SERMON POUR LE TREIZIÈME DIMANCHE APRÈS LA PENTECOTE.
SUR LA CONFESSION.
ANALYSE.
Sujet. Dès qu'il eut aperçu ces lépreux, il leur dit :
Allez, faites-vous voir aux prêtres.
Ces
lépreux guéris, et obligés de se montrer aux prêtres, nous représentent les
pécheurs appelés au tribunal de la pénitence pour y confesser leurs péchés et y
être absous.
Division. Par rapport au passé, la confession est le moyen le
plus efficace et le plus puissant que la Providence nous ait fourni pour
effacer le péché : première partie. Et par rapport à l'avenir, la confession
est le préservatif le plus infaillible et le plus souverain pour nous garantir
des rechutes dans le péché : deuxième partie.
Première
partie. Par rapport au passé, la
confession est le moyen le plus efficace et le plus puissant que la Providence
nous ait fourni pour effacer le péché. D'où tire-t-elle cette vertu? 1° de la
volonté ou du don de Dieu; 2° d'elle-même et de son propre fonds.
1°
De la volonté on du don de Dieu. Un moyen de pénitence et de salut n'est
efficace qu'autant que Dieu veut l'accepter. Or, il a voulu et il veut
accepter, pour la rémission des péchés, la confession. En quoi Dieu fait
surtout paraître deux de ses divins attributs : sa grandeur et sa bonté. Sa
grandeur, remettant le péché en souverain, et sans observer avec nous toutes
les formalité d'une justice rigoureuse. Il lui suffit que nous nous
reconnaissions coupables. Sa bonté, exigeant de nous si peu de chose, et se
contentant, pour nous pardonner, du simple aveu de noire péché et du repentir
de notre cœur. Mais, dit-on, c'est à un homme qu'il faut faire cet aveu : il
est vrai, c'est a un homme, mais à un homme tenant la place de Dieu, et le
ministre des miséricordes de Dieu. Est-ce donc là une condition si difficile,
eu égard à la grâce que nous obtenons?
2°
D'elle-même et de son propre fonds. Car la confession du péché fait trois
choses les plus capables de gagner le cœur de Dieu. 1° Elle humilie le pécheur,
et par là lui arrache jusqu'à la racine du péché, qui est l'orgueil. Différence
entre l'esprit de l’hérésie et l'esprit de la vraie religion. Comme l'esprit de
l'hérésie est un esprit d'orgueil, il n'a pu souffrir la confession des péchés
aux prêtres. D'ailleurs, illusion de ceux qui fuient la confession par la honte
qu'ils y trouvent, et de ceux qui voudraient ôter cette honte aux pénitents. 2°
La confession excite en nous la douleur et la contrition du péché : car nous ne
comprenons jamais plus vivement la malice du péché que lorsque nous en faisons
la déclaration au tribunal de la pénitence. Hors de là nous n'y pensons pas, ou
nous n'y pensons qu'à demi. 3° Enfin il ne tient qu'à nous que la confession ne
commence déjà à expier la peine di péché, et qu'elle ne nous serve de
satisfaction pour le péché. Car dès qu'elle nous est pénible et que nous y
sentons une répugnance qui nous coûte à surmonter, nous pouvons nous en faire
un mérite auprès de Dieu. Aussi saint Ambroise n'a pas craint de dire que la
confession du péché est l'abrégé de toutes les peines ordonnées de Dieu contre
le péché : Omnium pœnarum compendium. Explication de cette parole.
Deuxième
partie. Par rapport à l'avenir, la
confession est le préservatif le plus infaillible et le plus souverain pour
nous garantir des rechutes dans le péché. Ceci se vérifie en considérant le
sacrement de pénitence sous trois rapports : 1° par rapport à Jésus-Christ, qui
en est l'auteur; 2° par rapport au prêtre, qui en est le ministre; 3° par
rapport à nous-mêmes, qui en sommes les sujets.
1°
Par rapport à Jésus-Christ, qu'est-ce que le sacrement de pénitence? C'est une
de ces sources de grâces que le Sauveur en mourant fit couler de son sacré
côté. Mais quelles grâces sont particulièrement attachées à la confession
sacramentelle? des grâces de défense et de soutien. Dieu veut que nous allions
recueillir ces grâces dans son sacrement : et de là il s'ensuit qu'un chrétien
quitte l'usage de la confession, renonce aux grâces du salut les plus
essentielles, qui sont les grâces de précaution contre le péché; et que plus un
chrétien approche du saint tribunal, plus il se fortifie contre la tentation.
2°
Par rapport au prêtre. Car le prêtre, en qualité de ministre choisi de Dieu, a
une grâce particulière pour la direction des âmes, et pour les maintenir dans
la voie de la justice chrétienne. Et en effet, que ne peut point sur nous un
directeur prudent et zélé, en qui nous avons confiance? Erreur ou mauvaise foi
de ceux qui ne veulent prendre d'un confesseur nulle règle de direction.
3°
Par rapport à nous-mêmes. L'expérience nous apprend que la confession est un
frein pour arrêter notre cœur et pour réprimer ses désirs criminels. Celte
seule pensée : Je dois demain ou dans quelques jours paraître au tribunal de la
pénitence, est capable de nous retenir dans les plus dangereuses occasions. An
contraire, quand une fois on a secoué le joug de la confession, en quels abîmes
ne se précipite-t-on pas? Les hérétiques ne l'ont que trop éprouvé. On me dira
qu'il se glisse bien des abus dans la confession; mais de quoi ne peut-on pas
abuser? Corrigeons les abus et conservons l'usage de la confession.
Quos
ut vidit, dixit : Ite, ostendite vos sacerdotibus.
Dès
qu'il eut aperçu ces lépreux, il leur dit :
Allez, faites-vous voir aux prêtres.
(Saint Luc, chap. XVII, 14.)
C'est l'ordre que donne le
Sauveur du monde à dix lépreux qui viennent implorer son secours pour être délivrés
de cette honteuse et mortelle contagion qui les infectait ; et c'est le puissant
remède que l'Eglise au nom de Jésus-Christ, nous présente pour être purifiés
d'une lèpre mille fois encore plus dangereuse, qui est le péché. Elle nous
envoie aux prêtres comme aux médecins de nos âmes, et elle nous ordonne de leur
faire connaître notre étal et nos maladies spirituelles : Ite, ostendite vos
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sacerdotibus. Dans l'ancienne loi, remarque saint
Chrysostome, les prêtres n'avaient pas le pouvoir de guérir la lèpre, mais ils
l'examinaient paiement, et jugeaient si elle était en effet guérie. Il n'y a
que la loi nouvelle, et que le sacrement de pénitence, où les ministres du Seigneur, successeurs des
apôtres, soient revêtus de l'autorité de Dieu même pour délier le pécheur, pour
le réconcilier, pour l'absoudre, et lui remettre par une parole tous ses
péchés. Cependant, Chrétiens, voici ce qui nous doit paraître bien étrange, et
ce que nous ne pavons assez déplorer dans le christianisme : c'est que tant de
pécheurs sachent si peu profiter du don de Dieu et du sacrement le plus
salutaire; c'est qu'au lieu de se rendre aux pressantes invitations de
Jésus-Christ, qui dans leur malheur leur a préparé cette ressource, et leur
tend les bras pour répandre sur eux ses bénédictions, ils s'obstinent à se
tenir éloignés de lui, et refusent d'approcher de son sacré tribunal ; c'est
que pouvant trouver dans une humble confession de leurs péchés la plus prompte
et la plus parfaite guérison, comme des malades agités d'un violent transport,
et insensibles à leurs maux, ils fuient le remède avec autant d'horreur qu'ils
devraient marquer et avoir d'ardeur pour le rechercher. J'entreprends
aujourd'hui de corriger ce désordre, et de vous représenter pour cela les
avantages de la confession. On prêche assez aux chrétiens l'affreux danger et
le crime d'une confession sacrilège : mais peut-être ne leur fait-on point
assez voir combien d'ailleurs une bonne confession leur peut être utile pour la
réformation de leur vie, et pour leur avancement dans les voies de Dieu. On
leur parle assez des dispositions nécessaires qu'ils y doivent apporter : mais
peut-être leur parle-t-on trop peu des fruits précieux et des biens
inestimables qu'ils en doivent espérer. Je prétends donc, mes chers auditeurs,
pour vous engager à un fréquent usage du sacrement de pénitence, vous en
montrer dans ce discours l'excellence et la vertu. Demandons les lumières du
Saint-Esprit par l'intercession de Marie : Ave, Maria.
Ce n'est pas mon dessein
d'établir par de longues preuves l'obligation indispensable et la nécessité de
la confession. Dès que nous sommes enfants de l'Eglise, nous sommes soumis à
ses décisions, et nous ne pouvons ignorer un de ses préceptes les plus
authentiques et les plus formels ; précepte fondé sur la parole de Jésus-Christ
même ; précepte autorisé par la tradition, confirmé par les conciles, reçu dans
tous les siècles, et observé de tout le peuple fidèle. Je sais néanmoins
comment l’ont regardé nos hérétiques ; qu'il leur a paru un joug insupportable,
et qu'ils l'ont rejeté comme une loi trop dure et trop pesante : mais sans
vouloir m'engager dans une controverse peu convenable et au temps et au lieu où
je parle, j'avance, mes chers auditeurs, et je vais vous en convaincre, que de
toutes les pratiques chrétiennes, une des plus avantageuses pour nous, et où
Dieu a eu plus d'égard à nos véritables intérêts, c'est la confession. Pour en
être persuadés, nous pouvons nous considérer en deux états différents : ou dans
l'état du péché, ou dans l'état de la grâce. Dans l'état du péché, nous avons
besoin de remède pour nous guérir; et dans l'état de la grâce, nous avons
besoin de force pour nous soutenir. Or, cela posé, écoutez deux propositions
qui vont faire tout le sujet de votre attention. Je dis que la confession est
le moyen le plus efficace et le plus puissant que la Providence nous ait fourni
pour effacer le péché : ce sera la première partie. J'ajoute que la confession
est encore le préservatif le plus infaillible et le plus souverain pour nous
garantir des rechutes dans le péché : ce sera la seconde partie. De l'une et de
l'autre vous apprendrez de quelle conséquence il est donc pour nous d'avoir
souvent recours au sacrement de la pénitence ; et ce sera la conclusion.
Ecoutez-moi, s'il vous plaît.
PREMIÈRE PARTIE.
C'est une doctrine communément
reçue dans la théologie, que quelque moyen que nous puissions employer pour
l'expiation de nos crimes, quand nous les avons une fois commis, il n'est point
de lui-même capable de les effacer, si Dieu ne l'accepte pour cela, et s'il n'y
ajoute sa grâce, qui est la grâce de la rémission. Mais la même théologie
reconnaît aussi que les moyens que Dieu veut bien accepter sont dans les règles
ordinaires des moyens proportionnés, et qui de leur nature ont déjà quelque
vertu, pour contribuer à un effet si noble et si relevé. Voilà, Chrétiens, les
deux principes sur lesquels j'établis la proposition que j'ai avancée quand
j'ai dit que la confession était un des remèdes les plus efficaces pour abolir
le péché. Car si vous me demandez d'où elle tire cette vertu, je prétends que
c'est premièrement de la volonté et du don de Dieu, secondement d'elle-même et
de son propre fonds. De la volonté de Dieu, parce que Dieu l'a spécialement
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choisie et agréée pour cette fin ; de son propre fonds,
parce qu'elle a tout ce qu'il faut pour faire entrer un pécheur, avec le
secours de la grâce, dans l'esprit d'une parfaite pénitence. De la volonté de
Dieu, parce que Dieu semble lui avoir remis absolument le pardon du péché ; de
son propre fonds, parce qu'elle a des qualités merveilleuses pour convertir le
pécheur et le ramener dans les voies de la justice. Deux considérations
auxquelles je réduis tout ce que j'ai à vous dire dans cette première partie.
Donnons à l'une et à l'autre tout l'éclaircissement qu'elles demandent.
Oui, Chrétiens, Dieu a voulu que
la rémission du péché fût attachée à la confession du péché : et la loi qu'il
en a faite, quoique d'abord elle paraisse une loi de justice, est tellement une
loi de miséricorde, qu'elle n'a pu venir que de la miséricorde même. Car quel
excès et quel prodige de bonté, que pour être absous d'un crime qui m'exposait
à une damnation éternelle, et qui la méritait, ce soit assez de m'en accuser
moi-même ; que Dieu se contente d'une telle déclaration, et qu'il me suffise,
comme parle saint Augustin, de confesser ce que je suis pour devenir ce que je
ne suis pas ! Ah ! mes Frères, s'écrie là-dessus Zénon de Vérone, voici un
jugement bien extraordinaire et bien nouveau. Si le criminel s'excuse, il est
condamné, et s'il se reconnaît coupable, il est justifié: Novum judicii
genus, in quo reus, si excusaverit crimen, damnatur; absolvitur, si fatetur.
Dans la justice des hommes, la procédure est bien différente : ils ne punissent
que ce que l'on découvre ; mais dans la justice divine, il n'y a de châtiment
et de punition que pour ce que l'on cache. Si vous révélez votre péché, en le
révélant vous le faites disparaître à mes yeux ; et si vous vous rendez votre
accusateur, je cesse d'être votre juge. Ce sont les belles paroles que Pierre
de Blois attribue à Dieu, et qu'il lui met dans la bouche, pour inviter un
pécheur à cet exercice si salutaire de la confession. De là vient, reprenait le
grand évêque de Vérone dont j'ai déjà cité le témoignage, que notre confession,
c'est-à-dire celle que nous faisons selon les lois du christianisme et au
tribunal de la pénitence, n'est point une confession forcée, ni arrachée par la
crainte ou par la violence des tourments; mais une confession libre,
volontaire, où nous nous expliquons de nous-mêmes et d'un plein gré , avec
repentir, avec amour : pourquoi ? parce que nous savons, dit-il, qu'elle ne
nous peut être qu'avantageuse, et que si notre Dieu
l'exige de nous, ce n'est point pour s'en prévaloir contre
nous et à notre perte, mais pour avoir lieu de nous combler de ses faveurs les
plus abondantes et les plus précieuses. De là vient, ajoute saint Chrysostome,
que nous confessons jusqu'à nos péchés les plus secrets. Prenez garde,
Chrétiens, à ce passage : il est important contre nos hérétiques, et je le tire
de l'homélie quinzième de la seconde Epître aux Corinthiens. Les juges de la
terre, dit ce saint docteur, ne prononcent que sur les faits dont il y a
conviction, et qui sont devenus publics : mais pour nous, qui suivons d'autres
maximes, et qui faisons profession d'une discipline toute sainte, nous
soumettons au tribunal de l'Eglise jusqu'à nos pensées. Et voici la raison
qu'il en apporte : c'est que notre foi nous apprend que cette confession de nos
propres pensées et de nos sentiments les plus intérieurs et les plus cachés,
bien loin de nous attirer de la part de Dieu un arrêt de condamnation, prévient
au contraire tous les arrêts que nous aurions à craindre de sa justice, et nous
en préserve. Mystère, mes chers auditeurs, que David avait si bien compris,
lorsqu'après avoir demandé à Dieu dans les termes les plus affectueux qu'il lui
fît grâce, qu'il versât sur lui ses miséricordes et ses plus grandes
miséricordes, qu'il le purifiât de toutes les taches du péché: Amplius lava
me ab iniquitate mea, et a peccato meo munda me (1), ce roi pénitent ne se
servait point d'autre motif pour l'y engager et pour le toucher en sa faveur,
que de lui dire : Vous voyez, Seigneur, que je reconnais mon iniquité : Quoniam
iniquitatem meam ego cognosco (2) ; Quelle conséquence ? Elle est
très-juste, répond saint Chrysostome; et David, parlant de la sorte, était
parfaitement instruit des intentions de Dieu, et de ses vues toutes
miséricordieuses. Car c'est comme s'il lui eût dit : Il est vrai, Seigneur, cet
aveu que je fais de l'offense que j'ai commise est une réparation très-légère ;
mais puisque vous voulez bien l'agréer et vous en contenter, j'ose vous
l'offrir, et j'espère par là me réconcilier avec vous. Vous me pardonnerez ,
mon Dieu, parce que je confesse mon péché : Et a peccato meo manda me,
quoniam iniquitatem meam ego cognosco.
Voilà comment Dieu veut qu'on
traite avec lui ; et cela, Chrétiens, fondé sur deux de ses divins attributs :
l'un est sa grandeur, et l'autre sa bonté. Sa grandeur, parce que c'est là
qu'il fait paraître ce qu'il est et ce qu'il peut,
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remettant le péché en souverain, et sans observer avec nous
toutes les formalités d'une justice rigoureuse. Sur quoi je me rappelle un lu
mu mot de saint Ambroise dans le panégyrique du grand Théodose. Il dit que ce
prince prenait quelquefois plaisir à juger lui-même les criminels d'état, et
qu'après les avoir convaincus et forcés d'avouer leur crime, au moment qu'ils
attendaient une sentence de mort et qu'ils redoutaient son juste courroux, il
changeait tout à coup de visage pour leur faire entendre qu'il leur rendait la
vie, et que de sa pleine volonté il les renvoyait sans châtiment. Or il en
usait ainsi, poursuit le même Père , parce qu'il ne voulait pas perdre ces
malheureux, et qu'il se faisait une gloire de vaincre leur malice par sa
clémence vraiment royale : Vincere enim volebat, non perdere. Telle est,
mes chers auditeurs, la conduite de Dieu envers nous. Outre qu'il y va de sa
grandeur, sa bonté s'y trouve encore intéressée. Parce qu'il nous aime, il ne
veut pas nous faire périr, mais il veut seulement avoir sur nous gain de cause.
Or il l'a par notre confession ; car c'est notre confession qui donne à sa
justice tout l'avantage qu'elle peut avoir pour nous punir, et à sa miséricorde
toute la gloire de nous pardonner.
C'est pourquoi le Prophète royal
disait encore à Dieu : Tibi soli peccavi et malum coram te feci, ut justificeris
in sermonibus tuis, et vincas cum judicaris (1) ; J'ai péché, mon Dieu, et
je le confesse : pourquoi ? afin que vous soyez glorifié dans ma personne, et
que, dans le pardon que vous m'accorderez, on connaisse que votre miséricorde
est au-dessus de toute la malignité de mon cœur, et qu'elle en a triomphé.
Aussi est-ce toujours cette miséricorde victorieuse que le Saint-Esprit nous
représente, quand il nous invite à la confession; et c'est en ce sens que saint
Augustin explique ces paroles du Psaume cent dix-septième : Confitemini
Domino quoniam bonus (2). Hé ! mon Frère , dit-il en s'adressant à un
pécheur, que craignez-vous de confesser votre péché à un Dieu si bon pour ceux
qui le confessent sincèrement et sans déguisement? Ne vaut-il pas mieux en le
déclarant vous rendre votre Dieu propice, que de l'irriter en demeurant dans un
silence criminel? Quid times confiteri Domino, qui confitenti bonus est ?
Fac confitendo propitium, quem negando facis infensum.
Mais, dites-vous, ce n'est point
seulement en
la présence de Dieu que je dois reconnaître mon péché ;
c'est encore à un homme qu'il m'est enjoint de le déclarer. J'en conviens, mon
cher auditeur, c'est à un homme, mais à un homme autorisé de Dieu, tenant la
place de Dieu, le ministre des miséricordes de Dieu. Et quelle peine un
chrétien peut-il avoir de confesser son péché à cet homme qui lui sert de
médiateur auprès de Dieu ? Tout honteux que je l'imagine, ce péché, ou qu'il
est en effet, quand il le faudrait confesser devant toute la terre et dans
l'assemblée de tous les justes, selon l'expression du Prophète : In concilio
justorum et congregatione (1) ; votre grâce, ô mon Dieu, dépendant de là et
m'étant promise à ce prix, devrais-je hésiter un moment? Devrais-je compter
pour quelque chose une condition à laquelle il vous a plu d'attacher pour moi
un si grand bien ? Ne devrais-je pas être prêt à faire au moins par une
obligation rigoureuse, et pour l'assurance de mon salut, ce que faisaient les
premiers fidèles par une abondance et une ferveur de christianisme ?
Craignaient-ils de confesser hautement leurs péchés? craignaient-ils de les
révéler à la face de toute l'Eglise ? Pourquoi n'aurais-je pas, dans la
confession secrète, la même soumission, la même résolution, le même zèle,
qu'ils avaient dans la pénitence et la confession publique? Pourquoi ne ferais-je
pas pour racheter mon âme, cette âme immortelle, ce que font tous les jours des
criminels pour racheter une vie passagère et périssable? Qu'un criminel ait
obtenu du prince des lettres de grâce, refuse-t-il de se présenter aux juges
commis pour les examiner et les vérifier? Il s'y porte de lui-même, il y court.
C'est néanmoins, par une déclaration authentique, souscrire à tous les chefs
d'accusation formés contre lui ; c'est, dans un jugement juridique et solennel,
se reconnaître coupable et digne de mort. Il n'importe, l'avantage de
l'absolution lui fait oublier ou lui fait soutenir toute confusion. Or, la
grâce de mon Dieu que j'ai perdue, et qui m'est offerte dans le saint tribunal,
est-ce un avantage moins estimable et qui me doive moins coûter? Ai-je un degré
de foi, si je ne vais pas encore avec plus d'ardeur me montrer aux prêtres : Ostendite
vos sacerdotibus ; si je ne m'empresse pas de leur faire voir mon état, de
leur découvrir mes misères, d'implorer leur médiation, et de recevoir de leur bouche
une prompte et pleine rémission ? Suivons donc, mes Frères, suivons le conseil
de l'Apôtre, qui
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nous avertit d'approcher avec confiance de ce trône de grâce
que Dieu a établi dans son Eglise, et où sont assis ses ministres pour répandre
selon son gré ses bénédictions : Adeamus ergo cum fiducia ad thronum gratiœ,
ut veniam consequamur, et gratiam inveniamus in tempore opportuno (1).
C'est en leurs mains qu'il a déposé toute son autorité, et c'est en votre
faveur qu'il leur a ordonné de l'employer. C'est à eux qu'il a dit : Tout ce
que vous délierez sur la terre, je veux qu'il soit délié dans le ciel ; et tout
ce que vous remettrez, je veux qu'il soit remis. Ses promesses là-dessus sont
les plus précises et les plus formelles, ses volontés les plus expresses ; et
ne sommes-nous pas bien ennemis de nous-mêmes, si nous ne prenons pas soin d'en
profiter?
Cependant, Chrétiens, ne nous
étonnons pas que Dieu ait, s'il m'est permis de parler ainsi, une telle
déférence pour la confession du péché. Ce n'est pas sans fondement, puisque la
confession du péché a d'elle-même tout ce qui peut gagner le cœur de Dieu, et
mettre l'homme dans l'ordre d'une pénitence parfaite. Autre principe, d'où je
prétends que lui vient cette vertu si salutaire pour vous et si puissante. Car
que fait la confession du péché? trois choses : elle humilie le pécheur dans la
vue de son péché ; elle lui inspire la douleur et le repentir de son péché;
elle lui tient lieu d'une satisfaction présente et actuelle de son péché. Or
par là elle détruit absolument en lui le péché. Prenez garde, s'il vous plaît :
en humiliant le pécheur, elle lui arrache jusqu'à la racine du péché, qui est
l'orgueil; en inspirant au pécheur le repentir et la contrition, elle,efface la
tache du péché, qui est ce que les théologiens appellent la coulpe; et en lui
tenant lieu de satisfaction, elle expie même ou du moins commence à expier ce
qu'attire après soi le péché, qui est la peine. De sorte qu'il n'y a rien dans le
péché qui ne cède à son action et à son pouvoir. Tout ceci est remarquable , et
mérite une réflexion particulière.
Je dis que la confession du péché
humilie le pécheur : voilà son premier effet ; et en cela, non-seulement elle
met le pécheur dans l'ordre de la pénitence, mais elle fait en lui la
principale et la plus essentielle fonction de la pénitence. Car, dans la pensée
des Pères, qu'est-ce que la pénitence? Tertullien nous en donne une excellente
idée, savoir, que la pénitence
est comme un art ou une science dont Dieu se sert pour
humilier l'homme, et par où l'homme a lui-même appris de Dieu à s'humilier : Disciplina
humilificandi hominis. Or, de toutes les leçons renfermées dans l'étendue
de cette divine science, il n'y en a pas une qui soit comparable à celle de
confesser son péché: pourquoi? parce qu'il est certain que rien n'humilie tant
l'homme que la confession du péché. Je ne dis pas cette confession vague et
indéterminée par où nous protestons en général que nous sommes pécheurs, sans
spécifier en quoi ni sur quoi nous le sommes : je ne dis pas cette confession
mentale et tout intérieure qui se fait à Dieu du fond de l'âme, et qui ne
consiste qu'à reconnaître devant lui ce qu'il sait assez et ce que nous ne
pouvons lui déguiser ; car, bien loin qu'il faille pour cela de grands
sentiments et de grands efforts d'humilité, on s'en fait même honneur, et c'est
une marque de piété : mais je dis cette confession instituée par Jésus-Christ,
et dont nous avons l'usage dans l'Eglise ; c'est-à-dire cette confession où
nous descendons au détail des choses; où nous ne nous contentons pas de dire :
J'ai péché, mais où nous rendons contre nous-mêmes des témoignages particuliers
de tel et tel péché; où nous disons : Voilà ce que j'ai pensé et ce que j'ai
fait ; voilà la passion qui m'a emporté ; voilà le motif, l'intérêt qui m'a
fait agir ; voilà l'opprobre de ma vie, et c'est en ceci et en cela que j'ai
trahi la cause de mon Dieu : enfin cette confession où nous faisons dans le
tribunal de la pénitence ce que Dieu fera dans le jugement dernier, lorsqu'il
ouvrira toutes les consciences des hommes, et qu'avec un rayon de sa lumière il
ira fouiller et pénétrer dans tous les replis de notre âme, Car c'est justement
le modèle que notre confession se propose à imiter, connue c'est aussi dans
cette vue distincte de nous-mêmes que notre esprit trouve son humiliation : Disciplina
humilificandi hominis. Je dis cette confession que nous ne faisons pas
seulement à Dieu, mais à un homme que nous regardons comme l'envoyé de Dieu; à
un homme qui de lui-même ne nous peut connaître, mais à qui nous exposons
toutes nos faiblesses, toutes nos lâchetés, toutes nos hypocrisies, tout ce
qu'il y a de gâté et de corrompu dans notre cœur; nous soumettant à écouter
tout ce que le zèle lui dictera, à subir toutes les peines qu'il nous imposera,
à observer toutes les règles de vie qu il nous prescrira. Car qu'est-ce que
tout cela, sinon un exercice héroïque de cette discipline
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humiliante dont parle Tertullien : Disciplina humilificandi
hominis ?
Et c'est ici, mes chers
auditeurs, que vous pouvez remarquer avec moi la différence qui s’est rencontrée
et qui se rencontre encore tous les jours entre l'esprit de l'erreur et
l'esprit de la vraie religion. Car l'esprit d'erreur, qui est celui de
l'hérésie, étant un esprit d'orgueil, il n'a pu souffrir de confession et de
pénitence qui l'humiliât. Qu'a-t-il donc fait? il a secoué le joug de cette
confession sacramentelle qui oblige à déclarer le péché, et qui assujettit le
pécheur aux ministres de l'Eglise, et n'a retenu qu'une ombre de confession,
qui n'a rien de difficile ni d'humiliant pour lui. Et quelle humilité en effet
de s'appeler simplement pécheur, puisque les plus grands Saints ont eux-mêmes
tenu ce langage? Quelle humilité de se confesser à Dieu, à vous, Seigneur, dit
saint Augustin, qui ne pouvez rien ignorer de tout ce fie je suis, et aux yeux
de qui vouloir me dérober ce serait une folie extrême, puisque, si j'osais
l'entreprendre, je mériterais que vous vous tinssiez éternellement caché pour
moi, sans que je pusse jamais me cacher à vous : Nam et si confiteri tibi
noluerim, te mihi abscondam, non me tibi! Mais par un esprit tout
contraire, l'Eglise de Jésus-Christ s'est maintenue dans la pratique de cette
confession, dont son divin Epoux lui a fait comme un sacrement d'humilité; et
plus cette confession lui a paru humiliante pour les pécheurs, plus elle s'y
est attachée, parce qu'elle lui a semblé d'autant plus propre à la fin pour
laquelle elle Bidonne que nous en usions : l'humilité et la pénitence se
suivant toujours, et la vraie pénitence ne pouvant être ailleurs que là où se
trouve l'humilité la plus parfaite.
Voilà, mes chers auditeurs, la
grande maxime du christianisme ; et par cette maxime vous devez voir quel est
l'égarement de ceux qui fuient la confession, et qui s'en éloignent par la
honte qu'ils trouvent à confesser leurs péchés. Raisonner ainsi et agir parce
principe, c'est bien se tromper soi-même. Vous fuyez la Confession et vous vous
en dispensez, parce quille porte avec soi une certaine honte ; et ni justement
pour cela qu'il faudrait l'aimer : car cette honte qu'elle vous cause vous
humilie levant Dieu, et ce qui vous humilie devant Dieu, c'est ce que vous devez
chercher dans la pénitence. Ce qui vous a perdu, mon Frère, dit saint Chrysostome,
ce qui a été la source de votre malheur, c'est de n'avoir pas eu assez de
bonté. Vous vous êtes fait un front de prostituée, comme parle l'Ecriture, pour
commettre le péché. Il faut donc que ce soit la honte qui commence maintenant
votre conversion, et que, pour retourner à Dieu, vous repreniez cette honte du
péché que vous aviez perdue. Or, vous ne la retrouverez jamais mieux que dans
la confession du péché même. Quand j'entends les prédicateurs de l'Evangile
faire des discours entiers pour adoucir aux pécheurs ou même pour leur ôter
absolument la honte qu'ils peuvent avoir de s'accuser, je l'avoue, chrétienne
compagnie, quoique j'approuve leur zèle, j'ai peine à ne les pas contredire.
Car pourquoi, dis-je, ôter aux pécheurs ce qu'il faudrait plutôt leur donner
s'ils ne l'avaient pas? Un des grands abus de la confession est de voir s'y
présenter certaines âmes sans nulle honte de leurs crimes, et de leurs crimes
néanmoins les plus honteux. Comme elles les ont hardiment commis, elles les
déclarent avec la même assurance ; et vous diriez, à les entendre, qu'elles ont
droit de n'en pas rougir, parce qu'elles sont d'une qualité et d'un état dans
le monde où l'on ne doit point attendre autre chose d'elles. Les ministres de
la pénitence savent combien cet abus est aujourd'hui commun. Or cet abus, qui
va directement à exclure la honte du péché, bien loin de faciliter la
pénitence, est une impénitence manifeste, ou du moins en est un signe visible.
C'est donc aux prédicateurs et aux confesseurs d’y remédier; comment cela? en
inspirant eux-mêmes cette sainte honte à ceux qui ne l'ont pas, et en apprenant
à ceux qui paraissent l'avoir, à en bien user, en leur faisant concevoir à tous
que c'est l'une des grâces les plus précieuses qu'ils aient à ménager dans ce
sacrement. Je sais que cette honte peut quelquefois aller trop loin ; mais je
consens qu'on la modère alors, et non pas qu'on la détruise. Je sais qu'elle
peut fermer la bouche à un pécheur, et lui faire celer son péché; mais pour le
garantir d'une extrémité, il ne faut pas le faire tomber dans une autre : car
si c'est un excès de cacher son crime par confusion, c'en est un autre encore
plus dangereux peut-être de le déclarer sans humilité.
J'ai dit de plus que la
confession a cela de propre, qu'elle excite en nous la douleur et la contrition
du péché. La raison en est très-naturelle. Car la contrition , disent les
théologiens, se forme dans nos âmes par une appréhension vive et une vue
actuelle de la grièveté du péché et de sa malice. Or, il est certain que nous
ne comprenons jamais plus vivement cette malice
306
du péché que quand nous en faisons la déclaration au
tribunal de la pénitence. C'est alors que le péché se montre à nous dans toute
sa difformité ; c'est alors que notre esprit en est frappé, que notre cœur en
est ému, et que nous pouvons dire avec le Prophète-Royal : Non est pax
ossibus meis a facie peccatorum meorum (1). Hors de là nous n'y pensons
qu'à demi ; et quoique ce péché soit un poids qui nous accable, les idées que
nous en avons sont si légères, qu'elles ne nous en laissent presque aucun
sentiment. Mais quand nous approchons du ministre qui nous doit juger, et aux
pieds duquel nous venons nous accuser, vous le savez, mes chers auditeurs, et
l'expérience vous l'aura fait connaître, ces idées si faibles auparavant se
réveillent tout à coup, se fortifient, deviennent sensibles, remuent le fond de
nos passions, nous attendrissent pour Dieu, nous donnent une sainte horreur de
nous-mêmes, nous tirent quelquefois les larmes des yeux. Or ces larmes, selon
saint Augustin, ces sentiments tendres, ces mouvements d'horreur contre le
péché, sont les dispositions les plus efficaces et les grâces prochaines de la
contrition.
Et voilà l'innocent et le divin
secret qu'avait trouvé le saint roi Ezéchias pour renouveler dans son cœur
l'esprit de pénitence. Que faisait-il? il parcourait toutes les années de sa vie,
et il confessait à Dieu toutes ses infidélités : Recogitabo tibi annos meos
in amaritudine animœ meœ (2). Quoique la confession ne fût pas encore
érigée en sacrement comme elle l'est dans la loi de grâce, elle ne laissait pas
d'opérer en lui et de le toucher. Cette revue exacte de tout le passé était
suivie de l'amertume de son âme, et cette amertume était la véritable douleur
qu'il cherchait : Recogitabo tibi in amaritudine. N'est-ce pas ce qui
arrive encore tous les jours à tant de pécheurs? Leurs cœurs, qui semblaient
être endurcis, commencent à s'amollir dès que leur langue commence à parler.
Jusque-là on eût dit que ces cœurs étaient fermés, et impénétrables à tous les
traits de la grâce; mais à peine se sont-ils ouverts par une déclaration fidèle
et entière, qu'après s'être présentés à la pénitence tomme une terre sèche et
aride, ils s'en retournent tout pénétrés de la rosée du ciel : pourquoi ? parce
qu'ils ont ressenti l'efficace et la vertu de la confession. Tel est l'effet de
cette parole si énergique, et dont les Pères de l'Eglise nous font tant
d'éloges : Peccavi, j'ai péché : de cette
parole qui fut la confession et le principe de la
justification d'un des plus parfaits et des plus illustres pénitents. Voyez,
mes Frères, dit saint Ambroise, combien trois syllabes sont puissantes : Quantum
tres syllabœ valent! Celte parole seule changea le cœur de Dieu, paroi que
d'un Dieu courroucé elle en fit un Dieu propice ; et le cœur de David , parce
que d'un adultère et d'un homicide elle en fit un saint. Or, si elle a fait un
saint de David, que peut-elle faire et que doit-elle faire de nous? Car cette
courte parole : Peccavi, est maintenant bien plus efficace encore
qu'elle n'était alors. Etant devenue une des parties les pins essentielles d'un
sacrement auquel Jésus-Christ a attaché tous ses mérites, elle a une vertu
toute divine qu'elle n'avait pas. D'où il s’usait qu'elle doit donc avoir dans
la bouche d'un chrétien toute une autre force que dans celle de David. Je ne
parle pas, au reste, selon le langage et l'expression des libertins, dont je ne
ferai point ici difficulté de me servir; je ne parle pas de ce Peccavi
présomptueux qu'ils se promettent dans l'avenir, et sur quoi ils fondent
l'espérance d'une conversion imaginaire qu'ils n'accompliront jamais; je ne
parle pas de ce Peccavi superficiel, qui n'est que sur le bord des
lèvres, et qui ne part point du cœur; je ne parle pas de ce Peccavi
contraint et forcé, que la nécessité arrache à un moribond : car tout cela est
réprouvé de Dieu. Mais je parle de ce Peccavi sincère et douloureux qui
est le symbole de la confession des justes; et pour celui-là, je soutiens qu'il
a un don particulier d'exciter en nous la contrition, et par conséquent
d'effacer le péché.
Je vais encore plus avant, et je
prétends enfla qu'il ne tient qu'à nous que la confession ne commence déjà à
expier la peine du péché, et qu'elle ne nous serve de satisfaction pour le
péché. Car, puisque la confession du péché nous est pénible, puisque nous y ressentons
une répugnance qui coûte à surmonter, puisque nous la regardons comme un des
exercice! du christianisme les plus laborieux, pourquoi ne nous en ferions-nous
pas un mérite auprès de Dieu? et pourquoi ne pourrait-on pas dire de nous ce
que saint Grégoire a dit de ce serviteur de l'Evangile, qui, se confessant
insolvable aux pieds de son Maître, obtint une remise entière de toute sa
dette? In confessione debiti invenit debiti solutionem.
C'est en ce sens que nous devons
prendre ce que dit saint Ambroise, que la confession du péché est l'abrégé de
toutes les peines que Dieu
307
a ordonnées contre le péché : Omnium pœnarum compendium.
Il semble d'abord que ce soit une exagération, mais c'est une vérité fondée sur
les plus solides principes de la théologie. Comprenez-la; car il est certain
que jamais la justice de Dieu ne perd rien de ses droits, et que, de quelque
façon que ce soit, ou dans l'autre vie ou en celle-ci, elle tire la satisfaction
et la vengeance qui lui est due pour le péché. Or, il est de la foi que le
péché limite dans l'autre vie des peines éternelles, et il est encore de la foi
que ces peines éternelles sont acquittées en celle-ci par la confession. Il
faut donc que la confession ait quelque chose en soi qui égale, dans l'estime
de Dieu, cette éternité de peines, et que toutes ces peines de l'enfer soient,
pour ainsi dire, abrégées dans Il douleur intérieure d'une âme qui confesse son
péché : Omnium pœnarum compendium. Après cela, si nous n'avons pas perdu
tout le zèle que nous devons avoir pour l'importante affaire de notre salut,
pouvons-nous ne pas aimer une pratique où nous trouvons de tels avantages?
Concluons donc avec le Prophète,
ou plutôt avec saint Augustin interprétant les paroles du Prophète, et les
appliquant au même sujet que moi : Confessio et pulchritudo in conspectu
ejus (1). Prenez garde, dit saint Augustin : ces deux choses ne se séparent
point devant Dieu, la confession du péché et la beauté de l’âme : Confessio
et pulchritudo. Et c'est dans ces paroles, mon Frère, poursuit le même
saint docteur, que vous apprenez tout à la fois et à qui vous pouvez plaire, et
par où vous lui pouvez plaire. A qui vous pouvez plaire, c'est à voire Dieu;
par où vous lui pouvez plaire, c'est par la confession de votre péché : Audis
cui placeas, et quomodo placeas. Par conséquent, si vous aimez votre âme,
si vous voulez la rendre pure et agréable aux yeux de Dieu, faites-vous de la
confession un exercice fréquent et ordinaire : Ama confessionem, si affectas
decorem.
Ah ! Chrétiens, si vous aviez
autant de passion pour plaire à Dieu que vous en avez pour plaire à de faibles
créatures; et vous, femmes du monde, si vous faisiez autant d'état de cette
grâce intérieure, qui doit être le plus bel ornement de vos âmes, que vous en
faites de cette grâce extérieure du corps, dont vous êtes si idolâtres, et qui
devient le scandale du prochain, avec quelle assiduité et quelle ferveur vous
verrait-on fréquenter le tribunal de la
pénitence ! Faudrait-il employer tant de sollicitations pour
vous y attirer ? Dès que vous vous sentez coupables devant Dieu, pourriez-vous
demeurer un jour dans cette disposition criminelle? surtout y pourriez-vous
demeurer comme il n'arrive que trop, les années entières? N'iriez-vous pas
chercher le remède pour vous guérir de cette lèpre qui vous défigure?
N'iriez-vous pas à la sainte piscine, vous laver et vous purifier? Quoi qu'il
en soit, nous avons vu comment, par rapport au passé, la confession efface Je
péché commis; et nous allons voir comment, par rapport à l'avenir, elle nous
préserve des rechutes dans le péché. C'est la seconde partie.
DEUXIÈME PARTIE.
Quoique, dans la doctrine des
Pères, la justification d'un pécheur soit le plus grand de tous les ouvrages de
Dieu, et que cet ouvrage coûte plus à Dieu que la résurrection des morts et la
création de tout un monde, on peut dire néanmoins, et il est vrai, que ce
serait peu pour un pécheur d'être justifié par la grâce de la pénitence, s'il
n'avait pas de quoi se maintenir dans cette grâce, et s'il manquait des moyens
nécessaires pour se garantir des rechutes dans le péché. Car, comme dit saint
Jérôme, être guéri pour retomber dans une plus griève maladie, et ressusciter
pour mourir d'une mort encore plus funeste, c'est plutôt une punition et un
malheur, qu'une grâce et un bienfait. De là je juge, et vous devez juger avec
moi, quelle est l'excellence de la confession, et quels avantages nous en
relirons, puisqu'on même temps qu'elle nous réconcilie avec Dieu, elle nous
fixe, autant qu'il est possible et que notre faiblesse le permet, dans ce
bienheureux étal de réconciliation, nous tenant lieu du plus puissant
préservatif que la religion nous fournisse contre le péché. En voici la preuve.
Je considère la confession, ou, pour mieux dire, le sacrement de pénitence,
selon trois rapports qu'il a et qui lui sont essentiels. Le premier à Dieu, ou
plutôt à Jésus-Christ, qui en est l'auteur ; le second au prêtre, qui en est le
ministre ; et le troisième à nous-mêmes, qui en sommes les sujets. Or, dans ces
trois rapports je trouve ma seconde proposition si bien établie, qu'il m'est
évident qu'un chrétien oublie tout le soin de son âme quand il néglige l'usage
de ce sacrement.
Car qu'est-ce que la confession
selon le premier rapport qu'elle a avec Jésus-Christ ? C'est une de ces sources
divines dont parle le Prophète
308
que le Sauveur en mourant fit couler de son sacré côté, et
où les fidèles peuvent puiser à toute heure les eaux de sa grâce, c'est-à-dire
certains secours particuliers que chacune de ces sources leur communique
abondamment, lorsqu'ils se mettent en disposition de le recevoir. Ainsi doit
s'entendre la prédiction d'Isaïe, même dans le sens littéral : Haurietis
aquas in gaudio de fontibus Salvatoris (1). Mais quelle différence y a-t-il
entre ces grâces de la confession sacramentelle et celle des autres sacrements?
La voici : c'est que les grâces de la confession sacramentelle sont
spécialement des grâces de défense, des grâces de soutien, des grâces que Dieu
nous donne pour combattre le péché, pour tenir ferme dans la tentation, pour ne
plus succomber sous le poids de la fragilité humaine, en un mot pour persévérer
dans les résolutions que la pénitence nous a inspirées. Telle est la fin
principale de ce sacrement. Or vous savez que les grâces d'un sacrement ont une
subordination et une liaison nécessaire avec sa fin. Quiconque vient au saint
tribunal, et y apporte les dispositions convenables, a-t-il droit à ces sortes
de grâces? Oui, Chrétiens, et ce droit est fondé sur le pacte que le Fils de
Dieu en a fait avec son Père. C'est ce que toute la théologie nous enseigne.
Tellement qu'un pécheur, après avoir confessé son péché, peut sans présomption
exiger de Dieu non-seulement des grâces communes et générales pour ne le plus
commettre, mais des grâces de réserve et de choix, qui sont les grâces propres
du sacrement; et Dieu ne pourrait sans injustice les lui refuser. Je dis sans
injustice envers son Fils qui les a méritées, et non envers l'homme qui les
reçoit. Hors de la confession, Dieu donne-t-il ces sortes de grâces, et
Jésus-Christ nous les a-t-il promises ailleurs que dans ce sacrement? Non, mes
Frères : il veut que nous les allions puiser dans la source publique : Haurietis
de fontibus Salvatoris. Et en cela il ne nous fait nul tort; car c'est à
nous d'accepter ces grâces de la manière qu'il lui plaît de les dispenser, et
c'est à nous de les chercher et de les prendre où il les a mises. Or il a
renfermé celles-ci, qui nous fortifient contre les rechutes, dans le sacrement
de pénitence. C'est donc à ce sacrement et à la confession que nous devons
avoir recours pour les obtenir.
De là quelles conséquences? Ah!
mes chers auditeurs, il est aisé de les tirer, et encore plus important de les
méditer. Il s'ensuit de là
qu'un chrétien qui quitte l'usage de la confession renonce
aux grâces du salut les plus essentielles, qui sont les grâces de précaution
contre le péché ; et que quand ensuite il se laisse emporter au torrent du
siècle, aux désirs de la chair, aux désordres d'une vie libertine et déréglée,
il est doublement coupable devant Dieu; pourquoi? parce que Dieu lui peut luire
ce double reproche : Tu as commis tout cela; et, par un surcroît de crime et
d'infidélité, tu n'as pas voulu te servir du moyen que je te présentais pour te
préserver de tout cela, qui était de purifier souvent ton âme par la fréquente
confession. Il s'ensuit de là que dans l'ordre que Jésus-Christ a établi pour
le partage des grâces qu'il distribue à son Eglise en qualité de chef et de
souverain pontife, plus l'homme chrétien s'éloigne de la confession, plus il
devient faible pour vaincre le péché; et qu'au contraire plus il en approche,
plus il devient fort, parce qu'il reçoit plus ou moins de ces secours que
Jésus-Christ y a attachés; et que le moyen le plus infaillible pour se soutenir
au milieu du monde et contre ses attaques, est d'aller de temps en temps à
cette source salutaire d'où se fait encore aujourd'hui sur nous une effusion si
abondante du sang du Sauveur et de ses mérites infinis : Haurietis aquas in
gaudio de fontibus Salvatoris. Voilà ce qui s'ensuit: mais que fait
l'ennemi de noire salut? Toujours attentif à notre perte, et voyant que cette
source de la confession est si féconde en grâces pour nous, il tâche
(permettez-moi d'user de ces expressions figurées), il tâche de l’empoisonner
ou de la dessécher : de l'empoisonner, par le mauvais usage qu'il nous en fait
faire; ou de la dessécher, en nous persuadant de n'en faire nul usage et de
l'abandonner. Il se comporte à notre égard comme Holopherne se comporta dans le
siège de Béthulie ; car, de même que ce fier conquérant, pour réduire les
habitants de Béthulie à l'extrémité, coupa tous les canaux par où l'eau y était
conduite, ainsi l'esprit séducteur, qui nous assiège de toutes parts, s'efforce
de rompre ce sacré canal de la confession, par où le sang du Fils de Dieu
découle sur nous; c'est-à-dire qu'il nous donne du dégoût pour le sacrement de
pénitence, qu'il nous exagère la difficulté de le fréquenter, qu'il fait naître
sans cesse des occasions qui nous en détournent, qu'il se transforme en ange de
lumière, pour nous faire entendre qu'il est à craindre qu'on ne profane ce
sacrement, qu'il vaut mieux s'en retirer que de s'exposer aux suites
malheureuses d'une
309
confession sacrilège, qu'il y faut une longue préparation,
et que sans cela on y trouve la Bort, au lieu d'y reprendre une nouvelle vie et
de nouvelles forces. Ah ! Chrétiens, combien y en a-t-il qui se laissent
surprendre à cet artifice et qui tombent dans ce piège? Pour nous tenir
là-dessus en garde, ayons toujours devant les yeux les avantages de la
confession, et considérons-la, non-seulement par rapporta Jésus-Christ,
l'auteur du sacrement de pénitence, mais par rapport au prêtre, qui en est le ministre.
Il n'est rien, j'ose le dire, (et
plût à Dieu que je pusse bien aujourd'hui vous faire comprendre cette maxime!)
il n'est rien de si efficace ni de si engageant pour nous maintenir dans le
devoir d'une vie réglée, que l'assujettissement volontaire de nos consciences
et de nous-mêmes à un homme revêtu du pouvoir de Dieu, et établi de Dieu pour
nous gouverner. En effet, Chrétiens, que ne peut point un directeur prudent et
zélé pour la sanctification dis aines, quand une fois elles sont résolues de se
confier en lui et d'écouter ses remontrances? Si ce sont des âmes mondaines,
quels commerces ne leur fait-il pas rompre, à quoi ne les oblige-t-il pas de
renoncer, et de quels engagements ne les détache-t-il pas, par la seule raison
de la sainte déférence qu'elles lui ont vouée? Si ce sont des âmes passionnées,
combien de haines leur arrache-t-il du cœur? combien leur fait-il oublier
d'injures? à combien de réconciliations les porte-t-il, auxquelles on n'avait
pu les déterminer, et que tout autre que lui aurait tentées inutilement ?
N'est-ce pas son zèle, ou plutôt n'est-ce pas par la confiance que l'on a en
son zèle, que les âmes intéressées réparent l'injustice, abandonnent leurs
trafics usuraires, et consentent à des restitutions dont elles s'étaient
défendues depuis de longues années avec une obstination presque invincible? Qui
fait cela, Chrétiens? cette grâce de direction que Dieu a donnée à ses
ministres pour la conduite des fidèles; car le même caractère qui les constitue
nos juges dans le tribunal de la pénitence pour prononcer sur le passé, les
constitue nos pasteurs, nos Brides, nos médecins pour l'avenir. Je dis nos
médecins, pour nous tracer le régime d'une sainte vie ; nos guides, pour nous
montrer le chemin où nous devons marcher ; nos pasteurs, pour nous éclairer
dans nos doutes, pour nous redresser dans nos égarements, pour nous ranimer
dans nos défaillances, pour nous donner une pâture toute céleste qui nous
soutienne. Comme en vertu de leur ministère ils sont tout cela, ils ont grâce
pour tout cela ; et cette grâce, qui n'est que gratuite pour eux-mêmes, mais
sanctifiante pour nous, est justement celle qui agit en nous quand nous nous
soumettons à eux avec toute la docilité convenable. Tel est l'ordre de Dieu,
mes chers auditeurs. C'est ainsi qu'il a gouverné les plus grands hommes et les
plus éminents en sainteté. Il pouvait les sanctifier immédiatement par
lui-même, mais il ne l'a pas voulu ; il les a assujettis à d'autres hommes et
souvent même à d'autres hommes moins élevés et moins parfaits; il s'est servi
des faibles lumières de ceux-ci pour perfectionner les hautes lumières de
ceux-là : voilà comment en a toujours usé sa providence. Or il n'est pas
croyable que cette loi ayant été faite pour tous les Saints, Dieu en doive
faire une nouvelle pour nous.
Sur quoi je ne puis assez déplorer l'aveuglement des gens du
siècle, qui, par une erreur bien pernicieuse, ou pour mieux dire par une
mortelle indifférence à l'égard de leur salut, au lieu de prendre cette règle
de direction qui leur est si nécessaire, osent la traiter de simplicité et de
faiblesse d'esprit. Demandez-leur, selon le langage de saint Pierre, quel est
le pasteur de leur âme (je ne dis pas le pasteur en titre, car ils ne peuvent
se dispenser d'en avoir un établi par Jésus-Christ pour le gouvernement de
chaque église, mais le pasteur particulier qui les dirige et qui les conduit
dans les voies de Dieu), ils tourneront ce discours en raillerie, et ils en
feront un jeu ; d'où il arrive que dans les choses du ciel et de la conscience,
qui sont si importantes et si délicates, dont ils ont tant de fausses idées, et
sur lesquelles ces prétendus esprits forts auraient souvent besoin d'être
instruits comme des enfants, toute leur conduite se termine à n'en avoir que
d'eux-mêmes, ou à n'en point avoir du tout : ils ne craignent rien tant que
cette direction qui leur parait importune, parce qu'elle les mènerait plus loin
qu'ils ne souhaitent. Us veulent, disent-ils, des confesseurs, et non des
directeurs, comme si l'un pouvait être séparé de l'autre, et que le confesseur,
pour s'acquitter de son devoir et pour assurer l'ouvrage de la grâce, ne fût
pas obligé d'entrer dans le même détail que le directeur. Tout cela veut dire
qu'ils veulent des confesseurs qui ne les connaissent pas, qui ne les examinent
pas, qui ne les gênent pas ; des confesseurs dont ils ne reçoivent nuls avis,
dont ils n'entendent nulles remontrances, à qui ils ne rendent nul
310
compte ; parce qu'ils savent bien que s'ils se mettaient
entre les mains de quelque ministre zélé, ils n'auraient pas la force de lui
résister en mille rencontres et sur mille sujets, où ses décisions ne
s'accorderaient pas avec leurs inclinations vicieuses et leurs liassions ;
parce qu'ils ne sont pas bien résolus de changer de vie, ou de persévérer dans
celle qu'ils ont embrassée ; parce qu'ils sentent bien et qu'ils ne peuvent
ignorer quel serait l'effet d'une direction ferme et sage, soit pour les confirmer
dans ce qu'ils ont entrepris, soit pour faire de nouveaux progrès dans le
service de Dieu.
Enfin, à considérer la confession
par rapport à nous-mêmes, l'expérience nous l'apprend, et nous n'en pouvons
disconvenir, que c'est un frein merveilleux pour arrêter notre cœur, et pour
réprimer ses désirs criminels. Cette seule pensée, il faudra déclarer ce péché,
a je ne sais quoi de plus convaincant et de plus fort que les plus solides
raisonnements et que les plus pathétiques exhortations, surtout si la
confession est fréquente, et que par là elle ne soit jamais éloignée ; car la
pensée d'une confession prochaine fait alors la même impression sur nous que la
pensée de la mort et du jugement de Dieu. Oui, mon cher auditeur, se dire à
soi-même, je dois demain, je dois dans quelques jours comparaître au tribunal
de la pénitence, et m'accuser sur tel ou tel article, c'est une réflexion
presque aussi efficace et aussi touchante que de se dire : Je dois peut-être
demain, peut-être dans quelques jours, comparaître devant le tribunal de Dieu
et y être jugé. Combien cette vue a-t-elle retiré d'âmes du précipice où le
penchant les entraînait, et combien y en a-t-il encore dont elle soutient tous
les jours la fragilité naturelle et l'infirmité contre les plus violentes
tentations !
Mais, par une règle toute
contraire, quand une fois nous avons secoué le joug de la confession que
Jésus-Christ nous a imposé, il n'y a plus rien qui nous retienne ; et, livrés à
nous-mêmes, en quels abîmes n'allons-nous pas nous jeter? Comme la vue de la
mort ne nous effraie point lorsque nous la croyons bien éloignée, la vue d'une
confession remise jusqu'à la fin d'une année ne nous inquiète guère. On dit: 1!
ne m'en coûtera pas plus d'en dire beaucoup que d'en dire peu; ce péché passera
bien encore avec les autres ; plus ou moins dans la même espèce, c'est a peu
près la même chose. On le dit, et cependant on accumule dettes sur dettes, on
ajoute offenses à offenses, on grossit ce trésor de colère qui retombera sur
nous au dernier jour, pour nous accabler. De là vient que les hérésies qui se
sont attaquées à la confession ont été suivies d'une si grande corruption de
mœurs ; ce qui ne parut que trop dès la naissance du luthéranisme. Partout où
l'usage de la confession s'abolissait, le libertinage et la licence
s'introduisaient. Cette décadence frappait tellement les yeux et devenait tous
les jours si sensible, que les hérétiques eux-mêmes en étaient surpris.
Jusque-là, (vous le savez, ut qui oserait m'en démentir?) jusque-là que des
villes entières, quoique attachées au parti de l'erreur et infectées de son
venin, s'adressèrent au prince qui les gouvernait, pour rétablir l'ancienne
discipline de la confession ; reconnaissant qu'il n'y avait plus chez elles ni
bonne foi, ni probité, ni innocence, depuis que les peuples étaient déchargés
de ce joug qui les retenait. De là vient que l'hérésie de Calvin fit d'abord de
si grands progrès et trouva tant de sectateurs, parce qu'en les affranchissant
de la confession, elle leur donnait une libre carrière pour se plonger
impunément dans tous les excès, et pour vivre au gré de leurs mœurs corrompues.
De là vient qu'à mesure que l'iniquité croît dans le monde, la pratique delà
confession diminue ; et que l'on commence à la quitter dès que l'on commence à
se dérégler.
Vous me direz qu'il se glisse
bien des abus dans la confession. Je le veux; et de quoi dans le christianisme
ne peut-on pas abuser et n'abuse-t-on pas en effet ? mais tous les abus qu'on
peut faire d'un exercice chrétien ne lui ôtent rien de son excellence et de ses
avantages, puisque ce n'est pas de l'exercice même que viennent les abus, mais
de nous qui le profanons. Ainsi, malgré les fautes qui se commettent dans la
confession, ou qui peuvent s'y commettre, trois vérités sont toujours
incontestables. La première, que d'elle-même et de son fonds, c'est pour le
pécheur un moyen de conversion et de persévérance dans sa conversion : la
seconde, que c'est encore pour le juste un moyen de perfection et de
sanctification : et la troisième, que la conséquence qui suit naturellement de
là, c'est de retenir l'usage de la confession , et cependant d'en corriger les
abus. Grâces immortelles vous soient rendues, Seigneur, Dieu de toute
consolation et Père des miséricordes ! Vous pouviez, après notre péché, nous
abandonner, et par un prompt châtiment punir notre ingratitude, et réparer
ainsi votre gloire ; votre justice le demandait : mais votre bonté s'y est
opposée, et vous a inspiré des sentiments plus favorables. Elle nous a ouvert
une
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voie sûre, une voie courte et facile pour retournera vous.
C'est par là que vous nous rappelez par là que vous venez vous-même nous chercher.
Heureux si nous écoutons votre voix, si nous la suivons, si nous rentrons,
comme la brebis égarée, dans votre troupeau, pour entrer un jour dans votre
royaume, où nous conduise, etc.