Jean-Baptiste prêchant une pénitence austère et sans ménagement.

 

SERMON SUR LES ŒUVRES SATISFACTOIRES.

 

Ipse autem habebat vestimentum de pilis camelorum, et zonam pelliceam circa lumbos suos. Esca autem ejus erat locustœ et mel sylvestre.

 

Or, son vêtement était de poil de chameau. Il avait autour des reins une ceinture de cuir : et sa nourriture, c'étaient des sauterelles et du miel sauvage. (Matthieu, III, 4.)

 

Ce n'est point seulement de bouche ni par ses paroles que Jean-Baptiste prêche la pénitence, mais par ses œuvres et par ses exemples. Ce vêtement grossier dont il est couvert, cette abstinence, ce jeune perpétuel qu'il pratique, ce renoncement à toutes les aises et à toutes les douceurs de la vie, voilà ce qui dut être mille fois plus efficace sur les esprits de ses auditeurs, pour les porter aune pénitence austère, que tous les raisonnements et tous les discours. Quoi qu'il en soit, c'est à cette pénitence, c'est à ces saintes rigueurs, à cette mortification des sens, à tout ce que nous appelons œuvres pénibles et satisfactoires, que nous engagent nous-mêmes deux grands intérêts : l'intérêt de Dieu et notre intérêt propre. L'intérêt de Dieu que nous avons à venger : premier point. Notre intérêt propre que nous avons à procurer : second point. Voici une matière dont la délicatesse du monde sera offensée; mais il faut que le péché soit puni, et l'on n'est pas pénitent pour mener une vie commode et molle.

 

Premier point. — L'intérêt de Dieu que nous avons à venger, soit par un esprit de justice, soit par un esprit de reconnaissance et d'amour : double raison qui regarde Dieu directement, et qui, en vue de ses droits que nous avons violés, doit nous animer d'un saint zèle contre nous-mêmes.

Esprit de justice : car il est bien juste que Dieu, après l'offense qu'il a reçue de l'homme par le péché, reçoive aussi de l'homme, par une peine proportionnée, la satisfaction qui lui est due. Ainsi, nous devons là-dessus nous regarder comme juges établis par la justice

 

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divine entre Dieu même et nous. Dieu nous dit à chacun ce qu'il disait par son prophète aux infidèles habitants de Jérusalem : Soyez juge entre moi et ma vigne (1) ; c'est-à-dire entre moi et vous, pécheur que j'ai formé , que j'ai cultivé avec le même soin que le vigneron cultive une vigne dont il veut recueillir de bons fruits. Où sont-ils ces fruits que j'attendais? sont-ce tant d'iniquités où la passion vous a porté ? sont-ce tant d'outrages que vous m'avez faits et à ma grâce? Voilà donc sur quoi nous devons prendre en main  la cause de Dieu et nous juger nous-mêmes, sans égard, ni aux prétextes de l'amour-propre, ni aux répugnances de la nature, ni aux révoltes des passions; car il n'y a que l'équité qui doive ici nous animer et nous conduire.  Selon cette droite équité, nous mesurerons la vengeance parla grièveté de l'offense; et plus nous nous reconnaîtrons criminels, plus nous redoublerons le châtiment et la peine. Or, pour comprendre combien   nous sommes  coupables, comprenons, autant qu'il est possible à la faiblesse de nos connaissances, ce que c'est que Dieu, et ce que c'est que l'homme rebelle à Dieu : ce que c'est, dis-je, que Dieu, et combien les droits de ce souverain Maître sont inviolables et sacrés ; ce que c'est que l'homme devant Dieu, et quelle est sa dépendance, quels sont ses devoirs. De là nous conclurons de quoi nous sommes redevables à Dieu en qualité de pécheurs : et que faudra-t-il davantage pour nous déterminer à tout ce qu'il y a, dans une vie pénitente, de plus rude et de plus sévère ?

2° Esprit de reconnaissance et d'amont. Plus un pécheur pense à la grâce que Dieu lui a faite on le rappelant, en se réconciliant avec lui, en lui remettant son péché et la peine éternelle où l'exposait son péché, plus il sent croître son amour pour un Maître dont il ne peut assez admirer l'infinie miséricorde; et plus il est touché d'amour pour Dieu, plus il se condamne lui-même, plus il se liait lui-même de cette haine évangélique qui nous sauve en nous perdant. Dans cette disposition, on ne cherche guère à s'épargner. Vous m'avez pardonné, mon Dieu, et c'est pour cela que je ne me pardonnerai pas moi-même ; vous pouviez exercer sur moi vos vengeances pendant toute l'éternité : je le méritais ; mais vous ne l'avez pas voulu ; et c'est pour cela que je veux, au moins dans le temps, vous venger de moi-même, selon qu'il vous plaira de me l'inspirer,

 

1 Isai., V, 3.

 

et que votre gloire le demandera. Ah! Seigneur, j'étais un ingrat lorsque je me suis tourné contre vous, et que j'ai transgressé vos divins commandements. Tant de bienfaits que j'avais déjà reçus, c'étaient des raisons bien fortes pour vous être fidèle jusques à la mort, et pour ne me détacher jamais de vous. Je vous ai toutefois oublié, et j'ai suivi la passion qui m'entraînait; mais dans mon égarement même vous avez pris soin de moi, vous m'avez recherché, et vous daignez me recevoir. Or, après cette nouvelle grâce, ne serait-ce pas dans moi une ingratitude toute nouvelle et même le comble de l'ingratitude, si je refusais de vous satisfaire, si je ne voulais me faire pour cela nulle violence, si je ne voulais rien supporter pour cela, et si de moi-même je ne me condamnais à rien? Ainsi parle une âme contrite; et de là à quoi n'est-elle pas préparée? quelles réparations ne voudrait-elle pas faire à Dieu ? Il n'y a pas d'état si mortifiant dont elle ne se juge digne, et souvent on est plutôt obligé de la retenir que de l'exciter. Mais nous, par des principes bien opposés, de quels ménagements n'usons-nous pas, lors même que nous sommes pénitents, ou que nous croyons l'être? La pénitence consiste dans le repentir du cœur, il est vrai ; mais dès que ce repentir est dans le cœur, il se produit au dehors et passe bientôt aux œuvres; autrement, il est bien à craindre que ce ne soit un faux repentir qui nous trompe, et une illusion que nous n'apercevons pas, ou que nous nous cachons à nous-mêmes, mais que Dieu connaît.

 

Second point. — Notre propre intérêt que nous avons à procurer, soit pour la vie présente , soit pour l'autre vie : deux motifs qui nous regardent spécialement, et qui, en vue des avantages attachés aux œuvres d'une pénitence satisfactoire, sont encore pour nous de nouveaux engagements à les pratiquer, autant que notre condition le comporte, et selon qu'elle le peut permettre.

1° Par rapport à la vie présente. Le plus grand intérêt que nous ayons sur la terre, c'est de vivre dans la grâce de Dieu, et de mettre par là à couvert notre salut; de tenir en bride nos passions, et de réprimer leurs appétits déréglés; de nous prémunir contre les tentations du démon, contre les dangers du monde, contre les illusions de la cupidité, contre les convoitises de la nature corrompue ; de marcher ainsi dans les voies du ciel, et d'y persévérer jusques à la mort. Or, qui ne sait pas que le

 

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moyen le plus assuré pour tout cela, ce sont les exercices de la mortification chrétienne? Mener une vie aisée, passer ses jours dans le repos et dans le plaisir, ne rien refuser à sa sensualité et à ses désirs de tout ce qu'on croit pouvoir leur accorder sans crime, et en même temps vouloir garder son cœur et le préserver de toute corruption, c'est vouloir être au milieu du feu, et ne pas brûler. Ils se sont réjouis, disait le Prophète, ils se sont traités et nourris délicatement, ils se sont engraissés (1) ; et qu'est-il arrivé de là ? C'est qu'ils ont abandonné le Seigneur, leur Dieu et leur Créateur. Source ordinaire de tant de vices qui règnent parmi les hommes, et dont les saints ne se sont garantis qu'en se renonçant eux-mêmes, et en se déclarant les plus implacables ennemis de leurs corps. Que dis-je? tout saints qu'ils étaient, et avec toutes les pénitences qu'ils pratiquaient, ils n'ont pu même éteindre absolument dans eux le feu de cette concupiscence qu'ils avaient apportée en naissant. Quoique morts en apparence, ou réduits par la continuité de leurs abstinences et de leurs jeûnes, par les excès de leurs austérités, à n'être plus, pour ainsi dire, que des cadavres vivants, ils ressentaient néanmoins encore l'aiguillon de la chair. Le grand Apôtre lui-même n'en était pas exempt : il s'en plaignait humblement à Dieu, et il demandait avec instance d'en être délivré. Saint Jérôme, jusque dans le fond de son désert , en éprouvait les importunes atteintes, et en gémissait. Que serait-ce s'ils eussent flatté leurs sens, et qu'ils eussent vécu dans les délices?

2° Par rapport à l'autre vie. Car c'est une loi indispensable que le péché soit expié, et que la justice de Dieu soit satisfaite, ou maintenant, ou après la mort. Maintenant nous sommes, pour parler de la sorte, dans nos mains ; mais

 

1 Deut., XXXII, 15.

 

après la mort nous serons dans les mains de Dieu. Or l'Apôtre nous avertit que c'est une chose terrible que de tomber dans les main du Dieu vivant (2) ; pourquoi ? parce que ce n'est plus proprement alors sa miséricorde qui agit, mais sa plus pure et plus étroite justice. Car c'est là, selon le langage de l'Evangile, que Dieu redemande tout, et qu'il fait tout payer jusqu'à un denier. Il vaut donc bien mieux nous acquitter dès ce monde à peu de frais : je dis à peu de frais ; et qu'est-ce en effet que toute la pénitence de cette vie, en comparaison de ce feu où les âmes sont purifiées des taches qu'elles emportent avec elles, et qu'elles n'ont pas pris soin d'effacer? Que ne pouvons-nous là-dessus les interroger ! que ne pouvons-nous être témoins de leurs regrets, lorsqu'elles pensent à la perte qu'elles ont faite, en ne ménageant pas des temps de grâce qui leur devaient être précieux, et où il ne tenait qu'à elles de prévenir toutes les peines qu'elles endurent ! Oh ! si elles étaient en état de les rappeler, ces heureux moments ! s'il leur était permis de revenir sur la terre, et de réparer l'extrême dommage que leur a causé une trop grande indulgence pour elles-mêmes et pour leurs sens! que leur proposerait-on de si austère qui les étonnât ; et quel prétexte la délicatesse de la chair pourrait-elle leur opposer qui les arrêtât? Déplorable aveuglement des mondains! leur sensibilité est infinie, le moindre effort les incommode , la moindre douleur leur paraît insoutenable, et ils ne craignent point de s'exposer à des flammes dont l'atteinte la plus légère est au-dessus de tout ce que nous pouvons imaginer de plus douloureux. Apprenons à mieux connaître nos véritables intérêts : moins nous nous épargnerons, plus nous gagnerons.

 

1 Hebr., X, 31.

 

 

VENDREDI. — Jean-Baptiste prêchant une pénitence efficace et salutaire.

 

SERMON SUR L'EFFICACE ET LA VERTU DE LA PÉNITENCE.

 

Et videbit omnis caro salutare Dei.

Tout homme verra le salut qui vient de Dieu. (Luc, III, 6.)

 

Effet merveilleux de la pénitence ! elle nous ramène à Dieu, elle nous remet en grâce avec Dieu, elle nous procure le salut qui vient de Dieu. Tout homme, disait Jean-Baptiste, prêchant lui-même la pénitence, tout homme le verra, ce salut ; c'est-à-dire que tout pécheur aura part aux avantages inestimables de cette pénitence, s'il en prend les sentiments et s'il en suit les saintes impressions. Est-il une vérité plus consolante? et de quelle confiance n'est-elle pas capable de nous remplir, à quelques égarements que nous ayons été sujets ? Confiance

 

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chrétienne, confiance absolument nécessaire pour la conversion du pécheur, puisque sans cela il doit désespérer de la miséricorde divine, et s'abandonner à tous les excès où le désespoir peut le précipiter. Il nous est donc bien important de savoir quelle est l'efficace et la vertu de la pénitence, afin que nous ayons recours à cette piscine salutaire, et que nous y cherchions la guérison des blessures de notre âme. Or tout se réduit à deux articles, savoir : qu'il n'y a point de pécheur que la pénitence ne puisse justifier, et qu'elle ne puisse sanctifier. Deux avantages tout différents : justifier le pécheur et sanctifier le pécheur. Justifier le pécheur, c'est précisément le rétablir dans la grâce de Dieu, qu'il avait perdue ; mais parce que dans cet état de grâce il y a divers degrés, sanctifier le pécheur, c'est de plus le faire monter à cette perfection qui distingue les élus de Dieu et qui en rehausse le mérite. Ainsi le pécheur justifié par la pénitence, sanctifié par la pénitence, voilà le double miracle qu'elle opère dans nous. Parlons encore autrement, et disons : Nul péché si grief et si énorme que la pénitence ne puisse effacer, et nulle sainteté si haute et si parfaite où la pénitence ne puisse nous élever.

 

Premier point. — Nul péché si grief et si énorme que la pénitence ne puisse effacer, et par là même, point de pécheur qu'elle ne puisse justifier. Cette proposition suppose une vraie pénitence, une pénitence parfaite, une pénitence accompagnée de toutes les conditions requises : car c'est en ce sens que nous devons l'entendre. Or, tel est alors son pouvoir, qu'il n'y a rien dont elle n'obtienne une rémission assurée, une rémission prompte, une rémission entière; et c'est ainsi qu'en humiliant l'homme devant Dieu, elle triomphe du cœur de Dieu, quelque irrité qu'il soit, et lui fait une espèce de violence pour le fléchir et le gagner.

Rémission assurée : non pas que Dieu, selon les droits de sa justice, ne pût rejeter le pécheur, et lui refuser sa grâce pour jamais. Mais la miséricorde l'emporte sur cette justice rigoureuse ; et c'est assez que le pécheur, renonçant à son péché, lève l'obstacle qui le séparait de Dieu, pour engager Dieu comme un père tendre, ou comme ce bon pasteur de l'Evangile , à recevoir cette brebis égarée, et à reprendre en faveur de cet enfant prodigue les premiers sentiments de son amour. Nous en faut-il d'autre garant que Dieu lui-même et que sa parole? Toutes ses Ecritures sont pleines sur cela des promesses les plus authentiques et les plus expresses. Point d'exception : elles s'étendent à tout péché, de quelque nature qu'il soit, et quelque abominable que nous le puissions concevoir. On ne peut lire, sans en être frappé et comme saisi d'horreur, tous les reproches que le Dieu d'Israël faisait à son peuple. C'est une nation vendue au péché, disait le Seigneur, c'est un peuple chargé de toutes les iniquités, une race pervertie et corrompue; ce sont des enfants ingrats et scélérats : malheur à eux ! Quelle image et quel anathème ! Ne semble-t-il pas qu'il n'y avait plus de ressource pour ce peuple , et qu'ils étaient perdus ? Cependant que s'ensuit-il de tout cela? Après tant de reproches et de si terribles menaces : Revenez, conclut le même Seigneur parlant aux mêmes pécheurs, convertissez-vous, cessez de faire le mal et ne craignez point. Quand vos péchés seraient comme l’écarlate, ils deviendraient comme la neige ; et quand vous auriez été tout noircis de crimes, vous serez blancs à mes yeux comme la laine la plus blanche (1). Quelle assurance pouvons-nous demander plus formelle et plus marquée?

Rémission prompte : un moment suffit ; comment cela? c'est qu'il ne faut qu'un moment pour former l'acte d'une contrition parfaite. Or, cet acte est toujours et immédiatement suivi de la rémission. David avait péché : le Prophète, de la part de Dieu, vient lui reprocher son crime, un adultère et un meurtre tout ensemble. Mais, à la voix du Prophète, ce roi pécheur ouvre tout à coup les yeux, rentre en lui-même, se reconnaît coupable, se tourne vers Dieu, et, dans un sentiment de repentir, s'écrie : J'ai péché contre le Seigneur (2). Que lui répond Nathan ? Il ne lui dit pas : Le Seigneur vous pardonnera ; il ne lui dit pas : Allez vous humilier , prier devant l'arche et demander miséricorde, le Seigneur vous l'accordera ; mais il lui dit, dès l'heure même et sans retardement : Le Seigneur a éloigné de vous votre péché, vous ne mourrez point. C'est-à-dire, le Seigneur vous a pardonné, votre péché vous est remis, vous voilà réconcilié et en étal de grâce. Du moment qu'un criminel crucifié à côté de Jésus-Christ lui eut témoigné son regret, et que, se reconnaissant digne du supplice qu'il endurait, il lui eut fait, avec un cœur contrit et pénitent, cette humble prière : Seigneur , souvenez-vous de moi quand vous serez dans votre royaume, que lui promit ce

 

1 Isa., I, 18. — 2 2 Reg., XII, 13.

 

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divin Maître ? Je vous le dis en vérité, lui répondit Jésus, dès aujourd'hui vous serez avec moi dans le paradis (1). Différence remarquable entre la rémission du péché et la satisfaction : celle-ci demande des œuvres et du temps ; mais l'autre ne veut qu'un mouvement du cœur et qu'un instant.

Rémission entière. Car Dieu ne pardonne point à demi, et sa grâce n'est point partagée. En remettant un péché, j'entends un péché mortel, il remet tous les autres ; de même aussi que le pécheur vraiment contrit d'un péché Test de tous les péchés dont il se trouve chargé devant Dieu.

Rémission même si réelle et si complète, que, selon le langage de l'Ecriture, Dieu perd en quelque manière le souvenir de tout le mal que le pécheur a commis. L'impiété de l’impie tombera sur lui ; mais s'il se remet dans le devoir et qu'il fasse pénitence, je ne me ressouviendrai plus de toutes ses injustices , et il vivra (2). Non pas que Dieu en effet les perde jamais de vue, puisqu'il est incapable du moindre oubli, et que tout le passé comme l'avenir lui est toujours présent. Mais le pécheur alors n'est plus aux yeux du Seigneur un objet de colère; et comme si tous ses péchés avaient été rayés des livres de la sagesse divine, Dieu n'y pense plus pour les lui imputer, et le condamner à une peine éternelle.

Ne disons donc point comme Caïn : Mon iniquité est trop grande ; je n'en aurai jamais le pardon (3). Ce serait faire injure au Père des miséricordes. Eh ! pourquoi mourrez-vous, maison d'Israël (4) ? Pourquoi, pécheur, n'irez-vous pas vous jeter dans le sein de votre Dieu, tandis qu'il vous est ouvert, et que la pénitence peut vous y conduire? Il vous appelle, venez : venez, dis-je, qui que vous soyez. Si vous vous rendez sourd à sa voix, et si vous le forcez de vous perdre, vous ne pourrez attribuer votre perte qu'à vous-même. Car c'est vous-même, vous dira-t-il, qui vous êtes obstiné contre ma grâce. Votre innocence avait malheureusement échoué, et fait un triste naufrage; mais je vous présentais une planche pour vous sauver. Vous étiez au fond de l'abîme, mais je vous tendais les bras pour vous en retirer. La grièveté, la multitude de vos offenses vous troublait; mais je ne cessais point de vous faire entendre, et par moi-même, et par mes ministres, que rien ne pouvait épuiser les trésors infinis de ma bonté, et que j'étais encore plus miséricordieux

 

1 Luc, XXII, 43. — 2 Ezech., XVIII, 22. — 3 Gen., IV, 13. — 4 Ezech., XVIII, 31.

 

que vous n'étiez pécheur. Il fallait profiter de ces dispositions favorables de votre Dieu. Il le voulait : que ne le vouliez-vous connue lui?

 

Second point. — Nulle sainteté si éminente et si parfaite où la pénitence ne puisse nous élever , et par conséquent point de pécheur qu'elle ne puisse sanctifier : pourquoi cela ? par deux raisons : l'une prise du côté de Dieu, et l'autre tirée de la nature même de la pénitence.

Car, à prendre d'abord la chose du côté de Dieu, il est certain que Dieu de tout temps, mais surtout depuis la loi de grâce, a toujours pris plaisir à faire éclater les richesses de sa miséricorde dans la sanctification des plus grands pécheurs. Pierre avait renoncé Jésus-Christ, et Dieu en a fait le prince des apôtres. Saul était un blasphémateur et un persécuteur du nom chrétien, et Dieu en a fait le maître des nations. Augustin avait été également corrompu et dans sa foi et dans ses mœurs ; mais Dieu en a fait le plus célèbre docteur de l'Eglise. Qu'était-ce, avant leur conversion, que tant de pénitents de l'un et de l'autre sexe? à quels vices n'étaient-ils pas sujets? à quels désordres ne s'étaient-ils pas abandonnés? quels scandales n'avaient-ils. pas donnés au monde? Mais Dieu en a fait des solitaires, des anachorètes, de sublimes contemplatifs, des modèles de mortification, d'abnégation de soi-même, d'oraison, de toutes les vertus chrétien in s et religieuses. Miracles de la droite du Très-Haut, qui, pour sa gloire et pour notre salut, a voulu nous donner de tels exemples, afin de nous piquer d'une sainte émulation, quelque criminels que nous soyons, et de nous faire comprendre qu'il ne tient encore qu'à nous d'aspirer, par la voie de la pénitence, à ce qu'il y a de plus relevé dans la perfection de l'Evangile : car le même Dieu , auteur de tant de merveilles, n'est pas moins puissant pour nous qu'il l'a été pour des millions de pécheurs et de pécheresses qui sont tombés avant nous dans les plus grands égarements, et qu'il a fait monter aux premiers rangs parmi ses élus. Il n'est pas moins jaloux présentement de sa gloire qu'il l'était dans les siècles passés, et l'intérêt de cette gloire divine ne l'engage pas moins à faire de nous, selon les tenues de l'Apôtre, des vases d'honneur pour être placés sur le buffet, après avoir été, par nos dérèglements et nos excès, des vases d'ignominie et de colère.

D'ailleurs, à considérer la nature même de

 

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la pénitence, rien ne doit être plus sanctifiant. Car elle fait trois choses : elle attire sur le pénitent des grâces de sainteté; elle inspire au pénitent le goût de la sainteté; et elle fournit au pénitent les sujets et les occasions les plus capables de le conduire à la sainteté.

Grâces de sainteté : la pénitence les attire sur le pénitent, en sorte que, selon la parole de saint Paul, où le péché abondait, la grâce devient surabondante (1); pourquoi ? pour récompenser la fidélité du pécheur à suivre l'impression des premières grâces qui l'ont touché, et qui l'ont excité à rechercher Dieu. Et en effet, ce n'est jamais en vain ni sans fruit qu'on est fidèle aux grâces de Dieu, et sa main libérale ne cesse point de les répandre sur nous, si nous ne cessons point d'y coopérer et d'y répondre. Parce que vous avez été fidèle dans l'administration des cinq talents que je vous ai confiés, en voici cinq autres que j'y ajoute (2).

Goût de la sainteté : la pénitence l'inspire au pénitent, et c'est ce que l'expérience nous montre. Par une providence particulière de Dieu, un pécheur dégagé de la servitude du péché trouve dans les pieux exercices qui l'occupent une onction dont il est lui-même surpris: si bien qu'il peut dire comme Job : Ce qui m'était auparavant le plus insipide est mai a tenant ma plus douce nourriture (3). En quel repos se trouva tout à coup saint Augustin, dès le moment de sa conversion ? en quel dégagement et quelle liberté d'esprit? Il l'admirait et ne le comprenait pas ; il en était comme hors de lui-même. Quel changement, s'écriait-il, et où en suis-je depuis que mes liens sont rompus ? Je ne croyais pas pouvoir me passer des plaisirs qui m'enchantaient, et maintenant mon plaisir le plus sensible est d'être privé de tout plaisir.

Sujets et occasions les plus capables de conduire un pénitent à la sainteté : c'est enfin ce que la pénitence lui fournit. Car, dans le cours d'une pénitence généreusement entreprise et constamment soutenue, en combien de rencontres faut-il pratiquer les vertus les plus héroïques? combien de fois faut-il se captiver, se gêner, se roidir contre soi-même, sacrifier ses inclinations, surmonter ses répugnances,

 

1 Rom., V, 20. — 2 Matth., XXV, 21. — 3 Job., VI, 7.

 

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combattre ses habitudes, essuyer les discours du monde, fouler aux pieds le respect humain, sans parler de toutes ces œuvres secrètes que l'esprit de pénitence ne manque point de suggérer? Or est-il rien de plus sanctifiant que tout cela? Quels trésors de mérites n'amasse-t-on pas? quels progrès ne fait-on pas? Ainsi ces ouvriers de l'Evangile qui vinrent après tous les autres travailler dans la vigne du père de famille, furent égalés aux premiers,et reçurent le même salaire : pourquoi? parce qu'en peu d'heures ils avaient réparé le temps perdu , et autant avancé, par l'ardeur de leur travail, que ceux qui s'y étaient appliqués dès le grand matin. Ce n'est pas même assez ; et combien y a-t-il eu de pénitents élevés à des degrés de sainteté où ne sont jamais parvenus le commun des fidèles? De quels dons ont-ils été favorisés; et, en sortant de ce monde, quels riches fonds ont-ils emportés avec eux?

De là, si nous sommes justes, c'est-à-dire si, par une protection spéciale de Dieu, nous avons eu jusques à présent le bonheur de vivre dans l'ordre et dans la règle, gardons-nous de nous confier en nous-mêmes, ni d'entrer dans les sentiments de ce pharisien qui se préférait avec tant d'orgueil au publicain, et même à tous les autres hommes. Ne méprisons jamais le pécheur, quel qu'il soit, et quelque abandonné qu'il paraisse. Ce pécheur, dans la suite des temps, sera peut-être un saint, et peut-être dans sa personne la parole de Jésus-Christ se vérifiera-t-elle : Je vous dis en vérité que les publicains et les femmes de mauvaise vie vous précéderont dans le royaume de Dieu (1). De là encore, si nous nous trouvons nous-mêmes engagés dans l'état du péché, réveillons-nous de notre assoupissement, et, pour allumer tout notre zèle, sans égard à ce que nous sommes, ayons sans cesse devant les yeux ce que nous pouvons devenir; car est-il rien de plus louchant et de plus consolant pour l'âme la plus criminelle, que cette pensée : Tout pécheur que j'ai été et que je suis, si je le veux, je puis être un saint! Mais est-il rien en même temps qui doive plus nous confondre au jugement de Dieu, si nous nous rendons insensibles à une telle espérance?

 

1 Matth., XXI, 31.

 

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